N° 239 - Rapport de M. Patrick Balkany sur le projet de loi , adopté, par le Sénat, autorisant l'approbation d'accords entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Émirats Arabes Unis relatifs au musée universel d'Abou Dabi (n°180)




N
° 239

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 2 octobre 2007.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation d’accords entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Émirats Arabes Unis relatifs au musée universel d’Abou Dabi,

par M. Patrick BALKANY,

Député

——

Voir les numéros  :

Sénat : 436, 451, 455 et T.A. 137 (2006-2007).

Assemblée nationale : 180

INTRODUCTION 5

I.– LA CRÉATION D’UN MUSÉE UNIVERSEL À ABOU DABI, CAPITALE DES ÉMIRATS ARABES UNIS. 7

A.– UNE NOUVELLE ÉTAPE DANS L’ACTION INTERNATIONALE DES MUSÉES FRANÇAIS. 7

1) Les activités des musées français au-delà de nos frontières 7

2) Genèse du projet de musée à Abou Dabi 7

3) Un projet de musée universel 8

B.– UN RENFORCEMENT DE LA PRÉSENCE FRANÇAISE DANS LA RÉGION 9

1) Les ambitions des Emirats arabes unis 9

2) La présence française aux Emirats arabes unis 9

II.– LA CONTRIBUTION FRANÇAISE AU PROJET DE MUSÉE UNIVERSEL D’ABOU DABI 11

A.– L’AIDE À LA CONCEPTION DU MUSÉE 12

1) La participation de la France à la construction du musée 12

2) Définition et stratégie d’un musée universel 12

3) Les contreparties financières 13

B.– LE RÔLE DE LA FRANCE DANS L’ACTIVITÉ DU MUSÉE : EXPOSITIONS ET COLLECTIONS 13

1) L’action de France-Museums sur les collections du musée universel 13

2) Les engagements français pour l’organisation annuelle d’expositions temporaires 14

3) Un cahier des charges très strict 15

C.– LE « LOUVRE D’ABOU DABI » 15

1) Le droit, strictement encadré, d’utiliser le terme « Louvre » dans l’appellation du musée universel 15

2) Le mécénat émirien en faveur du Musée du Louvre 16

CONCLUSION 17

EXAMEN EN COMMISSION 19

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi qui vous est soumis concerne ce qu’il est désormais d’usage d’appeler le « Louvre d’Abou Dabi ». Il vise à autoriser la ratification de trois accords distincts, signés le 6 mars 2007 entre la France et les Emirats arabes unis.

Le premier porte sur la création d’un musée universel à Abou Dabi, lequel bénéficiera pour sa conception, sa construction et le lancement de ses activités de l’expérience et du savoir-faire français et des collections de nos musées. Ce musée pourra également faire usage du terme « Louvre » dans sa dénomination. La participation française à ce projet donne lieu à des contreparties financières, de l’ordre d’un milliard d’euros.

Cette initiative est une nouveauté en matière de coopération culturelle. La France sera en effet partie prenante au projet depuis son origine jusqu’à ce que le musée universel puisse fonctionner de manière autonome. Ainsi, l’accord principal est conclu pour 30 ans et six mois. De plus, sa mise en œuvre fera l’objet d’un réexamen par les deux parties tous les cinq ans. Celles-ci pourront le dénoncer après écoulement d’une période de quinze ans.

Les deux accords additionnels organisent respectivement le régime fiscal des contreparties financières à l’aide apportée par la France aux Emirats arabes unis, ainsi que le régime de responsabilité des mandataires de chaque gouvernement.

Le projet de musée universel à Abou Dabi a suscité des débats nombreux et passionnés. Les décisions prises afin de mettre en œuvre ces accords permettent de répondre aux critiques qui ont été faites et de lever les derniers doutes qui pouvaient subsister.

I.– LA CRÉATION D’UN MUSÉE UNIVERSEL À ABOU DABI, CAPITALE DES ÉMIRATS ARABES UNIS.

A.– Une nouvelle étape dans l’action internationale des musées français.

1) Les activités des musées français au-delà de nos frontières

La coopération internationale entre musées est un phénomène ancien. Dès le XIXème siècle, ceux-ci participent conjointement à diverses activités, comme par exemple des campagnes de fouilles ou l’organisation d’expositions qui incluent depuis longtemps des échanges ou des prêts d’œuvres.

