N° 2204 - Rapport de M. Dominique Perben sur le projet de loi , adopté, par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux (n°2169)



N° 2204

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 22 décembre 2009.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI (N° 2169) ADOPTÉ PAR LE SÉNAT APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE, organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux,

PAR M. Dominique PERBEN,

Député.

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Voir les numéros :

Sénat : 63, 131, 132 et T.A. 33 (2009-2010).

INTRODUCTION 5

I. – IL EST NÉCESSAIRE DE CLARIFIER LES CONDITIONS D’ÉLECTION ET D’INTERVENTION DES ASSEMBLÉES DÉLIBÉRANTES DES DÉPARTEMENTS ET DES RÉGIONS 7

1. L’efficacité de la démocratie locale est amoindrie par la concurrence des légitimités et des compétences entre les départements et les régions 7

2. L’évolution de la décentralisation n’a pas encore permis d’obtenir la clarification requise 8

3. Un rapprochement de leurs élus aiderait les départements et les régions à exercer leurs compétences de façon plus cohérente et moins coûteuse 9

II. – LE LÉGISLATEUR PEUT PRÉVOIR UNE CONCOMITANCE DU RENOUVELLEMENT DE DIFFÉRENTES CATÉGORIES D’ÉLUS AFIN DE CONFORTER LA DÉMOCRATIE LOCALE 10

1. Une concomitance d’élections locales a déjà été organisée dans le passé avant d’être abandonnée 11

2. Le législateur peut modifier la durée des mandats locaux au nom de l’intérêt général dès lors que la périodicité de ces élections demeure raisonnable 12

III. – LA DURÉE DU MANDAT DES PROCHAINS CONSEILLERS GÉNÉRAUX ET RÉGIONAUX DOIT ÊTRE ADAPTÉE SANS TARDER 13

1. Une décision de principe, à prendre en toute impartialité, avant que les conseillers généraux et régionaux n’aient été renouvelés 13

2. Un choix qui rend possible la création des conseillers territoriaux en 2014, sans préjuger du mode de scrutin applicable à leur élection 14

3. Une concomitance de nature à favoriser la cohérence politique et la participation des électeurs lors des élections locales 15

DISCUSSION GÉNÉRALE 19

EXAMEN DES ARTICLES 25

Article 1er : Expiration du mandat de l’ensemble des conseillers généraux en mars 2014 25

Article 2 : Expiration du mandat des conseillers régionaux et membres de l’Assemblée de Corse en mars 2014 26

TABLEAU COMPARATIF 29

ANNEXE AU TABLEAU COMPARATIF 31

MESDAMES, MESSIEURS,

Les élections territoriales offrent à nos concitoyens l’occasion d’exprimer leur adhésion à des projets politiques, adaptés aux spécificités de chaque situation locale. La bonne organisation de ces échéances politiques, qui assurent la respiration démocratique des assemblées locales, constitue donc un enjeu essentiel pour les pouvoirs publics.

Or, la multiplicité des échelons d’administration locale aboutit actuellement à une succession d’élections territoriales (régionales, cantonales et municipales), obéissant à des règles variables, au risque d’amoindrir l’intérêt des Français et la vigueur de la démocratie locale. En effet, l’absence complète de synchronisation de ces consultations électorales ne favorise ni la participation des électeurs, ni la cohérence des projets locaux conduits sur un même territoire – les électeurs donnant leur assentiment politique à ces projets à des dates et dans des contextes différents selon le niveau de collectivités concerné.

Le projet de loi soumis à la représentation nationale, après avoir été adopté par le Sénat le 16 décembre dernier, ne comprend que deux courts articles, qui visent à renforcer la cohérence de l’organisation électorale retenue pour les départements et les régions, échelons intermédiaires d’administration territoriale qui sont fortement imbriqués. Il prévoit ainsi que le mandat des conseillers régionaux et généraux, élus respectivement en mars 2010 et mars 2011, expirera dans tous les cas au mois de mars 2014 : quel que soit le mode de scrutin applicable, l’élection de ces élus pourra alors avoir lieu le même jour, ce qui sera matériellement plus simple et politiquement plus intelligible.

Bien qu’il soit ponctuel, ce changement électoral ne présente pas, en lui-même, un caractère véritablement exceptionnel. Le législateur a déjà été amené, à de multiples reprises, à modifier la durée des mandats des conseillers municipaux, généraux ou régionaux, pour assurer un enchaînement plus rationnel des consultations électorales. Au cours des deux dernières décennies, des lois ont tantôt allongé, tantôt raccourci la durée des mandats de certaines catégories d’élus locaux, et la concomitance des élections cantonales et régionales a déjà été instituée en 1990, avant d’être abandonnée en 1994. Le juge constitutionnel, qui exerce un contrôle attentif sur ces lois, considère que de telles modifications peuvent être décidées par le législateur pour atteindre un objectif d’intérêt général, sous réserve que la périodicité des élections concernées demeure raisonnable, conditions qui semblent ici réunies.

Il est bien évident que cette modification de la durée de certains mandats locaux s’inscrit dans la logique plus globale de la réforme des collectivités locales proposée par le Gouvernement – comme en atteste notamment le fait que les quatre projets de loi (1) constituant le cœur de cette réforme aient été présentés ensemble en Conseil des ministres le 21 octobre dernier, avant d’être déposés au Sénat, et fassent l’objet d’une étude d’impact commune. La concomitance du renouvellement, en 2014, des conseillers généraux et des conseillers régionaux prochainement élus permettra effectivement d’y substituer des conseillers territoriaux, l’élection conjointe de ces représentants ayant été préconisée par le rapport du Comité pour la réforme des collectivités locales du 5 mars 2009.

Cette orientation serait certes pertinente, car le rapprochement de leurs assemblées délibérantes permettrait aux départements et aux régions d’exercer leurs compétences de façon plus cohérente et moins coûteuse. Pour autant, il est essentiel de souligner que la concomitance proposée n’implique en rien, juridiquement, la création des conseillers territoriaux, sur laquelle il reviendra au Parlement de se prononcer lors de l’examen des autres projets de loi précités.

Convaincu qu’il est aujourd’hui nécessaire de procéder à cette adaptation temporaire de la durée du mandat des membres des assemblées délibérantes des départements et des régions, votre rapporteur appelle la représentation nationale à adopter sans modification, comme l’ont fait les sénateurs, le très bref projet de loi qui lui est soumis.

I. – IL EST NÉCESSAIRE DE CLARIFIER LES CONDITIONS D’ÉLECTION ET D’INTERVENTION DES ASSEMBLÉES DÉLIBÉRANTES DES DÉPARTEMENTS ET DES RÉGIONS

La décentralisation a conduit, depuis un quart de siècle, à l’affirmation concurrente de deux échelons intermédiaires de démocratie locale, le département et la région. Le législateur a attribué à chacune de ces catégories de collectivités territoriales, que la Constitution protège dans leur existence juridique et leurs moyens financiers, des compétences dont il n’est pas facile de coordonner l’exercice. Il apparaît donc souhaitable, pour améliorer l’efficience de la décentralisation, de développer les synergies entre ces deux échelons d’administration locale, en rendant possible une future mutualisation des élus composant les assemblées départementales et régionales.

L’organisation des responsabilités locales se caractérise, pour les départements et les régions, à la fois par un découplage des élections et une relative confusion des compétences. Cette situation est assez paradoxale, puisqu’elle conduit, pour des échelons que l’ont peut qualifier d’intermédiaires – entre l’échelon étatique, qui est celui de la souveraineté et de la cohésion nationale, et l’échelon communal et intercommunal, qui est celui de la proximité –, à confier à des majorités politiques, formées dans des circonstances différentes, la gestion d’affaires communes sur un même territoire. Comme l’ont déjà souligné nos collègues Didier Quentin et Jean-Jacques Urvoas dans un rapport d’information examiné par notre Commission le 8 octobre 2008 (2), depuis un quart de siècle, l’accroissement du nombre de niveaux de collectivités n’a pas fait préalablement l’objet d’une réflexion globale et cohérente, ce qui a « favorisé l’enchevêtrement des compétences, la dispersion des énergies et la dilution des responsabilités ».

