N° 83 - Rapport de M. Bernard Carayon sur le projet de loi , adopté par le Sénat, portant création d'une délégation parlementaire au renseignement (n°13)



N° 83

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18 juillet 2007.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE
L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI (N° 13), ADOPTÉ PAR LE SÉNAT,
portant création d’une délégation parlementaire au renseignement,

PAR M. Bernard CARAYON,

Député.

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Voir les numéros :

Sénat : 326 rect. 337, 339 et T.A. 109 (2006-2007).

Assemblée nationale : 79.

INTRODUCTION 5

I. POURQUOI FAUT-IL INSTITUER UN SUIVI PARLEMENTAIRE DES SERVICES DE RENSEIGNEMENT ? 7

A. UN SUIVI NÉCESSAIRE 7

1. Des services indispensables, aux pouvoirs étendus 7

2. L’exigence d’une information démocratique 12

B. LE CARACTÈRE INACHEVÉ DES PROCÉDURES ACTUELLES DE CONTRÔLE 15

1. Les modalités de suivi des services de renseignement sont insuffisantes 15

2. La mise en place d’un suivi parlementaire : une idée ancienne toujours écartée 17

C. UNE ANOMALIE PARMI LES DÉMOCRATIES 18

1. L’exemple difficilement transposable du Congrès américain 18

2. Des contrôles parlementaires spécifiques existent partout en Europe 20

II. COMMENT CONCILIER LE CONTRÔLE PARLEMENTAIRE AVEC LE RESPECT DE LA CONFIDENTIALITÉ ? 22

A. LA DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE : UN OUTIL ADAPTÉ 22

1. L’inadéquation des autres options envisageables 22

2. La pertinence de la formule de la délégation parlementaire 23

B. DES PRÉCAUTIONS NÉCESSAIRES DANS LA MISE EN œUVRE DE LA DÉLÉGATION 25

1. Le respect de la confidentialité 25

2. L’encadrement du champ d’activité 26

DISCUSSION GÉNÉRALE 29

EXAMEN DE L’ARTICLE UNIQUE 31

Article unique (art. 6 nonies [nouveau] de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958) : Création d’une délégation parlementaire au renseignement 31

TABLEAU COMPARATIF 47

ANNEXE AU TABLEAU COMPARATIF 51

AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION 53

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR 55

Mesdames, Messieurs,

L’Assemblée nationale est appelée à se prononcer sur un projet de loi qui — s’il ne comporte qu’un seul article — constitue une innovation démocratique singulière.

La Vème République a donné à la France des institutions stables en conférant au pouvoir exécutif des prérogatives très étendues, notamment dans les domaines des affaires étrangères et de la défense. Ce cadre constitutionnel a renforcé l’emprise naturelle de l’exécutif dans le domaine du renseignement. En effet, par nature, les services de renseignement vivent d’informations et d’actions le plus souvent confidentielles et doivent parfois utiliser des moyens certes légitimes mais illégaux, rendant ainsi très difficile, voire dangereuse pour les intérêts de l’État et la sécurité de nos agents, la transparence de leurs activités. Cela explique pourquoi les rares tentatives de mise en place d’un suivi parlementaire des services de renseignement se sont heurtées à une ferme fin de non-recevoir par les gouvernements successifs, de droite comme de gauche.

En novembre 2005, lors de la discussion à l’Assemblée nationale du projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme, le débat sur cette question a pris une nouvelle dimension. Alors que le Parlement s’apprêtait à donner de nouveaux moyens juridiques aux services de renseignement (consultation de fichiers, accès aux données techniques concernant les communications, observation des déplacements internationaux), la spécificité française prenait de plus en plus la forme d’une anomalie difficilement justifiable. La France est la seule grande démocratie à être dépourvue d’un organe parlementaire chargé de suivre l’action des services de renseignement.

Plusieurs parlementaires ont alors proposé la création, par voie d’amendement, d’une telle structure (1). L’objectif était d’obtenir, pour la première fois, un accord du Gouvernement sur le principe même d’un suivi parlementaire des services de renseignement. Accord donné, avec clarté, par Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’intérieur, qui s’exprimait au nom du Gouvernement.

Le préalable de l’opposition de principe à la mise en place d’un suivi parlementaire étant levé, il devenait possible de réfléchir dans la sérénité aux modalités de celui-ci, afin de mettre en place un suivi efficace, utile et équilibré entre les impératifs de la confidentialité et ceux du contrôle démocratique : droits de l’État contre état de droit. Le suivi parlementaire ne doit en aucune manière entraver l’action des services de renseignement et réduire leur efficacité. Par ailleurs, ce souci est également une marque de pragmatisme : votre rapporteur estime que l’efficacité exige une confiance réciproque.

Ainsi, compte tenu de l’engagement pris par le ministre d’État qu’un projet de loi créant un contrôle parlementaire du renseignement serait rapidement déposé, les différents amendements furent alors retirés par leurs auteurs afin de mettre en place ce contrôle dans les meilleures conditions, c’est-à-dire en prenant en compte les opinions de tous les acteurs concernés et après avoir trouvé des solutions répondant aux différentes incertitudes juridiques qui se posaient.

En effet, votre rapporteur a toujours considéré qu’il ne serait pas raisonnable de souscrire à une approche anglo-saxonne, soumettant les services de renseignement au contrôle permanent et pointilleux du Parlement. Pour autant, dès 2002, votre rapporteur considérait aussi que « si le renseignement est l’affaire de l’exécutif, le Parlement peut néanmoins s’interroger légitimement sur les conditions de fonctionnement des services, les moyens techniques dévolus, l’orientation des missions, les modes de recrutement et le statut des personnels civils et militaires » (2).

Un projet de loi a ainsi été déposé dès le 8 mars 2006 sur le bureau de l’Assemblée nationale, et renvoyé à la commission des Lois qui désigna un rapporteur. Cependant, compte tenu de l’encombrement du calendrier parlementaire, il n’a pu être inscrit à l’ordre du jour avant la fin de la XIIème législature.

Pour autant, le nouveau Gouvernement a exprimé sa détermination de le voir aboutir en redéposant un projet de loi identique, le 5 juin dernier, sur le bureau du Sénat (3) — qui l’a examiné dès le 28 juin — et en inscrivant son examen à l’ordre du jour de la session extraordinaire.

I. POURQUOI FAUT-IL INSTITUER UN SUIVI PARLEMENTAIRE DES SERVICES DE RENSEIGNEMENT ?

Avec la fin de la guerre froide, beaucoup ont pu croire que l’utilité des services de renseignement s’était érodée. Cette idée s’est traduite par une baisse des dotations budgétaires et des effectifs de ces services partout dans le monde, notamment en France. Pourtant, les services de renseignement sont bien souvent la première ligne de défense contre le terrorisme, et plus globalement contre les menaces d’un type nouveau (trafics de drogue et d’armes, prolifération nucléaire…). Ainsi, la préoccupation d’un suivi des services de renseignement ne constitue pas le signe d’une méfiance à leur égard, mais reflète au contraire leur contribution majeure à la sécurité de nos démocraties.

Ce rôle impose donc de leur donner des moyens techniques et juridiques adéquats qui pèsent incontestablement sur le respect des droits et libertés constitutionnellement garantis : un suivi parlementaire de leurs activités ne tend donc pas à entraver leur action mais contribue à la légitimer.

●  Plusieurs services relèvent du ministère de l’intérieur : le renseignement, dans le domaine de la sécurité intérieure, est, depuis l’affaire Dreyfus, une compétence de ce département ministériel.

*  La Direction de la surveillance du territoire est le service de renseignement spécialisé dans le domaine de la sécurité intérieure. Concrètement, les missions de la D.S.T. sont traditionnellement de trois types :

—  le contre-espionnage : il s’agit pour la DST de rechercher, recueillir et d’exploiter les indices d’atteinte à la défense nationale, et de neutraliser les actions déployées par les services de renseignement et de sécurité étrangers sur notre territoire. Elle est le destinataire obligatoire et exclusif de tout renseignement touchant aux domaines de l’espionnage et des ingérences étrangères.

—  le contre-terrorisme : avec la fin de la guerre froide, cette activité s’est considérablement développée, et a évolué car elle a été longtemps liée au contre-espionnage (en raison des liens entre groupes terroristes et États dans les années 1970 et 1980). L’approche de la DST en la matière est anticipatrice et préventive (surveillance des communautés étrangères, infiltration des cellules présentes sur le territoire, collecte de renseignements en dehors du territoire national), mais la « double casquette » de la DST, à la fois service de renseignement et de police judiciaire lui est particulièrement utile dans ce domaine. 

—  la protection du patrimoine économique et scientifique est dédiée à la sécurisation des secteurs clés de l’activité nationale par le suivi des hommes, des établissements et des technologies susceptibles de retenir l’attention de puissances étrangères. Elle a également en charge la prévention, la recherche et la neutralisation des activités liées à la prolifération balistique, nucléaire, biologique et chimique, ainsi qu’aux transferts de technologies considérées comme sensibles par le gouvernement français et au regard des accords internationaux. Cette mission s’inscrit désormais dans le cadre d’une nouvelle politique publique, dite d’« intelligence économique » (4).

Pour mener à bien ces missions, la DST dispose de fonctionnaires de la police nationale répartis entre les cinq sous-directions des services centraux et six directions régionales (Lille, Rennes, Bordeaux, Marseille, Lyon, Metz). La DST dispose aussi d’officiers de liaison à l’étranger, au nombre de six, mais ceux-ci sont chargés d’activer les activités de coopération, et non de collecter du renseignement. Ses effectifs ont connu une certaine baisse après la fin de la guerre froide et atteignaient environ 1 500 personnes en 1999. Cependant, le renseignement ayant été rangé au rang des priorités de la loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure du 29 août 2002, ses effectifs ont été sensiblement augmentés, de l’ordre de 15 %.

*  Les Renseignements généraux (5) constituent le deuxième service de renseignement relevant du ministère de l’intérieur. Ils ne constituent pas stricto sensu un service de renseignement, même si l’évolution de leurs missions et de leurs méthodes le rapproche de ce statut.

Chargé de la recherche et de la centralisation des renseignements destinés à informer le gouvernement, ce service participe à la défense des intérêts fondamentaux de l’État et concourt à la mission de sécurité intérieure. Depuis l’instruction ministérielle du 15 juillet 2004, ses missions ont été précisées et réorientées autour de la lutte contre les terrorismes et les dérives urbaines et de l’adaptation de la mission d’observation générale à l’évolution de la société, pour mieux anticiper les menaces. Parallèlement, une autre tendance conforte cette évolution des RG, celle consistant à abandonner la surveillance de la vie politique : cette évolution, entamée en 1994-1995, a été confortée par la circulaire de 2004. En outre, la mutation des RG s’est accompagnée d’une transformation de leurs méthodes afin d’en faire un véritable service de renseignement (classification des documents, fin de l’utilisation des « notes blanches », sécurisation des locaux, accès à des informations sensibles dans le cadre de la loi du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme…).

Les Renseignements généraux emploient environ 4 100 fonctionnaires, majoritairement affectés sur le « terrain », 2 840 agents relevant des Directions « zonales » (zones de défense), régionales, et surtout départementales (DDRG), et 700 de la Direction des renseignements généraux de la Préfecture de police de Paris. Au niveau central, la DCRG comprend quatre sous-directions et 560 agents : ces services sont chargés de la centralisation et de l’analyse de l’information qui « remonte » des services de terrain.

Le rapprochement des missions et des méthodes des RG et de la DST a conduit à la mise en œuvre de relations plus étroites entre ces deux services relevant de la direction générale de la police nationale. Au-delà des coopérations traditionnelles et des échanges d’informations, assurés par l’UCLAT en matière de lutte contre le terrorisme, une étape supplémentaire a été réalisée avec le déménagement sur un même siège, à Levallois-Perret, des services centraux des deux directions, avec également la sous-direction antiterroriste de la Direction centrale de la police judiciaire. Par ailleurs, la recherche des complémentarités et une coopération renforcée se développent tant au niveau central que zonal, afin d’utiliser au mieux la complémentarité entre les deux services dont la structure, notamment territoriale, est très différente.

La prochaine étape va conduire logiquement à la fusion des deux services afin de bénéficier d’un pilotage unique au sein d’une « direction générale de la sécurité intérieure ». Le conseil des ministres du 20 juin 2007 a inscrit cet objectif parmi les « chantiers » concrets menés dans le cadre de la « Révision générale des politiques publiques », lancée officiellement par le Premier ministre le 10 juillet 2007.

Si votre rapporteur comprend les avantages d’une telle réforme des structures, il souhaite rappeler que ces deux services ont une organisation bien différente.Les succès de la DST dans le domaine de la lutte contre le terrorisme sont largement liés à sa double identité de service de renseignement et de service de police judiciaire : la réorganisation des services de renseignement intérieur ne devra donc pas remettre en cause l’efficacité du dispositif français, notamment dans le domaine de la lutte antiterroriste.

