N° 2268 - Rapport de M. Gilles Carrez sur le projet de loi de finances rectificative pour 2010 (n°2239)



N° 2268

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 27 janvier 2010.

RAPPORT

FAIT

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE
SUR LE PROJET DE
loi de finances rectificative pour 2010 (n° 2239),

ET PRÉSENTÉ

PAR M. Gilles CARREZ,

Rapporteur général,

Député.

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INTRODUCTION 7

CHAPITRE PREMIER : UN PLAN D’INVESTISSEMENT AMBITIEUX ET ORIGINAL POUR TRANSFORMER L’ÉCONOMIE FRANÇAISE 9

I.– UN PLAN AMBITIEUX QUI ACTIONNE L’ENSEMBLE DES LEVIERS À DISPOSITION POUR AGIR SUR L’ÉCONOMIE FRANÇAISE 11

A.– UN EFFORT D’INVESTISSEMENT D’UNE AMPLEUR SANS PRÉCÉDENT 11

B.– UN PLAN POUR ADAPTER LA STRUCTURE PRODUCTIVE DE L’ÉCONOMIE FRANÇAISE 12

C.– DES AIDES SECTORIELLES DANS L’ESPRIT DES GRANDS PROJETS DES ANNÉES 1960-1970 14

II.– DES MODALITÉS DE MISE EN œUVRE ORIGINALES, PROPRES À GARANTIR L’EFFICACITÉ DE LA DÉPENSE 18

A.– LA CONSTITUTION D’ACTIFS : LE GAGE D’UNE BONNE GESTION ET DE LA PROTECTION DES INTÉRÊTS FINANCIERS DE L’ÉTAT 18

B.– LE RECOURS AUX OPÉRATEURS : UN MOYEN D’ASSURER L’ÉTANCHÉITÉ ET L’EFFICACITÉ DE LA DÉPENSE 22

C.– UNE GARANTIE DE LA PLURIANNUALITÉ DE LA DÉPENSE 24

CHAPITRE II : 35 MILLIARDS D’EUROS D’INVESTISSEMENTS D’AVENIR 27

I.– LES CINQ PRIORITÉS NATIONALES RETENUES 27

A.– L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET LA FORMATION (11 MILLIARDS D’EUROS) 28

B.– LA RECHERCHE (7,9 MILLIARDS D’EUROS) 31

C.– LES FILIÈRES INDUSTRIELLES ET LES PME (6,5 MILLIARDS D’EUROS) 33

D.– LE DÉVELOPPEMENT DURABLE (5,1 MILLIARDS D’EUROS) 34

E.– LE NUMÉRIQUE (4,5 MILLIARDS D’EUROS) 35

II.– LES CONDITIONS DE FINANCEMENT DES INVESTISSEMENTS D’AVENIR 38

III.– LA QUESTION DU CONTRÔLE PARLEMENTAIRE 42

CHAPITRE III : UN IMPACT MAÎTRISÉ SUR LES FINANCES PUBLIQUES 44

I.– L’IMPACT SUR LE DÉFICIT BUDGÉTAIRE 44

A.– L’IMPACT SUR LES DÉPENSES DE L’ÉTAT 44

B.– LES AUTRES FACTEURS EXPLIQUANT LA MODIFICATION DE LA PRÉVISION DE DÉFICIT DE L’ÉTAT POUR 2010 46

II.– L’IMPACT SUR LE DÉFICIT PUBLIC 49

A.– UN IMPACT DIFFÉRÉ ET MOINS PRONONCÉ SUR LE DÉFICIT EN COMPTABILITÉ NATIONALE 49

B.– DES PRÉVISIONS DE DÉFICIT PUBLIC POUR 2009 ET 2010 REVUES À LA BAISSE 51

III.– L’IMPACT SUR LA DETTE PUBLIQUE 52

AUDITION DE MME CHRISTINE LAGARDE, MINISTRE DE L’ÉCONOMIE, DE L’INDUSTRIE ET DE L’EMPLOI, ET DE M. ÉRIC WOERTH, MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA RÉFORME DE L’ÉTAT 59

AUDITION DE M. RENÉ RICOL, COMMISSAIRE GÉNÉRAL À L’INVESTISSEMENT 78

EXAMEN DES ARTICLES 91

PREMIÈRE PARTIE

CONDITIONS GÉNÉRALES DE L'ÉQUILIBRE FINANCIER

TITRE PREMIER

DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES

Avant l’article premier  91

Article additionnel avant l’article premier : Extension de la réduction d’ISF pour les dons aux organismes de soutien à la création d’entreprises 99

Avant l’article premier  100

Article additionnel avant l’article premier : Élargissement des dépenses éligibles au crédit d’impôt en faveur de la création de jeux vidéo 107

Article additionnel avant l’article premier : Abaissement du seuil de dépenses conditionnant l’éligibilité d’un projet au crédit d’impôt en faveur de la création de jeux vidéo 108

Avant l’article premier  108

Ressources affectées

Article premier : Faire contribuer les banques au fonds de garantie des dépôts tout en modifiant leur pratique en matière de bonus 110

Après l’article premier  140

Article 2 : Ajustement des affectations du droit de consommation sur les tabacs 141

Autres dispositions

Article 3 : Ratification d’un décret relatif à la rémunération de services rendus par l’État 145

Article 4 : Modalités d’attribution et de gestion des fonds consacrés au financement des investissements d’avenir et information du Parlement sur ces investissements 147

Après l’article 4  161

TITRE II

DISPOSITIONS RELATIVES A L’ÉQUILIBRE DES RESSOURCES ET DES CHARGES

Article 5 : Équilibre général du budget, trésorerie et plafond d’autorisation des emplois 162

Seconde délibération  167

Article premier : Faire contribuer les banques au fonds de garantie des dépôts tout en modifiant leur pratique en matière de bonus 167

SECONDE PARTIE

MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

TITRE PREMIER

AUTORISATIONS BUDGÉTAIRES POUR 2010

CRÉDITS DES MISSIONS

Article 6 : Budget général : ouvertures et annulations de crédits 170

Article 7 : Comptes spéciaux : ouvertures de crédits 171

TITRE II

DISPOSITIONS PERMANENTES

Article 8 : Exonération des cotisations patronales dues pour l’emploi des travailleurs occasionnels agricoles 172

TABLEAU COMPARATIF 185

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION 203

INTRODUCTION

Délibéré en Conseil des ministres trois semaines après la promulgation de la loi de finances initiale pour 2010, le présent projet de loi de finances rectificative tend à financer 35 milliards d’euros d’investissements d’avenir.

L’initiative en revient au Président de la République qui, devant le Parlement réuni en Congrès le 22 juin 2009, avait appelé le Gouvernement à « réfléchir à nos priorités nationales et à la mise en place d’un emprunt pour les financer ». Constituée en août, la commission « sur les priorités stratégiques d’investissement et l’emprunt national », présidée par MM. Alain Juppé et Michel Rocard, a présenté ses recommandations dans un rapport publié à la mi-novembre 2009 (1). Dans une conférence de presse tenue le 14 décembre 2009, le Président de la République a fait siennes la plupart d’entre elles. Le présent projet de loi de finances rectificative – qui propose par ailleurs l’institution d’une taxe exceptionnelle sur les bonus versés aux professionnels des marchés financiers (2) – vise à mettre en œuvre les priorités nationales retenues au terme de ce processus.

Depuis plusieurs années, un consensus existe quant à la nécessité de soutenir massivement la recherche, l’enseignement supérieur, l’innovation et le développement durable. Ces domaines, fortement générateurs de croissance, appellent en effet des investissements lourds qui ne peuvent être réalisés par le seul secteur privé, a fortiori dans un contexte de sortie de crise marqué par l’aversion au risque. Les investissements d’avenir (3) proposés dans le présent projet doivent permettre, pour reprendre les termes de la commission Juppé-Rocard, de « sortir de nos anciens schémas de développement pour nous engager dans la transition vers le modèle de développement de demain, un modèle de développement durable fondé à la fois sur la matière grise et l’économie "verte" ».