Les conséquences négatives de cette concurrence entre échelons locaux dans l’exercice des compétences ont été soulignées par de multiples rapports, tels que ceux consacrés à la décentralisation par l’OCDE en 2007 ou, plus récemment, par la Cour des comptes (3), celui consacré par notre collègue Michel Piron, en 2006, à l’équilibre territorial des pouvoirs (4), ou celui, en 2007, du sénateur Alain Lambert sur les relations entre l’Etat et les collectivités locales (5). La « multiplication des contrats » entre collectivités et le foisonnement de la « comitologie » aux niveaux départemental et régional, à juste titre dénoncés par ces deux derniers rapports pour les ralentissements et les surcoûts qu’ils engendrent, demeurent hélas des réalités d’autant plus fréquentes que les compétences sont mal distinguées et les légitimités politiques décalées. Cette situation, qui nuit à l’efficacité de l’action locale et à la bonne perception de ses enjeux par les électeurs, doit donc être améliorée.

Il est rapidement apparu, à l’issue de « l’acte I » de la décentralisation, que le législateur n’était pas parvenu à répartir entre les collectivités des « blocs de compétences » bien différenciés, comme il s’en était lui-même assigné l’objectif en 1983 (6). L’accumulation de lois sectorielles dérogeant à cette orientation, combinée à l’utilisation de la clause générale de compétence par des conseils généraux et régionaux souhaitant se saisir de l’ensemble des affaires pouvant être considérées comme d’intérêt local, ont eu raison de cette politique.

La nouvelle étape franchie, à partir de 2003, grâce à « l’acte II » de la décentralisation, a conforté les compétences et les moyens des départements et des régions, mais n’a pas permis de clarifier les conditions de leur utilisation. Chacun s’accorde, en particulier, à reconnaître que la notion de « chef de file », qui devait permettre de renforcer la coordination des politiques locales sous l’égide de la collectivité la plus spécialisée (telles que les régions en matière d’interventions économiques ou les départements pour l’action sociale), n’a guère produit d’effets juridiques. Le rapport précité de la Cour des Comptes sur la conduite par l’Etat de la décentralisation juge d’ailleurs cette notion « ambiguë et sans réel contenu », ne serait-ce que parce que « la loi n’accorde pas à la collectivité chef de file de véritables pouvoirs de contrainte ». Le premier rapport d’information des sénateurs Yves Krattinger et Jacqueline Gourault du 11 mars 2009 sur la réorganisation territoriale remarque, pour sa part, que la notion de chef de file « n’a pas été totalement mise en œuvre », même pour le développement économique, et conduit seulement à reconnaître un « rôle d’impulsion » à certaines collectivités (7). Aujourd’hui, les administrations régionales et départementales continuent à mettre en œuvre, sur de mêmes territoires et dans des domaines souvent communs, des projets distincts, qui peuvent correspondre à des orientations politiques divergentes – situation dont l’absurdité peut culminer outre-mer, du fait de l’existence de régions monodépartementales.

Or, les règles électorales appliquées aux assemblées départementales et régionales ne sont pas étrangères à cette situation. En effet, l’élection des conseillers généraux et celle des conseillers régionaux n’étant pas synchronisées, les mêmes électeurs peuvent, dans des circonstances politiques qui évoluent au fil du temps, apporter successivement leur soutien à des majorités politiques opposées. Actuellement, les dernières élections ayant été organisées en 2004 pour les régions et en 2008 pour les départements (renouvellement de la moitié des conseillers généraux), dans quatre cas sur dix, un même territoire est administré par un département et une région gouvernées par des majorités politiques opposées : sans négliger, bien sûr, l’impact des modes de scrutin différenciés, la désynchronisation de ces deux types d’élection a certainement favorisé cette situation.

Ce constat n’est pas nouveau, et le législateur avait modifié, en 1990 (8), la durée du mandat des conseillers généraux, afin qu’ils puissent être renouvelés en 1992, en même temps que les conseillers régionaux. Ce changement avait, en outre, été motivé, à l’époque, par la lutte contre l’abstention des électeurs, qui a effectivement reculé lors de ces scrutins locaux couplés (9). La concomitance de ces scrutins a toutefois été abandonnée en 1994 (10), le rétablissement d’un renouvellement par moitié des conseillers généraux ayant alors été jugé préférable pour assurer la continuité de l’action départementale.

De ce fait, en vertu des règles électorales actuelles, les conseillers généraux, renouvelés par moitié tous les six ans, devraient l’être en mars 2011, puis en mars 2014, tandis que les prochains conseillers régionaux seront tous élus pour six ans au mois de mars 2010.

Si la clarification des compétences respectivement exercées par les départements et les régions demeure évidemment nécessaire pour mieux identifier les responsabilités et limiter les chevauchements, le risque d’incohérences et de dispersion des énergies dans la mise en œuvre des politiques définies à ces deux échelons pourrait déjà être réduit en rapprochant les conditions d’élection de ces élus. La proposition formulée par le Comité pour la réforme des collectivités locales, dans son rapport du 5 mars dernier (11), de désigner à partir de 2014 les conseillers généraux et régionaux « en même temps et selon le même mode de scrutin » s’inscrit dans cette logique. Comme le souligne ce rapport, « le rapprochement organique des assemblées délibérantes devrait permettre de limiter les interventions concurrentes des départements et des régions sur un même projet et sur un même territoire ». Cette solution, permettant d’assurer à l’échelon régional une meilleure prise en compte des enjeux départementaux, au profit notamment des territoires ruraux, paraît à la fois souple et pragmatique pour amener les administrations départementales et régionales à davantage travailler en harmonie.

Une telle organisation conduirait naturellement les départements et les régions à s’orienter vers la définition, pour les territoires qu’ils sont conjointement chargés d’administrer, de politiques complémentaires, plutôt que parallèles ou divergentes. Ces synergies permettraient également de limiter le risque de surenchère, de saupoudrage ou de gaspillage dans l’attribution de subventions à certains projets par les différents niveaux. Le cadre ainsi créé rendrait plus intelligibles, pour les citoyens, les entreprises et les associations, le rôle et les responsabilités de ces élus, tout en favorisant structurellement une meilleure maîtrise de la dépense locale. Aussi votre rapporteur est-il favorable à la création d’élus communs aux départements et aux régions, comme le propose le projet de loi de réforme des collectivités territoriales dont notre assemblée sera bientôt saisie.

Dans cette attente, la coïncidence, en 2014, de la date du renouvellement des conseillers généraux et régionaux, telle qu’elle est prévue par le projet de loi aujourd’hui soumis à la représentation nationale, apparaît comme un préalable indispensable. Pour autant, cet aménagement ciblé du calendrier électoral ne liera pas le législateur quant à l’institution ultérieure de « conseillers territoriaux » communs aux départements et aux régions. Puisse ce rapport convaincre chacun que le choix d’une future concomitance des élections cantonales et régionales, qui entre dans les compétences traditionnelles du législateur, sera déjà, par lui-même, fécond pour notre démocratie locale.