À l’inverse, les Renseignements généraux ont une mission d’information générale, s’appuyant sur des sources ouvertes, destinées notamment à l’autorité préfectorale. Cette activité, pour essentielle qu’elle soit, ne relève pas d’une mission de renseignement et ne devrait donc pas être reprise par la future direction générale : la question se pose donc du rattachement des personnels qui concourent aujourd’hui à cette mission. Suivre de très près la mise en œuvre de la fusion des services de renseignement intérieur constituera d’ailleurs une des premières missions à laquelle devra s’atteler la délégation parlementaire au renseignement.

●  Trois services de renseignement sont placés sous l’autorité du ministre de la défense.

*  La Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) (6) tout d’abord, est le service de renseignement spécialisé dans la collecte et l’exploitation du renseignement intéressant la sécurité de la France à l’extérieur des frontières. À ce titre, si elle relève du ministère de la défense, la DGSE n’est pas un service de renseignement militaire. Elle emploie des militaires, mais elle est majoritairement composée de civils : ces derniers étaient au nombre de 3 203 au 31 décembre 2006 pour un nombre total de 4 541 agents (soit 1 338 militaires).

D’un point de vue budgétaire, l’essentiel des dépenses est pris en charge par le budget du ministère de la défense (inscrits dans l’action « Recherche et exploitation du renseignement intéressant la sécurité de la France » du programme « Environnement et prospective de la politique de la défense ») (7). Ces crédits, qui s’élèvent à 445,4 millions d’euros en 2007, permettent de financer les dépenses de personnel, de fonctionnement et d’investissement. Par ailleurs, la DGSE bénéficie de 36,2 millions d’euros de fonds spéciaux en 2007 qui échappent aux règles traditionnelles de la comptabilité publique : ces fonds permettent de financer certaines opérations confidentielles et de rémunérer les sources.

*  La Direction de la protection et de la sécurité de la défense (DPSD) a succédé, en 1981, à la Sécurité militaire créée en 1872. Ce service est chargé d’assurer la sécurité des personnels, des matériels, des informations et des installations sensibles du ministère de la défense. Ses missions sont donc assez variées : elle effectue par exemple les enquêtes préalables aux habilitations des personnels du ministère de la défense ou des entreprises travaillant en relation avec lui, mais elle participe aussi à la démarche lancée dans le domaine de « l’intelligence économique », compte tenu de son rôle dans la protection des industries de défense ; elle suit aussi les trafics d’armes.

Pour assurer ces missions, la DPSD, qui est directement subordonnée au ministre de la défense, dispose de 1 400 agents, pour les trois quarts de statut militaire. Son budget annuel est de l’ordre de 90 millions d’euros.

*  La Direction du renseignement militaire (DRM) dépend de l’état-major des Armées. Sa mission est en effet directement liée aux activités opérationnelles des différentes armées puisqu’elle est chargée du « renseignement d’intérêt militaire » d’ordre tactique ou stratégique. En effet, la DRM a été créée en 1992, à la suite des carences observées lors de la guerre du Golfe : jusqu’à cette date, chaque armée disposait de son propre bureau de renseignement. Ainsi, c’est la DRM qui est destinataire des images du satellite Hélios d’observation de la terre, et qui en coordonne la délivrance pour les différents « utilisateurs ».

Les effectifs de la DRM sont d’environ 1 800 personnes, dont 1 400 militaires.

●  Enfin, au-delà de ces services de renseignement « classiques », d’autres services de l’État mènent des activités de renseignement, à titre plus ou moins accessoire.

Ainsi, la Direction générale des douanes et droits indirects du ministère de l’économie et des finances est parfois considérée comme faisant partie de la communauté du renseignement. Elle participe d’ailleurs aux travaux du comité interministériel du renseignement (CIR).

En effet, la DGDDI dispose de structures spécifiquement chargées de la collecte du renseignement : la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) compte une direction du renseignement douanier (DRD) chargée d’assurer le pilotage des activités de renseignement de la douane (qui participe à l’élaboration du plan national du renseignement), de procéder à des analyses prospectives des sources d’information mises à sa disposition, de recueillir et de centraliser l’information sur la fraude. 120 douaniers travaillent au sein de cette direction.

Par ailleurs, la cellule de renseignement financier Tracfin a été créée par le décret du 9 mai 1990. Longtemps rattaché à la DGDDI, Tracfin a été érigée en service à compétence nationale par le décret n°2006-1541 du 6 décembre 2006 (8). Ce service est totalement intégré dans la communauté du renseignement dans le domaine de la lutte contre le blanchiment d’argent et contre le financement du terrorisme. Tracfin dispose de 50 agents, effectif qui devrait prochainement
passer à 70.

Ainsi, le ministère de l’économie, des finances et de l’industrie dispose incontestablement de services appartenant à la communauté française du renseignement. D’ailleurs, ses services disposent des outils classiques de la collecte de renseignement (écoutes administratives, rémunération d’indicateurs…). En conséquence, un suivi parlementaire effectif de l’activité de ces services ne peut être confié qu’à une structure spécifique disposant d’outils juridiques adaptés en terme de protection de la confidentialité : c’est pourquoi il semble indispensable de prévoir que ces services relèvent aussi de la délégation parlementaire au renseignement.

L’absence de suivi parlementaire des services de renseignement aurait fragilisé la position de notre pays au regard, selon certains observateurs internationaux, des principes démocratiques. Le contrôle de l’action du Gouvernement et la séparation des pouvoirs sont, il est vrai, au premier rang des critères fondant une démocratie moderne.

Comme l’indique Mme Kestelijn-Sierens dans son rapport présenté en 2002 au nom de l’Assemblée de l’Union de l’Europe occidentale (9), « les services de renseignement, instrument entre les mains des institutions publiques, peuvent être utilisés pour le meilleur comme pour le pire : ils peuvent constituer le moyen de dépistage préventif ou de contrôle des situations dangereuses pour la société, mais ils peuvent aussi être détournés et servir de moyen de chantage secret. Il est donc évident qu’une série de contrepoids doit être mise en place au sein de la société démocratique contemporaine pour garantir le respect des lois qui gouvernent l’existence et l’activité des centres d’investigation et de renseignement : ainsi, tandis que le pouvoir exécutif en supervise la gestion et que le pouvoir judiciaire remédie aux manquements à la loi, le pouvoir législatif est appelé à régler par la loi le cadre d’action et à contrôler le respect de celui-ci ».

En effet, si les services de renseignement disposent de moyens exorbitants du droit commun, c’est qu’ils constituent une pièce maîtresse de la défense des intérêts de l’État et de la Nation. Ainsi, face au terrorisme international qui a su utiliser au mieux les ressources des nouvelles technologies, les États ont dû s’adapter et accroître les moyens juridiques, financiers et humains des services de renseignement. La France l’a fait avec la loi n°2006-64 du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers qui autorise les membres de certains de ces services à accéder aux données de connexion liées à l’utilisation des moyens de communication ou à celles présentes dans différents fichiers, en dehors d’une procédure judiciaire.

Rien ne justifie donc que les services de renseignement échappent à l’adage démocratique selon lequel il n’est pas de pouvoir sans contre-pouvoir. À l’inverse, la société, acceptant de confier à ces services des pouvoirs particulièrement étendus, est fondée à exiger que ceux-ci les utilisent pour le bien commun, et non pour satisfaire des intérêts particuliers. Par ailleurs, dans une société démocratique, c’est aux représentants de la Nation qu’il convient d’apprécier l’équilibre à apporter entre l’exercice des libertés et les restrictions à celles-ci rendues nécessaires pour la sauvegarde de l’ordre public. Pour tout dire, « la Société a droit de demander compte à tout Agent public de son administration (10) ».

Les responsables des services de renseignement rencontrés par votre rapporteur, non seulement souscrivent à cette analyse mais considèrent que leurs services ne profitent en rien de l’absence d’un suivi parlementaire de leurs activités. Le constat, unanime, qui se dégage des auditions menées est triple :

—  les responsables des services considèrent qu’ils peuvent être fiers de l’action de renseignement qu’ils mènent dans un cadre républicain, constitué de nombreux garde-fous. Dans ce contexte, l’absence totale de suivi extérieur est source de fantasmes et de contrevérités qui nuisent à la réputation de ces services.

En effet, votre Rapporteur ne peut que renouveler le constat qu’il faisait en 2004 (11) considérant que « les services de renseignement n’ont ni la place dans l’État ni l’image dans l’opinion publique qu’ils méritent. La culture du renseignement reste étrangère aux mentalités de nos élites : l’État lui-même ne sait pas gérer leur image, entretenir leur attractivité ou nourrir suffisamment de vocations, alors même que ces métiers exigent des connaissances éprouvées, alliées à des valeurs morales singulières » ;

—  compte tenu de l’opacité régnant autour de ces activités, les services se plaignent de ne pas disposer de relais extérieur suffisant pour exprimer leur point de vue et leurs besoins, notamment budgétaires ou juridiques. Les exemples étrangers montrent que les intérêts des services de renseignement sont bien mieux pris en compte quand le pouvoir politique peut réellement évaluer leurs résultats et connaître précisément leurs difficultés. La nature particulière de leurs activités les empêche en effet de mettre sur la place publique les problèmes qu’ils peuvent rencontrer. À l’inverse, il serait possible de faire valoir à des parlementaires peu nombreux, spécialistes de ces questions et astreints au respect du secret défense, d’éventuelles lacunes capacitaires ou des problèmes juridiques en matière d’accès à certains fichiers ;

—  enfin, les responsables des services de renseignement sont conscients que leur action s’inscrit dans une société démocratique parcourue par le dogme de la transparence. Dans ce contexte, ils préfèrent être contrôlés par une délégation parlementaire resserrée avec laquelle ils noueront des liens de confiance — les exemples étrangers sont particulièrement éclairants sur ce point — plutôt que de se trouver contraints de rendre des comptes dans de mauvaises conditions.

Par ailleurs, la communauté française du renseignement souffre de l’absence d’instance chargée de réfléchir sur le fonctionnement des services de renseignement, leur statut, leur place dans l’appareil d’État. Ainsi, elle pourra mener une réflexion indispensable sur ces questions, en préconisant des solutions adaptées aux plus hautes autorités de l’État. Pour prendre un exemple, votre rapporteur a déjà eu l’occasion de regretter (12) le caractère empirique de la coordination des services de renseignement, qui ne peut être l’affaire de la seule structure interministérielle existante, le SGDN, à travers le CIR (conseil interministériel du renseignement), qui ne dispose pas de l’autorité politique nécessaire. La délégation devra donc s’interroger notamment sur la proposition de créer un Conseil national du renseignement présidé par le chef de l’État, chargé de « mutualiser » les moyens, de définir les lieux et les règles de l’échange et de la synthèse, quels que soient les sujets.

De la même façon, votre rapporteur estime que le législateur doit se pencher sur le dispositif juridique de protection du secret de la défense nationale, comme l’a d’ailleurs souhaité également le Conseil d’État, à l’occasion d’un avis du 5 avril 2007. En effet, ce régime juridique n’assure plus dans de bonnes conditions la préservation de la discrétion sans laquelle les activités de renseignement ne sauraient se concevoir. Il apparaît en effet que la définition du champ du secret, tel que défini par l’article 413-9 du code pénal, est purement formelle (elle est liée à l’apposition ou non d’un tampon) alors que certains documents ou informations liés aux missions de renseignement devraient relever du secret de la défense nationale par nature. En outre, une véritable difficulté se pose par la possibilité de contourner par la perquisition le dispositif de filtrage préalable à la déclassification par la Commission consultative du secret de la défense nationale mis en place par la loi du 8 juillet 1998 (13).

Bien évidemment, les responsables des services souhaiteraient que le suivi parlementaire qu’ils appellent de leurs vœux soit entouré de garanties de nature à assurer la protection des données confidentielles, et notamment des sources. Aucun n’a manifesté la crainte d’une multiplication des « fuites » en cas de mise en œuvre d’un contrôle parlementaire. Les exemples étrangers semblent leur donner raison : aux États-Unis, cette question est d’autant plus délicate que les membres des commissions de contrôle du Congrès sont relativement nombreux et ont accès à un très grand nombre d’informations, y compris concernant des activités opérationnelles. Pourtant, si des fuites existent, il semble qu’elles proviennent généralement, à 95 % d’après un ancien inspecteur général de la CIA, d’agents des services eux-mêmes…

Il serait erroné de dire que les services de renseignement français ne font l’objet d’aucun suivi extérieur, et notamment parlementaire. Ces services sont en effet des services de l’État, rattachés à un ministère, et font l’objet, à ce titre d’un contrôle parlementaire, et notamment de la part des commissions permanentes compétentes.