Le caractère exceptionnel de cette démarche justifie que ces investissements soient traités de manière distincte des dépenses budgétaires de l’État. Les crédits ouverts par la loi de finances rectificative seront donc, dans leur intégralité, rapidement versés aux opérateurs compétents et les fonds correspondants seront ensuite gérés en dehors du budget de l’État, selon des modalités de gouvernance spécifiques. Dès lors qu’elles s’analysent en un effort supplémentaire par rapport aux financements habituels, ces dépenses seront traitées hors du périmètre de la norme de dépense régissant l’évolution des charges du budget de l’État.

Faute de couverture de ces futures dépenses par des recettes, les 35 milliards d’euros de crédits ouverts par le présent projet de loi de finances dégraderont d’autant le déficit budgétaire de l’État. Celui-ci atteindrait ainsi 149,2 milliards d’euros en 2010, compte tenu par ailleurs des nouvelles prévisions de recettes fiscales découlant d’une croissance prévisionnelle revue à 1,4 % au lieu de 0,75 % (4). Cette détérioration du solde budgétaire sera financée par la voie de l’emprunt, selon les modalités traditionnelles d’appel aux marchés développées par l’Agence France Trésor (AFT) : le « grand emprunt » n’est donc ni un emprunt auprès des particuliers (dont le coût aurait été excessif), ni même un emprunt spécifiquement identifiable parmi les titres émis par l’AFT.

Toutefois, cette augmentation du déficit budgétaire et cet alourdissement de la dette publique ne s’accompagneront pas d’une dégradation à due concurrence du déficit public tel qu’il est mesuré en comptabilité nationale
– notamment pour s’assurer du respect de nos engagements européens. En effet, la majorité des interventions (dotations en capital, prêts, prises de participation) permises par le présent projet de loi de finances rectificative auront pour contrepartie la constitution d’actifs et ne constitueront donc pas, en tant que telles, des dépenses publiques, faute d’entraîner un appauvrissement de l’actif financier des administrations publiques.

Il n’en demeure pas moins qu’avec un déficit public qui devrait atteindre 8,2 % du PIB en 2010, soit plus de 160 milliards d’euros (5), la question du redressement de nos comptes publics demeure plus que jamais d’actualité. Une fois la reprise économique acquise, un important effort d’ajustement des finances publiques devra être consenti afin de maîtriser notre endettement croissant. Le bon sens ne peut d’ailleurs que conduire à souscrire au constat dressé par la commission Juppé-Rocard : « la situation et les perspectives préoccupantes de nos finances publiques plaident (...) pour que, dans la durée, ce soit par le redressement de la situation budgétaire et par la réallocation des dépenses que l’État trouve d’abord les moyens de financer ses investissements ».

CHAPITRE PREMIER :
UN PLAN D’INVESTISSEMENT AMBITIEUX ET ORIGINAL POUR TRANSFORMER L’ÉCONOMIE FRANÇAISE

Pour que l’économie française offre demain les biens et services qui feront la richesse d’une nation, une action profonde visant à transformer sa structure productive est nécessaire. Pour atteindre un but aussi ambitieux et inédit, le présent projet de loi propose un plan d’investissement qui se distingue des interventions économiques traditionnelles de l’État. Son originalité répond à l’importance des enjeux financiers en cause et concerne tant son contenu que ses modalités de mise en œuvre.

Le contenu du présent plan d’investissement, d’une part, est caractérisé par un effort d’ampleur exceptionnelle, qui permet à l’État d’actionner l’ensemble des leviers à sa disposition pour l’adaptation du tissu productif. Il est également caractérisé par un soutien direct à certains secteurs jugés stratégiques pour la prospérité future du pays, proche de l’esprit des grands programmes des années 1960-1970.

Les modalités de mise en œuvre des investissements d’avenir, d’autre part, présentent l’originalité de flécher une part majoritaire des dépenses vers la constitution d’actifs au sein du patrimoine public. Elles posent également les bases d’une étanchéité des crédits par rapport au financement des autres politiques publiques et contribuent à assurer la pluriannualité de l’effort public.

Le Rapporteur général estime que l’objectif poursuivi et les priorités retenues par ce plan d’investissement ainsi que l’encadrement prévu pour sa mise en œuvre dessinent les traits d’une intervention de l’État efficace, ambitieuse et nécessaire à la prospérité future de l’économie française. Compte tenu de l’ampleur des ouvertures de crédits prévues dans le présent projet de loi, il est toutefois regrettable que les délais d’examen laissés à l’Assemblée nationale soient aussi restreints.

Le tableau suivant récapitule les différents axes privilégiés par le présent projet d’investissement, les organismes en charge de leur mise en œuvre et la nature des dépenses qui y seront affectées.

LES PRIORITÉS FINANCÉES PAR L’EMPRUNT NATIONAL

(en milliards d’euros)

     

Non consomptible

Consomptible

 

Montant

Structure

Actif sûr

Actif à risque

Dépense budgétaire

Ensemble

35

 

16,0

9,4

9,5

1. Enseignement supérieur et formation

11

 

Enseignement supérieur

10

       

Campus d'excellence

7,7

ANR

7,7

   

Opération campus

1,3

ANR

1,3

   

Saclay

1

ANR

   

1

Formation

1

 

Formation professionnelle

0,5

CDC

   

0,5

Égalité des chances

0,5

ANRU

   

0,5

2. Recherche

7,9

 

Valorisation de la recherche publique

3,5

ANR

2,6

0,4

0,5

Laboratoires d'excellence

1

ANR

0,9

 

0,1

Équipements de recherche

1

ANR

0,6

 

0,4

Santé et bio-technologies (IHU)

0,85

ANR

0,68

 

0,17

Santé et bio-technologies (autres)

1,55

ANR

1,1

 

0,45

3. Filières industrielles et PME

6,5

 

Automobile, transports terrestres et maritimes (véhicules du futur)

1

ADEME

 

0,66

0,33

Aéronautique

1,5

ONERA

 

1

0,5

Espace

0,5

CNES

 

0,5

 

Croissance des PME (prêts OSÉO)

1

OSÉO

 

1

 

Croissance des PME (dotation OSÉO)

0,5

OSÉO

 

0,5

 

Croissance des PME (autres)

1

OSÉO/FSI/CDC

 

0,75

0,25

États généraux de l'industrie

1

OSÉO

 

0,6

0,4

4. Développement durable

5,1

 

Énergies renouvelables et décarbonées (I)

1,6

ADEME

 

1,1

0,5

Énergies renouvelables et décarbonées (II)

1

ANR

0,75

 

0,25

Nucléaire de demain

1

CEA et ANDRA

   

1

Transports et urbanisme durables

1

Fonds CDC

0,4

 

0,6

Rénovation thermique des logements privés

0,5

ANAH

   

0,5

5. Numérique

4,5

 

Équipement de la France en très haut débit

2

Fonds national pour la société numérique (CDC)

 

1,12

0,88

Développement des usages et contenus innovants

2,5

Fonds national pour la société numérique (CDC)

 

1,84

0,66

Source : d’après la justification au premier euro du présent projet de loi de finances rectificative.

 En mobilisant 35 milliards d’euros, le présent plan d’investissement représente un effort sans précédent en faveur de la modernisation de l’économie française. Une telle somme représente une douzaine de porte-avions nucléaires, cinq fois le montant annuel de la formation brute de capital fixe (FBCF) financée par l’État ou plus de sept fois la dépense annuelle de recherche et développement d’un groupe tel que Sanofi Aventis. L’effet d’entraînement sur d’autres acteurs
– entreprises, collectivités territoriales, Union européenne – participant au financement de certains projets conduirait à un investissement total de l’ordre de 60 milliards d’euros.

Un tel montant se situe sur un autre ordre de grandeur que les précédents efforts menés en matière d’investissement public. À titre de comparaison, la puissance publique a investi 3,9 milliards d’euros pour le développement du Concorde entre 1970 et 1990 et accordé pour 3 milliards d’euros d’avances remboursables à l’Aérospatiale entre 1971 et 1997. Plus récemment, l’Agence de l’innovation industrielle (AII) et l’Agence nationale de la recherche ont été respectivement dotées, lors de leur création en 2005, de 2 milliards d’euros et de moins de 1 milliard d’euros.