II. – LE LÉGISLATEUR PEUT PRÉVOIR UNE CONCOMITANCE DU RENOUVELLEMENT DE DIFFÉRENTES CATÉGORIES D’ÉLUS AFIN DE CONFORTER LA DÉMOCRATIE LOCALE

Les nombreux précédents d’adaptations ponctuelles de la durée du mandat de certains élus locaux et, en particulier, des conseillers généraux, montrent que le projet gouvernemental de modifier cette durée, pour les conseillers généraux et régionaux, s’inscrit dans une longue tradition d’interventions pragmatiques du législateur. La jurisprudence constitutionnelle autorise ce dernier à prendre temporairement de telles mesures pour atteindre un objectif d’intérêt général, sous réserve que la périodicité des élections concernées demeure raisonnable. Le projet de loi paraît effectivement réunir ces conditions essentielles.

Si le projet de loi qui nous est présenté prévoit une adaptation ponctuelle et temporaire de la durée du mandat des élus départementaux et régionaux, celle-ci n’en présente pas pour autant un caractère historiquement exceptionnel. Les précédents de telles mesures législatives sont en effet multiples, notamment depuis la fin des années 1980. Depuis le début de la Vème République, le législateur a déjà modifié à six reprises la durée du mandat des conseillers généraux ou régionaux, l’intérêt général invoqué à l’appui de ces adaptations étant, le plus souvent, d’éviter une confusion entre élections locales et élections nationales (législatives ou présidentielles) :

– la décision de reporter de six ou sept mois le renouvellement des conseillers généraux avait été prise en 1966 (12), en 1972 (13) et en 1988 (14), pour éviter que les élections législatives (et présidentielles dans le dernier cas) ne perturbent l’organisation et le sens des scrutin locaux ;

– des prorogations d’un an du mandat de tout ou partie de ces conseillers généraux ont ensuite été décidées en 1990 (15), en 1994 (16) et, plus récemment, en 2005 (17) (dans ce dernier cas, les conseillers municipaux étaient également concernés), pour renforcer la visibilité de ces élections ou, en 1994, la stabilité des assemblées départementales (18). En sens inverse, l’intervention du législateur a également conduit, en 1990, à écourter de deux ans le mandat de certains conseillers généraux (19), afin d’assurer le renouvellement concomitant, en 1992, des conseillers généraux et régionaux. La loi du 18 janvier 1994 a toutefois, depuis lors, rétabli le renouvellement par moitié des conseillers généraux.

Le Gouvernement propose aujourd’hui à la représentation nationale de renouer avec la logique de coïncidence des dates des scrutins locaux qui avait présidé aux changements décidés en 1990 : permettre aux assemblées départementales, grâce à un renouvellement intégral de leurs membres, de prendre pleinement en compte le choix des électeurs et favoriser la participation de ceux-ci à des scrutins spécifiquement locaux, grâce à leur regroupement à une même date.

Nul ne saurait contester au Parlement sa compétence pour établir la durée du mandat des différentes catégories d’élus locaux, même si ces interventions doivent être justifiées et mesurées. En effet, l’article 34 de la Constitution prévoit qu’il revient à la loi de déterminer les règles applicables au « régime électoral […] des assemblées locales », ainsi que de fixer « les conditions d’exercice des mandats électoraux et des fonctions électives des membres des assemblées délibérantes des collectivités territoriales ». Il n’appartient donc ni au Gouvernement, ni bien sûr aux collectivités locales elles-mêmes, d’exercer une telle compétence, par laquelle la Nation s’assure du bon fonctionnement de la démocratie locale.

Pour autant, il est essentiel que de telles lois respectent une jurisprudence constitutionnelle qui, tout en préservant classiquement les fondements de la liberté de décision des parlementaires (20), vise à éviter toute modification purement opportuniste ou excessive de la durée des mandats locaux. Pour ne pas risquer d’être déclaré contraire à la Constitution, tout projet de loi allongeant ou raccourcissant la durée des mandats locaux doit se conformer :

– au principe d’égalité résultant de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (21), ainsi que de l’article 1er de la Constitution (22). Le Conseil constitutionnel admet traditionnellement, pour les élus et les électeurs, qu’il soit temporairement dérogé à ce principe « pour des raisons d’intérêt général », telles que « la volonté du législateur d’assurer une participation accrue du corps électoral aux élections [locales] » (23). En 1990, la dérogation au principe d’égalité était double, puisqu’elle affectait à la fois les élus (la durée du mandat des conseillers généraux variant selon la série à laquelle ils appartenaient) et les électeurs (la périodicité suivant laquelle ils étaient appelés à exercer leur droit de vote étant inégale d’une canton à l’autre). Dans tous les cas, la différence de traitement résultant de la dérogation au principe d’égalité doit être « en rapport avec l’objet de la loi qui l’établit » et doit demeurer purement transitoire – sa vocation étant de « se résorber à terme ». Le contrôle exercé sur l’objectif d’intérêt général que le législateur cherche à satisfaire en modifiant la durée des mandats locaux apparaît en réalité assez souple : le Conseil constitutionnel estime qu’il ne lui revient pas de « rechercher si les objectifs que s’est assigné le législateur auraient pu être atteints par d’autres voies », dès lors que la voie empruntée n’est pas « manifestement inappropriée » pour ce faire (24).

– au principe de libre administration des collectivités territoriales inscrit à l’article 72 de la Constitution, dont le troisième alinéa prévoit que, « dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s’administrent librement par des conseils élus », ainsi qu’au suffrage « universel, égal et secret » mentionné au troisième alinéa de son article 3. La jurisprudence constitutionnelle déduit de ces principes que « les électeurs doivent être appelés à exercer leur droit de suffrage pour la désignation des membres des conseils élus des collectivités territoriales selon une périodicité raisonnable » (25).

Ces règles sont respectées par le projet de loi transmis à l’Assemblée nationale. Il prévoit en effet, à titre exceptionnel, de limiter la durée du mandat des prochains conseillers régionaux et généraux à quatre et trois ans respectivement, rythme qui demeure compatible avec la mise en œuvre par les assemblées locales des orientations politiques approuvées par les électeurs. De même, le fait d’organiser le même jour la désignation de l’ensemble des élus départementaux et régionaux est de nature à favoriser la participation des électeurs, objectif d’intérêt général qui a déjà été explicitement admis pour d’autres lois de ce type (26).

III. – LA DURÉE DU MANDAT DES PROCHAINS CONSEILLERS GÉNÉRAUX ET RÉGIONAUX DOIT ÊTRE ADAPTÉE SANS TARDER

La décision de rétablir, comme le permet la Constitution, le renouvellement concomitant des élus des départements et des régions doit être prise avant les prochaines élections régionales, afin que la volonté alors exprimée par les électeurs soit respectée. Ce changement doit donc être conduit rapidement si le législateur souhaite conforter la démocratie locale et conserver la possibilité, dans un second temps et après ces échéances électorales, de prévoir que les départements et les régions disposeront, à partir de 2014, d’élus communs.

Modifier la durée du mandat de certaines catégories d’élus locaux avant, et non après leur élection, constitue évidemment une exigence démocratique essentielle. En effet, toute modification postérieure à l’élection peut être suspectée d’avoir été décidée au vu du résultat de celle-ci et de l’orientation politique des assemblées locales concernées ; elle apporte en outre un changement à l’une des conditions du gouvernement local auquel les électeurs ont, en conscience et au vu des informations dont ils disposaient, apporté leur consentement lors du scrutin – affectant d’autant la sincérité, ou du moins la portée, de celui-ci.

Si les circonstances n’ont pas toujours permis de respecter cette approche rigoureuse pour les prorogations de mandats locaux, le législateur doit en principe s’abstenir de raccourcir des mandats en cours. Le rapporteur, pour l’Assemblée nationale, de la loi précitée du 15 décembre 2005, soulignait déjà que le législateur peut « allonger [   ] la durée du mandat des élus [   ], que leur mandat soit en cours ou à venir » et « raccourcir la durée d’un mandat à venir » (27), signifiant implicitement que cette possibilité risque fort de ne plus être ouverte lorsque le mandat a débuté. Ajoutons que les citoyens ne pourraient être certains qu’un raccourcissement des mandats a été décidé en toute impartialité dès lors qu’ils ont déjà désigné leurs représentants locaux ; il serait donc de nature à alimenter toutes les spéculations et ne favoriserait pas le bon fonctionnement de la démocratie.