Tous les acteurs de la politique muséale française comptent parmi leurs objectifs le développement de cette part de leur activité. Le renforcement de l’action internationale figure parmi les éléments du contrat de performance conclu entre le musée du Louvre et l’Etat pour 2006 – 2008. L’action internationale est également l’un des axes de travail de la Direction des Musées de France, tels que définis par le ministre en charge de la culture.

L’action internationale des musées comporte plusieurs dimensions. Des contacts sont noués pour accueillir en France des professionnels étrangers, et des réseaux européens sont créés, les collections de nos musées font l’objet d’expositions à l’étranger : environ 30 000 œuvres issues de ces dernières sont prêtées tous les ans. Aujourd’hui, des expositions sont organisées par plusieurs musées internationaux, des partenariats de plus long terme peuvent aussi être noués comme par exemple entre le musée Guimet et les musées du Cambodge ou celui de Kaboul. Enfin, des opérations internationales impliquant des échanges d’ingénierie culturelle sont mises en œuvre. A ce titre, la Chine et l’Etat de Bahia, au Brésil, ont d’ores et déjà émis le souhait de bénéficier du concours des équipes françaises. C’est de cette manière que les Emirats arabes unis et la France se sont rapprochés.

2) Genèse du projet de musée à Abou Dabi

L’Emirat d’Abou Dabi a décidé la création d’un complexe culturel de rayonnement mondial sur l’île de Saadiyat, située en face d’Abou Dabi, capitale de l’Emirat. Divers musées seront à terme construits sur cette île, dont un musée des arts islamiques, un musée maritime et un musée d’art moderne.

Au départ, les autorités émiriennes souhaitaient adjoindre à ces installations un musée consacré à l’art classique. Elles se sont tournées vers la France, après avoir choisi en 2006 l’Université Paris IV – Sorbonne pour nouer un partenariat en matière d’enseignement supérieur. La demande des Emirats arabes unis consistait initialement à créer une antenne du Louvre mais, sur proposition française, le projet est passé d’un musée d’art classique à la réalisation d’un musée universel.

3) Un projet de musée universel

Le musée universel est soumis à des exigences d’innovation, d’ouverture muséographique, de tolérance et d’ambition scientifique, en vertu de l’article premier de l’accord principal signé le 6 mars 2007 entre la France et les Emirats arabes unis.

Le musée universel d’Abou Dabi doit participer au rapprochement des cultures. Ainsi, il a pour ambition explicite de montrer l’importance du dialogue entre l’Orient et l’Occident, à la fois dans sa conception et par les expositions qu’il accueillera. Géographiquement, le choix des Emirats arabes unis est bienvenu, ces derniers se trouvant situés au carrefour des cultures orientale et occidentale.

Le musée devra présenter des œuvres de toutes les époques, tous les styles et tous les formats. La muséographie du musée universel devra permettre la rencontre d’œuvres de périodes différentes. Bien que mettant en valeur la période classique, les galeries devront être organisées de sorte que les œuvres contemporaines puissent apporter un écho à celles plus anciennes. De même, les œuvres, plutôt que d’être présentées de manière chronologique, devront être réunies par thème ou par genre.

L’accord précise que le musée universel doit répondre, à tout moment, aux critères de qualité et d’ambition scientifique du musée du Louvre. La dimension et l’ambition de ce projet se retrouvent dans la superficie totale de l’ensemble qui sera de 24 000 mètres carrés. Sur ce total, 6 000 seront réservés aux collections permanentes, 2 000 aux expositions temporaires. Le reste permettra d’accueillir les réserves du musée, ainsi que les autres activités que l’accord prévoit.

La muséographie du musée universel d’Abou Dabi aura recours aux techniques les plus innovantes s’agissant de l’installation, de la présentation des œuvres ou de la programmation d’autres activités. Le musée sera ainsi équipé d’un auditorium, à la programmation pluridisciplinaire. Un centre de ressources sera ouvert à la conservation du musée et au public. Des espaces pédagogiques pour adultes et pour enfants sont également prévus. Enfin, le musée universel comportera un atelier de conservation et de restauration.

B.– Un renforcement de la présence française dans la région

1) Les ambitions des Emirats arabes unis

Les Emirats arabes unis, avec un produit intérieur brut par habitant d’environ 26 000 euros et une population de plus de quatre millions de personnes, sont un partenaire important. En plus de ses réserves pétrolières et gazières, l’économie de ce pays tend à se diversifier à travers une montée en puissance du secteur des services, notamment le commerce, la finance et le tourisme.