 La consommation effective de ces fonds n’a pas vocation à être réalisée sur la seule année 2010. Environ 46 % des crédits conduiraient à la constitution d’actifs non consomptibles dont seuls les intérêts servis annuellement seraient dépensés. Les 54 % restant devraient être mobilisés sur plusieurs années, dès 2010, selon le rythme de financement des projets. Les crédits ouverts sur le budget de l’État par le présent projet de loi devraient toutefois apparaître consommés dès cette année car ils seraient octroyés au cours de l’exercice aux différents opérateurs en charge de la mise en œuvre du plan d’investissement.

Une évaluation approximative (6) laisse penser que, comme l’illustre le tableau ci-après, l’effort annuel d’investissement généré par ce plan serait compris entre 4 et 4,5 milliards d’euros (7) entre 2010 et 2014 puis se stabiliserait à 2,5 milliards d’euros à partir de 2015.

ESTIMATION DE L’EFFORT ANNUEL D’INVESTISSEMENT FINANCÉ PAR LE PLAN

(en milliards d’euros)

 

2010

2011-2014

2015-2019

Dépenses au sens de la comptabilité nationale (dotations consomptibles, intérêts des dotations non consomptibles)

2,2

2,6

2,5

Dépenses générant un actif (prêts, prises de participations, avances remboursables*)

1,9

1,9

0

Effort annuel d'investissement

4,1

4,5

2,5

Source : ministère du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État.

* On suppose que les avances remboursables constituent des actifs au sens de la comptabilité nationale (voir chapitre III, II).

Comme le montre le tableau ci-dessous, le coût pour l’État serait, en revanche, moindre – approximativement entre 2 et 3 milliards d’euros par an. En effet, les dépenses générant un actif ne sont pas considérées par la comptabilité nationale comme une dépense publique. Par ailleurs, les intérêts dus par l’État au titre des dotations non consomptibles (8) ainsi que les intérêts payés sur l’emprunt de 35 milliards d’euros seront intégrés dans la norme de dépense. Le coût qu’ils représentent n’aurait donc pas d’impact sur le solde puisque d’autres dépenses seraient diminuées à due concurrence pour assurer le respect de la norme. À noter enfin qu’il n’est pas à exclure qu’une partie des fonds mobilisés dans le cadre du présent plan d’investissement ne vienne se substituer à des dépenses déjà existantes, ce qui contribuerait également à réduire le coût supporté par l’État.

COÛT ANNUEL SUPPORTÉ PAR L’ÉTAT DU FAIT DES INVESTISSEMENTS D’AVENIR

(en milliards d’euros)

 

2010

2011-2014

2015-2019

 

Min.*

Max.**

Min.*

Max.**

 

Dépenses au sens de la comptabilité nationale

2,2

2,8

2,6

3,2

2,5

Intégration des intérêts dans la norme de dépense

– 0,4

– 0,4

– 0,4

Coût net

1,8

2,4

2,2

2,8

2,1

Source : ministère du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État.

* Les avances remboursables sont considérées comme des actifs au sens de la comptabilité nationale.

** Les avances remboursables ne sont pas considérées comme des actifs au sens de la comptabilité nationale.

 Par l’objectif poursuivi, les investissements d’avenir constituent un nouveau pan de la politique économique menée depuis 2002 et visant à accroître la compétitivité des entreprises françaises. Compte tenu de la perte du contrôle de la politique monétaire et des contraintes pesant sur la politique budgétaire, la politique de compétitivité est devenue le cœur de la politique économique de tout gouvernement.

Par l’ « angle d’attaque » privilégié – la transformation de la structure productive – pour atteindre cet objectif, le présent plan d’investissement se distingue des différentes initiatives prises par le passé. Alors que celles-ci pouvaient relever de la fiscalité ou de la réglementation, le présent plan d’investissement s’inscrit dans une perspective de politique industrielle.

Par les moyens utilisés pour transformer l’économie, les investissements d’avenir impliquent la mobilisation de l’ensemble des leviers d’action à disposition de la puissance publique. Ils prolongent l’effort engagé en faveur de l’enseignement supérieur et de la recherche et innovent en apportant des soutiens ciblés à plusieurs secteurs d’activité.

Le présent plan d’investissement dessine donc les contours d’une politique industrielle ambitieuse, qui poursuit l’essor de « l’économie de la connaissance » en visant, à la fois, le développement de son infrastructure – le système d’enseignement supérieur et de recherche – et le soutien direct à quelques secteurs stratégiques.

Le tableau suivant dresse une typologie des investissements d’avenir selon cette grille d’analyse. Il convient de noter que, si elle éclaire la démarche proposée par le Gouvernement, la distinction entre aide à l’infrastructure et soutien direct aux secteurs stratégiques, comme toute tentative de catégorisation, peut être simplificatrice. À titre d’exemple, la constitution d’un réseau de « très haut débit » favorisera le secteur du numérique mais profitera également à l’ensemble de l’économie. Inversement, le soutien aux bio-technologies, présentées comme relevant du système de recherche, peut également être perçu comme une aide à ce secteur.

TYPOLOGIE DES INVESTISSEMENTS D’AVENIR SELON LES LEVIERS D’ACTION MOBILISÉS

(en milliards d’euros)

Soutien à l’infrastructure de l’économie de la connaissance (recherche et enseignement supérieur)

Soutien direct aux secteurs stratégiques

Actions non ciblées directement sur la compétitivité des entreprises

Enseignement supérieur/ formation : 11

Véhicules du futur : 1

Transports/urbanisme durables: 1

Recherche : 7,9

Aéronautique/Espace : 2

Rénovation thermique : 0,5

Énergie renouvelable : 1*

Croissance des PME : 2,5

 
 

États généraux de l’industrie : 1

Énergies renouvelables : 1,6

Nucléaire : 1

Numérique : 4,5

TOTAL : 19,9

TOTAL : 13,6

TOTAL : 1,5

* Instituts de recherche sur les énergies renouvelables

 
Dans le contexte d’une économie où la valeur ajoutée provient des compétences des salariés et de la capacité des entreprises à innover, l’infrastructure constituant le socle de la création de valeur est le système d’enseignement supérieur et de recherche, pour lesquels est prévu un investissement de près de 20 milliards d’euros. Intervenir à ce niveau revient à apporter un soutien potentiel à l’ensemble des secteurs d’activité et à faciliter le passage de l’ensemble du tissu productif vers une spécialisation plus intensive en innovation.

Les modalités de mise en œuvre de ces investissements passeraient principalement par l’attribution de « labels » distinguant les universités et centres de recherche les plus dynamiques. L’octroi de la qualité de « campus d’excellence », d’institut de recherche technologique ou d’institut hospitalo-universitaire entraînerait l’attribution de moyens financiers supplémentaires pour mettre en œuvre des projets déterminés. Dans le but d’éviter un « saupoudrage » des moyens, les dotations seraient concentrées sur un nombre restreint d’établissements.

Par ailleurs, le présent plan d’investissement prévoit un soutien direct au tissu productif, d’un montant total d’environ 14 milliards d’euros, focalisé sur la recherche et l’innovation et ciblé sur quelques secteurs d’activité jugés stratégiques pour la prospérité future de l’économie. Un tel soutien sectoriel constitue l’une des originalités de la démarche proposée par le Gouvernement et fait l’objet d’un développement spécifique ci-après.

À noter enfin que deux actions financées par le présent plan ne semblent avoir qu’un effet marginal sur la compétitivité des entreprises et la spécialisation sectorielle : les « villes du futur » et la rénovation thermique. Elles constituent néanmoins un investissement pour l’ensemble de la société, du fait notamment des économies de coût – et plus particulièrement d’énergie – qu’elles pourraient générer.

