N° 99 - Rapport de M. Philippe Cochet sur: - le projet de loi , adopté, par le Sénat, autorisant la ratification de l'accord de dialogue politique et de coopération entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et la Communauté andine et ses pays membres (Bolivie, Colombie, Équateur, Pérou et Venezuela), d'autre part (n°14) - le projet de loi , adopté par le Sénat, autorisant la ratification de l'accord de dialogue politique et de coopération entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et les Républiques du Costa Rica, d'El Salvador, du Guatemala, du Honduras, du Nicaragua et du Panama, d'autre part (n°17)




N
° 99

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18 juillet 2007.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR :

- LE PROJET DE LOI, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de l’accord de dialogue politique et de coopération entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la Communauté andine et ses pays membres (Bolivie, Colombie, Équateur, Pérou et Venezuela), d’autre part,

et

- LE PROJET DE LOI, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de l’accord de dialogue politique et de coopération entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et les Républiques du Costa Rica, d’El Salvador, du Guatemala, du Honduras, du Nicaragua et du Panama, d’autre part,

par M. Philippe COCHET,

Député

Voir les numéros  :

Sénat : 72, 165 et T.A. 73 ; 73, 166 et T.A. 74 (2006-2007).

Assemblée nationale : 14, 17

INTRODUCTION 5

I – LES ACCORDS DE DIALOGUE POLITIQUE ET DE COOPÉRATION:
UNE ETAPE VERS LA CONCLUSION D’ACCORDS D’ASSOCIATION
7

A – UNE COOPÉRATION RENFORCÉE SUR DES SUJETS D’INTÉRÊT COMMUN 7

1) Le champ d’application très vaste des deux accords de dialogue politique et de coopération 7

2) La perspective de la conclusion d’accords d’association 8

B – LE SOUTIEN APPORTÉ PAR L’UNION EUROPÉENNE AUX PROCESSUS D’INTÉGRATION RÉGIONALE 9

1) La Communauté andine des nations (CAN) 9

2) L’Amérique centrale 10

II – CES ACCORDS INTERNATIONAUX S’INSCRIVENT DANS LE CADRE PLUS LARGE D’UN "PARTENARIAT STRATEGIQUE" ENTRE L’UNION EUROPEENNE ET L’AMÉRIQUE LATINE 11

A – LES ÉTAPES DU PARTENARIAT STRATÉGIQUE ENTRE L’UNION EUROPÉENNE ET L’AMÉRIQUE LATINE 11

1) Le Sommet de Rio (1999) 11

2) Le Sommet de Madrid (2002) 12

3) Le Sommet de Guadalajara (2004) 12

4) Le Sommet de Vienne (2006) 13

B – LES ENJEUX DE CE PARTENARIAT 13

1) Pour l’Europe 13

2) Pour la France 14

CONCLUSION 17

EXAMEN EN COMMISSION 19

Mesdames, Messieurs,

L’Assemblée nationale est saisie de deux projets de loi autorisant la ratification de deux accords de dialogue politique et de coopération entre l’Union européenne et des régions d’Amérique du Sud. L’un concerne la Communauté andine et ses pays membres; l’autre s’adresse à six Etats d’Amérique centrale.

Ces deux accords internationaux font l’objet d’un rapport commun en raison du caractère identique de leurs stipulations. Signés à Rome le 15 décembre 2003, ils ont vocation à se substituer aux accords-cadre en vigueur avec ces pays depuis 1998.

Jugeant prématurée la négociation d’accords d’association incluant l’établissant d’une zone de libre échange, l’Union européenne avait souhaité s’en tenir, en 2003, à des accords de dialogue politique et de coopération excluant tout volet commercial. Depuis lors, la situation a évolué puisque des négociations ont finalement été lancées en juin dernier en vue de l’élaboration de tels accords d’association.

