N° 104 - Rapport de M. Jean-Paul Dupré sur: - le projet de loi , adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord de coopération entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Etats-Unis du Mexique en vue de lutter contre l'usage et le trafic illicites de stupéfiants et de substances psychotropes (n°16) - le projet de loi , adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord de coopération mutuelle entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Etats-Unis du Mexique pour l'échange d'informations relatives à des opérations financières effectuées par l'entremise d'institutions financières pour prévenir et combattre les opérations provenant d'activités illicites ou de blanchiment d'argent (n°19)




N
° 104

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 24 juillet 2007.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR :

- LE PROJET DE LOI, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord de coopération entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des États-Unis du Mexique en vue de lutter contre l’usage et le trafic illicites de stupéfiants et de substances psychotropes,

et

LE PROJET DE LOI, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord de coopération mutuelle entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des États-Unis du Mexique pour l’échange d’informations relatives à des opérations financières effectuées par l’entremise d’institutions financières pour prévenir et combattre les opérations provenant dactivités illicites ou de blanchiment d’argent,

par M. Jean-Paul DUPRÉ,

Député

Voir les numéros :

Sénat : 238, 320 (2003-2004) et T.A. 12 (2004-2005) ; 35, 197 et T.A. 85 (2004-2005).

Assemblée nationale : 16, 19.

INTRODUCTION 5

I – LE RENFORCEMENT DE LA COOPÉRATION FRANCO-MEXICAINE EN MATIÈRE DE LUTTE CONTRE L’USAGE ET LE TRAFIC DE STUPÉFIANTS 7

A. – LE MEXIQUE AU CœUR DE LA « GUERRE À LA DROGUE » 7

1) Le Mexique à la croisée des chemins de la drogue 7

2) L’engagement des autorités mexicaines dans la lutte contre le trafic de stupéfiants 9

B. – LE PRÉSENT ACCORD POSE LES JALONS D’UNE COOPÉRATION FRANCO-MEXICAINE RENFORCÉE EN MATIÈRE DE LUTTE CONTRE LE TRAFIC DE STUPÉFIANTS 10

1) Des efforts de coopération anciens 10

2) L’accord pose les bases juridiques de cette coopération 11

3) Il prévoit également des capacités opérationnelles renforcées 12

II – UNE DÉMARCHE COMPLETÉE PAR L’INSTAURATION D’UNE COOPERATION EN MATIERE DE LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT DE CAPITAUX 13

A. – L’EFFICACITÉ DE LA COOPÉRATION INTERNATIONALE DANS LA LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT D’ARGENT … 13

1) Les initiatives internationales 13

2) L’implication de la France et du Mexique 14

B. – … MILITE EN FAVEUR D’UNE COLLABORATION RENFORCÉE ENTRE LES SERVICES FRANÇAIS ET MEXICAINS QUE LE PRÉSENT ACCORD INSTITUE DANS CE DOMAINE. 16

1) La portée de l’accord 16

2) Les conditions d’octroi de l’assistance 17

CONCLUSION 19

EXAMEN EN COMMISSION 21

Mesdames, Messieurs,

A l’échelon mondial, le narcotrafic n’a cessé de s’amplifier, en dépit du durcissement des politiques de lutte contre l’offre de drogues dans la plupart des pays. Evalué à un montant compris entre 300 et 500 milliards de dollars, le « chiffre d’affaires » du commerce mondial de stupéfiants est plus important que celui de l’industrie pétrolière et automobile (1). Dans le même temps, les activités de blanchiment d’argent se diversifient en prenant appui sur les technologies les plus récentes, qui favorisent une circulation transnationale accélérée et, in fine, permettent l’opacification des flux de capitaux frauduleux.

Dans ce contexte, des normes internationales de contrôle ont été élaborées tandis que la coopération interétatique s’est développée afin d’apporter une réponse plus efficace dans la lutte contre le trafic de drogues et le blanchiment de l’argent sale. Différentes initiatives ont été prises au sein d’enceintes régionales ou mondiales, mais aussi, dans un cadre bilatéral.

Les deux accords de coopération franco-mexicaine, qui sont aujourd’hui soumis à l’Assemblée nationale, s’inscrivent dans cette perspective d’échanges d’informations et de partage des savoir-faire en vue de lutter plus efficacement contre ces phénomènes transnationaux. Le Mexique se situe, en effet, au carrefour du commerce de la drogue non seulement en raison des quantités de certains stupéfiants qui y sont produites, mais aussi en tant que pays de transit. Dans la mesure où ce pays fait partie du système de redistribution de la drogue vers l’Europe, le principe d’une coopération renforcée entre la France et le Mexique s’est donc imposé naturellement.

