N° 172 - Rapport de Mme Christiane Taubira sur le projet de loi , adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Agence spatiale européenne relatif à l'Ensemble de lancement Soyouz (ELS) au Centre spatial guyanais (CSG) et lié à la mise en oeuvre du programme facultatif de l'Agence spatiale européenne intitulé « Soyouz au CSG » et à l'exploitation de Soyouz à partir du CSG (n°122)




N
° 172

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 septembre 2007.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et l’Agence spatiale européenne relatif à l’Ensemble de lancement Soyouz (ELS) au Centre spatial guyanais (CSG) et lié à la mise en oeuvre du programme facultatif de l’Agence spatiale européenne intitulé « Soyouz au CSG » et à l’exploitation de Soyouz à partir du CSG

par Mme Christiane TAUBIRA,

Députée

Voir les numéros  :

Sénat : 273, 412 et T.A. 130 (2006-2007)

Assemblée nationale : 122

INTRODUCTION 5

I.– L’ACCORD S’INTÈGRE À UN IMPORTANT PROGRAMME DE COOPÉRATION SPATIALE AVEC LA RUSSIE 7

A.– L’ASSOCIATION DE LA RUSSIE AUX ACTIVITÉ SPATIALES TANT FRANÇAISES QU’EUROPÉENNES 7

1. Des échanges aux multiples dimensions 7

2. Un partenariat à long terme en matière de lanceurs 7

B.– LE PROJET « SOYOUZ À KOUROU » 8

1. La construction sur la base de Kourou d’un ensemble de lancement destiné aux lanceurs Soyouz 8

2. Un projet commercial 8

II.– L’EXPLOITATION PÉRENNE DE L’ENSEMBLE DE LANCEMENT SOYOUZ (ELS) 11

A.– PROPRIÉTÉ ET EXPLOITATION DE L’ELS 11

1. La propriété de l’Ensemble de lancement Soyouz revient à l’Agence spatiale européenne 11

2. Le cadre juridique de l’exploitation commerciale de l’Ensemble de lancement Soyouz 11

B.– LES STIPULATIONS RELATIVES À LA SÉCURITÉ, LA SÛRETÉ ET LA RESPONSABILITÉ 12

1. Les missions de sauvegarde et de sûreté seront assurées par le CNES 12

2. Un régime de responsabilité spécifique est défini 12

C.– LES IMPACTS SUR LA SANTÉ PUBLIQUE ET L’ENVIRONNEMENT – OBLIGATIONS ET PRÉCONISATIONS 13

1. En matière de santé publique 13

a) La surveillance au stade du lancement 13

b) La responsabilité de la puissance publique en matière de surveillance et de prévention. 13

c) Les risques liés aux installations 14

2. Quels risques environnementaux ? 15

a) Les obligations de l’exploitant 15

b) Les conséquences pour la faune et la flore. 15

3. Préconisations 16

a) Adapter l’activité spatiale en Guyane à la sécurité sanitaire et à la sauvegarde de l’environnement 16

b) Créer des instruments d’observation et de suivi 17

CONCLUSION 19

EXAMEN EN COMMISSION 21

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi qui vous est soumis vise à la ratification de l’accord conclu entre la France et l’Agence spatiale européenne afin de permettre le lancement de fusées Soyouz ST depuis le Centre spatial guyanais de Kourou. Il poursuit deux objectifs. Le premier est stratégique. En matière d’activités spatiales, cette coopération avec la Russie participe en effet de la volonté de défendre l’indépendance française et européenne dans ce domaine. Le second est économique. La coopération engagée avec la Russie va offrir la possibilité d’utiliser des lanceurs spécifiques de fabrication russe sur la base de Kourou. De ce fait, Arianespace pourra intervenir sur le marché des satellites de poids moyen en disposant de lanceurs adaptés. Un accord signé par l’Agence spatiale européenne (ESA) et la Russie le 11 février 2002 a fixé le cadre général de ce programme de coopération.

Un deuxième accord, entre l’Agence spatiale européenne et l’agence spatiale russe Roscosmos a été signé le 19 janvier 2005. Il traite, notamment, de la mise à disposition de lanceurs Soyouz par Roscosmos à l’ESA.