Dans ce contexte, les accords de dialogue politique et de coopération soumis à ratification sont une étape vers la conclusion d’accords d’association plus ambitieux. Ces deux accords internationaux s’inscrivent dans le cadre plus large d’un « partenariat stratégique » entre l’Union européenne et l’Amérique latine.

I – LES ACCORDS DE DIALOGUE POLITIQUE ET DE COOPÉRATION: UNE ETAPE VERS LA CONCLUSION D’ACCORDS D’ASSOCIATION

A – Une coopération renforcée sur des sujets d’intérêt commun

Ces deux accords internationaux concernent le dialogue politique et la coopération mais ne comportent pas de volet de libéralisation commerciale. L’intensification du dialogue politique et de coopération doit seulement créer les conditions qui, dans le prolongement des négociations commerciales internationales engagées dans le cadre du cycle de Doha, permettront le moment venu la conclusion d’accords d’association.

1) Le champ d’application très vaste des deux accords de dialogue politique et de coopération

Ces deux accords internationaux trouvent leur origine lors du Sommet Union européenne – Amérique latine qui s’est tenu à Madrid en mai 2002. Signés à Rome le 15 décembre 2003, ils ont vocation à se substituer aux accords-cadre de coopération signés en 1993 et entrés en vigueur en 1998.

Ils visent essentiellement ;

– à renforcer les relations UE-Communauté andine et UE-Amérique centrale par l’intensification du dialogue politique et l’intensification de la coopération ;

– à créer les conditions permettant la négociation de futurs accords d’association avec les régions concernées pour aboutir à la création de zones de libre-échange créant des droits et des obligations pour les parties concernées.

Chacun des deux accords de dialogue politique et de coopération s’articule autour de quatre parties :

– la définition des principes, des objectifs et du champ d’application de l’accord, fondé sur le respect des principes démocratiques et la promotion de l’Etat de droit ;

– le renforcement du dialogue politique, à tous les niveaux : chefs d’Etat ou de gouvernement, ministres et fonctionnaires. Les accords mentionnent également la contribution des organisations de la société civile au processus de coopération ;

– le renforcement de la coopération dans un certain nombre de domaines (droits de l’homme, prévention des conflits, modernisation de l’Etat, intégration régionale, commerce, économie, éducation, environnement, culture, santé, lutte contre la drogue, lutte contre le blanchiment de capitaux, immigration, lutte contre le terrorisme). En matière d’immigration, les deux accords comportent une clause de réadmission qui prévoit que les pays d’Amérique centrale et ceux de la Communauté andine acceptent de réadmettre tous leurs ressortissants illégalement présents sur le territoire d’un Etat membre de l’Union européenne, à la demande de ce dernier et sans autres formalités. L’Union européenne et ses Etats membres sont liés par la même obligation ;

– les dispositions générales et finales, relatives notamment à l’entrée en vigueur de l’accord.

2) La perspective de la conclusion d’accords d’association

Sans attendre l’entrée en vigueur de ces accords de dialogue politique et de coopération, les négociations viennent d’être lancées entre l’Union européenne et les pays d’Amérique centrale d’une part, et la Communauté andine des nations d’autre part, en vue de la conclusion d’accords d’association. Des négociations – difficiles – étant par ailleurs ouvertes depuis plusieurs années entre les Européens et le Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay et Venezuela) en vue d’un accord d’association interrégional, c’est désormais la quasi totalité des pays d’Amérique latine qui devrait, à terme, être liée à l’Union européenne par des accords d’association.

Les négociations entre l'Union européenne et la Communauté andine en vue d'un accord d'association global entre les deux régions ont en effet été ouvertes le 14 juin 2007 à Tarija (Bolivie) lors de la 17ème réunion des présidents de la Communauté andine. L'accord d'association est conçu comme un accord global, couvrant tout l'éventail des relations multidimensionnelles entretenues par l'Union européenne avec la Communauté andine. Il a pour objectif de renforcer le dialogue politique, d'intensifier et d'améliorer la coopération dans de très nombreux domaines et de renforcer et de faciliter les échanges et les investissements entre les deux régions. La Commission européenne négociera cet accord au nom de l'Union européenne.

