N° 4363 - Rapport d'information de MM. Claude Goasguen et Christophe Sirugue déposé en application de l'article 146-3 du règlement, par le comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques sur la mise en oeuvre des conclusions du rapport d'information (n°3524) du 9 juin 2011 sur l'évaluation de l'aide médicale de l'Etat



N° 4363

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 16 février 2012.

RAPPORT D’INFORMATION

déposé

en application de l'article 146-3, alinéa 8, du Règlement

par le comité d’évaluation et de contrôle
des politiques publiques sur

la mise en œuvre des conclusions
du rapport d’information (n° 3524) du 9 juin 2011
sur l’
évaluation de l’aide médicale de l’État

et présenté

par MM. Claude GOASGUEN et Christophe SIRUGUE,

Députés.

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INTRODUCTION 5

I. LE RAPPORT D’ÉVALUATION DE L’AIDE MÉDICALE DE L’ÉTAT A VU UNE DE SES RECOMMANDATIONS PRINCIPALES RAPIDEMENT APPLIQUÉE 7

A. LES CONCLUSIONS DU RAPPORT INSISTAIENT SUR LA NÉCESSAIRE « VÉRITÉ DES COÛTS » EN MATIÈRE DE TARIFICATION 7

B. UNE APPLICATION RAPIDE DANS LE CADRE DU PROJET DE LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2011 7

1. La discussion à l’Assemblée nationale 7

2. L’adoption par le Sénat d’un amendement du Gouvernement appliquant les recommandations du Comité 8

C. UN COLLECTIF VOTÉ À LA FIN DE L’ANNÉE 2011 A PERMIS D’ABONDER LA DOTATION INITIALE, DONT LE NIVEAU S’EST UNE FOIS ENCORE RÉVÉLÉ INSUFFISANT 9

D. LES DÉBATS À L’ASSEMBLÉE NATIONALE LORS DE LA DISCUSSION DU PROJET DE LOI DE FINANCES INITIALE POUR 2012 10

1. Les débats en commission 10

2. Le rapport spécial sur les crédits de la santé pour 2012 10

3. La discussion à l’Assemblée nationale 11

II. LES AUTRES CONCLUSIONS DU RAPPORT ONT CONNU DES FORTUNES DIVERSES 13

RÉUNION DU COMITÉ DU 16 FÉVRIER 2012 : EXAMEN DU PROJET DE RAPPORT DE SUIVI 15

ANNEXE N° 1 : SYNTHÈSE DU RAPPORT 21

ANNEXE N° 2 : COURRIER DE M. LE PRÉSIDENT BERNARD ACCOYER À M. FRANÇOIS FILLON, PREMIER MINISTRE 22

ANNEXE N° 3 : COURRIER DE MM. LES RAPPORTEURS À M. XAVIER BERTRAND, MINISTRE DU TRAVAIL, DE L’EMPLOI ET DE LA SANTÉ 23

INTRODUCTION

Le 9 juin 2011, le Comité d’évaluation et de contrôle (CEC) a autorisé la publication du rapport d’information (1) (n° 3524) présenté par MM. Claude Goasguen (UMP) et Christophe Sirugue (SRC), sur l’évaluation de l’aide médicale de l’État (AME).

Le présent rapport assure, en application des dispositions du Règlement de l’Assemblée nationale relatives au CEC (2), le suivi de ce rapport d’information intitulé « L’aide médicale de l’État : mieux gérer un dispositif nécessaire ».

Le rapport d’information précité établissait un bilan du fonctionnement du dispositif de l’aide médicale de l’État, en mettant en évidence son intérêt en termes de santé publique mais en s’interrogeant sur les moyens de mieux connaître et de maîtriser l’origine des variations des dépenses afférentes. Les conclusions du document, qui soulignaient l’utilité du dispositif, mettaient en relief la nécessité d’une adaptation et d’une modernisation de sa gestion, notamment en ce qui concernait les modalités de tarification des soins hospitaliers (cf. la synthèse du rapport en annexe au présent rapport).

Deux types de recommandations étaient développés. En effet, si les rapporteurs avaient bien émis six recommandations partagées, chacun avait également tenu à apporter sa propre contribution, en mettant l’accent sur des points qu’il jugeait prioritaires. Des recommandations spécifiques à chacun concluaient donc les travaux des rapporteurs. Le présent document retrace le suivi des propositions partagées.

Conformément à l’article 146-3 du Règlement de l’Assemblée nationale, le rapport d’information a été transmis le 17 juin 2011 par le Président Bernard Accoyer au Premier ministre (cf. annexe n° 2), le courrier précisant que « le Comité sera particulièrement attentif à la manière dont le Gouvernement entend prendre en considération les recommandations partagées par ses deux rapporteurs, qui constituent les recommandations du Comité, notamment à l’occasion de la prochaine discussion budgétaire. » Le Président Bernard Accoyer a également adressé deux courriers similaires aux ministres dont relève la gestion de l’aide médicale de l’État :

– l’un à M. François Baroin, alors ministre du Budget, des comptes publics, de la fonction publique, de la réforme de l’État et porte-parole du Gouvernement ;

– l’autre à M. Xavier Bertrand, ministre du Travail, de l’emploi et de la santé.

Pour examiner les suites données par le Gouvernement au rapport précité, les rapporteurs ont ensuite transmis le 29 novembre 2011 un questionnaire (cf. annexe n° 3) à M. Xavier Bertrand, ministre en charge de la Santé.

Aucune réponse n’a été apportée aux rapporteurs, ce qui est extrêmement regrettable. Compte tenu de cette absence de réponse, les rapporteurs ont collecté des informations éparses, notamment extraites des débats parlementaires, afin de reconstituer les conditions d’application de leurs propositions.