I – LE RENFORCEMENT DE LA COOPÉRATION FRANCO-MEXICAINE EN MATIÈRE DE LUTTE CONTRE L’USAGE ET LE TRAFIC DE STUPÉFIANTS

D’après l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), la coordination à l’échelle mondiale de l’action de détection et de répression a permis d’augmenter la volume de drogues saisies : « Plus de 45% de la cocaïne produite dans le monde est maintenant interceptée (ce qui représente une augmentation de 24% par rapport à 1999) ainsi que plus d’un quart de l’héroïne (contre 15% en 1999) » (2). Ces données, encourageantes, militent en faveur d’un renforcement de la coopération entre les Etats dans le domaine de la lutte contre le trafic de drogues. C’est précisément l’objet du présent projet de loi autorisant l’approbation d’un accord entre la France et le Mexique qui vise à lutter contre l’usage et le trafic illicites de stupéfiants et de substances psychotropes.

A. – Le Mexique au cœur de la « guerre à la drogue »

Le Mexique se situe au carrefour d’une des trois grandes « routes » de la drogue qui alimente plus particulièrement le marché américain, du fait de sa position géographique et d’une frontière terrestre longue de 3.500 kilomètres avec les Etats-Unis. Depuis quelques années, les organisations mexicaines de trafiquants de drogues ont supplanté les organisations colombiennes dans la vente de stupéfiants en direction des Etats-Unis. Cette évolution contribue à faire du Mexique une des plaques tournantes du trafic de drogues dans le monde.

1) Le Mexique à la croisée des chemins de la drogue

Pays de transit pour près de 90% de la cocaïne consommée aux Etats-Unis, le Mexique est aujourd’hui le principal lieu de production des métamphétamines destinées à ce marché. Depuis 2006, il s’est également hissé au rang de premier producteur mondial de marijuana.

D’après l’Organe international de contrôle des stupéfiants (OICS), la fabrication à grande échelle de méthamphétamines dans des laboratoires clandestins, en particulier dans les régions de l’ouest et du nord-ouest du Mexique, assure aujourd’hui l’approvisionnement continu du marché américain, comme le confirme l’accroissement des quantités de méthamphétamine saisies à la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis (2 tonnes en 2004).

Le même organisme estime qu’en 2005, le Mexique a produit plus de 10.000 tonnes de cannabis (3) – à titre de comparaison, les Etats-Unis en ont produit près de 4.500 tonnes la même année –, ce qui en fait le plus grand producteur de cannabis de la région. L’OICS précise qu’une bonne partie des produits du cannabis disponibles aux Etats-Unis est introduite clandestinement dans le pays par des organisations de trafiquants de drogues et des groupes criminels mexicains. Ainsi, en 2004, plus de 580 tonnes de cannabis en provenance du Mexique ont été saisies par les autorités douanières des Etats-Unis. Cet organisme constate que les organisations mexicaines de trafiquants de drogues ont étendu leurs activités dans le domaine de la culture de plantes de cannabis sur des terrains publics et privés aux Etats-Unis et emploient des techniques plus sophistiquées pour produire cette drogue.

Le Mexique est également un producteur important de marijuana dont près de 1.760 tonnes ont été confisquées par les autorités en 2005. La même année, le Bureau américain de la politique nationale de contrôle de la drogue (4) indique que 330 kilogrammes d’héroïne ont été confisqués ainsi que 887 kilogrammes de méthamphétamines.

Pays producteur de drogues, le Mexique constitue aussi un important point de transit, en particulier pour la vente de cocaïne sur le marché américain, dont la provenance émane d’autres pays de la région comme la Colombie, la Bolivie et le Pérou. Au-delà de ce trafic en direction des Etats-Unis, une part croissante des drogues est, par ailleurs, exportée vers l’Europe, via l’Espagne principalement.

Dans son rapport annuel pour l’année 2007, l’Organe international de contrôle des stupéfiants (OICS) observe que les organisations de trafiquants de drogues et les groupes criminels mexicains, qui contrôlent en grande partie la vente en gros de drogues aux Etats-Unis – en particulier, le trafic de cocaïne, de cannabis, de méthamphétamines et d’héroïne – tentent actuellement d’étendre la mainmise sur le trafic de drogues à des zones qui se trouvaient auparavant sous l’influence de groupes criminels colombiens, dominicains ou autres.