●  En premier lieu, les Assemblées votent les dotations budgétaires allouées à ces services. Le débat budgétaire peut ainsi être l’occasion de réfléchir sur les moyens dont disposent ces services et, plus généralement, sur la politique générale du renseignement en France. En effet, les rapporteurs spéciaux de la commission des finances et les rapporteurs pour avis des autres commissions profitent de la discussion budgétaire pour apporter une vue d’ensemble sur l’activité des administrations qu’ils contrôlent, même quand il s’agit de services de renseignement. C’est ainsi que des informations fort intéressantes peuvent être trouvées dans les différents rapports budgétaires, notamment, en ce qui concerne l’Assemblée nationale :

—  le rapport spécial de la commission des finances sur le programme « environnement et prospective de la politique de défense » de la mission « défense » où sont inscrits les crédits de la DGSE et de la DPSD, ainsi que le rapport pour avis de la commission de la défense sur cette même mission ;

—  le rapport spécial de la commission des finances sur les programmes « préparation et emploi des forces », « soutien de la politique de la défense » et « équipement des forces » et le rapport pour avis de la commission de la défense consacré au programme « préparation et emploi des forces » au sein de laquelle figurent les crédits de la DRM ;

—  le rapport spécial de la commission des finances et le rapport pour avis de la commission des Lois sur la mission « sécurité » qui comprend les dotations destinées à la DST et aux Renseignements généraux.

—  le rapport spécial de la commission des finances sur le programme « coordination du travail gouvernemental » de la mission « direction de l’action du Gouvernement » qui comprend les crédits du SGDN ainsi que les fonds spéciaux.

En second lieu, les commissions permanentes compétentes peuvent décider d’orienter leurs travaux sur la thématique du renseignement, par exemple en décidant de constituer une mission d’information ou en confiant à un parlementaire la rédaction d’un rapport d’information. Par ailleurs, les responsables des services de renseignement peuvent être auditionnés par les commissions, ou par les rapporteurs désignés par elles, au même titre que tout responsable de l’administration française. Ainsi, les commissions permanentes ne se désintéressent pas de l’activité de ces services, comme l’ont montré les initiatives récentes de visites de membres de commissions au siège de certains de ces services : une délégation de la commission de la défense s’est ainsi rendue au siège de la DGSE, et une autre de la commission des Lois dans les locaux de la DST en mai 2005.

Pour autant, cet intérêt pour le renseignement ne permet pas une information précise et efficace des parlementaires sur ce domaine sensible. En effet, les éléments essentiels de l’action et de l’organisation de ces services sont confidentiels, et les informations qui permettraient aux députés et aux sénateurs d’exercer un vrai suivi des services de renseignements ne leur sont pas accessibles. Par exemple, en ce qui concerne les commissions d’enquête, rien n’interdit à une assemblée d’en constituer une concernant l’activité des services de renseignement, mais l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires précise que si les rapporteurs des commissions d’enquête sont habilités à se faire communiquer tout document, c’est « à l’exception de ceux revêtant un caractère secret et concernant la défense nationale, les affaires étrangères, la sécurité intérieure ou extérieure de l’État ». Dans les faits, l’utilité d’un contrôle dans de telles conditions est limitée.

●  En l’absence d’une structure de suivi permanent des activités des services de renseignement, ceux-ci font néanmoins l’objet de contrôles par des commissions ou des autorités administratives indépendantes concernant des aspects bien précis.

La Commission consultative du secret de la défense nationale a été créée par la loi du 8 juillet 1998. Cette autorité administrative indépendante est chargée de donner un avis sur les demandes de déclassification de documents formulées par les juridictions françaises de l’ordre judiciaire ou administratif. Son activité ne se limite donc pas aux services de renseignement, même si ceux-ci sont bien sûr particulièrement concernés par l’existence de cette commission. Celle-ci est composée de trois magistrats et de deux parlementaires, un député et un sénateur.

La Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité est également une autorité administrative indépendante, créée par la loi du 10 juillet 1991. Composé de trois membres - un Président nommé par le président de la République, un député et un sénateur – elle est chargée de donner au premier ministre un avis sur la légalité des interceptions de sécurité, c’est-à-dire les « écoutes administratives ». Dans les faits, son avis est toujours suivi, donnant ainsi une grande influence à cette commission. Son activité a une véritable incidence sur les services demandeurs de ces écoutes administratives préventives qui, n’étant pas effectuées dans le cadre d’une procédure judiciaire, le sont donc dans une optique de renseignement.

Enfin, par l’article 154 de la loi de finances pour 2002, a été instituée une Commission de vérification des fonds, chargée de s’assurer que les fonds spéciaux sont utilisés conformément à la loi. Son activité porte principalement sur la DGSE, principale « utilisatrice » de fonds spéciaux depuis la réforme de 2002 qui a mis fin à l’utilisation de ces crédits pour des finalités ne justifiant pas la nécessité d’une procédure particulière (la rémunération des membres de cabinets ministériels notamment). Ce contrôle est très pointilleux, mais ne concerne aucunement l’opportunité des opérations. Cette commission est composée de six membres : deux députés, dont le président, deux sénateurs et deux magistrats de la Cour des comptes.

À l’occasion de la création d’une délégation parlementaire au renseignement, la question s’est posée de l’opportunité de lui confier les missions aujourd’hui exercées par la commission de vérification des fonds ou, du moins, d’organiser une articulation entre les deux instances. Votre rapporteur considère pourtant que les activités de ces deux organes sont difficilement comparables : en effet, si la commission de vérification des fonds spéciaux est composée de parlementaires, mais aussi de magistrats de la cour des comptes, il s’agit néanmoins, juridiquement, d’une commission administrative dont le rôle est d’effectuer le contrôle comptable des fonds spéciaux (14), s’achevant par un procès-verbal constatant que les dépenses réalisées sont couvertes par des pièces justificatives pour un montant égal. Au contraire, la délégation s’intéressera aux grandes questions relatives au renseignement, à l’exclusion des activités opérationnelles.

Ces différents exemples montrent qu’un contrôle est possible sur l’activité des services de renseignement et qu’il peut d’ailleurs être confié à des parlementaires sans remettre aucunement en cause le respect de la confidentialité. Pour autant, l’activité de ces commissions est trop parcellaire et ne peut constituer un substitut à l’absence d’une structure parlementaire exclusivement chargée de suivre l’activité des services de renseignement.

Face à cette carence du contrôle parlementaire, plusieurs initiatives ont été prises par des parlementaires de diverses tendances. Aucune n’est jamais parvenue jusqu’au stade de l’examen en séance.

Ainsi, plusieurs propositions de lois ont été déposées tendant à la création d’une délégation parlementaire pour le renseignement, sans cependant faire l’objet d’un examen par la commission permanente compétente, telles celles déposées par le sénateur Nicolas About, en 1997 (15), et par son collègue Serge Vinçon, en 1999 (16).

La réflexion menée par la Commission de la défense nationale et des forces armées sous la XI° législature n’avait pas non plus permis d’aboutir, en dépit du caractère pluraliste de cette démarche. En effet, le président de la Commission, Paul Quilès, avait constitué un groupe de travail sur le renseignement, ouvert à tous les groupes, auteur d’une proposition de loi (17). Celle-ci avait même été examinée et adoptée en commission, en novembre 1999, sur le rapport d’un membre de l’opposition de l’époque, notre ancien collègue Arthur Paecht (18). Cette proposition n’avait cependant pas été adoptée à l’unanimité, les commissaires du groupe RPR votant contre. Ce refus était d’ailleurs partagé par le gouvernement socialiste de l’époque, ce qui explique que la proposition de loi n’avait pas été inscrite à l’ordre du jour de notre Assemblée.

La communauté américaine du renseignement est soumise à un contrôle parlementaire très strict, dans un pays où les prérogatives du Parlement sont très étendues, notamment en matière de contrôle des activités de l’exécutif.

Des enseignements peuvent être retirés de cette expérience, même si le système institutionnel américain est difficilement comparable au nôtre, et si les exigences du contrôle parlementaire américain n’ont pas permis de mettre en lumière les défaillances du renseignement américain, ni avant le 11 septembre 2001, ni dans la recherche d’armes de destruction massive en Irak. Ces exigences n’ont pas permis non plus d’éviter certaines dérives de la part de ces services, dont la récente affaire des écoutes secrètes de la NSA effectuées sur le territoire américain (19).

Le fondement des mécanismes de contrôle parlementaire de la communauté américaine du renseignement réside dans la Constitution des États-Unis et le principe d’équilibre des pouvoirs. Jusqu’au milieu des années 70, le contrôle incombait aux commissions des forces armées du Sénat et de la Chambre des représentants. Cependant, après les scandales du Watergate et des activités de la CIA en Amérique latine, le Congrès s’est doté de deux organes de contrôles :

—  le Senate select committee on intelligence, constitué le 19 mai 1976, qui comprend 16 membres ;

—  le House permanent select committee on intelligence (HPSCI), créé le 14 juillet 1977, qui compte 22 membres.

Une partie des membres de ces commissions doit également siéger dans d’autres commissions permanentes, notamment la commission des affaires judiciaires, la commission des forces armées, la commission des affaires étrangères ou la commission des « appropriations » (chargée des autorisations budgétaires). Cette « double appartenance » a pour but d’éviter des cloisonnements entre l’activité des commissions du renseignement et celle des autres commissions permanentes.

L’existence de deux commissions séparées a conduit la commission nationale d’enquête sur les attentats du 11 septembre à préconiser la création d’une commission bicamérale.

Dans le cadre de leurs missions, les deux commissions doivent obtenir l’accès à des informations sensibles relatives aux capacités et aux activités des services. Le président des États-Unis doit ainsi s’assurer que les commissions sont tenues informées en permanence des activités et des projets des agences de renseignement. Il doit également porter à leur connaissance tous les programmes d’action clandestine (covert actions) qu’il aura approuvés, ainsi que les échecs enregistrés par les actions. Nulle distinction donc, entre ce qui relèverait de l’action générale des services, qui serait communicable, et ce qui relève de l’opérationnel, qui ne pourrait jamais l’être. Pour autant, aucune information concernant les sources ou les méthodes n’est divulguée aux parlementaires.

Outre les questions liées directement au mode de fonctionnement et aux performances de la communauté américaine du renseignement, l’autorité des commissions s’exerce notamment sur le budget et les nominations des principaux responsables du renseignement. Elles peuvent également diligenter des enquêtes et mener des audits sur la seule base d’informations rapportées par les médias ou d’allégation des membres des services, pratique qui a pu engendrer des difficultés.

Pour assurer l’effectivité de ce contrôle, les moyens déployés sont considérables. Ainsi, chacune des commissions dispose d’environ une quarantaine de collaborateurs, les staffers, parfois d’anciens agents des services de renseignement. Ceux-ci ont généralement accès au même niveau d’information que les membres du Congrès, justifiant ainsi qu’ils fassent l’objet d’une enquête préalable de la part du FBI, contrairement aux parlementaires qui sont habilités ès qualités à accéder à des informations classifiées. Compte tenu de la masse d’informations auxquels ont accès les commissions, le rôle des staffers est considérable. En ce qui concerne les moyens matériels, les deux commissions disposent de lieux sécurisés (bureaux, salles de réunion, archivage…) qui respectent le même niveau d’exigence que celui de la CIA.

Du côté de l’exécutif, les agences disposent de moyens spécifiques dédiés aux relations avec le Congrès : ainsi le service des relations avec le Congrès de la CIA compte une soixantaine d’employés… Chaque année, la CIA adresse environ 2 200 rapports aux deux commissions, participe à 1 200 auditions, sans compter une multitude de contacts informels.

L’exemple américain est certes difficilement transposable en dehors d’un régime de séparation stricte des pouvoirs où le Parlement dispose de compétences élargies.

Pour autant, un suivi parlementaire des questions de renseignement existe partout en Europe. Il est ainsi possible de retirer d’intéressants enseignements de ces expériences, du moins lorsqu’ils concernent des pays disposant de services de renseignement comparables, par leur taille et leur influence, aux services français.

On remarque ainsi que pour limiter la déperdition d’information au cours de l’exercice du contrôle parlementaire, celui-ci est généralement confié à un organe unique. En Italie et au Royaume-Uni, cet organe regroupe des parlementaires des deux chambres. En Allemagne, c’est une émanation de la seule chambre basse (Bundestag). Le projet de loi s’inspire de ces exemples en proposant la création d’une délégation bicamérale.

Ces comités restreints ne comptent que huit (Italie) ou neuf membres (Allemagne, Royaume-uni). L’ancienne appellation de la commission allemande chargée de ce contrôle indique nettement les qualités qui sont recherchées chez les membres de ces organes — comité parlementaire des hommes de confiance (parlamentarisches Vertrauensmännergremium).

Sans doute pour s’assurer que ces conditions sont réunies, le Premier ministre britannique nomme lui-même les neuf parlementaires de l’Intelligence and Security Committee, ce qui souligne la particularité de cet organe. Il consulte néanmoins, au préalable, le chef de l’opposition. La commission britannique ne constitue pas stricto sensu un organe de nature parlementaire, mais une commission de nature administrative, dépendant du premier ministre, même si elle est uniquement composée de parlementaires. Son secrétariat est assuré par des fonctionnaires relevant du pouvoir exécutif. Parce que ces comités sont uniques en leur genre et qu’ils ne comptent que peu de membres, les services de renseignement ont la garantie que les informations qu’ils communiquent sont bien utilisées.