I. LE RAPPORT D’ÉVALUATION DE L’AIDE MÉDICALE DE L’ÉTAT
A VU UNE DE SES RECOMMANDATIONS PRINCIPALES RAPIDEMENT APPLIQUÉE

A. LES CONCLUSIONS DU RAPPORT INSISTAIENT SUR LA NÉCESSAIRE « VÉRITÉ DES COÛTS » EN MATIÈRE DE TARIFICATION

Pour les rapporteurs, une des premières décisions à prendre afin de réduire le coût du dispositif pour l’État et, surtout, aboutir à une certaine « vérité des prix », consistait à changer le mode de tarification des soins hospitalier. Pour les patients relevant de l’AME, il était nécessaire d’abandonner progressivement le tarif journalier de prestation (TJP) afin d’adopter la tarification de droit commun par groupe homogène de séjour (GHS). Les rapporteurs, en la matière, rejoignaient les conclusions de la mission conjointe Igas-IGF de 2010, qui estimaient que le TJP était devenu « une variable d’ajustement des recettes de l’hôpital dans des conditions manquant de transparence ».

B. UNE APPLICATION RAPIDE DANS LE CADRE DU PROJET DE LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2011

Cette dernière recommandation a été appliquée à l’été, dans le cadre de la discussion du premier projet de loi de finances rectificative pour 2011 (3).

1. La discussion à l’Assemblée nationale

En première lecture du projet de loi de finances rectificative, le 10 juin dernier (soit le lendemain de la réunion du Comité ayant autorisé la publication du rapport), l’Assemblée nationale a discuté de l’amendement n° 13 portant article additionnel après l’article 18 de notre collègue M. Dominique Tian (UMP) (4).

Le dispositif de l’amendement indiquait, sans plus de précisions, que les dépenses de l’aide médicale de l’État étaient prises en charge sur la base des tarifs prévus par l’article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale (soit ceux applicables dans le cadre de la tarification à l’activité).

L’exposé sommaire de l’amendement n’évoquait pas les travaux du CEC mais ceux de la Mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (MECSS) sur la fraude sociale (5) : « Le directeur général de la CNAMTS vient de reconnaître devant l’Assemblée nationale, au cours de son audition du 5 novembre 2010 devant la MECSS, que les hôpitaux surfacturaient à l’État la prise en charge des bénéficiaires de l’aide médicale d’État (AME). Le directeur général de la CNAMTS a chiffré cette surfacturation à 130 millions d’euros par an, soit près de 25 % de l’ensemble du budget annuel de l’AME. Le présent amendement a pour objet de limiter la dépense au montant fixé pour l’ensemble des assurés sociaux, dans le cadre de la tarification à l’activité. »

Le Gouvernement a émis un avis défavorable à l’amendement, qui avait été accepté par la commission des Finances ; adopté sans débat, il est devenu l’article 18 bis du projet de loi tel qu’adopté par l’Assemblée nationale.

2. L’adoption par le Sénat d’un amendement du Gouvernement appliquant les recommandations du Comité

Lors de la discussion au Sénat du projet de loi de finances rectificative le 23 juin dernier, le Gouvernement a déposé un amendement n° 238 dont l’adoption conduisait à supprimer l’article additionnel introduit par l’Assemblée nationale et à modifier la tarification des soins assurés aux patients relevant de l’aide médicale de l’État. L’amendement a été adopté par le Sénat et est devenu, après promulgation de la loi, l’article 50 de la loi de finances rectificative.

L’amendement adopté, qui introduit un article L. 162-22-11-1 nouveau dans le code de la sécurité sociale, se fonde notamment sur les conclusions du rapport d’information présenté par les rapporteurs. Il introduit un changement du mode de fixation des tarifs applicables aux soins assurés aux patients relevant de l’aide médicale de l’État. Le ministre chargé de la Santé, M. Xavier Bertrand, a expliqué au Sénat que l’amendement adopté par l’Assemblée nationale conduisait à une réforme brutale de la tarification, ce qui n’était pas souhaitable pour des raisons pratiques et logistiques ; de plus, il a fait valoir que l’amendement adopté par l’Assemblée nationale n’avait prévu aucune mesure d’accompagnement pour les hôpitaux.

La réforme proposée par le Gouvernement et adoptée par le Sénat vise donc à modifier la tarification à partir du 1er décembre 2011 ; la tarification modifiée entrera complètement en vigueur en 2013. Il s’agit d’un système reposant sur la tarification à l’activité (le tarif sera équivalent à 80 % du tarif « de droit commun »), mais modulée par deux coefficients correcteurs afin de prendre en compte, d’une part, les spécificités de ces patient, et, d’autre part, les difficultés des hôpitaux lors de la transition (6). La facturation des soins hospitaliers dans le cadre de l’AME garde donc toujours une spécificité. Cette réforme ne s’applique pas aux soins assurés dans le cadre de la procédure des soins urgents.

Selon le ministre, l’économie réalisée se monte à 150 millions d’euros sur trois ans. L’économie réalisée sur 2012 se montera à 50 ou 60 millions d’euros.

Un arrêté et une lettre-cadre ont ensuite procédé à la mise en œuvre de la disposition. Selon les informations dont disposent les rapporteurs, en raison des difficultés de logistique et de changements des systèmes d’information, le système ne sera complètement opérationnel, au niveau des caisses primaires, que le 1er juillet 2012.