 Le présent plan d’investissement a pour objectif d’agir sur la spécialisation de l’économie française en privilégiant les activités pouvant générer le plus de valeur ajoutée. Comme indiqué plus haut, il tend notamment à promouvoir certains secteurs jugés stratégiques pour la prospérité future du pays
– énergies renouvelables, numérique… –, principalement par l’apport d’un soutien financier à des projets d’innovation.

Cette approche sectorielle constitue une rupture par rapport aux politiques menées au cours des dernières années. Elle s’inspire des grands programmes industriels menés dans les années 1960-1970 et qui sont à l’origine de la constitution de secteurs contribuant encore fortement à la prospérité du pays – par exemple, l’aéronautique ou le nucléaire. Toutefois, dans le cas présent, la détermination des projets ne reviendrait pas à l’administration mais dépendrait de l’initiative d’entrepreneurs ou de structures publiques décentralisées comme les universités ou les centres recherche publics. L’État jouerait le rôle de « facilitateur », en proposant des financements que le secteur financier n’offre pas, et se contenterait de préciser les critères de sélection des projets, via les cahiers des charges définis par arrêté du Premier ministre.

En fixant un objectif de soutien ciblé à quelques secteurs d’activité, poursuivi par les moyens de l’État « facilitateur », le présent plan d’investissement réunit les éléments nécessaires à une action efficace sur la spécialisation de l’économie française. Sa réussite passe notamment par le respect de la réglementation communautaire en matière d’aides d’État.

L’encadré ci-après remet en perspective cette évolution notoire de la politique industrielle française.

L’évolution de la politique industrielle depuis 1945

Depuis 1945, la politique industrielle menée par la puissance publique, c’est-à-dire les interventions publiques visant à agir sur la structure productive du pays, a connu de nombreuses évolutions, tant sur les objectifs poursuivis que sur les moyens utilisés. Quatre étapes peuvent être distinguées.

1945-années 1960 : à partir de 1945, la nationalisation de plusieurs entreprises financières et industrielles a pour but de conférer à l’État les leviers de son intervention dans l’économie. Encadrée par la planification indicative et soutenue par le plan Marshall, la politique industrielle finance les investissements productifs pour les secteurs de base.

Années 1960-1970 : alors que l’ouverture internationale de l’économie française s’accroît, l’intervention publique se recentre autour de grands projets qui développent des innovations technologiques dans les secteurs liés à la défense nationale ou à la sécurité énergétique, en s’appuyant sur des laboratoires de recherche ou des entreprises. Les grands programmes sont, en effet, fondés sur la coordination entre recherche publique, entreprise publique et commande publique. À titre d’exemple, le TGV est développé par Alsthom puis vendu à la SNCF, l’Airbus est une innovation de l’Aérospatiale, dont Air France est le premier acheteur. Les liens entre recherche et entreprises aboutissent donc à la fabrication d’un démonstrateur destiné à un client public et qui tenait lieu de « vitrine » pour d’autres acheteurs potentiels.

1983-début des années 2000 : en 1983, le « tournant de la rigueur » conduit à une redéfinition de la politique industrielle, qui se concentre sur la restructuration des secteurs en crise. Les entreprises publiques ne sont plus un outil d’intervention, la priorité étant le rétablissement de leur rentabilité. Le mouvement de privatisation, entamé en 1986 puis prolongé à partir de 1993, prive l’État de son principal instrument d’action. Parallèlement, le développement du marché commun dans les années 1980-1990 tend à renforcer la politique de la concurrence au détriment de la politique industrielle dont la légitimité s’effrite.

Années 2000 : devant les craintes de désindustrialisation de l’économie française, liée notamment à la concurrence des pays émergents, la politique industrielle se focalise sur des aides « horizontales », ciblées non sur un secteur particulier mais sur un public d’entreprises spécifique – PME, entreprises innovantes. Elle s’attache également à renforcer la compétitivité des territoires, avec la création des pôles de compétitivité. Que ce soit par le biais d’OSÉO, de l’Agence nationale de la recherche ou de l’Agence de l’innovation industrielle – tous trois créés en 2005 –, la logique sous-jacente à ces interventions est d’apporter un soutien à une initiative privée. L’État n’est plus « entrepreneur » mais « facilitateur ».

(en milliards d’euros)

 

Financement de projets d’innovation

Soutien financier à des entreprises

Véhicules du futur

1

 

Aéronautique / Espace

2

 

Croissance des PME

 

2,5

États généraux de l’industrie

 

1

Énergies renouvelables

1,6

 

Nucléaire

1

 

Numérique

4,5

 

TOTAL

10,1

3,5

 La majorité des crédits – environ 10 milliards d’euros – serait affectée au financement de projets d’innovation portés par des structures publiques décentralisées – universités, centres de recherche… – ou par des entreprises. Si une telle forme d’action publique n’est pas une nouveauté (10), l’ampleur des crédits mobilisés constitue une originalité du présent plan d’investissement, justifiée par la volonté d’agir directement sur la spécialisation productive de l’économie.

La démarche proposée par le Gouvernement consiste notamment à offrir un appui financier aux initiatives d’entrepreneurs privés et, dans le cas de projets portés par une structure publique, d’y associer des acteurs privés. Elle se concrétise par la présence récurrente d’indicateurs de performance mesurant la part des financements privés dans les projets financés par l’emprunt national.

Une telle approche paraît être un gage d’efficacité économique. On peut en effet supposer qu’un choix de projets guidé par l’initiative d’une entreprise pourrait conduire à moins d’impasses économiques qu’un financement intégralement public, en raison notamment d’une meilleure évaluation des débouchés commerciaux. Une telle approche semble pouvoir limiter les échecs qu’a pu rencontrer l’État dans sa politique de grands projets, comme le Concorde, lancé en 1962, ou le plan Calcul, développé à partir de 1966. Elle est, quoi qu’il en soit, inévitable compte tenu du fait que les entreprises publiques ne constituent plus des outils d’intervention publique et que le droit de la concurrence encadre strictement l’intervention de l’État en ce domaine.

Les aides sectorielles associant public et privé prendraient différentes formes. On constate une part prépondérante des financements affectés aux expérimentations permettant de faire le lien entre recherche et industrialisation – par exemple, les démonstrateurs ou les plates-formes d’expérimentation. Le montant exact des investissements faisant l’objet d’une telle collaboration reste toutefois inconnu et dépendra de l’appétence des entreprises pour les solutions de financement offertes par les opérateurs.

 Le solde des fonds, environ 3,5 milliards d’euros, financerait des aides destinées à un public d’entreprises particulier, principalement les PME innovantes, ce qui constitue la modalité de mise en œuvre habituelle des politiques industrielles menées au cours des dernières années. Elles resteraient néanmoins inscrites dans une logique sectorielle dans la mesure où les entreprises aidées devraient relever des secteurs stratégiques. À titre d’exemple, la convention liant OSÉO à l’État devrait stipuler que les moyens supplémentaires qui lui sont attribués par le biais d’une augmentation de capital de 500 millions d’euros et d’un prêt de 1 milliard d’euros sont fléchés vers des entreprises dont l’activité correspond aux priorités nationales.

 Les interventions publiques pouvant déboucher sur des aides financières à des entreprises, dont le montant peut être estimé à 7 milliards d’euros, doivent toutefois être réalisées en conformité avec la réglementation communautaire relative aux aides d’État.

Les articles 87 et 88 du traité instituant la communauté européenne prévoient que, si les aides d’État sont, en principe, incompatibles avec le marché commun, certaines peuvent être exceptionnellement admises, comme dans celles à destination de la recherche et développement (11). La procédure de contrôle implique généralement une notification par les États des nouveaux soutiens apportés aux entreprises. Après un examen préliminaire de deux mois, la Commission analyse les gains pour la société et les distorsions créées sur les marchés, et peut soit accepter l’aide soit engager une phase d’examen formel – un simple doute sur la qualification en tant qu’aide pouvant justifier ce choix. La procédure étant suspensive, aucune aide ne peut être versée durant ce laps de temps.