Le présent accord, signé par la France et l’ESA le 21 mars 2005, intervient afin de fixer le régime juridique de l’Ensemble de lancement Soyouz (ELS) construit à Kourou.

I.– L’ACCORD S’INTÈGRE À UN IMPORTANT PROGRAMME DE COOPÉRATION SPATIALE AVEC LA RUSSIE

A.– L’association de la Russie aux activité spatiales tant françaises qu’européennes

1. Des échanges aux multiples dimensions

La Russie a engagé une coopération dans le domaine spatial à la fois au niveau européen avec l’Agence spatiale européenne et l’Union européenne mais aussi avec la France et notamment le Centre national d’études spatiales.

Les activités spatiales franco-russes sont principalement commerciales, les partenariats scientifiques restent à un niveau plus modeste, pour des raisons notamment financières. Deux programmes sont à l’étude entre la France et la Russie. Cette dernière souhaiterait associer la France et l’ESA à des programmes de vols habités. Une décision devrait intervenir lors du conseil ministériel de l’ESA en 2008. Par ailleurs, un projet d’association de la France à la station spatiale internationale est en cours d’étude.

La coopération entre la Russie et l’Agence spatiale européenne reste elle aussi de nature essentiellement commerciale, des problèmes financiers nuisant à l’avancement des programmes de coopération à vocation purement scientifiques.

S’agissant de l’Union européenne (UE), dont l’Agence spatiale européenne est juridiquement indépendante, des discussions bilatérales ont été lancées afin d’améliorer l’interopérabilité des réseaux de satellites Galileo (UE) et Glosnass (Russie).

2. Un partenariat à long terme en matière de lanceurs

Un accord du 19 janvier 2005 passé entre l’ESA et la Russie instaure une collaboration à long terme, dont la fourniture de lanceurs Soyouz par la partie russe constitue l’un des aspects.

En effet, les deux agences, européenne et russe, sont par ailleurs associées dans le programme dit du « Lanceur futur », qui devrait aboutir en 2020.

B.– Le projet « Soyouz à Kourou »

1. La construction sur la base de Kourou d’un ensemble de lancement destiné aux lanceurs Soyouz

Afin de permettre le lancement de Soyouz ST depuis Kourou, l’Agence spatiale européenne a décidé la construction d’un ensemble de lancement particulier baptisé Ensemble de lancement Soyouz (ELS). Le financement de ce projet, au coût global de 223 millions d’euros, a été principalement assuré par la France qui a contribué à hauteur d’environ 140 millions d’euros (soit environ 63 % du montant total). La clé de répartition n’est pas celle retenue pour le budget global de l’Agence spatiale européenne. Le projet « Soyouz à Kourou » est un programme facultatif de l’Agence, les membres qui y participent sont les suivants : l’Union européenne (qui assure 9 % du financement du programme), l’Italie (qui assure 8,7 % du financement du programme), la Belgique (6,5 %), l’Allemagne (5,6 %), l’Espagne (3,2 %), la Suisse (2,7 %), l’Autriche (1 %).

Les terrains nécessaires à la construction ont été mis à la disposition de l’ESA par le Centre national d’études spatiales (CNES), à titre gratuit (article 6 de l’accord).

Ce projet, qui s’inscrit dans le cadre d’échanges technologiques, implique la participation d’agences publiques russe et française.

L’utilisation de matériels russes depuis la base française de Kourou a en effet nécessité la mise au point et le développement par Roscosmos d’un type particulier de lanceur baptisé Soyouz ST, que seule l’agence russe peut certifier.

Pour sa part, la France assure l’adaptation de ces lanceurs à l’environnement guyanais. Le CNES immatricule les lanceurs Soyouz ST, ces derniers restant ainsi sous juridiction française dans l’espace extra atmosphérique (article 10 de l’accord).

2. Un projet commercial

En plus des entités publiques déjà évoquées, le projet « Soyouz à Kourou » implique plusieurs sociétés privées.

La société Arianespace est la seule détentrice des droits d’exploitation commerciale des lanceurs Soyouz ST à Kourou. Elle a supporté le coût du développement du lanceur Soyouz ST, estimé à 121 millions d’euros, grâce à un prêt accordé par la Banque européenne d’investissement.

