N° 4407 - Rapport d'information de Mme Arlette Grosskost déposé en application de l'article 29 du règlement au nom des délégués de l'Assemblée nationale à l'Assemblée parlementaire du conseil de l'Europe sur l'activité de cette assemblée au cours de la première partie de sa session ordinaire de 2012



RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

en application de l'article 29 du Règlement

au nom des délégués de l'Assemblée nationale à l'Assemblée

parlementaire du Conseil de l'Europe (1) sur l'activité de cette Assemblée

au cours de la première partie de sa session ordinaire de 2012

par Mme Arlette GROSSKOST

ET PRÉSENTÉ À LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

(1) La composition de cette délégation figure au verso de la présente page.

La Délégation de l’Assemblée nationale à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe était composée, en janvier 2012, de : MM. Roland Blum, Georges Colombier, Mme Arlette Grosskost, MM. Denis Jacquat, Armand Jung, Jean-Pierre Kucheida, Jean-Paul Lecoq, François Loncle, Mme Muriel Marland-Militello, MM. Jean-Claude Mignon, François Rochebloine, René Rouquet en tant que membres titulaires, et M. Alain Cousin, Mmes Annick Girardin, Françoise Hostalier, Marietta Karamanli, M. Noël Mamère, Mme Christine Marin,  MM. Germinal Peiro et Frédéric Reiss, Mme Marie-Line Reynaud, MM. Rudy Salles, André Schneider et Mme Marie-Jo Zimmermann, en tant que membres suppléants.

SOMMAIRE

Pages

INTRODUCTION 5

I. ACTUALITÉS DE LA DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE 7

A. LA DÉLÉGATION ET SON BUREAU 7

B. INITIATIVE DE SES MEMBRES ET NOMINATIONS 9

C. RENCONTRES DE LA DÉLÉGATION FRANÇAISE 16

II. INFORMATIONS GÉNÉRALES SUR LE DÉROULEMENT DE LA SESSION 17

A. ORDRE DU JOUR DE LA PREMIÈRE PARTIE DE LA SESSION ORDINAIRE DE 2012 17

B. TEXTES ADOPTÉS 19

C. INTERVENTIONS DES PARLEMENTAIRES FRANÇAIS 22

III. LES DROITS DE L’HOMME EN EUROPE ET DANS LE MONDE 25

A. OBSERVATION DES ÉLECTIONS LÉGISLATIVES AU MAROC 25

B. LA SITUATION EN RUSSIE 26

1. Observation des élections en Russie 26

2. Débat d’actualité : la Russie entre deux élections 27

C. DÉBAT LIBRE 29

D. LE FONCTIONNEMENT DES INSTITUTIONS DÉMOCRATIQUES EN BOSNIE-HERZÉGOVINE 33

E. LA SITUATION AU BÉLARUS 35

F. INTERVENTION DE M. GRIGOL VASHADZE, MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES DE LA GÉORGIE 38

G. INTERVENTION DE MME TARJA HALONEN, PRÉSIDENTE DE LA FINLANDE 40

H. LE RESPECT DES OBLIGATIONS ET ENGAGEMENTS DE LA SERBIE 41

I. LE FONCTIONNEMENT DES INSTITUTIONS DÉMOCRATIQUES EN UKRAINE 44

IV. LES NOUVEAUX ENJEUX DE LA PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME 49

A. LE DROIT DE CHACUN DE PARTICIPER À LA VIE CULTURELLE 49

B. PROTÉGER LES DROITS HUMAINS ET LA DIGNITÉ DE LA PERSONNE EN TENANT COMPTE DES SOUHAITS PRÉCÉDEMMENT EXPRIMÉS PAR LES PATIENTS 61

C. LA PROTECTION DES DROITS DES FEMMES 65

1. Faire progresser les droits des femmes dans le monde 65

2. Promouvoir la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique 70

D. LE TRANSFERT FORCÉ DE POPULATION : UNE VIOLATION DES DROITS DE L’HOMME 71

E. TENDANCES DÉMOGRAPHIQUES EN EUROPE : TRANSFORMER LES DÉFIS EN OPPORTUNITÉS 73

V. L’AVENIR DU CONSEIL DE L’EUROPE EN DÉBAT 75

A. COMMUNICATION DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU CONSEIL DE L’EUROPE 75

B. LA PRÉSIDENCE BRITANNIQUE DU CONSEIL DE L’EUROPE 76

1. Communication du Comité des Ministres 76

2. Intervention de M. David Cameron, Premier ministre du Royaume-Uni 77

C. GARANTIR L’AUTORITÉ ET L’EFFICACITÉ DE LA CONVENTION EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME 79

D. RAPPORT ANNUEL D’ACTIVITÉ 2011 DU COMMISSAIRE AUX DROITS DE L’HOMME 89

ANNEXES 93

Annexe 1 :
– Résolution 1856 (2012) – Garantir l’autorité et l’efficacité de la Convention européenne des droits de l’Homme
95
– Recommandation 1991 (2012) – Garantir l’autorité et l’efficacité de la Convention européenne des droits de l’Homme 97

Annexe 2 :Recommandation 1990 (2012) – Le droit de chacun de participer à la vie culturelle 99

Annexe 3 : Résolution 1862 (2012) – Le fonctionnement des institutions démocratiques en Ukraine 109

Annexe 4 : Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique 115

INTRODUCTION

L’élection à la présidence de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe de M. Jean-Claude Mignon (Seine-et-Marne – UMP), à l’ouverture de la session 2012, est venue couronner les efforts entrepris, sous son impulsion, par la délégation française pour s’investir plus efficacement au sein de l’Assemblée. Les interventions en séance publique, la prise de rapport ou le travail de fond effectué au sein des sous-commissions vient étayer ce constat. Cette stratégie d’influence est d’autant plus importante que le Conseil de l’Europe traverse une période charnière marquée à la fois par la réforme de son fonctionnement entreprise depuis deux ans, mais aussi par le débat sur l’amélioration du fonctionnement de la Cour européenne des droits de l’Homme, victime de son succès.

La réforme de la Cour, priorité de la présidence britannique du Conseil de l’Europe qui vient de s’ouvrir, était d’ailleurs au cœur des débats de la première partie de la session 2012. Si ce débat peut paraître au premier abord technique, les parlements nationaux ont cependant un rôle essentiel à jouer tant ils peuvent permettre la mise en œuvre du principe de subsidiarité, essentiel au bon fonctionnement du système conventionnel.

Au-delà de la Cour et après une année 2011 marquée par le Printemps arabe et l’ouverture du Conseil de l’Europe à la Méditerranée, l’ordre du jour de la première partie de session est venu rappeler combien la démocratie restait encore un combat quotidien sur le continent européen, en Biélorussie bien évidement, mais aussi au sein d’États membres : Bosnie-Herzégovine, Russie et Ukraine.

L’Assemblée parlementaire n’a pas pour autant abandonné son travail d’actualisation des droits de l’Homme entrepris depuis plusieurs années. Le droit de participer à la vie culturelle, indispensable au sein de sociétés européennes parfois tentées par le repli identitaire, a ainsi été mis en avant. L’Assemblée a également tenu à accompagner une nouvelle fois le combat en faveur des droits des femmes, en élaborant notamment une stratégie destinée à promouvoir la Convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique adoptée en mai dernier.

I. ACTUALITÉS DE LA DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE

A. LA DÉLÉGATION ET SON BUREAU

La délégation française à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe comprend vingt-quatre députés (douze titulaires et douze suppléants) et douze sénateurs (six titulaires et six suppléants).

Elle a vu sa composition modifiée à l’occasion du renouvellement sénatorial du 25 septembre dernier. A la faveur de celui-ci, Mme Bernadette Bourzai (Corrèze – SOC) et MM. Jean-Marie Bockel (Haut-Rhin – UCR), Eric Bocquet (Nord – CRC), Jacques Legendre (Nord – UMP), Jean-Louis Lorrain (Haut-Rhin – UMP) et Jean-Pierre Michel (Haute-Saône – SOC) ont intégré la délégation.

Composition de la délégation en janvier 2012

Membres titulaires

 

Assemblée

Groupe

Assemblée

Groupe

Conseil de l’Europe

       

M. Roland BLUM

Député

UMP

PPE/DC

M. Jean-Marie BOCKEL

Sénateur

UCR

PPE/DC

M. Éric BOCQUET

Sénateur

CRC

GUE

M. Georges COLOMBIER

Député

UMP

PPE/DC

Mme Josette DURRIEU

Sénatrice

SOC

SOC

M. Jean-Claude FRÉCON

Sénateur

SOC

SOC

Mme Arlette GROSSKOST

Députée

UMP

PPE/DC

M. Denis JACQUAT

Député

UMP

SOC

M. Armand JUNG

Député

SRC

SOC

M. Jean-Pierre KUCHEIDA

Député

SRC

SOC

M. Jean-Paul LECOQ

Député

GDR

GUE

M. François LONCLE

Député

SRC

SOC

M. Jean-Louis LORRAIN

Sénateur

UMP

PPE/DC

Mme Muriel MARLAND-MILITELLO

Députée

UMP

PPE/DC

M. Jean-Claude MIGNON

Député

UMP

PPE/DC

M. Philippe NACHBAR

Sénateur

UMP

PPE/DC

M. François ROCHEBLOINE

Député

NC

PPE/DC

M. René ROUQUET

Député

SRC

SOC

Membres suppléants

 

Assemblée

Groupe

assemblée

Groupe

Conseil de l’Europe

       

Mme Maryvonne BLONDIN

Sénatrice

SOC

SOC

Mme Bernadette BOURZAI

Sénatrice

SOC

SOC

M. Alain COUSIN

Député

UMP

PPE/DC

M. Bernard FOURNIER

Sénateur

UMP

PPE/DC

Mme Annick GIRARDIN

Députée

SRC

SOC

Mme Françoise HOSTALIER

Députée

UMP

PPE/DC

Mme Marietta KARAMANLI

Députée

SRC

SOC

M. Jacques LEGENDRE

Sénateur

UMP

PPE/DC

M. Noël MAMERE

Député

GDR

GUE

Mme Christine MARIN

Députée

UMP

PPE/DC

M. Jean-Pierre MICHEL

Sénateur

SOC

SOC

M. Germinal PEIRO

Député

SRC

SOC

M. Yves POZZO DI BORGO

Sénateur

UCR

PPE/DC

M. Frédéric REISS

Député

UMP

PPE/DC

Mme Marie-Line REYNAUD

Députée

SRC

SOC

M. Rudy SALLES

Député

NC

PPE

M. André SCHNEIDER

Député

UMP

PPE/DC

Mme Marie-Jo ZIMMERMANN

Députée

UMP

PPE/DC

M. Jean-Claude Mignon (Seine-et-Marne – UMP) ayant été élu président de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, Mme Arlette Grosskost (Haut-Rhin – UMP) a été désignée par ses pairs pour lui succéder à la tête de la délégation française. Le Bureau de la délégation a, par ailleurs, été modifié afin de tenir compte du renouvellement sénatorial. Sa composition est désormais la suivante :

Présidente

Mme Arlette GROSSKOST

Députée

UMP

Première vice-présidente

Mme Josette DURRIEU

Sénatrice

SOC

       

Vice-présidents

M. Jean-Marie BOCKEL

Sénateur

UCR

 

M. Jean-Claude FRÉCON

Sénateur

SOC

 

M. Denis JACQUAT

Député

UMP

 

M. Jean-Pierre KUCHEIDA

Député

SRC

 

M. Jacques LEGENDRE

Sénateur

UMP

 

M. François LONCLE

Député

SRC

 

Mme Christine MARIN

Députée

UMP

 

Mme Muriel MARLAND-MILITELLO

Députée

UMP

 

M. François ROCHEBLOINE

Député

NC

 

M. André SCHNEIDER

Député

UMP

B. INITIATIVE DE SES MEMBRES ET NOMINATIONS

M. Jean-Claude Mignon (Seine-et-Marne – UMP), jusqu’ici président de la délégation française, a été élu président de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe à l’ouverture de la première partie de session le lundi 23 janvier. Il a souhaité, dans son discours d’investiture, présenter les priorités qu’il entendait mettre en œuvre au cours du mandat de deux ans qui lui a été confié par ses pairs :

« Monsieur le Secrétaire général, Mesdames et Messieurs les parlementaires, monsieur le Secrétaire général de l'Assemblée parlementaire, permettez-moi tout d’abord de saluer à titre personnel mon épouse, présente dans les tribunes, ainsi que tous les amis qui m’ont fait l’amitié de venir aujourd'hui à Strasbourg, sur mon invitation.

Veuillez excuser mon émotion qui n'est pas de mise, qui n’est pas habituelle chez moi, mais je vis un moment historique.

Je commencerai par remercier Catherine Lalumière. Chère Catherine, votre présence me fait un plaisir immense et je suis persuadé qu’elle comble également un certain nombre de parlementaires, ainsi que le personnel de cette maison où vous avez été Secrétaire générale avant mon ami Jagland – j'ose le qualifier ainsi, car notre amitié est sincère.

J’ai eu la chance, chère Catherine, d’arriver dans cette maison à l’époque où vous étiez Secrétaire générale et où Miguel Angel Martinez présidait cette Assemblée parlementaire. C’était la grande époque ! M. Iwiński a d’ailleurs rappelé tout à l’heure de quel pays il venait et son long parcours. Vous avez organisé cette maison, l’avez complètement transformée, avec M. Martinez et celles et ceux qui vont ont succédé.

Je vous remercie pour tout ce que vous m’avez donné. Vous m’avez beaucoup appris, alors même que vous n’êtes pas de la même tendance politique que moi. Chère Catherine, je suis fier d’avoir participé à votre campagne pour tenter de vous faire réélire pour un second mandat Secrétaire générale du Conseil de l'Europe.

Je voudrais aussi saluer mon ami René van der Linden qui a été un grand président de cette Assemblée parlementaire. Je n’oublierai pas non plus Leni Fischer, seule femme élue présidente, notre regretté Lord Russell-Johnson, ainsi que Lluís Maria de Puig et tous ceux qui se sont succédé.

Cher René, vous avez fait beaucoup pour moi. Vous avez été un maître au sein du Groupe PPE et si j’occupe cette fonction aujourd’hui, je vous le dois aussi.

Merci à Bruno Haller qui fut greffier, puis l’appellation ayant changé, Secrétaire général de l’Assemblée parlementaire, poste aujourd’hui occupé par M. Sawicki, pour ses conseils qui m’ont été précieux.

Enfin, je voudrais saluer mon collègue qui a été le dernier président français de l’Assemblée parlementaire, M. Louis Jung, sénateur. Votre présence me ravit, cher Louis. Cela fait vingt-trois ans qu’un Français n’avait pas présidé cette Assemblée. Je m’efforcerai d’être à votre hauteur dans cette même fonction.

C’est avec reconnaissance et humilité que j’assumerai la haute fonction que vous me confiez. Reconnaissance pour la confiance dont vous m’honorez. Je remercie naturellement mon groupe politique, le PPE, son président, Luca Volontè, ainsi que tous ses membres et, bien évidemment, mon ami Andres Herkel, lui aussi candidat à cette fonction et qui, avec beaucoup de dignité, a accepté le résultat de cette élection.

Je tiens aussi à remercier tous les autres groupes politiques, en particulier leurs présidents. On ne peut que saluer les relations qui existent entre les présidents des groupes politiques. Qu'il s'agisse d'Anne Brasseur, de Tiny Kox, d'Andreas Gross ou de Robert Walter, l'amitié qui les unit fait que cette Assemblée parlementaire n’est pas véritablement une Assemblée comme les autres où les joutes politiques sont beaucoup plus dures.

J’assumerai cette fonction avec humilité tant j’ai conscience de l’ampleur de la tâche.

Le Conseil de l’Europe traverse aujourd’hui une crise et doute de son avenir. En effet, après la glorieuse décennie que j’ai rappelée, les années 1990 où l’Organisation accueillit en son sein les États d’Europe centrale et orientale, les années 2000 ont placé le Conseil de l’Europe sur la défensive, en particulier face à l’Union européenne. Il est parfois menacé, en particulier en Europe de l’Ouest, d’être « la belle ignorée », certains parlant même de « la belle endormie des bords de l’Ill », bien à tort car nous sommes tout au contraire bien éveillés. Sont ainsi niées les réalisations exemplaires du Conseil de l’Europe, de la Cour européenne des droits de l’Homme à la Pharmacopée en passant par la Commission de Venise, le Comité européen pour la prévention de la torture ou le Commissaire aux droits de l’Homme.

S’appuyant sur une philosophie de l’histoire simpliste, certains veulent croire que nous appartenons au passé. Peu importent alors les résultats, peu importe qu’ils soient obtenus avec un coût modeste. Je le dis sous le contrôle du Secrétaire général qui sait bien que nos moyens sont relativement limités, et que nous sommes particulièrement raisonnables dans cette Organisation en termes de budgets alloués. Peu importe, par exemple, que le Conseil de l’Europe ait, avec les Accords Partiels, inventé une coopération à géométrie variable aux résultats exemplaires. Peu importe également que nous comptions 47 États membres et, excusez-moi du peu, 800 millions d’Européens !

C’est contre cette logique de l’ignorance et de la facilité intellectuelle que le Secrétaire général du Conseil, M. Thorbjørn Jagland, et mes prédécesseurs, dont Mevlüt Çavuşoğlu, se sont mobilisés, pour que nous renoncions à une posture défensive au profit d’une attitude offensive, afin que le Conseil de l’Europe retrouve toute sa place, tant sur la scène européenne qu’internationale. C’est pour contribuer à ce renouveau que j’avais, en tant que rapporteur, proposé de convoquer un nouveau sommet du Conseil de l’Europe. Le Comité des Ministres, dont je salue Madame la Présidente, a estimé qu’il serait préférable que l’Assemblée parlementaire ait entrepris son propre processus de réforme avant de convoquer un sommet. C’est aujourd’hui chose faite. Je crois donc qu’un tel sommet serait possible et de nature à donner une dynamique nouvelle au processus de réforme.

S’agissant de la réforme de l’Assemblée, je tiens au préalable à rendre un hommage tout particulier au Président Mevlüt Çavuşoğlu, à qui en revient l’initiative, car elle n’aurait pas vu le jour sans son engagement fort en sa faveur.

Tout à l’heure, des propos aimables ont été prononcés à ton égard. Je voudrais, moi aussi, dire tout le bien que je pense de toi, Mevlüt, et saluer la qualité de ton travail. Tu as su rassembler, tu as su fédérer, ce qui n’était pas évident pour toi en tant que premier président turc, comme cela a été rappelé, mais je crois que tu as fait l’unanimité ! Tu es allé un peu partout en Europe. Tu as porté la bonne parole et dépensé beaucoup d’énergie pour valoriser notre image. Sois-en aujourd’hui publiquement remercié ! Je sais que tu m’as soutenu, tu sais aussi que je t’ai beaucoup soutenu, et je suis intimement convaincu que, quelles que soient les responsabilités que tu auras demain, nous aurons toujours beaucoup de plaisir à travailler ensemble et à privilégier le dialogue plutôt que la confrontation.

Qu’il soit donc à nouveau chaleureusement remercié pour tout ce qu’il a accompli, en seulement deux ans. En effet, la durée du mandat est passée de trois à deux ans, en sorte que Mevlüt a dû être beaucoup plus rapide dans la mise en œuvre de ses actions.

Cette réforme entre en vigueur aujourd’hui même et sa mise en œuvre constituera naturellement l’une de mes priorités.

Avant de vous exposer la manière dont je la conçois, je voudrais souligner le rôle décisif joué par notre Assemblée dans l’élaboration de la Convention européenne des droits de l’Homme et pour l’abolition de la peine de mort. En tant que député français je regrette de n’avoir pas été élu suffisamment tôt, puisque je l'ai été en 1988. Sinon au moment où la France a pris la décision d’abolir la peine de mort, j’aurais voté en faveur de cette loi sans aucune hésitation. Notre Assemblée s'est beaucoup impliquée dans la Convention bioéthique, la lutte contre la contrefaçon des médicaments, dans l’accueil des pays d’Europe centrale et orientale avec l’invention du statut d’invité spécial, et, grâce à Mevlüt, l’invention du statut de Partenaire de la démocratie.

Sans l’existence d’une véritable Assemblée parlementaire, le Conseil de l’Europe ne serait qu’une organisation intergouvernementale parmi bien d’autres. Je crois que cela méritait d’être dit tant notre Assemblée est parfois sous-estimée.

C’est pour rester à la hauteur de ce bilan que nous devons changer, d’où la réforme.

Il est clair pour moi que les parlementaires sont, à un double titre, au cœur de la réforme. Le succès ou l’échec du changement dépend en effet bien plus des hommes et des femmes qui l’appliqueront que des textes. Ensuite, cette réforme a pour objectif premier de leur donner de meilleures conditions de travail.

Le nouveau règlement devrait ainsi permettre à tous les parlementaires de s’exprimer. L’augmentation du temps alloué aux commissions et aux groupes politiques permettra des débats plus approfondis et, là aussi, devrait faciliter la participation de tous.

Au-delà, j’entends prendre un certain nombre de mesures concrètes : par exemple, compléter le séminaire d’accueil des nouveaux membres par un dossier d’accueil qui serait remis à chaque parlementaire, tant il est vrai qu’à notre arrivée, nous devons tous nous familiariser avec des règles et des pratiques qui diffèrent sur tel ou tel point de celles applicables dans nos parlements nationaux.

Je souhaiterais aussi être à l’écoute de tous, afin de recueillir vos suggestions, observations et doléances. Pour ce faire, j’ai, tout d’abord, l’intention d’assister régulièrement aux réunions de commissions, si les présidents, bien sûr, le souhaitent, afin d’être pleinement informé de leurs travaux. Je serai, ensuite, toujours à l’écoute de tous les membres de l’Assemblée.

Faciliter le travail des parlementaires, c’est également leur permettre d’avoir, en temps utile, les documents de travail. Ce n’est déjà pas facile lorsque vous avez pour langue maternelle l’anglais ou le français. Je mesure toute la difficulté de la tâche pour la majorité de nos collègues qui ne sont pas dans cette situation.

Je serais partisan d’appliquer strictement les délais existants, voire de les durcir, de sorte que, ni en commission ni devant l’Assemblée plénière, on ne puisse discuter d’un projet de motion qui n’ait été communiqué dans un délai préalable de 15 jours, voire de trois semaines, aux membres de l’Assemblée, à l’exception naturellement des débats d’urgence. Il va de soi qu’en contrepartie, la souplesse serait moins grande. Je serais heureux de connaître votre sentiment sur cette question, sentiment auquel je me rangerai bien volontiers, car je vous le rappelle, nous sommes ici, dans la maison de la démocratie.

Mettre les parlementaires au cœur de notre Assemblée, c’est aussi un fonctionnement plus participatif du Bureau, dont je souhaite revaloriser le rôle, comme Mevlüt Çavuşoğlu a déjà commencé de le faire.

J’aimerais également que les vice-présidents ne voient par leurs responsabilités limitées à celles de la suppléance du président pour la présidence des séances et qu’ils puissent s’en voir déléguer d’autres s’ils le souhaitent.

Autre ambition majeure, rendre l’Assemblée plus pertinente sur le plan politique. Cela implique que nous entrions pleinement dans la logique de la réforme et que nous ayons le courage de résister à la tentation de nous disperser. Recentrons-nous sur nos priorités, réduisons le nombre de thèmes débattus.

Il nous faudra aussi nous efforcer de limiter le nombre de recommandations que nous adressons au Comité des Ministres, de les rendre aussi pertinentes que possible. En contrepartie, nous pourrons être exigeants quant aux suites qui leur sont données.

Je m’efforcerai de faire prévaloir ces lignes directrices rigoureuses au sein du Bureau, en essayant de le faire de manière aussi transparente que possible. Je souhaiterais que nous élaborions progressivement une sorte de jurisprudence dont les lignes directrices pourraient être explicitées par un rapport annuel.

Etre plus pertinents, c’est aussi ne pas avoir peur de s’attaquer aux vrais problèmes.

Nous considérons, en Europe occidentale, la paix comme un acquis, et c’est vrai pour cette partie de notre continent ; c’est même l’un des grands acquis de la construction européenne. Cela n’est plus aussi vrai à Chypre, pays membre de l’Union européenne, où des Casques bleus patrouillent le long d’un mur qui en rappelle un autre, de sinistre mémoire. Il en est de même en Géorgie, en Transnistrie ou au Haut-Karabakh. La facilité consiste à fermer les yeux et à s’accommoder de l’inacceptable, au risque qu’un jour le fait devienne le droit. L’un des premiers devoirs de notre Assemblée est de faire en sorte que ces dossiers restent à l’ordre du jour et que les parties se parlent. Nous sommes ici pour dialoguer, et la diplomatie parlementaire, sans réaliser de miracles, peut faire progresser le dialogue sur des questions où les diplomaties étatiques et les organisations ont échoué.

Sur ce sujet comme sur les autres, j’essaierai de faire en sorte que, lors de ses déplacements, le Président soit accompagné de tous les organes compétents du Conseil de l’Europe, en fonction du sujet, ainsi que par le Secrétaire général, s’il le souhaite, la présidence du Comité des Ministres, le président de la commission de suivi, et pourquoi pas d’autres encore. J’ai, en effet, la conviction que nous serons d’autant plus entendus que nous agirons collectivement.

Autre dossier difficile, celui du respect par les États membres des valeurs du Conseil de l’Europe. Certaines dérives ne sont pas acceptables. Pour autant, je souhaite que l’on procède par la voie du dialogue, toujours le dialogue, et, pour cela, il faut être deux. En d’autres termes, évitons la stigmatisation et les menaces d’exclusion, tant il est vrai que c’est une arme ultime et qu’y recourir signe le constat d’un irrémédiable échec.

Je souhaite aussi prolonger et accompagner, pendant ma présidence, les avancées réalisées par mon prédécesseur dans les relations avec l’Union européenne. Je me suis notamment réjoui de l’accord conclu entre le Parlement européen et notre Assemblée sur les modalités de participation du Parlement à l’élection des juges à la Cour européenne des droits de l’Homme. Je m’efforcerai de continuer dans cette voie.

Dans la continuité de ce sujet, je souhaite que l’Assemblée continue à suivre avec la plus grande vigilance le dossier de l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’Homme. Cette unification de l’espace européen de protection des droits de l’Homme est une avancée fondamentale du Traité de Lisbonne et une consécration pour la Cour européenne des droits de l’Homme, « notre » Cour européenne des droits de l’Homme. Ne laissons pas certains y faire obstacle en raison d’intérêts bureaucratiques médiocres, même si c’est toujours au nom des grands principes ! La Cour est en effet le plus beau fleuron de notre Organisation. Il est, là aussi, de notre devoir de suivre de près, en liaison avec le Comité des Ministres et la Cour, la réforme de celle-ci. Elle navigue entre de nombreux écueils et je me réjouis, Madame la Présidente du Comité des Ministres, que le gouvernement de votre pays, le gouvernement du Royaume-Uni, en fasse une priorité de sa présidence.

Chacun sait que la Cour est aujourd’hui submergée et qu’elle ne peut plus faire face. Ainsi a-t-elle reçu très récemment 8 000 recours similaires contre une loi hongroise sur la retraite. De nombreuses pistes sont envisageables et envisagées. Je crois simplement que, quelles que soient les solutions retenues, celles-ci devront faire l’objet d’un grand débat public en raison de l’importance de notre Cour. En d’autres termes, je crains la solution qui consisterait à laisser s’accumuler les recours, la Cour ne tranchant que ceux qu’elle estime prioritaires. Si l’on doit remettre en cause le droit de recours individuel, il faut que cela résulte d’un choix politique, exercé en toute transparence.

L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe joue – je m’en réjouis – un rôle croissant dans le contrôle de l’exécution des arrêts de la Cour. Qu’il me soit permis à cette occasion de rendre hommage au travail exemplaire accompli dans ce domaine par notre collègue Christos Pourgourides, qui ne siège malheureusement plus parmi nous. Je salue également le travail de certains parlements nationaux pour relayer cette tâche dans les États membres. Je m’emploierai à ce que tous ces efforts continuent et soient amplifiés en liaison avec la Cour.

A ce moment de mon propos, je souhaite aussi rendre un hommage particulier à Jean-Paul Costa, qui était, il y a encore quelques semaines, président de la Cour européenne des droits de l’Homme et qui a fait un travail absolument extraordinaire. Je souhaite bien entendu bon courage à son successeur, le Britannique Nicolas Bratza.

La poursuite des efforts engagés pour améliorer les relations avec le Comité des Ministres sera une autre priorité de ma présidence. Il nous faut renforcer et enrichir le dialogue entre les deux organes statutaires du Conseil de l’Europe. Il est normal et légitime que nous ne soyons pas toujours d’accord, de même que le législatif et l’exécutif dans les États membres peuvent être parfois en désaccord. Il est du rôle des parlementaires d’innover, de critiquer et de stimuler l’action du Comité des Ministres. Le mouvement et le progrès peuvent naître de la tension entre ces deux institutions. En revanche, il est de notre devoir d’éviter les situations de blocage.

Pour encourager une meilleure compréhension entre les deux organes statutaires du Conseil de l’Europe, la meilleure solution est que les parlementaires participent activement aux travaux des différents groupes de travail et des comités directeurs du Comité des Ministres. A l’inverse, c’est une excellente chose que les ambassadeurs puissent assister à l’assemblée plénière ou aux travaux de nos commissions, comme ils le font d’ailleurs encore aujourd’hui. J’ai récemment proposé aux ambassadeurs que le président de l’Assemblée parlementaire ou des membres du Bureau puissent assister comme témoins à leurs séances, tant il est important que nous ayons réciproquement connaissance de nos préoccupations et priorités. J’approuve totalement les propositions faites par MM. Vareikis et Holovaty pour renforcer le dialogue.

S’agissant des questions écrites, je souhaiterais que nous fassions preuve d’autodiscipline et que nous soyons attentifs à n’en poser que sur des sujets en rapport direct avec les activités du Conseil de l’Europe.

En concertation étroite avec le Comité des Ministres, je souhaite réformer le Comité mixte. Je crois même pouvoir le dire au pluriel : nous souhaitons réformer le Comité mixte. Peut-être faut-il modifier la date de ces réunions. Peut-être, surtout, faut-il réduire le champ de ses travaux à un thème précis avec tous les parlementaires compétents. Les deux réunions où je me suis rendu devant le Comité des Ministres en tant que rapporteur ont été très constructives.

Si nous devons être plus pertinents politiquement, il faut aussi que nos activités soient mieux connues à l’extérieur. J’aborde donc maintenant ce sujet très difficile que constitue la communication de notre Assemblée. Je crois qu’il nous faudra essayer progressivement de définir un ou deux thèmes directeurs pour chaque partie de session afin d’améliorer leur lisibilité à l’extérieur.

Pourquoi ne pas faire un véritable rapport d’activité annuel attrayant ? En liaison avec le Secrétaire général du Conseil de l’Europe, je souhaite engager une réflexion sur la manière d’améliorer la présence des journalistes à nos séances. Le site internet de notre Assemblée est d’une très grande qualité, mais je suis certain que nous pouvons encore améliorer sa lisibilité et son accessibilité.

J’en viens maintenant à un sujet d’irritation pour la plupart d’entre vous : la desserte de Strasbourg. Il s’agit d’une question très difficile mais croyez bien que je déploierai tous les efforts pour que l’on sorte du statu quo.

Je crois à la vocation de Strasbourg, capitale européenne ; encore faut-il s’en donner les moyens logistiques. J’ai d’ores et déjà pris une série de contacts informels avec toutes les autorités politiques de mon pays sur ce sujet. Quelques pistes de réflexions commencent à se dégager que je vous livre : aligner la fiscalité pesant sur l’aéroport de Strasbourg sur celle des aéroports environnants ; faire venir une compagnie low cost à Strasbourg ; réfléchir aux moyens d’améliorer les relations avec quelques hubs ; améliorer la desserte entre l’aéroport de Bâle-Mulhouse et Strasbourg. Je ne vous promets pas de miracle mais je m’engage à être extrêmement actif sur ce dossier et à vous y associer.

J’essaierai notamment d’organiser, dans les prochains mois, une rencontre entre les principaux responsables politiques alsaciens et les membres de notre Assemblée. Au-delà du dossier de la desserte de Strasbourg, je vais en effet m’efforcer de développer les relations entre l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et les élus de la région Alsace.

Je souhaite mener une politique de résultats. Pour les obtenir, il nous faudra faire preuve de courage, de dynamisme et d’esprit d’innovation. S’il n’y a pas de précédent, créons-en un ! Et si les traditions doivent être remises en cause, n’hésitons pas à le faire !

En conclusion, je citerai Catherine Lalumière qui nous fait l’honneur et l’amitié d’être présente parmi nous aujourd’hui. Lors d’un colloque que j’ai organisé récemment à Paris avec la fondation Robert Schuman, elle soulignait que le Conseil de l’Europe avait un rôle politique éminent à jouer : « redonner son véritable sens au projet européen ».

Ce sont vos paroles, chère Catherine Lalumière. Si nos concitoyens, disiez-vous, considèrent le projet européen uniquement en consommateurs, c’est la mort de l’Europe. Si l’Europe n’apporte pas au citoyen consommateur le bien-être qu’il espérait, il se demande alors où est l’intérêt de l’Europe. Pour reprendre vos termes, le Conseil de l’Europe doit être l’âme de notre continent. Il porte l’esprit originel de la construction européenne et son but ultime.

Vous nous invitiez à combattre cette ignorance dont notre Organisation souffre tellement. Or, comme l’a dit le grand philosophe suisse Denis de Rougemont : « l’Europe unie est le contraire d’un expédient moderne, c’est un idéal que nous ne rencontrerons qu’en la faisant » ».

Mme Christine Marin (Nord – UMP) a été élue présidente de la sous-commission Environnement et énergie, rattachée à la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable.

Mme Maryvonne Blondin (Finistère – SOC) a été nommée représentante titulaire de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable auprès du Centre européen pour l’interdépendance et la solidarité mondiales – Centre Nord-Sud.

Mme Bernadette Bourzai (Corrèze – SOC) a été nommée membre du réseau des parlementaires de référence engagés dans la lutte contre la violence à l’égard des femmes.

Mme Maryvonne Blondin (Finistère – SOC) a été nommée membre du réseau des parlementaires de référence pour la campagne du Conseil de l’Europe contre la violence sexuelle à l’égard des enfants.

M. Jean-Marie Bockel (Haut-Rhin – UCR) a été nommé rapporteur de la commission des questions politiques et de la démocratie sur les Activités de l’Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE) en 2011-2012.

M. Jean-Louis Lorrain (Haut-Rhin – UMP) a été nommé rapporteur de la commission des questions sociales, de la santé et de la famille sur l’Égalité de l’accès aux soins de santé.

M. René Rouquet (Val-de-marne – SRC) a été nommé rapporteur de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées sur Hébergement déplorable des PDI dans des centres collectifs en Europe : quelles solutions de remplacement ?

Mme Bernadette Bourzai (Corrèze – SOC) a été nommée rapporteur pour avis de la commission sur l’égalité et la non-discrimination sur La demande de statut de Partenaire pour la démocratie auprès de l’Assemblée parlementaire présentée par le Parlement de la République kirghize.

C. RENCONTRES DE LA DÉLÉGATION FRANÇAISE

Le représentant permanent de la France auprès du Conseil de l’Europe, S.E. M. Laurent Dominati a reçu la délégation française, le 22 janvier, pour un dîner de travail au cours duquel il a abordé les principaux points inscrits à l’ordre du jour.

II. INFORMATIONS GÉNÉRALES SUR LE DÉROULEMENT DE LA SESSION

A. ORDRE DU JOUR DE LA PREMIÈRE PARTIE DE LA SESSION ORDINAIRE DE 2012

Lundi 23 janvier 2012

– Observation des élections législatives en Russie ;

– Observation des élections législatives au Maroc ;

– Communication de M. Thorbjørn Jagland, Secrétaire général du Conseil de l’Europe ;

– Débat libre.

Mardi 24 janvier 2012

– Le fonctionnement des institutions démocratiques en Bosnie-Herzégovine ;

– Communication du Comité des Ministres à l’Assemblée parlementaire, présentée par M. David Lidington, ministre pour l’Europe du Royaume-Uni, président du Comité des Ministres ;

– Le droit de chacun de participer à la vie culturelle, précédé d’une intervention de Mme Irina Bokova, directrice générale de l’UNESCO ;

– Garantir l’autorité et l’efficacité de la Convention européenne des droits de l’Homme.

Mercredi 25 janvier 2012

– La situation au Bélarus ;

– Intervention de M. Grigol Vashadze, ministre des Affaires étrangères de Géorgie ;

– Intervention de Mme Tarja Halonen, présidente de la Finlande ;

– Intervention de M. David Cameron, Premier ministre du Royaume-Uni ;

– Le respect des obligations et engagements de la Serbie ;

– Protéger les droits humains et la dignité de la personne en tenant compte des souhaits précédemment exprimés par les patients.

Jeudi 26 janvier 2012

– Débat d’actualité : la Fédération de Russie entre deux élections ;

– Rapport annuel d’activité 2011 du Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, précédé d’une intervention de M. Thomas Hammarberg, Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe ;

– Débat sur les droits des femmes dans le monde et la lutte contre la violence à l’égard des femmes, précédé d’une intervention de Mme Michelle Bachelet, Secrétaire générale adjointe des Nations unies et directrice exécutive d’ONU Femmes ;

– Le fonctionnement des institutions démocratiques en Ukraine.

Vendredi 27 janvier 2012

– Le transfert forcé de population : une violation des droits de l’Homme ;

– Tendances démographiques en Europe : transformer les défis en opportunités.

B. TEXTES ADOPTÉS

Le Règlement de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe distingue trois types de textes : les avis, les recommandations et les résolutions :

– aux termes de l’article 24.1.a, une recommandation consiste en une proposition de l’Assemblée adressée au Comité des Ministres, dont la mise en œuvre échappe à la compétence de l’Assemblée mais relève des gouvernements ;

– définie à l’article 24.1.b, une résolution exprime une décision de l’Assemblée sur une question de fond, dont la mise en œuvre relève de sa compétence, ou un point de vue qui n’engage que sa responsabilité ;

– les avis répondent aux demandes qui sont soumises à l’Assemblée par le Comité des Ministres concernant l’adhésion de nouveaux États membres au Conseil de l’Europe, mais aussi les projets de conventions, le budget ou la mise en œuvre de la Charte sociale.

Texte

Document

Commission des questions politiques et de la démocratie

La situation au Bélarus

Rapporteur : M. Andres Herkel (Estonie – PPE-DC)

Commission des questions juridiques et des droits de l’Homme

Garantir l’autorité et l’efficacité de la Convention européenne des droits de l’Homme

Rapporteure : Mme Marie-Louise Bemelmans-Videc (Pays-Bas – PPE/DC)

Le transfert forcé de population : une violation des droits de l’Homme

Rapporteur : M. Egidijus Vareikis (Lituanie – PPE/DC)

Commission des questions sociales, de la santé et de la famille

Protéger les droits humains et la dignité de la personne en tenant compte des souhaits précédemment exprimés par les patients

Rapporteur : M. Jordi Xuclà i Costa (Espagne – ADLE)

Commission de la culture, de la science et de l’éducation et des médias

Le droit de chacun de participer à la vie culturelle

Rapporteure : Mme Muriel Marland-Militello (France – PPE/DC)

Commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées

Tendances démographiques en Europe : transformer les défis en opportunité

Rapporteur : Nursuna Memecan (Turquie – ADLE)

Commission sur l’égalité et la non-discrimination

Faire progresser les droits des femmes dans le monde

Rapporteure : Mme Lydie Err (Luxembourg – SOC)

Promouvoir la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique

Rapporteur : M. José Mendes Bota (Portugal – PPE/DC)

Commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l’Europe

Le fonctionnement des institutions démocratiques en Bosnie-Herzégovine

Rapporteurs : Mme Karin S. Woldseth (Norvège – GDE) et M. Jean-Claude Mignon (France – PPE/DC)

Le respect des obligations et des engagements de la Serbie

Rapporteurs : MM. Davit Harutyunyan (Arménie – GDE) et Indrek Saar (Estonie – SOC)

Le fonctionnement des institutions démocratiques en Ukraine

Rapporteures : Mme Mailis Reps (Estonie – ADLE) et Marietta de Pourbaix-Lundin (Suède – PPE/DC)

Le texte intégral des rapports, avis, comptes rendus des débats de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, ainsi que les textes adoptés, sont consultables sur le site : http://assembly.coe.int

C. INTERVENTIONS DES PARLEMENTAIRES FRANÇAIS

Lundi 23 janvier 2012

– Observation des élections au Maroc : Mme Josette Durrieu ;

– Observation des élections en Russie : Mme Josette Durrieu ;

– Débat libre : MM. Georges Colombier, Jean-Paul Lecoq et Rudy Salles.