Mais les Emirats arabes unis ont également pour ambition de devenir la référence dans la région en matière d’enseignement supérieur, de culture, et de dialogue entre les civilisations. L’Emirat de Dubaï a accru ses investissements dans les transports. L’Emirat d’Abou Dabi a quant à lui investi principalement dans le secteur culturel des arts plastiques et l’enseignement supérieur. Dans ces deux domaines, la France lui est apparue comme le partenaire incontournable.

2) La présence française aux Emirats arabes unis

Les relations entre la France et les Emirats sont particulièrement dynamiques. Dans le secteur de l’éducation, quatre lycées français y scolarisent 3 600 élèves, dans l’enseignement supérieur, un département de français a été créé au sein de l’université d’Al Aïn. De même, une antenne de l’Université Paris IV-Sorbonne a été ouverte en 2006, tandis que l’Institut européen d’administration des affaires (INSEAD) et l’école HEC y ont noué des partenariats. Deux Alliances françaises sont implantées l’une à Abou Dabi et l’autre à Dubaï. Des coopérations existent également en matière archéologique.

La relation entre la France et les Emirats arabes unis revêt également une dimension stratégique puisqu’un accord de défense a été signé en 1995 entre les deux Etats.

Enfin, sur le plan économique, les Emirats arabes unis sont le premier client de la France au Moyen-Orient. Les exportations vers ce pays représentaient environ 3,4 milliards d’euros en 2006 et pour les premiers mois de 2007, contre 1,6 à 1,8 milliards vers l’Iran ou l’Arabie Saoudite. De nombreuses entreprises françaises, comme Total-Fina-Elf, y ont des implantations anciennes.

L’excellente qualité de nos relations bilatérales a incontestablement favorisé le développement de ce projet extraordinaire – la création ex nihilo d’un musée universel est une opération hors normes – qui renforcera les liens existants entre nos deux pays. Il donne à notre présence une dimension culturelle qui vient opportunément compléter les actions de coopération déjà engagées avec les Emirats arabes unis mais il contribue aussi au rayonnement culturel de la France dans la région.

II.– LA CONTRIBUTION FRANÇAISE AU PROJET DE MUSÉE UNIVERSEL D’ABOU DABI

Deux personnes morales françaises sont associées à la création du musée universel : le musée du Louvre et une Agence internationale des musées de France, qui n’existait pas encore à la date de signature de l’accord. L’Agence France-Museums, société par actions simplifiée qui remplira cette fonction, a tenu son assemblée constitutive le 11 juillet 2007.

Société de droit privé, l’Agence France-Museums est composée d’un conseil d’administration et d’un conseil scientifique. Son directeur général est nommé pour trois ans, renouvelables sur décision du conseil d’administration. Au sein de l’Agence France-Museums, le Louvre occupe une place importante. Il possède 115 des 335 actions de cette société et dispose de trois des onze voix au sein du conseil d’administration. Toutefois, chacun des onze autres établissements partenaires détient vingt actions de la société Agence France-Museums. Cinq d’entre eux disposent d’une voix au conseil d’administration (1). Par ailleurs, les trois autres voix délibératives au sein du conseil d’administration sont réservées à des personnes physiques nommées par les ministres en charge des affaires étrangères, de la culture et des finances.

Le conseil scientifique veille au respect par l’Agence des principes fondamentaux de son action. Les obligations de consultation de ce conseil sont étendues, et concernent tant les programmes d’exposition et de prêts que la répartition entre les musées des contreparties financières que l’Agence recueille en leur nom. La composition de ce conseil scientifique garantit une place importante aux autorités publiques françaises  (2).

Les statuts et la composition du capital de l’Agence France-Muséums permettent de dissiper la crainte d’une position dominante de la part de quelque acteur que ce soit. De la même manière, l’Etat continuera de jouer son rôle de régulateur de l’activité muséale. Il est représenté au sein de l’Agence par un représentant du ministère de la culture et un du ministère des affaires étrangères, qui disposent d’un droit d’information équivalent à celui des administrateurs et d’un pouvoir d’interpellation. De plus, l’Etat nomme trois membres du conseil scientifique. Enfin, il convient de rappeler que l’Etat est l’autorité de tutelle de chacun des établissements publics qui participent au capital de l’Agence.