La société franco-russe Sacem se chargera des relations entre les intervenants russes et les acteurs français et européens.

Le programme « Soyouz au Centre spatial guyanais » pourrait avoir des conséquences importantes, en termes économiques. La société Arianespace prévoit d’effectuer entre 3 et 4 lancements Soyouz par an. Le programme « Soyouz à Kourou » a déjà généré un nombre important d’emplois pour la construction de l’ensemble de lancement : environ 300 personnes ont été recrutées. Par ailleurs, l’exploitation de l’ensemble de lancement induira la création directe de 250 emplois environ, notamment des personnels russes. Une hausse de l’activité économique locale pourrait en résulter.

L’utilisation de lanceurs Soyouz ST donne à Arianespace, principal acteur économique européen dans le domaine spatial, la possibilité d’une diversification importante de son activité commerciale. Le lanceur Ariane 5 permet à l’heure actuelle d’effectuer des lancements de satellites d’environ dix tonnes, ou de deux satellites de deux ou trois tonnes chacun. Les lanceurs Soyouz permettent de ne lancer qu’un seul satellite de trois tonnes, ce qui offre une plus grande flexibilité à la société Arianespace.

Le lanceur Ariane 4 était adapté à des lancements de satellites d’environ trois tonnes. Il a cependant été abandonné car les perspectives de croissance du marché des satellites étaient trop faibles. Le choix de recourir à des lanceurs Soyouz plutôt que de reprendre le programme Ariane 4 s’explique principalement par des raisons financières. Le coût moyen unitaire d’un lancement de Soyouz ST serait d’environ 40 millions d’euros, contre 80 millions avec Ariane 4.

II.– L’EXPLOITATION PÉRENNE DE L’ENSEMBLE DE LANCEMENT SOYOUZ (ELS)

L’accord du 21 mars 2005 précise les conditions d’exploitation de l’ensemble de lancement et prévoit un régime spécifique de responsabilité.

A.– Propriété et exploitation de l’ELS

1. La propriété de l’Ensemble de lancement Soyouz revient à l’Agence spatiale européenne

L’Agence est maître d’ouvrage pour la phase de développement. Elle a confié au Centre national d’études spatiales (CNES) la mission d’architecte d’ensemble. Ce dernier est donc maître d’œuvre des travaux de l’Ensemble de lancement Soyouz.

L’article 7 de l’accord stipule que l’Agence jouit de la pleine propriété de l’ELS. Il stipule également que celle-ci peut y apporter les adjonctions et modifications qu’elle souhaite sous réserve que le CNES ait été consulté. Par ailleurs, l’Agence ne peut attribuer de droit de construire à un tiers sans accord préalable du CNES.

2. Le cadre juridique de l’exploitation commerciale de l’Ensemble de lancement Soyouz

L’article 5 de l’accord rappelle que l’ESA a accordé à Arianespace et à ses fournisseurs le droit d’utiliser l’ELS. Les conditions de cet usage sont fixées dans la Convention de production Ariane signée par l’ESA et Arianespace.

Le programme Ariane sera prioritaire pour utiliser les installations du Centre spatial guyanais (article 8 de l’accord).

L’article 9 indique que les conditions techniques et financières des prestations du CNES aux fins de l’exploitation du lanceur Soyouz ainsi que le financement des coûts fixes et variables associés à son usage seront fixés par un accord entre la France et l’ESA. Conformément à un accord passé ave l’ESA, Arianespace supportera la totalité des coûts supplémentaires liés aux activités de lancement.

B.– Les stipulations relatives à la sécurité, la sûreté et la responsabilité

1. Les missions de sauvegarde et de sûreté seront assurées par le CNES

L’accord confie au Centre les missions de protection des personnes et des biens contre les dommages éventuels liés à l’exploitation des structures. On parle de « mission de sauvegarde ». Ses grandes lignes sont fixées par la « doctrine de sauvegarde du Centre spatial guyanais » et les modalités techniques par le « règlement de sauvegarde ». Ce dernier est applicable par tous les intervenants sur le site de Kourou, y compris ceux associés à l’Ensemble de lancement Soyouz.