Mardi 24 janvier 2012

– Le fonctionnement des institutions démocratiques en Bosnie-Herzégovine : M. Bernard Fournier ;

– Communication du Comité des Ministres à l’Assemblée parlementaire, présentée par M. David Lidington, ministre pour l’Europe du Royaume-Uni, président du Comité des Ministres : M. Rudy Salles ;

– Le droit de chacun de participer à la vie culturelle : Mmes Muriel Marland-Militello (rapporteur), Maryvonne Blondin, Marietta Karamanli et Marie-Jo Zimmermann et MM. Jean-Claude Frécon, Jean-Pierre Kucheida, Jacques Legendre, Frédéric Reiss, René Rouquet et André Schneider ;

– Garantir l’autorité et l’efficacité de la Convention européenne des droits de l’Homme : Mmes Maryvonne Blondin, Arlette Grosskost, Marietta Karamanli et Marie Jo Zimmermann et MM. Jean-Marie Bockel, Jean-Paul Lecoq, Jean-Pierre Michel et Rudy Salles.

Mercredi 25 janvier 2012

– La situation au Bélarus : Mme Bernadette Bourzai et MM. Jean-Pierre Kucheida et Frédéric Reiss ;

– Intervention de M. Grigol Vashadze, ministre des Affaires étrangères de la Géorgie : Mme Josette Durrieu (au nom du groupe socialiste) et M. Jean-Marie Bockel ;

– Intervention de Mme Tarja Halonen, présidente de la Finlande: Mme Christine Marin ;

– Intervention de M. David Cameron, Premier ministre du Royaume-Uni : M. Jean-Pierre Michel (au nom du groupe socialiste) et M. Frédéric Reiss.

– Le respect des obligations et engagements de la Serbie : MM. Bernard Fournier et Jean-Pierre Michel ;

– Protéger les droits humains et la dignité de la personne en tenant compte des souhaités précédemment exprimés par les patients : Mme Marietta Karamanli et Christine Marin et MM. Jean-Paul Lecoq et François Rochebloine.

Jeudi 26 janvier 2012

– La Russie entre deux élections : Mme Françoise Hostalier et M. Yves Pozzo di Borgo ;

– Rapport annuel d’activité 2011 du Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe : M. François Rochebloine ;

– Faire progresser les droits des femmes dans le monde : Mmes Bernadette Bourzai et Arlette Grosskost et MM. Rudy Salles et André Schneider ;

– Promouvoir la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique : M. Jean-Louis Lorrain ;

– Le fonctionnement des institutions démocratiques en Ukraine : Mmes Bernadette Bourzai (au nom du groupe socialiste) et Christine Marin et MM. François Rochebloine et René Rouquet.

Vendredi 27 janvier 2012

– Le transfert de population : une violation des droits de l’Homme : Mme Christine Marin et M. René Rouquet.

III. LES DROITS DE L’HOMME EN EUROPE ET DANS LE MONDE

A. OBSERVATION DES ÉLECTIONS LÉGISLATIVES AU MAROC

La mission parlementaire d’observation des élections législatives au Maroc organisées le 25 novembre dernier, a présenté ses conclusions devant l’Assemblée. La commission ad hoc de l’Assemblée parlementaire a relevé que ce scrutin s’était déroulé dans une atmosphère relativement paisible, les électeurs pouvant effectuer leur choix librement. L’analphabétisme qui concerne entre 40 et 60 % de la population constituait cependant un obstacle de taille.

La mission note la qualité du travail effectué durant la campagne par la Haute Autorité de la Communication audiovisuelle et le Conseil national des droits de l’Homme du Maroc. La couverture médiatique a, d’ailleurs, été jugée globalement équitable.

Mme Josette Durrieu (Hautes-Pyrénées – SOC), qui a participé à la mission d’observation, a souhaité apporter son éclairage sur ces élections :

« Au Maroc, le parti islamiste dit modéré est arrivé en tête, mais n’oublions pas que la participation n’a été que de 45 %. Le roi a maîtrisé parfaitement la situation. Il a suscité la création de certaines formations politiques qui étaient celles du Palais, comme la coalition dite du G8 et il a bien réagi aux événements : événements de février, discours en mars, référendum constitutionnel en juillet, législatives en novembre.

Le pays a mis en place un régime monarchique dit parlementaire. Le Premier ministre, issu de la majorité, est chef du gouvernement, le roi reste le chef du Conseil des ministres et Commandeur des croyants.

Il s’agit malgré tout d’une évolution favorable, au moment où le Maroc est devenu Partenaire pour la démocratie du Conseil de l'Europe. Je me réjouis de cette situation, même si nous devons rester vigilants ».

La commission ad hoc appelle de ses vœux un renforcement de la coopération avec le Parlement marocain qui bénéficie du statut de Partenaire pour la démocratie depuis juin dernier.

B. LA SITUATION EN RUSSIE

1. Observation des élections en Russie

La commission ad hoc chargée de l’observation des élections législatives organisées le 4 décembre dernier en Russie a présenté ses conclusions devant l’Assemblée parlementaire. Si elle ne remet pas en cause la qualité de l’organisation du vote en tant que telle, elle relève de nombreuses irrégularités au cours du processus de dépouillement, marqué par la violation de certaines règles élémentaires et des bourrages d’urnes. Plus de 2 000 allégations d’irrégularités ont été mises en avant.

La mission d’observation souligne dans ses conclusions que le cadre juridique entourant les élections a été amélioré : l’accès à la presse a été plus ouvert alors que les partis ont pu organiser plus de réunions. Elle pointe cependant le maintien de procédures complexes et sujettes à interprétation, notamment en ce qui concerne les rassemblements électoraux.

La commission ad hoc note, en outre, que le refus d’enregistrement opposé à certains partis a restreint la concurrence politique. La mission d’observation insiste sur le fait que dans un cas, la Cour européenne des droits de l’Homme a statué que la dissolution par l’État d’un parti politique était disproportionnée et constituait une ingérence illégale dans le fonctionnement d’une formation politique. Aucune suite n’a été, pour l’heure, donnée à cet arrêt.

La commission ad hoc insiste sur le fait que la compétition a été biaisée en faveur du parti au pouvoir : la plupart des médias aurait ainsi fait campagne en sa faveur alors que les autorités administratives n’ont pas agi en toute indépendance à l’occasion de ce scrutin.

L’annonce des résultats a été suivie au mois de décembre de nombreuses manifestations contre le pouvoir en place de part et d’autre de la Fédération de Russie.

Mme Josette Durrieu (Hautes-Pyrénées – SOC), qui a participé à la mission d’observation, a souhaité relever à cet égard les changements perceptibles dans le pays :

« S’agissant de la Russie, beaucoup de choses ont été dites. Incontestablement, il y a eu des irrégularités, j’en ai été témoin, à l’ouverture des urnes comme au moment du dépouillement. Passant de 64 % à moins de 50 %, le système Poutine-Medvedev est affaibli. Pour autant, l’opposition n’est pas organisée, les personnalités qui émergent sont nouvelles et issues de partis qui ne sont pas représentés à la Douma, il n’y a pas de programme et il reste du temps d’ici l’élection présidentielle du 4 mars.

En conséquence, je ne crois pas que M. Poutine soit en danger pour la présidentielle du 4 mars. Au demeurant, le mouvement est lancé et il est important que nous soyons extrêmement vigilants. Nous devons faire sentir que le Conseil de l'Europe est un observateur objectif mais sévère.

La société civile a enfin l’air de vouloir se faire entendre et un mouvement démocratique émerge ; il était temps que ce pays se positionne sur ce thème de la démocratie, un thème que la Russie semble avoir du mal à intégrer. Je forme des vœux pour l’élection présidentielle et l’avenir de ce pays. »

La commission ad hoc souhaite que les élections présidentielles du 4 mars prochain puissent se dérouler dans un autre climat et appelle de ses vœux une véritable réforme des structures administratives censées encadrer les élections, afin de renforcer sa neutralité.

2. Débat d’actualité : la Russie entre deux élections

La situation en Russie a donné lieu à l’organisation d’un débat d’actualité. Le débat d’actualité ne donne pas lieu à l’adoption d’une recommandation et se limite à un échange de vues entre parlementaires.

Aux yeux des orateurs, les manifestations ont contribué à accréditer l’existence d’irrégularités lors du scrutin. Elles viennent illustrer un rejet croissant au sein de la population du parti Russie unie, accusé de confisquer le pouvoir. Un des principaux enseignements de cette mobilisation tient, par ailleurs, à l’émergence d’une génération de manifestants, jeunes pour la plupart et diplômés. Ils ne représentent pas les partis d’opposition mais combattent pour le respect des valeurs fondamentales.

M. Yves Pozzo di Borgo (Paris – UCR) a ainsi souhaité saluer, dans son intervention, l’apparition de la société civile dans le débat public russe :

« Il faut tirer le plus rapidement possible les enseignements du scrutin du 4 décembre dernier pour s’assurer que l’élection présidentielle du 4 mars prochain ne puisse pas faire l’objet d’une quelconque contestation.

Il faut condamner les irrégularités qui ont été observées lors des élections législatives. Je ne m’attarderai pas longuement sur le sujet évoqué lors du débat de lundi dernier sur la mission d’observation des élections législatives en Russie.

Pour ma part, je suis d’autant plus surpris des fraudes orchestrées par le parti pro-Kremlin que je pense qu’il n’y avait pas besoin d’user de telles méthodes pour s’assurer de conserver la majorité des sièges au Parlement. Les élections l’ont d’ailleurs bien montré : une large frange de la population russe reste sensible aux promesses de stabilité et de sécurité de Russie Unie. Vladimir Poutine jouit toujours d’une certaine popularité au sein de l’opinion russe, contrairement à la représentation qu’en font les médias occidentaux. N’oublions pas d’ailleurs que c’est lui qui a créé le Conseil présidentiel des droits de l’Homme, une organisation très respectée, même par les organisations indépendantes des droits de l’Homme.

Je me demande, en fin de compte, si les tactiques du pouvoir n’ont pas eu les résultats inverses de ceux escomptés. A force de vouloir influencer l’issue du vote, en refusant l’enregistrement de certains partis, en imposant le ticket Poutine-Medvedev sans réelles consultations, une partie de la population s’est sans doute sentie manipulée et s’est tournée vers le vote contestataire. C’est ainsi que j’interprète la forte progression du parti communiste, passé de 11 à 19 %.

Paradoxalement, en dépit de ces fraudes inacceptables, ces élections marqueront peut-être également un tournant dans l’histoire de la démocratie russe. Les manifestations spontanées qui ont suivi le scrutin du 4 décembre sont le signe de l’avènement d’une société civile en Russie. Le pouvoir devra désormais composer avec la classe moyenne, les étudiants, les milieux intellectuels, qui ont manifesté, à l’occasion de ces élections, une volonté forte de participation à la vie politique. Ce mouvement est un peu comme le mouvement de 1968 en France qui a d’ailleurs conforté le pouvoir du général de Gaulle

C’est là le principal enjeu du débat que nous avons aujourd’hui : envoyer un message aux autorités russes pour les encourager à prendre en compte cette nouvelle donne. Je rappelle d’ailleurs que les manifestants n’ont à aucun moment appelé à une révolution ou à un changement de régime. Ils ont plutôt demandé à être mieux écoutés par le pouvoir.

A ce titre, il serait souhaitable que ce dernier montre qu’il les a entendus en infléchissant sa manière d’exercer le pouvoir, le fonctionnement actuel des institutions paraissant désormais moins adapté à l’arrivée de cette société civile russe. »

Les élections présidentielles du 4 mars vont représenter un test important. Il y a néanmoins fort à craindre, selon les orateurs, que les leçons des élections législatives n’auront pas été retenues par le pouvoir en place. La commission électorale refuse toujours l’enregistrement de nombreux candidats. 90 % des protestations citoyennes ont, par ailleurs, été jugées non conformes. Le Conseil de l’Europe doit néanmoins poursuivre son dialogue avec le gouvernement russe et la Douma afin que de nouvelles garanties soient apportées en matière de transparence.

Mme Françoise Hostalier (Nord – UMP) a regretté dans son intervention que l’Assemblée parlementaire ait choisi d’organiser un débat d’actualité plutôt qu’un débat d’urgence pour aborder le problème russe :

« La décision prise par le Bureau de notre Assemblée et confirmée en séance plénière de ne pas tenir un débat d’urgence mais seulement d’actualité sur la Fédération de Russie entre deux élections me semble contestable. Éviter de voter un projet de recommandation alors que la situation politique en Fédération de Russie est plus qu’alarmante, est à la fois préoccupant au regard de la société civile en Russie et dangereux pour la crédibilité de notre Assemblée parlementaire.

Qu’attendons-nous pour dénoncer la dérive autoritaire et antidémocratique de la Russie, faites d’entorses répétées aux droits de l’Homme ?

Qu’attendons-nous pour faire entendre la voix de l’Europe démocratique ? Notre rôle n’est-il pas d’être, partout où nous le pouvons, cet aiguillon nécessaire au respect de l’État de droit ?

Qu’attendons-nous pour assurer la société civile russe de notre soutien pour le vote ferme et unanime d’une recommandation condamnant les simulacres de démocratie auxquels nous assistons ?

Outre l’absence de sincérité du scrutin, les observateurs ont clairement rapporté qu’il y avait une violation des principes démocratiques et, cela, en toute impunité !

Le 12 décembre 1993, j’étais observateur des premières élections générales en Russie, à Nijni-Novgorod. Le scrutin n’avait pas été loyal, mais il avait été sincère de la part d’un peuple russe qui croyait en la démocratie naissante. Près de vingt ans après, la situation est pire et le pouvoir russe se permet même de faire un pied de nez à nos démocraties à travers une nouvelle pirouette : comment ne pas dénoncer, en plus de toutes les irrégularités, cet échange de poste entre le Président et son Premier ministre dans une ambiance de pouvoir absolu et au-delà même de tout respect de l’esprit de la Constitution russe ?

Au regard des fraudes avérées aux dernières élections, vu les manifestations importantes qui se sont déroulées depuis et, cela, malgré les menaces du pouvoir, il serait temps de donner un avertissement amical aux responsables politiques de la Fédération de Russie. Il en va de la crédibilité de nos missions et de notre Assemblée. »

C. DÉBAT LIBRE

La réforme du Règlement entrée en vigueur à l’occasion de cette session prévoit l’organisation d’un débat libre. Les parlementaires disposent de trois minutes pour intervenir sur un sujet qui n’est pas inscrit à l’ordre du jour.

M. Georges Colombier (Isère – UMP) a souhaité souligné les conséquences du Printemps arabe sur le Conseil de l’Europe :

« Je profite de la nouveauté que constitue l’établissement d’un débat libre pour intervenir sur un sujet qui est un enjeu en soi et pour notre institution : je veux bien entendu parler de l’avenir du Printemps arabe.

Enjeu pour notre institution : le statut de Partenaire pour la démocratie est la réponse que notre institution a apportée aux démocraties naissantes qui n’ont pas vocation à devenir membres du Conseil de l’Europe pour des raisons géographiques.

C’est, en effet, un véritable défi posé, aujourd’hui, à notre Organisation. Porteuse des valeurs universelles que sont la démocratie, la protection des droits de l’Homme et la prééminence de l’État de droit, notre Organisation n’a cependant pas de vocation autre que régionale.

C’est un véritable paradoxe auquel je n’ai pas la prétention d’apporter une réponse en seulement trois minutes de temps de parole ; je souhaiterais néanmoins le mettre en évidence.

Le statut de Partenaire pour la démocratie est donc un embryon de réponse. Embryon de réponse parce qu’il ne concerne que notre Assemblée et qu’il est, par définition, limité.

Limité parce que nos partenaires peuvent participer à nos débats sans droit de vote.

Limité parce que nous leur offrons le droit de siéger parmi nous après un examen de « conventionnalité » : ils doivent apporter la preuve que leurs institutions fonctionnent démocratiquement, qu’ils respectent les valeurs et les engagements du Conseil de l’Europe, mais une fois partenaires, ils ne sont pas astreints à une procédure aussi contraignante que celle initiée par la commission de suivi. Et c’est là que le bât blesse, en quelque sorte !

Enjeu en soi. Les dernières élections législatives ont donné une majorité importante aux partis islamistes qu’il s’agisse de la Tunisie, à l’origine de ce mouvement du « printemps des peuples », ou plus récemment de l’Egypte.

Certains n’hésitent plus, dès lors, à parler « d’hiver démocratique » en jouant comme le rappelle à juste titre Bertrand Badie, professeur spécialiste des relations internationales à Sciences-Po, sur les peurs occidentales vis-à-vis de l’islam. Outre le fait que les partis d’opposition, longtemps muselés par des dictatures impitoyables, n’ont pu s’imposer comme une alternative crédible, notre méconnaissance des partis islamistes ne doit pas nous amener nécessairement à croire que le printemps se serait changé en hiver.

Nos démocraties ne se sont pas construites en une saison et ces nations auront également besoin de temps pour s’arrimer à la démocratie, hypothèse d’ailleurs peu crédible si l’on en croit Jean-Jacques Rousseau qui la pensait réservée à un peuple de dieux. Au-delà des ajustements nécessaires se pose la question de notre rôle pour aider ces démocraties naissantes à s'ancrer sur nos valeurs : quelles aides leur apporter sans nous ingérer dans leur processus d’autonomisation politique ? Comment les aider à construire un Etat démocratique dans lequel le politique est séparé du religieux sans que la liberté d’expression religieuse soit menacée ? Les débats inhérents à l’élaboration de la nouvelle Constitution tunisienne sont de cet ordre.

Le « principe espérance » cher à Ernst Bloch ne doit pas nous quitter mais il doit s’incarner dans des actions concrètes qui nous permettront de donner une véritable portée universelle à nos valeurs. »

M. Rudy Salles (Alpes-Maritimes – NC) a souhaité insister, quant à lui, sur la situation en Hongrie :

« Mes chers collègues, je suis très préoccupé par la situation des droits de l’Homme en Hongrie. Il me semble impossible de ne pas aborder ce sujet aujourd’hui dans cette enceinte. Et je regrette que le Bureau et l’Assemblée n’ait pas décidé, ce matin, la tenue d’un débat d’actualité ou d’urgence sur cette question.

Les autorités hongroises essaient de nous rassurer, de nous donner le maximum de garanties, sans pour autant, pour le moment, nous donner des gages de leur volonté réelle de se conformer aux engagements qu’elles ont signés en adhérant à la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.

Je voudrais tout d’abord rappeler qu’il ne faut pas confondre les inquiétudes de notre Assemblée sur la situation hongroise avec celles de l’Union européenne.

Viktor Orban a été auditionné par le Parlement européen la semaine dernière sur la question de l’indépendance de la Banque centrale ; c’est un problème de droit communautaire qui n’est pas sans importance, mais qui ne concerne en rien la question du respect des libertés publiques et des droits de l’Homme qui nous préoccupe ici.

Ce sont plus de 30 lois constitutionnelles qui ont été votées par le Parlement hongrois, grâce à la majorité des deux tiers que détient le parti au pouvoir ! Textes votés à la hâte et promulgués en une semaine ! Un simple examen montre leur évidente inconventionnalité.

Ainsi, la loi constitutionnelle du 28 novembre 2011 qui réforme la justice pose le principe d’un passage de l’âge de la retraite de 70 à 62 ans. Seule profession visée par cette réforme : la magistrature. La mise en œuvre de cette réforme entraînera le départ de 300 magistrats soupçonnés de fait d’être proches de l’ancien gouvernement socialiste.

Cette loi propose également la mise en place d’un office national de la justice, dont la présidente, proche du Premier ministre hongrois, est dotée d’une complète autorité sur l’administration, la gestion et le contrôle des tribunaux ainsi que sur la nomination des juges... Avec le procureur général, elle possède le droit de choisir le juge qui se prononcera sur une affaire donnée.

D’autres lois constitutionnelles semblent particulièrement préoccupantes au regard du droit européen. Il en va ainsi de la réforme de la loi électorale, de la loi sur les religions ; on peut également évoquer le licenciement de près de 600 journalistes dans les médias publics et l’asphyxie financière de certains médias privés causée par la suppression de la manne publicitaire ou par la suspension de leur licence d’émission.

J’ajoute à cela quelques autres décisions relevant du populisme le plus baroque comme le fait de sanctionner le vagabondage d'une amende de 480 euros, la suppression d’un texte qui régissait la solidarité vis-à-vis des enfants handicapés ou encore la modification de la Constitution qui supprime la notion de République en Hongrie !

Qu’en est-il dès lors de l’indépendance de la justice ?

Qu’en est-il dès lors de la liberté d’expression ?

Qu’en est-il de la protection des libertés publique ?

N’est-ce pas à nous, vigie des droits de l’Homme, d’examiner ce qui ressemble à une dérive autoritaire inquiétante contraire aux principes européens ?

Le Conseil de l’Europe, et en particulier son Assemblée, devra montrer sa fermeté sur une question d’une telle importance ! »

M. Jean-Paul Lecoq (Seine-Maritime – GDR) a, de son côté, relevé les difficultés traversées par les opposants politiques au Sahara occidental et en Israël :

« Je vais profiter de ce débat pour soulever deux questions directement en liaison avec les deux délégations qui représentent nos collègues ayant le statut de partenaires pour la démocratie.

La première a trait aux prisonniers de Salé. Je voudrais demander à nos amis de la délégation marocaine en quoi il est respectueux des droits de l’Homme d’emprisonner des hommes dont le seul crime est d’avoir manifesté pour un Sahara occidental libre et indépendant ? Pourquoi vouloir faire juger ces civils par un tribunal militaire ?

Le droit de manifester et d’exprimer son opposition est un droit fondamental dans tout pays démocratique ! Y porter atteinte est la preuve d’une dérive autocratique. La majorité au pouvoir peut être en désaccord sur la question du Sahara occidental, cela ne doit pas pour autant se traduire par une atteinte au principe de sûreté, protégé par l’article 5 de la Convention européenne de sauvegarde des libertés fondamentales et de protection des droits de l’Homme !

Churchill disait : dans un régime démocratique, lorsque que quelqu’un frappe à la porte à cinq heures du matin, on sait que c’est le livreur de lait ! Dans d’autres régimes, on sait que c’est la police…

A ce propos, je déplore l’arrestation par Israël d’Aziz Dweik, membre du Hamas, président du Parlement palestinien. Et j’en profite pour rappeler qu’un certain nombre de députés palestiniens croupissent dans les geôles israéliennes. Plus de vingt députés membres du Hamas sur les 74 députés que compte le mouvement sont actuellement détenus en Israël !

Un principe est par définition universel ! Le principe de sûreté, qui garantit la liberté d’aller et venir est le principe matriciel de la démocratie, car il garantit les droits de l’opposition !

Il se décline en immunité parlementaire pour que l’arme judiciaire, le plus terrible des trois pouvoirs selon l’auteur de « De l’Esprit des lois », ne l’atteigne pas. L’immunité parlementaire protège la fonction. Il semblerait que ce ne soit pas partout le cas ! Le principe de sûreté est un fondement de la démocratie. Ne pas le respecter, c’est violer la première des lois démocratiques. Il est de notre devoir, notre Assemblée étant la vigie de la démocratie, de dénoncer ces manquements.

Aussi profiterai-je de cette tribune pour demander à Israël, observateur de notre Assemblée, et au Maroc, Partenaire de la démocratie, de nous répondre à propos de ces deux violations flagrantes du principe de sûreté.

La démocratie n’est pas un vain mot, c’est une exigence de tous les jours. »

D. LE FONCTIONNEMENT DES INSTITUTIONS DÉMOCRATIQUES EN BOSNIE-HERZÉGOVINE

Face aux difficultés rencontrées par la Bosnie-Herzégovine pour mettre en place un nouveau gouvernement, un an après les élections législatives, la commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l’Europe a présenté, devant l’Assemblée parlementaire, un rapport sur la situation du pays. M. Jean-Claude Mignon (Seine-et-Marne – UMP), président de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe était co-rapporteur de la commission.

Les accords de Dayton, qui ont mis fin au conflit dans les Balkans, ont conduit à répartir les postes au Conseil des ministres selon des critères ethniques. L’impossible consensus sur ces nominations a empêché, durant quatorze mois, la composition d’un nouveau gouvernement. Au-delà du problème politique, un tel blocage n’a pas été sans conséquence sur la coopération avec l’Union européenne ou la participation de la Bosnie-Herzégovine à un certain nombre d’organes du Conseil de l’Europe, à l’image de la Commission de Venise, du Comité de prévention et de lutte contre la torture ou de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI).

En l’absence de gouvernement, la réforme constitutionnelle, pourtant indispensable en vue de se conformer aux arrêts Sedjić et Finci prononcés par la Cour européenne des droits de l’Homme le 22 décembre 2009, a été différée. Aux termes de ces arrêts, la constitution bosnienne n'est pas jugée conforme à la Convention européenne des droits de l’Homme. Les deux requérants, l'un d'origine juive et l'autre Rom, contestaient l'impossibilité d'être candidats aux élections à la Chambre des peuples au motif qu'ils n'appartiennent pas aux trois peuples constituants : serbe, bosniaque et croate. Il s’agit de permettre à la Bosnie-Herzégovine de passer d’une ethnocratie à une démocratie.

M. Bernard Fournier (Loire – UMP) a rappelé les excès institutionnels auxquels avaient conduit les accords de Dayton :

« Fin décembre 2011, quatorze mois après les élections générales d’octobre 2010, les leaders politiques des trois principales communautés de Bosnie ont enfin trouvé un consensus quant à la formation d’un gouvernement central. Les responsables politiques locaux se sont, dans le même temps, accordés sur l’adoption prochaine de deux réformes majeures, réclamées notamment par l’Union européenne : la loi sur le recensement et la distribution des subventions de l’État.

Soyons clairs, la Bosnie-Herzégovine n’a pas complètement tourné la page de la guerre civile qui l’a tant meurtrie. Le conflit, expression de logiques nationalistes et religieuses, oppose désormais les mémoires et fragilise l’objectif affiché d’un avenir commun. Le système mis en place par les accords de Dayton tend à exacerber ces clivages en multipliant les instances décentralisées, censées garantir les principes de diversité et d’égalité. Martelons-le : le principe d’égalité n’est en aucun cas la garantie de la nécessaire équité entre les populations. L’arrêt Sedjić et Finci prononcé le 22 décembre 2009 par la Cour européenne des droits de l’Homme vient, par ailleurs, rappeler combien cette mise en avant du principe d’égalité demeure artificielle.

Cette décentralisation à outrance a débouché sur un paysage institutionnel absurde. Comment peut-on espérer administrer efficacement un pays quand celui-ci compte 14 gouvernements et 187 ministres ? Un tel enchevêtrement de niveaux de responsabilité n’a pas permis l’émergence d’un véritable État bosnien, capable de s’affranchir de la tutelle internationale. Soyons clairs, les accords de Dayton, s’ils ont heureusement mis fin au conflit, ont depuis cristallisé les positions de l’après-guerre et, par delà, figé les mentalités.

Forts de ce constat, en cette année de double anniversaire – celui du début du conflit et celui de l’adhésion du pays à notre Organisation – il nous appartient d’insister sur la nécessité pour le pays de dépasser les logiques identitaires pour trouver un mode de fonctionnement efficace. Je m’associe à cet effet au souhait des deux rapporteurs de la commission de suivi d’évaluer précisément, lors de la prochaine partie de session, les progrès accomplis par le nouveau gouvernement bosnien. L’adhésion au Conseil de l’Europe n’est pas un blanc-seing ou un brevet de démocratie. Elle n’exonère en rien des réformes demeurant à accomplir pour donner du sens au concept d’État de droit, par exemple. Il en va également de la crédibilité même de notre Organisation.

Un célèbre poète, Pedrag Matvejević, né à Mostar en Bosnie-Herzégovine, a écrit : « Nous avons tous un héritage que nous devons défendre, mais dans un même mouvement nous devons nous en défendre. Autrement, nous aurions des retards d’avenir, nous serions inaccomplis ». Ce vers doit désormais servir de programme aux autorités bosniennes ».

Prenant acte de la désignation d’un nouveau chef de gouvernement le 5 janvier dernier, la résolution adoptée par l’Assemblée insiste sur la nécessité de dépasser la logique des accords de Dayton et d’adopter un nouveau cadre institutionnel. Les règles restrictives en matière de quorums et de votes doivent être révisées afin d’en empêcher une utilisation excessive. Le texte invite par ailleurs les formations politiques bosniennes à œuvrer de concert en vue de terminer la composition du nouveau gouvernement afin que celui-ci participe à la modernisation du pays. Enfin, si aucun progrès n’était réalisé avant le 15 mars 2012, l’Assemblée examinera toute action qui s’avèrerait nécessaire, le cas échéant, lors de la partie de session d’avril prochain. Il convient de rappeler que la résolution adoptée constitue le troisième texte consacré à la Bosnie-Herzégovine examiné par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe en deux ans.

E. LA SITUATION AU BÉLARUS

L’Assemblée parlementaire s’était penchée en janvier 2011 sur la situation en Biélorussie pour dénoncer la répression violente qui a suivi les élections présidentielles de décembre 2010. Un an plus tard, rien n’a sensiblement évolué dans ce pays. Les arrestations ont donné lieu à de nombreuses condamnations, notamment à la peine capitale. L’opposition est muselée et les médias indépendants sont, quant à eux, harcelés, alors que le pays organisera en 2012 des élections législatives.

Les demandes de visite formulées par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, les Nations unies, l’OSCE et l’Union européenne se sont vues opposer une fin de non-recevoir. L’antenne de l’OSCE sur place a d’ailleurs été fermée.

Il convient de rappeler qu’en 2009 le gouvernement biélorusse avait pourtant pris certains engagements devant l’Assemblée parlementaire en vue de démocratiser les institutions. Mme Bernadette Bourzai (Corrèze – SOC), intervenant au nom du groupe socialiste a, notamment, insisté sur ce point :

« Je tiens d’abord à féliciter nos rapporteurs pour la qualité de leur rapport et j’ajoute que, s’agissant de ma première intervention dans cet hémicycle, je mesure l’extrême gravité de la situation en Biélorussie.

Ales Bialatski est vice-président de la Fédération internationale des droits de l’Homme. Il est également président de l’association Le Printemps. En Biélorussie, de telles activités vous conduisent à être arrêté et condamné pour fraude fiscale. Ales  Bialatski purge sa peine de quatre ans et demi dans le quartier de haute sécurité d’une prison biélorusse.

Vladimir Nekliaev est poète. Il a 65 ans. L’an dernier, il s’est présenté à l’élection présidentielle, sous les couleurs du mouvement qu’il a fondé « Dis la vérité ». En Biélorussie, un tel acte de candidature vous conduit à être agressé par les forces de l’ordre, puis placé en résidence surveillée.

Dimitri Konovalov et Vadislav Kovalev ont un peu trop fait la fête. Ils se sont trouvés au mauvais endroit au mauvais moment, et ont été condamnés à mort, sans preuve et après des aveux obtenus sous la torture. Ces exemples résument la situation de la démocratie et des droits de l’Homme en Biélorussie.

Lorsque notre Assemblée a abordé la situation de ce pays en juin 2009, elle espérait encore une libéralisation du régime, à l’aune de ce qu’elle pensait être des signes avant-coureurs : libération de prisonniers politiques et mise en place d’un dialogue politique avec l’opposition. Les efforts en direction de notre Organisation s’étaient, quant à eux, traduits par la réouverture d’un centre d’information de l’Organisation. M. Ivanov, vice-président de la chambre des représentants de l’Assemblée nationale biélorusse, avait d’ailleurs rappelé, dans cet hémicycle, les progrès entrepris par son pays, insistant sur un délai à accorder au groupe de Minsk. L’Union européenne avait, de son côté, souhaité rouvrir le dialogue avec le groupe de Minsk.

Hélas, l’élection présidentielle du 19 décembre 2010 et la répression qui a suivi sont venus doucher cet optimisme. Les attentions dont il a fait l’objet de la part de l’Union européenne et de la Russie ont, entre-temps, conduit le Président Loukachenko à penser son pouvoir conforté et à geler toute démocratisation du pays. Fort de la position centrale de son pays dans la lutte d’influence entre l’Union européenne et la Russie, le chef de l’État a tout simplement considéré, avec le plus grand cynisme, que les efforts en direction de l’Europe n’étaient pas indispensables et que l’avenir appartenait encore à son régime archaïque combinant nostalgie postsoviétique et patriotisme.

Il nous appartient, comme l’an dernier, de réaffirmer avec la plus grande force que nous ne sommes pas dupes de cette politique. Il convient de faire de l’opposition au pouvoir en place la seule interlocutrice valable de notre Organisation. Cette situation devra perdurer jusqu’à ce que le groupe de Minsk infléchisse effectivement sa ligne de conduite. Je me réjouis que cette position ferme soit également celle de l‘Union européenne et de la Russie. Aucun intérêt géopolitique ne saurait légitimer détentions arbitraires, tortures ou peine de mort. Le gouvernement biélorusse s’était pourtant engagé à avancer en faveur d’un moratoire sur la peine capitale. Il s’agit d’un revirement inacceptable, comme est inacceptable le refus d’autoriser notre rapporteur d’aller en Biélorussie.

Le groupe socialiste s’associe donc pleinement aux recommandations de la commission des questions politiques et de la démocratie et appelle à un vote de ce texte à l’unanimité par notre Assemblée.

Je vous remercie. »

M. Jean-Pierre Kucheida (Pas-de-Calais – SRC) a souhaité dénoncer le climat d’impunité qui prévaut dans ce pays :

« Merci tout d’abord aux rapporteurs pour la qualité de leur rapport d’étape. J’espère qu’à l’avenir il y aura le moins d’étapes possible ! C’est un constat sans appel dont nous prenons acte au travers de ce nouveau rapport relatif à la situation en Biélorussie. Au cœur de l’Europe centrale, aux portes de la Russie, de la Pologne, de l’Ukraine et des États baltes qui comptent parmi les partenaires du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne, la Biélorussie évolue dans un relatif isolement, situation durable et étonnante dans le vaste ensemble régional que nous représentons.

Cet isolement est la résultante du durcissement, puis de la négation des libertés fondamentales en Biélorussie, faits du gouvernement en place, reconduit à l’occasion de l’élection présidentielle de 2010, dont le Conseil de l’Europe a pu constater le manque de transparence et l’irrégularité.

C’est une situation inédite en Europe dans sa durée et son intensité, qui appelle une mobilisation unanime et forte du Conseil de l’Europe, comme des institutions internationales, lesquelles doivent exhorter la Biélorussie au respect des droits et des libertés, du pluralisme et des principes démocratiques.

Cette mobilisation et cette solidarité ne faiblissent pas dans leur unité. Mais malgré les efforts déployés afin de soutenir la société civile biélorusse, les progrès sont maigres, voire inexistants. Doit-on douter de l’efficacité de cette stratégie européenne et internationale ? J’espère que non, mais soyons attentifs à la situation en Biélorussie comme à celle en Azerbaïdjan, car nous aurions à redouter d’immenses déceptions dans nos frontières européennes, comme dans celles de nos voisins riverains de la Méditerranée, qui traversent des révolutions violentes pour certaines, porteuses d’espoir pour d’autres.

Il faut peut-être s’interroger sur le sentiment d’impunité qui peut prévaloir dans ces situations et qui peut encourager la persistance de gouvernements contestés dans leurs agissements, ou tout au moins les conforter dans leur inertie.

Il y a déjà une dizaine d’années, alors que je faisais une observation d’élections avec l’OSCE, mon ambassadeur s’était longuement épanché sur les manquements aux droits de l’Homme, voire aux droits des représentations diplomatiques.

C’est un débat très important également, car nul État ne peut se prévaloir d’avoir été exemplaire. Tous, nous avons la mémoire d’épisodes difficiles de nos histoires communes et respectives, récentes ou plus anciennes, pour lesquels nos nations ont été amenées à répondre de leurs actes, sont appelées à le faire à l’échelle internationale ou prétendent avoir la légitimité de donner des leçons à leurs voisins en la matière. Mais il faut savoir appeler un chat un chat : Loukachenko est effectivement un dictateur.

Un statut pénal international à caractère contraignant se dessine au gré des poussées démocratiques, mais il est encore insuffisant. En attendant, notre veille collective est un garde-fou indispensable qui doit s’affirmer, ce qui, dans ce contexte qui voit fleurir de multiples aspirations démocratiques, est déjà un défi à part entière. »

M. Frédéric Reiss (Bas-Rhin – UMP) a souhaité, de son côté, éluder tout débat concernant une éventuelle ingérence européenne en Biélorussie :

« Contrairement à notre collègue russe, je félicite notre rapporteur, M. Herkel, pour la qualité et le courage de son rapport, qui a été élaboré dans des conditions difficiles.

La situation en Biélorussie est extrêmement préoccupante à plusieurs titres : violations répétées des droits de l’Homme, mise au ban de la communauté internationale, situation économique préoccupante. Les fraudes électorales ont reconduit au pouvoir le Président Loukachenko avec une majorité écrasante, mais au terme d’un scrutin entaché de fraudes et d’irrégularités. Vous avez eu également raison, Monsieur le Rapporteur, d’insister sur les prochaines élections dont la régularité s’annonce à nouveau problématique.

Cette situation a des conséquences désastreuses sur les populations civiles, victimes de l’enfermement politique et économique de la majorité au pouvoir. Les sanctions internationales n’ont pas, pour le moment, démontré leur efficacité alors que les populations civiles sont les premières touchées par l’aveuglement du régime en place. La violence politique qui se traduit par l’enfermement des prisonniers politiques, la torture dans les geôles, les aveux forcés, les procès truqués, est inacceptable. Outre qu’elle est contraire aux valeurs démocratiques que nous défendons ici, elle ne saurait prospérer.

Les récents printemps démocratiques n’ont-ils pas démontré que les jours des régimes autocratiques étaient comptés ? La société internationale n’a-t-elle pas fait valoir que lorsque les populations civiles étaient menacées dans leur intégrité, il existait un « droit à protéger son propre peuple », tel que l’a défini la Commission internationale de l'intervention et de la souveraineté des États, droit auquel bien entendu je souscris ?

Le réalisme, à défaut de l’idéalisme, devrait donc a priori conduire les autorités de Biélorussie à renouer avec le dialogue et les principes démocratiques. Relâcher les prisonniers politiques et arrêter la torture constitueraient un premier pas dans la réintégration de ce pays au sein de la société internationale.

Dénoncer les dérives totalitaires d’un régime n’est pas de l’ingérence, c’est simplement défendre les valeurs auxquelles nous sommes attachées : respect de l’État de droit et des principes démocratiques, promotion des droits de l’Homme. Dénoncer les dérives totalitaires d’un régime, c’est aider un peuple ami à sortir de l’isolement dans lequel il s’est enfermé. Dénoncer les dérives totalitaires d’un régime, enfin, c’est faire souffler le vent de l’Histoire dans le bon sens ! »

Le texte de l’Assemblée reprend les termes de la résolution 1790 (2011) adoptée le 27 janvier 2011. Il soutient les sanctions ciblées prises par l’Union européenne et appelle même à leur renforcement tant qu’une libération et une réhabilitation complète des prisonniers politiques ne seront pas intervenues. Il exige en outre la fin de la répression. L’Assemblée parlementaire doit dans le même temps consolider son engagement en faveur des représentants de la société civile, des médias libres et des opposants. Elle est invitée à maintenir la suspension de ses activités, notamment les contacts à haut niveau avec les autorités biélorusses et le statut d’invité spécial accordé au pays, jusqu’à ce que la levée d’un moratoire sur l’exécution de la peine de mort ait été décrétée et que des progrès tangibles aient pu être observés en ce qui concerne le respect en Biélorussie des valeurs défendues par le Conseil de l’Europe.