Une telle contrainte pourrait se traduire par un ralentissement des procédures d’octroi des aides, voire par l’annulation de celles-ci par la Commission. À titre d’exemple, il semble que le fonctionnement de l’Agence pour l’innovation industrielle (AII) ait été ralenti par la nécessité de notifier les aides versées à la Commission européenne. Or, la rapidité de mise en œuvre des projets constitue un élément clé de leur réussite.

Toutefois, l’adoption, en 2008, d’un règlement général d’exemption (12) devrait permettre d’éviter, au moins en partie, des difficultés semblables à celles que l’AII a connues. En effet, cette nouvelle base juridique n’impose pas de notifier les aides à la recherche, au développement et à l’innovation, ce dernier élément incluant les expérimentations permettant de faire le lien entre recherche et industrialisation. Certaines conditions encadrent néanmoins cette dérogation. La part du financement public ne peut dépasser 25 % du coût de l’opération – ce pourcentage pouvant être relevé dans certains cas, notamment si le bénéficiaire est une PME (article 31). De plus, le seuil limite de l’aide au financement d’expérimentations s’établit à 7,5 millions d’euros (article 6). Enfin, le soutien accordé aux grandes entreprises est conditionné par plusieurs vérifications à la charge de la puissance publique dont l’aide doit se rajouter, et non se substituer, aux efforts de l’entreprise (article 8).

Au final, si elle ne concerne qu’environ 20 % des investissements prévus, la question de la conformité de l’intervention publique au droit communautaire constituera un enjeu dans la mise en œuvre du plan d’investissement. D’après les informations transmises au Rapporteur général, le service constitué autour du futur Commissaire général à l’investissement serait doté de compétences en la matière.

II.– DES MODALITÉS DE MISE EN œUVRE ORIGINALES, PROPRES À GARANTIR L’EFFICACITÉ DE LA DÉPENSE

Les modalités de mise en œuvre du plan d’investissement convergent pour assurer une intervention efficace et respectueuse des intérêts financiers de l’État.

73 % du montant de l’emprunt, soit environ 25 milliards d’euros, serait destiné à financer la formation d’actifs financiers – de nature très diverse – ayant vocation à générer des revenus pour la puissance publique. Une telle approche, qui se distingue par son originalité, tend à préserver les intérêts financiers de l’État et à permettre une sélection adéquate des projets à financer.

Le montant mentionné ci-dessus doit toutefois être pris avec prudence pour deux raisons. D’une part, la ventilation exacte entre les différents types de dépenses sera décidée en exécution – probablement dans les conventions liant les opérateurs à l’État ou dans les cahiers des charges définis par le Premier ministre – et non dans le présent projet de loi. D’autre part, au sens de la comptabilité maastrichtienne, la distinction entre actifs et dépenses est faite selon la réalité économique de l’opération – l’État se comporte-t-il en « investisseur avisé » ? – et non selon la forme qu’elle emprunte – prêt, prise de participation… Or, l’estimation indiquée ci-dessus se fonde sur ce dernier critère. L’évaluation de la part exacte des actifs constitués par le présent plan d’investissement ne pourra donc être réalisée qu’une fois connus précisément les projets financés.

La notion d’actifs peut recouvrir plusieurs sortes de marchandises. Dans le cadre du présent plan d’investissement, elle recoupe en effet quatre réalités différentes (13) – la première se distinguant des trois autres par l’objectif poursuivi – retracées dans le tableau ci-dessous.

ESTIMATION DES DÉPENSES AFFECTÉES À LA CONSTITUTION D’ACTIFS

(en milliards d’euros)

 

Actifs sans risque
(non consomptibles)

Actifs risqués

 

Prêts/Garanties de prêts

Prises de participations

Avances remboursables

Campus d’excellence

7,7

     

Opération Campus

1,3

     

Valorisation de la recherche

2,6

 

0,4

 

Laboratoires d’excellence

0,9

     

Équipements de recherche

0,6

     

Santé et bio-technologies

1,78

     

Véhicule du futur

 

0,17

0,17

0,33

Aéronautique/Espace

   

0,7

0,8

PME/États généraux de l’industrie

 

1,3

1,2

0,35

Énergies renouvelables

0,75

   

1,07

Transport et urbanisme durables

0,4

     

Numérique : infrastructure

 

1

0,13

 

Numérique : usages et contenus

 

0,42

1,09

0,33

TOTAL

16,0

2,9

3,7

2,9

Source : d’après les informations fournies par le ministère du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État.

 Sur le modèle de l’opération Campus, environ 16 milliards d’euros seraient conservés au sein de la trésorerie de l’État qui garantirait aux bénéficiaires le service d’intérêts annuels. L’actif est caractérisé par un risque nul, accompagné d’une rémunération nulle pour les administrations publiques – hormis l’économie réalisée par l’État du fait de la diminution de son besoin de trésorerie. L’objectif recherché, qui justifie la constitution de ces actifs « non consomptibles », est la sécurisation, sur longue période, d’une source de revenus réguliers pour les universités ou les centres de recherche publique.

 Environ 10 milliards d’euros seraient affectés à la constitution d’actifs utilisés comme outils d’intervention publique. Ce montant reste toutefois indicatif, car plusieurs actions pourront être mises en œuvre par ce biais mais également par l’octroi de subventions (c’est-à-dire par une dépense budgétaire « classique »), une telle ventilation étant laissée à l’appréciation de l’administration et des opérateurs. Ces actifs se distingueraient entre eux par leur nature et par le risque porté par la puissance publique :

– les prêts ou les garanties de prêts – environ 3 milliards d’euros – apparaissent comme les actifs les plus sûrs. Le remboursement et la rémunération de la puissance publique sont, en principe, garantis. Le risque porté est celui du défaut de l’entreprise. De tels vecteurs d’intervention pourraient être utilisés dans le cadre de l’aide aux PME innovantes, mise en œuvre par OSÉO, ou de la mise en place des infrastructures de très haut débit, qui serait menée en partenariat avec des opérateurs privés ;

– les prises de participation – environ 4 milliards d’euros – apparaissent plus risquées. Au-delà du fait que, en cas de faillite, l’actionnaire est remboursé après tous les créanciers, ce mode d’action publique serait concentré sur les petites entreprises récemment créées. Le fonds d’amorçage, qui serait créé au sein du fonds stratégique d’investissement, correspond à cette modalité d’intervention. À noter que, en l’état des informations disponibles, il semble difficile d’apprécier l’appartenance des futures sociétés de valorisation de la recherche publique au secteur marchand et donc leur capacité à générer des dividendes. Dans ce cas, la limite entre la constitution d’actif et la dépense classique semble ténue ;

– les avances remboursables – de l’ordre de 3 milliards d’euros – seraient les actifs le plus risqués. En effet, leur remboursement et, à plus forte raison, la rémunération qui pourrait être perçue par l’État – royalties sur les ventes générées par le produit par exemple – seraient conditionnés, par exemple, à la réussite du projet. Le risque porté par la puissance publique est donc celui du projet – et non le risque de défaut de l’entreprise comme dans le cas d’un prêt. Les objectifs de remboursement, indiqués dans les annexes au présent projet de loi, affichent un taux de remboursement cible de 50 %. Un tel niveau reflète le risque associé à ces actifs. Il implique une sélection rigoureuse des projets car, à titre de comparaison, le taux de remboursement des avances consenties par le réseau des technologies pétrolières et gazières (RTPG) s’établit à 30 %.

Dans chacun des quatre cas mentionnés, le risque pris est différent mais la rentabilité potentielle l’est également : elle est relativement faible et assurée dans le cas du prêt et peut être très élevée ou nulle dans le cas de l’apport de fonds propres à une « jeune pousse ». Cette variété dans le risque pris par la puissance publique est la traduction de la diversité des projets appelés à être financés.

Rappelons, par ailleurs, que la justification théorique de l’intervention publique venant en soutien de l’innovation est le fait que certains risques ne sont pas assumés par le secteur privé, du fait d’un horizon de retour trop éloigné ou de coûts initiaux très lourds. Il apparaît donc inévitable que certains projets risqués soient financés dans le présent plan d’investissement même s’ils impliquent une probabilité élevée de perte pour l’État.