Le CNES reste l’autorité d’immatriculation du lanceur Soyouz, comme indiqué précédemment.

Par ailleurs, l’ESA reconnaît, à l’article 3 de l’accord, que le CNES est chargé de la protection et de la sûreté des personnes et des biens au sein du Centre spatial Guyanais. Cette mission recouvre la protection des points sensibles mais aussi les questions de propriété intellectuelle et de secret technologique.

2. Un régime de responsabilité spécifique est défini

L’article 11 de l’accord du 21 mars 2005 stipule que la France et l’ESA renoncent à tout recours au titre d’un dommage à l’encontre de l’autre partie ou une de ses entités associées, sauf faute intentionnelle ou lourde et recours en matière de propriété intellectuelle. L’article 12 régit les cas de réclamation émanant de tiers. L’ESA assume la responsabilité juridique de tout dommage causé par ses programmes et activités, elle garantit le gouvernement français en cas de recours d’un tiers contre lui du fait d’un dommage de ce type. A l’inverse, la France assume la responsabilité pour tout dommage subi par un tiers du fait d’une activité de lancement. Un projet de loi relatif aux opérations spatiales, déposé au Sénat ce printemps, vise à permettre d’exercer une action récursoire contre l’opérateur à l’origine du dommage. Si ce projet de loi était adopté, le gouvernement pourrait donc exercer une action contre Arianespace dans le cas de dommages liés à des activités de lancement.

C.– Les impacts sur la santé publique et l’environnement – obligations et préconisations

1. En matière de santé publique

a) La surveillance au stade du lancement

Le lanceur Soyouz utilise pour sa propulsion principalement de l’oxygène liquide et du kérosène. Les produits de combustion sont les mêmes que ceux de l’industrie automobile et aéronautique. L’étage supérieur de la fusée, appelé FREGAT, utilise des ergols stockables, plus précisément du peroxyde d’azote, du dimethylhydrazine et de l’hydrazine. Sa mise à feu intervient au-delà de 150 kilomètres d’altitude. Les satellites requièrent, pour la durée de leur vie orbitale, des dérivés de peroxyde d’azote et d’hydrazine. La toxicité de ces ergols a fait l’objet d’études dont les conclusions sont prises en compte dans l’élaboration des règles de sauvegarde du Centre spatial guyanais. Dans l’état actuel des connaissances, ces ergols sont réputés ne présenter aucun danger. Le risque toxique est encadré par des contraintes de trajectoire et de conditions météorologiques préalable à toute organisation d’un vol depuis la base guyanaise. Les lancements étant effectués en direction de la mer, les étages retombent au-delà de 350 kilomètres et sont équipés de dispositifs de neutralisation et d’immersion pour éviter toute épave flottante. Chaque lancement donne lieu à l’activation d’un réseau de surveillance de l’air, pour mesurer les concentrations en hydrazine et dérivés, et les comparer aux seuils légaux.

Le Centre national d’études spatiales, certifié ISO 14001, s’acquitte de ses obligations en matière d’information transparente à destination des parties intéressées par son activité, et du public.

b) La responsabilité de la puissance publique en matière de surveillance et de prévention.

En revanche, il revient à la puissance publique de mettre en place les dispositifs et mesures de prévention nécessaires et de les actualiser au fur et à mesure de l’évolution des connaissances. A ce titre, des registres de pathologies habituellement liées à ce type d’activités industrielles doivent être établis. Il convient de signaler qu’une étude épidémiologique, non publiée, mais ayant fait l’objet d’un article dans une revue spécialisée (Nature du 13 janvier 2005) émet l’hypothèse d’une prévalence de troubles endocriniens et sanguins chez des enfants résidant dans deux zones de l’Altaï (région montagneuse au sud de la Sibérie) qui se trouvent sur la trajectoire des fusées lancées depuis le cosmodrome de Baïkonour au Kazakhstan. La fusée Proton serait en cause, étant la seule à utiliser de l’hydrazine pour son premier étage, celui dont les débris retombent dans l’atmosphère. Cette étude émane de chercheurs russes du Centre de recherches d’Etat en virologie et biotechnologie de Novossibirsk, soutenus par le Centre international de science et technologie de Moscou.