Face à l’influence croissante de ces groupes criminels, les autorités mexicaines se sont mobilisées pour lutter contre le trafic de drogues dans le pays.

2) L’engagement des autorités mexicaines dans la lutte contre le trafic de stupéfiants

Les autorités mexicaines ont engagé de réels efforts, à différents niveaux, pour lutter contre le trafic de stupéfiants. Ainsi, des campagnes d’éradication des cultures ont été conduites qui ont permis de supprimer environ 30.882 hectares de plantes de cannabis en 2005. En ce qui concerne le pavot, les opérations d’éradication de l’armée mexicaine et des services du Procureur général du Mexique aboutissent généralement à la destruction d’au moins 80% du pavot à opium cultivé dans le pays. En 2005, la superficie totale des cultures détruites a représenté 20.464 hectares, soit une hausse de 28% par rapport à l’année précédente.

Au-delà de ces efforts d’éradication des cultures, le Gouvernement mexicain a lancé l’opération « Mexico Seguro » qui vise à réprimer les violences déclenchées, en 2005, entre organisations criminelles qui se battent pour contrôler les filières de trafics dans les villes situées le long de la frontière du Mexique avec les Etats-Unis. En outre, une coopération régionale s’est instaurée dont témoigne l’opération « Border Unity » qui implique de nombreux services américains et mexicains en vue de réprimer la violence des deux côtés de la frontière dans la zone de Laredo et Nuevo Laredo. Par ailleurs, les autorités américaines ont mis en place un appui financier et technique qui comprend notamment des stages de formation destinés aux agents des services mexicains de détection et de répression ainsi qu’aux membres du parquet mexicain à différents niveaux, compte tenu de la structure fédérale du pays.

A l’heure actuelle, le nouveau Gouvernement mexicain, issu des élections de décembre 2006, compte sur une force d’intervention spéciale, composée de près de 30.000 militaires déployés dans des régions de production ou de transit de stupéfiants comme le Guerrero ou la Basse Californie. L’objectif est d’enrayer la spirale des violences, à l’origine de près de 1.300 assassinats liés au crime organisé au cours du premier semestre 2007 (soit une augmentation de 30% par rapport à l’année dernière) (5).

Au-delà de ces actions, l’Organe international de contrôle des stupéfiants (OICS) considère qu’« au Mexique, la corruption continue à poser un problème sérieux ». Dans son rapport annuel pour l’année 2006, cet organisme relève toutefois que le Mexique a pris un certain nombre de mesures pour réduire, sinon éradiquer, la corruption parmi les agents de détection et de répression et les fonctionnaires de l’Etat, en établissant notamment un profil de carrière pour les enquêteurs et en intégrant la notion de « culture de la légalité » dans les programmes d’enseignement. En outre, les autorités nationales et locales et les autorités des Etats ont organisé des stages de formation sur l’état du droit à l’intention des agents de police tandis que des enquêtes sur d’éventuels cas de manquement des agents de détection et de répression et des fonctionnaires de l’Etat sont menées régulièrement. L’OICS se félicite également du rôle joué par l’Agence fédérale d’investigation (AFI), « véritable cheville ouvrière de la lutte contre la corruption dans le pays ».

Malgré ces efforts, l’essor des trafics de drogues et la montée en puissance des organisations criminelles mexicaines militent en faveur d’une coopération renforcée, non seulement au niveau régional, mais également avec les pays européens.

B. – Le présent accord pose les jalons d’une coopération franco-mexicaine renforcée en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants

Le présent accord pose les principes d’une coopération relativement large entre nos deux pays, dont les efforts conjoints en matière de lutte contre le trafic de drogues sont anciens. La ratification de cet accord devrait permettre de freiner l’arrivée de drogues sur notre territoire, compte tenu du rôle joué par le Mexique dans la redistribution de la production latino-américaine vers l’Europe.

1) Des efforts de coopération anciens

L’idée d’une coopération franco-mexicaine dans ce domaine est relativement ancienne dans la mesure où, dès 1984, une convention d’assistance mutuelle visant la prévention, la recherche et la répression des fraudes douanières était signée. En 1991, cette convention a été complétée par un avenant visant à renforcer la coopération entre les administrations douanières des deux pays en matière de lutte contre les stupéfiants.