A.– L’aide à la conception du musée

1) La participation de la France à la construction du musée

Le bâtiment destiné à recevoir le musée universel doit correspondre à l’ambition qui sous-tend ce projet. Les normes exigées sont strictes. Sa construction, sa fonctionnalité, la sécurité et la préservation des œuvres qu’il contient doivent ainsi correspondre à un niveau au moins équivalent à celui du musée du Quai Branly. Au titre de l’article 5 de l’accord, la conception de sa maîtrise d’œuvre doit être confiée à un architecte de renommée internationale. Cette fonction reviendra à Jean Nouvel qui a conçu notamment le Musée des Arts premiers, l’Institut du monde arabe et l’extension du Musée Reine Sophie à Madrid.

L’Agence France-Museums vérifiera la conformité du projet présenté par les autorités émiriennes au niveau d’exigence requis. Pour ce faire, l’avant-projet sommaire puis détaillé, ainsi que le plan complet avant délivrance de l’autorisation de construire lui seront soumis. Elle est également consultée préalablement à la réception des travaux. Dans un délai raisonnable, elle pourra émettre ses observations et réserves notamment sur les aspects relatifs à la conservation et à la sécurité des œuvres, mais également en matière de conservation préventive.

Enfin, la réalisation de ce chantier est soumise à des règles visant à préserver l’environnement et d’éventuelles ressources archéologiques. L’Agence devra donc accorder une attention particulière au respect des principes de conservation préventive. Par ailleurs, il est convenu que le respect de l’environnement doit prendre une part importante dans la conception du musée.

2) Définition et stratégie d’un musée universel

L’Agence fournira également de nombreuses prestations touchant à l’activité du musée universel. Elle apportera ainsi sa contribution, ainsi que celles d’experts compétents, sur la définition des fondements scientifiques et culturels de l’action du musée universel, sur ses perspectives de développement, sur les chantiers postérieurs à la réalisation du musée (muséographie, signalétique, multimédia).

L’Agence jouera également un rôle important en matière de gestion des ressources humaines. Elle conseillera les autorités émiriennes pour la constitution d’un organigramme de direction du musée universel et son accord sera requis pour le choix du directeur et des conservateurs du musée. Elle formera et veillera à l’encadrement pédagogique des personnels à qualification spécifique, notamment ceux habilités à entrer en contact direct avec les œuvres. L’Agence fixera également la liste des fonctions pour lesquels des personnes aux qualifications internationalement reconnues doivent être nommées.

3) Les contreparties financières

Les contreparties financières sont réparties entre le Louvre et l’Agence. Celle-ci recevra environ 550 millions d’euros au cours de la période de validité de l’accord. Sur cette somme, 165 millions lui seront attribués au titre de ses prestations de service, 120 millions étant prévus pour couvrir le coût des expositions qu’elle organisera dans le musée. Le reste, plus de 260 millions d’euros, reviendra aux musées en contrepartie des prêts qu’ils accorderont au musée universel.

Le musée du Louvre recevra 425 millions d’euros. 175 millions ont été versés en avril 2007, ce qui représente un quasi-doublement du budget du musée, dont le montant en 2006 s’élevait à 188,6 millions d’euros. En aucun cas ces sommes ne préjugent d’un désengagement financier de l’Etat, dont le montant des subventions versées au musée du Louvre en 2006 reste substantiel (110 millions d’euros).

Conformément à l’un des deux accords additionnels, ces sommes ne sont pas imposables ni en France ni aux Emirats arabes unis, et reviendront donc dans leur intégralité aux musées et à l’Agence.

B.– Le rôle de la France dans l’activité du musée : expositions et collections

Il résulte de nombreuses stipulations de l’accord que le musée universel devra se conformer à des standards élevés en matière de sécurité des œuvres mais aussi de qualité scientifique et culturelle du projet poursuivi. Tant l’Agence France-Museums que le Louvre seront les autorités de référence concernant le respect des normes ainsi établies.

1) L’action de France-Museums sur les collections du musée universel

L’Agence et le musée du Louvre participeront au développement progressif des collections du musée universel. Celui-ci ouvrira ses galeries selon un calendrier arrêté au préalable : 2000 mètres carrés dès l’ouverture, 4000 au bout de quatre ans et finalement 6000 à partir de la septième année. Les parties françaises interviendront dans ce domaine selon deux modalités : le prêt d’œuvres et la constitution de collections permanentes.