Le lancement en direction de la mer, milieu vivant et nourricier, et l’usage de l’hydrazine et de ses dérivés pour le seul étage supérieur et les satellites marquent deux différences majeures entre les modalités de lancement depuis la Guyane et depuis Baïkonour. Le lanceur Soyouz ST, spécifiquement développée dans le cadre du programme « Soyouz au Centre spatial guyanais », intègre les normes de sécurité propres au Centre, qui seraient différentes de celles en vigueur en Russie.

Les missions de sauvegarde confiées au Centre national d’études spatiales par l’article 3 de l’Accord postulent la maîtrise des risques techniques et la protection des personnes, des biens et de l’environnement. Les alinéas 3 et 4 de cet article, se référant à la doctrine et au règlement de sauvegarde du Centre spatial guyanais, rappellent que les règles doivent être observées par tous les intervenants au Centre spatial, y compris l’opérateur de lancement et ses sous contractants.

Les pouvoirs publics doivent donc s’assurer, directement ou par l’intermédiaire du Centre national d’études spatiales auquel est accordé délégation en matière de sauvegarde, que tous les opérateurs industriels et commerciaux intervenant sur le site (Arianespace, Europropulsion, Air Liquide Spatial Guyane, Regulus, EADS Astrium) se conforment à ces obligations.

c) Les risques liés aux installations

En matière de risques liés aux installations, les ensembles de lancement d’Ariane et de Soyouz dont l’exploitation est confiée à la société Arianespace, sont classés « Seveso II ». Il s’agit donc de sites présentant un fort potentiel de dangers, soumis à inspection des installations classées. Le rapport de l’inspecteur des installations classés, remis le 19 juin 2007, indique que l’évaluation des risques sanitaires liés aux substances chimiques (méthode INERIS version 2003) menée par l’exploitant fait apparaître qu’au vu du « caractère peu bio-accumulable des substances émises, il n’y a pas de risque cancérigène identifié ». Sur les risques accidentels (matières et objets dangereux, phénomènes dangereux, accidents majeurs), il conclut que « les zones de dangers correspondant aux effets létaux et irréversibles sur l’Homme restent circonscrites à l’intérieur des limites du centre spatial guyanais ».

La société Arianespace a déposé en préfecture de Guyane le 22 août 2005, une demande en autorisation d’exploiter les installations constitutives de l’Ensemble de lancement Soyouz, sur le territoire de la commune de Sinnamary. Celle-ci a été complétée les 14 décembre 2005 et 26 janvier 2006 et assortie le 29 janvier 2007 de documents à caractère confidentiel.

En mai 2006, la Direction régionale de l’environnement et la Direction de l’agriculture et de la forêt ont émis des avis défavorables sur les éléments présentés. La Direction du Travail avait donné un avis favorable assorti de sept réserves au mois d’avril de la même année. L’une de ces réserves porte sur le contrôle de la teneur en produits hydrazinés et en peroxyde d’azote sur les zones de stockage d’ergols. Le même mois, la mairie de Sinnamary a émis un avis favorable tout en émettant des réserves relatives, notamment, aux « impacts du projet sur la santé » et en réclamant des mesures de sécurité. Le Comité spécial d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail s’est prononcé par un avis favorable unanime le 9 août 2005. Parmi les observations versées au registre de l’Enquête publique dans les mairies de Sinnamary et de Kourou, un Adjoint au maire de Kourou signale « l’absence de plan de prévention des risques industriels et d’élaboration de dispositions pratiques concernant les populations de ces communes, en cas d’accident ».

Votre rapporteure a interrogé les autorités sur les conditions d’intervention du Secrétariat permanent à la prévention des pollutions industrielles (SPPPI) dans cette matière mais n’a pas reçu de réponse satisfaisante.