Il est à noter une première réaction politique suivant ces décisions ; ainsi, la Ville de Paris, dans un communiqué du 16 décembre dernier, « s’indigne et conteste les coupes budgétaires sévères annoncées par le Gouvernement en matière de prise en charge des personnes les plus vulnérables dans le cadre de l’aide médicale d’État (AME) au sein de l’AP-HP. Dans un contexte de récession économique où les renoncements aux soins pour des raisons financières touchent de plus en plus de personnes, l’État vient de décider de réduire de manière inopportune et inacceptable la part allouée pour 2012 à l’AP-HP concernant les soins des personnes allocataires de l’AME. Ces coupes budgétaires de 40 millions d’euros (sur une enveloppe de 120 millions en 2011), décidées hors de toutes réflexions de santé publique, témoignent d’arbitrages au mépris de l’hôpital public et des personnels soignants qui continueront à les accueillir. Elles ne pourront que creuser les déficits, dégrader l’accès aux soins des personnes vulnérables et compromettre le travail des professionnels de santé. (…) »

Si les rapporteurs ont bien conscience de la nécessité de mettre en œuvre cette réforme de la tarification hospitalière de manière progressive, il n’en demeure pas moins que le dispositif qui préexistait manquait singulièrement de transparence et ne contribuait pas à la bonne gestion du dispositif.

C. UN COLLECTIF VOTÉ À LA FIN DE L’ANNÉE 2011 A PERMIS D’ABONDER LA DOTATION INITIALE, DONT LE NIVEAU S’EST UNE FOIS ENCORE RÉVÉLÉ INSUFFISANT

Le collectif de fin d’année (loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011) a permis une ouverture supplémentaire de crédits de 35 millions d’euros destinée au financement de l’aide médicale d’État de droit commun (AME).

Comme le souligne le rapport général de la commission des finances, cette pratique d’ouvertures de crédits en fin d’année présente un caractère « traditionnel ». Malgré la revalorisation de la dotation initiale (535 millions d’euros en loi de finances initiale pour 2010 contre 588 millions d’euros en loi de finances initiale pour 2011), la dotation au titre de l’exercice 2011 s’est encore révélée insuffisante, les réformes engagées au cours de l’année 2011 n’ayant sans doute pas porté encore tous leurs effets.

Les rapporteurs estiment que ce phénomène, dont l’ampleur a certes été significativement réduite, rend d’autant plus nécessaire leur recommandation d’une budgétisation la plus précise possible des besoins en loi de finances initiale.

D. LES DÉBATS À L’ASSEMBLÉE NATIONALE LORS DE LA DISCUSSION DU PROJET DE LOI DE FINANCES INITIALE POUR 2012

La discussion du projet de loi de finances initiale pour 2012, en particulier relative aux moyens de la mission « Santé », a permis de faire le point sur le dispositif en disposant des données les plus récentes.

1. Les débats en commission

Les débats en commission des Finances relatifs à l’AME se sont d’abord concentrés, s’agissant de la première partie du projet de loi de finances, sur le droit de timbre introduit en 2010, la commission rejetant un amendement de M. Dominique Baert (SRC) visant à le supprimer.

La commission des Affaires sociales s’est prononcée, pour avis, sur les crédits pour 2012 de la mission « Santé » le 9 novembre 2011. Au cours cette réunion, Mme Anny Poursinoff (7) a déposé un amendement visant à ce que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur l’accueil en France des demandeurs d’asile et autres exilés précaires. M. Christophe Sirugue (SRC), l’un des co-rapporteurs, rappelant les conclusions du rapport d’information, a estimé que la proposition d’Anny Poursinoff allait dans le bon sens. Cependant, le rapporteur pour avis M. Vincent Descoeur (UMP), estimant que le rapport précité comme celui de l’Igas-IGF apportaient une information suffisante, a émis un avis défavorable et l’amendement a été rejeté.

Une commission élargie, réunissant les membres de la commission des Finances et ceux des Affaires sociales, s’est réunie le 3 novembre 2011 afin d’entendre la Secrétaire d’État à la Santé Mme Nora Berra, sur les crédits consacrés à la mission « Santé » dans le projet de loi de finances pour 2012. M. Gérard Bapt (SRC), rapporteur spécial, a souligné que les crédits pour 2012 (588 millions d’euros) étaient maintenus au même niveau qu’en 2011, notamment en raison des effets de la réforme de la tarification hospitalière intervenue à l’été. Il a indiqué que la diminution du nombre des ayants droit était sans doute imputable au droit d’entrée de 30 euros.

2. Le rapport spécial sur les crédits de la santé pour 2012

Le rapport spécial (n° 3805) de la commission des Finances sur les moyens de la mission « Santé » pour 2012 fournit des informations récentes sur la gestion du dispositif. Soulignant la stabilité des crédits pour 2012 par rapport à ceux adoptés dans le cadre de la loi de finances pour 2011, le rapporteur spécial souligne que « La volonté d’assurer un meilleur calibrage de la dotation initiale semble s’être faite jour, démarche que ne peut qu’approuver le Rapporteur spécial. »

Le rapport spécial indique que la croissance des dépenses au titre de l’AME ralentit après la forte croissance de 2009 (+ 13,3 %) : +7,5 % en 2010 et +2 % en 2011 (8). Les prévisions pour 2012 sont fondées sur une dépense totale de 601 millions d’euros, minorée, d’une part, des économies attendues de la réforme de la tarification (soit un total de 472 millions d’euros) et, d’autre part, du produit d’autres mesures à la portée plus réduite, soit une dépense totale de l’AME de 548 millions d’euros. La dotation 2012 au titre des soins urgents se monterait à 40 millions d’euros ; le rapporteur spécial souligne que les besoins en la matière dépassent régulièrement la dotation, ce qui contrevient au principe de sincérité budgétaire.