Parallèlement, une lettre d’intention, signée le 30 mars 1990, posait le principe d’une coopération franco-mexicaine en matière de prévention et de lutte contre le trafic de stupéfiants et la pharmacodépendance. Cinq ans plus tard, les ministres des Affaires étrangères français et mexicain signaient une déclaration d’intention relative à un accord spécifique de coopération en matière de lutte contre l’usage et le trafic illicites de stupéfiants. Cette déclaration a abouti à l’élaboration du présent accord que la France et le Mexique ont signé, à Paris, le 6 octobre 1997.

Cet accord, d’une portée assez large, vient confirmer l’engagement de nos deux pays dans la lutte contre l’usage et le trafic illicites de stupéfiants et de substances psychotropes que les accords précédents, plus spécifiques, avaient lancé.

2) L’accord pose les bases juridiques de cette coopération

Le présent accord instaure une coopération entre le Mexique et la France dans le domaine de la police scientifique et technique (article 5) en prévoyant différents types d’échanges d’informations. Les services nationaux compétents, visés par l’accord (6), peuvent ainsi procéder à de tels échanges « dans le respect de leur constitution et de leur législation nationales ». Autrement dit, une demande d’informations peut être refusée au motif que les informations requises sont couvertes par le secret de l’enquête et de l’instruction (article 4).

Dans le cadre de cette coopération, l’accord prévoit un échange d’informations relatives, d’une part, à la production et au commerce illégal de stupéfiants et de substances psychotropes (article 5) et, d’autre part, au recyclage et au transfert de capitaux provenant du trafic illicite (article 6). Il vise également l’échange d’informations relatives aux trafics illicites de stupéfiants, que ces trafics existent ou soient projetés, qu’ils présentent ou semblent présenter un intérêt « en raison de la provenance, des quantités, du mode et du circuit d’acheminement de ces produits, des moyens ou des méthodes nouveaux de fraudes ou encore de la nationalité des individus impliqués dans ces trafics » (article 11).

Votre Rapporteur observe que l’échange de données personnelles est strictement encadré dans la mesure où le Gouvernement a attendu, pour soumettre cet accord au Parlement, que le Mexique se dote d’une législation en la matière aussi protectrice que la nôtre (7).

S’ajoute à ces échanges d’informations, la possibilité d’échanges d’échantillons de produits stupéfiants, là encore, dans le respect des législations nationales en vigueur dans chacun des Etats (article 11). Enfin, sont également rendus possibles des échanges temporaires de personnel entre les services français et mexicains dans le but d’examiner les techniques spécialisées utilisées dans l’autre Etat et améliorer ainsi les actions menées en matière de prévention (article 10).

Enfin, dans une perspective plus globale, le présent accord encourage la définition en commun « des stratégies à adopter visant à prévenir l’usage illicite et à lutter contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes » (article 8). Il soutient également une démarche d’évaluation de la coopération par le biais d’une réunion d’experts nationaux, au moins une fois par an (article 9).

3) Il prévoit également des capacités opérationnelles renforcées

Le présent accord comprend également un volet opérationnel en encourageant le recours aux « livraisons surveillées », quand les parties « le jugent nécessaire et le plus souvent possible, dans le respect de leurs législations respectives » (article 12). Afin d’identifier les acteurs et les filières des différents trafics, les parties à l’accord pourront ainsi procéder à la surveillance de l’acheminement de stupéfiants et substances psychotropes entre les deux pays.

Ce mode de surveillance, dont l’utilisation est recommandée par la Convention des Nations unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes de 1988 (8), doit permettre de démanteler des filières, d’appréhender tous les suspects, et cela, au stade de l’acheminement.

Au regard de ces éléments, votre Rapporteur recommande l’adoption du projet de loi n° 16 qui devrait permettre à la France de lutter de la façon la plus efficace possible contre le trafic de stupéfiants.

II – UNE DÉMARCHE COMPLETÉE PAR L’INSTAURATION D’UNE COOPERATION EN MATIERE DE LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT DE CAPITAUX

Dans le prolongement de la coopération mise en place en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants, la France et le Mexique ont décidé d’unir leurs efforts dans la lutte contre les activités illicites et le blanchiment d’argent. L’élaboration d’un deuxième accord dans ce domaine vient utilement compléter la démarche engagée en matière de lutte contre la drogue dans la mesure où elle prend logiquement en compte les implications financières du trafic de stupéfiants.