2. Quels risques environnementaux ?

a) Les obligations de l’exploitant

Conformément à la Directive européenne du 9 décembre 1996 dite « Seveso II », l’exploitant est tenu de prendre « toutes les mesures qui s’imposent pour prévenir les accidents majeurs et pour en limiter les conséquences pour l’homme et pour l’environnement ». Sous la responsabilité de l’Etat membre, il doit donc rédiger un document définissant sa politique de prévention des accidents majeurs et veiller à sa bonne application. Il doit également rédiger un rapport de sécurité (risques majeurs identifiés, mesures de prévention des accidents, plans d’urgence, etc.). Les ensembles de lancement Ariane et Soyouz sont classés au titre de cette directive.

Les impacts sur le milieu environnant sont dus aux rejets d’eaux (particulièrement les eaux industrielles issues des surplus de kérosène et de PHHC) et aux rejets atmosphériques. Ces derniers seront générés par les cinq groupes électrogènes, les opérations de stockage des ergols et les opérations de remplissage des étages du lanceur. Les vapeurs de kérosène, provenant des opérations de remplissage, peuvent contenir des composés organiques volatils et des hydrocarbures aromatiques polycycliques. L’inspecteur des installations classées note qu’au vu des « données bibliographiques existantes, l’exploitant juge que ces émissions seront négligeables ».

b) Les conséquences pour la faune et la flore.

Dans son avis d’avril 2006, la mairie de Sinnamary a soulevé des réserves quant aux impacts sur la faune et la flore.

Le commissaire-enquêteur a émis le 14 avril 2006 un avis favorable à l’octroi de la demande sollicitée par Arianespace.

La Direction régionale de l’environnement a renouvelé son avis défavorable le 18 mai 2007, au vu des insuffisances des documents préalables au sujet de l’impact sur la flore et sur les milieux aquatiques, et dans l’attente de l’avis, obligatoire, de la Commission flore du Conseil national de protection de la nature. La Direction de l’agriculture et de la forêt a émis un avis également défavorable le 24 mai 2007 pour « absence de caractérisation des milieux récepteurs à chaque exutoire des rejets ». Le Conseil municipal de Sinnamary a considéré les 17 janvier et 13 mars 2007 que les éléments de réponse apportés par Arianespace trop succincts, et a réclamé un « inventaire floristique et faunistique, et une étude globale des risques sanitaires ».

L’inspecteur des installations classées a énoncé une dizaine de propositions, notamment sur les futurs rejets aqueux, le recensement et la protection de plants de Stachytarpheta angustifolia (espèce végétale protégée en vertu d’un arrêté ministériel en date du 9 avril 2001) et la mise en place d’un centre de secours permanent sur le site. Il a émis le 19 juin 2006 un avis favorable à l’octroi de la demande sollicitée par Arianespace.

Le Comité départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques a procédé le 5 juillet 2007 à l’examen du dossier.

Un arrêté préfectoral en date du 26 juillet 2007, n° 1689 2D/2B/ENV autorise la société Arianespace à exploiter les installations de l’ensemble de lancement Soyouz.

3. Préconisations

a) Adapter l’activité spatiale en Guyane à la sécurité sanitaire et à la sauvegarde de l’environnement

Le Centre national d’études spatiales et Arianespace se sont conformés aux obligations qui leur incombaient, et soumis aux observations émises par les services de l’Etat et les autorités compétentes, notamment l’inspecteur des installations classées. Les avis des collectivités concernées ont été pris en compte, pour autant qu’elles se sont exprimées. C’est ce qu’il ressort des documents auxquels votre rapporteure a eu accès, à sa demande, bien que parfois obligée de la réitérer.

Les responsabilités de l’Etat demeurent essentielles et la vigilance la plus grande doit être maintenue pour la santé des populations de Sinnamary, de Kourou, mais également de toute la Guyane, et pour la préservation des écosystèmes, de la flore et de la faune.

L’activité spatiale en Guyane date de près de 40 ans, régulièrement depuis 1988 avec le programme Ariane 4. Ce programme s’est étendu jusqu’en février 2003, avec 116 lancements dont 113 réussis et 3 accidents ou destructions en vol. Le programme Ariane 5, lanceur lourd, utilisant des propergols liquides, a pris le relais en 1996 avec un premier vol de qualification qui a donné lieu à une destruction en vol, quelques secondes après le décollage. Sur les onze dernières années, 31 lancements ont eu lieu, dont 28 se sont conclus avec succès.