3. La discussion à l’Assemblée nationale

La discussion relative à l’AME a d’abord concerné l’évaluation de l’impact du droit de timbre, évaluation à laquelle le rapport d’information présenté par les rapporteurs ne pouvait procéder en raison du caractère récent de son entrée en vigueur. La discussion a porté sur un amendement de suppression de ce dispositif : cet amendement portant article additionnel après l’article 30 du projet, déposé par M. Jean Mallot (SRC), a été rejeté après les avis défavorables de la commission et du Gouvernement.

Le 14 novembre 2011, l’Assemblée nationale a discuté des crédits de la mission « Santé » pour l’exercice 2012.

L’Assemblée a ainsi examiné un amendement de M. Dominique Tian visant à réduire les crédits du programme « Protection maladie » de 300 millions d’euros afin de « prendre acte en loi de finances des économies réalisables sur l’aide médicale de l’État ». Une discussion a suivi, au cours de laquelle sont intervenus notamment Mme Catherine Lemorton (SRC), M. Étienne Pinte (UMP) et M. Gérard Bapt (SRC), rapporteur spécial. Ce dernier a souligné que le rapport d’information avait mis en évidence la nécessité d’une budgétisation adéquate des crédits relatifs à l’AME. L’amendement a été rejeté.

L’Assemblée a également rejeté, sur l’avis défavorable de Mme Valérie Pécresse, ministre du Budget, des Comptes publics et de la Réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement, l’amendement n° II-557 déposé par M. Dominique Tian et visant à porter à un an la condition de délai de présence effective sur le territoire national pour bénéficier de l’AME.

Les députés ont ensuite discuté de l’amendement n° II-556, également déposé par M. Dominique Tian, visant à ce que la tarification des soins hospitaliers dispensés aux patients relevant de l’AME se fonde sur les tarifs prévus à l’article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale. La ministre, rejoignant en cela les préconisations du rapport d’information, a estimé nécessaire de conserver l’approche graduelle adoptée par la loi de finances rectificative précitée pour 2011. Elle a donc émis un avis défavorable et l’amendement a été rejeté.

Suivant l’avis défavorable de la ministre, l’Assemblée nationale a également rejeté les amendements II-570 et II-571 de M. Dominique Tian visant respectivement à ce que la demande du bénéfice de l’AME soit accompagnée du plus récent avis d’imposition délivrée par l’administration fiscale et à mettre fin à la prise en charge des dépenses relatives aux soins de ville administrés aux bénéficiaires de l’AME.

N’a donc été adopté à l’occasion de la discussion du projet de loi de finances pour 2012 aucun dispositif contredisant les conclusions partagées du rapport d’information.

II. LES AUTRES CONCLUSIONS DU RAPPORT
ONT CONNU DES FORTUNES DIVERSES

À titre préalable, les rapporteurs indiquent que les conclusions de leur rapport ont été citées par l’avis du Conseil national de lutte contre l’exclusion (CNLE) du 5 juillet 2011 : « Accès aux soins des plus démunis : CMU, ACS, AME, dix ans après, revaloriser et simplifier les dispositifs pour réduire le non-recours à la couverture maladie et améliorer l’accès aux soins des plus démunis ». L’avis indique que les membres du CNLE « ont consulté avec intérêt le rapport sur l’évaluation de l’aide médicale de l’État (AME) » et qu’ils soulignent que ce dispositif est nécessaire et doit être préservé, pour des impératifs de santé individuelle et de santé publique qui imposent le maintien de l’accès aux soins. Il est intéressant de noter que le CNLE, comme les rapporteurs, a déploré vivement le retard de transmission au Parlement du rapport Igas-IGF, réalisé à la fin de l’année 2010 à la demande du gouvernement et qui présentait un bilan et des préconisations sur la question.

Les informations collectées par les rapporteurs permettent de faire un premier bilan de la mise en œuvre des autres propositions du rapport. Le rapport a en effet été présenté par un représentant de la Direction de la sécurité sociale lors d’une réunion du « comité de pilotage de l’AME » associant les administrations de l’État et celles des organismes de la sécurité sociale. Plusieurs décisions ou constats récents vont dans le sens des conclusions des travaux des rapporteurs :

– s’agissant de la proposition d’une visite de prévention à tout nouveau bénéficiaire de l’AME, les résultats de l’expérimentation, réalisée sur trois centres de santé seulement, sont en cours d’analyse ; il n’est toutefois pas certain que le public qui en bénéficie effectivement soit le plus précaire ;

– les administrations travaillent à la rédaction d’un arrêté qui prolongerait la conservation des données issues de la base de l’assurance maladie dénommée Érasme ; cette prolongation se heurterait cependant aux réticences de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) ;

– concernant l’amélioration nécessaire de la connaissance de l’état sanitaire des bénéficiaires de l’AME, une récente étude publiée par le Bulletin épidémiologique hebdomadaire de l’Institut national de veille sanitaire fait un nouveau point sur la santé des migrants (9) ;

– s’agissant de l’amélioration des conditions de gestion, la Cnam développe actuellement un nouvel outil de gestion, en cours d’expérimentation dans certaines caisses ; le suivi restera effectué sur une base régionale, en utilisant les données relatives aux refus d’admission ;

– des représentants du bureau de la DSS ont effectué une mission en Guyane afin d’y mesurer les difficultés spécifiques de ce département, notamment caractérisées par une longue instruction des dossiers ;

– pour procéder à la budgétisation la plus précise possible des besoins de l’année n+1 en loi de finances initiale, la Cnam effectue depuis juillet dernier un rapport mensuel (et non trimestriel) des dépenses ;

– des données relatives à l’application du droit de timbre sont disponibles ; sous la réserve des résultats de trois caisses (deux « petites » caisses et la Guadeloupe), le nombre de droits de timbre acquittés au 15 décembre dernier était de 88 086 ; les associations ont été reçues au ministère : certaines familles, en raison du coût du timbre, seraient contraintes de choisir le membre de la famille bénéficiaire ;

– le nombre de bénéficiaires de l’AME en 2011 semble avoir diminué par rapport à 2010 (10), notamment en raison de la suppression de la possibilité d’instruire les demandes par les associations ;

– enfin, un décret en date du 19 octobre 2011 a limité la prise en charge, au titre de l’AME, de deux prestations : la procréation médicalement assistée et les cures thermales.