Au final, il est probable que, lors de la sélection des projets, l’un des défis sera d’assurer un équilibre entre la nécessité de prendre les risques que les acteurs privés ne veulent pas assumer seuls et la logique d’investisseur avisé qui détermine habituellement l’acquisition d’actifs.

 Le recours à la constitution d’actifs tend à protéger les intérêts financiers de l’État et à garantir la bonne gestion du plan d’investissement.

Il permet, en premier lieu, de limiter l’appauvrissement de l’État en équilibrant une partie du passif supplémentaire par des actifs (14). De plus, non seulement les opérations ne seraient pas menées « à fonds perdus » mais elles pourraient également générer un revenu – intérêts, dividendes, royalties… L’administration n’a pu toutefois fournir une évaluation des recettes qui pourraient être générées par les investissements d’avenir, en raison notamment de la difficulté à évaluer la rentabilité de projets risqués et du fait que les projets appelés à être financés sont encore inconnus.

En second lieu, les objectifs poursuivis par chacune des deux catégories d’actifs mentionnées ci-dessus contribuent à la bonne gestion du plan d’investissement, pour deux raisons.

D’une part, le choix de n’utiliser que les intérêts provenant d’actifs placés et non consomptibles (environ 16 milliards d’euros) garantit la pluriannualité de l’effort d’investissement. Ce point est développé plus longuement ci-dessous (15).

D’autre part, l’intéressement de la puissance publique à la réussite des projets, via l’octroi de prêts, la prise de participation ou le financement de démonstrateurs, semble constituer une garantie de la bonne utilisation des fonds, c’est-à-dire de leur orientation vers des projets économiquement viables. Le soutien de l’État à des projets industriels a pu, par le passé, se traduire par des échecs, du fait notamment du manque de débouchés commerciaux. L’attente d’un retour financier pour la sphère publique semble constituer une modalité d’action propre à éviter la dilapidation de l’argent public.

 Au-delà de la question de la constitution d’actifs et de la rentabilité financière des opérations financées par l’État, les gains financiers que la puissance publique pourrait retirer de ce plan d’investissement s’apprécient surtout sur le long terme et dépendent de la réussite des projets d’innovation qui seront menés. Leur impact sur la compétitivité et donc la croissance potentielle conduira en effet à accroître la richesse du pays et, en conséquence, la capacité de l’État à effectuer des prélèvements sur l’économie.

Du fait de la nécessité d’assurer l’étanchéité des crédits ouverts par rapport aux autres politiques publiques, la mise en œuvre du présent plan d’investissement passe par une technique budgétaire originale. Les crédits seraient ouverts, au sein du budget de l’État, sur des programmes ad hoc et consommés en une fois sur l’année 2010 pour être affectés à des organismes tiers.

La totalité des crédits seraient en effet mis en œuvre par des opérateurs ou avec le concours de la Caisse des dépôts et consignations. Le tableau suivant retrace la répartition des fonds entre les organismes en charge de la mise en œuvre des investissements d’avenir.

RÉPARTITION DES FONDS ENTRE LES ORGANISMES EN CHARGE DE LA MISE EN œUVRE DES INVESTISSEMENTS D’AVENIR (16)

(en milliards d’euros)

 

ANR

OSÉO

FSI

ADEME

ONERA

CEA

ANDRA

CNES

ANRU

ANAH

CDC (a)

Enseignement supérieur

9

             

0,5

 

0,5

Recherche

7,9

                   

Industrie/PME

 

2,8

0,5

1

1,5

   

0,5

   

0,2

Développement durable

1

   

1,6

 

0,9

0,1

   

0,5

1

Numérique

                   

4,5

TOTAL

17,9

2,8

0,5

2,6

1,5

0,9

0,1

0,5

0,5

0,5

6,2

(a) Y compris le Fonds national pour la société numérique (4,5 milliards d’euros).

 Un tel choix est le gage de l’étanchéité et de l’efficacité de la dépense.

En confiant l’exécution de la dépense aux opérateurs, le présent projet de loi « sanctuarise » ces crédits en les protégeant de réaffectations ou d’annulations. Sortis du budget de l’État, ces crédits ne pourraient alimenter des dépenses de fonctionnement en étant réaffectés par les responsables de programme. Ils seraient, en outre, soustraits aux mécanismes de régulation budgétaire et à la contrainte de la norme de dépense, ce qui garantit la mise en œuvre effective de la dépense. Enfin, un suivi comptable spécifique serait mis en place au sein des opérateurs pour éviter que ceux-ci ne les affectent à des dépenses ne correspondant pas aux priorités nationales.

Il est également gage d’efficacité du fait de l’expertise des opérateurs dans leur domaine de compétence respectif – la sélection de projets de recherche pour l’ANR, le soutien aux PME pour OSÉO... Toutefois, si l’autorité politique confie aux experts une mission centrale dans la mise en œuvre du plan d’investissement, elle n’est pas pour autant dessaisie de toute responsabilité. L’article 4 du présent projet de loi prévoit notamment que le Premier ministre, assisté par le commissaire général à l’investissement, déterminera le contenu des cahiers des charges, qui préciseront les modalités de sélection des projets, et que l’État conserve le pouvoir d’accepter ou de refuser, en dernier ressort, les financements demandés.

Il convient de noter que, dans la mise en œuvre de certaines actions, certains organismes joueraient principalement le rôle d’un « canal » de la dépense, sans que leur expertise ne soit nécessairement mobilisée dans le choix des projets. À titre d’exemple, la Caisse des dépôts assurerait la gestion des fonds affectés au Fonds national pour la société numérique (FSN), sans être impliquée dans le choix des projets financés, lequel reviendrait probablement aux ministères. Il est probable que les conventions signées avec l’État détermineront leur champ exact de compétence, et notamment leur rôle dans la sélection des projets

 S’il est bienvenu, le choix de recourir à des opérateurs ne va pas sans soulever certaines interrogations, portant notamment sur l’information et le contrôle du Parlement.

Un tel choix prend en effet quelques libertés avec le principe d’unité budgétaire. Celui-ci prévoit que l’ensemble des dépenses de l’État soit retracé au sein de son budget pour que le Parlement en ait une vue exhaustive. La perte de contrôle du Parlement sur la dépense ainsi confiée aux opérateurs est renforcée par le fait que celle-ci a vocation à être étalée sur plusieurs années. L’article 4 du présent projet de loi apporte une réponse partielle à cette question en prévoyant notamment la transmission, au moment de l’examen du projet de loi de finances initiale, d’une annexe générale « jaune » dont l’objet serait la mise en œuvre des investissements d’avenir (17).

Par ailleurs, pour assurer l’efficacité de la dépense, les crédits affectés aux opérateurs devront faire l’objet d’une programmation de consommation pluriannuelle – ce qui n’est clairement garanti ni par le présent projet, ni par les informations qui y sont annexées. Ce point est développé plus longuement ci-après (18).

Enfin, se pose la question de la capacité des opérateurs à assumer la nouvelle charge que représentera l’affectation des fonds du présent plan d’investissement. L’exemple du fonds « démonstrateur » géré par l’ADEME et finançant des projets en matière de nouvelles technologies de l’énergie illustre le changement d’échelle de l’action menée par certains organismes. Alors que la loi dite « Grenelle I » a prévu de le doter de 400 millions d’euros, le présent plan d’investissement devrait entraîner un abondement de l’ordre de 1,6 milliard d’euros. Il n’est donc pas à exclure que la mise en œuvre du plan passe par une augmentation de leurs moyens de fonctionnement. Leur source de financement pourrait être soit les intérêts rémunérés par le Trésor (s’agissant des fonds non consomptibles), soit le budget général de l’État. Cette hausse des dépenses serait toutefois marginale par rapport au montant des fonds à gérer et, si elle est financée par le budget général de l’État, elle sera prise en compte dans la norme de dépense (19).