Pour autant, nul ne peut arguer d’une innocuité absolue de cette activité industrielle. Avec le lanceur Soyouz, dont la fréquence annuelle se situe entre 2 et 4 lancements ; le lanceur léger Vega et le maintien du lanceur Ariane 5 ; une répartition sur deux sites soit une emprise foncière de plus de 700 km², l’activité spatiale en Guyane change de dimension. Il importe que les dispositifs et mesures de sécurité sanitaire et de sauvegarde écologique soient adaptés aux risques, aux connaissances scientifiques disponibles et au niveau d’exigence des citoyens en termes d’information, de prévention et de prise en charge.

Ces nécessités sont confortées par la Charte de l’environnement, devenue constitutionnelle. Elles sont justifiées par la réglementation dite « Seveso II ». Elles sont requises par la directive européenne du 17 juin 2001 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement. Cette directive a été transposée en droit français par une ordonnance du 3 juin 2004 et par un décret d’application du 27 mai 2005. Son champ d’application concerne tous les plans dont l’élaboration ou la révision ont été prescrites avant le 21 juillet 2004, si l’enquête publique est intervenue avant février 2006. L’enquête publique concernant l’ensemble de lancement Soyouz s’est déroulée du 2 mars au 1er avril 2006.

b) Créer des instruments d’observation et de suivi

Dans le contexte de préparation du « Grenelle de l’Environnement », la plus grande exigence est de mise en matière d’examen des conditions d’exercice des activités industrielles et toutes les mesures, procédures et modalités utiles pour la protection des populations et la préservation des environnements doivent être prévues.

Les exigences pour la santé et l’environnement ne sont pas incompatibles avec les performances, la productivité et la compétitivité économiques et commerciales. Elles en sont un facteur. Elles sont, dans un monde où le citoyen est heureusement de mieux en mieux informé et de plus en plus actif, un élément qui participe d’un meilleur rendement économique à terme, d’une meilleure image de marque et qui contribue au progrès.

Des structures existent, ayant mission ou vocation à constituer les espaces où doit s’exercer cette vigilance. Le Service de prévention des pollutions industrielles déjà cité (créé par arrêté préfectoral n°907 1D/4B du 29 septembre 2007), les trois Comités locaux d’information et de concertation de Guyane créés par la loi n°2003-699 du 30 juillet 2003 sont des outils qui, s’ils ne suffisent pas aux besoins, devront être renforcés ou complétés.

Les pouvoirs publics doivent donc créer les instruments d’observation et de suivi nécessaires, au premier rang desquels les registres de pathologies.

CONCLUSION

Le programme « Soyouz au Centre spatial guyanais » constitue un élément essentiel de la coopération engagée avec la Russie dans le domaine spatial. Il permettra à un opérateur européen, Arianespace, d’élargir sa gamme d’offre de lanceurs et de rester compétitif dans ce secteur hautement concurrentiel du lancement de satellites. Arianespace peut ainsi reprendre place sur le marché des satellites de poids moyen.

L’Accord établi le 21 mars 2005 entre le Gouvernement de la République française et l’Agence spatiale européenne résulte de cette volonté manifestée par chacune des deux parties d’aboutir à la mise en œuvre de ce programme. Il constitue le cadre juridique qui permettra de stabiliser et de sécuriser ce partenariat dont la répartition claire des responsabilités et prérogatives est un gage d’efficience.

L’article 10 de l’Accord, se référant à l’article II.2 de la Convention sur l’immatriculation, des objets lancés dans l’espace atmosphérique stipule que cette compétence revient au Gouvernement de la République française pour le lanceur Soyouz ST et ses éléments lorsque les lancements sont effectués depuis le Centre spatial guyanais. L’alinéa 2 de cet article stipule que, conformément à l’article VIII du Traité sur l’espace, le lanceur Soyouz ST et ses éléments sont conservés sous sa juridiction et sous son contrôle, y compris dans l’espace atmosphérique.