A. – L’efficacité de la coopération internationale dans la lutte contre le blanchiment d’argent …

Face à la montée de la criminalité organisée, la communauté internationale s’est mobilisée pour faire face à un phénomène largement transnational que des démarches isolées ne peuvent permettre d’appréhender efficacement. La France participe activement à ces efforts auxquels le Mexique s’est également joint, en devenant notamment membre du Groupe d’action financière sur le blanchiment des capitaux (GAFI).

1) Les initiatives internationales

En décembre 1988, les Nations unies ont adopté une convention contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes, premier instrument universel ayant permis de définir légalement la notion de blanchiment et d’en prévoir la répression, à l’encontre des trafiquants eux-mêmes mais aussi de tous leurs intermédiaires et des banquiers. Deux ans plus tard, le dispositif a été complété avec l’adoption d’une nouvelle convention contre la criminalité transnationale organisée qui fait obligation aux Etats parties d’instituer, dans leur droit pénal national, une infraction de blanchiment d’argent. Parallèlement, l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ODC) a développé un programme mondial d’assistance technique à la lutte contre le blanchiment.

Ces initiatives ont été complétées par la création, lors du sommet du G7 qui s’est tenu à Paris en juillet 1989, du Groupe d’action financière sur le blanchiment des capitaux (GAFI) chargé d’évaluer les mesures destinées à lutter contre le blanchiment de capitaux. L’année suivante, le GAFI a publié un programme de quarante recommandations successivement révisées en 1996, puis en juin 2003, afin de prendre en compte l’évolution des méthodes et techniques du blanchiment. En octobre 2001, le Groupe a élargi son domaine de compétence en publiant huit recommandations spéciales consacrées à la lutte contre le financement du terrorisme.

L’ensemble de ces recommandations constitue un dispositif complet et cohérent de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, repris par les enceintes régionales de type GAFI (9) ainsi que par le Fonds monétaire internationale (FMI) et la Banque mondiale. Depuis le mois dernier, la Chine est membre du GAFI qui compte désormais 34 membres (10), dont la France et le Mexique.

Enfin, le Groupe Egmont a été créé en juin 1995 en vue de fédérer les cellules de renseignement financier (CRF) à l’échelon mondial. Il concentre ses travaux sur les moyens concrets pour améliorer la coopération internationale dans la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, et notamment l’échange de renseignements opérationnels entre services anti-blanchiment.

Au niveau européen, la convention du Conseil de l’Europe de 1990 relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et la directive n° 91/308 du 10 juin 1991, modifiée en 2001, ont mis en place des outils de lutte contre le blanchiment qui devraient prendre en compte la lutte contre le financement du terrorisme. En 2004, une nouvelle directive a été adoptée dont l’objectif est de transposer, de façon coordonnée entre Etats-membres de l’Union européenne, les dispositions contenues dans les quarante recommandations du GAFI et d’intégrer certains éléments de lutte contre le financement du terrorisme.

La multiplication de ces initiatives, au niveau régional comme au niveau mondial, témoigne d’une forte mobilisation contre les activités de blanchiment des capitaux ainsi que d’une prise de conscience partagée de la nécessité de coopérer pour parvenir à des résultats tangibles dans le domaine.

2) L’implication de la France et du Mexique

En France, la cellule « Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins » (TRACFIN), mise en place en 1990, est au cœur du dispositif de lutte contre l'argent sale et le financement du terrorisme. Ce dispositif repose sur l’obligation, faite aux professionnels, de porter à la connaissance de TRACFIN les opérations susceptibles d’être liées au recyclage de fonds d’origine illicite ou au financement du terrorisme. Il s’agit de la « déclaration de soupçon » qui correspond à une démarche volontaire des professionnels, fondée sur leur bonne connaissance du client et sur l'évaluation d’une opération donnée. TRACFIN recueille, analyse et transmet aux autorités judiciaires les déclarations d’opérations suspectes ainsi que d’autres informations concernant les actes susceptibles d’être constitutifs de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme.

