N° 2158 - Rapport de M. André Schneider sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Belgique pour le développement de la coopération et de l'entraide administrative en matière de sécurité sociale (n°1956)




N
° 2158

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 décembre 2009.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI n°1956, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Belgique pour le développement de la coopération et de l'entraide administrative en matière de sécurité sociale,

par M. André SCHNEIDER

Député

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ET

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

A – LES RÈGLEMENTS DE 1971 ET 2004 RELATIFS À LA COORDINATION DES RÉGIMES DE SÉCURITÉ SOCIALE 7

B – LE CODE DE CONDUITE POUR UNE MEILLEURE COOPÉRATION EN MATIÈRE DE LUTTE CONTRE LA FRAUDE TRANSNATIONALE 9

II – UN DISPOSITIF BILATÉRAL NOVATEUR 11

A – UNE COOPERATION FONDÉE SUR L’ÉCHANGE D’INFORMATIONS 11

B – UN OUTIL DE LUTTE CONTRE LA FRAUDE SOCIALE 14

CONCLUSION 19

EXAMEN EN COMMISSION 21

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ANNEXE – TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 23

Mesdames, Messieurs,

Alors que le montant des prestations sociales versées à l’étranger ne cesse de croître (1), les Etats membres de l’Union européenne ont insuffisamment pris en compte, lors de la révision en 2004 du règlement qui coordonne les systèmes nationaux de sécurité sociale, la fraude transnationale aux prestations et aux cotisations.

En effet, les règlements prévoient les mesures de nature à assurer la libre circulation des travailleurs en éliminant les entraves à cette liberté que constituent les conditions de stage, de résidence ou de nationalité ainsi qu’en levant les obstacles susceptibles d’entraîner des pertes de droits pour les travailleurs migrants. En revanche, ils ne comportent pas d’instruments juridiques permettant d’en contrôler l’application.

L’accord du 17 novembre 2008 entre la France et la Belgique pour le développement de la coopération et de l’entraide administrative en matière de sécurité sociale, après celui signé avec la République tchèque, illustre la volonté française de combler les lacunes de la législation communautaire par la conclusion d’accords bilatéraux de coopération en matière de sécurité sociale avec les autres Etats membres.

Le choix de la Belgique pour ce deuxième accord s’explique aisément par l’importance respective des communautés belge et française dans les deux pays (2) ainsi que par la pratique ancienne de la coopération.

L’accord repose principalement sur l’échange de données aux fins de vérification de la réalité du droit aux prestations et de l’acquittement des cotisations. L’entraide administrative qu’il encourage vise à assurer le respect des règles communautaires – au bénéfice des assurés comme des institutions de sécurité sociale –, au premier rang desquelles l’égalité de traitement, mais également à prévenir la fraude sociale.

I – UN CADRE COMMUNAUTAIRE INSUFFISANT

En matière de sécurité sociale, le droit communautaire prévoit une coordination des systèmes nationaux plutôt qu’une harmonisation des législations des Etats membres. Alors que les systèmes de sécurité sociale sont le fruit des traditions et de la culture nationales, la coordination permet à l’État membre de conserver son droit de déterminer les types de prestations et les conditions d’octroi. En revanche, le droit communautaire impose certaines règles et principes afin de garantir que l’application des différents systèmes nationaux ne lèse pas les personnes qui exercent leur droit à la libre circulation des personnes.

A – Les règlements de 1971 et 2004 relatifs à la coordination des régimes de sécurité sociale 

La coordination des systèmes de sécurité sociale a été mise en œuvre en 1971 par l’adoption du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil (3). Ce règlement a permis de garantir à tous les travailleurs ressortissants des États membres l’égalité de traitement et le bénéfice des prestations de sécurité sociale, quel que soit le lieu de leur emploi ou de leur résidence.

Depuis 1971, ce règlement a fait l’objet de nombreuses modifications afin de l’adapter aux évolutions des législations nationales et d’intégrer les avancées résultant des arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes. Conscient de la complexité croissante des règles communautaires de coordination, le Conseil a présenté en 1998 une proposition de simplification de la législation ayant abouti au règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004.

Ce règlement sera applicable et abrogera le règlement (CEE) n° 1408/71 à compter de l’entrée en vigueur du nouveau règlement d’application (4), prévue au printemps 2010.