Il en est de même avec les pays d’Amérique centrale. Le feu vert aux négociations en vue d'un accord d'association global à été donné le 29 juin 2007 lors d'une réunion de haut niveau entre la Commission européenne et des représentants des pays d'Amérique centrale. L'accord sera négocié avec le Costa Rica, le Salvador, le Guatemala, le Honduras et le Nicaragua (1).

La situation originale du Nicaragua vaut d’être soulignée : en effet, revenu au pouvoir en novembre 2006, le président et ex-révolutionnaire sandiniste Daniel Ortega a depuis intégré son pays dans l’Alternative bolivarienne pour les Amériques (ALBA) créée par le Venezuela d’Hugo Chavez et Cuba, rejoints par la Bolivie d’Evo Morales pour faire échec au libre-échange « impérialiste » prôné par les Etats-Unis. Dans une récente interview, accordée le 28 juin dernier au quotidien officiel cubain Granma, Fidel Castro accusait l’Union européenne de « proposer à l’Amérique latine des traités de libre-échange encore pires que ceux de Washington ». Or le Nicaragua du Président Ortega, qui avait dédié sa victoire électorale à Fidel Castro, est non seulement en négociation d’association avec l’Union européenne mais est également membre du CAFTA (Central American Free Trade Agreement), l’accord de libre-échange signé en 2004 entre les Etats-Unis et cinq pays d’Amérique centrale.

B – Le soutien apporté par l’Union européenne aux processus d’intégration régionale

Les actions de coopération engagées par l’Union européenne et ses Etats membres sont largement axées sur le renforcement de l'intégration régionale, considérée comme le meilleur moyen de contribuer au développement. Les présents accords mentionnent ainsi explicitement l’objectif d’ « approfondir le processus d’intégration régionale (…) afin de contribuer au développement social, politique et économique, et notamment au renforcement des capacités de production et d’exportation ».

1) La Communauté andine des nations (CAN)

Quatre pays sont actuellement membres de la Communauté andine des nations : la Bolivie, la Colombie, le Pérou et l’Equateur. Cinq Etats disposent d’un statut de membre associé : l’Argentine, le Brésil, le Chili, le Paraguay et l’Uruguay. Le Mexique et Panama sont observateurs.

L’Union européenne a soutenu le processus andin d’intégration régionale depuis la naissance de la CAN en 1969 avec la signature de l’accord de Cartagena établissant le « Pacte andin », devenu par la suite la Communauté andine grâce au protocole de Trujillo de 1996. Cette même année, le dialogue politique a été entamé, dans le cadre de la déclaration de Rome, avec l’organisation régulière de réunions politiques au plus haut niveau.

L’Union européenne est le deuxième partenaire commercial de la Communauté andine et représente 12,3 % du total des échanges commerciaux de celle-ci. Cependant, la CAN ne pèse que pour 0,8 % des échanges commerciaux de l’Union. La Communauté andine est la première région latino-américaine à avoir bénéficié de l’aide au développement de l’Union européenne, le premier accord de coopération régionale ayant été signé en 1983. Le montant des aides octroyées par l’Union européenne pour la période 2007-2013 devrait s’élever à 713 millions d’euros.

Le retrait du Venezuela (2), parti rejoindre le Mercosur, a profondément déstabilisé la CAN où coexistent des étatistes, promoteurs de la révolution bolivarienne (Bolivie et Equateur) avec des partisans du libéralisme économique et du libre échangisme (Colombie et Pérou). Dans ce contexte, le pas franchi par l’Union européenne en annonçant le lancement, même sans calendrier, de la négociation d’un accord d’association pourrait être interprété comme un acte politique favorisant la survie de la CAN.