Au-delà de ce rôle au plan national, TRACFIN collabore aux projets mis en place par les organismes internationaux compétents en matière de lutte contre le blanchiment, principalement le GAFI et le Groupe Egmont, mais également la Banque Mondiale ou le Fonds Monétaire International, dans le cadre des évaluations des dispositifs nationaux. Il apporte ainsi une contribution d’expert opérationnel au GAFI, participe aux groupes de travail au sein du Groupe Egmont ainsi qu’aux travaux européens relatifs à la lutte contre le blanchiment, tant au niveau de l’Union (par exemple, lors de élaboration des directives anti-blanchiment), que du Conseil de l’Europe.

Sur le plan bilatéral, TRACFIN dispose, sous réserve de réciprocité, d’un droit de communication et d’échange de renseignements avec les unités étrangères exerçant des compétences analogues et soumises aux mêmes obligations. Il a multiplié, depuis sa création, les actions de coopération avec les cellules de renseignement financier (CRF). Pour favoriser et approfondir cette coopération, TRACFIN a signé une trentaine d’accords bilatéraux avec des services étrangers. Le présent accord avec le Mexique sur l’échange d’informations sur les activités illicites et le blanchiment d’argent s’inscrit dans ce cadre dont le développement est appelé à se poursuivre.

Pour sa part, le Mexique a adhéré au GAFI en juin 2000. En septembre 2003, le Groupe a approuvé la deuxième évaluation mutuelle du système mexicain de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, au regard des normes établies dans ses recommandations (11). Au terme de cette évaluation, il apparaît que le Mexique a consenti de réels efforts pour lutter contre les activités de blanchiment des capitaux et enregistré des résultats non négligeables grâce à la mise en place d’une Unité de renseignement financier. Les institutions financières mexicaines sont, en effet, soumises à une obligation de déclaration qui les conduit notamment à transmettre un rapport sur les transactions de plus de 3.000 dollars, réalisés par un particulier, de façon occasionnelle. Quant aux transactions de plus de 10.000 dollars, elles sont directement signalées à l’Unité de renseignement financier. Cette obligation de déclaration illustre les efforts réalisés pour mettre en place des mécanismes de surveillance similaires à ceux qui existent dans d’autres pays ayant adopté une législation rigoureuse en matière de lutte contre les activités de blanchiment. Toutefois, certaines insuffisances demeurent comme la définition d’un délit spécifique pour les activités de financement du terrorisme ou la lourdeur de certaines procédures en matière de confiscation, par exemple.

Ces initiatives mettent cependant clairement en évidence la détermination de la France, comme du Mexique, en matière de lutte contre les activités illicites et le blanchiment des capitaux.

B. – … milite en faveur d’une collaboration renforcée entre les services français et mexicains que le présent accord institue dans ce domaine.

Producteur majeur de drogues, le Mexique est également un pays de transit de stupéfiants vers les Etats-Unis mais aussi l’Europe. Les profits financiers émanant de ces trafics encouragent le développement d’activités criminelles et contribuent à l’essor des opérations de blanchiment d’argent. Ainsi, à la date de signature du présent accord, en 1997, les revenus générés par le trafic de drogues étaient estimés à l’équivalent des exportations licites du pays.

Cet accord s’inscrit dans le prolongement du précédent sur la lutte contre le trafic de stupéfiants en prévoyant une coopération franco-mexicaine destinée à prévenir et combattre les opérations provenant d’activités illicites ou de blanchiment d’argent.

1) La portée de l’accord

Le présent accord instaure une coopération qui repose sur l’échange d’informations permettant de détecter et de bloquer les opérations financières susceptibles d’avoir été réalisées avec des fonds provenant d’activités illicites ou de blanchiment. De tels échanges d’informations sont favorisés en vue de permettre l’utilisation des données recueillies dans des enquêtes, des procédures ou des activités judiciaires ou administratives relatives à ces activités illicites (article 1).

Cette coopération est instaurée au niveau d’ « autorités compétentes » dans le domaine, à savoir TRACFIN pour la France et le Procureur fiscal de la fédération ou ses représentants, pour le Mexique (article 2). Comme cela a été évoqué précédemment, la cellule TRACFIN est, en principe, autorisée à coopérer avec les services homologues étrangers, sous réserve de réciprocité et à condition que les autorités étrangères compétentes soient soumises aux mêmes obligations de secret professionnel que le service français (12). C’est d’ailleurs sur ce fondement que TRACFIN a conclu plusieurs accords de coopération bilatérale avec ses homologues étrangers, sous la forme d’arrangements administratifs. Toutefois, dans le cas présent, les autorités mexicaines ont manifesté le souhait se signer un accord au niveau intergouvernemental, parallèlement à l’adoption de l’accord de coopération en matière de lutte contre l’usage et le trafic illicites de stupéfiants et de substances psychotropes.