Il comporte des avancées notamment sur les points suivants :

– l’amélioration des droits des assurés par une extension des champs d’application personnel et matériel ;

– l’extension des dispositions à tous les ressortissants des États membres couverts par la législation de sécurité sociale d’un État membre et non plus seulement les personnes faisant partie de la population active ;

– l’élargissement des branches de sécurité sociale soumises au régime de coordination afin d’inclure les prestations relatives à la préretraite, la dépendance et la paternité ;

– une amélioration des droits en matière de soins de santé dans certaines situations ;

– le choix offert à l’assuré, pour les soins reçus pendant un séjour temporaire, entre la prise en charge au titre de la législation de l’État de séjour ou de celle de l’État d’affiliation (avec un complément différentiel le cas échéant);

– des simplifications en matière de liquidation des pensions d’invalidité et des améliorations en matière de chômage et de prestations familiales ;

– l’introduction du principe de bonne administration.

Les règlements reposent sur les principes suivants : l’égalité de traitement, l’unicité de législation, la totalisation-proratisation (l’acquisition de droits aux prestations dans un Etat membre en faisant appel, si nécessaire, aux périodes d’assurance accomplies dans un autre Etat) et la conservation des droits acquis.

En vertu des règlements, toutes les personnes résidant sur le territoire d’un État membre sont soumises aux obligations et admises au bénéfice de la législation de tout État membre dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État. Le nouveau règlement supprime la condition préalable de résidence sur le territoire d’un État membre.

Le règlement s’applique à tous les ressortissants d’un État membre qui sont ou ont été couverts par la législation de sécurité sociale de l’un des États membres, ainsi qu’aux membres de leur famille et à leurs survivants. Désormais, non seulement les travailleurs salariés, les travailleurs non salariés, les fonctionnaires, les étudiants et les pensionnés mais également les personnes non actives seront protégés par les règles de la coordination lorsqu’ils se déplacent dans l’Union européenne.

Les dispositions des règlements concernent toutes les branches classiques de la sécurité sociale, à savoir la maladie, la maternité, les accidents de travail, les maladies professionnelles, les prestations d’invalidité, les prestations de chômage, les prestations familiales, les prestations de retraite et les allocations de décès. Le champ d’application est étendu par le nouveau règlement aux régimes légaux de préretraite.

La personne assurée est soumise à la législation d’un seul État membre. L’État membre concerné est celui dans lequel elle exerce une activité professionnelle. Des règles particulières s’appliquent pour les fonctionnaires ainsi que pour les travailleurs exerçant une activité salariée ou non salariée dans plusieurs États membres.

Le règlement de 2004 introduit le principe de bonne administration. En effet, les institutions doivent répondre à toutes les demandes dans un délai raisonnable et doivent communiquer aux personnes concernées toute information nécessaire pour faire valoir les droits qui leur sont conférés par le règlement. A cette fin, le nouveau règlement comporte toute une série de mécanismes visant à garantir le bon fonctionnement et la collaboration accrue entre les États membres et leurs institutions en matière de sécurité sociale :

– réalisation d’un réseau d’échanges électroniques sécurisés (EESSI) ;

– dispositif permettant le recouvrement dans un autre Etat membre des contributions et de prestations indues : ce dispositif est repris de celui de la directive 76/308/CEE modifiée concernant l’assistance mutuelle en matière de créances en matière douanière et agricole ;

– obligation d’information (des assurés, des institutions) dans un équilibre nouveau entre droits et obligations.

D’après les informations recueillies par votre Rapporteur, les autorités françaises ont, dans le cadre de la refonte des règlements, mis en avant le lien nécessaire entre les droits et les devoirs. Si les améliorations évoquées plus haut ont pu être obtenues, la lutte contre la fraude sociale « n’est pas une préoccupation partagée par un nombre important d’Etats membres ».

Cette préoccupation trouve néanmoins un écho dans la résolution du Conseil de 1999 qui définit un code de conduite pour une meilleure coopération en matière de lutte contre la fraude transnationale.

B – Le code de conduite pour une meilleure coopération en matière de lutte contre la fraude transnationale

Les Etats membres ont adopté lors du Conseil du 22 avril 1999 une résolution relative à un code de conduite pour une meilleure coopération entre les autorités des États membres en matière de lutte contre la fraude transnationale aux prestations et aux cotisations de sécurité sociale et le travail non déclaré, et concernant la mise à disposition transnationale de travailleurs.