RÉUNION DU COMITÉ DU 16 FÉVRIER 2012 :
EXAMEN DU PROJET DE RAPPORT DE SUIVI

M. Louis Giscard d’Estaing, président. Nous allons maintenant, conformément à notre Règlement, aborder l’examen des suites données à un rapport publié par le CEC : en l’occurrence le rapport sur l’évaluation de l’aide médicale de l’État (AME), qui a été présenté au Comité le 9 juin dernier. Ce rapport de suivi a été préparé par nos deux rapporteurs, Claude Goasguen et Christophe Sirugue, mais il m’a été indiqué que ce dernier, excusé, était suppléé par Catherine Lemorton.

M. Claude Goasguen, rapporteur. Le 9 juin 2011, le Comité a en effet autorisé la publication du rapport d’information que M. Sirugue et moi-même lui avions soumis sous le titre « L’aide médicale de l’État : mieux gérer un dispositif nécessaire ».

Ce rapport établissait un bilan du fonctionnement du dispositif en soulignant son intérêt incontestable en termes de santé publique mais, aussi, en s’interrogeant sur les moyens de mieux connaître et de mieux maîtriser l’origine des variations des dépenses. Nos conclusions appelaient donc à une adaptation et à une modernisation de la gestion de l’AME, notamment en ce qui concerne les modalités de tarification des soins hospitaliers.

Chacun des deux rapporteurs avait tenu à apporter sa propre contribution en mettant l’accent sur des points qu’il jugeait prioritaires. Cependant, dans le cadre consensuel qui est le nôtre, nous ne nous intéresserons aujourd’hui qu’aux six recommandations partagées.

Conformément à notre Règlement, le rapport d’information avait été transmis par le Président Bernard Accoyer au Premier ministre et aux ministres dont relève la gestion de l’AME : le ministre en charge du budget et le ministre en charge de la santé. Pour examiner les suites données par le Gouvernement à ce rapport, nous avons transmis en novembre dernier un questionnaire à M. Xavier Bertrand, ministre en charge de la santé. Aucune réponse ne nous a été apportée, ce qui est tout à fait regrettable. Il s’agit là d’un point noir dans la relation entre le travail parlementaire d’évaluation et le Gouvernement. Compte tenu de cette absence de réponses, nous avons collecté des informations, notamment extraites des débats parlementaires, afin de reconstituer l’application de nos propositions.

Une des premières décisions à prendre afin de réduire le coût du dispositif pour l’État et, surtout, pour aboutir à une certaine « vérité des prix » en remédiant à des dysfonctionnements maintes fois relevés, consistait à changer le mode de tarification des soins hospitaliers. Pour les patients relevant de l’AME, il était jugé nécessaire d’abandonner progressivement le tarif journalier de prestation (TJP) afin d’adopter la tarification de droit commun par groupes homogènes de malades. Cette recommandation centrale et partagée des rapporteurs a été appliquée dès l’été dernier. En effet, lors de la discussion au Sénat du premier projet de loi de finances rectificative pour 2011, le Gouvernement a déposé un amendement qui se fondait explicitement sur les conclusions de notre rapport et qui est devenu l’article 50 de la loi de finances rectificative.

La nouvelle tarification, applicable à partir du 1er décembre 2011, entrera complètement en vigueur en 2013. Il s’agit d’un système reposant sur la tarification à l’activité – le tarif sera équivalent à 80 % du tarif « de droit commun » – mais modulée par deux coefficients correcteurs afin de prendre en compte, d’une part, les spécificités de ces patients, et, d’autre part, de manière temporaire, les difficultés des hôpitaux lors de la transition. La facturation des soins hospitaliers dans le cadre de l’AME garde donc toujours une spécificité. Cette réforme ne s’applique pas aux soins assurés dans le cadre de la procédure des soins urgents. Selon l’intervention du ministre en séance, au Sénat, l’économie réalisée s’élèvera à 150 millions sur trois ans – dont 50 à 60 millions au cours de l’exercice 2012.

Le rapport du Comité a été présenté par un représentant de la Direction de la sécurité sociale (DSS) lors d’une réunion du « comité de pilotage de l’AME » associant les administrations de l’État et celles des organismes de la sécurité sociale – à laquelle les rapporteurs n’ont pas été conviés ! Cette réunion permet d’apporter les éléments d’information qui suivent, concernant les autres conclusions du rapport.

S’agissant de la proposition d’aménager une visite de prévention à tout nouveau bénéficiaire de l’AME, les résultats de l’expérimentation, d’ailleurs limitée à trois centres de santé, sont en cours d’analyse ; il n’est toutefois pas certain que le public qui en bénéficie effectivement soit le plus précaire.

Les administrations travaillent à la rédaction d’un arrêté qui prolongerait la conservation des données issues de la base de l’assurance maladie dénommée Erasme ; cette mesure se heurterait cependant aux réticences de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil).

Concernant l’amélioration nécessaire de la connaissance de l’état sanitaire des bénéficiaires de l’AME, une récente étude publiée par le Bulletin épidémiologique hebdomadaire de l’Institut national de veille sanitaire (INVS) fait un nouveau point sur la santé des migrants.