Votre rapporteur estime donc que le Gouvernement peut légitimement faire valoir l’urgence qui s’attache à ce que l’instauration envisagée de la concomitance des mandats des conseillers généraux et des conseillers régionaux soit décidée par le Parlement avant le renouvellement de ces derniers, prévu les 21 et 28 mars 2010.

Comme cela a déjà été souligné, le projet de loi adopté par le Sénat, s’il se borne à aligner ponctuellement la durée des mandats des prochains conseillers généraux et régionaux sur l’échéance électorale du mois de mars 2014, n’en constitue pas moins la première étape d’une plus vaste réforme territoriale. En effet, indépendamment de son intérêt propre, ce choix permettra au Parlement, sans se lier juridiquement, de décider de l’éventuel remplacement, à partir de 2014, de ces deux types d’élus par une unique catégorie de « conseillers territoriaux ». Ceux-ci seraient en charge à la fois des affaires départementales et des affaires régionales et siègeraient tant au conseil général qu’au conseil régional, comme le prévoit l’article 1er du projet de loi de réforme des collectivités territoriales, que le Sénat n’a pas encore examiné (28).

En organisant la concomitance du renouvellement des conseillers généraux et régionaux, le Parlement conservera donc toute latitude dans ce domaine. S’il décidait ensuite de mutualiser les élus des départements et des régions, comme votre rapporteur le souhaite pour que les compétences soient exercées de manière complémentaire à ces deux échelons, le Parlement garderait son entière liberté pour déterminer le mode de scrutin qui devrait leur être appliqué. Rappelons, à cet égard, que le titre Ier du projet de loi relatif à l’élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale, dont le Sénat est également saisi, propose un mode de scrutin à un seul tour, dans le cadre de cantons élargis, selon un mode de scrutin mixte (majoritaire à 80 % et proportionnel à 20 %). Cette proposition très novatrice, qui diffère de celle du Comité pour la réforme des collectivité locales présidé par l’ancien Premier ministre Édouard Balladur (29), marque évidemment le début, et non la fin de la discussion parlementaire sur ce sujet, essentiel pour le renouvellement démocratique de ces assemblées locales.

Tout en offrant la possibilité de rapprocher les élus des départements et des régions, faire coïncider les dates de renouvellement de leurs assemblées délibérantes réduit, sans bien sûr le supprimer, le risque de discordance politique entre celles-ci – situation dont votre rapporteur a précédemment souligné qu’elle était aujourd’hui très fréquente. L’administration des territoires concernés n’en sera que plus aisée et économe, tandis que les politiques définies à chacun des deux échelons tendront vers davantage de cohérence et de clarté.

En outre, l’échelon départemental, qu’il n’est nullement, rappelons-le, question de supprimer, sera conforté par le renouvellement simultané de l’ensemble des conseillers généraux. En effet, il paraît aujourd’hui bien difficile d’expliquer aux Français la justification de la répartition des élus départementaux en deux séries distinctes, conformément à un choix fait il y a 128 ans (30), alors que tel n’est pas le cas pour les représentants des autres catégories de collectivités territoriales.

Le choix d’élire le même jour tous les représentants du département est non seulement plus moderne, mais aussi plus simple et plus logique, parce qu’il permet à l’ensemble des électeurs d’exprimer leur volonté sur un objet qui forme un tout. Dans son rapport du 30 octobre 1990 sur le projet de loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux (31), notre collègue Marc Dolez soulignait déjà : « la suppression du renouvellement triennal des conseils généraux dotera [   ] ceux-ci d’un régime identique à celui des autres assemblées locales ; elle permettra aux exécutifs départementaux, investis par les lois de décentralisation de compétences étendues, de bénéficier de la durée nécessaire à la mise en œuvre de programmes pluriannuels ; elle évitera que certains conseils généraux ne changent de majorité tous les trois ans ; elle contribuera, enfin, à renforcer l’institution départementale face aux attaques dont elle est l’objet ». Dans son rapport d’information du 11 mars dernier, la mission temporaire du Sénat sur l’organisation et l’évolution des collectivités territoriales a également préconisé, dans « un objectif de simplification » et de rénovation du régime électoral des assemblées locales, de « renouveler l’ensemble du conseil général en une fois, tous les six ans, au lieu de procéder à un renouvellement partiel tous les trois ans comme c’est le cas actuellement » (32).

Plus fondamentalement, le projet de loi qui nous est soumis permettra de vivifier la démocratie locale, car la concomitance des scrutins, en renforçant l’importance politique des échéances et en réduisant la fréquence à laquelle les électeurs sont appelés à se prononcer, est de nature à stimuler leur participation. M. Marc Dolez, dans son rapport du 2 octobre 1990 sur le projet de loi précité, effectuait une analyse similaire (33). Il notait ainsi que « la fréquence excessive des consultations électorales peut entraîner une lassitude des électeurs qui explique pour une large part la montée de l’abstention » et que cette fréquence « a, en tout état de cause, l’inconvénient de faire vivre notre pays dans une sorte de campagne électorale permanente peu propice à la réflexion et à l’action à long terme ». Son rapport mettait en garde la représentation nationale contre le risque qu’une trop forte abstention n’affaiblisse le crédit des élus et n’alimente les discours populistes à leur encontre.

La fréquence des élections n’a pas, depuis lors, diminué au niveau local, mais globalement augmenté au niveau national en raison du raccourcissement de sept à cinq ans de la durée du mandat du Président de la République. Il devrait en être de même au cours des prochaines années, les électeurs pouvant, en principe, être amené à se déplacer à cinq dates différentes pour voter dans la seule année 2014 – et à six reprises en 2017 comme en 2020 (voir tableau ci-après).

CALENDRIER ÉLECTORAL PRÉVISIONNEL DE 2010 À 2020 (34)

Élections

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Présidentielles

   

2

       

2

     

Législatives

   

2

       

2

     

Européennes

       

1

       

1

 

Régionales

2

         

2

       

Cantonales

 

2

   

2

   

2

   

2

Municipales

       

2

         

2

Nombre théorique de jours d’élection actuellement prévus

2

2

4

0

5

0

2

6

0

1

6

Cantonales proposées

 

2

   

2

         

2

Régionales proposées

2

               

Nombre théorique de jours d’élection résultant du projet de loi

2

2

4

0

5

0

0

4

0

1

4

Les considérations du rapport précité sur les risques que des consultations trop fréquentes n’alimentent l’abstention restent donc tout à fait pertinentes, d’autant que d’importants scrutins ont, par la suite, démontré combien une abstention élevée pouvait faire le jeu de forces politiques extrémistes.

La concomitance de l’élection des représentants des départements et des régions ayant été abandonnée depuis une quinzaine d’années, une intervention du législateur est aujourd’hui nécessaire. L’étude des résultats de participation obtenus au second tour des élections cantonales depuis une vingtaine d’années plaide assurément en faveur de la concomitance du renouvellement des conseillers généraux et régionaux. Ainsi, depuis 1988, le taux de participation des électeurs n’a dépassé 60 % qu’à deux reprises, en 1992 et 2004 (voir tableau ci-après), années où les conseillers régionaux étaient également renouvelés.