En vertu de cette dernière, les États membres sont invités à prendre les mesures et adopter les procédures nécessaires en vue d’améliorer la coopération dans les domaines visés grâce aux modalités pratiques de coopération et d’entraide administrative suivantes :

– la communication directe entre les organismes compétents ;

– la désignation de centres nationaux de liaison dans les États membres en vue de faciliter la coopération, et notification de ces centres aux États membres et à la Commission ;

– la transmission de toute demande de coopération à l’organisme compétent de l’État membre ;

– l’entraide administrative des organismes compétents (communication d’informations et transmission de documents).

Les États membres encouragent la coopération entre les organismes compétents en matière de transmission des données et de demande d’informations, tout en respectant le droit à la confidentialité dans le traitement des données à caractère personnel.

Les États membres sont invités à informer la Commission des mesures prises pour mettre en œuvre la présente résolution.

S’inspirant du code de conduite européen et fort du constat que le nouveau règlement ne propose pas d’outils pour lutter contre la fraude, les deux Etats ont décidé de se doter d’un dispositif de contrôle du respect des règles communautaires. A ce jour, seul un accord bilatéral permet l’exercice des contrôles prévus par la législation sociale d’un Etat membre lorsque les bénéficiaires résident ou travaillent hors du territoire de cet Etat.

Alors que le règlement de 1971 avait donné lieu à la signature entre les deux pays de l’accord du 3 octobre 1977 relatif à la sécurité sociale des travailleurs migrants, l’accord du 17 novembre 2008 soumis à la commission des affaires étrangères tend à approfondir leur coopération administrative dans la lutte contre la fraude sociale transnationale en favorisant l’échange d’informations et de données.

II – UN DISPOSITIF BILATÉRAL NOVATEUR

L’accord franco-belge pour le développement de la coopération et de l’entraide administrative en matière de sécurité sociale, signé le 17 novembre 2008, constitue le deuxième exemple – après la signature d’accord de même nature avec la République tchèque le 11 juillet 2008 – de la détermination française à assurer le respect de la législation communautaire et à lutter contre la fraude sociale transnationale. Il est en effet prévu de conclure des accords similaires avec les autres Etats membres de l’Union européenne.

Afin de combler les lacunes communautaires, la France et la Belgique ont choisi de se doter des moyens juridiques nécessaires à une coopération renforcée en matière de sécurité sociale. Cette coopération, fondée sur l’échange d’informations, vise notamment à lutter contre la fraude sociale.

A – Une cooperation fondée sur l’échange d’informations

L’article 1er définit les termes employés dans l’accord tandis que les articles 2, 3 et 4 rappellent que son champ d’application recouvre celui du règlement communautaire.

Sont ensuite déterminés par l’article 5 les principes généraux de la coopération (obligation d’assistance mutuelle, principe de gratuité de l’entraide administrative, authenticité des documents fournis). L’institution compétente doit ainsi répondre à la demande d’information, au plus tard dans les trois mois. En cas de demande urgente dûment motivée, la réponse doit parvenir avant un délai fixé par conventions entre les institutions compétentes des deux parties.

Principale innovation, l’article 6 prévoit la transmission de fichiers de données à des fins d’exploitation et de rapprochement en vue de la constatation de fraudes, abus ou erreurs en matière de prestations, de cotisations ou d’assujettissement. Ces contrôles portent sur les données relatives à l’état civil, la composition de la famille, la résidence, l’appréciation des ressources, l’exercice ou non d’une activité professionnelle ou encore le cumul de prestations. Les institutions concernées conviennent des modalités de transmission des données.

Les opérations réalisées dans le cadre de l’article 6 respectent les principes de finalité et de proportionnalité : les données recueillies sont utilisées exclusivement aux fins de l’application des législations respectives des parties contractantes.

La communication des données obéit au régime juridique relatif à la protection des données à caractère personnel dont les principales dispositions sont rappelées par l’article 7 : il s’agit tant du droit communautaire (directive 95/46/CE) (5) que des normes de droit interne propres à chaque Etat partie à l’accord, notamment d’éventuelles autorisations préalables (CNIL).

La coopération s’exerce dans quatre domaines :

– les prestations : en vertu de l’article 9, un organisme de sécurité sociale amené à contrôler la résidence d’une personne qui, sur cette base, soit bénéficie d’une prestation sociale soit est affiliée à sa législation, peut interroger une institution de l’autre État afin de s’assurer de la qualité de résident de ladite personne.