Pour ce qui est de la gestion, la Cnam développe actuellement un nouvel outil, en cours d’expérimentation dans certaines caisses ; le suivi restera effectué sur une base régionale en utilisant les données relatives aux refus d’admission.

Des représentants du bureau de la DSS ont effectué une mission en Guyane afin de mesurer les difficultés spécifiques à ce département – longueur de l’instruction des dossiers et pourcentage élevé de bénéficiaires de l’AME, notamment. Ce document ne nous a pas été communiqué.

Pour procéder à la budgétisation la plus précise possible des besoins de l’année n+1 en loi de finances initiale (LFI), la Cnam effectue depuis le mois de juillet dernier un rapport mensuel, et non plus seulement trimestriel, des dépenses.

Le nombre de bénéficiaires de l’AME en 2011 semble avoir diminué par rapport à 2010, du fait notamment que les associations ne peuvent plus instruire les demandes.

Le collectif de fin d’année 2011 a permis une ouverture supplémentaire de crédits de 35 millions destinée au financement de l’AME. Malgré la revalorisation de la dotation initiale – 588 millions en LFI pour 2011 contre 535 millions pour 2010 –, la dotation au titre de l’exercice 2011 s’est encore révélée insuffisante. Ce phénomène, dont l’ampleur a certes été significativement réduite, rend d’autant plus nécessaire nos recommandations d’une budgétisation la plus précise possible des besoins en LFI. Selon le rapport spécial sur les moyens de la mission « Santé » pour 2012, la croissance des dépenses ralentit : après avoir atteint 13,3 % en 2009, elle n’a plus été que de 7,5 % en 2010 et de 2 % en 2011.

Les prévisions pour 2012 sont fondées sur une dépense totale de 601 millions minorée, d’une part, des économies attendues de la réforme de la tarification et, d’autre part, du produit d’autres mesures à la portée plus réduite, soit une dépense estimée en définitive à 548 millions.

S’agissant d’un domaine aussi crucial, épineux et sujet à polémique, nous ne pourrons faire autrement qu’insister auprès du Gouvernement pour qu’il prenne en compte nos travaux d’évaluation et de contrôle et réponde aux demandes que nous présentons dans le cadre de ce suivi. En l’occurrence, il ne s’est pas montré à la hauteur de ses compétences et de ses responsabilités. Au cours des prochaines législatures, il faudra nous employer à obtenir plus de résultats.

J’insiste : alors que le co-rapporteur et moi-même avions réalisé des efforts importants pour rapprocher nos points de vue, ce comportement du Gouvernement, voire des organismes sociaux, a conduit à une certaine inefficacité. Sans doute serons-nous contraints de reprendre cette question dans un esprit beaucoup plus autoritaire. Certains secteurs de l’administration sont en effet dotés d’une carapace de résistance qu’il faudra briser un jour ou l’autre si nous voulons réussir un véritable travail d’évaluation et de contrôle.

Mme Catherine Lemorton, suppléant M. Christophe Sirugue, rapporteur. Je ne puis que contresigner les propos qui viennent d’être tenus, le travail entre MM. Goasguen et Sirugue ayant été consensuel.

Je déplore bien sûr, moi aussi, l’absence de réaction du ministère au questionnaire qui lui a été envoyé. Néanmoins, une fois n’est pas coutume, je vais me faire l’avocate du diable et défendre le Gouvernement. S’il n’est guère difficile d’appliquer un changement de tarification, qui relève d’une décision administrative, il est en revanche un peu plus délicat de se prononcer aussi rapidement – le rapport a paru au mois de juin 2011 – dans un domaine qui touche de si près à l’humain que celui de la santé.

Cela étant, le Gouvernement aurait pu puiser une bonne part des réponses demandées dans une étude publiée par l’INVS dans le bulletin épidémiologique hebdomadaire du 17 janvier 2012. On trouve en effet là un certain nombre d’informations utiles à notre propos, notamment sur la situation en Guyane.

Je regrette que le rapport du CEC se soit limité à la question de l’AME et n’ait pas traité de la CMU aussi, comme il était initialement prévu : cela nous aurait sans doute amenés à conclure d’un commun accord que les bénéficiaires de la première ne sont pas mieux soignés que les bénéficiaires de la seconde. Le chapitre du bulletin de l’INVS consacré à l’observatoire de l’accès aux soins de Médecins du Monde, qui couvre une trentaine de centres, montre en effet combien ceux qui ont besoin de l’AME éprouvent de difficultés à l’obtenir. Les trois quarts des demandeurs, étrangers en situation irrégulière, y ont droit en théorie mais se heurtent à toute une série d’obstacles pour accéder effectivement aux soins : méconnaissance de leurs droits, barrière linguistique – les associations n’ont plus le droit de demander l’AME à leur place –, difficultés administratives et financières et, enfin, peur des arrestations. Une telle situation ne manque pas d’avoir des conséquences en matière de santé publique.

Cette étude comporte, je le répète, bien des réponses aux questions que nous nous posons. Lorsqu’une autorité sanitaire publie un travail de ce genre, les parlementaires, en particulier ceux qui sont membres de la commission des Affaires sociales, ont tout intérêt à en prendre connaissance : cela éviterait de lancer des phrases à l’emporte-pièce ou de proférer des mensonges qui, répétés, finissent par devenir des vérités pour l’opinion.

Enfin, je regrette que le Gouvernement n’ait pas répondu à la question qui portait sur la publication du décret d’application de l’article 54 de la loi « hôpital, patients, santé et territoires » (HPST) interdisant les refus illégitimes de prise en charge par des professionnels de santé. Nous saurions ainsi ce qu’il en est vraiment de l’accès effectif aux soins des bénéficiaires de l’AME dont le statut, a priori, est toujours stigmatisant. C’est un fait : beaucoup de médecins refusent de les soigner. Je regrette, de ce point de vue-là, que le testing prévu par Mme Bachelot dans la loi HPST n’ait pas été mis en place.