EVOLUTION DU TAUX DE PARTICIPATION DES ÉLECTEURS AUX ÉLECTIONS CANTONALES DEPUIS 1988 (second tour)

Date du scrutin

Taux de participation

2 octobre 1988

49,9 %

30 mars 1992

62 %

27 mars 1994

58,8 %

22 mars 1998

55 %

18 mars 2001

56,2 %

28 mars 2004

66,5 %

16 mars 2008

55,4 %

Source : Ministère de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales

Dans ces conditions, une réorganisation du calendrier de ces élections locales demeure démocratiquement utile et ne doit pas donner lieu à des polémiques qui ne feraient que dégrader l’image des responsables politiques auprès de la population. Rappelons, là encore, que le rapport précité soulignait, à propos de la concomitance des élections cantonales et régionales proposée par le Gouvernement en 1990, que « l’objectif fondamental du regroupement proposé est de lutter contre l’abstentionnisme », avant d’ajouter qu’« un tel objectif devrait recueillir, à n’en pas douter, l’adhésion de l’ensemble des familles politiques de notre pays ». Votre rapporteur ne peut aujourd’hui que rejoindre cette analyse et formuler, à son tour, le vœu que la proposition semblable qui nous est faite aujourd’hui soit favorablement accueillie par chacun, sans considérations partisanes, puisqu’elle permettra de mieux associer les citoyens à la décentralisation.

DISCUSSION GÉNÉRALE

La Commission examine, sur le rapport de M. Dominique Perben, le projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux (n° 2169).

M. Bruno Le Roux. Je m’étonne que nous n’ayons pas pu entendre le ministre en charge de ce projet de loi sur l’architecture générale du texte, d’autant que le Sénat a pu, lui, l’auditionner. Cela nous aurait permis de l’interroger sur certains points très contestables. Il est regrettable que l’Assemblée nationale se voie ainsi interdire tout échange avec le Gouvernement.

M. le président Jean-Luc Warsmann. Si le Sénat a entendu le ministre sur l’ensemble de la réforme des collectivités locales, c’est que cette assemblée est actuellement saisie du projet de loi de réforme des collectivités territoriales proprement dit qui concerne les « structures » et forme le cœur de la réforme. Pour ma part, j’ai informé le ministre de notre réunion de façon à ce qu’il puisse venir s’exprimer devant vous. Je n’ai pour autant aucune objection à prévoir une audition du ministre en bonne et due forme, une fois que ce second projet de loi sera parvenu sur le bureau de notre assemblée.

M. Dominique Perben, rapporteur. Le projet de loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux, adopté mercredi dernier par le Sénat, ne comporte que deux articles courts et très ciblés, relatifs, l’un au mandat des conseillers régionaux élus en mars prochain, l’autre à celui des conseillers généraux qui seront élus en 2011. Le texte concerne non seulement les départements et régions de métropole, mais également la Corse et les départements et régions d’outre-mer.

Je vous rappelle qu’une telle concomitance avait été déjà été décidée par la loi en 1990 pour être mise en œuvre en 1992. Le Conseil constitutionnel, saisi de ce projet de loi, avait alors jugé qu’une modification de ce type devait être justifiée par un motif d’intérêt général. C’est le cas de ce texte, qui s’inscrit dans la réforme globale des collectivités territoriales.

Le juge constitutionnel a exigé par ailleurs que la modification ne remette pas en cause le droit des électeurs d’exercer leur droit de suffrage selon une « périodicité raisonnable ». C’est là encore le cas, puisque le projet de loi raccourcit les mandats.

Une autre raison pour laquelle cette mesure sert l’intérêt général est que, à deux reprises par le passé, la concomitance entre le renouvellement des conseils généraux et régionaux s’est traduite par une augmentation de la participation – même si ce constat résulte, bien entendu, d’une comparaison entre élections organisées dans des contextes différents. En outre, la concomitance favorise des résultats similaires pour les deux types d’élections, ce qui permet des synergies entre conseils généraux et régionaux. Enfin, elle donnera, dès 2014, la possibilité d’organiser une mutualisation des élus, en application de la réforme dont nous aurons à débattre au début de l’année prochaine.

L’examen rapide de ce projet de loi se justifie pleinement : d’une part, il ne comporte que deux articles et, de l’autre, il est important, pour que l’information des électeurs soit complète, de l’adopter avant le lancement de la campagne officielle pour les élections régionales.

Ce texte très court s’inscrit donc dans la démarche globale de la réforme des collectivités territoriales.

M. Bruno Le Roux. Je remercie le rapporteur de nous avoir transmis son projet suffisamment tôt pour que nous puissions l’étudier dans de bonnes conditions.

C’est cependant la première fois que l’urgence est décidée sur un texte de cette nature. C’est aussi la première fois que l’on raccourcit autant la durée des mandats : celui des conseils régionaux sera réduit du tiers et celui des conseillers généraux, de la moitié ! C’est une nouveauté totale.

De périphrase en périphrase, on sent bien que le rapport veut éviter d’évoquer la réforme des collectivités locales, comme si le texte qui nous est soumis pouvait exister indépendamment des trois autres qui la constituent. Mais ce n’est pas le cas, et c’est précisément le premier motif pour lequel nous saisirons le Conseil constitutionnel : ce projet de loi ne peut exister sans faire référence à d’autres projets et à des lois qui, pour l’instant, n’existent pas.

Il nous semble en effet qu’il y a aujourd’hui, indépendamment de ce qui pourrait être mis plus tard à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, bien peu de motifs pour modifier la date des élections locales. Ce projet de loi concerne donc des conseillers territoriaux encore inexistants, dont nous devrons débattre de l’éventuelle création.

Le Gouvernement ne fait pas preuve d’une grande clarté dans la façon dont il pose le débat sur le département et la région. On ne peut pas, en effet, discuter de la date de l’organisation des élections locales sans évoquer le futur texte relatif au rôle et aux compétences des différentes collectivités locales. Qu’en sera-t-il de leur autonomie ? La disparition de l’une d’entre elles est d’ores et déjà programmée. Nous confronterons nos analyses sur le sujet, mais nous pensons qu’une majorité pourrait se dégager dans cette assemblée autour d’une autre réforme que celle proposée par le Gouvernement.

En fin de compte, on ne « raccourcit » pas vraiment la durée du mandat des conseillers généraux et régionaux, si ce n’est au sens révolutionnaire du terme. La logique, en effet, est moins d’organiser la concomitance des élections que de supprimer des élus. Car, si l’objectif était vraiment de mieux organiser les élections pour améliorer la participation de nos concitoyens, ne pensez-vous pas qu’il y aurait dû y avoir consultation des différents partis de ce pays ? N’aurait-il pas fallu, au préalable, faire ce qu’ont fait différents ministres, appartenant à différentes majorités, sur des sujets d’intérêt national : rechercher l’unanimité entre les différentes formations politiques ? Or cela n’a été le cas pour aucun des quatre textes qui destinés à réformer l’organisation territoriale.

Nous aurons l’occasion, en séance publique, de souligner le recul qu’entraînent les propositions du Gouvernement en termes de parité, ou encore le caractère incompréhensible du mode de scrutin envisagé. Les socialistes qui l’ont inspiré ne sont d’ailleurs jamais parvenus à convaincre les leurs.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous aurons plaisir à entendre M. le secrétaire d’État à l’Intérieur et aux collectivités territoriales sur ce mauvais texte !

M. Jean-Jacques Urvoas. Il est vrai qu’à plusieurs reprises, déjà, le législateur a cherché à organiser la concomitance entre des élections locales. La première fois, c’était en 1990. Or les arguments présentés dans votre rapport, monsieur Perben, rendent un hommage tardif au projet de loi alors présenté par Pierre Joxe, et sont une critique sévère à l’adresse de ses contradicteurs de l’époque. Ainsi, le 21 novembre 1990, Jean-Louis Masson jugeait que la seule cohérence serait de coupler les cantonales avec les municipales. Pascal Clément, l’un des orateurs principaux de l’opposition d’alors, parlait de « loi corporatiste d’intérêts particuliers, faussement finalisée ». La vraie synergie, disait-il, est manifeste entre les élections régionales et les européennes. Enfin, Jean-Louis Debré affirmait que le texte était fondamentalement contraire aux principes généraux du droit.