L’organisme peut également, aux termes de l’article 10, interroger l’institution de l’autre État pour vérifier les ressources d’une personne soumise à la législation de son État afin de contrôler l’assiette des cotisations et contributions dues à ce titre. Ce contrôle peut également être opéré en cas d’octroi de prestations sous conditions de ressources.

La réalisation d’un contrôle en vue de vérifier l’absence de cumul de prestations lorsque ce cumul est interdit peut donner lieu à un échange d’informations entre institutions (article 11).

L’article 12 autorise le recueil d’informations auprès de l’institution de l’autre partie dès lors que la requête a pour finalité de garantir une bonne application des droits en matière de prestations de sécurité sociale.

L’article 13 prévoit la saisine d’un organisme de sécurité sociale de l’autre État au stade de l’instruction d’une demande d’octroi d’une prestation sociale afin de vérifier que l’intéressé(e) remplit bien les conditions posées, que ces conditions soient liées à l’état civil, aux ressources ou encore à la résidence. L’organisme saisi d’une telle demande procède aux vérifications requises conformément aux dispositions de sa législation interne.

Si l’organisme saisi d’une demande de vérification constate que des prestations sociales ont été abusivement versées, il en informe l’organisme qui l’a contacté et ce, y compris en cas de suspicion de fraude ou d’erreur.

Enfin, en l’absence de saisine, si un organisme de sécurité sociale de l’autre État a connaissance d’informations ayant un impact sur les droits aux prestations sociales, il peut en informer l’organisme intéressé.

Conformément à l’article 14, les informations recueillies dans le cadre de la coopération entre institutions des deux parties peuvent justifier le refus, la suspension ou la suppression d’une prestation.

– l’assujettissement : l’article 15 prévoit qu’une convention fixe les règles de saisine des organismes compétents en matière de détachement aux fins de vérification des éléments permettant l’octroi des formulaires (6) nécessaires au détachement. Ces règles déterminent notamment les points sur lesquels sont opérés les contrôles, les délais maximum de réponse ainsi que la désignation d’un conciliateur avant de porter les faits devant la commission administrative pour la sécurité sociale des travailleurs migrants (7).

Selon l’article 16, les institutions compétentes chargées du recouvrement et du contrôle de chaque État peuvent échanger toute information de nature à établir leur droit au recouvrement des cotisations et contributions de sécurité sociale.

La transmission annuelle par voie électronique de données statistiques en matière de détachement entre organismes de liaison est prévue par l’article 17.

– le recouvrement des cotisations et la répétition de prestations indues : l’article 18 prévoit les procédures de reconnaissance et d’exécution des décisions relatives aux prestations indûment versées ou aux cotisations non acquittées.

– les contrôles : l’article 19 énonce les principes de soutien et d’assistance mutuels dans les actions de contrôle, ceux-ci pouvant se traduire par un échange d’agents. Des agents de l’autre État peuvent ainsi être présents, en qualité d’observateurs, lors d’un contrôle organisé pour l’établissement correct des cotisations et contributions sociales, la vérification des conditions de détachement ou encore le cumul de prestations (article 20).

Les modalités de mise en œuvre de cet accord feront l’objet d’arrangement administratif entre les autorités compétentes (article 21). Ces dernières pourront également conclure des conventions de coopération (article 22).

Enfin, une commission mixte sera chargée d’assurer le suivi de l’accord et de régler les éventuels différends (article 23).

L’accord, conclu pour une durée indéterminée (article 25), entrera en vigueur le premier jour du troisième mois suivant la date de la dernière notification (article 27). Son entrée en vigueur donnera lieu à l’abrogation de l’accord du 3 octobre 1977 précité (article 26).

L’article 8 prévoit l’information directe et mutuelle des autorités compétentes quant aux modifications législatives et réglementaires qui interviendraient à l’avenir et auraient un impact sur la coopération prévue par cet accord.

B – Un outil de lutte contre la fraude sociale

L’étude d’impact, sans toujours faire preuve de la précision que votre Rapporteur peut attendre, met en avant les conséquences de l’accord sur plusieurs plans en soulignant principalement le bénéfice escompté de ce nouvel outil de lutte contre la fraude sociale.