2) L’Amérique centrale

L’élément fondateur des relations entre l’Union européenne et l’Amérique centrale est le dialogue de San José, forum de discussion politique lancé en 1984 dont le but principal est d’aider à résoudre les conflits, la démocratisation et le développement. Ce dialogue a été reconduit à Florence (1996) et à Madrid (2002) et étendu aux questions d’intégration régionale, de sécurité, d’environnement et de catastrophes naturelles et de concertation politique sur les sujets internationaux. Il est important de souligner combien ce dialogue a joué un rôle important, au début des années 90, dans l’avènement de la paix et le rétablissement de la démocratie dans cette région du monde.

L’Union européenne est le deuxième partenaire commercial de la région centraméricaine avec 10% du total des échanges commerciaux, derrière les Etats-Unis qui représentent 43 % du total. Pour l’Union européenne, ces échanges ne représentent en revanche que 0,4 % de son volume total.

La coopération de l’Union européenne avec l’Amérique centrale se traduit par d’importants programmes de promotion des droits de l’homme et de la démocratie, de développement des petites et moyennes entreprises, de réduction de la pauvreté, de protection de l’environnement et d’aide au développement rural. Le 29 juin dernier, à l’occasion du lancement des négociations d’un accord d’association, Mme Benita Ferrero-Waldner, commissaire européenne aux Relations extérieures déclarait que « la stratégie de coopération avec l’Amérique centrale constitue l’une des réponses de la Commission européenne pour aider les pays de la région à faire face au double défi de l’intégration régionale et de la cohésion sociale ». Pour répondre à cet objectif, la Commission a prévu d’augmenter de 2 5% le montant des aides à la région, qui s’élèveront à 840 millions d’euros pour la période 2007-2013.

II – CES ACCORDS INTERNATIONAUX S’INSCRIVENT DANS LE CADRE PLUS LARGE D’UN " PARTENARIAT STRATEGIQUE " ENTRE L’UNION EUROPEENNE ET L’AMÉRIQUE LATINE

Indépendamment de la coopération ponctuelle entre l’Union européenne et chaque pays ou groupe de pays latino-américains, la politique globale s’inscrit actuellement dans le cadre d’un « partenariat stratégique » entre l’Union européenne et l’Amérique latine.

A – Les étapes du partenariat stratégique entre l’Union européenne et l’Amérique latine

Ce n’est qu’à partir de la fin des années 80 que les liens entre l’Union européenne et l’Amérique du Sud ont été véritablement perçus comme stratégiques, au moment de la vague de démocratisation qui a touché plusieurs pays de la région, mais aussi sous la pression de l’Espagne et du Portugal qui ont rejoint la Communauté européenne en 1986.

Ce partenariat stratégique a été formellement lancé en 1999 avec la tenue à Rio de Janeiro du premier Sommet Union européenne – Amérique latine et Caraïbes. Les sommets suivants de Madrid (2002), Guadalajara (2004) et Vienne (2006) ont permis de préciser les termes de ce partenariat qui a fait l’objet d’une communication spécifique de la Commission européenne en 2005 (3).

1) Le Sommet de Rio (1999)

Fruit d’une initiative franco-espagnole, le premier Sommet Union européenne -Amérique latine de Rio a jeté, en 1999, les bases d’un partenariat stratégique entre les deux régions. L’Union européenne et l’Amérique latine se sont engagées à établir une relation forte dans les domaines politique, économique et culturel (4).

Dans cette perspective, la Commission européenne a fixé plusieurs objectifs à plus ou moins long terme, tels que :

– la mise en place d'un réseau d'accords d'association, y compris de libre-échange, avec l'objectif principal d'approfondir l'intégration de la région ;

– l'établissement de dialogues politiques qui soutiendront l'influence des deux partenaires sur la scène internationale ;

– le développement de dialogues sectoriels visant à réduire les inégalités sociales et à promouvoir le développement durable ;

– le renforcement du cadre permettant aux pays latino-américains d'attirer davantage les investissements européens au profit du développement économique ;

– une meilleure adaptation de l'aide et de la coopération aux besoins des pays ;

– l'amélioration de la compréhension mutuelle au moyen de l'éducation et de la culture.