En ce qui concerne les informations transmises, là encore, aucune comparaison n’est possible avec la pratique américaine. Les services assurent à l’égard des parlementaires une communication de l’information qui n’est ni exhaustive, ni systématique, ni détaillée. Pour évoquer le champ de compétence ordinaire du comité qu’elle institue, la loi allemande parle de l’« activité générale » des services et des « opérations d’importance spéciale ». La loi italienne restreint également l’information du comitato per i servizi di sicurezza aux « lignes essentielles des structures et de l’activité des services ». La même distinction prévaut au Royaume-Uni, où les informations sur les opérations sensibles restent la propriété exclusive des services de renseignement.

Une fois transmise, l’information confidentielle n’est au demeurant pas déclassifiée. L’obligation du secret s’impose expressément aux membres des organes de contrôle, et les auditions qu’ils réalisent ne sont pas publiques. Le parlement britannique publie certes le rapport que l’Intelligence and Security Committee remet au Premier ministre, mais en supprimant les passages que ce dernier a jugé ne pouvoir être rendus publics. En Italie et en Allemagne, les rapports sont plus largement diffusés, mais ils sont rédigés avec une retenue qui prouve que les organes se censurent eux-mêmes en large part.

Il est à cet égard significatif que les mécanismes juridiques de résolution des conflits entre les services gouvernementaux et les organes parlementaires de contrôle ne trouvent que rarement à entrer en jeu à propos d’une information qui n’aurait pas été communiquée et que les parlementaires souhaiteraient cependant connaître à tout prix. Les nécessités de l’action gouvernementale paraissent bien comprises par les membres des comités, tandis que les services de l’exécutif, au regard des garanties apportées, se plient sans réticence excessive à leur devoir d’information de la représentation nationale.

Cette coopération étroite entre parlements et gouvernements recouvre une collaboration relativement harmonieuse, par-delà les institutions, entre la majorité et l’opposition. Qu’il s’agisse d’un simple usage (Royaume-Uni) ou d’une règle expresse (Allemagne, Italie), ils sont composés à la proportionnelle des groupes politiques parlementaires. En Allemagne, la présidence revient alternativement à un membre de l’opposition et à un membre de la majorité tous les six mois. En Italie et au Royaume-Uni, il est fréquent que la présidence soit confiée à un membre de l’opposition.

II. COMMENT CONCILIER LE CONTRÔLE PARLEMENTAIRE AVEC LE RESPECT DE LA CONFIDENTIALITÉ ?

L’un des motifs ayant conduit au retrait des amendements déposés sur le projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme en décembre 2005 était qu’il convenait de se donner le temps de la réflexion, non sur le principe même du suivi parlementaire, mais sur ses modalités. Cette réflexion a conduit le Gouvernement à proposer la création d’une délégation parlementaire, c’est-à-dire un organe spécifique, mais relevant entièrement du pouvoir législatif.

On aurait pu envisager d’autres modes d’association des parlementaires au suivi des questions de renseignement.

Une première solution aurait consisté à permettre aux parlementaires de suivre ces questions dans le cadre des instances parlementaires existantes : les commissions permanentes. Cela aurait exigé par exemple de permettre la communication de documents classifiés aux rapporteurs budgétaires, ou aux rapporteurs des commissions d’enquête. Cependant, cette solution n’aurait pas suffisamment protégé la confidentialité nécessaire à ce type de matière. Les travaux des commissions, certes, se déroulent généralement à huis clos, mais leurs effectifs sont trop importants pour permettre la divulgation d’informations d’une sensibilité de premier ordre. On pourrait craindre une réticence des services de renseignement à fournir les informations nécessaires à un suivi de bonne qualité. Quelles que soient les règles imposant la transmission d’informations confidentielles, aucun travail utile ne sera possible sans une vraie confiance de la part des services.

À l’inverse, une autre option aurait été de mettre en place un contrôle par des parlementaires, plutôt qu’un contrôle parlementaire, comme c’est le cas au Royaume-Uni. La distinction entre ces deux modes de contrôle est loin d’être seulement sémantique. En effet, un contrôle par une commission, même uniquement composée de parlementaires, qui n’a pas le statut d’organe parlementaire, mais celui d’une simple commission administrative emporte d’importantes conséquences :

—  l’exécutif dispose d’une beaucoup plus grande marge de manœuvre dans le choix des membres de cette commission. Au Royaume-Uni, c’est ainsi le premier ministre, certes après consultation du leader de l’opposition, qui nomme les neuf membres de l’ISC (20;

—  il peut être plus facilement dérogé aux règles traditionnelles du travail parlementaire, et notamment à la règle de l’immunité pour les actes commis dans l’exercice des fonctions parlementaires. En effet, par définition, si la commission n’est pas un organe parlementaire, ses membres ne bénéficient plus de cette immunité, permettant ainsi de poursuivre des parlementaires qui n’auraient pas respecté les règles relatives au secret ;

—  le fonctionnement quotidien de la commission est assuré avec les moyens logistiques, financiers et humains de l’exécutif alors que l’autonomie du Parlement dans ces domaines est l’une des conditions de la séparation des pouvoirs.

Cette option avait donc le grand inconvénient de ne pas permettre un authentique contrôle parlementaire. Certes, l’exemple britannique montre qu’il est possible de faire un travail sérieux et utile dans ce cadre, mais qui fait néanmoins l’objet de critiques de la part des parlementaires non-membres de la commission.

Ainsi, votre rapporteur ne peut que se réjouir du choix retenu par le Gouvernement, qui manifeste le degré de confiance que les services imaginent pouvoir établir avec les parlementaires.

L’article 43 de la Constitution limite à six le nombre de commissions permanentes dans chaque Assemblée. Il était donc exclu de créer des commissions permanentes spécialisées sur le renseignement, ainsi que des sous-commissions, pratique également prohibée.

La mise en œuvre de contrôles parlementaires spécifiques ne peut donc se faire qu’au moyen de la création, par la loi, de « délégations parlementaires ». La multiplication de ces structures a été incontestablement la conséquence de la limitation constitutionnelle du nombre des commissions permanentes. D’ailleurs, ces délégations ont généralement pour interlocuteurs dans les parlements étrangers des commissions parlementaires de plein exercice. C’est le cas par exemple des délégations de l’Assemblée nationale et du Sénat pour l’Union européenne qui représentent le Parlement français à la COSAC (21).

LES DIFFÉRENTES DÉLÉGATIONS PARLEMENTAIRES (22)

—  Les délégations parlementaires pour l’Union européenne de l’Assemblée nationale et du Sénat ont été créées par la loi n° 79-564 du 6 juillet 1979 (modifiée par les lois n° 90-385 du 10 mai 1990 et n° 94-476 du 10 juin 1994). Elles comportent chacune 36 membres ;

—  L’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques est une délégation bicamérale, créée par la loi n° 83-609 du 8 juillet 1983. Elle est composée de 18 parlementaires et de 18 sénateurs qui élisent, après chaque renouvellement de l’Assemblée nationale ou du Sénat, un président et un premier vice-président qui ne peuvent appartenir à la même assemblée ;

—  L’Office parlementaire d’évaluation de la législation, issu de la loi n° 96-516 du 14 juin 1996, est également une délégation bicamérale, composée de 15 députés et de 15 sénateurs, et présidée alternativement, pour une durée d’un an, par les présidents des commissions des Lois de l’Assemblée nationale et du Sénat ;

—  Les délégations parlementaires de l’Assemblée nationale et du Sénat à l’aménagement et au développement durable du territoire, créées par la loi n° 99-533 du 25 juin 1999, sont composées chacune de 15 membres ;

—  Les délégations parlementaires de l’Assemblée nationale et du Sénat aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes ont été créées par la loi n° 99-585 du 12 juillet 1999. Elles comptent chacune 36 membres ;

—  L’Office parlementaire d’évaluation des politiques de santé est une délégation bicamérale, créée par la loi n° 2002-1487 du 20 décembre 2002. Elle est composée de 12 députés et de 12 sénateurs, dont les présidents des commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées des Affaires sociales, qui président alternativement l’Office pour un an.

Enfin, l’Assemblée nationale a adopté le 13 février 2003, en première lecture, une proposition de loi tendant à la création de délégations parlementaires aux droits des enfants, qui n’a jamais été inscrite à l’ordre du jour du Sénat.

Pour être légitime, une délégation parlementaire doit répondre à l’inadaptation des commissions permanentes à certains contrôles pour des raisons de fond, et non pas seulement en raison du périmètre de leurs compétences.

Ainsi, la création de la délégation parlementaire est justifiée quand sa matière est par nature transversale à plusieurs commissions, comme c’est le cas pour le suivi des questions européennes. En ce qui concerne le renseignement, la situation est similaire puisque les questions de renseignement concernent directement les commissions des Lois et de la Défense, mais également les commissions des Finances et des Affaires étrangères.

Un autre avantage des délégations parlementaires est tiré de leur souplesse. Leur organisation est établie par la loi qui les crée et par un règlement intérieur, et peut donc varier en fonction de besoins spécifiques. Ainsi, le caractère monocaméral ou bicaméral d’une délégation, sa composition, le caractère public de ses travaux varient selon les cas. Dans le cas de la délégation parlementaire au renseignement, l’une des garanties nécessaires au bon fonctionnement du contrôle parlementaire est de créer une structure peu nombreuse que permettra le choix d’une délégation commune à l’Assemblée nationale et au Sénat, composée d’un petit nombre de parlementaires.

Compte tenu des spécificités des activités de renseignement, la mise en œuvre d’un suivi parlementaire exige certaines précautions.

La première condition nécessaire pour rendre compatible l’existence d’un suivi parlementaire des services de renseignement avec le respect du secret tient dans le format de la délégation parlementaire. Le projet de loi répond à cet impératif :

—  en proposant la création d’une délégation commune à l’Assemblée nationale et au Sénat, ce qui permet ainsi de limiter le nombre d’intervenants ainsi que les transmissions d’informations. Disposer d’un interlocuteur unique est l’assurance pour les services de renseignement d’une confidentialité plus facile à respecter ;

—  en limitant strictement le nombre de membres de la délégation. En effet, dans le projet de loi initial du Gouvernement, la délégation n’était composée que de trois députés et de trois sénateurs, quatre de ces membres étant par ailleurs présidents des commissions des Lois et de la Défense de chaque Assemblée.

Par ailleurs, le projet de loi met en place un mécanisme très rigoureux de protection du secret des activités de la délégation. Il prévoit ainsi que les travaux de la délégation sont couverts par le secret de la défense nationale. La préservation du secret défense est en effet le motif principal qui justifie la mise en place d’un organe parlementaire ad hoc pour traiter des questions de renseignement. Ainsi, les séances de la délégation se tiendront toujours à huis clos.

En outre, le projet de loi organise minutieusement les modalités selon lesquelles les parlementaires et les fonctionnaires des Assemblées qui les assisteront pourront avoir accès à des informations classifiées. Certes, les parlementaires eux-mêmes ne feront pas l’objet d’une procédure d’habilitation, précédée d’une enquête, car ils seront autorisés ès qualités à avoir accès aux informations qui leur seront transmises. En revanche, les fonctionnaires parlementaires qui assisteront les membres de la délégation devront faire l’objet d’une habilitation, soit par le premier ministre pour l’accès à des informations « très secret défense », soit par les ministres intéressés (intérieur et défense) pour l’accès à des informations « secret défense » ou « confidentiel défense ». Enfin, parlementaires comme fonctionnaires parlementaires seront soumis au respect du secret de la défense nationale et pourront donc voir engagée leur responsabilité pénale en cas de violation de leurs obligations, en application de l’article L. 413-9 du code pénal.

Votre rapporteur tient à préciser que le respect de ces règles de confidentialité constituera un impératif pour la crédibilité de la délégation parlementaire. Celle-ci devra donc adopter des règles de protection des informations et des supports protégés. Les réunions de la délégation devront donc nécessairement se tenir dans ces locaux sécurisés, de même que la consultation des documents classifiés, qui devront y être conservés en permanence.

À plusieurs reprises déjà, votre rapporteur a insisté sur la nécessité de créer un climat de confiance entre la future délégation et les services de renseignement. La qualité et l’utilité de son travail reposeront donc davantage sur l’existence d’une relation de confiance que sur des prérogatives légales apparemment étendues, mais dépourvues d’efficacité.

Ainsi, le terme de « contrôle » n’est volontairement pas utilisé dans le projet de loi, celui-ci ayant une connotation trop intrusive. Cette absence pourra être critiquée, mais elle est probablement nécessaire pour permettre la mise en place progressive de l’indispensable climat de confiance mutuelle.