En matière administrative, la mise en place de la coopération facilitera à terme la tâche des institutions compétentes dans les deux pays mais nécessite un travail préparatoire : il s’agit de mettre en place des procédures pour la transmission et le traitement des demandes, d’identifier les interlocuteurs de chaque côté, de sélectionner les éléments d’information pertinents et d’organiser les contrôles pour le compte de l’autre partie.

En matière financière, l’étude indique l’impossibilité d’évaluer les conséquences d’un accord qui doit cependant permettre de limiter les fraudes.

Au titre de l’année 2008, le montant des créances de soins de santé présentées à la Belgique en application des règlements communautaires par le centre des liaisons européennes de sécurité sociale (CLEISS) a été de 111 977 500 €. Le montant des dettes notifiées au CLEISS a atteint 68 586 400 €. S’agissant des rentes accident du travail – maladie professionnelle, les montants transférés ou versés sur un compte de non résident a été de 3 453 579 €. Pour les pensions d’invalidité, les chiffres sont de 1 746 560 € et pour les pensions de vieillesse de 194 482 953 €.

En matière de lutte contre la fraude, l’accord vient compléter le dispositif national. Si les formes de fraude sont nombreuses comme le montre le tableau page suivante, l’accord s’intéresse particulièrement au détachement, « facteur important de fraude aux règles de rattachement, dont le détournement favorise les pratiques de concurrence déloyale » d’après l’étude d’impact. L’exemption d’obligation d’affiliation en France peut en effet conduire à réduire le coût du travail et à octroyer ainsi un avantage indu pour une entreprise en concurrence avec des entreprises implantées en France.

Le détachement, en matière de sécurité sociale, c’est le fait pour un travailleur salarié de demeurer assujetti à la législation de sécurité sociale dont il relève alors qu’il exerce temporairement son activité, pour le compte de son employeur, sur le territoire d’un autre État membre. Le détachement est une règle particulière qui déroge à la règle générale dite « lex loci laboris » prévoyant l’assujettissement à la législation du pays d’activité.

Le détaché est assujetti à la seule législation de l’Etat membre d’envoi et, partant, exempté d’affiliation dans le pays de détachement (ou d’activité temporaire). En application des règles de coordination, les prestations en nature lui son servies dans le pays de détachement pour le compte du pays compétent (pays d’envoi).

D’après les données disponibles sur dix Etats de l’Union européenne, en 2008, 79 500 détachements ont été octroyés pour des assurés d’un régime étranger venant travailler en France dont 6 000 par la Belgique.

Typologie de la fraude sociale transfrontière selon le champ et la nature des prestations

Prestations

Champ de la fraude

État civil

Résidence

Ressources

Maladie

- fraude documentaire pour l’utilisation de la carte Vitale

- erreur ou fraude ayant une incidence directe sur la prise en charge de la couverture maladie en application des textes internationaux (règles de coordination communautaires et des conventions bilatérales)

- erreur ou fraude ayant une incidence directe sur le droit à la CMU

Non communication du changement de résidence

- dissimulation ou sous-déclaration de revenus pour l’éligibilité à la CMU : spécialement : dissimulation de revenus de source étrangère

- cumul entre exercice d’un emploi dans un État et le bénéfice de prestations en espèces dans un autre État

Prestations familiales

- fraude documentaire : état civil des enfants, liens familiaux

- composition de la famille

- fraude concernant la résidence en France de l’allocataire

- fraude concernant la résidence en France des enfants

- non déclaration ou sous-déclaration de revenus perçus dans l’autre État

- non déclaration d’activités exercées dans l’autre État

- cumul illicite de prestations dans les deux États

Assurance vieillesse

Non communication du décès - perception frauduleuse des prestations par l’entourage

Perception frauduleuse d’avantages de vieillesse non contributifs liés à la résidence en France (non communication du changement de résidence)

- Dissimulation de revenus en provenance de l’étranger pour l’octroi de prestations sous conditions de ressources

- cumul non déclaré emploi /retraite dans les deux États

Assistance sociale

(dans le champ de l’accord franco-tchèque)

fraude documentaire

déclaration frauduleuse

Dissimulation de ressources dans l’autre État pour l’éligibilité au RMI

Maladie

- fausse déclaration de maladie : demande de remboursement de soins non dispensés dans l’autre État

Typologie de la fraude sociale liée à l’affiliation

 

Fraude touchant l’entreprise

Fraude touchant le statut social

Salariés (détachement)

- absence ou disparition du lien entre l’entreprise détachante et le salarié détaché