C’est la sixième fois depuis 1958 que le Parlement s’apprête à modifier la durée des mandats des conseils généraux et régionaux. Il ne fait donc pas de doute que le Conseil constitutionnel l’acceptera, d’autant qu’il s’est toujours refusé à effectuer un contrôle d’opportunité sur les choix du législateur. Mais, sur le plan pratique, des obstacles non négligeables peuvent se présenter.

Ainsi, en octobre 2005, quand le Parlement avait été saisi d’un projet visant à proroger les mandats des sénateurs, des conseillers municipaux et des conseillers régionaux renouvelables en 2007, le ministre de l’intérieur avait lui-même fait valoir que certaines petites communes pourraient être dans l’impossibilité matérielle d’assurer la tenue de plusieurs scrutins distincts aux mêmes dates. De même, le 30 janvier 1997, le Conseil d’État exprimait des réserves sur le principe de la concomitance d’élections, jugeant qu’il comportait, outre de sérieuses difficultés d’organisation matérielle des scrutins, des risques de confusion dans l’esprit des électeurs. Enfin, le Conseil constitutionnel, dans des observations formulées le 7 juillet 2005, attirait l’attention du législateur sur le fait que la concentration des scrutins faisait peser sur les pouvoirs publics, notamment sur la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, une charge trop lourde eu égard aux moyens matériels, et surtout humains, disponibles.

J’en viens aux arguments avancés dans le rapport pour justifier la concomitance. Tout d’abord, on parle de « réintroduire » une concomitance déjà prévue, renouant ainsi avec la logique de coïncidence. Je rappelle que, la dernière fois que le Parlement s’est prononcé en ce sens, le parti aujourd’hui majoritaire dans notre assemblée avait voté contre, au motif que le rythme du renouvellement triennal des conseils généraux amortissait utilement les conséquences politiques des mouvements d’opinion. En 1994, la même majorité conservatrice avait choisi de revenir à des élections par moitié des conseils généraux. Le ministre Romani avait alors invoqué la nécessaire continuité de l’action départementale pour s’opposer aux renouvellements généraux.

Enfin, vous affirmez vouloir favoriser la cohérence politique et la participation électorale. Le premier point, à mes yeux, relève du choix de l’électeur. Quant au second, si la participation a été forte en 1992, cela peut aussi s’expliquer par le fait qu’il n’y avait eu aucun scrutin les deux années précédentes. Et, si le regroupement de scrutins est un facteur d’amplification de la participation, pourquoi les scrutins de 1988, qui ont été également regroupés, ont-ils connu une participation de dix points inférieure à ceux de 2004 ? Je rappelle que le plus fort taux de participation à des élections cantonales – 68 % – a été enregistré en 1982, année lors de laquelle aucun regroupement de scrutins n’avait été organisé.

M. Bernard Derosier. C’est Charles Pasqua qui a mis fin, en 1994, à la concomitance que nous avions mise en place.

En 2014, il y aura concomitance des élections cantonales et régionales –car le titre du projet de loi indique que vous vous placez dans une logique de maintien de ces élections. Or c’est également l’année où seront renouvelés les conseils municipaux. Envisagez-vous d’organiser les trois élections à la même date ?

M. le rapporteur. L’urgence s’explique par les contraintes du calendrier : il est normal que le Gouvernement souhaite voir adopter la loi avant le début de la campagne officielle des régionales. Comme vous, je suis toujours réticent à examiner en urgence des textes complexes à appréhender ou dont la rédaction est susceptible de s’améliorer au fil des navettes. Mais, en l’espèce, on peut assez rapidement se faire une opinion définitive sur ce projet, qui tient en deux articles très succincts.

M. Jean Mallot. Dans ces conditions, pourquoi avoir engagé la procédure accélérée ?

M. le rapporteur. Je ne pense pas, par ailleurs, qu’une plus grande fréquence d’élections puisse donner matière à critique, dans la mesure où la consultation de l’électeur s’en trouve renforcée.

Quant à dire que le texte n’existe que par rapport à la réforme des collectivités territoriales, franchement, ce n’est pas le cas.

M. Jean Mallot. Votre « franchement » est savoureux !

M. le rapporteur. D’ailleurs, l’Assemblée des départements de France réclame depuis très longtemps que les conseils généraux soient renouvelés en une seule fois ; elle vient de me le confirmer par écrit.

À titre personnel, j’estime que les élections devraient être regroupées au maximum. Je souhaiterais donc, monsieur Derosier, que toutes les élections locales se déroulent en même temps, même si je ne suis pas sûr que ce soit matériellement possible. Ainsi, je verrais d’un bon œil que soient organisées les élections présidentielle et législatives puis, trois ans plus tard, les élections locales. Ce cycle de six ans donnerait un bon rythme à notre vie démocratique. Quant aux problèmes matériels, il est toujours possible de les régler. La concomitance des élections cantonales et des élections régionales peut entraîner des difficultés d’organisation, monsieur Urvoas, mais elle est tout à fait possible.

Les partis politiques ont été consultés, monsieur Le Roux. En tant que membre de la commission Balladur, j’ai entendu la première secrétaire du parti socialiste s’exprimer sur le sujet. Cette commission ayant été nommée par le Président de la République, on peut considérer qu’elle travaillait au nom du Gouvernement.

M. Bernard Derosier. Le Président de la République fait partie du Gouvernement ?

M. le rapporteur. Je vous invite à vous reporter à l’enregistrement des réunions de cette commission. J’ajoute que les associations d’élus locaux ont, elles aussi, été largement consultées.

M. Daniel Vaillant. Le rapporteur nous dit qu’il serait peut-être compliqué d’organiser trois élections en même temps, et que le projet de loi dont nous discutons n’a rien à voir avec le futur texte visant à instituer un conseiller territorial, ni avec la réforme des modes de scrutin. Mais dans ce cas, pourquoi ne pas proposer de proroger d’un an le mandat des conseillers régionaux et de réduire de deux ans celui des conseillers généraux, afin que les élections aient lieu en 2015, ce qui éviterait d’avoir trois élections l’année précédente ?

M. Bruno Le Roux. Nous débattons sous les yeux du secrétaire d’État, sans avoir bénéficié d’aucun éclairage préalable de sa part. Décidément, la réforme du Règlement de notre Assemblée conduit à faire les choses à l’envers. Je poserai donc une question au rapporteur tout en sachant que la réponse ne pourra venir que du Gouvernement.

Vous dites, monsieur Perben, que la réduction de la durée du mandat des conseillers généraux et régionaux vise à favoriser la participation aux élections. Je pense pour ma part que son seul objectif est de mettre en place le conseiller territorial, et donc d’en finir avec les conseillers généraux et régionaux. Mais cette issue n’est pas certaine, et nous pourrions trouver une majorité pour qu’il n’en soit pas ainsi. Dès lors, ce projet de loi vaut-il engagement à ne pas rétablir ultérieurement un renouvellement triennal des conseillers généraux, comme une majorité semblable l’avait fait en 1994 ?

M. le rapporteur. Le texte du projet de loi, monsieur Vaillant, se justifie par lui-même : il organise la concomitance des élections des conseils généraux et régionaux. Il peut donc fonctionner indépendamment des autres textes constituant la réforme des collectivités locales, même si j’ai bien précisé qu’il s’inscrivait dans le cadre global de cette réforme.

Cela dit, je ne peux que vous donner une opinion personnelle, et non m’engager au nom du Gouvernement.