F. INTERVENTION DE M. GRIGOL VASHADZE, MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES DE LA GÉORGIE

M. Grigol Vashadze, ministre des Affaires étrangères de la Géorgie, a tenu, dans son propos introductif devant l’Assemblée parlementaire, à rappeler les liens qui existent entre son pays et le Conseil de l’Europe depuis son adhésion en 1999. Le conflit avec la Russie en 2008 a été l’occasion, selon lui, de renforcer cette coopération, l’inscription récurrente de cette question à l’ordre du jour de l’Assemblée constituant un moyen de pression indéniable sur Moscou en vue de tenter de trouver une solution.

Le ministre a ensuite souligné les efforts menés par son pays depuis la Révolution des roses pour conforter son ancrage démocratique et européen. Le cadre électoral a été, selon lui, amélioré alors que la société civile et les médias bénéficient d’une très grande liberté. La lutte contre la corruption s’inspire, de son côté, des recommandations du Groupe d’États contre la Corruption (GRECO). Des progrès ont également été enregistrés en ce qui concerne l’intégration des minorités ethniques.

Le renforcement de la coopération avec l’Union européenne fait aujourd’hui figure de priorité. L’ouverture des négociations en vue d’un accord de libre-échange devrait être suivie prochainement d’une annonce concernant l’ouverture de négociations sur la libéralisation des visas. La Géorgie est, par ailleurs, membre du Partenariat oriental de l’Union européenne.

M. Vashadze a, enfin, souligné l’importance géopolitique de son pays, la Géorgie reliant l’Europe à l’Asie centrale. Tbilissi n’entend pas, néanmoins, se servir de cette position et veut être un partenaire fiable, notamment dans le domaine énergétique. Les projets Nabucco et l’oléoduc transcaspien pourraient ainsi être installés sur son territoire.

Mme Josette Durrieu (Hautes-Pyrénées – SOC) a souhaité interroger, au nom du groupe socialiste, le ministre sur deux points :

« Monsieur le ministre, pourquoi votre pays a-t-il levé son opposition à l’adhésion de la Russie à l’Organisation mondiale du commerce, ce dont chacun ne peut que se féliciter ?

Par ailleurs, il semble qu’à l’occasion des dernières élections, des bureaux de vote aient été installés par les Russes dans les régions séparatistes d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie. Etait-ce avec ou sans votre accord ? Je vous remercie pour vos réponses. »

M. Vashadze lui a répondu :

« Nous avons mené les négociations à Genève dans un esprit positif. Le fait que la Russie soit membre de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce est favorable aussi bien à l’économie russe que géorgienne. Je suis heureux de vous dire que, finalement, nous avons pu mener un dialogue constructif et professionnel avec la délégation russe, grâce à la médiation inestimable de nos collègues suisses. Nous sommes parvenus à l’objectif attendu de tous, y compris de l’OMC. Il est important de faire un pas positif qui puisse nous servir de base pour établir, si ce n’est une meilleure relation, pour le moins une meilleure compréhension entre nos deux pays. Malheureusement, celle-ci se fait encore attendre.

Quant à nos territoires occupés en Abkhazie et en Ossétie du Sud, c’est à dessein que nous avons souhaité vider cette question de sa teneur politique. Nous avons voulu adopter une approche neutre. Notre diplomatie a atteint son objectif. Nous avons pu obtenir le même régime du point de vue des tarifs douaniers et des taxes sur les frontières avec la Russie, y compris sur les portions correspondant à ces territoires occupés. »

M. Jean-Marie Bockel (Haut-Rhin – UCR) a souhaité revenir sur les élections qui se sont déroulées en Ossétie du Sud :

« J’ai bien entendu, Monsieur le ministre, les réponses que vous avez formulées s’agissant de l’Ossétie du Sud, mais il n’en reste pas moins qu’une crise sans précédent a fait suite aux élections qui s’y sont déroulées – entre deux candidats d’ailleurs pro-russes. Peuvent-elles avoir un impact sur les pourparlers de Genève ? Constituent-elles un nouvel élément de blocage ou de tension ou peuvent-elles être l’occasion, au contraire, d’inaugurer un dialogue ? »

Le ministre lui a répondu :

« Nous sommes disposés, je l’ai dit, à discuter de tous les problèmes qui se posent avec la Fédération de Russie. Le problème, c’est que cette dernière ne reconnaît pas les autorités élues de notre pays et qu’il en sera de même après les élections qui doivent se dérouler en 2012 et 2013. La reconnaissance de l’indépendance des territoires occupés, le 26 août 2011, a pourtant jeté ces derniers et la Géorgie dans son ensemble dans une situation juridique catastrophique.

De surcroît, nos partenaires ne veulent pas respecter les exigences de la communauté internationale alors qu’il n’existe pas d’autres manières de procéder : voilà l’impasse dans laquelle nous nous situons ! »

G. INTERVENTION DE MME TARJA HALONEN, PRÉSIDENTE DE LA FINLANDE

Membre de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe de 1991 à 1995, ancienne ministre des Affaires étrangères, Mme Tarja Halonen a été invitée à venir présenter devant l’hémicycle les attentes de la Finlande à l’égard du Conseil de l’Europe.

Selon elle, l’Organisation doit agir de façon à répondre à un triple défi, économique, social et environnemental, qu’elle qualifie de « trinité moderne ». Il existe, selon elle, un lien fort entre ces problématiques, la stabilité politique et la protection des droits de l’Homme. La présidente finlandaise a souhaité insister sur la question des Roms, minorité paneuropéenne, dont les droits sociaux, économiques et culturels ne paraissent pas, à ses yeux, suffisamment respectés.

Mme Halonen souhaite, en outre, que le Conseil de l’Europe puisse continuer son travail en faveur de l’égalité et a salué, à ce titre, ses travaux sur la question de la violence à l’égard des femmes. La situation des plus jeunes mérite également, à ses yeux, une attention particulière.

Selon la présidente finlandaise, le Conseil de l’Europe, l’OSCE et l’Union européenne ont chacun leur rôle à jouer et doivent voir leur action confortée. L’amélioration de celle du Conseil de l’Europe passe, notamment, par une amélioration du fonctionnement de la Cour européenne des droits de l’Homme. Les États membres ont, à cet égard, un rôle crucial à jouer, tant les tribunaux nationaux doivent pouvoir faciliter un désengorgement de la Cour.

Au cours des échanges avec les membres de l’Assemblée, Mme Christine Marin (Nord – UMP) a souhaité interroger la présidente finlandaise sur les choix énergétiques de son pays :

« La particularité de la production d’électricité en Finlande réside dans la diversité de ses ressources énergétiques. Pouvez-vous, Madame la Présidente, nous expliquer la raison de ce mix énergétique ? Demeure-t-il toujours une priorité pour votre pays ? »

La chef de l’État lui a répondu :

« C’est une bonne question, posée de surcroît par une représentante de la France. Il existe des opinions très différentes sur la politique énergétique. La Finlande fait partie des pays qui se sont prononcés récemment en faveur du nucléaire. De nombreux parlementaires finlandais estiment qu’il constitue une option pour régler le problème énergétique, même s’ils sont conscients des conséquences d’un tel choix. Personnellement, j’ai toujours été favorable aux énergies renouvelables, dans la perspective du développement durable.

Ensuite, en Finlande, en Allemagne, en France, même si nous mettons tout en œuvre pour régler ce problème et être de bons exemples, si nous ne parvenons pas à rallier à notre position les économies des pays émergents, nous ne pourrons pas sauver la planète. Il est important d'intensifier la coopération internationale en rendant les industries, les citoyens, les ménages parties prenantes. Les Nations unies déploient des efforts particuliers sur ce dossier. Mon pays, je l’espère, appliquera ce qu’ont décidé les Nations unies. Aujourd’hui, le système de notre pays est satisfaisant. Nous avons su faire preuve de pragmatisme. C’est ce dont nous avons besoin pour avancer. »

H. LE RESPECT DES OBLIGATIONS ET ENGAGEMENTS DE LA SERBIE

Trois ans après l’adoption d’une résolution la concernant, la Serbie a accompli des progrès significatifs en matière d’application des engagements pris lors de l’adhésion au Conseil de l’Europe en 2003. Au plan extérieur, Belgrade a notamment consolidé sa coopération avec le Tribunal pénal pour l’ex-Yougoslavie et semble satisfaire à nombre de critères en vue de l’octroi du statut de candidat à l’adhésion à l’Union européenne. Si elle ne reconnaît toujours pas l’indépendance unilatérale du Kosovo, la Serbie participe néanmoins à un dialogue avec les autorités de son ancienne province en vue d’aboutir à des accords en matière de libre circulation.

Dans le rapport qu’elle a présenté devant l’Assemblée parlementaire, la commission de suivi a également mis en avant les réformes récemment adoptées visant le cadre électoral, le système judiciaire ou les droits des minorités. 77 conventions du Conseil de l’Europe ont, à ce jour, été signées et ratifiées par Belgrade.

La commission relève néanmoins un certain nombre de domaines dans lesquels des progrès demeurent à accomplir. La résolution adoptée insiste ainsi sur l’indépendance des médias, l’intégration des minorités, la lutte contre la corruption et la mise en œuvre effective de la réforme de la justice.

M. Bernard Fournier (Loire – UMP) a souhaité insister sur la question des minorités :

« C’est avec joie que je vois la Serbie, pays francophile, progresser régulièrement sur la voie de la démocratie, renouant en cela avec une tradition libérale qui avait fait d’elle, au début du XXsiècle, une référence dans les Balkans.

L’adaptation de sa législation aux standards européens va de pair avec une intense activité diplomatique dans la région qui lui a permis de tourner la page des conflits qui ont déchiré l’ex-Yougoslavie, il y a vingt ans. J’espère que le mouvement amorcé au printemps dernier avec le Kosovo connaîtra le même succès que la réconciliation avec Croates et Bosniens, quand bien même les enjeux ne sont pas tout à fait les mêmes. Il va néanmoins de soi que la normalisation des relations entre Belgrade et Pristina est un gage de paix pour l’ensemble de la région.

La Commission européenne a salué, le 12 octobre dernier, les avancées enregistrées en Serbie dans son rapport de progrès. Le Conseil européen de mars prochain prendra, à la lumière de ces conclusions, une décision quant à la candidature de la Serbie à l’Union européenne. Plusieurs pays membres estiment que le renforcement de la coopération avec le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie constituait la dernière réserve avant l’octroi du statut de candidat. Les arrestations de Radovan Karadzić et de Ratko Mladić ont pu apparaître comme la levée d’une ultime ambiguïté. Je salue, à cet égard, la qualité du rapport de notre commission qui n’a pas cédé à la tentation de l’unanimisme et souhaite poursuivre sa procédure de suivi. Tel coup d’éclat dans l’actualité ne saurait en effet occulter les difficultés existantes dans le secteur des médias ou avec les minorités présentes sur son territoire.

Rappelons à toutes fins utiles que celles-ci représentent plus de 5 % de la population totale du pays et qu’elles sont regroupées de façon homogène sur certaines parties du territoire serbe. Je songe bien évidement aux Hongrois de Voïvodine, mais aussi et surtout aux Valaques situés au sud du Danube ou à la minorité albanaise du sud du pays. L’amélioration du sort des minorités fait figure de priorité tant la Serbie ne peut prendre le risque d’une nouvelle balkanisation. Un raidissement dans ce domaine constituerait un véritable retour en arrière. Un repli identitaire ne serait, par ailleurs, pas sans conséquence pour la stabilité de la région.

Je soutiens donc la proposition des rapporteurs visant à prolonger la procédure de suivi à l’égard de la Serbie, laquelle ne doit pas être assimilée par Belgrade à une vexation. Elle est simplement la marque d’une volonté de renforcer l’ancrage européen du pays. »

Le texte adopté par l’Assemblée prévoit en effet la prolongation de la procédure de suivi. M. Jean-Pierre Michel (Haute-Saône – SOC) s’est, lui, prononcé en faveur d’une levée immédiate du monitoring :

« Moins de dix ans après son intégration au sein de notre Organisation, la Serbie semble s’être définitivement affranchie de l’image sulfureuse héritée des différentes guerres de sécession qui ont déchiré les Balkans à la fin du siècle dernier, et je m’en réjouis.

L’excellent rapport de nos collègues, comme le rapport de progrès sur la Serbie présenté par la Commission européenne le 12 octobre 2011, soulignent les efforts effectués par Belgrade pour moderniser son cadre institutionnel, mais aussi pour normaliser ses relations avec ses voisins – ce qui est tout de même plus difficile, reconnaissons-le !

Il convient notamment de rappeler les gestes symboliques du Président Boris Tadić à l’égard de la Croatie ou de la Bosnie-Herzégovine. Il faut également insister sur la mise en place d’un dialogue structuré, bien que difficile, avec les autorités kosovares qui, en dépit des tensions observées ces derniers mois, a pu être maintenu. Des résultats importants ont pu ainsi être obtenus dans un certain nombre de domaines clés : plaques d’immatriculation pour les véhicules, documents de voyage pour les individus, reconnaissance des diplômes, registres d’état civil ou tampons douaniers. La paix dans la région passe aussi par la résolution de ce type de problèmes pratiques, qui intéresse les populations.

Si le rapport de nos collègues détaille scrupuleusement ce qui reste à accomplir, je souhaite avant tout que notre Assemblée réitère son soutien à la Serbie alors que 2012 devrait être marquée par une série de scrutins déterminants pour l’avenir du pays. Nous avons besoin dans la région d’une Serbie forte et démocrate. Nous devons essayer de faire barrage aux tendances nationalistes qui se font jour et qui empêcheraient la Serbie de poursuivre son avancée sur la voie actuelle.

Est-il besoin de rappeler que l’adhésion aux principes démocratiques de la Serbie ne date pas du début du présent siècle, mais qu’elle fait partie intrinsèque de son histoire. La Constitution de Pierre Ier de Serbie, fin connaisseur de la pensée libérale britannique, promulguée en 1903, constituait à cet égard un modèle à l’est du continent.

Je souhaite donc que la Serbie, qui renoue aujourd’hui avec ce passé, soit encouragée. C’est la raison pour laquelle, bien que partageant les conclusions des rapporteurs, je souhaite que le processus de suivi arrive à son terme. »

I. LE FONCTIONNEMENT DES INSTITUTIONS DÉMOCRATIQUES EN UKRAINE

Les procès contre l’ancienne Premier ministre Ioulia Timochenko et un grand nombre de ses anciens ministres ont suscité de sérieux doutes au sein de la commission de suivi de l’Assemblée parlementaire sur le bon fonctionnement des institutions démocratiques en Ukraine. Sans remettre en cause la pertinence des chefs d’accusation, la commission s’est émue, dans un rapport présenté devant l’Assemblée, des conditions dans lesquelles se sont déroulés les procès, qui semblent déroger aux préconisations de la Convention européenne des droits de l’Homme.

Mme Christine Marin (Nord – UMP) a également manifesté son inquiétude au regard de l’état de santé des accusés, manifestement non pris en compte par les autorités ukrainiennes :

« Je tiens à féliciter les rapporteures de la commission de suivi pour leur rapport sans concession sur le fonctionnement des institutions démocratiques en Ukraine.

Je suis extrêmement préoccupée par le fonctionnement actuel des institutions. La situation politique se tend de plus en plus, l’opposition est de plus en plus muselée. On ne lui répond pas en termes politiques mais sur le plan judiciaire, avec la multiplication des charges pesant sur l’ex-Premier ministre, Mme Timochenko, mais aussi contre ses anciens ministres. Ce sont au moins 22 membres ou proches de son ancien gouvernement qui sont actuellement poursuivis.

Leurs conditions de détention semblent particulièrement inquiétantes, et la santé de Mme Timochenko et de son ancien ministre de l’Intérieur, M. Loutsenko, qui est en détention préventive depuis près d’un an, s’est dégradée. Peut-on accepter que cet homme atteint d’une cirrhose du foie ne soit pas autorisé à voir un médecin ? L’Ukraine prend-elle modèle sur d’autres ? Combien d’affaires Magnitsky faudra-t-il attendre pour que l’on réagisse au Conseil de l’Europe ? Faudra-t-il laisser mourir en détention Mme Timochenko ou M. Loutsenko pour réagir à la dérive autoritaire du gouvernement ? Il est de notre devoir de réagir !

Le gouvernement ukrainien répond en affirmant la culpabilité des anciens dirigeants, mais cela ne saurait justifier une violation de l’article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales qui proscrit les traitements dégradants. Nous ne nous prononçons pas sur la culpabilité des personnes incriminées mais sur la manière dont elles sont traitées en détention. »

Au-delà de cette actualité, c’est le fonctionnement même de la démocratie à Kiev qui semble en partie remis en cause, comme l’a souligné Mme Bernadette Bourzai (Corrèze – SOC), intervenant au nom du groupe socialiste :

« Au nom du groupe socialiste, je félicite nos deux collègues pour leur rapport sur l’état de la démocratie en Ukraine qui dresse un constat inquiétant. Dix-sept ans après son entrée au Conseil de l’Europe et surtout, quelques mois après en avoir assuré la présidence, l’Ukraine n’apparaît pas vraiment comme l’un des bons élèves de notre école de la démocratie ou le meilleur patient de l’hôpital.

Certes, l’Ukraine a fait preuve de bonne volonté ces derniers jours en assurant qu’elle ne suspendrait pas ses livraisons de gaz à destination des pays européens, en dépit du différend qui l’oppose actuellement à la Russie. Elle s’est également donné les moyens de conclure un accord de libre-échange avec l’Union européenne. Mais ces signaux positifs en matière de coopération économique ne peuvent dispenser l’Ukraine d’entreprendre les réformes démocratiques que l’on attend d’un État membre d’une organisation comme la nôtre.

Loin de moi l’idée de donner des leçons à nos collègues ukrainiens. Mais il me paraît nécessaire de faire quelques rappels au regard des aspirations européennes que je crois leur connaître. Nous sommes bien conscients que certaines des réformes demandées sont longues ou difficiles à mettre en œuvre. Ces difficultés peuvent expliquer une partie du retard qu’a pris l’Ukraine. Cependant, il existe plusieurs domaines sur lesquels ce pays pourrait intervenir en priorité pour rassurer sur sa volonté d’honorer les promesses qu’il a faites. Il n’est pas question de transiger avec l’État de droit.

Le rapport fait parfaitement le point sur les dérives inquiétantes de la justice ukrainienne et les défaillances auxquelles l’Ukraine devrait rapidement remédier. Les rapporteures en ont beaucoup parlé et je n’y reviendrai donc pas, tout en soulignant que je souscris pleinement au projet de résolution sur ce sujet.

Deuxième réforme indispensable, celle du Code électoral. Je déplore, à ce titre, que les mesures appropriées n’aient pas été prises avant les élections d’octobre prochain. Je crains que cette volonté de ne pas avancer sur l’élaboration d’un code électoral unifié n’ait des conséquences regrettables sur l’évaluation qui sera faite du scrutin.

Enfin, troisième réforme, et non des moindres, celle de la Constitution. En dépit des annonces faites par le Président Ianoukovitch, aucun calendrier n’a jamais été communiqué et aucune Assemblée constituante n’a jusqu’ici été convoquée. Cette réforme revêt pourtant un caractère d’urgence pour permettre à l’Ukraine de mettre en œuvre les standards du Conseil de l’Europe.

Le poète ukrainien, Tarass Chevtchenko, écrivait dans son Journal à propos du paradis : « Il est large et fréquenté le chemin par où l’on en sort, mais celui qui nous y ramène est un sentier étroit et parsemé d’épines ». Cette phrase pourrait tout autant s’appliquer à la démocratie, aux droits de l’Homme et à l’État de droit. C’est pourquoi le Conseil de l’Europe peut être utile à l’Ukraine. Par son expertise, mais également par la volonté d’entraide qui anime ses membres, il peut débarrasser le sentier de certaines de ses épines. »

Le procès de Mme Timochenko et de son équipe vient de fait souligner le manque d’indépendance du pouvoir judiciaire, le recours excessif à la détention provisoire et la durée de celle-ci, le manque d’égalité des armes entre l’accusation et la défense ainsi que les arguments juridiques inappropriés fournis par l’accusation et les tribunaux dans les documents officiels et les décisions.

La résolution adoptée par l’Assemblée appelle de ses vœux une véritable réforme de la justice en Ukraine, passant notamment par une révision du mode de nomination des juges et une refonte de la composition du Conseil supérieur de la magistrature. Une réécriture du Code de procédure pénale est également demandée en vue de conférer à la défense une véritable égalité de traitement avec l’accusation.

Si l’Assemblée salue les réformes entreprises par l’Ukraine afin de se rapprocher de l’Union européenne, elle regrette que ses précédentes recommandations, notamment l’adoption d’un code électoral unifié et l’adoption d’un système électoral régional proportionnel, n’aient pas été mises en œuvre. La résolution adoptée relaie les craintes de la commission de suivi concernant le relèvement à 5 % du seuil requis pour les élections proportionnelles ainsi que l’interdiction pour les partis de former des blocs électoraux pour se présenter aux élections. La possibilité pour les partis plus petits ou récents d’entrer au parlement pourrait, en effet, être réduite.

Les élections législatives d’octobre 2012 devraient constituer, à cet égard, un test intéressant, comme l’a rappelé M. René Rouquet (Val-de-Marne – SRC) :

« L’excellent rapport de nos collègues de la commission de suivi met en évidence la dérive autoritaire et préoccupante des autorités ukrainiennes.

La Révolution orange avait ému l’Europe toute entière. Nous sommes aujourd’hui saisis par cet hiver autocratique, saisis par les craintes sur la santé d'Ioula Timochenko, saisis par les craintes que nous inspire la situation des autres détenus.

L’Ukraine vient de quitter la présidence du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe. Avec quels résultats ? Est-il possible que le vent de liberté qui a soufflé sur l’Europe laisse aujourd’hui la place à ce refroidissement inquiétant ?

Les conditions de détention des opposants politiques sont extrêmement préoccupantes, parce qu’il s’agit de problèmes urgents, certes, mais pas uniquement. C’est l’ensemble du système judiciaire qui est corrompu par cette dérive autocratique. Le Code pénal n’est en rien conforme aux stipulations de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. La Cour européenne des droits de l’Homme est notamment engorgée par des saisines répétées qui dénoncent des détentions provisoires abusives et illégales.

La préparation des élections législatives d’octobre 2012 suscite déjà des inquiétudes croissantes. Il y a peu de chances, dans ces conditions, pour qu’une véritable opposition soit en lice.

Nous devons, en tant qu’Assemblée parlementaire, montrer notre fermeté sur ce dossier. C’est ce que nous faisons aujourd’hui avec cet excellent rapport, et nous ne pouvons que nous en féliciter.

L’Ukraine ne peut pas se détourner de la voie de la démocratie. L’Ukraine a sa place en Europe, au Conseil de l’Europe, parmi les démocraties éclairées. C’est pourquoi elle doit accepter et appliquer les normes internationales relatives à la responsabilité pénale et politique.

Je soutiens entièrement le projet de résolution. »

De façon générale, le texte adopté exprime la préoccupation de l’Assemblée qui estime que la dynamique et la volonté politique nécessaires pour mettre en œuvre les réformes concernant notamment l’ordre des avocats ou la liberté de réunion s’essoufflent.

IV. LES NOUVEAUX ENJEUX DE LA PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME

A. LE DROIT DE CHACUN DE PARTICIPER À LA VIE CULTURELLE

La commission de la culture, de l’éducation, de la science et des médias a souhaité présenter devant l’Assemblée parlementaire un rapport rappelant le lien intrinsèque entre droits de l’Homme et droit de participer à la vie culturelle. La culture est ici envisagée comme la possibilité pour l’individu de développer son esprit critique mais aussi de s’ouvrir aux autres, contribuant ainsi de façon déterminante à la lutte contre l’intolérance et au respect de la diversité.

Appelée à intervenir lors de l’ouverture du débat, Mme Irina Bokova, directrice générale de l’Unesco a insisté sur la nécessaire coopération dans ce domaine entre le Conseil de l’Europe et l’organisation qu’elle représente. Les droits culturels ne constituent pas, à ses yeux, un domaine à part ou un luxe au sein de l’édifice des droits de l’Homme. Les conventions de l’Unesco – celle de 1972 sur le patrimoine mondial, celle sur le patrimoine culturel immatériel adoptée en 2003 ou celle sur la diversité des expressions culturelles adoptée en 2005 – ont, d’ailleurs, consolidé le concept de droits culturels. Ces droits sont reconnus par la Déclaration universelle de 1948. Ils sont rappelés à l’article 5 de la Déclaration universelle de l’Unesco sur la diversité culturelle adoptée à l’unanimité en 2001.

Le relatif sous-développement des droits culturels par rapport aux autres domaines des droits de l’Homme s’explique par les difficultés à appréhender et à codifier des pratiques complexes. La participation dépasse l’accès au patrimoine ou aux biens culturels : il est aussi le droit à en être partie prenante ou co-auteur.

Mme Bokova a par ailleurs insisté sur les menaces que pouvaient constituer les nouvelles technologies pour l’accès à la culture. En effet, si elles constituent des instruments d’ouverture au monde, elles peuvent aussi rétrécir l’horizon culturel. L’Unesco se mobilise en conséquence pour assurer la liberté d’expression, le libre accès à la diversité des contenus et le multilinguisme dans le cyberespace.

Mme Muriel Marland-Militello (Alpes-maritimes – UMP), rapporteur du texte, a souhaité rappeler, dans son intervention, l’importance de la participation à la vie culturelle pour la démocratie :

« Ce rapport est parti d’un constat, qui est sa raison d’être : par-delà les discours constants en faveur de la démocratisation culturelle, les politiques nationales ne permettent pas, en termes de moyens humains et financiers, de traduire de façon effective et équitable dans la réalité la participation de chacun à la vie culturelle, et ce en dépit de la richesse des initiatives et des projets.

Et pourtant, l’accès et la participation à la vie culturelle sont essentiels : ils permettent d’équilibrer le champ du sensible et le champ de l’intelligence, qui s’enrichissent mutuellement pour l’épanouissement de la nature humaine. Ce droit naturel est donc au cœur des droits de l’Homme puisqu'il offre la possibilité pour chaque être humain de prendre pleinement conscience de son identité et d'exercer de façon responsable ses autres droits.

Comment améliorer de façon concrète ce droit fondamental ? Je vous propose quelques pistes, autour du rôle de l’État et des collectivités territoriales, de la place de la jeunesse, et du désir de culture.

Tout d’abord, le rôle des pouvoirs publics est très important : ce sont eux qui possèdent la maîtrise des politiques globales sur le territoire. Ils doivent veiller à un dosage équitable entre une obligation d'action, pour favoriser une égale participation à la vie culturelle, et une obligation d’abstention, pour observer une neutralité respectueuse des libertés de choix de chacun, artistes et publics.

Parallèlement, trois leviers doivent être renforcés. Il faut impulser des synergies pour décloisonner les différents secteurs d’activité humaine : synergies entre les différents secteurs gouvernementaux – éducation, culture, jeunesse, recherche, numérique – ainsi que synergies entre opérateurs publics et opérateurs privés. Il faut par ailleurs renforcer la dimension transfrontière de la culture. Il s’agit de mettre en place des réseaux de partenariats, avec un partage enrichissant pour la diversité culturelle et une mutualisation des moyens, qui en réduit les coûts.

Autre levier, les modalités de financement public sont à revoir, en évitant, comme c’est trop souvent le cas, que le financement de la culture soit une variable d'ajustement des contraintes budgétaires.

Il faut également assurer la pérennité des soutiens financiers aux opérateurs publics pour les expériences probantes par-delà les clivages et alternances politiques qui sont le propre de nos démocraties.

D’une façon générale, il faut conditionner les financements publics des opérateurs culturels aux résultats obtenus, en particulier en ce qui concerne leur contribution à la démocratisation culturelle et au développement de partenariats nationaux et internationaux, avec une attention particulière sur leur aptitude à adapter leur médiation artistique et culturelle en fonction des publics, des plus jeunes aux plus anciens, en direction de tous les publics éloignés de la culture par leur condition de vie socio-économique, géographique ou par leur handicap. La culture du résultat doit être au cœur du financement public.

Enfin, c’est le troisième volet du rôle de l’Etat, il faut que les États assurent un système de protection de la création, en particulier sur internet.

La révolution numérique est positive pour la démocratisation culturelle, mais les atteintes aux droits de propriété intellectuelle font peser une menace grave sur la création de demain. Il s’agit de continuer à offrir aux jeunes créateurs les moyens d’envisager une activité professionnelle artistique économiquement viable. C’est essentiel pour préserver la pérennité et la diversité du monde culturel.

Pourquoi accorder une importance particulière à la jeunesse ? Parce que les jeunes incarnent à la fois le présent et l’avenir. La jeunesse est une période de la vie où se construit la personnalité d’adulte. C’est un devoir national que d’offrir aux jeunes les chances que leur milieu social et géographique ne peut leur procurer.

C’est également en ayant la volonté de promouvoir leur épanouissement culturel que l’on favorisera, par ailleurs, à terme, la participation du plus grand nombre de citoyens adultes à la vie culturelle.

Enfin, susciter des vocations chez les jeunes artistes assure la pérennité et la diversité de la création artistique et culturelle, qui enrichit le présent et qui enrichira le patrimoine de demain, que nous lèguerons à nos enfants.

Comment faire ?

Je vous propose de repenser d’abord le rôle de l’école, qui est le lieu, par excellence de l’égalité des chances pour compenser l’inégalité de fait des conditions de vie des jeunes.

En particulier, il faut prévoir une éducation aux arts obligatoire dans les systèmes éducatifs nationaux, avec une initiation aux arts des futurs enseignants et une prise en compte de la dimension artistique dans toutes les matières enseignées. Car si apprendre à lire et à compter est fondamental, apprendre à voir, à entendre et à sentir l’est tout autant.

A partir de ces savoirs, repenser l’école comme un espace de liberté d’expression artistique et culturelle, un lieu de rencontres multiples entre élèves et œuvres, entre élèves et artistes, un lieu de vie avec des espaces dédiés à la création, avec des résidences d’artistes en milieu scolaire, avec toujours la volonté de visites culturelles extérieures pour donner envie aux jeunes de voir, entendre et sentir. Sans cette envie, que j’appellerai le désir de culture, tous les moyens mis en œuvre, toutes les offres proposées ne connaîtront qu’un succès limité auprès de nouveaux jeunes publics et ne susciteront pas l’émergence souhaitée de jeunes talents.

Comment passer d’une culture réservée à des clubs d’initiés à une vie culturelle partagée par le plus grand nombre ? En la rendant vivante et attractive, en particulier en partant du contemporain pour revenir au patrimoine traditionnel.

Pour atteindre les jeunes publics, il faut saisir les nouveaux modes de consommation et de création culturelles rendus possibles par les technologies de l’information et de la communication. Il faut promouvoir les créations pluridisciplinaires conçues via et pour le réseau internet, par exemple le « net art » qui utilise les techniques numériques interactives entre internautes et artistes. Il faut mettre la culture en mouvement en connectant les espaces virtuels aux espaces culturels patrimoniaux, en organisant des visites à l’intérieur de cet espace virtuel, en augmentant la réalité de façon à la rendre extrêmement vivante.

D’une façon générale, il convient de donner une priorité aux projets qui offrent l’opportunité à chacun d’entre nous de dépasser le stade de bénéficiaire d’une offre culturelle à celui d’acteur plus ou moins actif d’une culture en mouvement.

Et pour toutes les générations, il faut favoriser le développement des pratiques amateurs en proposant des offres de proximité ouvertes à des choix diversifiés, adaptées aux différentes catégories de population et accessibles aux revenus les plus modestes.

Il faut renforcer également les efforts envers toutes les formes de spectacles vivants, envers les festivals, envers toutes les formes d’exposition d’œuvres d’art, car tout cela s’exprime dans des lieux de vie, dans des lieux de rencontre et de partage entre publics ainsi qu’entre publics et artistes, chacun pouvant exprimer son ressenti et être à l’écoute de celui des autres.

Chers collègues, l’exercice effectif de toutes les potentialités artistiques de chacun d’entre nous est l’une des composantes essentielles des droits culturels. Non seulement il contribue à l’épanouissement de la personnalité de chacun, mais également grâce aux liens culturels et au dialogue interculturel, il contribue à la promotion du bien vivre ensemble au sein d’une société, d’un pays, ainsi qu’entre les peuples, favorisant ainsi la cohésion des citoyens du monde. »

Mme Marietta Karamanli (Sarthe – SRC), intervenant au nom du groupe socialiste, a souhaité souligner le lien intrinsèque entre citoyenneté et participation à la vie culturelle :

« Notre discussion se tient au moment où dans l’ensemble des pays de l’Europe, la crise des endettements privé et public conduit à réduire les dépenses publiques, sacrifiant bien souvent ce qui est considéré comme accessoire et non indispensable, car n’étant pas un besoin élémentaire des individus, et notamment les dépenses dédiées à l’éducation et à la culture.

Tout d’abord, je voudrais dire au nom du groupe socialiste que ce rapport présente un quadruple intérêt : il rappelle que le droit à la culture et à toutes ses formes, qu’elles soient contributives ou créatives, est un droit de l’homme ; il fait de la collectivité et notamment de l’Etat un acteur essentiel de sa mise en œuvre ; il envisage le droit à la participation à la vie culturelle comme un droit-créance que chacun peut mettre en œuvre en le définissant et en l’adaptant à sa personnalité et à ses besoins. Cet exercice suppose une approche décloisonnée que tente de cerner le rapport. Enfin, il met l’accent sur l’enjeu que ce droit représente pour les jeunes.

Tous ces points nous paraissent positifs et nous devons en remercier Mme la Rapporteure, les membres de la commission de la culture, de la science et de l’éducation, ainsi que tous ceux qui ont apporté leurs réflexions. La participation à la vie culturelle est une manifestation de la citoyenneté et au cœur même de la vie de la cité. Ce droit en est un des fondements et, comme tel, devrait bien plus retenir l’attention des gouvernements. Dans l’Antiquité grecque, le lien qui existe entre participation à la vie culturelle et vie citoyenne pouvait se ressentir au théâtre où le monologue devenait dialogue, où l’on traitait des questions de la cité. Lors de concours, le public approuvait ou désapprouvait…

Aujourd’hui, ce lien est toujours vivant, mais il faut le préserver.

Ce droit de participation à la vie culturelle est aussi de nature à faire progresser l’égalité. Il incite les individus à donner le meilleur d’eux-mêmes.

La deuxième idée que je retiens du rapport est que les changements à venir ne pourront avoir lieu que si les États réalisent un effort massif en faveur de ce droit – ce caractère massif étant, au final, minime au regard des effets bénéfiques qui peuvent en être attendus. Les politiques doivent donc investir dans la participation de chacun à la vie culturelle et nous en appelons aux gouvernements et institutions internationales pour qu’ils comprennent que ces dépenses en période de crise ne doivent pas devenir des parents pauvres de l’action publique, mais être au cœur d’une politique de développement économique et de remodelage de la société.

Le rapport propose un canevas d’outils et d’institutions propres à inciter les États à faire cet effort. C’est un premier pas. Mais la vérité n’est pas dans les outils, elle réside dans la volonté politique de faire autrement, au-delà des mots ! Peut-être faudrait-il montrer aussi en quoi le fait de ne pas agir appauvrirait nos communautés et leur développement.

L’enjeu de ces investissements et remodelages est à la fois culturel et social. La démocratie, dont le Conseil de l’Europe est à la fois le symbole et le garant, n’est pas seulement laissée au libre choix des gouvernants, elle est aussi la promotion de l’accès au droit à la culture et à l’affirmation des capacités de chaque individu par celle-ci. »

M. Jacques Legendre (Nord – UMP) a, de son côté, insisté sur le décalage entre une offre culturelle bénéficiant de l’évolution technologique et une diversité culturelle menacée :

« A l’heure de la massification de la culture, la proposition de notre collègue Muriel Marland-Militello sur l’institution d’un droit effectif à participer à la vie culturelle pourrait apparaître paradoxale. L’évolution technologique a multiplié les supports pour la réception de la culture : le film n’est plus enfermé dans les salles obscures mais directement accessible chez soi, via le « cinéma maison » ou l’ordinateur, le livre est tout aussi papier qu’électronique, quand la musique n’est plus l’apanage d’une salle de concert ou d’une chaîne HiFi, mais est désormais compressée sur les téléphones. L’offre culturelle existe donc. Peut-on pour autant totalement s’en satisfaire ?

Je crains que non. La proposition de notre collègue induit la notion de diversité culturelle. Je ne suis pas sûr qu’elle soit totalement garantie par l’évolution technologique et la transformation parallèle du bien culturel en objet de consommation. La massification, comme la marchandisation de la culture, induit une forme de standardisation, à rebours donc d’une nécessaire pluralité.

De fait, comment garantir la participation à la vie culturelle de chacun dès lors que sa propre culture, si elle est minoritaire, n’est pas représentée ? C’est donc bien à une révolution de la pratique culturelle moderne que nous invite la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias.

L’Etat, en dépit des contraintes budgétaires qui s’imposent à lui par temps de crise, a, à cet égard, tout son rôle à jouer. Je souscris pleinement aux observations de la rapporteure invitant la puissance publique à réévaluer l’éveil culturel au sein des programmes nationaux d’éducation. La participation à la vie culturelle ne sera pleine et entière que si la sensibilité a été au préalable aiguisée. L’école a ainsi un rôle fondamental à jouer. Et je ne parle pas seulement de l’enseignement artistique. Mme Marland-Militello a parfaitement raison de soutenir un décloisonnement des matières destiné à mettre en valeur la dimension artistique de telle ou telle matière. J’y vois même une opportunité en vue de mieux appréhender certaines notions fondamentales, en mathématiques comme en histoire, en physique comme en géographie.

Mon propos introductif corrélait massification de la culture, standardisation et évolution technologique. Ne voyez pas dans mon propos une quelconque hostilité à la modernité. Il convient surtout qu’elle soit mieux employée. La dématérialisation de la culture peut constituer une formidable opportunité dès lors qu’elle permet d’accéder à des œuvres dont la diffusion traditionnelle est rendue impossible en raison de leur écho limité.

Cette lumière mise sur le patrimoine ne doit pas pour autant contribuer à fossiliser la culture. Si celle-ci peut constituer un héritage, elle n’a pas pour autant de limite temporelle.

Le rapport de notre collègue appelle notre plus entier soutien, tant il me semble qu’il répond enfin à la crise de la culture, dénoncée il y a près de soixante ans par Hannah Arendt. »

Mme Maryvonne Blondin (Finistère – SOC) a souhaité mettre en avant le rôle des collectivités locales en matière d’accès à la culture :

« ‘ La culture est le début et la fin de tout développement ‘, disait Senghor.

Je me félicite du rapport de notre collègue Muriel Marland-Militello, qui pointe le doigt sur un droit universel insuffisamment défendu dans nos sociétés. Et je la rejoins dans ses recommandations au Comité des Ministres et, à travers lui, aux États membres.

L’accès, tout comme la participation à la vie culturelle, reste encore complexe, et je pense même qu’il connait un recul dans le contexte de crise économique, sociale et morale, de repli sur soi et aussi de marchandisation de la culture.

La culture est un vecteur d’épanouissement et d’émancipation. Elle permet de tisser les liens entre les citoyens, elle rassemble, elle permet le partage des envies, des curiosités, des émotions ! Elle est indispensable, surtout en période de crise.

Si le phénomène de mondialisation, en dépit de ses bienfaits en termes de diffusion, a eu tendance à nous présenter des pratiques culturelles stéréotypées, il a eu aussi le paradoxe de réveiller et susciter les sursauts de régions à forte richesse culturelle.

D’autre part, les difficultés financières ont malheureusement conduit les gouvernements à réduire les budgets consacrés à la culture et ainsi à fragiliser le financement de nombreux projets. En tant que membre de la commission de la culture au Sénat, c’est une tendance que je dénonce depuis plusieurs années.