En effet, si les services de renseignement pouvaient avoir le sentiment que l’existence de la délégation risquait d’entraver l’efficacité de leur action, il est à craindre qu’ils se réfugient dans une attitude de méfiance à son égard. Pour éviter de tels malentendus, le projet de loi a donc fortement encadré l’étendue des missions de la délégation parlementaire, limité au suivi de l’activité générale et des moyens des services de renseignement dépendant du ministre de l’intérieur et de la défense. Pour plus de clarté, le projet de loi précise explicitement que les informations et éléments d’appréciation apportés à la connaissance de la délégation ne peuvent porter sur les « activités opérationnelles de ces services, les instructions données par les pouvoirs publics à cet égard, le financement de ces activités ».

Le Gouvernement a voulu éviter que la délégation ne soit tentée de s’ériger en organe de supervision de l’activité des services de renseignement, prérogative qui relève naturellement de l’exécutif. En effet, s’il est légitime qu’un organe parlementaire soit informé très précisément de l’organisation des services, de leurs moyens, de leur efficacité, il ne lui revient pas de s’immiscer dans ce qui relève des activités opérationnelles, dans l’intérêt de la sécurité de l’État et des personnels.

Pour autant, il est clair que la création de la délégation parlementaire au renseignement participe du mouvement plus général de renforcement de la fonction de contrôle du Parlement sur l’action de l’exécutif. La spécificité de l’action de ces services exige la mise en place de procédures spécifiques de suivi, au risque de remettre en cause leur efficacité, dont dépend la sécurité de nos concitoyens. C’est pourquoi le projet de loi a volontairement encadré l’action de la future délégation parlementaire qui n’a pas vocation à contrôler ou enquêter, au risque d’empêcher la mise en place de relations de confiance réciproques entre les membres de la délégation et les responsables des services spécialisés.

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* *

La Commission a examiné le projet de loi au cours de sa séance du mercredi 18 juillet 2007. Après l’exposé du rapporteur, une discussion générale a eu lieu.

DISCUSSION GÉNÉRALE

M. Jérôme Lambert s’est félicité, au nom du groupe socialiste, de l’institution d’un contrôle parlementaire des services de renseignement. Toutefois, après avoir souligné que la France est l’un des rares pays occidentaux ne disposant pas pour l’heure d’instruments de contrôle de ces services, il a jugé insuffisant le projet de loi soumis à l’Assemblée nationale. Il a par conséquent exprimé son souhait de voir adopter les amendements du groupe socialiste visant à renforcer le rôle de contrôle des parlementaires qui composeraient la délégation parlementaire au renseignement.

Mme Delphine Batho a rappelé que, lors de l’examen du projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme à l’Assemblée nationale en novembre 2005, trois amendements ayant pour objet la création d’une délégation parlementaire au renseignement, présentés respectivement par le groupe socialiste, par M. Pierre Lellouche et par M. Alain Marsaud, avaient manifesté une volonté commune de mettre fin à l’exception française. Elle a estimé que la délégation parlementaire permettrait d’apporter une protection et une sécurité aux services de renseignement. Elle a enfin souhaité que cette délégation ne soit pas un simple organe de suivi de l’activité des services de renseignement et que les améliorations qui seraient apportées au projet de loi permettent d’aboutir à un vote unanime.

En réponse aux intervenants, le rapporteur a rappelé qu’il existait deux grands modèles de contrôle parlementaire des services de renseignement. Le premier modèle, maximaliste, est celui des États-Unis, qui s’explique par la nature présidentielle du régime américain marqué par l’importance des pouvoirs du Congrès. Ce contrôle très poussé n’a d’ailleurs pas empêché d’importants dysfonctionnements du système de renseignement américain, notamment en matière de coordination. L’autre modèle a été retenu par les régimes parlementaires, il s’apparente davantage à un suivi qu’à un contrôle pointilleux. Au Royaume-Uni, il faut d’ailleurs noter que c’est le Premier ministre lui-même qui nomme les membres de la commission.

Le rapporteur a par ailleurs reconnu que des initiatives proposant la création d’une délégation parlementaire avaient été formulées tant par des parlementaires de la majorité que de l’opposition et a souhaité également que ce texte puisse être unanimement adopté.

Puis la Commission est passée à l’examen de l’article unique du projet
de loi.

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EXAMEN DE L’ARTICLE UNIQUE

Article unique

(art. 6 nonies [nouveau] de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958)


Création d’une délégation parlementaire au renseignement

L’article unique du projet de loi insère dans l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires un article 6 nonies. Cet article constituera la base légale de la délégation parlementaire au renseignement : il figurera dans l’ordonnance à la suite de six articles (23), qui ont tous pour objet la constitution de délégations parlementaires.

M. Jérôme Lambert a présenté un amendement de réécriture globale de l’article unique. Après avoir exposé que cet amendement visait à exclure la présence des présidents des commissions permanentes de chacune des deux assemblées chargées respectivement des affaires de sécurité intérieure et de défense comme membres de droit de la délégation, il a justifié cette exclusion par la lourdeur de la charge de travail des présidents de commissions permanentes, qui ne leur permettrait pas de se consacrer pleinement à la délégation. Il a signalé que cet amendement avait également pour objet d’élargir le champ des personnes pouvant être auditionnées par la délégation, afin d’y inclure toute personne placée sous l’autorité des directeurs des services de renseignement et déléguée par eux ainsi que toute personne étrangère aux services mais dont l’audition serait jugée utile par les membres de la délégation. Il a ajouté que cet amendement visait à supprimer les restrictions à la possibilité pour la délégation de connaître des informations ou des éléments d’appréciation protégés au titre du secret de la défense nationale.

Le rapporteur s’est déclaré défavorable à l’adoption de cet amendement, qui aurait pour effet de créer une délégation de contrôle des services de renseignement, alors que l’objet du projet de loi est de créer une délégation de suivi de ces services. Concernant la composition de la délégation, il a annoncé qu’un des amendements qu’il proposait permettrait à un parlementaire n’étant pas membre de droit de la délégation d’en être le président. Enfin, il a indiqué qu’un deuxième amendement permettrait d’auditionner toute personne relevant de l’autorité des directeurs des services de renseignement et déléguée par eux et satisferait donc l’un des objets de l’amendement présenté par M. Jérôme Lambert.

M. Jérôme Lambert s’est étonné du refus du rapporteur de donner un pouvoir de contrôle significatif à la délégation, en s’appuyant sur des exemples étrangers, notamment celui de la Belgique où le contrôle de la commission parlementaire sur les services de renseignement est approfondi et soumis uniquement aux restrictions que peut y apporter le Premier ministre. Il a jugé insatisfaisant d’empêcher la délégation d’évoquer des opérations de renseignement closes. Mme Delphine Batho a estimé que l’adoption de l’amendement permettrait la création d’une délégation au renseignement sérieuse et crédible. Elle a évoqué les exemples étrangers, qui prévoient non pas un encadrement initial des documents pouvant être communiqués à la commission parlementaire mais un dialogue entre la commission parlementaire et le Gouvernement permettant, le cas échéant, au Gouvernement de s’opposer à la communication d’informations sur un sujet qui serait jugé trop sensible.

Le rapporteur a précisé que l’intensité du contrôle parlementaire en Belgique a eu pour effet de faire perdre la confiance des services de renseignement étrangers dans les services de renseignement belges, en raison du risque de divulgation d’informations. Il a justifié le maintien de règles protégeant la confidentialité des documents par la nécessaire sécurité de l’État ainsi que des personnels des services de renseignement. Craignant que le mieux soit l’ennemi du bien, il a plaidé en faveur d’une conception plus restrictive des pouvoirs de la délégation au renseignement mais qui permette d’établir un dialogue fructueux et une relation de confiance entre cette délégation et le Gouvernement. Enfin, il a rappelé que, dès 2002, il avait obtenu la création d’un rapport budgétaire consacré spécifiquement au Secrétariat général de la défense nationale et aux services de renseignement, ce qui avait permis de rendre publiques un grand nombre d’informations relatives à ces services.

La Commission a alors rejeté l’amendement.

*  Le paragraphe I. de l’article unique constitue l’élément fondamental en portant création, pour la première fois en France, d’une délégation parlementaire au renseignement (24).

Cette délégation est un organe bicaméral, commun à l’Assemblée nationale et au Sénat. En effet, à l’exception notable, mais souvent critiquée (25), des États-Unis, les commissions comparables à l’étranger sont habituellement bicamérales. Cette règle générale s’explique par la nécessité de protéger la confidentialité des informations communiquées et d’éviter les fuites. L’existence d’une délégation unique permet en effet plus facilement de réduire le nombre de parlementaires qui auront accès à ces informations.

En outre, il sera ainsi plus facile de respecter les règles de confidentialité dans la transmission et l’archivage des informations.

La composition de la délégation est précisée par la dernière phrase du paragraphe I. et par le paragraphe II.

Le gouvernement avait retenu un format très restreint à six membres : trois députés et trois sénateurs. Cet effectif était largement en deçà des règles habituelles de constitution des délégations parlementaires, mêmes lorsqu’elles sont bicamérales. L’Office d’évaluation des choix scientifiques et technologiques compte trente-six membres, l’Office parlementaire d’évaluation de la législation, trente, et l’office parlementaire d’évaluation des politiques de santé, vingt-quatre.

Votre rapporteur partage l’idée que la délégation parlementaire au renseignement doit disposer d’un effectif resserré afin de réduire les risques de fuites. Par ailleurs, il est préférable de disposer d’un petit nombre de parlementaires spécialisés et fortement mobilisés qu’un nombre plus important de membres, qui se sentiraient nécessairement moins impliqués. Ainsi, il devrait être possible, avec un effectif restreint, de voir se nouer des relations de confiance entre services de renseignement et membres de la délégation. Pour autant, dans aucun des pays comparables à la France un effectif aussi restreint n’a été retenu : ainsi, les commissions britannique et allemande comptent neuf membres, la commission italienne huit membres, sans même évoquer les commissions du Congrès des États-Unis qui comprennent vingt-et-un membres pour celle de la Chambre des représentants, et quinze membres pour celle du Sénat.

Dès lors, afin de faciliter la constitution d’une délégation pluraliste, gage de son efficacité et de sa crédibilité, le Sénat a fait le choix, sur proposition de ses rapporteurs, de faire passer l’effectif de la délégation à huit parlementaires : quatre députés et quatre sénateurs.

En effet, le projet de loi dispose que la composition de la délégation doit assurer une « représentation pluraliste ». La formule utilisée pour les autres délégations parlementaires est celle de « représentation proportionnelle des groupes politiques » : en l’espèce, une telle solution ne pouvait pas être retenue compte tenu de l’effectif restreint souhaité pour la délégation (26). Le choix a donc été fait de retenir la notion de « pluralisme », qui sous-entend la nécessité d’une représentation de l’opposition, même si les notions de « majorité » et « d’opposition » ne sont pas reconnues en droit parlementaire français (27).

Parmi les membres de la délégation, quatre seront membres de droit, il s’agit des présidents des commissions permanentes de chacune des deux assemblées chargées des affaires de sécurité intérieure et de défense (28). Il semble en effet important d’établir des relations entre la future délégation et les commissions permanentes compétentes. Au Congrès américain par exemple, la présence obligatoire au sein des commissions de contrôle de membres des commissions chargées des autorisations budgétaires, des affaires judiciaires ou de la défense est considérée comme un atout pour éviter des cloisonnements entre les différents organes parlementaires. En effet, le renseignement n’est pas un domaine à part de l’activité de l’État, mais un métier spécifique utilisant des méthodes particulières. Ainsi, il est justifié de prévoir des modalités de suivi adaptées à ces services, ce qui ne signifie pas que l’organe qui en est chargé doive avoir le monopole du suivi de ces questions. Contrôler l’action du Gouvernement en matière de lutte contre le terrorisme ou sa politique face à la prolifération nécessite de prendre en compte la contribution des services de renseignement : c’est pourquoi la présence au sein de la future délégation parlementaire au renseignement de présidents de commission pourra être utile.

Le projet de loi prévoit même que la fonction de président de la délégation sera confiée à l’un de ses membres de droit. La version initiale organisait une rotation entre les quatre présidents de commission qui se seraient succédé à la tête de la délégation.

Le texte adopté par le Sénat donne un peu plus de souplesse au dispositif, se contentant d’organiser une alternance à la tête de la délégation entre un président de commission permanente de l’Assemblée nationale et un président de commission permanente du Sénat, pour une durée d’un an à chaque fois, comme pour la présidence de l’Office d’évaluation de la législation et l’Office d’évaluation des politiques de santé. Mais, il n’est plus précisé que les quatre membres de droit doivent nécessairement se succéder à la présidence de la délégation : il reviendra donc à la délégation de décider des modalités de désignation du président.

Pour autant, confier la présidence de la délégation à des présidents de commission, comme le fait le projet de loi, soulève des interrogations. La présidence d’une commission permanente est déjà une tâche particulièrement prenante, qui pourrait ne pas permettre d’assurer dans de bonnes conditions la présidence de la délégation. Cette mission nécessitera en effet de la disponibilité, afin de se familiariser avec l’ensemble des dossiers, souvent très complexes, et d’accéder à des données confidentielles29. De plus, le président aura une responsabilité particulière pour veiller au respect des règles du secret de la défense nationale. L’expérience des autres délégations parlementaires montre d’ailleurs que les organes les plus actifs, par exemple les délégations pour l’Union européenne ou l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, ne sont pas présidés par des présidents de commission.