- détachement en cascade du salarié auprès de donneurs d’ordres successifs

- défaut d’activité réelle de l’entreprise détachante ; activité de pure gestion dans l’État d’établissement

Le salarié doit être affilié dans l’État d’activité

- requalification nécessaire en exercice salarié d’une activité exercée sous le couvert d’un statut d’indépendant

Le travailleur doit être affilié à un régime de salariés dans l’État d’exercice de l’activité

Travailleurs indépendants

- fraude à l’établissement : absence de moyens permettant l’exercice normal de l’activité indépendante dans l’État censé être celui de l’occupation habituelle. Le TI doit être affilié dans l’État d’activité

CONCLUSION

L’accord du 17 novembre 2008 entre la France et la Belgique pour le développement de la coopération et de l’entraide administrative en matière de sécurité sociale, après celui signé avec la République tchèque, vient opportunément compléter le dispositif national de lutte contre la fraude sociale. C’est pourquoi votre Rapporteur recommande l’adoption du présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission examine le présent projet de loi au cours de sa réunion du 16 décembre 2010.

Après l’exposé du Rapporteur, un débat a lieu.

M. Jean-Marc Roubaud. Nous avons bien perçu, grâce au travail du Rapporteur, l’objectif de lutte contre les prestations sociales indues. Mais qu’en est-il plus largement de l’utilisation du système de santé ? Se soigne-t-on, lorsque l’on est un transfrontalier, indifféremment en Belgique ou en France ? Je rappellerai à cet égard que la sécurité sociale belge est financièrement à l’équilibre, ce qui n’est pas le cas en France.

M. André Schneider, Rapporteur. L’accord que nous examinons ne traite pas de cette question. La règle au sein de l’Union européenne consiste à pouvoir se faire soigner indifféremment dans tout État membre en étant remboursé par la caisse nationale auprès de laquelle on est assuré.

Mme Marie-Louise Fort. A quoi sert l’Union européenne s’il faut conclure de tels accords bilatéraux entre pays voisins entretenant des relations étroites ?

M. André Schneider, Rapporteur. J’ai présenté les textes communautaires pertinents, notamment celui qui devrait entrer en vigueur au printemps prochain. Le but de l’accord bilatéral est à la fois plus modeste et plus précis : il s’agit de limiter la fraude par un échange d’informations.

M. Jean-Paul Bacquet. Vous avez évoqué le régime applicable aux travailleurs détachés. Par quelle caisse les professionnels exerçant en Belgique dans le cadre du détachement sont-ils remboursés ? Ont-ils par ailleurs accès sans restriction aux actes pratiqués en Belgique qui sont interdits en France par la législation sur la bioéthique ? Je pense par exemple aux tests de paternité. Voilà qui pose un problème juridique quant à la valeur légale d’un tel acte de part et d’autre de la frontière.

M. André Schneider, Rapporteur. Le détachement permet au salarié de conserver son affiliation à la caisse de sécurité sociale de son pays d’origine. En revanche, en l’absence de détachement, le régime de remboursement et la légalité des actes pratiqués sont ceux du pays d’accueil.

M. Jean Glavany. Je félicite le Rapporteur pour la méticulosité de son travail. À notre collègue s’interrogeant sur le rôle de l’Union européenne, je rappellerai très simplement que les États membres n’ont pas fait le choix de transférer à l’Union ce type de compétences. Vous plaidez donc pour une Europe sociale !

Mme Marie-Louise Fort. Je n’ai rien dit de tel.

M. le Président Axel Poniatowski. La France n’aurait pas de difficulté à emprunter cette voie, mais certains de nos partenaires, dont le système de protection sociale est moins élaboré que le nôtre, seraient sans doute plus réticents.

M. Jean Glavany. C’est évidemment par le haut et non par le bas qu’il faudrait harmoniser la protection sociale au sein de l’Union.

Suivant les conclusions du Rapporteur, la Commission adopte sans modification le projet de loi (no 1956).

*

* *

La Commission vous demande donc d’adopter, dans les conditions prévues à l’article 128 du Règlement, le présent projet de loi dans le texte figurant en annexe du présent rapport.

ANNEXE

TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Belgique pour le développement de la coopération et de l’entraide administrative en matière de sécurité sociale, signé à Paris le 17 novembre 2008, et dont le texte est annexé à la présente loi.

NB : Le texte de l’accord figure en annexe au projet de loi (n° 1956).

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