M. Jean Mallot. Le pouvoir exécutif, d’une façon générale, ne s’est pas encore habitué à l’idée qu’il existe un CEC qui entend se faire respecter. Le Gouvernement n’attache guère d’importance au suivi de nos travaux mais on peut penser que le seul fait qu’il éprouve des difficultés à répondre à nos conclusions prouve leur bien-fondé. C’est en renforçant la mission d’évaluation du Parlement que nous contribuerons à améliorer le débat démocratique et à rendre les politiques publiques plus pertinentes !

Je rappelle au passage que, déjà, lors du débat budgétaire de l’automne 2010, le Gouvernement n’avait rien trouvé de mieux que de cacher délibérément à la représentation nationale l’existence d’un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas). Ce comportement est inadmissible.

M. Claude Goasguen, rapporteur. Absolument.

M. Jean Mallot. La réforme de la tarification hospitalière méritera d’être poursuivie car elle répond vraiment aux problèmes budgétaires qui se posent. Mais nous pouvons nous accorder sur le fait que l’AME ne donne pas lieu à une fraude particulière : notre collègue Dominique Tian, qui ne peut être suspect de laxisme en la matière, l’a démontré dans le rapport qu’il a rédigé sur la fraude sociale pour le compte de la MECSS.

D’ici quelque temps, il conviendra d’évaluer les effets du fameux droit d’entrée de 30 euros. Nous avons des raisons de penser que ce timbre contraint des familles à choisir un de leurs membres pour bénéficier de l’AME. Une telle somme représente en effet beaucoup pour qui n’a que le plafond de revenus prévu pour bénéficier de l’AME, soit quelque 600 euros par mois, pour vivre.

Mme Lemorton a évoqué ce point essentiel qu’est la suppression de la possibilité d’instruire les demandes par les associations ; je n’y reviens pas.

Le travail d’évaluation et de suivi devra donc être poursuivi, de manière à ce que cette importante politique publique soit menée de façon plus conforme à ses objectifs initiaux.

M. Claude Goasguen, rapporteur. L’antagonisme est réel entre les impératifs budgétaires et les objectifs de santé publique. Néanmoins, le Gouvernement et les organismes de santé ont le devoir d’être à la hauteur sur ces deux plans.

En matière d’AME, les abus sont peu nombreux. La principale difficulté résulte du non-respect de la séparation entre les règles budgétaires et la pratique hospitalière. En d’autres termes, pour des raisons sans doute louables, les hôpitaux ont tendance à « tirer » sur un budget qui n’a pas fait l’objet d’une gestion très rigoureuse de la part de ses ordonnateurs. Le budget de l’AME, en définitive, a été évalué artificiellement d’année en année, puis souvent réévalué en cours d’exercice alors qu’il importerait de limiter les collectifs de façon à ne pas encourager les dépenses.

La seule réforme qui soit allée dans le bon sens, même si elle suscite des critiques dans le milieu hospitalier, a consisté à transférer un financement qui était à l’origine budgétaire vers d’autres fonds – ce qui ne suffit d’ailleurs pas, et c’est regrettable, à diminuer les dépenses publiques sociales globales.

Il faudra donc clarifier cette situation en faisant en sorte que le secteur de la santé publique accepte de se conformer à des critères budgétaires de gestion convenables au regard des besoins. L’AME constituant un système à part au sein de l’État, j’avais suggéré qu’une caisse de sécurité sociale lui soit dédiée afin d’unifier la gestion et de faciliter les contrôles. Cette idée, hélas, n’a pas été retenue. Quoi qu’il en soit, comme M. Mallot, je souhaite que notre travail de suivi soit poursuivi dans le cadre de la prochaine législature afin de parvenir à une harmonisation.

Mme Catherine Lemorton, rapporteure suppléante. Une caisse dédiée ne permettrait pas de mieux contrôler l’AME. Je le sais en tant que pharmacienne : toutes les demandes de remboursement transmises à la sécurité sociale à ce titre par les professionnels de santé sont contrôlées une à une. De plus, elles ne sont pas envoyées dans les mêmes enveloppes que les autres demandes – on y voit donc d’ores et déjà très clair.

Le bulletin de l’INVS consacre un chapitre aux trois pathologies dont souffrent principalement les migrants : le VIH, l’hépatite B et la tuberculose – en 2009, 50 % des personnes infectées par le bacille de Koch étaient issues de ces populations. Or la tuberculose, qui avait disparu en France, est une maladie caractéristique des périodes où la misère refait son apparition. Si le législateur veut continuer de se regarder dans un miroir, il serait bien avisé de tout faire pour que ces populations soient prises en charge dès leur arrivée, d’autant qu’il s’agit d’une pathologie relativement facile à guérir.

M. Claude Goasguen, rapporteur. Précisément, je regrette que le Gouvernement n’ait pas utilisé les centres de prévention !

Mme Catherine Lemorton, rapporteur suppléante. Enfin, ce sont de mauvaises raisons, pseudo-économiques et en réalité idéologiques, qui ont présidé à l’institution d’un « droit d’entrée » de 30 euros. N’est-on pas allé jusqu’à prétendre qu’un bénéficiaire de l’AME s’enrichissait en se faisant soigner ? Or, puisqu’il n’avance pas les frais, il ne perçoit pas non plus de remboursement. Mais un mensonge martelé finit par devenir une vérité pour nos concitoyens...