Le Sénat a supprimé le paragraphe III. de l’article unique qui prévoyait la désignation par la délégation d’un rapporteur. Il a considéré que cette précision relevait de l’organisation interne des travaux de la délégation qui seront définis par son règlement intérieur, sur le modèle des autres délégations et offices parlementaires.

La Commission a rejeté un amendement présenté par M. Jérôme Lambert, relatif à la composition de la délégation.

Après avoir adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 4), elle a examiné un amendement du même auteur supprimant l’automaticité de la présidence de la délégation par l’un de ses membres de droit. Le rapporteur a fait valoir qu’il lui semblait important de favoriser une désignation aussi libre que possible du président de la délégation par les membres de celle-ci, ce que le projet de loi ne prévoyait pas en confiant cette fonction à l’un des présidents des commissions permanentes qui en feront partie. Le Président Jean-Luc Warsmann s’est personnellement déclaré très ouvert à une telle initiative. Après que M. Jérôme Lambert eut rappelé les désaccords du groupe SRC avec le maintien de la présence ès qualités des présidents de commissions permanentes compétentes au sein de la délégation, M. Bernard Roman s’est interrogé sur la finalité poursuivie par l’amendement du rapporteur, estimant que si son but était de satisfaire les ambitions de tel ou tel, sa portée serait finalement dérisoire.

Le rapporteur a indiqué que l’objectif de son amendement était de conférer davantage de souplesse au fonctionnement de la délégation, lequel nécessitera une forte implication personnelle de son président au quotidien. Observant que les activités des présidents de commissions permanentes compétentes étaient d’ores et déjà accaparantes, il a justifié son initiative par le souci de permettre la désignation d’un parlementaire disponible pour assumer les tâches importantes qui seront dévolues au président de la délégation.

M. Serge Blisko a regretté l’initiative du rapporteur, en estimant que le fait de confier la présidence de la délégation à l’un des présidents de commissions permanentes compétentes constituait un moyen efficace d’asseoir l’autorité et le rôle institutionnel de cette nouvelle instance parlementaire. Le rapporteur a souligné que la position de M. Serge Blisko était contradictoire avec celle du groupe SRC, qui propose que les présidents de commissions permanentes compétentes ne puissent être membres de droit de la délégation. Après que le Président Jean-Luc Warsmann se fut déclaré favorable à l’introduction d’une certaine souplesse dans le dispositif, la Commission a adopté cet amendement (amendement n° 5).

Le paragraphe IV est essentiel puisqu’il traite des prérogatives de la délégation parlementaire au renseignement. Celles-ci doivent permettre à la délégation de jouer son rôle, sans interférer dans le fonctionnement des services eux-mêmes : il s’agit d’organiser un suivi parlementaire des questions de renseignement plutôt que de mettre en place un contrôle parlementaire de l’activité des services de renseignement. Ainsi, ce paragraphe impose un cadre étroit à l’activité de la délégation.

Ses missions sont tout d’abord clairement délimitées, même si la version initiale du projet de loi ne prévoyait aucune définition de celles-ci. Le Sénat a comblé cette lacune : les dispositions législatives créant les autres délégations parlementaires ont toujours précisé leurs missions.

En effet, le projet de loi déposé au Sénat donnait à la délégation un rôle trop passif en se contentant de prévoir son information par le Gouvernement « sur l’activité générale et sur les moyens des services spécialisés à cet effet placés sous l’autorité des ministres de la défense et de l’intérieur ». Le Sénat a repris la référence à « l’activité générale et aux moyens des services spécialisés » qui constitueront donc les missions de la délégation, « sans préjudice des compétences des commissions permanentes ».

Ainsi définies, les missions de la délégation lui permettront de jouer le rôle que le Parlement doit avoir à l’égard des services de renseignement. Il est légitime qu’un organe parlementaire s’intéresse aux objectifs généraux des services de renseignement, à leurs conditions de fonctionnement et d’organisation, aux moyens techniques et humains qui leur sont consacrés. Le projet de loi prévoit donc que les ministres fourniront à la délégation « des informations et des éléments d’appréciation relatifs au budget, à l’activité générale et à l’organisation des services ».

En revanche, le contrôle du Parlement ne doit pas s’exercer sur les opérations proprement dites afin de protéger les sources. Le projet de loi prend donc la précaution d’interdire explicitement la transmission à la délégation de tout élément relatif soit :

—  aux activités opérationnelles des services et aux instructions données par les pouvoirs publics à cet égard : sont visées non seulement les opérations en cours (30), mais également les opérations passées. La délégation ne pourra donc pas s’intéresser à d’éventuelles « affaires » concernant des opérations menées par les services de renseignement, à l’instar de l’« affaire Greenpeace » ;

—  au financement des activités opérationnelles, mission qui est dévolue à la Commission de vérification des fonds spéciaux ;

—  aux échanges avec des services étrangers ou des organismes internationaux compétents dans le domaine du renseignement. Cette précision semblait indispensable pour garantir aux services que serait protégée l’une des lois d’airain du renseignement, la règle du « tiers de confiance » : tout renseignement transmis par un service à un service partenaire reste la propriété du service d’origine de l’information ; ainsi, le service qui en a bénéficié ne peut en aucun cas la transmettre à un tiers, y compris dans le cadre d’une procédure judiciaire, sans autorisation préalable du service propriétaire de l’information. Une telle précaution n’existe pas dans la loi belge relative au contrôle des services de renseignement qui doivent donc fournir au comité chargé du contrôle les informations communiquées par des services étrangers, mettant ainsi les agents des services belges dans une situation délicate vis-à-vis de leurs partenaires.

La Commission a ensuite adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 7).

Le Sénat a également accepté le périmètre de suivi de la délégation proposé par le projet de loi, soit les services de renseignement placés sous l’autorité :

—  du ministre chargé de la défense : la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), la Direction de la protection et de la sécurité de la défense (DPSD) et la Direction du renseignement militaire (DRM) ;

—  du ministre de l’intérieur : la Direction de la surveillance du territoire (DST), la Direction centrale des renseignements généraux (DCRG), la Direction des renseignements généraux de la préfecture de police de Paris (RGPP). L’Unité centrale de lutte antiterroriste (UCLAT), chargée de la coordination du renseignement dans le domaine de la lutte antiterroriste entre les services du ministère de l’intérieur, devrait également relever du périmètre de suivi de la délégation.

La Commission a examiné deux amendements identiques : l’amendement n° 1 de la commission de la Défense et un amendement du rapporteur incluant la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) et la cellule de renseignement financier TRACFIN dans le champ de compétences de la délégation, son auteur faisant prévaloir que ces services participent à la communauté française du renseignement. Après que M. Jérôme Lambert eut souligné l’accord du groupe SRC avec cet amendement, M. Michel Hunault s’est interrogé sur sa constitutionnalité. Il a rappelé que dans le cadre de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, la troisième directive de l’Union européenne, qui doit être prochainement transposée en droit français, renforce le rôle de la cellule de renseignement financier TRACFIN, auprès de laquelle sont transmises les déclarations de soupçon. Précisant que les parlementaires font partie des « personnalités exposées » au sens de cette directive, M. Michel Hunault s’est en conséquence interrogé sur l’opportunité d’inclure TRACFIN dans le champ de compétences de la Délégation au renseignement. Le rapporteur a rappelé que la délégation parlementaire n’aura pas vocation à connaître des activités opérationnelles des services relevant de son suivi. Il a estimé que le risque envisagé apparaissait par conséquent très improbable, tout en observant par ailleurs que d’autres services de renseignement, tels les renseignements généraux, pouvaient être conduits à s’intéresser aux parlementaires sans que cela n’ait suscité le même type de craintes.

La Commission a alors adopté ces deux amendements identiques (amendements nos 1 et 6).

Le dernier alinéa du paragraphe IV est relatif aux auditions qui permettront d’informer la délégation parlementaire au renseignement. Le texte initial du Gouvernement était très restrictif puisqu’il autorisait uniquement l’audition des ministres de l’intérieur et de la défense, du secrétaire général de la défense nationale et des directeurs de service, à l’exclusion de tout autre personne.

Le Sénat a modifié ce dispositif, son rapporteur considérant qu’il n’était « pas pensable qu'un organe parlementaire se voie interdire d'entendre toute personne extérieure aux services de renseignement. Elle se priverait ainsi, par exemple, des réflexions d'universitaires ou de membres d'autorités administratives indépendantes compétentes en matière de renseignement, comme la Commission nationale de l'informatique et des libertés, la CNIL ». Par ailleurs, si un texte législatif peut prévoir l’audition de certaines personnes par un organe parlementaire, notamment des représentants de l’exécutif, on peut légitimement s’interroger sur la constitutionnalité d’une disposition qui interdirait à la délégation parlementaire de procéder à l’audition de toute personne qu’elle souhaite entendre.

Le dispositif issu des travaux du Sénat est donc le suivant :

—  il prévoit la liste des interlocuteurs gouvernementaux de la délégation qui sont tenus de répondre favorablement à ses convocations : il s’agit donc des ministres, du secrétaire général de la défense nationale, des directeurs des services qui sont dans le périmètre de la délégation. Le Sénat a ajouté à cette liste le Premier ministre, ce qui se justifie pleinement compte tenu du caractère par essence interministériel du renseignement. Dès lors, votre rapporteur considère qu’il n’est pas nécessaire de citer dans le texte législatif le secrétaire général de la défense nationale qui relève des services du premier ministre ;

—  il règle le cas des agents des services que l’on ne saurait contraindre à se rendre devant la délégation parlementaire dans tous les cas. En effet, dans le domaine du renseignement plus encore que dans tout autre, seul le directeur a une vision transversale et complète de l’activité de son service. Dès lors, il est primordial de respecter le principe hiérarchique et de ne pas autoriser les agents ou les anciens agents de ces services d’être auditionnés par la délégation, sauf autorisation expresse du directeur.

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Jérôme Lambert, prévoyant que la délégation pourra entendre toute personne étrangère aux services de renseignement. Le rapporteur s’est déclaré défavorable à cet amendement au motif que, conformément aux règles de fonctionnement des assemblées parlementaires, il sera parfaitement loisible à la délégation d’entendre des spécialistes, des journalistes et d’autres personnes extérieures aux services, sans le prévoir dans un texte législatif. Il a observé que la délégation de l’Assemblée nationale pour l’Union européenne procédait elle-même à de nombreuses auditions sans que les textes n’énumèrent la qualité des personnes qu’elle peut entendre. M. Jérôme Lambert a justifié son amendement par le fait que le projet de loi prévoit que seuls les directeurs de service pourront être entendus. Le rapporteur a souligné qu’il n’était pas nécessaire d’inscrire dans le texte un principe qui trouvera à s’appliquer s’agissant des personnes étrangères aux services, le projet de loi n’apportant des précisions que sur le cas des agents des services de renseignement, qui relèvent de l’autorité du pouvoir exécutif. Mme Delphine Batho a estimé que les auditions de personnalités extérieures aux services devraient se tenir en séance plénière. Elle a souligné que le champ des personnes pouvant être auditionnées, déjà élargi par le rapporteur aux services relevant du ministère des finances devait être plus vaste, pour permettre, par exemple, l’audition du président de la commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) ou de la commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité. Considérant que le point soulevé par l’amendement méritait d’être approfondi, elle a appelé le rapporteur à proposer une solution consensuelle au cours de la séance publique. Le rapporteur a indiqué que, compte tenu des modifications apportées par le Sénat, rien n’interdira à la délégation, si elle le souhaite, d’entendre le président de la CNIL ou celui de toute autre autorité administrative indépendante. Il a également souligné que les craintes soulevées par le groupe SRC quant à l’étendue des personnes susceptibles d’être entendues trouveraient une réponse dans un amendement ultérieur.

La Commission a alors rejeté cet amendement.

Elle a ensuite examiné un amendement du rapporteur supprimant la référence explicite au secrétaire général de la défense nationale, afin de tenir compte de l’inclusion par le Sénat du Premier ministre parmi les personnalités susceptibles d’être auditionnées, et précisant que les personnes relevant de l’autorité d’un membre du Gouvernement ou des directeurs des services pourraient être entendues, sur autorisation expresse de ceux-ci. Mme Delphine Batho a jugé que cet amendement exprimait une conception restrictive du champ des personnes auditionnées par la Délégation. Le rapporteur a souligné que le projet de loi se bornait à mentionner clairement les personnes relevant de l’autorité du pouvoir exécutif susceptibles d’être auditionnées, ce qui n’empêchera aucunement la délégation d’entendre qui elle voudra par ailleurs.

La Commission a adopté cet amendement (amendement n° 8). Puis, par cohérence avec son vote précédent, elle a rejeté l’amendement n° 2 de la commission de la Défense, ayant un objet similaire.