M. Bernard Derosier. Et que dit le secrétaire d’État à l’intérieur ? Rien ! Il aurait aussi bien fait de ne pas venir !

La Commission passe ensuite à l’examen des articles.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

Expiration du mandat de l’ensemble des conseillers généraux en mars 2014

L’article L. 192 du code électoral prévoit, en son premier alinéa, que la durée du mandat des conseillers généraux est fixée à six ans et que, tous les trois ans, la moitié d’entre eux est renouvelée, ce qui conduit en pratique à distinguer deux séries de conseillers généraux.

Sans abroger cette disposition, cet article, non modifié par le Sénat, propose d’y déroger ponctuellement pour les conseillers généraux de la 2ème série, dont l’élection doit intervenir au mois de mars 2011. En effet, l’application de la loi actuelle conduirait à leur confier un mandat de six ans, qui n’expirerait qu’au mois de mars 2017. Or, la recherche d’une meilleure visibilité de ces élections et de l’action des départements conduit à souhaiter un renouvellement intégral de leurs élus en 2014.

Cet article propose donc d’aligner sur 2014 la date de l’expiration du mandat de tous les conseillers généraux, tant en métropole qu’outre-mer, en ramenant de six à trois ans la durée du mandat des conseillers généraux élus en 2011. Ne sont donc affectées ni la durée du mandat des conseillers généraux élus en 2008, ni celle des conseillers généraux qui seront élus en mars 2014 – à moins que le Parlement n’ait décidé d’ici là d’y substituer des « conseillers territoriaux », comme le propose l’article 1er du projet de loi de réforme des collectivités territoriales déposé au Sénat.

Cette modification très ciblée doit être approuvée et n’appelle pas de correction, car elle permettra aux électeurs de clarifier les conditions d’élection des élus départementaux, ce qui constitue un objectif tout à fait conforme à l’intérêt général.

La Commission adopte l’article 1ersans modification.

Article 2

Expiration du mandat des conseillers régionaux et membres de l’Assemblée de Corse en mars 2014

Dans le même esprit de clarification que le précédent, cet article, que le Sénat n’a pas davantage modifié, propose deux dérogations ponctuelles aux règles électorales actuellement applicables à l’échelon régional.

La première dérogation concerne les conseillers régionaux de droit commun, dont l’article L. 336 du code électoral précise qu’ils sont élus simultanément pour un mandat de six ans (35). L’application de cette règle aux conseillers régionaux qui seront élus au mois de mars 2010 conduirait donc à ne les renouveler qu’au mois de mars 2016. Or, comme votre rapporteur l’a précédemment exposé, le fait que ce renouvellement n’intervienne pas en même temps que celui des conseillers généraux ne favorise ni la participation aux élections locales, ni la cohérence de la gestion locale aux niveaux départemental et régional.

Le projet de loi prévoit donc à juste titre de regrouper en 2014 ces élections locales, ce qui suppose de ramener de six à quatre ans la durée du mandat de ces conseillers régionaux élus en 2010. Il convient de rappeler que la constitutionnalité de cette solution n’avait pas été remise en cause en 1990, dans le cas de conseillers généraux dont le mandat avait été écourté de deux ans, déjà pour assurer un renouvellement concomitant des assemblées départementales et régionales.

La seconde dérogation prévue par cet article concerne le cas particulier de la Corse, collectivité territoriale dont l’assemblée délibérante comprend 51 membres élus, selon un mode de scrutin particulier, mais pour une durée alignée sur celle des conseillers régionaux en vertu de l’article L. 364 du code électoral. Dès lors que ce dernier article n’a pas été modifié pour les conseillers régionaux – une simple dérogation ayant été prévue pour la durée du mandat de ceux qui seront élus en 2011 –, ce renvoi aux règles de droit commun conduirait à ne renouveler qu’en 2016 les membres de cette assemblée élus au mois de mars prochain. Or, les conseillers généraux des deux départements de Corse élus en 2011 seront, en vertu de l’article 1er du projet de loi, renouvelés dès 2014.

Il n’existe aucune raison, politique ou juridique (36), de priver nos compatriotes de Corse du bénéfice de la clarification électorale proposée par le projet de loi pour les départements et régions de droit commun, outre-mer compris. Le texte du Gouvernement propose donc, comme l’Assemblée de Corse l’a approuvé dans un avis du 12 octobre dernier, de déroger à la règle ordinaire fixant à six ans la durée du mandat de ses membres. Cette durée serait, là aussi, ramenée à quatre ans de façon à assurer, au mois de mars 2014, un renouvellement concomitant des conseillers généraux et des membres de l’Assemblée de Corse.

Cet article doit être approuvé en l’état, car il procède, là encore, à une simplification bienvenue des conditions de renouvellement des élus des régions et de la collectivité territoriale de Corse, tout en laissant ouverte la possibilité de désigner, à partir de 2014, des élus communs aux départements et aux régions.

La Commission adopte l’article 2 sans modification.

Puis elle adopte l’ensemble du projet de loi sans modification.

M. Jean Mallot. Ce débat est une caricature !

M. Bruno Le Roux. Je considère que la façon dont le débat s’est déroulé est l’expression d’un mépris du Gouvernement à l’égard des députés et de ce qu’ils représentent. Je me félicitais que M. le secrétaire d’État soit présent devant nous aujourd’hui, mais comment concevoir qu’il n’ait pas souhaité s’exprimer sur le texte que nous venons d’examiner ?

*

* *

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter le projet de loi, adopté par le Sénat, organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux, dans le texte figurant dans le document joint au présent rapport.

TABLEAU COMPARATIF

___

Texte en vigueur

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Texte adopté par le Sénat

___

Texte adopté par la Commission

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Projet de loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux

Projet de loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux

Code électoral

Article 1er

Article 1er

Art. L. 192. – Cf. annexe.

Par dérogation aux dispositions de l’article L. 192 du code électoral, le mandat des conseillers généraux élus en mars 2011 expirera en mars 2014.

(Sans modification)

 

Article 2

Article 2

Art. L. 336 et L. 364. – Cf. annexe.

Par dérogation aux dispositions de l’article L. 336 du code électoral et du troisième alinéa de l’article L. 364 du même code, le mandat des conseillers régionaux et celui des membres de l’Assemblée de Corse élus en mars 2010 expireront en mars 2014.

(Sans modification)

ANNEXE AU TABLEAU COMPARATIF

Code électoral

Art. L. 192. – Les conseillers généraux sont élus pour six ans ; ils sont renouvelés par moitié tous les trois ans et sont indéfiniment rééligibles.

Les élections ont lieu au mois de mars.

Dans tous les départements, les collèges électoraux sont convoqués le même jour.

En cas de renouvellement intégral, à la réunion qui suit ce renouvellement, le conseil général divise les cantons du département en deux séries, en répartissant, autant que possible dans une proportion égale, les cantons de chaque arrondissement dans chacune des séries, et il procède ensuite à un tirage au sort pour régler l’ordre du renouvellement des séries.

Lorsqu’un nouveau canton est créé par la fusion de deux cantons qui n’appartiennent pas à la même série de renouvellement, il est procédé à une élection à la date du renouvellement le plus proche afin de pourvoir le siège de ce nouveau canton. Dans ce cas, et malgré la suppression du canton où il a été élu, le conseiller général de celui des deux anciens cantons qui appartient à la série renouvelée à la date la plus lointaine peut exercer son mandat jusqu’à son terme.

Art. L. 336. – Les conseillers régionaux sont élus pour six ans ; ils sont rééligibles.

Les conseils régionaux se renouvellent intégralement.

Les élections ont lieu au mois de mars.

Dans toutes les régions, les collèges électoraux sont convoqués le même jour.

Art. L. 364. – L’Assemblée de Corse est composée de cinquante et un membres élus pour la même durée que les conseillers régionaux. Ils sont rééligibles.