Certes, les collectivités territoriales ont bien compris l’importance de la culture dans leur territoire et ont fait de l’accessibilité de tous – indépendamment de l’origine sociale, géographique, de la situation de handicap ou de l’âge – à la culture, aux sports et aux loisirs, un vecteur de cohésion sociale, conformément à l’engagement pris dans l’Agenda 21.

Dans un territoire, les projets culturels sont un moteur de dynamisme, de création d’emplois et de développement économique.

Savez-vous qu’en France, ce secteur emploie plus de 900 000 personnes, plus que le secteur automobile ? Un exemple : le Louvre-Lens, le centre Pompidou-Metz ont redynamisé le Nord-Pas de Calais et la Moselle, régions profondément touchées par des crises industrielles à forte population ouvrière, peu habituées à ces formes de culture.

Cette alliance de l’excellence culturelle et de la proximité ne peut se faire sans une contractualisation forte avec l’Etat. En effet, l’Etat se doit de soutenir les collectivités et les institutions culturelles et de veiller à l’aménagement du territoire. Ensemble, collectivités et Etat ont le devoir d’accompagner les enfants, les publics les plus éloignés, les publics « empêchés » vers des lieux et des pratiques culturels désacralisés.

Cette culture partagée est un facteur d’humanité. Mes chers collègues, il ne faudrait pas que nos recommandations se limitent à la recherche du plus petit dénominateur commun entre les États membres ! J’en appelle aussi au Congrès des Pouvoirs locaux et régionaux de notre Conseil pour qu’il veille à la prise en compte de l’accès à la culture de tous dans leurs travaux. »

M. Jean-Pierre Kucheida (Pas-de-Calais – SRC) a également mis en avant le rôle des territoires en matière culturelle :

« Je souscris totalement au rapport de Mme Marland-Militello. Merci, ma chère Muriel !

La culture doit être universellement accessible, comme l’air et l’eau, serais-je tenté de dire si l’un et l’autre l’étaient. L’actualité la plus récente, en effet, me laisse parfois songeur quant à une telle universalité. Alors qu’à l’échelle mondiale le volume de vente de livres numériques augmente significativement, attestant ainsi que le livre trouve un second souffle grâce aux nouveaux supports technologiques, en France, mes concitoyens font face à une hausse de la TVA sur les produits de consommation en général mais, également, sur les biens culturels, lesquels ont été renchéris sous le couvert d’un effort supplémentaire à consentir pour résorber les déficits engendrés par la crise économique. Si les supports technologiques, nouveaux vecteurs de la culture, demeurent extrêmement chers et donc peu abordables pour la plupart des foyers, il me semble que les supports plus classiques de diffusion culturelle devraient être préservés de toute augmentation des prix afin de maintenir l’accès à la culture, ainsi que le dit d’ailleurs notre rapporteure.

En outre, les États abandonnent en la matière leurs ambitions au profit des collectivités locales alors qu’ils se devraient, en France comme ailleurs, de relancer les grands symboles tels que les maisons de la culture chères à André Malraux, lesquelles structuraient tout un territoire. Au contraire, l’essor des musées ralentit.

En France, au Royaume-Uni et au Pays basque espagnol, on dénombre toutefois quelques exceptions avec les synergies qui ont animé des projets d’implantation de musées décentralisés. Dans mon pays, je songe à l’arrivée du Louvre à Lens, au sein de l’une des régions minières qui compte parmi les plus pauvres et les plus ouvrières. On peut aussi faire référence, en Espagne, au musée Guggenheim de Bilbao – jusqu’alors en déshérence économique –, ou, en Angleterre, au Tate Museum de Liverpool. Tout cela devrait favoriser une relance économique et culturelle, donc, une élévation du niveau des populations.

La gratuité, dans le domaine culturel, est loin d’être généralisée alors que le mécénat ne profite qu’aux structures culturelles les mieux installées et à celles qui en ont le moins besoin.

S’agissant de l’éveil à la culture, l’école en souffrance, en France et ailleurs, ne saurait se targuer de pouvoir ouvrir les premières portes de cet univers à tous les élèves, loin s’en faut.

Je souscris bien entendu à l'idée selon laquelle les inégalités culturelles doivent être lissées et effacées à grand renfort d’un traitement différencié : il faut traiter l’inégalité par l’inégalité en aidant les régions culturellement les moins favorisées. Je ne peux m’empêcher toutefois de sonner l’alarme compte tenu des faibles moyens dont disposent les territoires pour y parvenir, surtout lorsque leur attractivité s’efface devant le poids des grandes capitales culturelles régionales, européennes ou mondiales et alors que la crise économique appauvrit encore les plus pauvres de nos concitoyens. Ils sont contraints de réduire leur budget culturel parce que tout le reste semble vital alors que la culture est bien souvent essentielle en permettant l’élévation de l’homme et de la société. »

M. René Rouquet (Val-de-Marne – SRC) a rappelé les liens entre accès à la culture et affranchissement social :

« Je tiens à féliciter chaleureusement Mme Muriel Marland-Militello pour son excellent rapport. Je partage entièrement le point de vue de la rapporteure qui considère la culture comme un droit de l’homme, à part entière. Pour André Gide, la culture n’est-elle pas, en effet, « ce qui reste lorsque l’on a tout oublié » ?

Ni luxe, ni distinction, la culture n’est-elle pas le socle de notre humanisme ? La culture n’est-elle pas, également, contrairement à ce que prétendent ses détracteurs, ce niveleur des conditions, dont l’accessibilité se doit d’être garantie ?

Ce n’est pas sans émotion que j’ai lu l’interview que ma collègue, la députée française Aurélie Filippetti, fille de mineur, agrégée de lettres classiques, députée, et écrivaine, a donné au journal Le Monde : elle y explique que ce qui l’a sauvée, c’est la littérature.

Sauvée en lui donnant les clés de l’autonomisation de sa condition, de femme et de fille d’ouvrier. Sauvée en lui donnant un horizon des possibles, auquel ses origines sociales ne la destinaient a priori pas. Sauvée en lui donnant également le droit de participer à la vie culturelle. Car si la culture est un droit à part entière, son accessibilité et le droit d’y participer en sont les deux composantes inséparables.

Souvent, c’est uniquement l’accessibilité à la culture qui est mise en exergue. C’est évidemment une condition pour participer à la vie culturelle, essentielle, mais non suffisante. Permettez-moi à ce propos une anecdote personnelle : j’ai découvert, tardivement, le plaisir d’aller à l’opéra. Ma culture familiale ne m’y avait pas porté. Et c’est par un heureux hasard que j’eus la chance d’être initié au plaisir d’écouter de l’art lyrique, qui n’est pas facilement appréhensible…Qu’auraient été mon parcours, ma vie, si cette découverte était intervenue plus tôt ? Difficile à dire !

L’originalité du rapport, réside, justement, dans ce deuxième aspect : offrir à chacun la possibilité de développer des talents artistiques pour participer à la vie culturelle.

Il faut convaincre nos gouvernements que participer à la vie culturelle doit être un droit garanti ! Ce qui suppose évidemment le financement de politiques culturelles. Je soutiens entièrement ce point de vue.

Les politiques culturelles ne doivent pas être des variables d’ajustement, qu’elles soient financées par l’État ou par les collectivités territoriales. Elles sont au contraire essentielles, en particulier en situation de crise, car c’est bien dans les moments extrêmes que la culture montre toute son importance.

Il suffit pour en être persuadé de se rappeler les magnifiques pages de Jorge Semprun, dans l’Ecriture ou la vie, relatant les dimanches à Büchenwald et la manière dont la culture et son partage permettaient d’établir un rempart contre la barbarie. »

M. André Schneider (Bas-Rhin – UMP) a, quant à lui, rappelé le rôle indispensable de l’école en vue de favoriser l’accès de tous à la culture :

« Mes chers collègues, je tiens également à féliciter chaleureusement ma collègue et amie Muriel Marland-Militello pour la qualité du rapport qu’elle nous présente aujourd’hui.

Le droit de participer à la vie culturelle doit véritablement être garanti par tous les gouvernements : il ne s’agit en rien d’un droit superfétatoire, mais bien d’un droit essentiel !

Je voudrais brièvement évoquer mon expérience personnelle sur cette question. J’ai eu le bonheur d’enseigner pendant près de 33 ans dans des zones difficiles de la région de Strasbourg et de me trouver alors face à des enfants que l’on qualifie souvent de « défavorisés » et pour lesquels l’accès à la culture n’était pas chose évidente, compte tenu de leur milieu familial.

Aussi, chers collègues, sans l’École, combien de « Mozart assassinés » ? Combien d’intelligences laissées en friche ? Mais aussi, combien de pays n’offrent pas à leur jeunesse cette possibilité de développer harmonieusement sa personnalité et cet indispensable équilibre entre savoir, sensibilité et esprit critique ? Aussi, quel bonheur que de pouvoir offrir à nos enfants cet appétit de culture et de leur permettre, si vous me pardonnez cette expression, de « dévorer avec voracité » cette culture que nous leur offrons.

Dire que certains sociologues idéologues dont Pierre Bourdieu, mort il y a dix ans, dénonçaient l’accès à la culture de ceux que l’on appelait dans certains pays « les masses populaires » ! Dans Les Héritiers, coécrit avec Jean-Claude Passeron, en 1964, ce sociologue a conceptualisé l’idée de bien symbolique, de capital culturel en dénonçant le caractère élitiste de la culture. Dénonciation marxiste, vous l’aurez compris, qui au lieu de rendre plus accessible à tous la culture et de garantir le droit de participer à son édiction, s’est à l’inverse traduite par une mise au ban de celle-ci, avec pour seul effet de la rendre encore moins transmissible. Certes, il ne s’agit que d’un effet pervers des théories bourdieusiennes, mais quel désastre !

On peut également se demander si la suppression au concours d’entrée de Sciences-Po de l’épreuve de culture générale, sous prétexte de son caractère discriminant, n’en est pas la dernière marque.

Plutôt que de dénoncer le difficile accès à la culture, ne serait-il pas plus opportun de renforcer sa transmission et de permettre à tous d’avoir accès à « un droit pivot » pour reprendre les termes du rapport ?

Dans La Crise de la culture, la philosophe Hannah Arendt, s’inquiète de la marchandisation de la culture et de son éviction au profit d’une culture de masse, du divertissement.

Ce n’est pas parce que la culture est d’un accès difficile que nous devons renoncer à la transmettre, il faut au contraire tout mettre en œuvre pour que chacun ait le droit de participer à son édiction ! C’est là le sens d’une véritable égalité des chances démocratique ! Et je ferai mienne l’expression de Malraux : « La culture ne s’hérite pas, elle se conquiert » ! »

M. Jean-Claude Frécon (Loire – SOC) a, quant à lui, mis en avant l’importance du rôle de l’État en matière culturelle :

« Au-delà de l’accès à la culture, on se rend compte que la question du droit de participer à la vie culturelle induit une autre problématique : celle de l’entretien d’une riche diversité de ressources culturelles, comme vous l’avez dit, Madame la Rapporteure. Le droit de participer à la vie culturelle suppose en effet que sa propre culture puisse être visible dans l’espace public.

La réalisation du droit de participer à la vie culturelle signifie que toutes les personnes doivent pouvoir accéder à toutes les ressources culturelles qui paraissent nécessaires à leur développement. Elles doivent, à cet égard, pouvoir s’appuyer, sur des institutions concourant à cet objectif. Nous les connaissons bien, il s’agit des musées, des bibliothèques, des médiathèques, des théâtres, des maisons de la culture, etc. Ce droit de participer à la vie culturelle ne saurait être effectif si une offre culturelle n’est pas assurée.

Sans contester au secteur privé sa capacité à structurer une telle offre, il apparaît néanmoins que nos États ont un rôle essentiel à jouer en raison de l’universalité du droit à participer à la vie culturelle. De fait, déjà garants de la cohésion sociale, ils doivent également mettre en place les politiques nécessaires à la libre expression de toutes les pratiques culturelles.

L’intervention de l’État dans le domaine de la culture est toujours sujette à caution. On songe rapidement aux précédents historiques tragiques, lorsque les régimes totalitaires usaient de la culture, avant-gardiste ou traditionnelle, pour asseoir leur domination sur les populations. L’Etat moderne, démocratique, ne doit, à cet égard, pas être le garant d’une culture mais avoir le rôle de metteur en scène, si je peux m’exprimer ainsi. L’Etat démocratique doit en effet mettre en scène toutes les cultures pour leur donner la visibilité nécessaire et renforcer ainsi leur accessibilité par le plus grand nombre.

Même en temps de crise, les programmes culturels doivent rester au rang des priorités. L’excellent rapport de notre collègue Muriel Marland-Militello vient néanmoins souligner que des initiatives peuvent être prises sans pour autant grever les budgets des États. Je pense notamment au soutien aux projets participatifs. Je songe également à la mise en réseau des opérateurs publics et privés.

Le droit de participer à la vie culturelle implique donc une réflexion sur le rôle de l’État libéral en la matière. Elle conduit à intégrer dans ses missions régaliennes la culture, ou plutôt la mission de défendre et de promouvoir tous les patrimoines culturels. À cet égard, la garantie du droit de chacun de participer à la vie culturelle pourrait bien, à l’avenir, être un critère pour évaluer le degré de modernité d’une démocratie. »

Dans sa réponse aux orateurs, Mme Muriel Marland-Militello a insisté sur le lien entre la crise économique voire politique qui traverse l’Europe et les menaces qui pèsent sur la démocratisation de la culture :

« Je ne commencerai pas sans vous exprimer l’émotion que m’inspire l’intérêt que vous avez manifesté pour la démocratisation de la vie culturelle et pour les progrès que nous devons faire afin de réduire les inégalités dans l’accès à la culture. Tous, vous avez très bien compris et senti combien, quelles que soient les lois, le problème réside dans l’application de ce droit de participer à la vie culturelle. C’est pourquoi nous avons souhaité établir un catalogue de tous les risques de non-application dans le monde entier.

Vous êtes très nombreux à être attachés à votre identité culturelle ; c’est formidable. Vous êtes très nombreux à vous inquiéter de la pérennité de cette identité culturelle ; c’est très touchant. Il est très réconfortant, pour l’élue que je suis, de se dire que les représentants des parlements de tous ces pays, les représentants, donc, de toutes ces nations, sont sensibles à la démocratisation culturelle.

Je suis également très sensible au fait que chacun, tout en défendant son identité culturelle, témoigne d’une élévation d’esprit qui le pousse à défendre des droits culturels universels, rattachés aux droits de l’Homme. C’est extrêmement réconfortant.

Un certain nombre de réflexions m’ont interpellée. M. Legendre a ainsi dit - cela m’a beaucoup intéressée – qu’il y avait un paradoxe à voir la culture dématérialisée se rapprocher des personnes en abolissant les frontières sans que la diversité culturelle s’en trouve garantie. Au contraire, la dématérialisation de la culture expose au risque d’une marchandisation de la culture. C’est très grave, car nous tenons beaucoup à la diversité culturelle. N’oublions pas, à cet égard, que nous avons besoin de l’Unesco pour maintenir l’exception culturelle.

J’ai beaucoup apprécié les propos de Mme Backman, qui a évoqué une notion extrêmement intéressante : le design pour tous. Vous avez raison, Madame, il faut accorder une grande importance à la situation des personnes qui souffrent d’un handicap de naissance ou qui se trouvent en situation de handicap en raison de leur âge. C’est très important. Un droit abstrait n’a aucun sens. Ce qui compte, c’est l’exercice concret de droits par différentes personnes.

Nous devons d’ailleurs penser à un risque qui n’a pas été développé dans ce rapport mais qui pourrait être l’objet d’un autre. Il existe un lien entre la crise économique, les crises politiques et les dangers dont la démocratisation culturelle est menacée.

Dernier élément, la démocratisation culturelle n’a aucun sens s’il n’y a pas une harmonie entre les efforts au profit de tous les artistes et les efforts menés pour tous les publics. Ces deux volets sont fondamentaux pour la construction d’une société culturelle et donc humaniste, car c’est quand même le propre de l’homme que de créer à partir de rien. « La culture est le plus court chemin d’un homme à un autre », disait Malraux. Si nous réussissons, nous l’atteindrons, j’en suis convaincue. »

La recommandation adoptée par l’Assemblée établit 17 lignes directrices destinées à élaborer des politiques favorisant la participation effective à la vie culturelle. Les gouvernements sont notamment invités à assurer une offre diversifiée de services culturels. Ils sont également censés permettre une coopération entre secteurs public et privé en matière culturelle. Ils devraient, à cet effet, pouvoir dégager les ressources budgétaires nécessaires.

Le texte souligne également l’importance de l’école, appelée à devenir un lieu d’échange et d’expression artistique. L’acquisition des connaissances élémentaires doit être complétée par une véritable ouverture à l’art. Le recours aux techniques interdisciplinaires apparaît, à cet égard, comme une priorité.

Un accent particulier est, par ailleurs, mis sur les nouvelles technologies, qui devraient permettre d’ouvrir la voie à de nouveaux modes de création et de consommation de la culture. Une position médiane devrait ainsi être trouvée entre encouragement à la numérisation des œuvres culturelles et protection des droits de propriété intellectuelle.

B. PROTÉGER LES DROITS HUMAINS ET LA DIGNITÉ DE LA PERSONNE EN TENANT COMPTE DES SOUHAITS PRÉCÉDEMMENT EXPRIMÉS PAR LES PATIENTS

La Convention pour la protection des droits de l’Homme et de la dignité de l'être humain à l'égard des applications de la biologie et de la médecine - convention sur les droits de l’Homme et la biomédecine, dite Convention d’Oviedo -, a été adoptée par le Conseil de l’Europe en 1997. Elle a été, à ce jour, ratifiée par 29 États membres, dont la France. Ce texte décline les principes fondamentaux applicables à la médecine quotidienne ainsi que ceux applicables aux nouvelles technologies dans le domaine de la biologie humaine et de la médecine. Nul ne peut, à cet égard, subir un traitement contre sa volonté.

La Convention prévoit notamment que si un patient n’est plus en mesure d’exprimer sa volonté au moment où une intervention médicale est jugée nécessaire, les souhaits qu’il a pu exprimer précédemment doivent être respectés. Ces volontés peuvent être consignées au sein de testaments de vie, de procurations permanentes ou de directives anticipées.

La commission des questions sociales, de la santé et de la famille a relevé dans le rapport qu’elle a présenté devant l’Assemblée parlementaire l’absence d’homogénéité des législations des 47 États membres en ce qui concerne ces documents.

La résolution adoptée par l’Assemblée invite en conséquence les pays qui ne disposent pas d’une législation spécifique à adopter rapidement une feuille de route afin de s’en doter. Ces documents devront respecter un certain nombre de principes :

• se présenter sous forme écrite et être pleinement pris en compte lorsqu’ils ont été correctement validés et enregistrés, idéalement au sein de registres publics ;

• les instructions préalables contenues dans ces textes qui sont contraires à la loi ne sont pas considérées comme valables ;

• la fonction consistant à représenter un malade devrait pouvoir être exercée par deux personnes, dont l’une s’occuperait des biens et l’autre, de la santé et du bien-être;

• une autorité compétente devrait être habilitée à enquêter et, si nécessaire, à intervenir, dans les cas où le mandataire n’agit pas conformément à la procuration permanente ou dans l’intérêt du mandant.

M. Jean-Paul Lecoq (Seine-Maritime – GDR), intervenant au nom du groupe pour la Gauche unitaire européenne a souhaité s’élever contre un amendement apporté au texte, qui rappelle la position de principe adoptée par l’Assemblée parlementaire contre l’euthanasie il y a quelques années :

« Je tiens à saluer la qualité du travail effectué par le rapporteur sur cette question d’éthique particulièrement difficile, qui mériterait un temps de débat plus long.

Volontairement, le projet de résolution avait choisi de ne pas aborder les questions relatives à l’euthanasie et à l’arrêt des traitements en fin de vie, afin de proposer un texte équilibré, respectueux des libertés. Nous sommes donc scandalisés par l’initiative individuelle de quelques-uns qui cherchent à dénaturer et à détourner l’objectif initial de ce rapport en proposant l’amendement no 4, qui vise à ramener au centre du débat les questions de l’euthanasie et du suicide assisté.

Il n’est pas question d’obliger de manière détournée les États à se positionner sur ces questions. L’utilisation du présent à valeur impérative dans le sous-amendement oral, pour empêcher de légiférer sur cette question, donne une portée temporelle inacceptable à cette proposition.

Le maintien de ce sous-amendement oral conduirait notre groupe à ne pas voter le projet de résolution. Je ne pense pas que cela ferait avancer la protection des droits de l’Homme. Cela ne serait pas non plus une attitude constructive pour notre Assemblée. Néanmoins, nous ne nous laisserons pas piéger par la politique de terre brûlée de quelques-uns.

Ce qui nous intéresse particulièrement, c’est justement le rapport à la liberté de chacun. Ce qu’il faut respecter avant tout, c’est l’autonomie des patients, leur liberté de choisir, dans le respect de leurs convictions et croyances, quels types de soins ils souhaitent lorsqu’ils sont en situation de fragilité ou d’inconscience.

Récemment, je relisais La fin de l’autorité d’Alain Renaut. Pour lui, l’autorité du médecin en tant qu’autorité scientifique est l’un des derniers vestiges de l’autorité traditionnelle.

La loi Kouchner du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, a précisé, en codifiant la jurisprudence du juge administratif, l’obligation pour les médecins d’informer les patients des traitements relatifs à leur état de santé. L’autonomisation et la responsabilisation des patients sont un progrès indéniable.

La loi française apparaît comme un exemple d’équilibre entre deux responsabilités et deux libertés : la liberté du malade de recevoir et d’accepter un traitement, et celle du médecin de répondre à son serment de sauver des vies.

Je souhaiterais, à ce titre, citer la position du juge français dans une ordonnance de référé du 16 août 2002 qui tire les conséquences de la loi du 4 mars 2002 : « Le droit pour le patient majeur de donner, lorsqu’il se trouve en état de l’exprimer, son consentement à un traitement médical revêt le caractère d’une liberté fondamentale ; toutefois les médecins ne portent pas à cette liberté fondamentale, telle qu’elle est protégée par les dispositions de l’article 16-3 du code civil et par celles de l’article L. 1111-4 du code de la santé publique, une atteinte grave et manifestement illégale lorsqu’après avoir tout mis en œuvre pour convaincre un patient d’accepter les soins indispensables, ils accomplissent, dans le but de tenter de le sauver, un acte indispensable à sa survie et proportionné à son état ; le recours, dans de telles conditions, à un acte de cette nature n’est pas non plus manifestement incompatible avec les exigences qui découlent de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, et notamment de son article 9. »

Cette position équilibrée et respectueuse du droit conventionnel européen me semble être un exemple intéressant à présenter comme exemple de bonne pratique. J’espère que l’Assemblée saura raison garder et que le texte amendé en commission ne sera pas retenu. »

En dépit de la position exprimée par le groupe GUE, l’amendement a été adopté.

Mme Christine Marin (Nord – UMP) a tenu, dans son intervention, à rappeler les difficultés juridiques que ne manqueraient pas de poser à l’avenir ces directives, mais a souhaité voter en faveur du texte :

« Je tiens à féliciter le rapporteur pour le travail remarquable qu’il a effectué sur ce sujet difficile. Il aboutit à un projet de résolution et de recommandation équilibré auquel je vais souscrire, mais pas sans réserves.

Si le sujet que nous abordons aujourd’hui en séance n’est ni celui de l’euthanasie ni celui du suicide assisté, il n’en demeure pas moins extrêmement proche de ces questions. C’est pourquoi je soutiens la proposition de texte amendé en commission pour que toute ambiguïté sur la proposition du rapporteur soit levée.

C’est un sujet extrêmement sensible parce qu’il soulève des questions éthiques mais aussi parce qu’il aborde des questions relatives à la liberté des individus, à leur autonomie, et surtout à leur dignité.

Pour illustrer mon propos, je souhaiterais aborder une question personnelle, douloureuse, mais qui met bien en lumière la difficulté d’avoir une position tranchée sur la protection des droits humains et la dignité de la personne en tenant compte des souhaits précédemment exprimés par les patients. Il n’est pas facile, encore aujourd’hui, pour moi d’en parler, mais si je franchis ce pas, c’est parce que je crois que cela peut être utile aux débats de ce jour.

Que faire lorsque l’on assiste à la mort de son père, dans des souffrances atroces, confrontée à son impuissance devant la dégradation lente du corps alors que l’âme est encore intacte ? Que faire lorsque l’on assiste à la mort de son père, lors d’une agonie lente, et que l’on est confrontée à son impuissance à répondre aux appels à l’aide ? Que faire lorsque l’on assiste à la mort de son père, confrontée à l’acharnement thérapeutique des médecins, contraire au principe de dignité, mais soumise au secret espoir qu’il ne s’agisse pas d’un acharnement ? J’avoue avoir prié pour que ses souffrances cessent. J’ai finalement été exaucée. Heureusement ou malheureusement ?

Une fois sortie de l’émotion, comment légiférer sur cette question ? Comment s’assurer du consentement éclairé des patients ? Est-ce encore l’émotion qui devra guider notre réflexion de ce soir ? Comment réussir à concilier le respect de la dignité et la volonté de vivre ? Si l’on peut recueillir le souhait des patients, comme le propose le texte, comment, alors, s’assurer de la pérennité de cette volonté ? Le libre arbitre que j’exprime aujourd’hui sera-t-il celui que j’exprimerai dans trois mois ? Quelle validité, dès lors, accorder à ces directives anticipées, aux testaments de vie ou procurations permanentes qu’encourage le texte ? Comment réconcilier les deux principes que sont le respect de la dignité de la personne humaine et celui de l’autonomie de la volonté ? Aujourd’hui je n’ai toujours pas trouvé la réponse à toutes ces questions. Mais le rapport a au moins le mérite d’exister et je le voterai. »

M. François Rochebloine (Loire – NC) a également adopté une position nuancée sur ce texte :

« En découvrant dès les premières lignes du projet de résolution une référence au respect du droit à la vie privée, à l’autonomie de la personne et à la dignité humaine, on ne peut que se sentir d’accord, dans un premier mouvement, avec la démarche proposée. Mais encore faut-il être parfaitement au clair sur les dispositions prises ou proposées au nom de ces grands principes.

Je suis d’accord, en premier lieu, pour assurer le respect sans faille des dernières volontés de personnes souhaitant procéder à un don d’organes. Mais s’il faut encourager de telles pratiques qui peuvent sauver des vies, on ne peut cependant pas tolérer, même au nom de la santé publique, les pressions qui accompagnent certaines demandes de prélèvements, fût-ce au nom de la science.

Je suis également tout à fait d’accord pour proscrire tous les actes qui relèvent de l’acharnement thérapeutique. La personne humaine ne peut pas être objet de soins : elle est un sujet que les soins visent à restaurer dans son autonomie et dans sa dignité. Il me semble d’ailleurs qu’une telle obligation pèse sur le médecin ou le chirurgien du seul fait de l’exercice de son art ; que le malade lui ait fait connaître sa volonté sur ce point n’ajoute ni ne retire rien à ses devoirs de soignant.

La même visée de restauration de la capacité de la personne malade, en fin de vie, à penser, agir, parler et communiquer de la façon la plus libre et la plus autonome possible me semble justifier amplement le développement des soins palliatifs. Accompagner de manière respectueuse, progressive et techniquement sûre un patient vers l’accomplissement de sa vie n’est plus perçu, aujourd’hui, comme un échec de la science mais comme une marque ultime de fraternité. J’adhère donc pleinement au rapport à ce propos.

En revanche, la notion de « testament de vie » suscite en moi beaucoup plus de réserves. S’il s’agit de formaliser, dans un document à valeur contractuelle, les risques et les chances d’un traitement ou d’une opération - et pas seulement du point de vue du praticien qui administre le traitement ou réalise l’opération -, pourquoi pas ? Ce système existe déjà dans différents pays, dans la perspective de parer à d’éventuelles actions en responsabilité. On peut imaginer qu’il soit mis en œuvre de manière plus large pour permettre une expression personnelle du malade sur ce qu’il attend et sur ce qu’il n’attend pas des soins qui vont lui être prodigués. Mais s’il s’agit de faire obligation au praticien, dans une situation thérapeutique jugée a priori défavorable par le malade, d’interrompre des soins alors que des perspectives d’amélioration de la santé existent encore, je ne peux être d’accord. D’abord, parce qu’une telle décision confère au praticien une responsabilité terrible. Ensuite, parce qu’elle est irrémédiable alors que la volonté du malade peut évoluer au fil de sa maladie et qu’il peut être temporairement hors d’état de l’exprimer alors que lui seul est apte à le faire avec une conscience libre. Enfin, parce qu’elle ouvre la voie à nombre de manipulations et de pressions dans lesquelles la dignité et l’autonomie de la personne ne trouvent pas leur compte – or, c’est bien ces valeurs que l’on entend restaurer ou promouvoir.

Ainsi, je souscris à l’intention générale du rapport mais je n’adhère pas à toutes ses préconisations. »

C. LA PROTECTION DES DROITS DES FEMMES

1. Faire progresser les droits des femmes dans le monde

Le rapport de la commission sur l’égalité et la non-discrimination repose sur un constat simple : les femmes accomplissent les trois quarts du travail dans le monde mais la plupart ne bénéficient pas d’une rémunération. Elles ne possèdent que 2 % du patrimoine mondial. A l’inverse, deux tiers des personnes situées en dessous du seuil de pauvreté sont des femmes.

Parmi les huit objectifs du Millénaire pour le développement mis en avant par les Nations unies, trois concernent directement les femmes : la santé, l’absence de violences et l’accès à l’éducation et à l’autonomisation.

Si la mortalité maternelle a diminué sensiblement - de l’ordre de 34 % par rapport à 2000 – elle reste tributaire de la mise en place effective dans certains États de planning familiaux. La violence à l’égard des femmes n’est pas, de son côté, suffisamment combattue : 603 millions de femmes vivent ainsi dans des pays dépourvus de protection juridique contre la violence domestique. Au delà de la violence domestique, les Nations unies estiment que 2,5 millions de personnes sont victimes de la traite d’êtres humains dont 80 % de femmes et d’enfants.

Mme Michelle Bachelet, ancienne présidente de la République du Chili et désormais Secrétaire générale adjointe des Nations unies, directrice exécutive d’ONU Femmes, est venue corroborer ce constat, indiquant que son ambition première était de protéger les droits de femmes parfois menacés par la crise économique.

Mme Bernadette Bourzai (Corrèze – SOC) a tenu, dans son intervention, à dénoncer ces menaces :

« Le Conseil de l’Europe, comme d’autres organisations internationales, milite régulièrement pour le respect de l’égalité de genre. Nous pourrions croire que la cause est entendue, notamment au sein de nos démocraties. Il n’en est rien pourtant. Si les droits de l’Homme ont une valeur quasi sacrée sur notre continent, ils se réfèrent encore et toujours à un être abstrait et asexué. Ils ne prennent pas totalement en compte la spécificité de la condition féminine et c’est grâce à un travail de longue haleine que nous parvenons à affiner notre conception des valeurs fondamentales. À cet égard, je note qu’il a fallu attendre 2011 pour voir notre Organisation adopter la Convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique.

Malheureusement, un tel retard s’explique sans doute par le fait que cette violence fait partie des mœurs : le premier rapport d’ONU Femmes souligne que dans 57 pays analysés, des études sur la criminalité montrent qu’en moyenne 10 % des femmes ont été victimes d’agressions sexuelles, même si 11 % seulement d'entre elles osent en faire état.

Au-delà du cadre conjugal ou des atteintes classiques aux personnes, la violence sexuelle est même devenue une véritable arme de guerre, utilisée parfois contre les populations civiles afin de transmettre délibérément le virus du sida, avec pour objectifs la contamination forcée, le déplacement de populations et la terreur de communautés entières.

Le combat en faveur du droit des femmes est d’autant plus difficile que les victoires enregistrées peuvent être rapidement remises en cause. Le droit à l’interruption volontaire de grossesse est à la fois le symbole du féminisme, mais aussi de la fragilité des acquis obtenus dans la lutte en faveur des droits des femmes à disposer de leur corps. Rappelons que deux États membres du Conseil de l’Europe ont été condamnés par la Cour européenne des droits de l’Homme en raison des irrégularités observées dans la mise en œuvre de leur législation en la matière. On observe, par ailleurs, ici et là, des tentatives des gouvernements et des parlements de restreindre les conditions d’accès à l’avortement.

Puisque l’excellent rapport de notre collègue Lydie Err insiste sur la dimension mondiale du problème, je tiens également à rappeler qu’au cours du premier semestre 2011, pas moins de 80 lois ont été adoptées par les États américains en vue de durcir ces conditions.

L’utilisation du contexte économique et budgétaire pour justifier ces tentatives n’est pas acceptable. Soyons clairs, aucune situation économique ne saurait justifier une atteinte au droit à l’avortement, sauf à considérer que les femmes ne sont in fine que des variables d’ajustement économique. De fait, considérer que le droit à l’avortement ne constitue pas un acquis est bien une porte ouverte à toutes les remises en cause : aujourd’hui les droits sexuels, demain les droits économiques et pourquoi pas les droits civiques ensuite. Je tiens également à souligner que le droit à l’avortement est aussi un enjeu de santé publique, n’en déplaise aux thuriféraires d’un ordre moral par essence dépassé.

Le Conseil de l’Europe doit jouer un rôle moteur dans ce combat en faveur du droit des femmes. Paraphrasant Louis Aragon, je conclurai par ces mots : la femme est l’avenir des droits de l’Homme ! »

Aux yeux de M. André Schneider (Bas Rhin – UMP), de telles inégalités reposent encore sur des postulats archaïques :

« Je félicite chaleureusement la rapporteure Mme Lydie Err pour l’excellent rapport qu’elle a écrit sur la promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes.

Il ne vous aura pas échappé que c’est un homme qui s’exprime sur ces questions et qui reste néanmoins un fervent partisan de la promotion d’une égalité réelle entre les hommes et les femmes.

Elisabeth Badinter, dans son ouvrage Qu’est-ce qu’une femme ?, montre que le débat philosophique qui avait animé Diderot et Mme d’Epinay sur la nature de la femme à partir de la dissertation d’un obscur théologien est toujours d’actualité.

Si le philosophe et la romancière s’accordent pour ne pas différencier la nature de la femme de celle de l’homme dans ce qui pourrait apparaître comme les prémices d’un féminisme d’avant la lettre, la nature reste le prétexte explicatif, pour cet obscur théologien, pour justifier une réalité sociale se traduisant par une inégalité en droit entre les hommes et les femmes.

Ce qui pourrait apparaître donc comme une réalité d’un autre âge reste malheureusement largement toujours une explication répandue, celle d’une supposée nature inférieure des femmes.

Tant que cette explication perdurera, les politiques pour promouvoir l’égalité entre les sexes seront vaines !

Car c’est à la racine qu’il faut agir ! Extraire l’erreur de jugement qui consiste à penser que les différences physiques, aisément constatables, sauraient fonder une inégalité sociale.

Seules l’éducation et les politiques éducatives pourront combattre ces préjugés stupides !

Seules des campagnes d’information permettront de faire progresser les droits des femmes !

Seule la promotion de femmes à des postes visibles sera de nature à faire progresser le droit des femmes dans le monde ».

Le texte adopté par l’Assemblée incite les États membres du Conseil de l’Europe à renforcer les politiques de lutte contre les discriminations à l’égard des femmes. Un système mesurant l’impact économique des inégalités femmes-hommes devrait ainsi être mis en place. La participation à la vie politique des femmes et leur représentation devraient également être assurées.

Mme Arlette Grosskost (Haut-Rhin – UMP), présidente de la délégation française, a tenu, dans son propos à souligner l’importance de l’accès des femmes aux fonctions électives :

« Je félicite chaleureusement la rapporteure, Mme Err, pour l’excellence de son rapport. Si je n’en approuve pas nécessairement toutes les conclusions, son économie d’ensemble me semble intéressante pour faire progresser les droits des femmes dans le monde.

J’apporterai néanmoins une réserve sur la problématique du genre. Le paragraphe 3 du rapport renferme une confusion qu’il me semble important de lever. La problématique du genre et celle de l’égalité homme-femme sont des problématiques qui se recoupent mais ne se rejoignent pas.

La notion de genre est à prendre en compte pour les questions relatives à la discrimination, mais non pour celles relatives à l’égalité homme-femme. Trop large, elle peut apporter une confusion, notamment dans les pays les moins avancés en termes de droit, ce qui serait préjudiciable à l’objectif du rapport : faire progresser les droits des femmes dans le monde.

Aujourd’hui, l’égalité homme-femme n’est toujours pas une réalité. C’est un combat à part entière, que l’on doit mener comme tel, car le plafond de verre n’est pas une construction de sociologue, c’est une réalité vécue quotidiennement. Quelles solutions proposer pour mettre fin à une situation vécue comme discriminatoire et injuste ? Peut-on considérer la discrimination positive comme une solution envisageable ? Si je reste réservée quant à sa mise en place, en particulier dans le champ du politique, cela ne signifie en rien qu’elle ne puisse pas être une solution concevable.

Promouvoir l’accès des femmes aux fonctions électives est en effet une mesure essentielle. L’identification des jeunes filles à des modèles visibles est le meilleur moyen de leur faire prendre conscience que le destin des femmes ne se résume pas au mariage et à la maternité : la participation aux décisions publiques leur est également ouverte. Mme Bachelet en est l’exemple vivant !

C’est par la voie de l’identification que les femmes pourront se libérer des schémas de pensée ancestraux. C’est par la promotion de modèles auxquels elles pourront s’identifier que l’égalité deviendra une réalité. Si les lois sur la parité en politique ont offert aux femmes des perspectives qu’elles n’avaient pas auparavant, leur mise en œuvre est souvent faussée. Combien de partis politiques offrent des circonscriptions gagnables aux femmes ? Combien de partis les mettent en position d’éligibilité réelle lorsqu’il s’agit d’un scrutin de liste ? Combien de femmes sont placées en position de cache-sexe pour donner l’illusion que la loi est véritablement respectée ?

La discrimination positive n’est pas une panacée lorsqu’elle est détournée de ses objectifs premiers. Aussi l’hypocrisie qui la sous-tend doit-elle être dénoncée lorsqu’il s’agit de faire véritablement progresser les droits des femmes dans le monde. »

La mise en place d’un statut juridique peut notamment apparaître comme une priorité au sein des jeunes démocraties arabes, comme l’a souligné M. Rudy Salles (Alpes-Martimes – NC) :

« Je tiens à saluer l’excellent rapport de Mme Lydie Err sur la promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes.

Il est parfaitement inacceptable qu’au XXIsiècle les femmes n’aient pas des droits équivalents à ceux des hommes.

Les traditions familiales, les facteurs historiques, les conservatismes religieux en sont les premiers responsables, mais pas uniquement.

La volonté politique, intacte, permet l’émancipation des femmes de leur condition, je dirais, même, qu’elle est la condition première de celle-ci.

Je prendrai l’exemple de la Tunisie. En Tunisie, le statut de la femme est le statut le plus avancé dans les pays du Maghreb. Pas uniquement parce que les femmes ont un haut niveau de qualification professionnelle, accèdent aux études supérieures, s’émancipent des tutelles patriarcales et familiales.

Ce statut avancé est la conséquence des lois votées par le Président Bourguiba qui ont défini un cadre juridique émancipateur que les femmes ont pu, dès lors, faire leur.

Sans ce statut émancipateur la femme tunisienne serait encore une mineure juridique, semblable à ces consœurs de nombreux pays méditerranéens.

Les femmes tunisiennes ont, par ailleurs, été les premières à participer à la révolution tunisienne.

C’est pourquoi l’émancipation des femmes ne se fera pas sans le recours à des lois définissant un statut juridique équivalent à celui de l’homme.

Nous devons, dès lors, nous montrer vigilants à ce que le vent de la démocratie qui a soufflé sur les pays arabes soit également porteur d’un « Printemps des femmes ».

Il faudra observer avec attention le nouveau statut des femmes car ce n’est pas uniquement de leur avenir qu’il s’agit mais également de celui de la démocratie.