La justification de la création d’une délégation spécifique chargée du suivi des questions de renseignement tient à l’impossibilité de garantir la préservation du secret dans le cadre des instances parlementaires de droit commun, dont la transparence est, au contraire, un principe fondamental. Or, dans la mesure où le projet de loi autorise la transmission à la délégation d’informations classifiées, il était impératif de prévoir des mécanismes rigoureux de préservation du secret de la défense nationale.

Tout d’abord, l’accès à ces informations ne sera pas général puisqu’il concerne uniquement celles qui relèvent des prérogatives de la délégation (budget, activité générale, organisation des services). Les membres de la délégation ne seront donc pas habilités à avoir accès à des données relatives aux activités opérationnelles des services. Il n’était donc probablement pas indispensable, comme le fait le projet de loi, de prévoir l’exclusion des données « dont la communication pourrait mettre en péril l’anonymat, la sécurité ou la vie d’une personne relavant ou non des services intéressés, ainsi que les modes opératoires propres à l’acquisition du renseignement ».

L’accès de parlementaires à des informations classifiées pose des difficultés d’ordre juridique. En application de l’article 413-9 du code pénal, « les niveaux de classification des renseignements, procédés, objets, documents, données informatisées ou fichiers présentant un caractère de secret de la défense nationale et les autorités chargées de définir les modalités selon lesquelles est organisée leur protection sont déterminés par décret en Conseil d'État ». Or ce décret n° 98-608 du 17 juillet 1998 précise en son article 7 que « nul n'est qualifié pour connaître des informations ou supports protégés s'il n'a fait au préalable l'objet d'une décision d'habilitation et s'il n'a besoin de les connaître pour l'accomplissement de sa fonction ou de sa mission ».

Pour autant, le respect du principe de séparation des pouvoirs interdit de soumettre des parlementaires à une procédure d’habilitation, laquelle comprend une enquête approfondie afin de « vérifier qu’une personne peut, sans risque pour la défense nationale ou pour sa propre sécurité, connaître des informations ou supports protégés dans l’exercice de ses fonctions  (31)». En effet, en refusant éventuellement l’habilitation d’un parlementaire, le Gouvernement pourrait alors interférer dans le fonctionnement d’une instance parlementaire.

Les règles applicables au secret de la défense nationale (extraits de la circulaire CRIM 2004-18 G1 du Ministère de la justice du 15 novembre 2004)

Le champ d’application « du secret de la défense nationale », aux termes de l’article 413-9 du code pénal, recouvre les renseignements, objets, documents, procédés, données informatisées et fichiers intéressant la défense militaire, la diplomatie, la défense civile, la sécurité intérieure, la protection des activités économiques, environnementales ou industrielles et la protection du patrimoine scientifique et culturel de la France.

La classification des informations est de la seule responsabilité de chaque ministre dans son domaine de compétence. Le Premier ministre est l'autorité compétente pour définir les critères et les modalités des informations classifiés « très secret défense » qui concernent exclusivement les priorités gouvernementales majeures de défense. La décision de classification est matérialisée par l'apposition de tampons ou de marquages bien définis, destinés à traduire un niveau de classification « très secret défense », « secret défense » ou « confidentiel défense ».

L’accès à un document classifié est alors limité aux seules personnes habilitées. Cependant, le fait d’être habilité est une condition nécessaire mais non suffisante pour avoir accès à une information classifiée car il faut de plus que la personne puisse invoquer « le besoin d'en connaître ».

Pour résoudre cette difficulté, le paragraphe V de l’article unique institue donc au bénéfice des membres de la délégation une autorisation à connaître ès qualités d’informations protégées. C’est cette même solution qui avait été retenue pour les membres de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS), dont deux membres sur trois sont parlementaires, et pour ceux de la Commission consultative du secret de la défense nationale, dont deux membres sur cinq sont parlementaires.

En revanche, les agents des assemblées qui constitueront le secrétariat de la future délégation parlementaire devront être autorisés à connaître des informations classifiées. Ils seront soumis à la procédure de droit commun en matière d’habilitation. Si cette procédure présente l’inconvénient de donner à l’exécutif un droit de regard indirect sur les agents désignés par les assemblées (32), elle est nécessaire au fonctionnement pratique de la délégation. Il est en effet indispensable que les membres de son secrétariat puissent également connaître des informations communiquées à la délégation, qu’il s’agisse de documents écrits ou d’auditions. Or, s’agissant de fonctionnaires, cette autorisation ne peut être donnée qu’à l’issue d’une procédure d’habilitation (33).

La contrepartie naturelle de l’habilitation ès qualités des parlementaires est le rappel, par le paragraphe V de l’article unique, des obligations incombant à toute personne ayant eu connaissance d’informations protégées. Les parlementaires seront en effet astreints au respect du secret de la défense nationale et engageront donc leur responsabilité pénale en cas de violation de leurs obligations, en application de l’article 413-10 du code pénal (34).

Cependant, le caractère effectif de cette responsabilité pénale pourrait se heurter à la règle constitutionnelle de l’irresponsabilité des parlementaires pour les opinions émises dans l’exercice de leurs fonctions (35). Certes la jurisprudence a une conception stricte (36) de ce principe qui est étroitement cantonné à des actes accomplis dans l’exercice des fonctions parlementaires. Dans ces conditions, la portée de la responsabilité pénale des membres de la délégation parlementaire sera la suivante :

—  elle sera inexistante pour les actes accomplis dans le strict exercice des fonctions parlementaires. Dans la mesure où les travaux de la délégation sont secrets, il s’agit donc surtout d’une hypothèse d’école. Néanmoins, il ne sera pas possible d’engager une action pénale contre un membre de la délégation qui divulguerait à la tribune de l’Assemblée nationale ou du Sénat des informations confidentielles dont il a eu connaissance ;

—  elle sera donc la règle générale pour l’essentiel des éventuelles « fuites » qui pourraient être provoquées par des membres de la délégation, que ce soit dans un cadre public (articles, réponses à des journalistes, réunions publiques…) ou privé (discussions avec d’autres parlementaires…). Elle pourra également être engagée en cas de divulgation d’une information protégée après la cessation des fonctions de membres de la délégation, pendant toute la durée de vie de la classification(37).

De même que les parlementaires, les agents des assemblées désignés pour assister la délégation seront astreints au respect du secret de la défense nationale pour tous les faits, actes ou renseignement dont ils auront eu connaissance.

Les règles liées au secret de la défense nationale contiennent à la fois une interdiction – celle de communiquer une information classifiée – mais aussi une obligation active, celle d’empêcher toute destruction, détournement, soustraction ou reproduction d’un tel document (38). Autrement dit, la délégation parlementaire devra s’entourer d’un haut niveau de protection de ses locaux et mettre en place des règles de circulation des documents particulièrement strictes.

Initialement, le paragraphe VII de l’article unique prévoyait l’établissement par la délégation d’un rapport annuel remis au Président de la République, au Premier ministre et au Président de chaque assemblée. Dans la mesure où les travaux de la délégation sont couverts par le secret de la défense nationale, la liste des destinataires de ce rapport devait être strictement limitée. Dans l’esprit du texte initial, le rapport établi par la délégation devait en effet être substantiel : éclairée par les documents confidentiels reçus et par les auditions des principaux responsables tenues à huis clos, la délégation serait en mesure de se prononcer sur des questions sensibles (d’éventuelles lacunes capacitaires, l’évaluation de l’efficacité de tel ou tel service…) qui n’ont bien évidemment pas vocation à tomber dans le domaine public.

Le Sénat a choisi une autre option, craignant qu’en l’absence de tout lien avec l’extérieur, l’activité de la délégation ne tombe dans l’oubli, alors même que l’un des objectifs de la création de la délégation est de permettre une meilleure appréhension du monde du renseignement.

Le dispositif a donc été modifié : le rapport sera public, mais sa portée sera strictement limitée puisqu’il s’agira d’un simple rapport d’activité. En effet, comme le montrent les précédents de la commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité ou de la commission consultative du secret de la défense nationale, des organismes ayant à connaître d’informations protégées par le secret de la défense nationale peuvent publier des rapports d’activités, bien évidemment dépourvus de toutes informations protégées. Ainsi, le rapport public de la délégation ne pourra, en aucun cas, faire état d’informations classifiées qui auront été communiquées à la délégation, et devra se limiter à des informations très générales.

Votre rapporteur souhaite néanmoins que la délégation parlementaire ne limite pas son action à la production de ce rapport annuel dont la portée sera limitée. Elle ne devra donc pas s’interdire de faire parvenir aux plus hautes autorités de l’État des rapports confidentiels, mais plus substantiels.

La Commission a été saisie d’un amendement du rapporteur disposant que le rapport public annuel sur l’activité de la Délégation ne pourrait comporter aucune information couverte par le secret défense et prévoyant la possibilité pour la délégation d’adresser des notes ou observations couvertes par le secret de la défense nationale au Président de la République, au Premier ministre ainsi qu’aux Présidents des deux assemblées. Le rapporteur a précisé qu’il modifiait la rédaction de son amendement, en supprimant les dispositions relatives aux notes ou observations couvertes par le secret de la défense nationale, en estimant que, sur ce point précis, l’amendement n° 3 de la commission de la Défense apparaissait plus approprié.

Mme Delphine Batho a indiqué que le premier des amendements du groupe SRC prévoyait l’élaboration d’un rapport non public, la publicité d’un tel document risquant de rendre l’exercice très formel alors que l’absence de publicité paraît plus propice à la mise en place de relations de travail confiantes entre la délégation et les services. Le rapporteur a expliqué que les mêmes raisons l’avaient conduit à une solution différente, consistant à prévoir un rapport public sur l’activité de la délégation et la possibilité d’établir des notes présentant des observations couvertes par le secret de la défense nationale, destinées au pouvoir exécutif.

La commission a adopté cet amendement (amendement n° 9 rectifié) ainsi que l’amendement n° 3 de la commission de la Défense (amendement n° 3).

Le paragraphe VIII concerne le fonctionnement de la délégation parlementaire.

Selon le principe habituel applicable aux délégations parlementaires, les règles de fonctionnement quotidien de la délégation seront établies par un règlement intérieur. Celui-ci devra faire l’objet d’une approbation par les bureaux de l’Assemblée nationale et du Sénat puisque la délégation est bicamérale. Ce règlement intérieur devra prévoir les règles de travail de la délégation, en tenant compte de l’impératif de préservation du secret. Il lui appartiendra de préciser si la délégation doit se doter d’un bureau : compte tenu de son faible effectif, cela ne semble pas indispensable, même si la nomination d’un vice-président n’appartenant pas à la même assemblée que le président semble s’imposer en raison de la nature bicamérale de la délégation.

Enfin, le projet de loi précise que les dépenses de la délégation parlementaire au renseignement, organe de nature parlementaire, sont « financées et exécutées comme dépenses des assemblées parlementaires dans les conditions fixées par l’article 7 » (39).

La Commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 10). Puis elle a adopté l’article unique ainsi modifié.

Après l’article unique

La Commission a été saisie d’un amendement de M. Jérôme Lambert, visant à permettre aux membres de la Délégation d’être destinataires du rapport de la commission de vérification des fonds spéciaux. Le rapporteur a estimé qu’il ne fallait pas confondre une commission administrative avec une délégation parlementaire, la commission de vérification des fonds spéciaux poursuivant une mission de comptabilité publique, avec des vérifications sur pièce et sur place, et non de contrôle de l’activité des services de renseignement. Observant que la commission de vérification des fonds spéciaux est informée de la teneur de certaines activités opérationnelles qui ne seront pas portées à la connaissance de la délégation parlementaire, il a appelé à ne pas confondre les moyens budgétaires dévolus aux services et ceux spécifiquement prévus pour leurs missions opérationnelles. M. Jérôme Lambert a estimé qu’il était regrettable que les parlementaires de la délégation ne puissent pas avoir connaissance des informations détenues par les parlementaires de la commission de vérification des comptes spéciaux. La Commission a rejeté cet amendement.

La Commission a ensuite adopté l’ensemble du projet de loi ainsi modifié, M. Jérôme Lambert faisant part de l’abstention des députés du groupe SRC.

*

* *

En conséquence, la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République vous demande d’adopter le projet de loi, adopté par le Sénat, portant création d'une délégation parlementaire au renseignement (n° 13), modifié par les amendements figurant au tableau comparatif.

TABLEAU COMPARATIF

___

Texte de référence

___

Texte du projet de loi

___

Texte adopté
par le Sénat
en première lecture

___

Propositions
de la Commission

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Projet de loi portant
création
d'une délégation parlementaire pour le
renseignement

Projet de loi portant
création d’une délégation parlementaire au
renseignement

Projet de loi portant
création d’une délégation parlementaire au
renseignement

 

Article unique

Article unique

Article unique

 

Il est inséré dans l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires un article 6 nonies ainsi rédigé :

Dans l’ordonnance ...