Cette disposition de souveraineté place la France en responsabilité à l’égard de ses partenaires, qu’elle garantit à proportion des conditions contenues dans l’Accord. Elle contraint également la France envers ses citoyens. En son nom, le gouvernement assume donc l’obligation permanente de veiller à ce que ce progrès technologique aux retombées commerciales et financières conséquentes se traduise, dans la mesure des contraintes économiques, en création d’emplois et en contribution aux nécessités de la santé publique et de la préservation de l’environnement.

Sous ces considérations, votre rapporteure se prononce en faveur de l’adoption du projet de loi visant à la ratification de cet Accord.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 19 septembre 2007.

Après l’exposé de la rapporteure, un débat a eu lieu.

Le Président Axel Poniatowski a souhaité savoir si le programme Soyouz avait été choisi par opportunité suite à l’abandon d’Ariane 4, ou bien si l’arrêt du programme de lanceur moyen européen avait été décidé en anticipant la mise à disposition de lanceurs Soyouz. De plus, comment se répartit le budget global mobilisé pour ce programme ? Enfin, quels sont les autres programmes de coopération spatiale avec la Russie ?

M. Jean-Paul Lecoq a attiré l’attention de la Commission sur le fait que l’utilisation de lanceurs Soyouz risquait de réduire l’usage de lanceurs Ariane 5, et pourrait donc avoir un impact sur le volume d’activité des établissements participant à la fabrication de ces lanceurs.

Concernant les enjeux environnementaux, la création d’un observatoire de la santé et de l’environnement est un impératif majeur pour concilier prévention des risques et développement de l’activité économique.

Mme Christiane Taubira, rapporteure, a apporté les précisions suivantes. D’abord, Soyouz a représenté une opportunité lors de la mise en place du lanceur Ariane 5, ce dernier rendant la poursuite du programme Ariane 4 trop coûteuse. Le budget couvre à la fois le développement d’un lanceur spécifique, appelé Soyouz ST, qui sera seulement lancé depuis la base sise en Guyane. Les superficies très importantes qui sont nécessaires à la réalisation de ce programme expliquent les coûts de construction de l’ensemble de lancement.

Concernant les programmes de coopération menés avec la Russie, il en existe dans divers domaines : les vols habités, l’interopérabilité des systèmes de satellites, le développement du lanceur futur.

La mise en place d’un nouveau programme suscite souvent des attentes importantes concernant les effets sur l’économie de tels développements. Toutefois, les estimations avancées sont souvent optimistes, et le chiffre de 250 créations d’emplois avancé par le ministère n’a pas été précisé. Il semble qu’une part de ces emplois seront plutôt issus de redéploiements internes au sein des agences spatiales tant russe qu’européenne et française.

Les risques pesant sur le volume d’activités du lanceur Ariane 5 existent. La rapporteure, Mme Christiane Taubira, a indiqué qu’elle interrogerait le Centre national d’études spatiales sur ce point.

En matière de risques environnementaux, la rapporteure a rappelé qu’elle a été à l’origine de la création, en Guyane, du Secrétariat permanent pour la prévention des pollutions industrielles en 1996, suite notamment à l’échec du vol de qualification d’Ariane 5 en juin de cette année.

La prévention des risques contre l’environnement ne doit pas être perçue comme une croisade contre les activités économiques et commerciales. Ce point de vue doit être promu face à des autorités administratives qui peuvent parfois assimiler la sensibilité aux risques à un rejet du développement économique.

Mme Christiane Taubira a considéré que les réponses fournies par le ministère des affaires étrangères sur ce sujet n’étaient pas satisfaisantes, et justifiaient d’autant plus qu’un tel texte soit discuté par l’Assemblée Nationale.

M. François Loncle a confirmé que le Président du groupe Socialiste, radical, citoyen et divers gauche demanderait que la procédure d’examen simplifiée ne s’applique pas pour ce texte, qui fera l’objet d’un débat en séance publique.

M. François Loncle a par ailleurs rappelé que les industriels participant à la fabrication des lanceurs Ariane avaient manifesté dès la signature de l’accord entre la France et la Russie leur inquiétude face à une concurrence perçue comme trop vive.

Conformément aux conclusions de la rapporteure, la commission a adopté le projet de loi (n°122).

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La commission vous demande donc d’adopter, dans les conditions prévues à l’article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte de ce protocole additionnel figure en annexe au projet de loi (n° 122).

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