 

Pluriannualité garantie du fait de la nature de la dépense (dotation non consomptible)

Pluriannualité à prévoir dans les conventions liant les opérateurs à l’État

Enseignement supérieur

9

1

Recherche

5,9

2,9

Industrie/ PME

 

6,5

Développement durable

1,1

4

Numérique

 

4,5

TOTAL

16,0

18,9

 Environ 16 milliards d’euros, soit 46 % du montant total, feraient l’objet d’une centralisation sur le compte du Trésor, lequel servirait des intérêts annuels dont le taux serait fixé par arrêté des ministres chargés du budget et de l’économie. Inspirée de l’opération Campus, cette forme originale d’exécution de la dépense permet de garantir la pluriannualité de l’aide versée du fait du caractère non consomptible des fonds ainsi placés. Elle serait principalement utilisée pour le financement de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Il convient toutefois de noter que le taux d’intérêt – et donc le niveau des subventions – serait déterminé par arrêté ministériel. La garantie de la pluriannualité n’est donc pas absolue dans la mesure où le montant de la rémunération par le Trésor peut être modifié par le Gouvernement et qu’en conséquence ces fonds pourraient faire l’objet d’une certaine forme de régulation budgétaire. On conviendra néanmoins qu’un tel cas figure devrait, en pratique, s’avérer peu probable.

 Le solde, environ 19 milliards d’euros, soit 54 % du total, verrait son rythme de consommation déterminé par les opérateurs et il est nécessaire que les conventions que ceux-ci passeront avec l’État prévoient un schéma de consommation pluriannuelle de ces crédits. L’exemple de la dotation de 4 milliards d’euros accordée à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) en 2005 et totalement consommée dès la fin 2008 constitue, à cet égard, un exemple – à ne pas suivre – de défaillance dans la gestion d’une dotation en capital.

L’administration n’a fourni aucune information quant à l’horizon de dépense des crédits affectés aux opérateurs. D’après les déclarations du ministre chargé du budget devant la commission des Finances le 20 janvier dernier, il pourrait être, en moyenne, de quatre à cinq ans.

La garantie de la pluriannualité de la dépense engagée par les opérateurs pourrait passer par la liquidation progressive d’une dotation. La commission Juppé-Rocard propose ainsi d’attribuer des fonds qui seraient consomptibles à hauteur de 10 % par an (20). Si une telle possibilité n’est pas mentionnée dans la justification au premier euro annexée au présent projet de loi, les conventions qui lieront les opérateurs à l’État pourraient néanmoins y recourir.

 De tels modes de financement présentent l’avantage d’assurer aux bénéficiaires des recettes régulières sur une longue période. Il offre donc l’opportunité de développer des projets d’investissement, qui, par définition, s’étalent sur plusieurs années. En d’autres termes, le financement des investissements par les revenus d’un actif financier ou par des crédits sortis du budget de l’État permet de « sanctuariser » la dépense d’investissement, en lui épargnant la remise en cause annuelle au moment de la conception du budget. L’un des constats ayant justifié le présent plan d’investissement est en effet la diminution progressive de l’effort d’investissement de l’État, liée notamment à la nécessité de limiter la dégradation des finances publiques en réduisant les dépenses non obligatoires. Une telle démarche semble donc, compte tenu de l’expérience passée, nécessaire pour éviter que les investissements prévus ne subissent des arbitrages défavorables au cours des prochaines années.

Elle tend toutefois à limiter le contrôle parlementaire sur la dépense. De facto, elle apparaît dérogatoire au principe d’annualité budgétaire, qui garantit un contrôle et une information réguliers du Parlement sur la dépense de l’État. La représentation nationale ne pourra plus revenir sur l’autorisation qu’elle est appelée à donner dans le cadre de l’examen du présent projet de loi ni réduire ou réaffecter des fonds mal utilisés par des opérateurs. Son information, en revanche, serait assurée par la transmission annuelle d’une annexe « jaune » consacrée aux investissements d’avenir (21).

CHAPITRE II :
35 MILLIARDS D’EUROS D’INVESTISSEMENTS D’AVENIR

I.– LES CINQ PRIORITÉS NATIONALES RETENUES

Le présent projet de loi de finances rectificative tend à mettre en œuvre les orientations annoncées par le Président de la République le 14 décembre 2009. Ces dernières reprenaient elles-mêmes très largement les préconisations de la commission Juppé-Rocard rendues publiques en novembre. Au-delà des nuances dans la présentation des priorités (22), les seules véritables différences consistent, dans les propositions présidentielles, en un moindre effort en faveur de la rénovation thermique des logements (– 1,5 milliard d’euros) et du développement urbain (– 1,5 milliard d’euros) et, au contraire, en des moyens plus ambitieux au bénéfice des PME (+ 0,5 milliard d’euros en faveur des pôles de compétitivité), de la recherche (+ 1 milliard d’euros (23)), du numérique (+ 0,5 milliard d’euros) et de l’industrie (+ 1 milliard d’euros au titre des états généraux de l’industrie).

Le tableau ci-dessous reproduit les priorités nationales retenues, qui mobilisent un montant total de 35 milliards d’euros de crédits budgétaires (24).

LES CINQ PRIORITÉS NATIONALES

(en milliards d’euros)

Enseignement supérieur et formation

11,0

Recherche

7,9

Filières industrielles et PME

6,6

Développement durable

5,0

Numérique

4,5

TOTAL

35,0

Les crédits seraient ouverts sur des programmes ad hoc, créés sur différentes missions préexistantes du budget de l’État : leur durée de vie serait limitée à la seule année en cours, le versement aux différents opérateurs intervenant en totalité dès 2010 (25). Seraient ainsi créés 14 nouveaux programmes (13 programmes sur le budget général ; un programme sur un compte de concours financiers), au sein de sept missions, selon la répartition présentée ci-après.

RÉPARTITION PAR MISSION ET PROGRAMME DES CRÉDITS
PROPOSÉS DANS LE PRÉSENT PROJET

(en milliards d’euros)

Écologie, développement et aménagement durables

3,6

Démonstrateurs et plateformes technologiques en énergies renouvelables et décarbonées et chimie verte

1,6

Transport et urbanisme durables

1,0

Véhicule du futur

1,0

Économie

7,0

Croissance des petites et moyennes entreprises

2,5

Développement de l’économie numérique

4,5

Enseignement scolaire

0,5

Internats d’excellence et égalité des chances

0,5

Recherche et enseignement supérieur

21,9

Instituts thématiques d’excellence en matière d’énergies décarbonées

1,0

Projets thématiques d’excellence

3,1

Pôles d’excellence

15,4

Recherche dans le domaine de l’aéronautique

1,5

Nucléaire de demain

1,0

Travail et emploi

0,5

Investissements dans la formation en alternance

0,5

Ville et logement

0,5

Rénovation thermique des logements

0,5

Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés (compte de concours financiers)

1,0

Prêts aux petites et moyennes entreprises

1,0

TOTAL

35,0

Source : articles 6 et 7 et états B et C annexés au présent projet de loi de finances rectificative.

 L’enseignement supérieur bénéficierait d’un effort financier de 10 milliards d’euros. Seraient ainsi prolongées les réformes engagées depuis plusieurs années en faveur de ce secteur prioritaire, en particulier au travers de la loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU).

Trois finalités sont poursuivies par le présent projet de loi de finances rectificative. Pour chacune d’entre elles, l’opérateur à qui les fonds seront versés en 2010 est l’Agence nationale de la recherche (ANR) (26), qui aura l’obligation
– applicable à la totalité des fonds dédiés aux investissements d’avenir – de les déposer sur un compte du Trésor dans l’attente de leur versement aux bénéficiaires finaux 
(27).

En premier lieu, un montant de 1,3 milliard d’euros de crédits permettrait d’abonder les ressources affectées à l’opération « Campus », destinée à moderniser le patrimoine immobilier des universités (28). En 2007, le Président de la République a en effet décidé de consacrer 5 milliards d’euros de recettes exceptionnelles à l’émergence d’une dizaine de campus de niveau international. Jusqu’à présent, 3,7 milliards d’euros ont été effectivement dégagés, grâce à la cession de 2,5 % du capital d’EDF en décembre 2007. L’ouverture de crédits proposée dans le présent projet de loi de finances permettrait de porter la dotation au niveau initialement annoncé.