Le statut juridique des femmes devrait d’ailleurs être un critère à part entière de l’avancée démocratique d’un pays. Critère à la fois pour déterminer que le principe d’égalité est bien respecté mais aussi pour étudier comment il est mis en œuvre.

Il n’y a pas que les jeunes démocraties qui devraient être étudiées à l’aune de ce critère. »

Le texte insiste également sur les garanties à apporter au bon fonctionnement d’ONU Femmes et du Fonds des Nations unies pour la population.

2. Promouvoir la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique

Adoptée à Istanbul en mai dernier, la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique a été, pour l’heure, signée par dix-huit États membres dont la France. Seule la Turquie l’a d’ores et déjà ratifiée. Pour entrer en vigueur, cette convention nécessite cependant dix ratifications dont huit d’États membres.

La Convention d’Istanbul revêt une importance particulière car elle affirme que la violence à l’égard des femmes ne saurait être une question d’ordre privé. Elle apporte son aide aux victimes tout en laissant les États libres d’aller plus loin que ses préconisations. Les États membres s'engagent, par des mesures législatives, à promouvoir et protéger le droit des femmes, de vivre à l'abri de la violence aussi bien dans la sphère publique que dans la sphère privée. Les parties à la convention devront également ériger en infractions pénales la violence psychologique, le harcèlement, la violence physique, la violence sexuelle y compris le viol, les mariages forcés, les mutilations génitales féminines et l’avortement ou la stérilisation forcés. Le texte inclut par ailleurs des dispositions de nature à combattre le phénomène des crimes dits d’honneur.

M. Jean-Louis Lorrain (Bas-Rhin – UMP) a tenu à saluer, dans son intervention, la portée de ce texte :

« En dépit des efforts de sensibilisation menés ces dernières années et du renforcement de l’arsenal juridique dans plusieurs pays, les chiffres des violences à l’égard des femmes restent, aujourd’hui encore, édifiants. Meurtres, viols, violences domestiques à la fois physiques et psychologiques, prostitution, harcèlement au travail, infanticide des filles, mutilations génitales : tous ces phénomènes demeurent omniprésents. En France, pour parler d’un cas que je connais, on estime qu’une femme meurt tous les trois jours du fait de violences conjugales.

Cette situation n’a que trop duré. Bien sûr, il est vrai que ces violences trouvent souvent leur origine dans des préjugés socioculturels, plaçant la femme dans une position prétendument inférieure à l’homme. D’aucuns pourraient alors se dire qu’il convient seulement d’attendre que les mentalités évoluent. Je ne souscris pas à cette idée. En tant que parlementaires, nous savons fort bien que la loi, en fixant des interdits, contribue justement à faire évoluer les sociétés sur certaines questions. C’est pourquoi l’adoption de conventions internationales, de textes législatifs en matière de lutte contre les violences faites aux femmes m’apparaît indispensable.

Cela fait de nombreuses années que je milite en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes, à la fois au niveau local avec le Conseil général du Haut-Rhin et les associations, et au niveau national, en ayant été membre de la délégation aux droits des femmes dès sa création au Parlement en 1999. J’ai pu observer, au cours de mon expérience, que l’adoption d’un certain nombre de textes de loi en France avait contribué à briser peu à peu la loi du silence. Le nombre de plaintes déposés dans mon pays au cours des dernières années n’a cessé d’augmenter. Cela ne signifie pas forcément – heureusement ! – que les violences faites aux femmes connaissent une augmentation, mais plutôt que nous brisons progressivement un tabou. Les femmes ne doivent plus avoir honte des violences qu’elles subissent. Elles doivent se sentir en confiance, protégées, entourées, pour pouvoir se livrer.

Cela suppose l’adoption, dans tous les États, d’un arsenal juridique fondé sur trois volets indissociables : la protection des victimes, la répression des auteurs et la prévention des violences. Je me félicite à cet égard que la Convention du Conseil de l’Europe n’ait oublié aucun de ces aspects.

La violence et, bien souvent, la simple menace de violence, sont l’un des plus abominables obstacles à la pleine égalité des femmes. »

Le texte adopté par l’Assemblée propose un cadre adapté pour la promotion de ce texte, notamment par l’intermédiaire du réseau des parlementaires de référence contre la violence à l’égard des femmes dont font partie Mmes Bernadette Bourzai (Corrèze – SOC) et Marie-Jo Zimmermann (Bas-Rhin – UMP). La commission sur l’égalité et la non-discrimination devrait, par ailleurs, nommer un rapporteur général sur cette question dans les prochaines semaines.

Le texte insiste sur l’impact que pourrait avoir une adhésion de l’Union européenne à cette Convention, mais aussi la ratification par d’autres États non-européens. Une promotion au niveau intergouvernemental peut être effectuée par le biais de séminaires régionaux, la création de sites internet ou l’édition de publications sur le sujet.

D. LE TRANSFERT FORCÉ DE POPULATION : UNE VIOLATION DES DROITS DE L’HOMME

Phénomène apparu à la fin du XIXème siècle et généralisé au siècle suivant, le transfert de population recoupe des réalités multiples. Technique de guerre ou mesure de rétorsion d’après guerre, il a pu être considéré comme un moyen de régler des conflits ethniques ou religieux. Au regard de leurs conséquences tragiques, ces manœuvres sont, depuis la fin de la seconde guerre mondiale, considérées comme de graves violations du droit international. Le droit français l’assimile, à cet égard, à un crime contre l’humanité. Les guerres de sécession au sein de l’ex-Yougoslavie ont cependant souligné que ces déplacements pouvaient rester d’actualité. La commission des questions juridiques et des droits de l’Homme a souhaité condamner fermement de telles pratiques.

Si le concept est condamné, la commission relève cependant une absence de définition juridique commune à l’ensemble des États. Mme Christine Marin (Nord – UMP) a souhaité insister sur ce point :

« Je félicite le rapporteur pour la qualité de son travail sur cette question difficile et malheureusement toujours d’actualité. C’est en effet un sujet sensible puisque l’Europe, lors des deux guerres mondiales – mais pas uniquement –, fut le théâtre de nombreux transferts de populations dus aux volontés expansionnistes territoriales de certains États et résultant d’une politique dépassée de règlement des conflits ethniques et religieux. Cette politique est contraire aux principes du droit national moderne mais, pour éviter que sa dénonciation n’ait qu’une portée déclarative, il importe d’établir un instrument juridiquement contraignant qui pénalise et dénonce clairement les transferts forcés de populations. L’un des enjeux du problème, et non le moindre, réside dans la définition juridique qui sera donnée à ces transferts. Cette clarification est pourtant indispensable afin de se doter d’un instrument efficace qui permettra d’éviter la poursuite de telles politiques et d’ouvrir droit à une véritable réparation matérielle et morale.

En outre, de nombreux instruments juridiques condamnent indirectement les transferts forcés de population. Établir une définition juridique unique, dès lors, facilitera la mise en œuvre de la responsabilité des États vis-à-vis de leur population, rejoignant en ce sens le principe d’obligation, pour un État, de protéger sa propre population, principe défini par la Commission internationale de l’intervention et de la souveraineté des États.

Je soutiens donc le projet de résolution dans son ensemble – car il est équilibré – et je soutiens également l’amendement 7. »

Cet amendement incitait les États membres du Conseil de l’Europe à adopter des instruments juridiquement contraignants pour assurer l’indemnisation équitable de telles victimes de transferts forcés de population qui ont été contraintes de quitter leur territoire. Il n’a pas été adopté.

La résolution adoptée par l’Assemblée parlementaire invite les États membres à porter ce message à destinations d’États tiers usant encore de ce type de pratique. Le texte insiste sur la mise en place d’un instrument international juridiquement contraignant, qui définirait précisément toutes les formes de transferts forcés de population pour mieux les interdire.

Le texte invite également les États membres à favoriser la création d’un centre international dédié à cette question, destiné à présenter aux jeunes générations les modalités et les conséquences de ces transferts. La question de la mémoire était, à cet égard, au centre de l’intervention de M. René Rouquet (Val-de-Marne – SRC) :

« Monsieur le Président, mes chers collègues, permettez-moi de féliciter chaleureusement le rapporteur, M. Vareikis, pour la qualité de son travail sur ce sujet difficile.

Les débats actuels sur ces questions montrent une absence de consensus sur cette définition. Absence de consensus pour des raisons politiques mais également pour des raisons historiques.

Le rapport met en évidence, dans un long paragraphe historique, les différents transferts forcés de population dont l’Europe a été le théâtre.

Pour nombre de ces transferts forcés, les traces sont toujours visibles, qu’il s’agisse de « conflits gelés » ou de conflits autour de mémoires non réconciliées, parce que ces violations caractérisées des droits de l’Homme n’ont pas été reconnues.

Je partage l’ensemble des conclusions du rapport et je soutiens également le projet de résolution.

Si une définition juridique devra être établie pour que ces violations des droits de l’Homme cessent, je souhaiterais plus précisément centrer mon intervention sur la question de la mémoire.

Le paragraphe 3 du projet de résolution précise « que le transfert forcé de population est un traumatisme pour les populations concernées, une source considérable de souffrance individuelle et un facteur d’instabilité politique. » C’est pourquoi la réconciliation des mémoires doit être un préalable.

La reconnaissance par un État des violations des droits de l’Homme qui ont eu lieu dans son passé n’implique évidemment pas la responsabilité de l’État actuel mais favorise une réconciliation nécessaire à la reconstruction individuelle et collective. A l’inverse, le refus d’un État de reconnaître ses fautes passées ne conduit qu’à l’escalade de la reconnaissance mémorielle. Engageons donc les acteurs internationaux à faire face à leur responsabilité : il faut reconnaître les erreurs du passé ! L’enseignement de l’histoire nationale doit se faire sans tabous historiques pour que la mémoire individuelle se réconcilie avec la mémoire nationale. La concorde nationale et le respect des droits de l’Homme sont à ce prix. »

E. TENDANCES DÉMOGRAPHIQUES EN EUROPE : TRANSFORMER LES DÉFIS EN OPPORTUNITÉS

Prenant acte du vieillissement de la population européenne et de la baisse de la natalité sur le continent, la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées a souhaité présenter devant l’Assemblée un rapport présentant des pistes de travail permettant de mieux prendre en compte au plan économique cette nouvelle donne démographique. D’ici à 2050, la population des États membres du Conseil de l’Europe ne devraient en effet plus représenter que 9 % de la population mondiale, contre 12 % actuellement. Un tiers de la population européenne aura alors plus de 60 ans.

Aux yeux de la commission, une telle évolution démographique n’implique pas nécessairement une baisse de la compétitivité du continent. Les États doivent cependant investir dès aujourd’hui dans le capital humain et encourager l’innovation. Le texte adopté par l’Assemblée invite, en outre, les États membres à mettre en place des politiques destinées à favoriser le vieillissement actif, en insistant notamment sur le maintien des personnes âgées sur le marché du travail, la lutte contre les discriminations à l’embauche et l’encouragement à la formation continue tout au long de la vie.

Les gouvernements sont également incités à mieux mettre en valeur les avantages économiques liés à l’immigration et à favoriser les politiques d’intégration. Le marché du travail doit, dans le même temps, être plus ouvert aux femmes.

V. L’AVENIR DU CONSEIL DE L’EUROPE EN DÉBAT

A. COMMUNICATION DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU CONSEIL DE L’EUROPE

Le Secrétaire général du Conseil de l’Europe est invité par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe à communiquer devant elle lors de chaque première partie de la session annuelle.

M. Thorbjørn Jagland a introduit son propos en rappelant les principales réalisations de l’année 2011, qu’il s’agisse des nouvelles conventions adoptées par l’Organisation – convention sur la prévention et lutte contre la violence faites aux femmes et la violence domestique et convention relative aux activités criminelles – ou de la mise en œuvre effective du programme dédié à l’aide des Roms, en coopération avec l’Union européenne. Le lancement d’une véritable politique de voisinage à destination de la Méditerranée mais aussi de l’Asie centrale constitue également, selon le Secrétaire général, une réussite de l’année passée. Ces différents éléments témoignent d’un renforcement de la réactivité de l’Organisation. Celui-ci a été permis par la réorganisation du Conseil de l’Europe.

Des inquiétudes pèsent encore sur l’Organisation, dans un contexte budgétaire marqué par une diminution de la dépense publique. M. Jagland a souligné la menace d’une « renationalisation » qui pèse de part et d’autre du continent sur la politique européenne. La poursuite de la réforme des institutions européennes et leur ouverture, via notamment une amélioration de leur visibilité auprès des jeunes, apparaissent ainsi indispensables. Ce travail de modernisation s’impose également pour pouvoir répondre aux défis que pose la mondialisation en matière de droits de l’Homme.

Dans ce domaine, la transparence en matière électorale, la liberté des médias, l’indépendance et l’efficacité du pouvoir judiciaire doivent être renforcées. Les élections russes, arméniennes, géorgiennes et ukrainiennes à venir constitueront, à cet égard, de bons tests. Le débat sur la liberté des médias rejoint celui de leur indépendance financière et s’avère prégnant au sein de tous les pays du Conseil de l’Europe. Le procès dirigé contre l’ancienne Premier ministre ukrainienne Ioulia Timochenko vient, quant à lui, souligner les progrès restant à faire dans le domaine judiciaire. Au-delà, une attention particulière sera portée à la Hongrie et à son nouveau projet de Constitution.

La Cour européenne des droits de l’Homme doit, elle aussi, voir la réforme de son fonctionnement poursuivie. Elle reste indissociable, selon le Secrétaire général, de la mise en œuvre des normes conventionnelles en droit interne. Le mécanisme européen de contrôle démocratique en Europe sera, lui, terminé, dès lors que l’Union européenne aura adhéré à la Convention européenne des droits de l’Homme.

B. LA PRÉSIDENCE BRITANNIQUE DU CONSEIL DE L’EUROPE

1. Communication du Comité des Ministres

M. David Lidington, ministre pour l’Europe au sein du gouvernement du Royaume-Uni, était invité à présenter devant l’Assemblée parlementaire les priorités de la présidence britannique du Conseil de l’Europe. Celles-ci sont au nombre de trois : la réforme de la Cour européenne des droits de l’Homme, celle du Conseil de l’Europe, ainsi que celle de la démocratie locale et régionale. Le ministre a profité de la tribune qui lui été accordée pour rappeler l’attachement de son pays à la Cour, en dépit du débat qui agite la Grande-Bretagne sur l’opportunité d’une sortie de la Convention européenne des droits de l’Homme.

Au-delà, la présidence britannique entend soutenir les travaux du Conseil de l’Europe sur la gouvernance de l’internet. Elle souhaite également défendre au mieux les droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles ou transgenres (LGBT).

La situation des institutions démocratiques au sein des Balkans occidentaux, qu’il s’agisse de la Bosnie-Herzégovine, de l’Albanie ou du Kosovo, devrait faire l’objet d’un traitement particulier. La mise en œuvre de mécanismes de suivi au Kosovo est une piste à explorer, en dépit de l’absence de consensus au sein du Conseil de l’Europe sur la reconnaissance de son indépendance. L’Ukraine, comme la Biélorussie, devrait également retenir l’attention de la présidence britannique.

A l’occasion des échanges avec l’hémicycle, M. Rudy Salles (Alpes-maritimes – NC) a souhaité interroger la présidence britannique sur l’opportunité de doter la Cour d’un budget autonome :

« Monsieur le Ministre, parler de la Cour, c’est aussi parler des moyens. Je souhaiterais donc connaître votre avis sur la différenciation budgétaire, à savoir la possibilité de donner, un jour, un budget indépendant à la Cour. »

M. Lidington a rappelé la position britannique sur cette proposition :

« Il ne s’agit pas là d’une hypothèse qui nous séduit beaucoup. Nous pensons qu’il doit y avoir un budget unique, lequel doit être ensuite ventilé en fonction d’une bonne évaluation des besoins.

Il est vrai que la décision d’une croissance zéro entraîne des choix difficiles. Mais tous les pays européens sont confrontés à cette même difficulté. Personne ne peut échapper à la discipline budgétaire. »

Le ministre anglais a, par ailleurs, indiqué lors du débat que son pays suivait avec un intérêt soutenu l’évolution de la situation en Hongrie. Le Comité des Ministres a invité le Secrétaire général à poursuivre le dialogue noué avec Budapest. M. Jagland a souhaité que les lois récemment adoptées pour mettre en œuvre la nouvelle Constitution hongroise fassent l’objet d’un nouvel examen par les experts du Conseil de l’Europe. Le ministre des Affaires étrangères hongrois a, à ce titre, invité la Commission pour la démocratie par le droit du Conseil de l’Europe, dite Commission de Venise, à fournir un avis détaillé à ce sujet. Le Conseil de l’Europe travaille sur cette question en étroite coopération avec l’Union européenne, le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso ayant souligné devant le Parlement européen la compétence du Conseil de l’Europe pour analyser la Constitution et la législation hongroises.

2. Intervention de M. David Cameron, Premier ministre du Royaume-Uni

L’intervention du Premier ministre du Royaume-Uni devant l’Assemblée parlementaire avait un double objectif : présenter les priorités de la présidence britannique du Conseil de l’Europe et rappeler l’engagement de son pays en faveur des droits de l’Homme.

Le chef du gouvernement britannique souhaite avant tout une réforme de la Cour européenne des droits de l’Homme, destinée à améliorer son fonctionnement. Selon lui, plusieurs menaces pèsent sur la Cour : l’inflation massive du nombre de requêtes, sa transformation de fait, aux yeux des requérants, en une quatrième instance, et l’absence de norme identique en matière de défense des droits de l’Homme au sein des 47 États membres du Conseil de l’Europe.

Le Premier ministre britannique a parallèlement insisté sur l’équilibre à trouver entre tribunaux nationaux et Cour européenne des droits de l’Homme. Aux yeux de M. Cameron, les décisions récentes de la Cour visant son pays en matière d’immigration et de lutte contre le terrorisme peuvent générer, au sein de l’opinion publique, une forme de discrédit à l’égard de la Convention européenne des droits de l’Homme. Il convient, selon lui, de mieux respecter le principe de subsidiarité dans ces domaines.

C’est en ce sens que la présidence britannique entend formuler des propositions visant à rendre les systèmes nationaux plus responsables, la Cour pouvant alors se concentrer sur les pires violations des droits de l’Homme. C’est en ce sens qu’il faut entendre la réflexion entamée à Londres sur l’adoption d’un « Bill of rights » au niveau national. Les parlements nationaux ont, à cet égard, un rôle déterminant à jouer.

M. Cameron a également souhaité insister sur le rôle de son pays au moment du Printemps arabe, rappelant son action en Libye, mais également le soutien qu’il a apporté aux textes déposés aux Nations unies visant à faire pression sur la Syrie.

M. Jean-Pierre Michel (Haute-Saône – SOC), intervenant au nom du groupe socialiste, a souhaité interroger le Premier ministre britannique sur l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’Homme :

« Monsieur le Premier ministre, votre gouvernement est-il prêt à appliquer complètement et dans les meilleurs délais les arrêts de la Cour européenne des droits de l’Homme ? Les réelles difficultés de fonctionnement de celle-ci ne doivent pas servir de prétexte à remettre en cause la Cour elle-même et sa juridiction.

Je crains que, sur ce sujet, ne s’instaure entre vous et nous un dialogue de sourds. »

M. Cameron a tenu à lever toute ambiguïté à ce sujet :

« Que ce soit dans le cadre de l’Union européenne ou du Conseil de l'Europe, le Royaume-Uni a toujours été un pays qui a été prêt à exécuter les arrêts de la Cour et à procéder aux changements législatifs nécessaires.

Nous avons la réputation de nous plaindre et de demander si telle ou telle loi est réellement nécessaire, mais lorsqu’il s’agit d'exécuter les arrêts de la Cour, nous sommes plutôt rapides par rapport à d'autres pays. Nous avons une approche claire concernant la prééminence du droit, et lorsque nous signons quelque chose, nous l’introduisons dans notre système juridique. »

M. Frédéric Reiss (Bas-Rhin – UMP) a demandé à David Cameron son avis sur le projet de taxe sur les transactions financières :

« Monsieur le Premier ministre, lorsque, en 2005, le Président Chirac a proposé d’instaurer une taxe de solidarité sur les billets d’avion pour financer l’organisme international United, le Royaume-Uni a été parmi les cinq pays fondateurs de cette mesure appliquée aujourd’hui dans une trentaine de pays.

A l’image de son prédécesseur, le Président Sarkozy propose aujourd’hui de créer une taxe sur les transactions financières. Ne trouvez-vous pas moral de demander une contribution à l’industrie financière, qui porte une grosse part de responsabilité dans les errements dans lesquels le monde s’est trouvé entraîné par la crise financière dès 2008 ? »

Le Premier ministre britannique a exprimé ses réserves sur ce projet :  :

« Je suis sans doute d’accord avec le Président Sarkozy : il faut demander aux banques et au secteur financier d’apporter une contribution juste aux programmes de réduction des déficits budgétaires que nous menons tous dans nos pays.

En Grande-Bretagne, nous avons une taxe sur les transactions financières. Nous avons établi un système grâce auquel il y aune justice par rapport à ces dernières. Nous avons, par ailleurs, introduit un prélèvement bancaire qui nous permet d’engranger un certain nombre de revenus, mais le problème que me pose l’instauration d’une telle taxe, si vous voulez l’appliquer partout dans le monde, c’est qu’alors le lieu n’ayant pas cette taxe attirera toutes les transactions vers lui. Un excellent rapport a été rédigé qui montre que cette taxe coûterait aux pays de l’Union européenne plus de 400 000 emplois. À un moment où nous tentons de réduire nos déficits et de créer une croissance avec des emplois à la clé, il faut agir judicieusement. Avec tout le respect que je dois au Président Sarkozy, avec qui je suis d’accord sur bon nombre de problèmes, notamment en ce qui concerne la Libye, je crois qu'il faut avoir bien présentes à l’esprit les conséquences de l’instauration d’un telle taxe. »

C. GARANTIR L’AUTORITÉ ET L’EFFICACITÉ DE LA CONVENTION EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME

Depuis son entrée en vigueur en 1953, la Convention européenne des droits de l’Homme est présentée comme un des mécanismes de protection des droits de l’Homme les plus efficaces, comme en témoigne l’augmentation constante du nombre de recours auprès de la Cour de Strasbourg. L’afflux de dossiers a contribué à une explosion du nombre d’affaires pendantes : 86 000 en 2006, plus de 160 000 aujourd’hui. L’Italie, la Pologne, la Roumanie, la Russie, la Turquie et l’Ukraine représentent près de 70 % de l’ensemble des requêtes introduites devant la Cour. Le Protocole n° 14 additionnel à la Convention européenne des droits de l’Homme, censé résoudre le problème de l’engorgement, s’est avéré, à cet égard, insuffisant.

Afin de garantir l’efficacité de ce système et limiter notamment la multiplication des requêtes, la commission des questions juridiques et des droits de l’Homme a présenté devant l’Assemblée parlementaire un rapport présentant plusieurs pistes de travail.

Relevant que le mécanisme de contrôle de la Cour est subsidiaire, la résolution adoptée prévoit d’accroître l’efficacité des voies de recours interne. Les parlements nationaux ont, à cet égard, un rôle déterminant à jouer. Les résolutions 1516 (2006) et 1823 (2011) de l’Assemblée parlementaire avaient déjà insisté sur ce point. Le texte adopté appelle les parlements nationaux à créer des structures internes adéquates, afin d’assurer le suivi rigoureux et régulier du respect par les États de leurs obligations internationales en matière de droits de l’Homme.

Mme Arlette Grosskost (Haut-Rhin – UMP), présidente de la délégation française, a souligné, à ce titre, l’importance du principe de subsidiarité, véritable garantie de l’efficacité de la Cour :

« Le sujet que nous abordons maintenant, derrière son apparente technicité, est probablement l’un des plus importants de notre session.

La Cour n’est pas seulement le fleuron du Conseil de l’Europe, elle est l’organe qui assure l’effectivité de ses missions : respect de l’Etat de droit, de la démocratie et des droits fondamentaux. A ce titre, je félicite Mme Bemelmans-Videc pour la qualité de son rapport qui aborde sans concessions les enjeux auxquels nous sommes confrontés dans cette nécessaire réforme de la Cour pour que notre système conventionnel puisse garder son efficacité.

Je souhaiterais néanmoins, dans le peu de temps qui nous est imparti, centrer mon intervention sur l’un des points abordés par le rapport : le rôle des parlements nationaux pour garantir l’efficacité du contrôle conventionnel effectué par la Cour.

Dans un premier temps, je déplore, au même titre que la rapporteure, l’absence d’association réelle de notre Assemblée au processus de réforme initié à Interlaken et poursuivi à Izmir.

Comment peut-on sérieusement penser que la réforme de la Cour n’intéresse que nos exécutifs alors que le contrôle conventionnel implique également la mise en place du principe de subsidiarité, cher à Jean-Paul Costa, l’ancien président de la Cour ?

Comment ne pas associer notre Assemblée, à l’origine de la création de la Cour, mais surtout directement en prise avec chaque parlement des 47 États membres puisque composée de délégations de parlementaires nationaux, à une réforme qui sera sans véritable efficience si ceux qui la porteront ne participent pas aux réunions de préparation ?

Quelle portée dès lors, quel poids donner à la réforme ?

Je soutiens donc la rapporteure lorsqu’elle souhaite que l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe soit directement impliquée, par exemple, à travers sa commission des affaires juridiques, sa présidence et celle des présidents des 47 délégations, au processus de réforme de la Cour.

En outre, cette nécessaire association prend tout son sens dès lors que l’on tient compte du rôle que chaque parlement national devra prendre pour donner toute sa portée à l’existence d’un ordre public européen.

Le principe de subsidiarité, tel qu’entendu par ses promoteurs, pose le principe que la Cour n’a à se prononcer qu’en dernière instance, une fois les voies de recours internes épuisées, s’il y a violation de la Convention européenne de sauvegarde des libertés fondamentales et du respect des droits de l’Homme.

C’est justement là que réside l’originalité du principe !

Le respect du principe de subsidiarité consiste donc à ne plus donner de rôle à la Cour si la Convention était respectée en amont par les États membres.

Dans un monde juridique idéal, la Cour ne souffrirait donc plus d’un surcroît de requêtes mais à l’inverse de leur absence ! Nous en sommes malheureusement encore loin, très loin ! Pourtant, la première marche vers ce monde idéal n’est-elle pas que les parlements nationaux assurent un contrôle conventionnel, en amont, des lois qu’ils votent ? Et la seconde, qu’ils tirent les conséquences utiles de la res interpretata par la Cour dans ce contrôle conventionnel des lois, en amont ?

Cela suppose, à la fois, de bouleverser nos habitudes juridiques et d’accepter pleinement la coopération juridique qu’implique la naissance d’un ordre juridique européen.

Cela suppose d’établir un dialogue patient entre les différents organes qui sont à la source de cet ordre public européen. »

L’indispensable autodiscipline des juridictions nationales a également été soulignée par Mme Maryvonne Blondin (Finistère – SOC) :

« Le système européen de protection des droits de l’Homme paraît aujourd’hui à la croisée des chemins. Il est régulièrement l’objet de critiques, notamment du fait de la lenteur des procédures devant la Cour européenne des droits de l’Homme.

A mon sens, l’adhésion prochaine de l’Union européenne à la Convention devrait servir de moteur pour poursuivre sur la voie des réformes. En effet, l’entrée en vigueur du protocole n°14, bien qu’attendue de longue date, ne semble pas avoir produit tous les résultats que nous pouvions espérer : elle n’a pas suffisamment permis de désengorger la Cour.

Pourtant, le système européen de protection des droits de l’Homme reste plus que jamais nécessaire, surtout en ces temps de crise et d’incertitudes – des temps marqués, de-ci, de là, par une montée inquiétante des populismes. Il serait dommage de se priver d’un outil aussi formidable, qui avait été créé dès l’origine pour prévenir le retour du péril totalitaire. Je rappelle les mots de Pierre-Henri Teitgen, rapporteur du projet de Convention européenne des droits de l’Homme : « Il faut créer par avance, au sein de l’Europe, une conscience qui sonne l’alarme. », soulignant que seule une juridiction propre à l’Europe pourrait jouer un tel rôle.

Quelles solutions pourrions-nous retenir pour améliorer l’efficacité, aujourd’hui contestée, du système européen de protection des droits de l’Homme ? Le rapport rappelle à juste titre l’importance du principe de subsidiarité dans l’architecture du dispositif. C’est en premier lieu aux autorités des États contractants, et non à la Cour, qu’il incombe de garantir le respect des droits consacrés par la Convention. Autrement dit, pour reprendre les termes de l’ancien président de la Cour, Jean-Paul Costa : « Ce n’est qu’en cas de défaillance des autorités nationales que [la Cour] peut et doit intervenir ». Cela signifie que le système gagnerait grandement en efficacité aujourd’hui si les États veillaient déjà, à leur niveau, à mieux appliquer les principes de la Convention à tous les échelons. Cela permettrait à la Cour de se concentrer sur les cas les plus graves de violation des droits de la Convention.

La mise en place d’une telle autodiscipline au sein des États membres nécessite d’améliorer les voies de recours internes ou l’exécution des arrêts de la Cour. Mais elle nécessite aussi la mise en place d’une plus grande collaboration entre le Conseil de l’Europe, la Cour et les États membres.

Je regrette que le rapport n’insiste pas davantage sur la nécessaire formation des juges, des procureurs et des avocats auprès du Conseil de l’Europe ou la sensibilisation de certains agents de l’Etat et des parlementaires aux principes de la Convention.

J’insiste enfin sur un dernier point : celui de l’indépendance de la justice. Les citoyens ne pourront jamais faire valoir correctement leurs droits dans l’Etat dans lequel ils vivent si la justice est à la solde du pouvoir. Voilà un élément qui pourrait faciliter le désengorgement de la Cour. »

M. Jean-Paul Lecoq (Seine-Maritime – GDR), intervenant au nom du groupe GUE, a insisté sur le rôle essentiel des parlements nationaux en vue de permettre à la Cour de continuer son activité :

« Au nom de mon groupe, je félicite la rapporteure pour la qualité de son travail sur un sujet difficile, tant par sa technicité que par ses enjeux.

La Cour européenne des droits de l’Homme ne revêt pas qu’une importance cruciale pour la visibilité du Conseil de l’Europe auprès des profanes : elle incarne le « patriotisme constitutionnel » que Jürgen Habermas appelait de ses vœux dans Après l’Etat-nation. Une nouvelle constellation politique.

Par « patriotisme constitutionnel », j’entends la manière dont le philosophe allemand pense les nouvelles figures de la démocratie, en oubliant temporairement nos appartenances nationales contingentes et historiques pour ne s’attacher qu’aux figures abstraites que sont les principes démocratiques, tels que le respect des droits fondamentaux et la prééminence de l’Etat de droit.

Si la philosophie habermassienne est clairement inspirée de l’attachement du peuple allemand à sa loi fondamentale, qui définit le respect des droits de l’Homme comme un socle indispensable, conséquence des atrocités de la Seconde guerre mondiale, elle répond également aux principes qui ont fondé la création du Conseil de l’Europe.

C’est pourquoi, derrière les enjeux juridiques qui sous-tendent la réforme de la Cour, je souhaite m’attacher aux principes philosophiques auxquels notre appartenance au Conseil de l’Europe nous amène à souscrire. La réforme de la Cour ne nous conduit-elle pas à poser un nouvel ordre constitutionnel européen, qui s’imposera à nos constitutions nationales ?

Lorsque la Cour limite le contrôle du Conseil constitutionnel français -  il en est de même pour les autres cours constitutionnelles des États membres - sur les validations législatives, en lui imposant de se référer aux « motifs impérieux d’intérêt général », ne s’impose-t-elle pas comme la seule et véritable Cour constitutionnelle ?

Loin de regretter l’émergence d’un ordre public européen, d’un « patriotisme constitutionnel » qui s’imposerait à nos souverainetés juridiques, je me réjouis de son émergence. Toutefois, je souhaite rappeler que la réforme sur laquelle nous nous prononçons doit être entièrement pensée et validée par les représentants que nous sommes, et pas par nos seuls gouvernements.

Le groupe pour la Gauche unitaire européenne propose même d’aller plus loin. Si nous reconnaissons que nous dessinons aujourd’hui un nouvel ordre constitutionnel, de portée universelle et amené à remplacer les formes de citoyenneté traditionnelles, nous devons engager un débat d’ampleur dans nos parlements nationaux. Or, jusqu’à présent, la réforme de la Cour n’a pas eu droit à la publicité qui aurait dû être la sienne.

Les 800 millions de citoyens que nous représentons doivent être associés aux enjeux de la réforme. Il ne s’agit pas de les sensibiliser à sa mise en forme technique, bien entendu, mais aux avantages qu’ils retireront d’un système conventionnel qui garantira leurs droits ainsi que les principes démocratiques. Cette réforme ne peut se faire sans les citoyens européens, sauf à faire oublier, comme l’énonçait Montesquieu dans De l’Esprit des lois, que ce qui distingue la République des autres formes de régimes politiques, c’est justement l’amour de cette même République. L’amour des citoyens pour leurs institutions n’est pas inné. Il se transmet !

Je crois que dans l’ensemble des pays du Conseil de l’Europe, à des degrés différents, nous sommes à un tournant démocratique. Il nous faut dès lors donner à nos institutions la publicité qu’elles méritent. Osons le « patriotisme constitutionnel » et osons-le ailleurs que dans l’obscurité des comités techniques ! »

M. Jean-Pierre Michel (Haute-Saône - SOC) a lui aussi insisté sur le rôle essentiel des parlements nationaux, face notamment, aux nouvelles menaces qui pèsent sur la Cour et la Convention européenne des droits de l’Homme :

« Monsieur le Président, mes chers collègues, au terme de la lecture de l’excellent rapport de notre commission, une pointe de découragement peut nous saisir.

En effet, si la question de l’amélioration du fonctionnement de la Cour est au cœur des préoccupations du Comité des Ministres et de notre Assemblée, je constate qu’aux effets d’annonce liés à l’organisation d’une conférence sur le sujet succèdent généralement des mesures relativement modestes au regard de l’ampleur du chantier.

Je souscris donc pleinement aux objectifs des projets de recommandation et de résolution de notre commission : la Cour a besoin de manifestations de soutien éloquentes. Soyons clairs : il ne s’agit pas seulement de garantir son autorité et son efficacité ou de lutter contre la surcharge des requêtes ; il s’agit de la préserver tant elle ne semble plus totalement faire l’unanimité comme nous venons encore de l’entendre.

J’observe avec une certaine inquiétude le débat qui se déroule à ce sujet au Royaume-Uni, pays dont la tradition libérale ne saurait pourtant être remise en cause et qui fut le premier à ratifier la Convention européenne des droits de l’Homme. Qu’observons-nous pourtant, sinon une montée en puissance des partisans du retrait de la Convention européenne des droits de l’Homme suite aux arrêts Hirst et Greens mais, aussi, à la décision de la Cour d’empêcher l’extradition de 102 individus du territoire britannique ? L’opposition affichée à cette décision pourrait d’ailleurs rencontrer un certain écho dans d’autres États.

Qu’une commission ait été créée à Londres en vue d’étudier les modalités d’un abandon de la Convention européenne des droits de l’Homme et de l’adoption concomitante d’une charte des droits exclusivement britannique en dit long sur la crise de légitimité que traverse la Cour.

Sur ce point, les propos du ministre des Affaires européennes ce matin en commission et tout à l’heure ne m’ont nullement rassuré, car la Grande-Bretagne, qui n’a pas de contrôle de constitutionnalité, est réticente à accepter un contrôle international, celui de la Cour européenne des droits de l’Homme. La Cour met, en effet, en place un nouveau modèle de démocratie directe, au sein duquel un individu peut s’opposer à une législation, ce qui peut heurter les partisans de la démocratie parlementaire telle qu’elle existe en Grande-Bretagne.

C’est en ce sens que le renforcement du rôle des parlements nationaux est primordial, car les parlements représentent le peuple au nom duquel se construit la démocratie et sans lequel rien ne peut se construire.

Nos chambres doivent permettre de prévenir tout conflit entre les États et la Cour, en empêchant en amont toute violation conventionnelle – nous connaissons la Convention, nous connaissons la jurisprudence – et en incitant en aval les gouvernements à mieux appliquer les arrêts. La Cour sera d’autant plus forte que les parlements verront leur rôle renforcé dans ce domaine. »

M. Rudy Salles (Alpes-Maritimes – NC) a souhaité insister, dans son intervention, sur la question essentielle du respect de la chose interprétée :

« Permettez-moi, dans un premier temps, de saluer l’excellent rapport qui vient d’être présenté.

Si je souscris entièrement à l’ensemble des propositions qui y sont exposées, je souhaiterais plus précisément revenir sur la question de la chose interprétée et sur celle du principe de subsidiarité, questions sous-jacentes à toute réforme d’ampleur de la Cour qui ne soit pas une simple mesure cosmétique ou technique.

Le filtre des requêtes, par exemple, dont l’importance n’est pas à démontrer pour éviter l’engorgement de la Cour, reste une mesure technique vouée à disparaître une fois que les questions juridiques de fond qui sous-tendent la réforme de la Cour seront véritablement traitées. Par question juridique de fond, j’entends, bien entendu, le respect de la res interpretata et du principe de subsidiarité mais, également, j’entends que nous soyons pleinement conscients de ce à quoi nous nous engageons.

Que signifie le respect de la chose interprétée ? Quelles conséquences le respect de cette dernière aura-t-il sur notre souveraineté juridique nationale ? Quels avantages et inconvénients devons nous en retirer ?

Respecter le principe de la chose interprétée revient à dire que, pour une part, nous abandonnons notre souveraineté juridique en acceptant de conformer notre droit, sans avoir été initialement condamnés par la Cour, à une interprétation que la Cour a faite dans une espèce similaire. Pour prendre un exemple français, cela serait revenu à tirer les conséquences utiles de la condamnation de la Turquie dans deux espèces connexes relatives à la non-conventionnalité de son droit en matière de garde à vue pour réformer notre droit dans le sens que la Cour en avait donné – réforme qui est intervenue après que nous avons été effectivement condamnés dans une espèce nous concernant directement. Si, a priori, je suis favorable à une reconnaissance par nos gouvernements et nos parlements du principe de la chose interprétée, l’exemple mentionné met en évidence les difficultés qu’il y aura à lui donner une portée. Outre les réticences naturelles à chacun de nos ordres juridiques nationaux se pose plus précisément la question de la portée à donner à une interprétation dans un arrêt connexe. Dans le cas précité, il s’agissait d’un tribunal militaire d’exception alors que le cas français concernait le droit commun. De ce fait, il était légitime de penser que l’interprétation donnée par la Cour ne pouvait directement nous concerner.

Donner toute sa portée à la chose interprétée nécessitera donc très clairement une collaboration renforcée entre les ordres juridiques nationaux et la Cour - collaboration qui ne se fera ni sans moyens supplémentaires ni sans pédagogie.

Quant au principe de subsidiarité, il n’a pas de réelle effectivité si le principe de la chose interprétée ne devient pas la règle : comment, en effet, assurer un respect conventionnel en amont de nos lois si nous attendons d’avoir été expressément condamnés par la Cour ?

Dernier point, avec lequel je suis en très léger désaccord avec le rapport : on ne pourra pas faire l’économie de la réouverture du sujet des « questions préjudicielles » ; d’une part, parce qu’elles seront un moyen d’établir un véritable dialogue entre les instances nationales et la Cour ; d’autre part, parce que lorsque l’Union européenne aura adhéré à la Convention européenne de sauvegarde des libertés fondamentales et du respect des droits de l’Homme se posera nécessairement la question de la compatibilité des deux ordres juridiques ainsi que de leur complémentarité. »

Le texte adopté invite les parlementaires à examiner attentivement les rapports que les États membres sont tenus de remettre au Comité des Ministres quant à la mise en œuvre nationale de certains points des déclarations d’Interlaken et d’Izmir.

La déclaration d’Interlaken du 19 février 2010 invite les États membres à tenir compte des développements de la jurisprudence de la Cour, notamment afin de considérer les conséquences qui s’imposent suite à un arrêt concluant à une violation de la Convention par un autre État partie lorsque leur ordre juridique interne soulève le même problème de principe.