M. Louis Giscard d’Estaing, président. Je note que nos rapporteurs soulignent l’un et l’autre l’intérêt du travail conduit par le CEC sur un tel sujet, mais aussi que le Comité, institution récente, se heurte à certaines difficultés pratiques dans ses activités de suivi, d’investigation et d’évaluation. Je rappelle donc au Gouvernement et aux représentants des organismes que vous avez contrôlés qu’ils doivent réserver un meilleur accueil aux demandes formulées par des rapporteurs du CEC. Les administrations contrôlées ou évaluées sous le contrôle du Parlement doivent prendre pleinement la mesure des prérogatives de ce Comité, créé après la révision constitutionnelle de 2008 et associant à parité majorité et opposition dans ses travaux. Mais ces résistances sont aussi la démonstration de la nécessité où nous nous trouvons encore, après une législature d’existence, de faire progresser partout la culture de l’évaluation et du contrôle.

Je ne constate aucune opposition à la publication du rapport.

Conformément aux dispositions de l’article 146-3 du Règlement, le Comité autorise la publication du rapport de suivi du rapport du CEC sur l’évaluation de l’aide médicale de l’État (n° 3524).

Le rapport sera distribué et mis en ligne sur le site Internet de l’Assemblée nationale. Il sera transmis au Gouvernement.

ANNEXE N° 1

SYNTHÈSE DU RAPPORT

Compte tenu de la démarche d’évaluation suivie par le CEC, la première partie du présent rapport vise à rappeler les objectifs initiaux du dispositif de l’AME, qui comporte des enjeux humanitaires, économiques, juridiques et de santé publique. Elle rappelle l’historique des soins apportés aux personnes en situation irrégulière, les circonstances de la création de l’AME sous sa forme actuelle en 1999 puis les modifications intervenues par la suite, notamment à la fin de l’année 2010. Après un rappel des conditions d’accès au dispositif, les niveaux de prestation assurées aux bénéficiaires de l’AME, de la CMUc et d’un assuré du régime général sont comparés. Il est enfin procédé à un comparatif européen des législations relatives à l’accès aux soins des personnes en situation irrégulière, qui permet de conclure que la France dispose d’un système assez protecteur, au moins en théorie.

La deuxième partie se concentre sur l’application et l’évaluation du dispositif. Abordant d’abord les questions relatives au dépôt et à l’instruction des demandes, elle note les difficultés rencontrées « sur le terrain », en exploitant les réponses fournies par les CPAM au questionnaire envoyé par la mission. Cette partie relate aussi les difficultés d’accès au dispositif et aux prestations que peuvent rencontrer les demandeurs et bénéficiaires de l’AME. Elle décrit le problème de l’évaluation de la réalisation des objectifs du dispositif compte tenu d’une part de la fiabilité réduite des statistiques relatives à la gestion de l’AME et d’autre part de l’absence de données relatives à la santé des personnes en situation irrégulière, même si des études de nature disparate permettent de s’en approcher. La partie se conclut sur le contrôle et l’évaluation parlementaire de l’AME, en décrivant de manière critique la « lolfisation » insuffisante du dispositif.

La troisième partie se penche sur les coûts croissants du dispositif et les explications de cette croissance. La hausse des dépenses est irrégulière, mais vérifiée sur longue durée. S’attachant à retrouver les causes de cette évolution, cette partie exclut certaines causes (la fraude, la croissance de la consommation moyenne, l’augmentation du nombre d’ayants droit par ouvrant droit). Les causes sont plutôt dues sur le long terme, à la croissance du nombre de bénéficiaires de l’AME et aux modalités de la facturation hospitalière.

La quatrième partie dresse une liste de recommandations communes aux deux rapporteurs visant à améliorer les modalités de gestion. Il s’agit de proposer des instruments d’un meilleur pilotage et des outils d’une meilleure maîtrise des dépenses, notamment grâce à une tarification hospitalière modifiée. La nécessité d’une budgétisation correcte des besoins en loi de finances initiales, gage d’un meilleur contrôle parlementaire, est soulignée. Il est également proposé d’instaurer une visite de prévention obligatoire.

La cinquième partie comporte les recommandations spécifiques à chaque rapporteur.

ANNEXE N° 2
COURRIER DE M. LE PRÉSIDENT BERNARD ACCOYER
À M. FRANÇOIS FILLON, PREMIER MINISTRE

ANNEXE N° 3 :
COURRIER DE MM. LES RAPPORTEURS À M. XAVIER BERTRAND, MINISTRE DU TRAVAIL, DE L’EMPLOI ET DE LA SANTÉ

1 () Cf. lensemble du dossier sur le site internet du CEC.

2 () L’alinéa 8 de l’article 146-3 du Règlement de l’Assemblée nationale dispose en effet que « à l’issue d’un délai de six mois suivant la publication du rapport, les rapporteurs présentent au comité un rapport de suivi sur la mise en œuvre de ses recommandations. »

3 () Cf. loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011.

4 () Amendement n° 13 présenté par M. Tian, Mme Barèges, M. Bodin, M. Calméjane, M. Decool, M. Dhuicq, M. Ferrand, M. Gandolfi-Scheit, M. Garraud, M. Luca,, M. Meunier, M. Vanneste et M. Verchère.

5 () www.assemblee-nationale.fr/13/pdf/rap-info/i3603.pdf.

6 () Le coefficient correcteur au titre de la transition sera égal à 1 en 2013.

7 () Députée n’appartenant à aucun groupe.

8 () Prévision.

9 () « Numéro thématique - Santé et recours aux soins des migrants en France », BEH n° 2-3-4 du 17 janvier 2012.

10 () Nombre de bénéficiaires au 30 décembre 2010 : 228 000, au 30 juin 2011 : 216 000.


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