... parlementaires, il est inséré un article ...

(Alinéa sans modification)

 

« Art. 6 nonies. —  I. —  Il est constitué une délégation parlementaire pour le renseignement, commune à l’Assemblée nationale et au Sénat. Elle est composée de trois députés et de trois sénateurs.

« Art. 6 nonies. —  I. —  

... parlementaire au renseignement, ...

... de quatre députés et de quatre sénateurs.

« Art. 6 nonies. —  I. —  (Sans modification)

 

« II. —  Les présidents des commissions permanentes compétentes en matière de défense et des lois de chaque assemblée sont membres de droit de la délégation parlementaire pour le renseignement. Ils président successivement la délégation pour une durée d’un an.

« II. —  

... permanentes de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées respectivement des affaires de sécurité intérieure et de défense sont membres de droit de la délégation parlementaire au renseignement. La fonction de président de la délégation est assurée alternativement, pour un an, par un député ou un sénateur, membre de droit.

« II. —  

... un député et un sénateur.

(amendements nos 4 et 5)

 

« Les autres membres de la délégation sont désignés par le président de chaque assemblée de manière à assurer une répartition pluraliste. Le député qui n’est pas membre de droit est désigné au début de chaque législature et pour la durée de celle-ci et le sénateur, après chaque renouvellement partiel du Sénat.

... une représentation pluraliste. Les deux députés qui ne sont pas membres de droit sont désignés au début ...

... celle-ci. Les deux sénateurs sont désignés après ...

(Alinéa sans modification)

 

« III. —  La délégation parlementaire désigne en son sein un rapporteur.

« III. —  Supprimé

« III. —  Maintien de la suppression

 

« IV. —  La délégation parlementaire pour le renseignement est informée sur l’activité générale et sur les moyens des services spécialisés à cet effet placés sous l’autorité des ministres de la défense et de l’intérieur.

« IV. —  Sans préjudice des compétences des commissions permanentes, la délégation parlementaire au renseignement a pour mission de suivre l’activité générale et les moyens ... ... ministres chargés de ...

« IV. —  

... chargés de la sécurité intérieure, de la défense, de l’économie et du budget.

(amendement n° 6 et adoption de l’amendement n° 1 rectifié de la commission de la défense)

 

« Ces ministres adressent à la délégation des informations et des éléments d’appréciation relatifs au budget, à l’activité générale et à l’organisation des services placés sous leur autorité. Ces informations et ces éléments d’appréciation ne peuvent porter sur les activités opérationnelles de ces services, les instructions données par les pouvoirs publics à cet égard et le financement de ces activités. Ils ne peuvent non plus porter sur les relations de ces services avec des services étrangers ou avec des organismes internationaux compétents dans le domaine du renseignement.

« Les ministres mentionnés au premier alinéa du présent IV adressent ...

... porter ni sur ...

... activités, ni sur les échanges avec des services étrangers ...

... services de renseignement placés ...

(amendement n° 7)

 

« Seuls les ministres et les directeurs des services mentionnés au premier alinéa du présent paragraphe ainsi que le secrétaire général de la défense nationale peuvent être entendus par la délégation parlementaire pour le renseignement.

« Le Premier ministre, les ministres, le secrétaire général de la défense nationale et, pour ce qui concerne les agents exerçant ou ayant exercé des fonctions au sein des services mentionnés au premier alinéa du présent IV, seuls les directeurs de ces services peuvent ...

... parlementaire au renseignement.

« La délégation parlementaire au renseignement peut entendre le Premier ministre, les ministres et les directeurs des services mentionnés au premier alinéa, ainsi que toute personne relevant de leur autorité et déléguée par eux.

(amendement n° 8)

Code pénal

Art. 413-9. —  Cf. annexe.

« V. —  Les membres de la délégation sont autorisés ès qualités à connaître des informations ou des éléments d’appréciation définis au IV et protégés au titre de l’article 413-9 du code pénal, à l’exclusion des données dont la communication pourrait mettre en péril l’anonymat, la sécurité ou la vie d’une personne relevant ou non des services intéressés, ainsi que les modes opératoires propres à l’acquisition du renseignement.

« V. —  (Alinéa sans modification)

« V. —  (Sans modification)

 

« Les agents des assemblées parlementaires, désignés par le président de la délégation pour assister les membres de celle-ci, doivent être autorisés, dans les conditions définies pour l’application de l’article 413-9 du code pénal, à connaître des mêmes informations et éléments d’appréciation.

... parlementaires désignés pour assister les membres de la délégation doivent être habilités, dans ...

 
 

« VI. —  Les travaux de la délégation parlementaire pour le renseignement sont couverts par le secret de la défense nationale.

« VI. —  

... parlementaire au renseignement ...

« VI. —  (Sans modification)

 

« Les membres de la délégation et les agents des assemblées mentionnés au V sont astreints au respect du secret de la défense nationale pour les faits, actes ou renseignements dont ils ont pu avoir connaissance en ces qualités.

(Alinéa sans modification)

 
 

« VII. —  Un rapport annuel est remis par le président de la délégation au Président de la République, au Premier ministre et au président de chaque assemblée.

« VII. —  Chaque année, la délégation établit un rapport public dressant le bilan de son activité. Il est remis par ...

« VII. —  

... activité, qui ne peut faire état d’aucune information ni d’aucun élément d’appréciation protégés par le secret de la défense nationale.

(amendement n° 9 rectifié)

« Dans le cadre de ses travaux, la délégation peut adresser des recommandations et des observations au Président de la République et au Premier ministre. Elle les transmet au président de chaque assemblée.

(adoption de l’amendement n° 3 rectifié de la commission de la défense)

 

« VIII. —  La délégation parlementaire pour le renseignement établit son règlement intérieur. Celui-ci est soumis à l’approbation du bureau de chaque assemblée. »

« VIII. —  

... parlementaire au renseignement ...

« VIII. —  (Alinéa sans modification)

Ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des
assemblées parlementaires

Art. 7. —  Cf. annexe.

 

« Ses dépenses sont financées et exécutées comme dépenses des assemblées parlementaires dans les conditions fixées par l’article 7. »

« Les dépenses afférentes au fonctionnement de la délégation sont ... 

(amendement n° 10)

ANNEXE AU TABLEAU COMPARATIF

Code pénal 52

Art. 413-9.

Ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires 52

Art. 7.

Code pénal

Art. 413-9. —  Présentent un caractère de secret de la défense nationale au sens de la présente section les renseignements, procédés, objets, documents, données informatisées ou fichiers intéressant la défense nationale qui ont fait l’objet de mesures de protection destinées à restreindre leur diffusion.

Peuvent faire l’objet de telles mesures les renseignements, procédés, objets, documents, données informatisées ou fichiers dont la divulgation est de nature à nuire à la défense nationale ou pourrait conduire à la découverte d’un secret de la défense nationale.

Les niveaux de classification des renseignements, procédés, objets, documents, données informatisées ou fichiers présentant un caractère de secret de la défense nationale et les autorités chargées de définir les modalités selon lesquelles est organisée leur protection sont déterminés par décret en Conseil d’État.

Ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958
relative au fonctionnement des assemblées parlementaires

Art. 7. —  Chaque assemblée parlementaire jouit de l’autonomie financière.

Les crédits nécessaires au fonctionnement des assemblées parlementaires font l’objet de propositions préparées par les questeurs de chaque assemblée et arrêtées par une commission commune composée des questeurs des deux assemblées. Cette commission délibère sous la présidence d’un président de chambre à la Cour des comptes désigné par le premier président de cette juridiction. Deux magistrats de la Cour des comptes désignés par la même autorité assistent à la commission ; ils ont voix consultative dans ses délibérations.

Les propositions ainsi arrêtées sont inscrites au projet de loi budgétaire auquel est annexé un rapport explicatif établi par la commission mentionnée à l’alinéa précédent.

AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION

Article unique

Amendements présentés par M. Julien Dray et les commissaires membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche :

•  Rédiger ainsi les alinéas 2 à 15 de cet article.

« Art. 6 nonies. —  I. —  Il est constitué une délégation au renseignement chargée de suivre et d’évaluer les activités des services qui concourent au renseignement, en examinant leur organisation et leurs missions générales, leurs compétences et leurs moyens, afin d’assurer, dans les conditions prévues au présent article, l’information de leur assemblée respective.

« II. —  La délégation au renseignement comprend huit membres, désignés par le président de chaque assemblée. La moitié de ces membres au moins est choisie au sein des commissions chargées respectivement des affaires de défense et de sécurité intérieure. Une répartition pluraliste est assurée.

« Le président et le rapporteur de la délégation sont désignés annuellement de manière à assurer une répartition pluraliste.

« III. —  Les députés sont désignés au début de la législature et pour la durée de celle-ci. Les sénateurs sont désignés après chaque renouvellement du Sénat.

« IV. —   La délégation au renseignement recueille les informations utiles à l’accomplissement de sa mission.

« Elle entend le Premier ministre, le secrétaire général de la défense nationale, les membres du Gouvernement, les directeurs des services qui concourent au renseignement ou toute autre personne placée sous leur autorité et déléguée par eux.

« Sur décision de ses membres, elle entend également toute personne étrangère aux services susceptible d’éclairer ses travaux.

« V. —  Les membres des délégations sont autorisés ès qualités à connaître des informations ou des éléments d’appréciation protégés au titre de l’article 413-9 du code pénal.

« Les agents des assemblées parlementaires désignés pour assister les membres des délégations au renseignement doivent être habilités, dans les conditions définies pour l’application de l’article 413-9 du code pénal, à connaître des mêmes informations et éléments d’appréciation.

« VI. —  Les travaux de la délégation au renseignement sont couverts par le secret de la défense nationale.

« Les membres de la délégation et les agents des assemblées mentionnés au V sont astreints au respect du secret de la défense nationale pour les faits, actes ou renseignements dont ils ont pu avoir connaissance en ces qualités.

« VII. —  La délégation au renseignement établit au moins une fois par an un rapport dressant le bilan de ses activités. Ce rapport est remis par le président de la délégation au Président de la République, au Premier ministre et au président de chaque assemblée.

« VIII. —  La délégation au renseignement établit son règlement intérieur. Celui-ci est soumis à l’approbation du Bureau de chaque assemblée.

« Les dépenses de la délégation sont financées et exécutées comme dépenses des assemblées parlementaires dans les conditions fixées par l’article 7 ci-après. »

•  Substituer à l’alinéa 3 de cet article les deux alinéas suivants :

« II. —  La moitié des membres de la délégation au moins est choisie au sein des commissions chargées respectivement des affaires de défense et de sécurité intérieure, de manière à assurer une répartition pluraliste.

« Le président et le rapporteur de la délégation sont désignés annuellement de manière à assurer une répartition pluraliste. »

•  Substituer à l’alinéa 8 de cet article les trois alinéas suivants :

« La délégation au renseignement recueille les informations utiles à l’accomplissement de sa mission.

« Elle entend le Premier ministre, le secrétaire général de la défense nationale, les membres du Gouvernement, les directeurs de ces services ou toute autre personne placée sous leur autorité et déléguée par eux.

« Sur décision de ses membres, elle entend également toute personne étrangère aux services susceptible d’éclairer ses travaux. »

Amendement n° 2 présenté par M. Yves Fromion, rapporteur au nom de la commission de la défense saisie pour avis :

Rédiger ainsi l’alinéa 8 de cet article :

« La délégation peut entendre le Premier ministre, les ministres et le secrétaire général de la défense nationale. S’agissant des agents exerçant ou ayant exercé des fonctions au sein des services mentionnés au premier alinéa, seuls les directeurs de ces services peuvent être entendus. »

Après l’article unique

Amendement présenté par M. Julien Dray et les commissaires membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche :

Insérer l’article suivant :

« Dans le second alinéa du VI de l’article 154 de la loi de finances pour 2002 (n° 2001-1275 du 28 décembre 2001), après les mots : "Premier ministre", sont insérés les mots : ", à la délégation parlementaire au renseignement". »

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
PAR LE RAPPORTEUR

Services du Premier ministre :

Secrétariat général de la défense nationale (SGDN) :

– M. Francis DELON, secrétaire général de la défense nationale

– Mme Agnès DELÉTANG, conseiller pour les affaires juridiques et européennes

Ministère de l’Intérieur :

Direction de la surveillance du territoire (DST) :

– M. Pierre de BOUSQUET, directeur (jusqu’au 17 juillet 2007)

– M. Bernard SQUARCINI, directeur (à partir du 17 juillet 2007)

– M. Thierry MATTA, sous-directeur

Direction centrale des renseignements généraux (DCRG) :

– M. Joël BOUCHITÉ, directeur central

Ministère de la Défense :

Direction générale de la sécurité extérieure :

– M. Pierre BROCHAND, directeur général

Ministère du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique :

Direction générale des douanes et droits indirects :

– M. Jérôme FOURNEL, directeur général

– M. Gérard SCHOEN, sous-directeur, chargé des affaires juridiques, contentieux, contrôle et les luttes contre la fraude

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