La nécessaire amélioration de l’articulation entre traditions juridiques nationales et jurisprudence de la Cour a également été mise en avant. En particulier, elle a été soulignée par Mme Marietta Karamanli (Sarthe – SRC) dans son intervention :

« Le rapport rappelle bien que la Cour européenne des droits de l’Homme garantit à tous les citoyens d’un Etat membre signataire de la Convention européenne des droits de l’Homme le bénéfice d’un contrôle juridictionnel du respect des droits sur lesquels cet Etat s’est engagé.

Il s’agit là de l’expression d’une philosophie politique forte, au terme de laquelle l’Etat se soumet au droit, limite son pouvoir à l’égard des personnes et accepte le contrôle d’un juge indépendant situé au-delà de ses frontières.

La Cour est, en application de ce triple principe, unique et ouverte aux individus, et intervient en dernier ressort du contrôle juridictionnel interne des États signataires de la Convention.

Il faudrait néanmoins aller plus loin.

Les droits garantis par la Convention constituent un domaine en expansion, ce qui n’est certainement pas sans influer sur la nature et le volume des recours. Même si le rapport n’évoque pas précisément cette question, dans la plupart des États, en Europe comme dans le reste du monde, la revendication du respect des droits de l’Homme est certainement plus forte qu’hier.

Les domaines concernés sont à la fois quantitativement et qualitativement plus vastes.

Ainsi, le respect de la dignité, la lutte contre toutes les formes de discrimination, la protection du pluralisme des comportements, sont devenus des questions fortes où le droit sert à reconnaître les personnes dans leur individualité, y compris contre des habitudes étatiques, religieuses, communautaires ou familiales.

La justice européenne est appelée à accompagner la reconnaissance de droits construits pour une large part en dehors des États, mais que ceux-ci se sont engagés à reconnaître et à respecter. Nous ne pouvons que nous en féliciter.

Ma deuxième remarque concerne le caractère supranational de la Cour qui la porte peut-être à mieux reconnaître des droits que certaines traditions nationales ont du mal à admettre.

Prenons le cas de la France. En matière d’accès à un avocat dans le cadre d’une procédure pénale, selon la Cour, un accusé doit bénéficier de l’assistance d’un conseil lors de sa garde à vue. La loi française, qui prévoyait l’intervention d’un avocat limitée à un entretien confidentiel de 30 minutes en début de garde à vue, a dû évoluer en 2011 après que le Conseil constitutionnel français, saisi, eut jugé nécessaire son adaptation pour respecter les principes constitutionnels. Reste que la loi récemment adoptée, prévoyant des restrictions à l’intervention d’un avocat, jugées par certains comme significatives, pourrait, encore, ne pas être conforme à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.

L’Etat, pour maintenir sa législation, se défend en invoquant une tradition juridique faite d’équilibre entre les droits de la personne mise en cause et la défense de l’ordre public.

D’autres exemples pourraient être cités et il est vraisemblable que la Cour européenne des droits de l’Homme sera à nouveau saisie de ces questions au travers de recours.

Il y a donc lieu de constater que l’augmentation du nombre de recours est aussi l’illustration d’un problème de fond relatif à l’articulation entre des traditions juridiques nationales revendiquées, un degré d’appropriation différent par les États des principes auxquels ils ont souscrit et des ajustements interprétatifs opérés par la Cour.

Mon dernier point concerne le contrôle des droits par les systèmes juridictionnels eux-mêmes. L’effectivité des droits passe d’abord, et le rapport le souligne à juste titre, par un contrôle juridictionnel interne qui doit être prééminent. Or les systèmes juridictionnels varient d’un Etat à l’autre. Par ailleurs le droit devient, quantitativement, toujours plus important.

La place et le rôle incontestés de la Cour européenne des droits de l’Homme doivent le rester. Des moyens conséquents doivent être alloués en vue de rendre l’action de la Cour plus efficace et tout aussi efficiente.

De façon plus générale, le droit doit retrouver le sens initial qu’il a eu en Occident et en Europe, à savoir qu’il doit exprimer la justice et pas seulement une norme formelle de fonctionnement. »

M. Jean-Marie Bockel (Haut-Rhin – UCR) a, de son côté, rappelé dans son intervention les propositions qu’il avait formulées à la Conférence d’Interlaken au nom du gouvernement français :

« Quelle situation paradoxale que celle à laquelle nous sommes aujourd’hui confrontés ! Les droits de l’Homme n’ont globalement jamais été mieux garantis en Europe ; et pourtant, le système européen de protection des droits de l’Homme n’a jamais été autant attaqué et menacé. La Cour de Strasbourg, en particulier, est souvent décriée : certains lui reprochent sa lenteur excessive, d’autres, au contraire, l’accusent d’ingérence.

Pourtant, il suffit de regarder le bilan de la Convention européenne des droits de l’Homme après soixante années d’existence pour reléguer immédiatement de telles critiques en arrière-plan. Pensons à tous les droits que nous a donnés la Convention ou à ceux dégagés ensuite par la Cour sur la base de la Convention, à l’image du droit à l’environnement. Pensons à la source d’inspiration que la Convention et la Cour ont constituée pour les juges nationaux et pour les législateurs.

Quels pourraient donc être les chantiers prioritaires pour accroître le niveau de protection de nos concitoyens dans l’esprit de l’excellent rapport qui nous a été présenté ? En février 2010, je représentais la France à la Conférence d’Interlaken. J’avais alors fait plusieurs propositions qui, je crois, restent actuelles.

Pour réduire l’engorgement de la Cour, j’avais proposé, afin de mettre fin aux requêtes répétitives, de recourir davantage aux règlements amiables ou de développer la pratique des déclarations unilatérales.

J’avais également fait des propositions pour améliorer l’exécution des arrêts de la Cour, en avançant l’idée que le Comité des Ministres devrait focaliser son travail sur la minorité d’arrêts posant de sérieuses questions d’exécution et que les États devraient se montrer responsables pour les autres arrêts. J’avais, en contrepartie, émis le souhait que la Cour développe une jurisprudence plus constante, sur laquelle nos juridictions nationales pourraient s’appuyer afin de motiver leurs décisions dans les domaines qui relèvent de la compétence de la Convention et de la Cour.

Je crois que le succès de la Convention européenne des droits de l’Homme reposera, dans les prochaines années, sur un engagement renforcé de tous les acteurs : la Cour, le Comité des Ministres, notre Assemblée comme les États membres. Je me réjouis donc que la recommandation insiste sur la nécessité de permettre à tous les acteurs de participer à la mise en œuvre du processus d’Interlaken, initié et organisé par le juge Costa. »

La déclaration d’Izmir du 27 avril 2011 insiste notamment sur l'introduction d’une procédure permettant aux plus hautes juridictions nationales de demander des avis consultatifs à la Cour concernant l'interprétation et l'application de la Convention, à l’image du renvoi préjudiciel prévu par l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Un tel dispositif devrait permettre une meilleure application de la jurisprudence européenne au plan national. La déclaration d’Izmir insiste également sur la nécessaire motivation des rejets des demandes de renvoi d’affaires devant la Grande Chambre, de façon à éviter les demandes répétitives.

Mme Marie-Jo Zimmermann (Moselle – UMP) a, de son côté, indiqué que toute réforme de la Cour ne pouvait se faire aux dépens du droit au recours individuel :

« J’ai été particulièrement intéressée par la lecture du rapport de Mme Bemelmans-Videc. Il pose de nombreuses questions et apporte un certain nombre de réponses auxquelles je souscris.

Je souhaiterais néanmoins évoquer un point particulier : celui du droit au recours individuel qui me semble devoir être sanctuarisé. L’économie de notre système institutionnel repose par définition sur le droit de recours individuel. Une réforme technique ne saurait être un prétexte pour l’amender.

Je suis bien consciente que les arguments avancés par les partisans de son amendement ne sont pas sans fondement. Certes 90 % des requêtes pendantes devant la Cour sont manifestement irrecevables. Est-il bien nécessaire, pour autant, d’avoir une décision de justice pour des affaires manifestement irrecevables ? Est-il en effet nécessaire de convoquer un juge pour traiter d’une affaire sans fondement juridique ? Le bon sens consisterait à dire : bien sûr que non ! Et pourtant… Un peu d’optimisme serait de bon aloi !

Contrairement aux premières craintes, l’entrée en vigueur du Protocole 14 qui a conduit à la mise en place de la procédure du juge unique semble porter ses fruits. D’ici à 2015, la Cour serait en mesure de traiter l’ensemble du stock des requêtes manifestement irrecevables.

Cela ne limite en rien la nécessité de renforcer le système de filtre pour faire face à un nouvel afflux de requêtes sans fondement.

Outre la pédagogie vis-à-vis de requérants potentiels, la question essentielle qui demeure est de savoir comment mettre en place une procédure de filtre des requêtes offrant au requérant des garanties équivalentes à un traitement non filtré. Une piste de réflexion consisterait à s’inspirer du système mis en place par le Conseil d’Etat lors de l’établissement de ses compétences en matière de cassation. Les formations de jugement ont dégagé des principes clairs en matière d’irrecevabilité manifeste. Sur ces critères, les requêtes manifestement irrecevables sont rejetées par ordonnance du président de la sous-section, sans possibilité de recours. La garantie apportée au justiciable réside dans le fait que, s’il y a un doute sérieux quant au rejet, l’affaire est néanmoins examinée en séance d’instruction et peut dans certains cas être confiée à la formation de jugement.

Le principe du recours individuel subsisterait sans pour autant paralyser le fonctionnement de la Cour, ce qui revient également à donner plus de portée effective à ce principe lorsqu’une affaire sérieuse de violation des droits de l’Homme n’est jugée qu’au bout de quatre ans !

Ce n’est évidemment pas une piste unique, mais elle me semble intéressante dans la mesure où elle concilie les exigences de célérité de la justice et de la qualité de cette dernière.

Autre élément d’importance qui n’est pas étranger à la question du filtre des requêtes : le budget de la Cour européenne des droits de l’Homme. L’enjeu est trop important pour le négliger. Le principe de la réforme de la Cour est d’éviter que l’enjeu budgétaire ne se transforme en tonneau des Danaïdes, mais pour autant, les États membres doivent être conscients qu’ils doivent augmenter le budget de la Cour dans des proportions raisonnables. Sachons être ambitieux lorsqu’il s’agit de renforcer l’autorité et l’efficacité de la Convention européenne des droits de l’Homme. »

D. RAPPORT ANNUEL D’ACTIVITÉ 2011 DU COMMISSAIRE AUX DROITS DE L’HOMME

L’examen du rapport annuel d’activité du Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe a été l’occasion pour le titulaire du poste, M. Thomas Hammarberg, de présenter un bilan de son action alors que son mandat se termine. Il a ainsi relevé les nombreuses avancées dans plusieurs dossiers, notamment en ce qui concerne l’Arménie. De façon générale, il a salué les liens noués entre ses services, les organisations non gouvernementales et les instances gouvernementales. M. Hammarberg a également souligné la place importante prise par la société civile dans le débat public, se muant en véritable interlocuteur des gouvernements.

Quatre domaines d’action restent prioritaires aux yeux du Commissaire. L’indépendance du milieu judiciaire constitue le premier défi. L’ingérence des responsables politiques contribue à une dérive marquée par le recours abusif à la détention préventive ou, à l’inverse, au renforcement de l’impunité pour certains groupes.

Une réflexion doit, par ailleurs, être engagée quant aux méthodes utilisées dans la lutte contre le terrorisme qui ne saurait justifier, à ses yeux, détentions secrètes et tortures.

M. Hammarberg a également insisté sur le fait que la défense des droits de l’Homme ne pouvait être tributaire des aléas budgétaires des États. Les programmes d’austérité ne peuvent être appliqués au détriment des groupes les plus vulnérables, personnes âgées, jeunes et handicapés.

Le Commissaire aux droits de l’Homme a enfin attiré l’attention sur l’augmentation des phénomènes d’intolérance par temps de crise, qui visent la nationalité, la race, la religion ou l’orientation sexuelle. Les responsables politiques des États membres ont, à cet égard, un rôle crucial à jouer en continuant à promouvoir les valeurs du Conseil de l’Europe.

Lors des échanges entre M. Hammarberg et l’hémicycle, M. François Rochebloine (Loire – NC) a souhaité revenir sur la question arménienne :

« Lors de nos deux précédents rendez-vous annuels, je vous ai demandé quelles démarches vous aviez accomplies pour éclaircir la situation de la minorité arménienne du Djavakhk, en Géorgie, qui se caractérise par de nombreuses violations des droits élémentaires de l’Homme.

Vous m’aviez indiqué l’an passé que vous vous préoccuperiez de cette situation. Or, sauf erreur de ma part, votre rapport d’activité pour 2011 ne contient aucune mention qui donne à penser que cette préoccupation se soit concrètement manifestée. Bien plus, on y chercherait vainement la moindre allusion aux plaintes émanant des représentants de la minorité arménienne alors que d’autres réclamations sont, à juste titre, longuement évoquées. Pourquoi cette abstention ? »

Le Commissaire lui a répondu :

« Je n’ai pas délibérément gardé le silence sur cette question, mais vous avez raison, nous n’avons pas été particulièrement actifs sur le sujet.

J’ai été en contact avec le Haut commissaire pour les minorités de La Haye dans le cadre de l’OSCE, qui est intervenu sur cette question. Il m’a d’ailleurs tenu informé de toutes les mesures qu’il a prises et je lui ai manifesté mon soutien. Mais il est vrai que nous aurions pu en faire plus. »


L’élection du nouveau Commissaire aux droits de l’Homme

M. Nils Muižnieks (Lettonie) a été élu le 24 janvier Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l'Europe par l’Assemblée parlementaire. Son mandat de six ans non renouvelable débutera le 1er avril 2012.

De novembre 2002 à décembre 2004, M. Muižnieks a été ministre chargé des questions d’intégration sociale au sein du gouvernement letton. Membre pour la Lettonie de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) du Conseil de l’Europe depuis 2005, il préside cette institution depuis janvier 2010. Il occupe parallèlement les fonctions de directeur de l’Institut avancé des recherches sociales et politiques (ASPRI) à la Faculté des sciences sociales de Riga.

M. Muižnieks a recueilli 120 des suffrages exprimés au premier tour de l’élection, soit la majorité absolue. Frans Timmermans (Pays-Bas) a obtenu 92 voix et Pierre-Yves Monette (Belgique) a obtenu 27 voix. Ces trois candidats étaient présentés par le Comité des Ministres, qui n’avait pas jugé recevable deux autres candidatures, dont celle du Chypriote Christos Pourgourides, ancien président de la commission des questions juridiques et des droits de l’Homme de l’Assemblée parlementaire.

ANNEXES

Annexe 1

Résolution 1856 (2012) – Garantir l’autorité et l’efficacité
de la Convention européenne des droits de l’Homme
1

1. L'Assemblée parlementaire rend hommage à l'extraordinaire contribution de la Cour européenne des droits de l’Homme (« la Cour ») à la défense des droits de l’Homme en Europe. Ce faisant, elle reconnaît le caractère subsidiaire du mécanisme de surveillance établi par la Convention européenne des droits de l’Homme (STE no 5, « la Convention »), et notamment le rôle fondamental que les autorités nationales, c'est-à-dire les gouvernements, les juridictions et les parlements, doivent jouer pour garantir et protéger les droits de l’Homme.

2. L'Assemblée réaffirme que l'essence du droit de requête individuelle, qui est au cœur du mécanisme de protection de la Convention, doit être préservée et que la Cour doit être en mesure de procéder à la clôture du traitement des requêtes dans un délai raisonnable, tout en maintenant la qualité et l'autorité de ses arrêts. Il s'ensuit que la priorité doit être donnée aux difficultés rencontrées dans les États qui ne mettent pas convenablement en œuvre les normes de la Convention. La Cour devrait, par conséquent, être encouragée à continuer à hiérarchiser ses affaires en fonction de la politique de prioritisation qu’elle a récemment adoptée.

3. Il découle de ce qui précède que, afin de garantir l'efficacité durable du système de protection de la Convention, il convient de renforcer et d’améliorer à l'échelon national l'autorité des droits consacrés par la Convention (y compris l'autorité de la chose interprétée – res interpretata – de la jurisprudence de la Cour), d'accroître l'efficacité des voies de recours internes dans les États confrontés à d'importants problèmes structurels et de garantir l'exécution rapide et effective des arrêts de la Cour. Les parlements nationaux peuvent contribuer de manière essentielle à endiguer l'afflux de requêtes qui submerge la Cour, par exemple en vérifiant soigneusement que les projets de loi ou la législation soient compatibles avec les exigences de la Convention et en veillant à ce que les États se conforment rapidement et pleinement aux arrêts de la Cour.

4. A cet égard, l'Assemblée appelle une nouvelle fois les parlements à créer des structures internes adéquates pour assurer le suivi rigoureux et régulier du respect, par les États, de leurs obligations internationales en matière de droits de l’Homme (Résolution 1823 (2011) « Les parlements nationaux: garants des droits de l’Homme en Europe ») et, notamment, un contrôle parlementaire effectif de l'exécution des arrêts de la Cour (Résolution 1516 (2006) sur la mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des droits de l’Homme, paragraphe 22.1).

5. Comme le débat sur l'avenir du système de la Convention qui a fait suite à la Conférence d’Interlaken ne prend pas suffisamment en compte le rôle des parlements (Résolution 1823 (2011), paragraphe 5.2), l’Assemblée et les parlements nationaux doivent veiller à ce qu'ils aient la possibilité d'examiner attentivement les rapports que les États membres sont tenus de remettre au Comité des Ministres sur la mise en œuvre nationale des parties pertinentes des Déclarations d'Interlaken et d'Izmir.

6. Enfin, l'autorité et l'efficacité du système de la Convention sont subordonnées à la volonté politique des États membres et à l’engagement qu'ils ont pris de fournir à l’Organisation les moyens financiers adaptés à l'exercice de son mandat en matière de droits de l’Homme. La situation budgétaire difficile dans laquelle se trouve le Conseil de l'Europe exige d'urgence l'attention des États membres, à commencer par le pouvoir législatif, compte tenu du rôle décisif qu'il joue dans la fixation des crédits budgétaires nationaux.

Recommandation 1991 (2012) – Garantir l’autorité et l’efficacité de la Convention européenne des droits de l’Homme2

1. L'Assemblée parlementaire, rappelant sa Résolution 1856 (2012), « Garantir l’autorité et l’efficacité de la Convention européenne des droits de l’Homme » (STE no 5), exhorte vivement le Comité des Ministres, garant statutaire de la viabilité du mécanisme de surveillance, à veiller :

1.1. à résoudre les difficultés financières du Conseil de l'Europe au plus haut niveau politique, de manière à ce que l'Organisation puisse exercer efficacement son mandat en matière de droits de l’Homme ;

1.2. à ce que l'Assemblée et les parlements nationaux prennent pleinement part à la mise en œuvre du « processus d'Interlaken » et aient la possibilité d'examiner attentivement les rapports nationaux remis dans ce contexte.

2. Par ailleurs, l'Assemblée invite instamment le Comité des Ministres à adresser une recommandation aux États membres pour leur demander de renforcer sans tarder, par des mesures législatives, judiciaires ou autres, l'autorité de la chose interprétée (res interpretata) des arrêts de la Cour européenne des droits de l’Homme.

Annexe 2

Recommandation 1990 (2012) – Le droit de chacun de participer à la vie culturelle
3

1. L’Assemblée parlementaire rappelle que le droit de chacun de participer à la vie culturelle suppose un accès libre et égal pour tous à des ressources culturelles diversifiées. Cette participation peut être plus ou moins active, selon que l'on est un public spectateur, auditeur, que l'on pratique une activité en amateur, ou que l'on s'engage dans une profession artistique comme artiste ou créateur.

2. L'Assemblée est convaincue qu'il est de la responsabilité des États et des collectivités publiques locales d’assurer les conditions nécessaires pour « développer toute l'étendue des talents que l'Homme a reçus de la nature et par delà établir entre les citoyens une égalité de fait et rendre réelle l'égalité politique reconnue par la loi » (Condorcet, 1792).

3. Tous les acteurs publics et privés sont concernés par la richesse culturelle commune mais l’État a un rôle primordial à assumer. Acteur culturel majeur, l'État n’a pas simplement la responsabilité d’assurer une offre diversifiée de services culturels, à travers l’ensemble de ses institutions publiques, il a aussi des fonctions d’initiation, de stimulation et de régulation des synergies entre les institutions publiques et les organisations du secteur associatif et privé qui contribuent à la protection et la promotion du patrimoine culturel, à la création artistique et à l’accès du public à l'ensemble des ressources culturelles et artistiques.

4. L'État a également le devoir de prendre en compte les profondes mutations que connaissent les conditions d'accès à la culture, avec l'essor de la culture numérique et de l'internet, de favoriser l'émergence de nouveaux artistes et de nouvelles formes d'expression, de développer les nouveaux modes de diffusion des contenus culturels pour les rendre accessible à tous.

5. Dans un contexte de démocratie forte, garante de la diversité, il convient d’interpréter les obligations de respect, de protection et de réalisation des droits culturels comme une obligation intégrée de résultat en matière de démocratisation culturelle pour un égal accès aux arts. Cette obligation intégrée de résultat implique la réalisation des conditions évolutives qui permettent à chacune et à chacun de s’épanouir et de participer à la vie culturelle, sociale et politique.

6. L'accès aux arts permet à tout être humain d'équilibrer le champ de l'intelligence par celui du sensible. L'un et l'autre doivent se compléter et s'enrichir mutuellement pour l'épanouissement de la personnalité de chacun pour une nouvelle approche des autres. Grâce aux liens culturels et aux dialogues interculturels, l'accès aux arts contribue ainsi à la promotion du « bien vivre ensemble » au sein d'une société, d'un pays, et même entre les peuples, favorisant les relations entre les citoyens du monde par une meilleure compréhension mutuelle. En outre, l’accès aux arts et la libre expression artistique et culturelle contribuent au développement de l’esprit critique et donc à renforcer la citoyenneté démocratique.

7. L'accès aux arts est particulièrement important pour les jeunes, notamment ceux de 15 à 25 ans, qui se trouvent à un moment crucial de leur existence pendant laquelle ils construisent leur devenir d'adultes citoyens. Les initier aux ressources culturelles fait appel à leur sensibilité subjective et à leur imagination créative, et leur procure une grande liberté d'initiatives (insuffisamment accordée à cette tranche d'âge).

8. Étant à la croisée des générations, les jeunes sont des vecteurs essentiels de transmission des ressources et des valeurs culturelles au sein de la société. Dans une optique intergénérationnelle et de cohésion sociale, l'une des responsabilités importantes du politique est de susciter, particulièrement chez les jeunes, le « désir de culture », sans lequel, quelle que soit la qualité des offres, quelles que soient les conditions matérielles d'accès à ces offres, les jeunes ne se sentiront pas concernés. Pour les motiver, les responsables politiques doivent les impliquer plus personnellement dans les activités culturelles, promouvoir des initiatives innovantes, valoriser toutes les pratiques créatrices de liens culturel, social et politique.

9. Dans ce contexte, il faut valoriser les ressources artistiques et culturelles qui permettent les rencontres (entre publics, artistes et/ou créateurs): le monde du spectacle vivant (théâtre, opéra, concert, spectacle de cirque, etc.) et celui des arts plastiques (expositions, performances, etc.) offrent ces opportunités de rencontres. Il faut aussi porter une attention particulière aux conditions dans lesquelles les jeunes ont un accès aux activités artistiques et culturelles, qui contribuent fortement à leur donner confiance en eux en leur permettant de découvrir les multiples facettes de leur personnalité.

10. La participation aux arts enrichit le patrimoine artistique et culturel de nos sociétés grâce aux créations multiples et variées qu'elle développe. Les soutiens apportés aux jeunes talents créatifs sont donc indispensables car sans eux le patrimoine de demain s'appauvrirait. Il est donc de la responsabilité des politiques de prendre le risque de l'innovation pour procurer aux générations futures ce qui leur apparaîtra, avec le temps, comme un patrimoine classique à valeur universelle, comme nous l'avons reçu de nos aïeux.

11. L'Assemblée regrette que, par-delà les discours constants en faveur des droits culturels, les moyens matériels financiers et humains et les systèmes d'information, de médiation, d'éducation artistique et culturelle ne permettent toujours pas de traduire de façon effective et équitable les professions de foi et déclarations (nationales et internationales), en dépit de la richesse des initiatives et des projets et de la qualité des intervenants œuvrant dans ces domaines.

12. Le droit de participer à la vie culturelle est un droit pivot au cœur du système des droits de l’Homme. L'oublier conduit à mettre en danger ce système tout entier, en privant un être humain de la possibilité d'exercer de façon responsable ses autres droits, par manque de conscience de la plénitude de son identité.

13. Par conséquent, l’Assemblée parlementaire recommande au Comité des Ministres :

13.1. d’endosser formellement les « Lignes directrices pour l’élaboration des politiques visant à assurer la participation effective à la vie culturelle » en annexe à la présente recommandation, dont elles sont partie intégrante ;

13.2. de transmettre cette recommandation à tous les États membres, afin qu’ils puissent s’en inspirer pour la définition de leurs politiques nationales ;

13.3. de transmettre cette recommandation aux comités intergouvernementaux et au secrétariat du secteur intergouvernemental de l'Organisation chargés des programmes en matière de culture, d'éducation, d'innovation technologique, de jeunesse et d'égalité des chances en leur demandant :

13.3.1. d’intégrer dûment la promotion du droit de chacun de participer à la vie culturelle dans les projets en cours (comme, par exemple, ceux sur l’éducation à la citoyenneté démocratique et aux droits de l’Homme) ;

13.3.2. d’intégrer dûment la promotion du droit de chacun de participer à la vie culturelle dans les initiatives qui pourraient être lancées dans le cadre de la réflexion sur le « vivre ensemble » et du partenariat entre la Commission européenne et le Conseil de l’Europe dans le domaine de la politique de jeunesse, de la recherche et du travail des jeunes;

13.4. d’établir un comité d’experts ou un groupe de travail transversal et le charger :

13.4.1. de réfléchir aux initiatives qui pourraient faciliter une action politique coordonnée au niveau européen pour promouvoir le droit de chacun de participer à la vie culturelle ;

13.4.2. de réfléchir aux initiatives qui pourraient renforcer la collaboration entre le Conseil de l’Europe, l’Union européenne et d’autres instances internationales dans la mise en œuvre de programmes ciblés pour encourager la participation des jeunes à la vie culturelle et pour soutenir les activités créatives innovantes, en particulier celles liées aux révolutions technologiques ;

13.4.3. de collecter et d'analyser les bonnes pratiques nationales en vue de préparer des propositions concrètes, que les comités intergouvernementaux compétents devraient examiner, approuver et soumettre au Comité des Ministres pour adoption ;

13.5. d’inviter l’Union européenne et l’UNESCO aux travaux de ce comité d’experts ou groupe de travail transversal et d’y associer étroitement l’Assemblée parlementaire, le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe, la Conférence des organisations internationales non gouvernementales du Conseil de l’Europe et le Conseil consultatif pour la jeunesse ;

13.6. sur la base des conclusions et propositions concrètes qui lui auront été transmises, d'adopter les mesures appropriées pour développer des projets concrets de collaboration entre le Conseil de l’Europe, l’Union européenne et l’UNESCO visant à soutenir la mise en œuvre du droit de chacun de participer à une vie culturelle diversifiée et à renforcer, en particulier, la participation des jeunes à la vie culturelle, tant comme public que comme praticiens ;

13.7. dans le cadre du programme « Gouvernance démocratique par les politiques de l’éducation, de la culture et de la jeunesse », de charger la plateforme CultureWatchEurope d’établir une série d’indicateurs sur la participation des divers groupes, et des jeunes en particulier, à la vie culturelle et de suivre les développements dans ce domaine.

14. L’Assemblée invite les Conférences européennes des ministres responsables de la culture, de l’éducation, de la jeunesse et du numérique (des médias) à prendre en compte la présente recommandation et à inscrire dans leurs ordres du jour respectifs la question d’une promotion plus efficace des droits culturels, notamment du droit de chacun de participer à la vie culturelle, tant comme public que comme praticien, dans l’espace européen.

15. L’Assemblée, reconnaissant le rôle de plus en plus important que les autorités locales et régionales ont dans la promotion et la mise en œuvre des droits culturels, invite le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe à prendre en compte la présente recommandation et à l'intégrer dans son programme de travail.

16. L’Assemblée considère qu’il conviendrait d’accorder une plus grande considération au droit de chacun de participer à la vie culturelle dans le cadre des travaux du Centre européen pour l’interdépendance et la solidarité mondiales (Centre Nord-Sud) du Conseil de l’Europe; l’Assemblée invite donc les organes du Centre à intégrer dans ses projets la réflexion sur la mise en œuvre effective de ce droit et sur la contribution qu’il apporte au développement harmonieux des civilisations grâce à l'enrichissement des diversités créatives et au dialogue pluri et interculturels.

Lignes directrices pour l’élaboration des politiques visant à assurer la participation effective à la vie culturelle

I. Lignes directrices générales

1. Reconnaître les droits culturels comme les droits qui autorisent chaque personne, seule ou en commun, à développer toutes ses aptitudes d'être pensant et sensible, toutes ses capacités d'imagination créative. Reconnaître que ces droits correspondent à des besoins premiers pour tout le genre humain destiné à vivre en société: leviers essentiels des échanges culturels et du dialogue interculturel, les droits culturels sont aussi des piliers du « vivre ensemble » au sein des sociétés grâce à des références culturelles et artistiques communes qui permettent d'accéder à l'ensemble des valeurs humanistes transmises dans les sociétés démocratiques et libérales

2. Affirmer le droit de chacun de participer à la vie culturelle comme le droit qui englobe l’ensemble des droits culturels car sa garantie effective permet l'égal accès pour tous aux ressources culturelles nationales et internationales et le droit d'y participer comme auteurs ou artistes-interprètes.

3. Développer des politiques intégrées pour promouvoir la participation à la vie culturelle et établir une programmation stratégique commune aux différents secteurs gouvernementaux concernés, dont les ministères responsables de la culture, de l’éducation, des entreprises, de la recherche et du numérique, associés à ceux de la jeunesse et de l’égalité des chances. Impliquer dans la définition et la mise en œuvre de ces politiques les autorités régionales et locales en fonction des compétences qu’elles ont dans les domaines visés.

4. Stabiliser la mise en œuvre des politiques des pouvoirs publics en matière culturelle en pérennisant les expériences probantes. Il s'agit d'éviter que les alternances politiques propres aux démocraties libérales conduisent chaque nouveau gouvernement à apposer sa marque, ce qui remet en cause périodiquement les projets culturels de qualité.

5. Dans la définition des politiques intégrées de démocratisation culturelle, prendre en considération l’effet paralysant des multiples facteurs de discriminations (comme les situations économiques, les lieux de vie, les positions sociales, les problèmes liés aux différents handicaps, mais aussi la situation spécifique de la jeunesse) afin d'identifier les formes appropriées de soutien à mettre en œuvre pour que la participation de chacun à la vie culturelle soit adaptée à ces contextes particuliers.

6. Placer au cœur de la mission de chaque institution publique qui contribue à l’activité, à la formation et à la médiation culturelles, l'obligation de résultat en termes de démocratisation culturelle avec des interactions fréquentes entre opérateurs.

7. Mettre en réseau les opérateurs culturels publics et privés pour échanger leurs expériences et pour développer des partenariats avec mutualisation des moyens. Envisager la dimension transfrontalière des initiatives culturelles avec des projets en partage avec des pays différents.

8. Conditionner le financement public des opérateurs culturels privés à leur contribution à la démocratisation culturelle et aux partenariats culturels. Encourager par des mesures fiscales toutes les formes de mécénat soutenant les approches culturelles démocratiques et les soutiens à la création d'autres institutions culturelles privées.

9. Moderniser et développer fortement le rôle de médiation des grandes institutions culturelles et placer au cœur de leur programmation :

9.1. les adaptations des médiations en fonction des publics (jeunes publics, publics de seniors, publics défavorisés ou tenus à l'écart des ressources culturelles) en évitant de se restreindre à des activités ponctuelles visant seulement à faire entrer occasionnellement un maximum de personnes dans des lieux culturels ;

9.2. le développement des «projets participatifs» pour lesquels les publics sont invités à participer directement aux créations au sein d'ateliers pour les impliquer personnellement dans la pratique artistique ;

9.3. l'utilisation des technologies de l'information et de la communication (écrans, réseaux internet, réalité virtuelle et réalité augmentée, etc.) pour des projets multiformes et pluridisciplinaires avec des environnements navigables susceptibles de solliciter l'action du public.

10. Repenser le rôle de l'école comme une institution essentielle à la formation artistique, au développement culturel, comme espace d'apprentissage des savoirs indispensables pour rendre effectif et attractif le droit de participer à la vie culturelle et comme espace de liberté d'expression artistique et de rencontres multiples entre les élèves et des œuvres, avec les artistes, dans des institutions artistiques ou des salles de spectacles.

11. Mieux intégrer une éducation obligatoire aux pratiques artistiques et culturelles dans les systèmes éducatifs nationaux. Encourager les pratiques visant à développer la créativité et la sensibilité et valorisant le lien entre la vie culturelle du territoire et le système éducatif.

12. Prévoir une initiation aux arts pour tous les futurs enseignants, ce qui permettra de décloisonner les enseignements traditionnels en mettant en relief la dimension artistique de toutes les matières: par exemple, les différentes représentations picturales des reliefs en géographie, les mobiles des sculpteurs comme application des lois de la physique et l'histoire des arts pour accompagner les événements historiques. Apprendre à lire, écrire et compter est à l'évidence fondamental; apprendre à voir, à entendre, à sentir, l'est tout autant.

13. Étendre les méthodes pédagogiques propres à l'éducation artistique aux autres matières en instaurant un dialogue interactif avec les élèves, en veillant à leur donner la parole pour qu'ils puissent exprimer leurs questionnements et expliquer leur démarche individuelle d'élève.

14. Soutenir les projets qui visent à établir au sein des établissements scolaires des lieux de création artistique permettant le contact entre les élèves, les œuvres et les artistes et offrant aux élèves la possibilité de s’initier à la libre expression et à la création artistique.

15. Favoriser le développement des pratiques amateurs, dans l'environnement périscolaire et extrascolaire, en veillant à proposer une offre ouverte à des choix diversifiés et adaptés aux différentes catégories de personnes.

16. S'appuyer sur les réseaux associatifs locaux, avec des espaces de pratiques propices à l'émergence de talents grâce au soutien de bons professionnels, ce qui permet la découverte de ses propres appétences jusqu'alors ignorées. En particulier, donner accès aux jeunes à des espaces de création en leur laissant toute liberté d'exercer leurs activités ou de monter leurs projets, en s'appuyant sur des associations de jeunes, les encourager à mutualiser leurs moyens, à partager leur créativité en se mettant en réseau avec d'autres associations pour concevoir des projets en commun.

17. Soutenir, en particulier financièrement dans le cadre de contrats pluriannuels d'objectifs, les associations culturelles, qui permettent une médiation culturelle de proximité pour les jeunes mais aussi pour toutes les générations.

18. Encourager les expressions culturelles et artistiques qui, par une perspective critique sur les conditions politiques, sociales, économiques et culturelles de la société actuelle, contribuent au développement de l’esprit critique et au renforcement de la citoyenneté démocratique. Encourager l’accès du public à ces expressions.

19. Prendre résolument en compte les nouvelles formes de création et de diffusion des contenus artistiques et culturels que la révolution technologique ouvre en abolissant les frontières géographiques et temporelles, et en instaurant un espace de liberté d'expression et de partage incontournable. Il s'agit également d'inciter l'émergence et de saisir des nouveaux modes de consommation et de création culturelles rendus possibles par les nouvelles technologies, notamment lorsqu’il s’agit d’atteindre un public jeune.

20. Promouvoir les créations pluridisciplinaires conçues via et pour le réseau internet (par exemple le Net Art) combinant plusieurs modes d'expression et qui utilisent les techniques numériques interactives comme outil de création.

21. Assurer un système de protection de la création, notamment pour rendre effectifs les droits de propriété intellectuelle qui font partie des droits de l’Homme, afin de permettre aux jeunes créateurs d'envisager une activité professionnelle artistique économiquement viable. La révolution numérique a bouleversé les usages, de manière positive pour la démocratisation culturelle, mais elle a aussi vu la naissance du piratage à large échelle des œuvres culturelles, qui fait peser une menace grave sur la création de demain. Afin que chacun puisse participer à la vie culturelle, il convient de trouver des solutions à ce phénomène délétère pour la pérennité de la diversité culturelle.

22. Pour que les stratégies de développement culturel réussissent à promouvoir la participation de tous à la vie culturelle et favorisent le soutien à la création, utiliser les principes d'interconnexion et facteurs de valorisation mutuelle suivants: l'inter-artistique et l'interculturel, l'inter-lieux, l'inter-temporel et l'interinstitutionnel.

II. Lignes directrices spécifiques concernant l’utilisation des principes d’interconnexion

Inter-artistique et interculturel

23. Parallèlement à l'appréhension approfondie de chaque discipline artistique, développer une approche de l’éducation et de la formation aux arts valorisant les correspondances entre les arts, pour non seulement offrir à chacun une approche exhaustive des expressions artistiques pluridisciplinaires et multiformes mais aussi pour enrichir chaque discipline des autres approches artistiques.

24. Favoriser les projets éducatifs artistiques qui valorisent les interactions entre les arts, entre les arts et d'autres domaines, et entre les artistes et le public. Par exemple: les activités artistiques qui créent des correspondances entre arts plastiques, musique, arts du son, de la lumière et un dialogue créatif avec le public par la médiation d'ordinateurs dans des espaces non dédiés aux arts (par exemple les friches industrielles, les quartiers des cités pour les arts de la rue).

25. Accorder des soutiens politiques et économiques continus plus soutenus, avec des contrats d'objectifs pluriannuels, en faveur des théâtres et salles de spectacles, des lieux d'exposition, des compagnies d'artistes et des plasticiens, car ils offrent des occasions de rencontre entre tous les secteurs artistiques et, à travers eux, entre tous les secteurs culturels. Ils permettent également de réunir et de mobiliser une diversité de jeunes publics, artistes, amateurs ou professionnels.

Inter-lieux et arts numériques

26. Favoriser les créations réalisées avec les habitants (formes participatives) et les initiatives où la rencontre des arts et des personnes prend vie dans des lieux capables de lier réflexion artistique, philosophique et écologique, donnant donc du sens à sa citoyenneté: réaménager un espace public couvert (comme un hall de gare) ou en plein air (comme un espace vert) pour en faire un lieu de participation créative pour les habitants de ces quartiers.

27. Favoriser les initiatives culturelles locales et qui visent la valorisation culturelle, historique, sociale et économique des territoires, par les liens entre les créateurs, les publics et les divers métiers qui participent à ces initiatives.

28. Réaliser des programmes nationaux de numérisation du patrimoine culturel, ce qui s'inscrit dans les objectifs retenus par la Commission européenne pour la réalisation d'Europeana, point d'accès multilingue à tous les contenus culturels du patrimoine et de la création contemporaine.

29. Connecter les espaces virtuels aux espaces publics et soutenir les projets de services numériques innovants avec des dispositifs sur site (3D, réalité augmentée, systèmes immersifs de réalité virtuelle, téléphones mobiles, podcasts, etc.) ou des dispositifs sur internet accessibles à distance (visites virtuelles, parcours thématiques, services en ligne).

30. Utiliser les nouvelles formes de diffusion des contenus culturels dématérialisés, en transférant par exemple les arts visuels dans des galeries et musées virtuels où les œuvres seraient accessibles dans des expositions en ligne.

31. S'engager dans une démarche de soutien aux services numériques culturels innovants pour faciliter l'expérimentation de nouveaux usages numériques et encourager de nouveaux partenariats entre opérateurs culturels et le monde de l'entreprise, et la recherche privée ou publique.

Inter-temporel

32. Renouer avec les savoir-faire traditionnels locaux, les sources et les exemples des créations artistiques de l'art des anciens.