En premier lieu, sous forme de prêts d’œuvres. Pendant dix ans, les musées français prêteront, par l’intermédiaire de l’Agence France-Museums, un nombre dégressif d’œuvres, parmi lesquels des objets majeurs. Pendant les quatre premières années de fonctionnement, 300 œuvres présentées au musée universel seront issues des collections des musées français. Chaque œuvre ne pourra être prêtée que pour une durée inférieure à deux ans, conformément aux règles internationales. Entre la quatrième et la septième année, ce nombre passera à 250, puis 200 jusqu’à la dixième année de fonctionnement, au-delà de laquelle l’Agence sera exonérée de toute obligation de prêts. Il est précisé qu’une part raisonnable de ces prêts doit provenir des collections du Louvre.

Les Emirats arabes unis verseront 190 millions d’euros à l’Agence en contrepartie de ces prêts. Celle-ci répartira cette somme parmi tous les musées ayant participé à ces opérations. Les statuts et la composition du capital de l’Agence sont des garanties d’équité de la répartition.

On le voit, ce projet ne se fera pas, comme certains ont pu le craindre, au détriment du droit d’accès du public français aux œuvres de notre patrimoine. Les prêts au musée universel ne représenteront que 300 œuvres, chacune étant prêtée pour un délai limité. Ce total ne représente qu’environ un pour cent des prêts d’œuvres accordés annuellement par la France.

Parallèlement aux prêts, l’Agence France-Museums et le musée du Louvre aideront à la constitution des collections permanentes du musée universel d’Abou Dabi.

Avec les autorités émiriennes, ils procéderont à un état des lieux des collections existant déjà à Abou Dabi. Par la suite, l’Agence apportera sa contribution à l’élaboration d’une stratégie d’acquisition pour le musée universel, notamment afin de garantir le respect des principes déontologiques dans cette matière. Elle n’a pas pour autant vocation à accomplir d’actes d’acquisition, afin d’éviter tout conflit d’intérêt. Les autorités émiriennes se sont engagées à réserver un budget de 40 millions d’euros pour la constitution des collections permanentes du musée universel.

2) Les engagements français pour l’organisation annuelle d’expositions temporaires

En plus de son aide en matière de collections permanentes, l’Agence France-Museums est prestataire de services en matière d’expositions temporaires. Pendant quinze ans, elle s’engage à organiser annuellement quatre expositions, une de 1200 mètres carrés, une de 600 mètres carrés et de deux de 300 (annexe I de l’accord principal). Ces expositions peuvent être conçues spécialement pour le musée universel ou faire partie d’un programme d’expositions internationales.

3) Un cahier des charges très strict

Le musée universel est donc voué à recevoir des œuvres majeures, notamment françaises. Celles-ci bénéficieront d’un haut niveau de protection. La réserve destinée aux collections permanentes du musée universel doit en effet répondre aux « normes internationales de conservation et bénéfici[er] d’un équipement correspondant à l’évolution technique la plus récente dans ce domaine ». Le cahier des charges imposé au maître d’œuvre est élaboré par l’Agence, en particulier ses préconisations relatives à la sécurité et à la conservation des œuvres. La formation des personnels par l’Agence est clairement destinée à renforcer les garanties de sécurité et de conservation des œuvres lors de leur manipulation éventuelle. Enfin, tant les expositions temporaires que les prêts sont soumis au respect des normes de sécurité et de conservation prescrites par l’Agence.

Les garanties juridiques obtenues lors de la négociation de l’accord du 6 mars 2007 sont importantes. L’Agence peut vérifier à tout moment que les règles établies sont bien respectées (article 12 de l’accord principal). En cas de manquement, l’Agence peut mettre en demeure les autorités émiriennes de se conformer à des préconisations qu’elle établit, sous peine de sanctions pouvant aller jusqu’à la résiliation de l’accord. Par ailleurs, l’article 13 de l’accord principal indique que les œuvres prêtées sont insaisissables sur le territoire des Emirats arabes unis. La France peut procéder sans délai au rapatriement des œuvres prêtées si elle considère qu’un risque pèse sur leur sécurité.