Elle se renouvelle intégralement.

Les élections ont lieu le même jour que les élections des conseils régionaux.

© Assemblée nationale

1 () Outre le projet de loi dont notre assemblée est désormais saisie, ont été déposés le 21 octobre au Sénat le projet de loi (n° 60) de réforme des collectivités territoriales, le projet de loi (n° 61) relatif à l’élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale, ainsi que le projet de loi organique (n° 62) relatif à l’élection des membres des conseils des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale.

2 () Rapport d’information (n° 1153) de l’Assemblée nationale sur la clarification des compétences des collectivités territoriales, présenté le 8 octobre 2008 par MM. Didier Quentin et Jean-Jacques Urvoas au nom de la Commission des Lois, en conclusion des travaux d’une mission d’information présidée par M. Jean-Luc Warsmann.

3 () « La conduite par l’Etat de la décentralisation », rapport public thématique de la Cour des Comptes, La Documentation française, octobre 2009.

4 () Rapport d’information (n° 2881) de l’Assemblée nationale sur l’équilibre territorial des pouvoirs, présenté le 22 février 2006 par M. Michel Piron au nom de la Commission des Lois.

5 () Rapport du groupe de travail présidé par M. Alain Lambert sur les relations entre l’Etat et les collectivités locales, décembre 2007.

6 () L’article 3 de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l’Etat prévoyait une répartition distinguant les compétences « mises à la charge de l’Etat et celles qui sont dévolues aux communes, aux départements ou aux régions de telle sorte que chaque domaine de compétences ainsi que les ressources correspondantes soient affectés en totalité soit à l’Etat, soit aux communes, soit aux départements, soit aux régions ».

7 () Rapport d’information (n° 264), présenté le 11 mars 2009 par M. Yves Krattinger et Mme Jacqueline Gourault, au nom de la mission temporaire du Sénat sur l’organisation et l’évolution des collectivités territoriales (rapport d’étape).

8 () Loi n° 90-1103 du 11 décembre 1990 organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux.

9 () Le taux d’abstention étant passé, pour les élections cantonales, de plus de 50 % en 1988 à moins de 30 % en 1992, année où les élections régionales étaient organisées à la même date.

10 () Loi n° 94-44 du 18 janvier 1994 rétablissant le renouvellement triennal par moitié des conseils généraux.

11 () « Il est temps de décider », rapport du Comité pour la réforme des collectivités locales, présidé par M. Edouard Balladur, au Président de la République, 5 mars 2009.

12 () Loi n° 66-947 du 21 décembre 1966 relative aux élections cantonales.

13 () Loi n° 72-1070 du 4 décembre 1972 relative aux élections cantonales.

14 () Loi n° 88-26 du 8 janvier 1988 relative aux élections cantonales.

15 () Loi n° 90-1103 du 11 décembre 1990 organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux.

16 () Loi n° 94-44 du 18 janvier 1994 rétablissant le renouvellement triennal par moitié des conseils généraux.

17 () Loi n° 2005-1563 du 15 décembre 2005 prorogeant la durée du mandat des conseillers municipaux et des conseillers généraux renouvelables en 2007.

18 () Le renouvellement de la moitié seulement des conseillers généraux, rétabli en 1994, réduisant mécaniquement l’ampleur des changements apportés à la composition des assemblées départementales.

19 () Il était alors prévu que le mandat des conseillers généraux qui seraient élus en 1994 ne dure que quatre ans, afin de permettre de renouveler l’intégralité des conseillers généraux en 1998.

20 () Le Conseil constitutionnel a rappelé, dans ses décisions n° 90-280 DC du 6 décembre 1990 « Loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux » et n° 93-331 DC du 13 janvier 1994 « Loi rétablissant le renouvellement triennal par moitié des conseillers généraux », sa jurisprudence classique selon laquelle la Constitution ne lui confère pas « un pouvoir général d’appréciation et de décision identique à celui du Parlement ».

21 () L’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 proclame que la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse », et que « tous les citoyens [sont] égaux à ses yeux ».

22 () Le premier alinéa de l’article 1er de la Constitution prévoit que la France « assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion ».

23 () Décision précitée du 6 décembre 1990.

24 () Décision précitée du 13 janvier 1994.

25 () Ibid.

26 () Tel a été le cas, pour l’instauration d’un renouvellement concomitant des conseils généraux et régionaux, dans la décision précitée du Conseil constitutionnel du 6 décembre 1990. En outre, dans sa décision n° 2005-529 DC du 15 décembre 2005 « Loi organique modifiant les dates de renouvellement du Sénat », le Conseil constitutionnel a rappelé que la loi ordinaire adoptée concomitamment à cette loi organique, pour proroger d’un an la durée du mandat des conseillers municipaux et des conseillers généraux renouvelables au mois de mars 2007, visait à remédier à la « concentration des scrutins devant intervenir en 2007 », afin d’éviter de « solliciter à l’excès, au cours de la même période, le corps électoral ».

27 () Rapport (n° 2716) du 30 novembre 2005 de M. Francis Delattre, au nom de la commission des Lois, sur le projet de loi (n° 2577) prorogeant la durée du mandat des conseillers municipaux et des conseillers généraux renouvelables en 2007.

28 () Rappelons que, depuis la loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République, le deuxième alinéa de l’article 39 de la Constitution prévoit que « les projets de loi ayant pour principal objet l’organisation des collectivités territoriales sont soumis en premier lieu au Sénat ».

29 () Le rapport de ce Comité, remis au Président de la République le 5 mars dernier, propose un « scrutin de liste proportionnel à deux tours assorti d’une prime majoritaire », seuls les premiers de liste étant appelés à siéger à la fois au conseil général et au conseil régional.

30 () Cette répartition avait été décidée par la loi du 10 août 1871 relative aux conseils généraux afin de favoriser une certaine stabilité dans les assemblées départementales, alors même que les conseillers généraux étaient dotés de pouvoirs bien limités.

31 () Rapport (n° 1686) du 30 octobre 1990 du député Marc Dolez, au nom de la commission des Lois, en nouvelle lecture, sur le projet de loi (n° 1534) organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux.

32 () Rapport d’information (n° 264), présenté le 11 mars 2009 par M. Yves Krattinger et Mme Jacqueline Gourault, au nom de la mission temporaire du Sénat sur l’organisation et l’évolution des collectivités territoriales (rapport d’étape).

33 () Rapport (n° 1595) du 2 octobre 1990 du député Marc Dolez, au nom de la commission des Lois, sur le projet de loi (n° 1534) organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux.

34 () Indépendamment de la création envisagée des conseillers territoriaux.

35 () La volonté d’assurer la continuité de l’action de ces assemblées locales n’a pas conduit à diviser leurs membres en deux séries distinctes, à la différence de l’organisation retenue pour les conseils généraux. La loi soumet donc actuellement, sur ce point, les élus des départements et des régions à des règles de renouvellement distinctes, sans que le fondement de cette approche différenciée soit aisément perceptible.

36 () Dans sa décision n° 2003-468 DC du 3 avril 2003 « Loi relative à l’élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu’à l’aide publique aux partis politiques », le Conseil constitutionnel a jugé, à propos de la possibilité d’instituer des règles de parité entre les hommes et les femmes moins contraignantes en Corse que dans les régions continentales, que « compte tenu de leurs compétences, de leur place dans l’organisation décentralisée de la République et de leurs règles de composition et de fonctionnement, l’Assemblée de Corse et les conseils régionaux ne se trouvent pas dans une situation différente au regard de l’objectif inscrit au cinquième alinéa de l’article 3 de la Constitution » (lequel précisait que « la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives »). Une différence de situation entre ces collectivités ne paraît pas davantage caractérisée au regard d’un objectif d’augmentation de la participation électorale.