33. Travailler avec les artistes de la mémoire (par exemple les archéologues) et inversement se projeter dans une vision de l'espace urbain du futur que l'on souhaite transmettre (art prospectif).

34. Favoriser les initiatives qui créent une dynamique territoriale dans la durée (festivals, fêtes, journées thématiques).

35. Promouvoir les activités liées à la mémoire et développer aussi dans cette direction le rôle des institutions muséales, des théâtres et salles de spectacle (œuvres du patrimoine, artistes des siècles passés et théâtre classique par exemple), ce qui valorise le patrimoine et permet aux jeunes de s'approprier la culture de leur nation et celle d'autres pays.

Interinstitutionnel

36. Favoriser la mise en place d’instances de coordination chargées d'assurer la synergie entre politique culturelle et politique éducative, avec des comités permanents de professionnels renouvelables périodiquement.

37. Renforcer le lien entre les écoles et les institutions culturelles locales et nationales, non seulement pour favoriser l’accès des élèves à ces institutions, mais pour apporter le savoir et l’expérience de ces institutions et de leurs équipes à l’apprentissage artistique dans le contexte scolaire, et ce pour tous les élèves et dès leur plus jeune âge.

38. Encourager les partenariats interinstitutionnels (entre autorités gouvernementales nationales et entre autorités nationales et locales) et les partenariats public-privé, dès la définition de stratégies, pour la conception des projets et de la programmation, afin d’assurer le niveau le plus élevé de coordination et de synergie.

Annexe 3

Résolution 1862 (2012) – Le fonctionnement des institutions démocratiques en Ukraine

1. L’Assemblée parlementaire se réjouit de la coopération constante avec les autorités ukrainiennes dans le cadre de la procédure de suivi de l’Assemblée. Elle note avec satisfaction que les autorités ont pris plusieurs mesures importantes afin d’honorer les engagements restants, contractés lors de l’adhésion, y compris en ce qui concerne la lutte contre la corruption. Elle salue l’étroite coopération établie entre le Conseil de l'Europe et les autorités ukrainiennes pour la mise en œuvre des réformes nécessaires. Toutefois, l’Assemblée regrette que les poursuites engagées contre d’anciens dirigeants ukrainiens entravent l’intégration européenne du pays.

2. L’Assemblée exprime son inquiétude face aux poursuites pénales engagées aux termes des articles 364 (abus d’autorité) et 365 (outrepassement d’autorité ou de fonction) du Code pénal ukrainien contre certains membres de l’ancien gouvernement, notamment M. Iouri Loutsenko, ancien ministre de l’Intérieur, M. Valeri Ivachtchenko, ancien ministre de la Défense par intérim, M. Evgueni Kornitchouk, ancien premier vice-ministre de la Justice, ainsi que Mme Ioulia Timochenko, ancien Premier ministre.

3. L’Assemblée considère que le champ d’application des articles 364 et 365 du Code pénal ukrainien est beaucoup trop large et qu'ils permettent effectivement une pénalisation post facto de décisions politiques normales, ce qui est contraire au principe de l’État de droit et inacceptable. L’Assemblée invite donc instamment les autorités à modifier rapidement ces deux articles du Code pénal pour les rendre conformes aux normes du Conseil de l'Europe, et à lever les charges qui pèsent sur les responsables de l’ancien gouvernement et sont fondées sur ces dispositions. L’Assemblée tient à souligner que l’évaluation des décisions politiques et de leurs conséquences est une prérogative des parlements et, en fin de compte, de l’électorat, et non des tribunaux. A cet égard, l'Assemblée demande au Président de l'Ukraine d'examiner tous les moyens juridiques à sa disposition pour libérer ces membres de l'ancien gouvernement et leur permettre de se présenter aux prochaines élections législatives. Elle estime que des normes internationales strictes délimitant la responsabilité pénale et politique doivent être élaborées.

4. L’Assemblée regrette les nombreuses défaillances relevées dans les procédures pénales engagées contre des membres de l’ancien gouvernement et considère qu’elles peuvent avoir réduit la possibilité des accusés d’obtenir un procès équitable au sens de l’Article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme (STE no 5). A cet égard, l'Assemblée prend note de la décision de la Cour européenne des droits de l’Homme de traiter selon une procédure accélérée une requête de Mme Timochenko concernant sa détention, dans laquelle elle se plaint de violations des articles 3, 5 et 18 de la Convention.

5. De l’avis de l’Assemblée, ces défaillances sont le résultat de déficiences systémiques qui existent dans le système judiciaire en Ukraine. Ces déficiences ne sont pas nouvelles et préoccupent l’Assemblée depuis longtemps, notamment le manque d’indépendance du pouvoir judiciaire, le recours excessif à la détention provisoire et la durée de celle-ci, le manque d’égalité des armes entre l’accusation et la défense ainsi que les arguments juridiques inappropriés fournis par l’accusation et les tribunaux dans les documents officiels et les décisions.

6. Eu égard à l’indépendance du pouvoir judiciaire, l’Assemblée :

6.1. réaffirme sa profonde inquiétude face au manque d’indépendance du pouvoir judiciaire et considère qu’il s’agit du principal défi que doit relever l’appareil judiciaire en Ukraine ;

6.2. estime que la procédure actuelle de nomination des juges nuit à l’indépendance du pouvoir judiciaire. Elle invite les autorités à supprimer ou, au minimum, à raccourcir considérablement la période d’essai de cinq ans prévue pour les juges et à retirer la Verkhovna Rada du processus de nomination ;

6.3. estime que les juges ne devraient pas instruire d’affaires politiquement sensibles ou complexes pendant leur période d’essai ;

6.4. considère que la composition du Conseil supérieur de la magistrature est contraire au principe de séparation des pouvoirs et nuit également à l’indépendance du pouvoir judiciaire. L’Assemblée demande donc que des amendements aux lois pertinentes soient adoptés afin de retirer effectivement les représentants de la Verkhovna Rada, le Président de la République et le parquet de la composition du Conseil supérieur de la magistrature. Dans l’attente de l’adoption de ces amendements, ces trois institutions devraient nommer des membres apolitiques au Conseil supérieur de la magistrature ;

6.5. invite la Verkhovna Rada à adopter rapidement les amendements constitutionnels qui permettraient de retirer les dispositions empêchant l’application des recommandations de l’Assemblée mentionnées aux paragraphes 6.2 et 6.4 ;

6.6. exprime son inquiétude face aux nombreux rapports crédibles qui signalent que des mesures disciplinaires ont été engagées, et que des juges ont été révoqués par le Conseil supérieur de la magistrature parce que le ministère public s’est plaint que les juges en question se soient prononcés contre l’accusation dans une certaine affaire. De telles pratiques sont incompatibles avec le principe de l’État de droit et doivent cesser immédiatement.

7. Eu égard à la détention provisoire, l’Assemblée :

7.1. exprime son inquiétude face au recours excessif à la détention provisoire, souvent appliquée sans justification ou motifs valables, dans le système judiciaire ukrainien ;

7.2. note à cet égard que la détention provisoire excessive et illégale est un des principaux motifs des arrêts rendus par la Cour européenne des droits de l’Homme contre l’Ukraine ;

7.3. réaffirme que, conformément au principe de présomption d’innocence, la détention provisoire ne devrait être utilisée que comme une mesure de dernier ressort lorsqu’il existe un risque patent de fuite ou de détournement de la justice ;

7.4. demande aux autorités de veiller à ce que le Code de procédure pénale fournisse une procédure claire d’examen de la légalité et de la durée de la détention provisoire. En outre, des indications doivent être données pour garantir que la détention provisoire ne soit appliquée que comme une mesure de dernier ressort et uniquement sur la base d’une décision dûment motivée par un tribunal.

8. Eu égard à l’égalité des armes entre l’accusation et la défense, l’Assemblée :

8.1. note avec préoccupation que le parti pris en faveur de l’accusation est endémique dans le système judiciaire ukrainien ;

8.2. demande aux autorités de veiller à ce que, dans le Code de procédure pénale, l’égalité des armes entre l’accusation et la défense soit garantie dans la loi et la pratique ;

8.3. invite les autorités à s’assurer en particulier que le Code de procédure pénale indique explicitement que la défense doit obtenir une copie du dossier d’accusation et disposer d’un laps de temps suffisant pour en prendre connaissance, sous le contrôle d’un juge ;

8.4. constate avec satisfaction que le Président de l'Ukraine a soumis un nouveau projet de Code de procédure pénale à la Verkhovna Rada, et appelle la Verkhovna Rada à adopter rapidement cette loi qui prend pleinement en compte les recommandations formulées par les experts du Conseil de l'Europe lors de leur examen du projet de loi.

9. Concernant les déficiences systémiques du système judiciaire, l’Assemblée regrette que l’Ukraine n’ait pas encore mis le Parquet en conformité avec les normes du Conseil de l'Europe, alors que cette réforme figure parmi les engagements contractés lors de l’adhésion. En conséquence, la Prokuratura reste une institution beaucoup trop centralisée et dotée de pouvoirs excessifs.

10. L’Assemblée prend note avec préoccupation des rapports qui signalent que l’état de santé de M. Iouri Loutsenko, ancien ministre de l’Intérieur, et de M. Valeri Ivachtchenko, ancien ministre de la Défense par intérim, placés actuellement en détention provisoire, se dégrade rapidement et que ces deux personnes ont besoin de soins médicaux en dehors du système carcéral. L’Assemblée demande que ces deux personnes soient libérées immédiatement pour des motifs humanitaires en attendant les conclusions de leur procès, compte tenu également de ses inquiétudes face au recours à la détention provisoire en Ukraine. L'Assemblée se déclare également préoccupée par la dégradation de l'état de santé de Mme Timochenko et elle appelle les autorités à autoriser, sans conditions préalables, des examens médicaux et, si nécessaire, un traitement par des médecins indépendants, hors du service pénitentiaire.

11. L’Assemblée salue le fait qu’un certain nombre de réformes importantes ont été mises en œuvre, notamment dans le domaine de l’intégration de l’économie ukrainienne dans l’espace économique européen. Ceci souligne l’importance donnée par les autorités à une plus grande intégration européenne du pays.

12. L’Assemblée reconnaît le résultat du quinzième sommet Ukraine–Union européenne, qui a eu lieu le 19 décembre 2011 à Kyiv en relation avec l’Accord d’association entre l’Ukraine et l’Union européenne. Il est essentiel que les deux parties reconnaissent que cet accord constitue une nouvelle étape sur la voie du développement de relations conventionnelles entre elles en vue d’une association politique et d’une intégration économique.

13. L’Assemblée réaffirme sa position selon laquelle il ne sera pas possible de mettre en œuvre les réformes que l’Ukraine doit entreprendre pour honorer ses engagements envers le Conseil de l’Europe sans réformer au préalable la Constitution actuelle. Elle invite donc le Président et la Verkhovna Rada à engager rapidement un processus complet de réforme constitutionnelle sans attendre la fin des prochaines élections législatives. L’Assemblée se félicite de l’avis positif donné par la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) à la proposition visant à instituer une assemblée constitutionnelle dont elle espère qu'elle sera à la base du processus de réforme de la Constitution. De plus, l’Assemblée appelle instamment les autorités à tirer pleinement parti des recommandations formulées dans les avis de la Commission de Venise sur de précédents projets de réforme constitutionnelle.

14. L’Assemblée salue le fait que les autorités demandent systématiquement l’avis de la Commission de Venise sur les projets de loi qu’elles préparent. Cependant, elle note qu’à plusieurs occasions, les projets de loi pour lesquels des avis ont été demandés ont par la suite été retirés et que les recommandations de la Commission de Venise n’ont pas été prises en compte dans les lois adoptées en fin de compte par la Verkhovna Rada. L’Assemblée appelle donc instamment les autorités à tenir pleinement compte des avis de la Commission de Venise lors de la préparation de nouvelles lois, y compris pour ce qui est de projets antérieurs portant sur ce même sujet. Dans ce contexte, l’Assemblée s’attend à ce que les avis positifs donnés sur les projets de loi – préparés par la Commission présidentielle pour le renforcement de la démocratie – sur l’ordre des avocats, sur la liberté de réunion et sur l’assemblée constitutionnelle soient pris en considération dans les projets de loi qui sont envoyés à la Verkhovna Rada pour adoption.

15. L’Assemblée prend note de l’adoption, le 17 novembre 2011, de la Loi sur l’élection des députés du peuple d’Ukraine. Tout en se félicitant qu’un certain nombre de ses préoccupations précédentes aient été prises en compte, l’Assemblée regrette que ses principales recommandations, notamment l’adoption d’un code électoral unifié et l’adoption d’un système électoral régional proportionnel, n’aient pas été mises en œuvre. Eu égard à la nouvelle législation électorale, l’Assemblée:

15.1. salue l’adoption par un large consensus, avec la participation de l’opposition, de la loi relative aux élections législatives, qui constitue un premier pas vers une législation électorale unifiée ;

15.2. souligne que l’adoption de cette loi relative aux élections législatives ne doit pas être un prétexte pour ne pas adopter un code électoral unifié, qui reste nécessaire pour que toutes les élections organisées en Ukraine s’inscrivent dans un cadre juridique cohérent pleinement conforme aux normes européennes ;

15.3. craint que le relèvement à 5 % du seuil requis pour les élections proportionnelles ainsi que l’interdiction pour les partis de former des blocs électoraux pour se présenter aux élections puissent réduire la possibilité pour les partis plus petits ou récents d’entrer au parlement. L’Assemblée craint que ces dispositions puissent réduire le pluralisme et renforcer la polarisation au nouveau parlement. Elle recommande que le seuil soit abaissé et que l’interdiction de former des blocs électoraux soit retirée de la législation électorale avant les prochaines élections législatives. Pour améliorer le pluralisme et encourager la participation des minorités nationales à la vie publique, l’Assemblée recommande à la Commission électorale centrale de veiller, quand elle délimitera les circonscriptions pour les élections législatives de 2012, d’incorporer en une même circonscription les groupes minoritaires nationaux qui forment un habitat concentré dans certaines zones ;

15.4. regrette la présence dans cette loi de dispositions qui limitent le droit de se présenter à une élection de toute personne condamnée pour une infraction, quelle que soit la gravité de celle-ci. Reconnaissant que ces dispositions sont fondées sur l’article 76 de la Constitution ukrainienne, l’Assemblée propose de supprimer celles-ci sans délai dans le cadre du processus de révision constitutionnelle qu’elle a recommandé ;

15.5. demande aux autorités de mettre pleinement en œuvre les recommandations du Groupe d’États contre la corruption (GRECO) du Conseil de l’Europe concernant le financement des partis politiques.

16. L’Assemblée considère que les prochaines élections législatives seront un test décisif de l’engagement de l’Ukraine en faveur des principes démocratiques. L’Assemblée est d’avis qu’une observation internationale de ces élections contribuera considérablement à leur conduite démocratique. Elle estime qu’elle devrait y contribuer en s’appuyant sur une importante délégation.

17. L’Assemblée note que plusieurs engagements d’adhésion importants n’ont pas encore été honorés bien que l’Ukraine ait adhéré au Conseil de l’Europe en 1995, il y a presque 17 ans. Les gouvernements successifs, ainsi que la Verkhovna Rada et ses groupes politiques, partagent la responsabilité de cet échec. Dans sa Résolution 1755 (2010), l’Assemblée s’était félicitée du programme de réforme ambitieux des autorités en vue d’honorer les engagements d’adhésion restants. Malgré les résultats positifs initiaux dans plusieurs domaines, l’Assemblée est préoccupée par les signaux qui indiquent que la dynamique et la volonté politique nécessaires pour mettre en œuvre ces réformes s’essoufflent. L’Assemblée invite donc instamment les autorités, ainsi que toutes les forces politiques du pays, à mettre en œuvre rapidement les réformes qui sont nécessaires pour que l’Ukraine honore ses engagements d’adhésion et instaure une démocratie solide dans le pays.

18. L’Assemblée considère que la mise en œuvre de ses recommandations, et notamment de celles qui concernent les poursuites pénales engagées contre des membres de l’ancien gouvernement, témoignerait de la volonté des autorités de respecter les normes et valeurs du Conseil de l'Europe. Inversement, si ses recommandations n’étaient pas appliquées dans un délai raisonnable, cela ferait peser de sérieux doutes sur l’adhésion des autorités aux principes de la démocratie et de la prééminence du droit et conduirait à une réponse appropriée de l’Assemblée. En conséquence, l’Assemblée invite la commission de suivi à continuer à observer la situation de près et à proposer éventuellement que l’Assemblée adopte les mesures requises par la situation, qui pourraient aussi consister à envisager des sanctions si les demandes de l’Assemblée ne sont pas satisfaites.

Annexe 4

Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique

Préambule

Les États membres du Conseil de l’Europe et les autres signataires de la présente Convention,

Rappelant la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (STE n° 5, 1950) et ses Protocoles, la Charte sociale européenne (STE n° 35, 1961, révisée en 1996, STE n° 163), la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (STCE n° 197, 2005) et la Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels (STCE n° 201, 2007) ;

Rappelant les recommandations suivantes du Comité des Ministres aux États membres du Conseil de l’Europe : la Recommandation Rec (2002)5 sur la protection des femmes contre la violence, la Recommandation CM/Rec (2007)17 sur les normes et mécanismes d’égalité entre les femmes et les hommes, la Recommandation CM/Rec (2010)10 sur le rôle des femmes et des hommes dans la prévention et la résolution des conflits et la consolidation de la paix, et les autres recommandations pertinentes ;

Tenant compte du volume croissant de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme qui établit des normes importantes en matière de violence à l’égard des femmes ;

Ayant à l’esprit le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (1966), le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (1966), la Convention des Nations Unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (« CEDEF », 1979) et son Protocole facultatif (1999) ainsi que la Recommandation générale n° 19 du Comité de la CEDEF sur la violence à l’égard des femmes, la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant (1989) et ses Protocoles facultatifs (2000) et la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées (2006) ;

Ayant à l’esprit le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (2002) ;

Rappelant les principes de base du droit humanitaire international, et en particulier la Convention (IV) de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre (1949) et ses Protocoles additionnels I et II (1977) ;

Condamnant toutes les formes de violence à l’égard des femmes et de violence domestique ;

Reconnaissant que la réalisation de jure et de facto de l’égalité entre les femmes et les hommes est un élément clé dans la prévention de la violence à l’égard des femmes ;

Reconnaissant que la violence à l’égard des femmes est une manifestation des rapports de force historiquement inégaux entre les femmes et les hommes ayant conduit à la domination et à la discrimination des femmes par les hommes, privant ainsi les femmes de leur pleine émancipation ;

Reconnaissant que la nature structurelle de la violence à l’égard des femmes est fondée sur le genre, et que la violence à l’égard des femmes est un des mécanismes sociaux cruciaux par lesquels les femmes sont maintenues dans une position de subordination par rapport aux hommes ;

Reconnaissant avec une profonde préoccupation que les femmes et les filles sont souvent exposées à des formes graves de violence telles que la violence domestique, le harcèlement sexuel, le viol, le mariage forcé, les crimes commis au nom du prétendu « honneur » et les mutilations génitales, lesquelles constituent une violation grave des droits humains des femmes et des filles et un obstacle majeur à la réalisation de l’égalité entre les femmes et les hommes ;

Reconnaissant les violations constantes des droits de l’Homme en situation de conflits armés affectant la population civile, et en particulier les femmes, sous la forme de viols et de violences sexuelles généralisés ou systématiques et la potentialité d’une augmentation de la violence fondée sur le genre aussi bien pendant qu’après les conflits ;

Reconnaissant que les femmes et les filles sont exposées à un risque plus élevé de violence fondée sur le genre que ne le sont les hommes ;

Reconnaissant que la violence domestique affecte les femmes de manière disproportionnée et que les hommes peuvent également être victimes de violence domestique ;

Reconnaissant que les enfants sont des victimes de la violence domestique, y compris en tant que témoins de violence au sein de la famille ;

Aspirant à créer une Europe libre de violence à l’égard des femmes et de violence domestique,

Sont convenus de ce qui suit :

Chapitre I – Buts, définitions, égalité et non-discrimination, obligations générales

Article 1 – Buts de la Convention

1. La présente Convention a pour buts :

a. de protéger les femmes contre toutes les formes de violence, et de prévenir, poursuivre et éliminer la violence à l’égard des femmes et la violence domestique ;

b. de contribuer à éliminer toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et de promouvoir l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, y compris par l’autonomisation des femmes ;

c. de concevoir un cadre global, des politiques et des mesures de protection et d’assistance pour toutes les victimes de violence à l’égard des femmes et de violence domestique ;

d. de promouvoir la coopération internationale en vue d’éliminer la violence à l’égard des femmes et la violence domestique ;

e. de soutenir et d'assister les organisations et services répressifs pour coopérer de manière effective afin d’adopter une approche intégrée visant à éliminer la violence à l’égard des femmes et la violence domestique.

2. Afin d’assurer une mise en œuvre effective de ses dispositions par les Parties, la présente Convention établit un mécanisme de suivi spécifique.

Article 2 – Champ d’application de la Convention

1. La présente Convention s’applique à toutes les formes de violence à l’égard des femmes, y compris la violence domestique, qui affecte les femmes de manière disproportionnée.

2. Les Parties sont encouragées à appliquer la présente Convention à toutes les victimes de violence domestique. Les Parties portent une attention particulière aux femmes victimes de violence fondée sur le genre dans la mise en œuvre des dispositions de la présente Convention.

3. La présente Convention s’applique en temps de paix et en situation de conflit armé.

Article 3 – Définitions

Aux fins de la présente Convention :

a. le terme « violence à l’égard des femmes » doit être compris comme une violation des droits de l’Homme et une forme de discrimination à l’égard des femmes, et désigne tous les actes de violence fondés sur le genre qui entraînent, ou sont susceptibles d’entraîner pour les femmes, des dommages ou souffrances de nature physique, sexuelle, psychologique ou économique, y compris la menace de se livrer à de tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique ou privée ;

b. le terme « violence domestique » désigne tous les actes de violence physique, sexuelle, psychologique ou économique qui surviennent au sein de la famille ou du foyer ou entre des anciens ou actuels conjoints ou partenaires, indépendamment du fait que l’auteur de l’infraction partage ou a partagé le même domicile que la victime ;

c. le terme « genre » désigne les rôles, les comportements, les activités et les attributions socialement construits, qu’une société donnée considère comme appropriés pour les femmes et les hommes ;

d. le terme « violence à l’égard des femmes fondée sur le genre » désigne toute violence faite à l’égard d’une femme parce qu’elle est une femme ou affectant les femmes de manière disproportionnée ;

e. le terme « victime » désigne toute personne physique qui est soumise aux comportements spécifiés aux points a et b ;

f. le terme « femme » inclut les filles de moins de 18 ans.

Article 4 – Droits fondamentaux, égalité et non-discrimination

1. Les Parties prennent les mesures législatives et autres nécessaires pour promouvoir et protéger le droit de chacun, en particulier des femmes, de vivre à l’abri de la violence aussi bien dans la sphère publique que dans la sphère privée.

2. Les Parties condamnent toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et prennent, sans retard, les mesures législatives et autres nécessaires pour la prévenir, en particulier :

– en inscrivant dans leurs constitutions nationales ou toute autre disposition législative appropriée, le principe de l’égalité entre les femmes et les hommes, et en assurant l’application effective dudit principe ;

– en interdisant la discrimination à l’égard des femmes, y compris le cas échéant par le recours à des sanctions ;

– en abrogeant toutes les lois et pratiques qui discriminent les femmes.

3. La mise en œuvre des dispositions de la présente Convention par les Parties, en particulier les mesures visant à protéger les droits des victimes, doit être assurée sans discrimination aucune, fondée notamment sur le sexe, le genre, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toute autre opinion, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance, l’orientation sexuelle, l’identité de genre, l’âge, l’état de santé, le handicap, le statut marital, le statut de migrant ou de réfugié, ou toute autre situation.

4. Les mesures spécifiques qui sont nécessaires pour prévenir et protéger les femmes contre la violence fondée sur le genre ne sont pas considérées comme discriminatoires en vertu de la présente Convention.

Article 5 – Obligations de l’État et diligence voulue

1. Les Parties s’abstiennent de commettre tout acte de violence à l’égard des femmes et s’assurent que les autorités, les fonctionnaires, les agents et les institutions étatiques, ainsi que les autres acteurs qui agissent au nom de l’État se comportent conformément à cette obligation

2. Les Parties prennent les mesures législatives et autres nécessaires pour agir avec la diligence voulue afin de prévenir, enquêter sur, punir, et accorder une réparation pour les actes de violence couverts par le champ d’application de la présente Convention commis par des acteurs non étatiques.

Article 6 – Politiques sensibles au genre

Les Parties s’engagent à inclure une perspective de genre dans la mise en œuvre et l’évaluation de l’impact des dispositions de la présente Convention et à promouvoir et mettre en œuvre de manière effective des politiques d’égalité entre les femmes et les hommes, et d’autonomisation des femmes.

Chapitre II – Politiques intégrées et collecte des données

Article 7 – Politiques globales et coordonnées

1. Les Parties prennent les mesures législatives et autres nécessaires pour adopter et mettre en œuvre des politiques nationales effectives, globales et coordonnées, incluant toutes les mesures pertinentes pour prévenir et combattre toutes les formes de violence couvertes par le champ d’application de la présente Convention, et offrir une réponse globale à la violence à l’égard des femmes.

2. Les Parties veillent à ce que les politiques mentionnées au paragraphe 1 placent les droits de la victime au centre de toutes les mesures et soient mises en œuvre par le biais d’une coopération effective entre toutes les agences, institutions et organisations pertinentes.

3. Les mesures prises conformément au présent article doivent impliquer, le cas échéant, tous les acteurs pertinents tels que les agences gouvernementales, les parlements et les autorités nationales, régionales et locales, les institutions nationales des droits de l’Homme et les organisations de la société civile.

Article 8 – Ressources financières

Les Parties allouent des ressources financières et humaines appropriées pour la mise en œuvre adéquate des politiques intégrées, mesures et programmes visant à prévenir et combattre toutes les formes de violence couvertes par le champ d’application de la présente Convention, y compris ceux réalisés par les organisations non gouvernementales et la société civile.

Article 9 – Organisations non gouvernementales et société civile

Les Parties reconnaissent, encouragent et soutiennent, à tous les niveaux, le travail des organisations non gouvernementales pertinentes et de la société civile qui sont actives dans la lutte contre la violence à l’égard des femmes et établissent une coopération effective avec ces organisations.

Article 10 – Organe de coordination

1. Les Parties désignent ou établissent un ou plusieurs organes officiels responsables pour la coordination, la mise en œuvre, le suivi et l’évaluation des politiques et des mesures prises afin de prévenir et combattre toutes les formes de violence couvertes par la présente Convention. Ces organes coordonnent la collecte des données mentionnées à l’article 11, analysent et en diffusent les résultats.

2. Les Parties veillent à ce que les organes désignés ou établis conformément au présent article reçoivent des informations de nature générale portant sur les mesures prises conformément au chapitre VIII.

3. Les Parties veillent à ce que les organes désignés ou établis conformément au présent article aient la capacité de communiquer directement et d’encourager des relations avec leurs homologues dans les autres Parties.

Article 11 – Collecte des données et recherche

1. Aux fins de la mise en œuvre de la présente Convention, les Parties s’engagent :

a. à collecter les données statistiques désagrégées pertinentes, à intervalle régulier, sur les affaires relatives à toutes les formes de violence couvertes par le champ d’application de la présente Convention ;

b. à soutenir la recherche dans les domaines relatifs à toutes les formes de violence couvertes par le champ d’application de la présente Convention, afin d’étudier leurs causes profondes et leurs effets, leur fréquence et les taux de condamnation, ainsi que l’efficacité des mesures prises pour mettre en œuvre la présente Convention.

2. Les Parties s’efforcent d’effectuer des enquêtes basées sur la population, à intervalle régulier, afin d’évaluer l’étendue et les tendances de toutes les formes de violence couvertes par le champ d’application de la présente Convention.

3. Les Parties fournissent les informations collectées conformément au présent article au groupe d’experts, mentionné à l’article 66 de la présente Convention, afin de stimuler la coopération internationale et de permettre une comparaison internationale.

4. Les Parties veillent à ce que les informations collectées conformément au présent article soient mises à la disposition du public.

Chapitre III – Prévention

Article 12 – Obligations générales

1. Les Parties prennent les mesures nécessaires pour promouvoir les changements dans les modes de comportement socioculturels des femmes et des hommes en vue d’éradiquer les préjugés, les coutumes, les traditions et toute autre pratique fondés sur l’idée de l’infériorité des femmes ou sur un rôle stéréotypé des femmes et des hommes.

2. Les Parties prennent les mesures législatives et autres nécessaires afin de prévenir toutes les formes de violence couvertes par le champ d’application de la présente Convention par toute personne physique ou morale.

3. Toutes les mesures prises conformément au présent chapitre tiennent compte et traitent des besoins spécifiques des personnes rendues vulnérables du fait de circonstances particulières, et placent les droits de l’Homme de toutes les victimes en leur centre.

4. Les Parties prennent les mesures nécessaires afin d’encourager tous les membres de la société, en particulier les hommes et les garçons, à contribuer activement à la prévention de toutes les formes de violence couvertes par le champ d’application de la présente Convention.

5. Les Parties veillent à ce que la culture, la coutume, la religion, la tradition ou le prétendu « honneur » ne soient pas considérés comme justifiant des actes de violence couverts par le champ d’application de la présente Convention.

6. Les Parties prennent les mesures nécessaires pour promouvoir des programmes et des activités visant l’autonomisation des femmes.

Article 13 – Sensibilisation

1. Les Parties promeuvent ou conduisent, régulièrement et à tous les niveaux, des campagnes ou des programmes de sensibilisation y compris en coopération avec les institutions nationales des droits de l’Homme et les organes compétents en matière d’égalité, la société civile et les organisations non gouvernementales, notamment les organisations de femmes, le cas échéant, pour accroître la prise de conscience et la compréhension par le grand public des différentes manifestations de toutes les formes de violence couvertes par le champ d’application de la présente Convention et leurs conséquences sur les enfants, et de la nécessité de les prévenir.

2. Les Parties assurent une large diffusion parmi le grand public d’informations sur les mesures disponibles pour prévenir les actes de violence couverts par le champ d’application de la présente Convention.

Article 14 – Éducation

1. Les Parties entreprennent, le cas échéant, les actions nécessaires pour inclure dans les programmes d’étude officiels et à tous les niveaux d’enseignement du matériel d’enseignement sur des sujets tels que l’égalité entre les femmes et les hommes, les rôles non stéréotypés des genres, le respect mutuel, la résolution non violente des conflits dans les relations interpersonnelles, la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre, et le droit à l’intégrité personnelle, adapté au stade de développement des apprenants.

2. Les Parties entreprennent les actions nécessaires pour promouvoir les principes mentionnés au paragraphe 1 dans les structures éducatives informelles ainsi que dans les structures sportives, culturelles et de loisirs, et les médias.

Article 15 – Formation des professionnels

1. Les Parties dispensent ou renforcent la formation adéquate des professionnels pertinents ayant affaire aux victimes ou aux auteurs de tous les actes de violence couverts par le champ d’application de la présente Convention, sur la prévention et la détection de cette violence, l’égalité entre les femmes et les hommes, les besoins et les droits des victimes, ainsi que sur la manière de prévenir la victimisation secondaire.

2. Les Parties encouragent l’inclusion dans la formation mentionnée au paragraphe 1, d’une formation sur la coopération coordonnée interinstitutionnelle afin de permettre une gestion globale et adéquate des orientations dans les affaires de violence couverte par le champ d’application de la présente Convention.

Article 16 – Programmes préventifs d’intervention et de traitement

1. Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour établir ou soutenir des programmes visant à apprendre aux auteurs de violence domestique à adopter un comportement non violent dans les relations interpersonnelles en vue de prévenir de nouvelles violences et de changer les schémas comportementaux violents.

2. Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour établir ou soutenir des programmes de traitement destinés à prévenir la récidive des auteurs d’infractions, en particulier des auteurs d’infractions à caractère sexuel.

3. En prenant les mesures mentionnées aux paragraphes 1 et 2, les Parties veillent à ce que la sécurité, le soutien et les droits de l’Homme des victimes soient une priorité et que, le cas échéant, ces programmes soient établis et mis en œuvre en étroite coordination avec les services spécialisés dans le soutien aux victimes.

Article 17 – Participation du secteur privé et des médias

1. Les Parties encouragent le secteur privé, le secteur des technologies de l’information et de la communication et les médias, dans le respect de la liberté d’expression et de leur indépendance, à participer à l’élaboration et à la mise en œuvre des politiques, ainsi qu’à mettre en place des lignes directrices et des normes d’autorégulation pour prévenir la violence à l’égard des femmes et renforcer le respect de leur dignité.

2. Les Parties développent et promeuvent, en coopération avec les acteurs du secteur privé, les capacités des enfants, parents et éducateurs à faire face à un environnement des technologies de l’information et de la communication qui donne accès à des contenus dégradants à caractère sexuel ou violent qui peuvent être nuisibles.

Chapitre IV – Protection et soutien

Article 18 – Obligations générales

1. Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour protéger toutes les victimes contre tout nouvel acte de violence.

2. Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires, conformément à leur droit interne, pour veiller à ce qu’il existe des mécanismes adéquats pour mettre en œuvre une coopération effective entre toutes les agences étatiques pertinentes, y compris les autorités judiciaires, les procureurs, les services répressifs, les autorités locales et régionales, ainsi que les organisations non gouvernementales et les autres organisations ou entités pertinentes pour la protection et le soutien des victimes et des témoins de toutes les formes de violence couvertes par le champ d’application de la présente Convention, y compris en se référant aux services de soutien généraux et spécialisés visés aux articles 20 et 22 de la présente Convention.

3. Les Parties veillent à ce que les mesures prises conformément à ce chapitre:

– soient fondées sur une compréhension fondée sur le genre de la violence à l’égard des femmes et de la violence domestique, et se concentrent sur les droits de l’Homme et la sécurité de la victime ;

– soient fondées sur une approche intégrée qui prenne en considération la relation entre les victimes, les auteurs des infractions, les enfants et leur environnement social plus large ;

– visent à éviter la victimisation secondaire ;

– visent l’autonomisation et l’indépendance économique des femmes victimes de violence ;

– permettent, le cas échéant, la mise en place d’un ensemble de services de protection et de soutien dans les mêmes locaux ;

– répondent aux besoins spécifiques des personnes vulnérables, y compris les enfants victimes, et leur soient accessibles.

4. La fourniture de services ne doit pas dépendre de la volonté des victimes d’engager des poursuites ou de témoigner contre tout auteur d’infraction.

5. Les Parties prennent les mesures adéquates pour garantir une protection consulaire ou autre, et un soutien à leurs ressortissants et aux autres victimes ayant droit à cette protection conformément à leurs obligations découlant du droit international.

Article 19 – Information

Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour que les victimes reçoivent une information adéquate et en temps opportun sur les services de soutien et les mesures légales disponibles, dans une langue qu’elles comprennent.

Article 20 – Services de soutien généraux

1. Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour que les victimes aient accès à des services facilitant leur rétablissement. Ces mesures devraient inclure, si nécessaire, des services tels que le conseil juridique et psychologique, l’assistance financière, les services de logement, l’éducation, la formation et l’assistance en matière de recherche d’emploi.

2. Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour que les victimes aient accès à des services de santé et des services sociaux, que les services disposent des ressources adéquates et que les professionnels soient formés afin de fournir une assistance aux victimes et de les orienter vers les services adéquats.

Article 21 – Soutien en matière de plaintes individuelles/collectives

Les Parties veillent à ce que les victimes bénéficient d’informations sur les mécanismes régionaux et internationaux de plaintes individuelles/collectives applicables et de l’accès à ces mécanismes. Les Parties promeuvent la mise à disposition d’un soutien sensible et avisé aux victimes dans la présentation de leurs plaintes.

Article 22 – Services de soutien spécialisés

1. Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour fournir ou aménager, selon une répartition géographique adéquate, des services de soutien spécialisés immédiats, à court et à long terme, à toute victime ayant fait l’objet de tout acte de violence couvert par le champ d’application de la présente Convention.

2. Les Parties fournissent ou aménagent des services de soutien spécialisés pour toutes les femmes victimes de violence et leurs enfants.

Article 23 – Refuges

Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour permettre la mise en place de refuges appropriés, facilement accessibles et en nombre suffisant, afin d’offrir des logements sûrs pour les victimes, en particulier les femmes et leurs enfants, et pour les aider de manière proactive.

Article 24 – Permanences téléphoniques

Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour mettre en place à l’échelle nationale des permanences téléphoniques gratuites, accessibles vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept, pour fournir aux personnes qui appellent, de manière confidentielle ou dans le respect de leur anonymat, des conseils concernant toutes les formes de violence couvertes par le champ d’application de la présente Convention.

Article 25 – Soutien aux victimes de violence sexuelle

Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour permettre la mise en place de centres d’aide d’urgence pour les victimes de viols et de violences sexuelles, appropriés, facilement accessibles et en nombre suffisant, afin de leur dispenser un examen médical et médico-légal, un soutien lié au traumatisme et des conseils.

Article 26 – Protection et soutien des enfants témoins

1. Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour que, dans l’offre des services de protection et de soutien aux victimes, les droits et les besoins des enfants témoins de toutes les formes de violence couvertes par le champ d’application de la présente Convention soient dûment pris en compte.

2. Les mesures prises conformément au présent article incluent les conseils psychosociaux adaptés à l’âge des enfants témoins de toutes les formes de violence couvertes par le champ d’application de la présente Convention et tiennent dûment compte de l’intérêt supérieur de l’enfant.

Article 27 – Signalement

Les Parties prennent les mesures nécessaires pour encourager toute personne témoin de la commission de tout acte de violence couvert par le champ d’application de la présente Convention, ou qui a de sérieuses raisons de croire qu’un tel acte pourrait être commis ou que des nouveaux actes de violence sont à craindre, à les signaler aux organisations ou autorités compétentes.

Article 28 – Signalement par les professionnels

Les Parties prennent les mesures nécessaires pour que les règles de confidentialité imposées par leur droit interne à certains professionnels ne constituent pas un obstacle à la possibilité, dans les conditions appropriées, d’adresser un signalement aux organisations ou autorités compétentes s’ils ont de sérieuses raisons de croire qu’un acte grave de violence couvert par le champ d’application de la présente Convention a été commis et que de nouveaux actes graves de violence sont à craindre.

Chapitre V – Droit matériel

Article 29 – Procès civil et voies de droit

1. Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour fournir aux victimes des recours civils adéquats à l’encontre de l’auteur de l’infraction.

2. Conformément aux principes généraux du droit international, les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour fournir aux victimes des réparations civiles adéquates à l’encontre des autorités étatiques ayant manqué à leur devoir de prendre des mesures de prévention ou de protection nécessaires dans la limite de leurs pouvoirs.

Article 30 – Indemnisation

1. Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour que les victimes aient le droit de demander une indemnisation de la part des auteurs de toute infraction établie conformément à la présente Convention.

2. Une indemnisation adéquate par État devrait être octroyée à ceux qui ont subi des atteintes graves à l’intégrité corporelle ou à la santé, dans la mesure où le préjudice n’est pas couvert par d’autres sources, notamment par l’auteur de l’infraction, par les assurances ou par les services sociaux et médicaux financés par l’État. Cela n’empêche pas les Parties de demander à l’auteur de l’infraction le remboursement de l’indemnisation octroyée, à condition que la sécurité de la victime soit dûment prise en compte.

3. Les mesures prises conformément au paragraphe 2 doivent garantir l’octroi de l’indemnisation dans un délai raisonnable.

Article 31 – Garde, droit de visite et sécurité

1. Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour que, lors de la détermination des droits de garde et de visite concernant les enfants, les incidents de violence couverts par le champ d’application de la présente Convention soient pris en compte.

2 Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour que l’exercice de tout droit de visite ou de garde ne compromette pas les droits et la sécurité de la victime ou des enfants.

Article 32 – Conséquences civiles des mariages forcés

Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour que les mariages contractés en ayant recours à la force puissent être annulables, annulés ou dissous sans faire peser sur la victime une charge financière ou administrative excessive.