Les différends, en cas d’échec de la négociation amiable, sont réglés par voie d’arbitrage.

Les dispositions de l’accord principal s’appliquent à toute personne mandatée par les autorités émiriennes ou françaises ou intervenant pour leur compte, comme l’indique l’un des deux accords additionnels signés le même jour par la France et les Emirats arabes unis.

C.– Le « Louvre d’Abou Dabi »

La participation du musée du Louvre à l’état des lieux des collections émiriennes existantes et à la politique de prêt de l’Agence France-Museums a déjà été évoquée. Le Louvre contribuera de deux autres manières à la création d’un musée universel à Abou Dabi.

1) Le droit, strictement encadré, d’utiliser le terme « Louvre » dans l’appellation du musée universel

L’établissement public du musée du Louvre a autorisé le musée universel à faire usage de son nom. L’utilisation du terme « Louvre » permettra au musée universel de bénéficier de la réputation d’excellence du musée français. En contrepartie, le Louvre recevra 400 millions d’euros, selon un calendrier de cinq versements en quinze ans.

Les conditions d’utilisation du terme « Louvre » sont strictes. Le Louvre reste titulaire exclusif de son nom. Le musée universel n’est autorisé qu’à adjoindre le terme « Louvre » à son nom. Tout autre usage, notamment l’apposition du terme Louvre sur un objet destiné à la vente, est interdit au musée universel sauf approbation expresse du musée du Louvre.

S’il estime que les conditions d’utilisation de son nom n’ont pas été respectées, le musée du Louvre peut mettre en demeure les autorités émiriennes de prendre les mesures qu’il estime nécessaires et prendre des mesures allant jusqu’à la résiliation de l’accord en cas d’inaction de la partie émirienne.

La France s’engage en revanche à ne pas entreprendre de démarche similaire ou analogue comportant le droit d’utilisation du nom du Louvre avec aucun autre Emirat des Emirats arabes unis, ni avec un autre pays de la région (3).

La valorisation du patrimoine matériel et immatériel des musées français ne peut être assimilée à sa marchandisation. Le Louvre a déjà été rémunéré pour l’organisation d’expositions dans un autre musée. De plus, la décision d’autoriser le musée universel à utiliser le terme « Louvre » dans son appellation permet de conférer une valeur à un bien immatériel qui serait resté inexploité. Enfin, l’utilisation des contreparties financières versées par les Emirats arabes unis sera le fait de chaque établissement public, et pourra donc permettre d’agir en faveur de la démocratisation de la culture en France.

2) Le mécénat émirien en faveur du Musée du Louvre

Au titre du mécénat, les autorités émiriennes s’engagent à verser 25 millions d’euros au Louvre.

Bien que cela ne soit pas présenté comme un contrepartie directe, le Louvre s’engage, dans l’accord principal du 6 mars 2007, à ce que les salles d’un étage du Pavillon de Flore reçoivent le nom d’une personnalité éminente des Emirats arabes unis.

CONCLUSION

Les objectifs poursuivis par le musée universel d’Abou Dabi sont multiples. Aucun d’entre eux n’est négligeable. Il renforce le poids de la France dans une région d’une importance stratégique, permet de renforcer l’image d’excellence de nos musées dans le monde, libère des ressources importantes pour les musées français.

Il est surtout un élément essentiel du dialogue des cultures entre l’Orient et l’Occident dont la nécessité n’a pas besoin d’être rappelée.

La France jouera un rôle essentiel dans ce projet qui contribue au rayonnement culturel de notre pays sur la scène internationale et qui promeut par son caractère universel les valeurs de dialogue, de respect et de tolérance que nous défendons.

Pour ces raisons, votre rapporteur invite la commission à se prononcer pour l’adoption du projet de loi autorisant la ratification des trois accords du 6 mars 2007.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du mardi 2 octobre 2007.

Après l’exposé du rapporteur, le Président Axel Poniatowski a demandé si le musée universel pourrait continuer à utiliser le terme Louvre une fois la période de validité de l’accord achevée.

Le rapporteur a indiqué que l’accord avait effectivement une durée limitée. Il sera par ailleurs réévalué conjointement par les deux parties tous les cinq ans. La partie émirienne ne pourra cependant pas renégocier les contreparties financières sauf résiliation de l’accord qui n’a aucun effet sur les obligations déjà honorées et les projets en cours.