2) Le Sommet de Madrid (2002)

Le Sommet de Madrid de mai 2002 a poursuivi l’approfondissement de relations économiques et de coopération et décidé d’intensifier le dialogue politique engagé à Rio.

C’est ainsi la déclaration adoptée à Madrid qui a donné un mandat politique pour négocier les deux accords de dialogue politique et de coopération avec la Communauté andine et avec les pays d’Amérique centrale, tandis qu’un accord d’association était conclu avec le Chili.

3) Le Sommet de Guadalajara (2004)

Le troisième sommet s’est déroulé les 27 et 28 mai 2004 à Guadalajara, au Mexique, en présence pour la première fois des représentants des dix nouveaux Etats membres de l’Union. Ce sommet fut consacré à deux thèmes transversaux : le multilatéralisme et la cohésion sociale.

Le protectionnisme des nations industrielles, les subventions à l’exportation des produits agricoles, l’insuffisance des aides publiques au développement, le renforcement du blocus contre Cuba et la loi Helms Burton ont été dénoncés par des délégués latino-américains, notamment par les représentants de Cuba et avec plus de modération par ceux du Venezuela et du Brésil.

Le Sommet a finalement débouché sur une Déclaration conjointe réaffirmant l’engagement des 59 pays en faveur de l’intégration régionale, leur attachement au système des Nations Unies, aux règles commerciales multilatérales et à la dimension sociale des politiques économiques.

4) Le Sommet de Vienne (2006)

Lors de ce dernier sommet, marqué par la participation du nouveau président Bolivien M. Evo Morales, les participants ont insisté sur:

– le multilatéralisme : soutien au système de l'ONU, au désarmement, à la gouvernance, à la lutte contre le terrorisme, les narcotrafiquants, la criminalité organisée, etc.;

– la cohésion sociale : lutte contre l'exclusion sociale par le biais de politiques sociales efficaces, de crédits accrus et d'échange d'expériences;

– la relation bi-régionale : encouragement à la poursuite des négociations de l’accord d’association avec le Mercosur, développement de la libéralisation commerciale, solution juste et durable au problème de la dette, soutien à l'intégration régionale, coopération bi-régionale accrue dans des matières comme l'environnement, l'énergie et les migrations; accroissement des initiatives dans les domaines de l'éducation, de la culture, de la science et de la technologie.

C’est à l’occasion de ce Sommet de Vienne que la décision de principe a été prise en vue de la négociation d’accords d’association avec les pays d’Amérique centrale et ceux de la Communauté andine.

B – Les enjeux de ce partenariat

1) Pour l’Europe

« L’Europe est le premier investisseur en Amérique latine, le deuxième partenaire commercial, l’Europe est également un partenaire culturel essentiel, mais la tradition me semble beaucoup plus fortement exprimée aujourd’hui qu’elle ne l’était ces derniers temps. Il y a un vrai besoin d’Europe exprimé par l’ensemble des Chefs d’Etat ou de Gouvernement, des représentants des peuples latino-américains et de la Caraïbe ». En s’exprimant en ces termes le 12 mai 2006 à l’issue du 4e Sommet Union européenne – Amérique latine et Caraïbes de Vienne, M. Jacques Chirac, alors président de la République, avait insisté sur les enjeux d’un rapprochement entre nos deux continents.

Bénéficiant d’une forte proximité historique et linguistique avec l’Europe, l’Amérique latine constitue pour l’Union européenne un partenaire privilégié. Or bien que l’Europe soit le premier investisseur étranger en Amérique latine, les Etats-Unis et l’Asie – notamment la Chine, qui investit massivement dans les infrastructures – y jouent un rôle croissant. La visibilité de l’Union européenne en Amérique latine demeure trop faible, et vice-versa.