Article 33 – Violence psychologique

Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour ériger en infraction pénale le fait, lorsqu’il est commis intentionnellement, de porter gravement atteinte à l’intégrité psychologique d’une personne par la contrainte ou les menaces.

Article 34 – Harcèlement

Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour ériger en infraction pénale le fait, lorsqu’il est commis intentionnellement, d’adopter, à plusieurs reprises, un comportement menaçant dirigé envers une autre personne, conduisant celle-ci à craindre pour sa sécurité.

Article 35 – Violence physique

Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour ériger en infraction pénale le fait, lorsqu’il est commis intentionnellement, de commettre des actes de violence physique à l’égard d’une autre personne.

Article 36 – Violence sexuelle, y compris le viol

1. Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour ériger en infraction pénale, lorsqu’ils sont commis intentionnellement :

a. la pénétration vaginale, anale ou orale non consentie, à caractère sexuel, du corps d’autrui avec toute partie du corps ou avec un objet ;

b. les autres actes à caractère sexuel non consentis sur autrui ;

c. le fait de contraindre autrui à se livrer à des actes à caractère sexuel non consentis avec un tiers.

2. Le consentement doit être donné volontairement comme résultat de la volonté libre de la personne considérée dans le contexte des circonstances environnantes.

3. Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour que les dispositions du paragraphe 1 s’appliquent également à des actes commis contre les anciens ou actuels conjoints ou partenaires, conformément à leur droit interne.

Article 37 – Mariages forcés

1. Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour ériger en infraction pénale le fait, lorsqu’il est commis intentionnellement, de forcer un adulte ou un enfant à contracter un mariage.

2. Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour ériger en infraction pénale le fait, lorsqu’il est commis intentionnellement, de tromper un adulte ou un enfant afin de l’emmener sur le territoire d’une Partie ou d’un État autre que celui où il réside avec l’intention de le forcer à contracter un mariage.

Article 38 – Mutilations génitales féminines

Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour ériger en infractions pénales, lorsqu’ils sont commis intentionnellement :

a. l’excision, l’infibulation ou toute autre mutilation de la totalité ou partie des labia majora, labia minora ou clitoris d’une femme ;

b. le fait de contraindre une femme à subir tout acte énuméré au point a ou de lui fournir les moyens à cette fin ;

c. le fait d’inciter ou de contraindre une fille à subir tout acte énuméré au point a ou de lui fournir les moyens à cette fin.

Article 39 – Avortement et stérilisation forcés

Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour ériger en infractions pénales, lorsqu’ils sont commis intentionnellement :

a. le fait de pratiquer un avortement chez une femme sans son accord préalable et éclairé ;

b. le fait de pratiquer une intervention chirurgicale qui a pour objet ou pour effet de mettre fin à la capacité d’une femme de se reproduire naturellement sans son accord préalable et éclairé ou sans sa compréhension de la procédure.

Article 40 – Harcèlement sexuel

Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour que toute forme de comportement non désiré, verbal, non-verbal ou physique, à caractère sexuel, ayant pour objet ou pour effet de violer la dignité d’une personne, en particulier lorsque ce comportement crée un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant, soit soumise à des sanctions pénales ou autres sanctions légales.

Article 41 – Aide ou complicité et tentative

1. Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour ériger en infractions pénales, lorsqu’elles sont commises intentionnellement, l’aide ou la complicité dans la commission des infractions établies conformément aux articles 33, 34, 35, 36, 37, 38.a et 39 de la présente Convention.

2. Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour ériger en infractions pénales, lorsqu’elles sont commises intentionnellement, les tentatives de commission des infractions établies conformément aux articles 35, 36, 37, 38.a et 39 de la présente Convention.

Article 42 – Justification inacceptable des infractions pénales, y compris les crimes commis au nom du prétendu « honneur »

1. Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour s’assurer que, dans les procédures pénales diligentées à la suite de la commission de l’un des actes de violence couverts par le champ d’application de la présente Convention, la culture, la coutume, la religion, la tradition ou le prétendu « honneur » ne soient pas considérés comme justifiant de tels actes. Cela couvre, en particulier, les allégations selon lesquelles la victime aurait transgressé des normes ou coutumes culturelles, religieuses, sociales ou traditionnelles relatives à un comportement approprié.

2. Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour que l’incitation faite par toute personne à un enfant de commettre tout acte mentionné au paragraphe 1 ne diminue pas la responsabilité pénale de cette personne pour les actes commis.

Article 43 – Application des infractions pénales

Les infractions établies conformément à la présente Convention s’appliquent indépendamment de la nature de la relation entre la victime et l’auteur de l’infraction.

Article 44 – Compétence

1. Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour établir leur compétence à l’égard de toute infraction établie conformément à la présente Convention, lorsque l’infraction est commise :

a. sur leur territoire ; ou

b. à bord d’un navire battant leur pavillon ; ou

c. à bord d’un aéronef immatriculé selon leurs lois internes ; ou

d. par un de leurs ressortissants ; ou

e. par une personne ayant sa résidence habituelle sur leur territoire.

2. Les Parties s’efforcent de prendre les mesures législatives ou autres nécessaires pour établir leur compétence à l’égard de toute infraction établie conformément à la présente Convention, lorsque l’infraction est commise contre l’un de leurs ressortissants ou contre une personne ayant sa résidence habituelle sur leur territoire.

3. Pour la poursuite des infractions établies conformément aux articles 36, 37, 38 et 39 de la présente Convention, les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour que l’établissement de leur compétence ne soit pas subordonné à la condition que les faits soient également incriminés sur le territoire où ils ont été commis.

4. Pour la poursuite des infractions établies conformément aux articles 36, 37, 38 et 39 de la présente Convention, les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour que l’établissement de leur compétence au titre des points d et e du paragraphe 1 ne soit pas subordonné à la condition que la poursuite soit précédée d’une plainte de la victime ou d’une dénonciation de l’État du lieu où l’infraction a été commise.

5. Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour établir leur compétence à l’égard de toute infraction établie conformément à la présente Convention, dans les cas où l’auteur présumé est présent sur leur territoire et ne peut être extradé vers une autre Partie uniquement en raison de sa nationalité.

6. Lorsque plusieurs Parties revendiquent leur compétence à l’égard d’une infraction présumée établie conformément à la présente Convention, les Parties concernées se concertent, le cas échéant, afin de déterminer la mieux à même d’exercer les poursuites.

7. Sans préjudice des règles générales de droit international, la présente Convention n’exclut aucune compétence pénale exercée par une Partie conformément à son droit interne.

Article 45 – Sanctions et mesures

1. Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour que les infractions établies conformément à la présente Convention soient passibles de sanctions effectives, proportionnées et dissuasives, au regard de leur gravité. Celles-ci incluent, le cas échéant, des peines privatives de liberté pouvant donner lieu à l’extradition.

2 Les Parties peuvent adopter d’autres mesures à l’égard des auteurs d’infractions, telles que :

– le suivi ou la surveillance de la personne condamnée ;

– la déchéance des droits parentaux si l’intérêt supérieur de l’enfant, qui peut inclure la sécurité de la victime, ne peut être garantie d’aucune autre façon.

Article 46 – Circonstances aggravantes

Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires afin que les circonstances suivantes, pour autant qu’elles ne relèvent pas déjà des éléments constitutifs de l’infraction, puissent, conformément aux dispositions pertinentes de leur droit interne, être prises en compte en tant que circonstances aggravantes lors de la détermination des peines relatives aux infractions établies conformément à la présente Convention :

a. l’infraction a été commise à l’encontre d’un ancien ou actuel conjoint ou partenaire, conformément au droit interne, par un membre de la famille, une personne cohabitant avec la victime, ou une personne ayant abusé de son autorité ;

b. l’infraction, ou les infractions apparentées, ont été commises de manière répétée ;

c. l’infraction a été commise à l’encontre d’une personne rendue vulnérable du fait de circonstances particulières ;

d. l’infraction a été commise à l’encontre ou en présence d’un enfant ;

e. l’infraction a été commise par deux ou plusieurs personnes agissant ensemble ;

f. l’infraction a été précédée ou accompagnée d’une violence d’une extrême gravité ;

g. l’infraction a été commise avec l’utilisation ou la menace d’une arme ;

h. l’infraction a entraîné de graves dommages physiques ou psychologiques pour la victime ;

i. l’auteur a été condamné antérieurement pour des faits de nature similaire.

Article 47 – Condamnations dans une autre Partie

Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour prévoir la possibilité de prendre en compte, dans le cadre de l’appréciation de la peine, les condamnations définitives prononcées dans une autre Partie pour les infractions établies conformément à la présente Convention.

Article 48 – Interdiction des modes alternatifs de résolution des conflits ou des condamnations obligatoires

1. Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour interdire les modes alternatifs de résolution des conflits obligatoires, y compris la médiation et la conciliation, en ce qui concerne toutes les formes de violence couvertes par le champ d’application de la présente Convention.

2. Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour que, si le paiement d’une amende est ordonné, la capacité de l’auteur de l’infraction à faire face aux obligations financières qu’il a envers la victime soit dûment prise en compte.

Chapitre VI – Enquêtes, poursuites, droit procédural et mesures de protection

Article 49 – Obligations générales

1. Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour que les enquêtes et les procédures judiciaires relatives à toutes les formes de violence couvertes par le champ d’application de la présente Convention soient traitées sans retard injustifié tout en prenant en considération les droits de la victime à toutes les étapes des procédures pénales.

2. Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires, conformément aux principes fondamentaux des droits de l’Homme et en prenant en considération la compréhension de la violence fondée sur le genre, pour garantir une enquête et une poursuite effectives des infractions établies conformément à la présente Convention.

Article 50 – Réponse immédiate, prévention et protection

1 Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour que les services répressifs responsables répondent rapidement et de manière appropriée à toutes les formes de violence couvertes par le champ d’application de la présente Convention en offrant une protection adéquate et immédiate aux victimes.

2. Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour que les services répressifs responsables engagent rapidement et de manière appropriée la prévention et la protection contre toutes les formes de violence couvertes par le champ d’application de la présente Convention, y compris l’emploi de mesures opérationnelles préventives et la collecte des preuves.

Article 51 – Appréciation et gestion des risques

1. Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour qu’une appréciation du risque de létalité, de la gravité de la situation et du risque de réitération de la violence soit faite par toutes les autorités pertinentes afin de gérer le risque et garantir, si nécessaire, une sécurité et un soutien coordonnés

2. Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour que l’appréciation mentionnée au paragraphe 1 prenne dûment en compte, à tous les stades de l’enquête et de l’application des mesures de protection, le fait que l’auteur d’actes de violence couverts par le champ d’application de la présente Convention possède ou ait accès à des armes à feu.

Article 52 – Ordonnances d’urgence d’interdiction

Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour que les autorités compétentes se voient reconnaître le pouvoir d’ordonner, dans des situations de danger immédiat, à l’auteur de violence domestique de quitter la résidence de la victime ou de la personne en danger pour une période de temps suffisante et d’interdire à l’auteur d’entrer dans le domicile de la victime ou de la personne en danger ou de la contacter. Les mesures prises conformément au présent article doivent donner la priorité à la sécurité des victimes ou des personnes en danger.

Article 53 – Ordonnances d’injonction ou de protection

1. Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour que des ordonnances d’injonction ou de protection appropriées soient disponibles pour les victimes de toutes les formes de violence couvertes par le champ d’application de la présente Convention.

2. Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour que les ordonnances d’injonction ou de protection mentionnées au paragraphe 1 soient :

– disponibles pour une protection immédiate et sans charge financière ou administrative excessive pesant sur la victime ;

– émises pour une période spécifiée, ou jusqu’à modification ou révocation ;

– le cas échéant, émises ex parte avec effet immédiat ;

– disponibles indépendamment ou cumulativement à d’autres procédures judiciaires ;

– autorisées à être introduites dans les procédures judiciaires subséquentes.

3. Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour que la violation des ordonnances d’injonction ou de protection émises conformément au paragraphe 1 fasse l’objet de sanctions pénales, ou d’autres sanctions légales, effectives, proportionnées et dissuasives.

Article 54 – Enquêtes et preuves

Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour que, dans toute procédure civile ou pénale, les preuves relatives aux antécédents sexuels et à la conduite de la victime ne soient recevables que lorsque cela est pertinent et nécessaire.

Article 55 – Procédures ex parte et ex officio

1. Les Parties veillent à ce que les enquêtes ou les poursuites d’infractions établies conformément aux articles 35, 36, 37, 38 et 39 de la présente Convention ne dépendent pas entièrement d’une dénonciation ou d’une plainte de la victime lorsque l’infraction a été commise, en partie ou en totalité, sur leur territoire, et à ce que la procédure puisse se poursuivre même si la victime se rétracte ou retire sa plainte.

2. Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour garantir, conformément aux conditions prévues par leur droit interne, la possibilité pour les organisations gouvernementales et non gouvernementales et les conseillers spécialisés dans la violence domestique, d’assister et/ou de soutenir les victimes, sur demande de leur part, au cours des enquêtes et des procédures judiciaires relatives aux infractions établies conformément à la présente Convention.

Article 56 – Mesures de protection

1. Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour protéger les droits et les intérêts des victimes, y compris leurs besoins spécifiques en tant que témoins, à tous les stades des enquêtes et des procédures judiciaires, en particulier :

a. en veillant à ce qu’elles soient, ainsi que leurs familles et les témoins à charge, à l’abri des risques d’intimidation, de représailles et de nouvelle victimisation ;

b. en veillant à ce que les victimes soient informées, au moins dans les cas où les victimes et la famille pourraient être en danger, lorsque l’auteur de l’infraction s’évade ou est libéré temporairement ou définitivement ;

c. en les tenant informées, selon les conditions prévues par leur droit interne, de leurs droits et des services à leur disposition, et des suites données à leur plainte, des chefs d’accusation retenus, du déroulement général de l’enquête ou de la procédure, et de leur rôle au sein de celle-ci ainsi que de la décision rendue ;

d. en donnant aux victimes, conformément aux règles de procédure de leur droit interne, la possibilité d’être entendues, de fournir des éléments de preuve et de présenter leurs vues, besoins et préoccupations, directement ou par le recours à un intermédiaire, et que ceux-ci soient examinés ;

e. en fournissant aux victimes une assistance appropriée pour que leurs droits et intérêts soient dûment présentés et pris en compte ;

f. en veillant à ce que des mesures pour protéger la vie privée et l’image de la victime puissent être prises ;

g. en veillant, lorsque cela est possible, à ce que les contacts entre les victimes et les auteurs d’infractions à l’intérieur des tribunaux et des locaux des services répressifs soient évités ;

h. en fournissant aux victimes des interprètes indépendants et compétents, lorsque les victimes sont parties aux procédures ou lorsqu’elles fournissent des éléments de preuve ;

i. en permettant aux victimes de témoigner en salle d’audience, conformément aux règles prévues par leur droit interne, sans être présentes, ou du moins sans que l’auteur présumé de l’infraction ne soit présent, notamment par le recours aux technologies de communication appropriées, si elles sont disponibles.

2. Un enfant victime et témoin de violence à l’égard des femmes et de violence domestique doit, le cas échéant, se voir accorder des mesures de protection spécifiques prenant en compte l’intérêt supérieur de l’enfant.

Article 57 – Aide juridique

Les Parties veillent à ce que les victimes aient droit à une assistance juridique et à une aide juridique gratuite selon les conditions prévues par leur droit interne.

Article 58 – Prescription

Les Parties prennent les mesures législatives et autres nécessaires pour que le délai de prescription pour engager toute poursuite du chef des infractions établies conformément aux articles 36, 37, 38 et 39 de la présente Convention, continue de courir pour une durée suffisante et proportionnelle à la gravité de l’infraction en question, afin de permettre la mise en œuvre efficace des poursuites, après que la victime a atteint l’âge de la majorité.

Chapitre VII – Migration et asile

Article 59 – Statut de résident

1. Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour garantir que les victimes, dont le statut de résident dépend de celui de leur conjoint ou de leur partenaire, conformément à leur droit interne, se voient accorder, sur demande, dans l’éventualité de la dissolution du mariage ou de la relation, en cas de situations particulièrement difficiles, un permis de résidence autonome, indépendamment de la durée du mariage ou de la relation. Les conditions relatives à l’octroi et à la durée du permis de résidence autonome sont établies conformément au droit interne.

2. Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour que les victimes puissent obtenir la suspension des procédures d’expulsion initiées du fait que leur statut de résident dépend de celui de leur conjoint ou de leur partenaire, conformément à leur droit interne, pour leur permettre de demander un permis de résidence autonome.

3. Les Parties délivrent un permis de résidence renouvelable aux victimes, dans l’une ou les deux situations suivantes :

a. lorsque l’autorité compétente considère que leur séjour est nécessaire au regard de leur situation personnelle ;

b. lorsque l’autorité compétente considère que leur séjour est nécessaire aux fins de leur coopération avec les autorités compétentes dans le cadre d’une enquête ou de procédures pénales.

4. Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour que les victimes de mariages forcés amenées dans un autre pays aux fins de ce mariage, et qui perdent en conséquence leur statut de résident dans le pays où elles résident habituellement, puissent récupérer ce statut.

Article 60 – Demandes d’asile fondées sur le genre

1. Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour que la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre puisse être reconnue comme une forme de persécution au sens de l’article 1, A (2), de la Convention relative au statut des réfugiés de 1951 et comme une forme de préjudice grave donnant lieu à une protection complémentaire/subsidiaire.

2. Les Parties veillent à ce qu’une interprétation sensible au genre soit appliquée à chacun des motifs de la Convention et à ce que les demandeurs d’asile se voient octroyer le statut de réfugié dans les cas où il a été établi que la crainte de persécution est fondée sur l’un ou plusieurs de ces motifs, conformément aux instruments pertinents applicables.

3. Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour développer des procédures d’accueil sensibles au genre et des services de soutien pour les demandeurs d’asile, ainsi que des lignes directrices fondées sur le genre et des procédures d’asile sensibles au genre, y compris pour l’octroi du statut de réfugié et pour la demande de protection internationale.

Article 61 – Non-refoulement

1. Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour respecter le principe de non-refoulement, conformément aux obligations existantes découlant du droit international.

2. Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour que les victimes de violence à l’égard des femmes nécessitant une protection, indépendamment de leur statut ou lieu de résidence, ne puissent en aucune circonstance être refoulées vers un pays où leur vie serait en péril ou dans lequel elles pourraient être victimes de torture ou de peines ou traitements inhumains ou dégradants.

Chapitre VIII – Coopération internationale

Article 62 – Principes généraux

1. Les Parties coopèrent, conformément aux dispositions de la présente Convention, et en application des instruments internationaux et régionaux pertinents, relatifs à la coopération en matière civile et pénale, des arrangements reposant sur des législations uniformes ou réciproques et de leur droit interne, dans la mesure la plus large possible, aux fins :

a. de prévenir, combattre, et poursuivre toutes les formes de violence couvertes par le champ d’application de la présente Convention ;

b. de protéger et assister les victimes ;

c. de mener des enquêtes ou des procédures concernant les infractions établies conformément à la présente Convention ;

d. d’appliquer les jugements civils et pénaux pertinents rendus par les autorités judiciaires des Parties, y compris les ordonnances de protection.

2. Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour que les victimes d’une infraction établie conformément à la présente Convention et commise sur le territoire d’une Partie autre que celui sur lequel elles résident puissent porter plainte auprès des autorités compétentes de leur Etat de résidence.

3. Si une Partie qui subordonne l’entraide judiciaire en matière pénale, l’extradition ou l’exécution de jugements civils ou pénaux prononcés par une autre Partie à la présente Convention à l’existence d’un traité reçoit une demande concernant cette coopération en matière judiciaire d’une Partie avec laquelle elle n’a pas conclu pareil traité, elle peut considérer la présente Convention comme la base légale de l’entraide judiciaire en matière pénale, de l’extradition ou de l’exécution de jugements civils ou pénaux prononcés par une autre Partie à la présente Convention à l’égard des infractions établies conformément à la présente Convention.

4. Les Parties s’efforcent d’intégrer, le cas échéant, la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique dans les programmes d’assistance au développement conduits au profit d’États tiers, y compris la conclusion d’accords bilatéraux et multilatéraux avec des États tiers dans le but de faciliter la protection des victimes, conformément à l’article 18, paragraphe 5.

Article 63 – Mesures relatives aux personnes en danger

Lorsqu’une Partie a, sur la base d’informations à sa disposition, de sérieuses raisons de penser qu’une personne risque d’être soumise de manière immédiate à l’un des actes de violence visés par les articles 36, 37, 38 et 39 de la présente Convention sur le territoire d’une autre Partie, la Partie disposant de l’information est encouragée à la transmettre sans délai à l’autre Partie dans le but d’assurer que les mesures de protection appropriées soient prises. Cette information doit contenir, le cas échéant, des indications sur des dispositions de protection existantes établies au bénéfice de la personne en danger.

Article 64 – Information

1. La Partie requise doit rapidement informer la Partie requérante du résultat final de l’action exercée conformément au présent chapitre. La Partie requise doit également informer rapidement la Partie requérante de toutes les circonstances qui rendent impossible l’exécution de l’action envisagée ou qui sont susceptibles de la retarder de manière significative.

2. Une Partie peut, dans la limite des règles de son droit interne, sans demande préalable, transférer à une autre Partie les informations obtenues dans le cadre de ses propres investigations lorsqu’elle considère que la divulgation de telles informations pourrait aider la Partie qui les reçoit à prévenir les infractions pénales établies conformément à la présente Convention, ou à entamer ou poursuivre les investigations ou les procédures relatives à de telles infractions pénales, ou qu’elle pourrait aboutir à une demande de coopération formulée par cette Partie conformément au présent chapitre.

3. La Partie qui reçoit toute information conformément au paragraphe 2 doit la communiquer à ses autorités compétentes de manière à ce que des procédures puissent être engagées si elles sont considérées comme étant appropriées, ou que cette information puisse être prise en compte dans les procédures civiles et pénales pertinentes.

Article 65 – Protection des données

Les données personnelles sont conservées et utilisées conformément aux obligations contractées par les Parties à la Convention pour la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel (STE n° 108).

Chapitre IX – Mécanisme de suivi

Article 66 – Groupe d’experts sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique

1. Le Groupe d’experts sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (ci-après dénommé « GREVIO ») est chargé de veiller à la mise en œuvre de la présente Convention par les Parties.

2. Le GREVIO est composé de 10 membres au minimum et de 15 membres au maximum, en tenant compte d’une participation équilibrée entre les femmes et les hommes, et d’une participation géographiquement équilibrée, ainsi que d’une expertise multidisciplinaire. Ses membres sont élus par le Comité des Parties parmi des candidats désignés par les Parties, pour un mandat de quatre ans, renouvelable une fois, et choisis parmi des ressortissants des Parties.

3. L’élection initiale de 10 membres est organisée dans un délai d’un an suivant la date d’entrée en vigueur de la présente Convention. L’élection de cinq membres additionnels est organisée après la vingt-cinquième ratification ou adhésion.

4. L’élection des membres du GREVIO se fonde sur les principes suivants :

a. ils sont choisis selon une procédure transparente parmi des personnalités de haute moralité connues pour leur compétence en matière de droits de l’Homme, d’égalité entre les femmes et les hommes, de violence à l’égard des femmes et de violence domestique ou d’assistance et protection des victimes, ou ayant une expérience professionnelle reconnue dans les domaines couverts par la présente Convention ;

b. le GREVIO ne peut comprendre plus d’un ressortissant du même État ;

c. ils devraient représenter les principaux systèmes juridiques ;

d. ils devraient représenter les acteurs et instances pertinents dans le domaine de la violence à l’égard des femmes et la violence domestique ;

e. ils siègent à titre individuel, sont indépendants et impartiaux dans l’exercice de leurs mandats et se rendent disponibles pour remplir leurs fonctions de manière effective.

5. La procédure d’élection des membres du GREVIO est fixée par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, après consultation et assentiment unanime des Parties, dans un délai de six mois à compter de l’entrée en vigueur de la présente Convention.

6. Le GREVIO adopte son propre règlement intérieur.

7. Les membres du GREVIO et les autres membres des délégations chargées d’effectuer les visites dans les pays, tel qu’établi dans l’article 68, paragraphes 9 et 14, bénéficient des privilèges et immunités prévus par l’annexe à la présente Convention.

Article 67 – Comité des Parties

1. Le Comité des Parties est composé des représentants des Parties à la Convention.

2. Le Comité des Parties est convoqué par le Secrétaire général du Conseil de l’Europe. Sa première réunion doit se tenir dans un délai d’un an suivant l’entrée en vigueur de la présente Convention afin d’élire les membres du GREVIO. Il se réunira par la suite à la demande d’un tiers des Parties, du Président du Comité des Parties ou du Secrétaire général.

3. Le Comité des Parties adopte son propre règlement intérieur.

Article 68 – Procédure

1. Les Parties présentent au Secrétaire général du Conseil de l’Europe, sur la base d’un questionnaire préparé par le GREVIO, un rapport sur les mesures d’ordre législatif et autres donnant effet aux dispositions de la présente Convention, pour examen par le GREVIO.

2. Le GREVIO examine le rapport soumis conformément au paragraphe 1 avec les représentants de la Partie concernée.

3. La procédure d’évaluation ultérieure est divisée en cycles dont la durée est déterminée par le GREVIO. Au début de chaque cycle, le GREVIO sélectionne les dispositions particulières sur lesquelles va porter la procédure d’évaluation et envoie un questionnaire.

4. Le GREVIO détermine les moyens appropriés pour procéder à cette évaluation. Il peut, en particulier, adopter un questionnaire pour chacun des cycles qui sert de base à l’évaluation de la mise en œuvre par les Parties. Ce questionnaire est adressé à toutes les Parties. Les Parties répondent à ce questionnaire ainsi qu’à toute autre demande d’information du GREVIO.

5. Le GREVIO peut recevoir des informations concernant la mise en œuvre de la Convention des organisations non gouvernementales et de la société civile, ainsi que des institutions nationales de protection des droits de l’Homme.

6. Le GREVIO prend dûment en considération les informations existantes disponibles dans d’autres instruments et organisations régionaux et internationaux dans les domaines entrant dans le champ d’application de la présente Convention.

7. Lorsqu’il adopte le questionnaire pour chaque cycle d’évaluation, le GREVIO prend dûment en considération la collecte des données et les recherches existantes dans les Parties, telles que mentionnées à l’article 11 de la présente Convention.

8. Le GREVIO peut recevoir des informations relatives à la mise en œuvre de la Convention de la part du Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, de l’Assemblée parlementaire et d’autres organes spécialisés pertinents du Conseil de l’Europe ainsi que ceux établis par d’autres instruments internationaux. Les plaintes présentées devant ces organes et les suites qui leur sont données seront mises à la disposition du GREVIO.

9. Le GREVIO peut organiser, de manière subsidiaire, en coopération avec les autorités nationales et avec l’assistance d’experts nationaux indépendants, des visites dans les pays concernés, si les informations reçues sont insuffisantes ou dans les cas prévus au paragraphe 14. Lors de ces visites, le GREVIO peut se faire assister par des spécialistes dans des domaines spécifiques.

10. Le GREVIO établit un projet de rapport contenant ses analyses concernant la mise en œuvre des dispositions sur lesquelles porte la procédure d’évaluation, ainsi que ses suggestions et propositions relatives à la manière dont la Partie concernée peut traiter les problèmes identifiés. Le projet de rapport est transmis pour commentaire à la Partie faisant l’objet de l’évaluation. Ses commentaires sont pris en compte par le GREVIO lorsqu’il adopte son rapport.

11. Sur la base de toutes les informations reçues et des commentaires des Parties, le GREVIO adopte son rapport et ses conclusions concernant les mesures prises par la Partie concernée pour mettre en œuvre les dispositions de la présente Convention. Ce rapport et les conclusions sont envoyés à la Partie concernée et au Comité des Parties. Le rapport et les conclusions du GREVIO sont rendus publics dès leur adoption, avec les commentaires éventuels de la Partie concernée.

12. Sans préjudice de la procédure prévue aux paragraphes 1 à 8, le Comité des Parties peut adopter, sur la base du rapport et des conclusions du GREVIO, des recommandations adressées à cette Partie (a) concernant les mesures à prendre pour mettre en œuvre les conclusions du GREVIO, si nécessaire en fixant une date pour la soumission d’informations sur leur mise en œuvre, et (b) ayant pour objectif de promouvoir la coopération avec cette Partie afin de mettre en œuvre la présente Convention de manière satisfaisante.

13. Si le GREVIO reçoit des informations fiables indiquant une situation dans laquelle des problèmes nécessitent une attention immédiate afin de prévenir ou de limiter l’ampleur ou le nombre de violations graves de la Convention, il peut demander la soumission urgente d’un rapport spécial relatif aux mesures prises pour prévenir un type de violence grave, répandu ou récurrent à l’égard des femmes.

14 Le GREVIO peut, en tenant compte des informations soumises par la Partie concernée ainsi que de toute autre information fiable disponible, désigner un ou plusieurs de ses membres pour conduire une enquête et présenter de manière urgente un rapport au GREVIO. Lorsque cela est nécessaire et avec l’accord de la Partie, l’enquête peut comprendre une visite sur son territoire.

15. Après avoir examiné les conclusions relatives à l’enquête mentionnée au paragraphe 14, le GREVIO transmet ces conclusions à la Partie concernée et, le cas échéant, au Comité des Parties et au Comité des Ministres du Conseil de l’Europe avec tout autre commentaire et recommandation.

Article 69 – Recommandations générales

Le GREVIO peut adopter, le cas échéant, des recommandations générales sur la mise en œuvre de la présente Convention.

Article 70 – Participation des parlements au suivi

1. Les parlements nationaux sont invités à participer au suivi des mesures prises pour la mise en œuvre de la présente Convention.

2. Les Parties soumettent les rapports du GREVIO à leurs parlements nationaux.

3. L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe est invitée à faire le bilan, de manière régulière, de la mise en œuvre de la présente Convention.

Chapitre X – Relations avec d’autres instruments internationaux

Article 71 – Relations avec d’autres instruments internationaux

1. La présente Convention ne porte pas atteinte aux obligations découlant d’autres instruments internationaux auxquels les Parties à la présente Convention sont Parties ou le deviendront, et qui contiennent des dispositions relatives aux matières régies par la présente Convention.

2. Les Parties à la présente Convention peuvent conclure entre elles des accords bilatéraux ou multilatéraux relatifs aux questions réglées par la présente Convention, aux fins de compléter ou de renforcer les dispositions de celle-ci ou pour faciliter l’application des principes qu’elle consacre.

Chapitre XI – Amendements à la Convention

Article 72 – Amendements

1. Tout amendement à la présente Convention proposé par une Partie devra être communiqué au Secrétaire général du Conseil de l’Europe et être transmis par ce dernier aux États membres du Conseil de l’Europe, à tout signataire, à toute Partie, à l’Union européenne, à tout État ayant été invité à signer la présente Convention conformément aux dispositions de l’article 75 et à tout État invité à adhérer à la présente Convention conformément aux dispositions de l’article 76.

2. Le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe examine l’amendement proposé et, après consultation des Parties à la Convention qui ne sont pas membres du Conseil de l’Europe, peut adopter l’amendement à la majorité prévue à l’article 20.d du Statut du Conseil de l’Europe.

3. Le texte de tout amendement adopté par le Comité des Ministres conformément au paragraphe 2 sera communiqué aux Parties, en vue de son acceptation.

4. Tout amendement adopté conformément au paragraphe 2 entrera en vigueur le premier jour du mois suivant l’expiration d’une période d’un mois après la date à laquelle toutes les Parties auront informé le Secrétaire général de leur acceptation.

Chapitre XII – Clauses finales

Article 73 – Effets de la Convention

Les dispositions de la présente Convention ne portent pas atteinte aux dispositions du droit interne et d’autres instruments internationaux contraignants déjà en vigueur ou pouvant entrer en vigueur, et en application desquels des droits plus favorables sont ou seraient reconnus aux personnes en matière de prévention et de lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique.

Article 74 – Règlement de différends

1. Les Parties à tout litige qui surgit au sujet de l’application ou de l’interprétation des dispositions de la présente Convention devront en rechercher la solution, avant tout par voie de négociation, de conciliation, d’arbitrage, ou par tout autre mode de règlement pacifique accepté d’un commun accord par elles.

2. Le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe pourra établir des procédures de règlement qui pourraient être utilisées par les Parties à un litige, si elles y consentent.

Article 75 – Signature et entrée en vigueur

1. La présente Convention est ouverte à la signature des États membres du Conseil de l’Europe, des États non membres ayant participé à son élaboration ainsi que de l’Union européenne.

2. La présente Convention est soumise à ratification, acceptation ou approbation. Les instruments de ratification, d’acceptation ou d’approbation sont déposés près le Secrétaire général du Conseil de l’Europe.

3. La présente Convention entrera en vigueur le premier jour du mois suivant l’expiration d’une période de trois mois après la date à laquelle 10 signataires, dont au moins huit États membres du Conseil de l’Europe, auront exprimé leur consentement à être liés par la Convention, conformément aux dispositions du paragraphe 2.

4. Si un État visé au paragraphe 1 ou l’Union européenne exprime ultérieurement son consentement à être lié par la Convention, cette dernière entrera en vigueur, à son égard, le premier jour du mois suivant l’expiration d’une période de trois mois après la date du dépôt de l’instrument de ratification, d’acceptation ou d’approbation.

Article 76 – Adhésion à la Convention

1. Après l’entrée en vigueur de la présente Convention, le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe pourra, après consultation des Parties à la présente Convention et en avoir obtenu l’assentiment unanime, inviter tout Etat non membre du Conseil de l’Europe n’ayant pas participé à l’élaboration de la Convention à adhérer à la présente Convention par une décision prise à la majorité prévue à l’article 20.d du Statut du Conseil de l’Europe, et à l’unanimité des voix des représentants des États contractants ayant le droit de siéger au Comité des Ministres.

2. Pour tout État adhérent, la Convention entrera en vigueur le premier jour du mois suivant l’expiration d’une période de trois mois après la date du dépôt de l’instrument d’adhésion près le Secrétaire général du Conseil de l’Europe.

Article 77 – Application territoriale

1. Tout État ou l’Union européenne peut, au moment de la signature ou au moment du dépôt de son instrument de ratification, d’acceptation, d’approbation ou d’adhésion, désigner le ou les territoires auxquels s’appliquera la présente Convention.

2. Toute Partie peut, à tout autre moment par la suite, par une déclaration adressée au Secrétaire général du Conseil de l’Europe, étendre l’application de la présente Convention à tout autre territoire désigné dans cette déclaration dont elle assure les relations internationales ou au nom duquel elle est autorisée à prendre des engagements. La Convention entrera en vigueur à l’égard de ce territoire le premier jour du mois suivant l’expiration d’une période de trois mois après la date de réception de la déclaration par le Secrétaire général.

3. Toute déclaration faite en vertu des deux paragraphes précédents pourra, à l’égard de tout territoire désigné dans cette déclaration, être retirée par notification adressée au Secrétaire général du Conseil de l’Europe. Ce retrait prendra effet le premier jour du mois suivant l’expiration d’une période de trois mois après la date de réception de la notification par le Secrétaire général.

Article 78 – Réserves

1. Aucune réserve n’est admise à l’égard des dispositions de la présente Convention, à l’exception de celles prévues aux paragraphes 2 et 3.

2. Tout État ou l’Union européenne peut, au moment de la signature ou au moment du dépôt de son instrument de ratification, d’acceptation, d’approbation ou d’adhésion, dans une déclaration adressée au Secrétaire général du Conseil de l’Europe, préciser qu’il se réserve le droit de ne pas appliquer, ou de n’appliquer que dans des cas ou conditions spécifiques, les dispositions établies à :

– l'article 30, paragraphe 2 ;

– l'article 44, paragraphes 1.e, 3 et 4 ;

– l'article 55, paragraphe 1 en ce qui concerne l’article 35 à l’égard des infractions mineures ;

– l'article 58 en ce qui concerne les articles 37, 38 et 39 ;

– l'article 59.

3. Tout État ou l’Union européenne peut, au moment de la signature ou au moment du dépôt de son instrument de ratification, d’acceptation, d’approbation ou d’adhésion, dans une déclaration adressée au Secrétaire général du Conseil de l’Europe, préciser qu’il se réserve le droit de prévoir des sanctions non pénales, au lieu de sanctions pénales, pour les comportements mentionnés aux articles 33 et 34.

4. Toute Partie peut retirer en tout ou en partie une réserve au moyen d’une déclaration adressée au Secrétaire général du Conseil de l’Europe. Cette déclaration prendra effet à la date de sa réception par le Secrétaire général.

Article 79 – Validité et examen des réserves

Tableau de renouvellement des réserves

1. Les réserves prévues à l’article 78, paragraphes 2 et 3, sont valables cinq ans à compter du premier jour de l’entrée en vigueur de la Convention pour la Partie concernée. Toutefois, ces réserves peuvent être renouvelées pour des périodes de la même durée.

2. Dix-huit mois avant l’expiration de la réserve, le Secrétaire général du Conseil de l’Europe informe la Partie concernée de cette expiration. Trois mois avant la date d’expiration, la Partie notifie au Secrétaire général son intention de maintenir, de modifier ou de retirer la réserve. Dans le cas contraire, le Secrétaire général informe cette Partie que sa réserve est automatiquement prolongée pour une période de six mois. Si la Partie concernée ne notifie pas sa décision de maintenir ou modifier ses réserves avant l’expiration de cette période, la ou les réserves tombent.

3. Lorsqu’une Partie formule une réserve conformément à l’article 78, paragraphes 2 et 3, elle fournit, avant son renouvellement ou sur demande, des explications au GREVIO quant aux motifs justifiant son maintien.

Article 80 – Dénonciation

1. Toute Partie peut, à tout moment, dénoncer la présente Convention en adressant une notification au Secrétaire général du Conseil de l’Europe.

2. Cette dénonciation prendra effet le premier jour du mois suivant l’expiration d’une période de trois mois après la date de réception de la notification par le Secrétaire général.

Article 81 – Notification

Le Secrétaire général du Conseil de l’Europe notifiera aux États membres du Conseil de l’Europe, aux États non membres du Conseil de l’Europe ayant participé à l’élaboration de la présente Convention, à tout signataire, à toute Partie, à l’Union européenne, et à tout État invité à adhérer à la présente Convention:

a. toute signature ;

b. le dépôt de tout instrument de ratification, d’acceptation, d’approbation ou d’adhésion ;

c. toute date d’entrée en vigueur de la présente Convention, conformément aux articles 75 et 76 ;

d. tout amendement adopté conformément à l’article 72, ainsi que la date d’entrée en vigueur dudit amendement ;

e. toute réserve et tout retrait de réserve faits en application de l’article 78 ;

f. toute dénonciation faite en vertu des dispositions de l’article 80 ;

g. tout autre acte, notification ou communication ayant trait à la présente Convention.

En foi de quoi, les soussignés, dûment autorisés à cet effet, ont signé la présente Convention.

Fait à Istanbul, le 11 mai 2011, en français et en anglais, les deux textes faisant également foi, en un seul exemplaire qui sera déposé dans les archives du Conseil de l’Europe. Le Secrétaire général du Conseil de l’Europe en communiquera copie certifiée conforme à chacun des États membres du Conseil de l’Europe, aux États non membres ayant participé à l’élaboration de la présente Convention, à l’Union européenne et à tout État invité à adhérer à la présente Convention.

1  Discussion par l’Assemblée le 24 janvier 2012 (4e séance) (voir Doc. 12811, rapport de la commission des questions juridiques et des droits de l’Homme, rapporteure: Mme Bemelmans-Videc). Texte adopté par l’Assemblée le 24 janvier 2012 (4e séance).

2 Discussion par l’Assemblée le 24 janvier 2012 (4e séance) (voir Doc. 12811, rapport de la commission des questions juridiques et des droits de l’Homme, rapporteure: Mme Bemelmans-Videc). Texte adopté par l’Assemblée le 24 janvier 2012 (4e séance).

3 Discussion par l’Assemblée le 24 janvier 2012 (4e séance) (voir Doc. 12815, rapport de la commission de la culture, de la science, de l'éducation et des médias, rapporteure: Mme Marland-Militello). Texte adopté par l’Assemblée le 24 janvier 2012 (4e séance).


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