Ces autorités compétentes sont tenues de conserver les informations relatives aux opérations financières pendant une durée minimale de cinq ans (article 3).

2) Les conditions d’octroi de l’assistance

Le présent accord précise les modalités de présentation des demandes d’assistance adressées par les autorités compétentes : ces demandes doivent notamment notifier le but de la requête ainsi que les services qui seront autorisés à accéder à l’information, indiquer les délits soupçonnés et préciser l’état de l’enquête. Dans les cas urgents, les demandes d’assistance peuvent se faire par téléphone ou télécopie mais devront ensuite être confirmées dans les formes indiquées et dans les meilleurs délais possibles (article 4).

Les conditions d’octroi de l’assistance sont encadrées par l’article 5 de l’accord qui prévoit que les informations transmises ont un caractère confidentiel et sont soumises à la législation interne sur la protection des fichiers. A cet égard, il a été vérifié que la législation mexicaine offrait une protection suffisante des données personnelles. Le même article dispose, par ailleurs, que l’Etat requis peut refuser de répondre à une demande d’information « si une procédure judiciaire a été engagée sur les mêmes faits ou si cette assistance est susceptible de porter atteinte à la souveraineté, à la sécurité, à l’ordre public ou aux intérêts essentiels de l’Etat ». En dehors de ces cas, si un Etat ne dispose pas d’une information suffisante pour répondre à une demande d’assistance, il est tenu d’adopter « toutes les mesures nécessaires pour fournir à la partie requérante l’information demandée, dans le cadre de ses lois et règlements ou de toute autre norme en vigueur ».

L’accord prévoit également la possibilité d’échanges spontanés d’informations qui s’avèreraient pertinentes ou significatives pour remplir les objectifs de la coopération qui est mise en place entre les deux pays (article 6).

Enfin, cet accord établit des procédures de concertation entre les parties tout en prévoyant la possibilité d’un élargissement des objectifs de la coopération ainsi instaurée, à des recherches conjointes et à l’échange de connaissances techniques (article 8).

Cet accord bilatéral va permettre de faciliter l'échange d'informations entre la France et le Mexique pour prévenir et combattre les opérations provenant d'activités illicites ou de blanchiment d'argent. Votre Rapporteur ne peut donc que recommander l’adoption du projet de loi qui en autorise l’approbation.

CONCLUSION

En définitive, les deux accords de coopération bilatérale entre la France et le Mexique poursuivent des objectifs complémentaires en favorisant les échanges d’informations afin de lutter plus efficacement contre le trafic de stupéfiants et le blanchiment des capitaux.

Votre Rapporteur recommande donc l’adoption du projet de loi n°16 et du projet de loi n°19 qui partagent une finalité commune.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission a examiné les présents projets de loi au cours de sa réunion du mardi 24 juillet 2007.

Après l’exposé du rapporteur, le Président Axel Poniatowski, évoquant le rôle de plateforme joué par le Mexique dans le trafic de stupéfiants, a souligné la nécessité d’actions de coopération, similaires à celles qui étaient facilitées par ces deux accords. A cet égard, il a souhaité savoir si des actions de même nature avaient été engagées entre le Mexique et les Etats-Unis. Il s’est, par ailleurs, interrogé sur la portée exacte de la coopération franco-américaine, estimant qu’elle pouvait être utilement étendue à d’autres régions du monde.

M. Jean-Paul Dupré, rapporteur, a précisé que les présents accords ne concernaient que les trafics illicites en direction de l’Europe et, plus particulièrement de la France. Toutefois, cette démarche n’est pas isolée et de nombreux accords de coopération entre Etats existent dans ce domaine, notamment au niveau régional. A cet égard, le Mexique et les Etats-Unis ont mis en place des actions communes en matière douanière et collaborent relativement efficacement dans la lutte contre le trafic de stupéfiants.

Suivant les conclusions du rapporteur, la commission a adopté les projets de loi (no16et n°19).

*

* *

La commission vous demande donc d’adopter, dans les conditions prévues à l’article 128 du Règlement, les présents projets de loi.

NB : Les textes de ces deux accords figurent en annexe aux projets de loi (n° 16 et 19).

© Assemblée nationale