Malgré un accroissement significatif des flux commerciaux entre les deux régions au cours des quinze dernières années en chiffres absolus, le potentiel de croissance des échanges entre notre deux continents est insuffisamment exploité. En effet, le dynamisme du début des années 1990 a désormais fait place à une perte de vitesse relative de l’Union européenne. Dans sa communication de 2005, la Commission européenne relève que tant la part des exportations européennes en Amérique latine que le volume de nos investissements ont régressé au cours des dernières années.

Or depuis les attentats du 11 septembre 2001, l’intérêt des Etats-Unis pour l’Amérique latine paraît décliner au profit du Proche-Orient. Pendant longtemps considérée comme le « pré carré » américain, l'Amérique latine cherche en effet à sortir de la « dépendance » américaine, comme en témoignent les bouleversements récents constatés sur l’échiquier politique Sud-américain.

Sans sous-estimer l’influence réelle qui reste celle des Etats-Unis
– l’américanisation des sociétés des pays d’Amérique latine est une réalité qui se vérifie notamment à travers les habitudes de consommation, les unités de mesures, les programmes audiovisuels, les modèles d’urbanisation, etc. – les Européens ont une carte à jouer en Amérique latine.

L’influence grandissante de pays émergents tels que le Brésil et le Mexique, la richesse de la région en matières premières et la place croissante de l’Amérique latine dans l’approvisionnement de l’Union en produits agricoles sont autant de raisons de renforcer le partenariat euro-latinoaméricain.

Mais au-delà du seul volet économique et commercial, il s’agit aussi pour l'Union européenne de promouvoir les droits de l'homme, la démocratie et le multilatéralisme. À ce titre, des organisations internationales comme les Nations unies et l'Organisation mondiale du commerce constituent des cadres privilégiés à l’intérieur desquels l’Union européenne peut contribuer à sa manière au renforcement de la stabilité et de la sécurité dans cette région du monde.

2) Pour la France

La France a tout intérêt à l’approfondissement du partenariat stratégique entre l’Union européenne et l’Amérique latine. Il s’agit certes d’intensifier nos échanges économiques et commerciaux, mais également d’œuvrer au rapprochement de nos cultures.

Notre pays figure parmi les premiers investisseurs étrangers
– généralement derrière les Etats-Unis et l’Espagne – dans de nombreux Etats d’Amérique du Sud. Ainsi en Colombie, la France est le troisième investisseur et le premier employeur étranger. En Argentine, la France est à la même place, avec un stock d’investissements supérieurs à dix milliards de dollars et, bien qu’un désengagement soit en cours, les entreprises françaises ont été au premier rang des services publics privatisés et ont développé une place importante dans les secteurs industriels (tels que l’automobile et les services). Au Brésil, la France représente près de 10 % des stocks d’investissements étrangers. Enfin, au Venezuela, notre pays est le deuxième investisseur (après les Etats-Unis mais avant l’Espagne). Les entreprises françaises sont bien implantées, notamment dans des secteurs clé comme celui de l’énergie.

S’agissant du volet relatif au rayonnement culturel et scientifique, l’entrée en vigueur des deux accords de dialogue politique et de coopération soumis à ratification devrait favoriser le développement d’initiatives au service de la promotion de la diversité culturelle : traductions d’œuvres littéraires, mise en valeur du patrimoine culturel, apprentissage des langues, etc. Notre pays, à l’origine de la Convention de l’Unesco sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, devra ainsi prendre toute sa part à la concrétisation de cette ambition.

CONCLUSION

S’agissant de l’accord de dialogue politique et de coopération avec la Communauté andine, les procédures de ratification sont achevées dans tous les Etats parties à l’exception de la Colombie, du Pérou, de la Belgique, de l’Allemagne, de la Grèce et de la France.

S’agissant de l’accord politique et de coopération avec six pays d’Amérique centrale, les procédures de ratification sont achevées dans tous les Etats parties à l’exception du Costa Rica, de la Belgique, de l’Allemagne, de la Grèce et de la France.