M. Jean-Jacques Guillet s’est félicité de la conclusion de cet accord qui permet la mise en œuvre d’un projet remarquable. D’autres opérations de ce type sont-elles envisagées pour le futur, bien que l’accord du 6 mars 2007 en interdise le principe dans certains pays ?

M. Patrick Balkany, rapporteur, a remercié le commissaire d’avoir rappelé que l’accord interdisait à la France de participer à la construction d’un autre musée universel dans la région des Emirats Arabes Unis. Cependant, plusieurs Etats ont sollicité le savoir-faire français en matière de musées. L’Etat de Bahia au Brésil a fait appel à des experts français afin d’aider à la réalisation d’un musée consacré à Rodin. En Chine, la France participe à plusieurs actions de sauvegarde et de restauration du patrimoine archéologique. Enfin, un arrangement administratif a été récemment conclu entre la France et la Roumanie pour permettre une coopération globale dans le secteur des musées. La France apporte une expertise scientifique et technique.

L’accord du 6 mars 2007 peut donc encourager certains pays à demander l’aide de la France dans leur politique muséale. Pour sa part, le Louvre poursuit, sur la période 2006/2008, un partenariat avec le High Museum d’Atlanta. Le musée français organise dans ce cadre une série de huit expositions temporaires afin de retracer sa propre histoire, de 1793 à nos jours.

Tous les pays qui font montre d’ambitions culturelles universelles ont intérêt à demander l’aide de la France, et plus spécifiquement celle du musée du Louvre dont la réputation et les compétences sont mondialement reconnues.

M. Patrick Bloche a remercié le rapporteur d’avoir pris en compte le débat public suscité par la réalisation d’un musée universel à Abou Dabi. Les principales inquiétudes concernant ce projet, levées par l’exposé devant la Commission, résidaient dans les conditions de transport et de sécurité des œuvres ainsi que dans l’ambition scientifique poursuivie par le musée universel.

Le débat public sur le Louvre d’Abou Dabi n’est pas qu’une discussion entre les Anciens et les Modernes. La coopération internationale entre les grands musées internationaux est en effet une tradition relativement ancienne. Mais le projet de musée universel est nouveau, il n’est pas le simple déploiement d’une antenne du Louvre à l’étranger. Il soulève dès lors de nombreuses questions concernant les retombées du projet pour la France, sa signification compte tenu du fait qu’il associe des contreparties industrielles et financières à un partenariat culturel.

Le débat en séance publique permettra d’aborder ces aspects. En revanche, trois interrogations peuvent dores et déjà être soulevées. Quels sont les publics visés par le projet de musée universel à Abou Dabi ? La liberté de choix des œuvres est-elle respectée ? Quelles sont les conséquences écologiques de l’ensemble du projet ?

M. Patrick Balkany, rapporteur, a rappelé l’importance du rôle joué par la France à toutes les étapes de la construction du musée, qui sera dès lors garante du respect par ce projet des normes environnementales les plus strictes. En matière de choix des œuvres, la liberté à préserver est celle des organes de direction du musée universel, dont l’accord est prévu avant de pouvoir y présenter des œuvres.

Le public attendu par le musée universel pourrait s’avérer plus nombreux qu’il n’y paraît. Sur le territoire de la ville d’Abou Dabi, une île entière est prévue pour accueillir plusieurs musées. De plus, les Emirats Arabes Unis s’efforcent de diversifier leur économie, afin de ne plus dépendre de réserves pétrolières dont la disparition est programmée. Parmi les activités promues, le tourisme fait partie des secteurs d’investissement majeurs choisis notamment par l’Emirat d’Abou Dabi, tandis que celui de Dubaï favorise l’implantation d’activités financières et d’infrastructures de transport. Il est souhaitable que la France s’associe au développement très rapide de l’économie émirienne, d’autant qu’elle n’a pas à redouter la concurrence d’Abou Dabi en matière culturelle.

Au contraire, le projet de musée universel à Abou Dabi permettra de renforcer considérablement les actions menées dans le domaine de la culture, sans pour autant augurer d’une baisse des fonds publics alloués à ce secteur.

Suivant les conclusions du rapporteur, la commission a adopté le projet de loi (n° 180).

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La commission vous demande donc d’adopter, dans les conditions prévues à l’article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte des accords figure en annexe au projet de loi (n° 180).

© Assemblée nationale