Votre rapporteur recommande l’adoption de ces deux projets de loi de ratification. En effet, dans l’attente de la conclusion des négociations qui viennent de s’ouvrir sur la création à terme de zones de libre-échange, l’entrée en vigueur de ces deux accords permettra de renforcer les échanges entre nos continents, au service du développement économique et du progrès social, et en faveur de la promotion de valeurs communes.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission a examiné les deux présents projets de loi au cours de sa deuxième séance du mercredi 18 juillet 2007.

Après l’exposé du rapporteur, un débat a eu lieu.

Le Président Axel Poniatowski, estimant tout à fait opportun d’approuver ces deux projets de loi de ratification, s’est néanmoins déclaré préoccupé de l’évolution de certains pays d’Amérique latine sur le plan des droits de l’homme. Il s’est inquiété d’un recul de la démocratie dans des Etats de plus en plus défaillants, qui sont la proie de réseaux narcotiques et de systèmes de gangs. Il a déclaré ne pas partager la vision optimiste que décrivent certains sur l’évolution de l’Amérique latine.

M. Jean-Jacques Guillet a regretté que le Venezuela se soit retiré de la convention, s’excluant ainsi du dispositif de dialogue politique. Soulignant l’importance de la présence française dans nombre de pays d’Amérique du Sud – en particulier au Venezuela, en Colombie, au Brésil, en Argentine et au Chili – il a plaidé en faveur de structures de dialogue politique plus ambitieuses que celles prévues à l’article 4 des deux conventions. Il a souhaité que se développe la dimension parlementaire du dialogue politique avec l’Amérique latine, constatant avec regret que ces conventions ne mentionnent pas l’instrument parlementaire.

M. Jean-Paul Lecoq a déploré la prédominance des questions économiques dans le champ d’application des deux conventions, par rapport à des sujets tels que les échanges d’étudiants ou les questions sociales de santé, qui sont généralement le parent pauvre des accords internationaux. Or c’est en progressant dans cette voie que l’on contribuera à éviter les délocalisations des entreprises françaises et européennes. Par ailleurs, il a demandé au rapporteur dans quelle mesure les départements français d’Outre-mer situés dans cette partie du monde pourraient jouer un rôle de relais en contribuant à l’approfondissement de ce dialogue politique avec l’Amérique du Sud.

En réponse aux différents intervenants, le rapporteur a indiqué que la création récente de l’Assemblée parlementaire « Eurolat », qui réunit des députés européens et nationaux avec des députés d’Amérique latine, soulignait la prise en compte de la nécessaire dimension parlementaire du partenariat stratégique entre l’Union européenne et l’Amérique latine. Il a ensuite informé les membres de la commission qu’il s’était entretenu ce jour avec M. Rodrigo Chaves, vice–ministre vénézuélien des Relations extérieures chargé de l’Europe, qui lui a fait part de la volonté des autorités de vénézuéliennes d’intensifier le dialogue politique avec la France. Malgré un contexte politique qui est parfois difficile à suivre, il existe en Amérique latine une forte attente à l’égard de notre pays, en particulier sur le plan économique. En réponse à l’observation de M. Jean-Paul Lecoq, le rapporteur a mis en avant l’étendue du champ d’application des deux conventions, qui s’inscrit bien au-delà des questions strictement économiques. Il a enfin estimé qu’il fallait prendre en compte, dans le cadre d’une vision globale de nos relations avec l’Amérique latine, la proximité géographique de certains de notre départements d’Outre-mer avec des pays de cette régions du monde.

Suivant les conclusions du rapporteur, la commission a adopté le projet de loi (no 14) ainsi que le projet de loi (n° 17).

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* *

La commission vous demande donc d’adopter, dans les conditions prévues à l’article 128 du Règlement, les deux présents projet de loi.

NB : Le texte des accords figure en annexe aux projets de loi (n° 14 et n° 17).

© Assemblée nationale