Cette dotation de 5 milliards d’euros constituera un capital non consomptible, dont une fraction sera attribuée à chacun des sites universitaires retenus (voir le tableau ci-après). Il s’agit donc d’un exemple – non isolé dans le présent projet – dans lequel l’ANR joue le rôle d’opérateur « relais », avant de reverser les fonds à d’autres organismes bénéficiaires.

RÉPARTITION PAR UNIVERSITÉ
DES DOTATIONS DU PLAN CAMPUS

(en millions d’euros)

Aix-Marseille

500

Bordeaux

475

Campus Condorcet (Paris Aubervilliers)

450

Grenoble

400

Lyon

575

Montpellier

325

Paris-Centre

700

Saclay

850

Strasbourg

375

Toulouse

350

Total

5 000

Comme l’ensemble des fonds non consomptibles qui seront alloués en application du présent projet, seuls les intérêts produits par leur rémunération sur un compte du Trésor seront disponibles pour les universités. Du point de vue du budget de l’État, ces revenus récurrents ne transiteront pas par la mission Recherche et enseignement supérieur – il s’agit en cela de ressources « extrabudgétaires » – mais pèseront sur les dépenses du programme Charge de la dette et trésorerie de l’État (29). Grâce aux intérêts ainsi générés, dont le montant sera fonction du taux qui sera fixé par arrêté ministériel (30), les universités sélectionnées devraient pouvoir acquitter les redevances annuelles des futurs partenariats public-privé qui seront mis en œuvre pour rénover le patrimoine immobilier universitaire.

Il conviendrait toutefois que le Gouvernement éclaire – enfin – le Parlement sur les modalités précises de gestion (calendrier, taux de rémunération des fonds, rôles respectifs de l’ANR et du compte Participations financières de l’État, etc.) de cette opération formellement lancée depuis 2007 mais qui n’a pas reçu le moindre début d’exécution financière.

En deuxième lieu, une dotation de 7,7 milliards d’euros est proposée dans le présent projet afin de faire émerger cinq à dix « campus d’excellence », réunissant sur un même site universités, grandes écoles et établissements de recherche sélectionnés sur appel à projets par un jury international (31). Selon un schéma proche du plan « Campus » précité, l’ANR sera attributaire d’une dotation non consomptible, déposée sur un compte du Trésor.

Dans la justification au premier euro du présent projet, le Gouvernement précise que cette opération se déroulera en deux temps. Dans une première phase « probatoire » de trois ans (2011-2013), la totalité de la dotation initiale demeurera attribuée à l’ANR, les campus d’excellence sélectionnés se contentant de percevoir les revenus de ce placement. Dans un second temps, une fois qu’aura pu être vérifiée « la dynamique de transformation des entités bénéficiaires », en conformité avec les objectifs fixés dans le cahier des charges de l’appel à projets, la dotation sera fractionnée et directement attribuée aux campus d’excellence. Elle demeurera cependant non consomptible, sera obligatoirement déposée auprès du Trésor et génératrice d’intérêts annuels. Le choix des structures adossées aux campus d’excellence qui pourront recevoir ces dotations en capital n’est pas encore arrêté (le rapport Juppé-Rocard évoquait des « fondations ayant une personnalité morale créées par les cinq à dix groupements d’établissements bénéficiaires »). Selon les informations recueillies par le Rapporteur général auprès du ministère du Budget, les organismes concernés devraient satisfaire aux conditions suivantes :

– capacité à disposer initialement de financements majoritairement publics et de recevoir des fonds en provenance d’autres acteurs publics ou privés ;

– garantie de non-consommation de la dotation accordée dans le cadre du campus d’excellence ;

– gestion des fonds assurée par une structure professionnalisée tenue de placer les fonds auprès du Trésor public.

En troisième et dernier lieu, un milliard d’euros de crédits iraient, via l’ANR, au futur « pôle scientifique et technologique de rayonnement international du Plateau de Saclay » dans l’Essonne (32). À la différence de ce qui précède, la dotation – appelée à être versée par l’ANR à une structure encore inconnue à ce stade (33) – sera entièrement consomptible.

 La formation bénéficierait d’un effort financier d’un milliard d’euros.

D’une part, un montant de 500 millions d’euros serait alloué au développement des filières de formation en alternance (développement de l’appareil de formation ; hébergement de jeunes travailleurs) (34). Les crédits seront versés à un fonds géré par la Caisse des dépôts et seront totalement consomptibles.

D’autre part, la promotion de l’ « égalité des chances » justifierait l’ouverture de 500 millions d’euros de crédits supplémentaires (35), destinés aux « internats d’excellence », label créé dans le cadre du plan « Espoir banlieues » (200 millions d’euros) et, de façon moins précise, à diverses actions liées notamment au développement de la culture scientifique (300 millions d’euros). Ces fonds, versés à l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), seront entièrement consomptibles.

Le présent projet de loi de finances rectificative tend à ouvrir 7,9 milliards d’euros en faveur du secteur de la recherche, montant entièrement attribué à l’ANR. À titre de comparaison, la subvention de l’État à l’ANR prévue par la loi de finances initiale pour 2010 est de 868,1 millions d’euros d’autorisations d’engagement (AE) et de crédits de paiement (CP).

L’investissement dans des équipements de recherche « d’excellence » ferait l’objet d’une dotation d’un milliard d’euros, consomptible à hauteur de 40 % (36). L’ANR sélectionnera les projets, qui concerneront prioritairement des équipements de taille moyenne (dits « mi-lourds »), difficiles à financer actuellement.

En outre, un montant de 2,4 milliards d’euros est proposé en faveur de la recherche dans les domaines de la santé et des biotechnologies. Sont concernés :

– le cofinancement, à hauteur de 850 millions d’euros, de la création d’ « instituts hospitalo-universitaires » (IHU) (37). Ces plateformes de soins, de recherche et d’enseignement en matière biomédicale, de niveau international, organisées autour d’un projet scientifique cohérent, seront désignées par un jury international, selon une procédure pilotée par l’ANR (38). La part consomptible des fonds sera limitée à 20 % ;

– le financement de recherches sur de grandes cohortes (39),pour 200 millions d’euros non consomptibles (40;

– le financement de divers projets de recherche, sélectionnés par l’ANR, dans le domaine des biotechnologies, de l’agronomie, de la bioinformatique et des nanobiotechnologies (1,35 milliard d’euros consomptibles à hauteur d’un tiers) (41).

La valorisation de la recherche publique et le soutien à l’innovation mobiliseraient par ailleurs 3,5 milliards d’euros (42). Cette somme serait destinée :

– à la création d’un Fonds national de valorisation de la recherche, porté par l’ANR, doté d’un capital initial d’un milliard d’euros, majoritairement non consomptible. Ce fonds sera principalement chargé de prendre des participations dans des sociétés de valorisation, jusqu’à ce que ces dernières s’autofinancent. Selon le rapport Juppé-Rocard, « l’objectif est en effet que les structures de valorisation atteignent un équilibre financier après une dizaine d’années, grâce aux revenus générés par les licences concédées et par les prises de participation dans des jeunes pousses, ainsi le cas échéant que grâce à un soutien financier pérenne versé par les établissements ou organismes de recherche, les collectivités locales et/ou l’Union européenne » ;

– à la constitution, au sein de l’ANR, d’un fonds doté de 500 millions d’euros (non consomptibles), dédiés au financement de la recherche partenariale via le réseau des instituts Carnot (43;

– au développement de l’innovation technologique, à hauteur de 2 milliards d’euros (consomptibles dans la limite de 25 %) attribués à l’ANR, afin de créer des « campus d’innovation technologique de dimension mondiale », sous la forme d’instituts de recherche technologique (IRT), sélectionnés par un jury international, regroupant des établissements d’enseignement supérieur, des laboratoires de recherche, des collectivités locales et des industriels.

Enfin, une dotation consomptible à hauteur de 10 % gérée par l’ANR d’un milliard d’euros est prévue en faveur des « laboratoires d’excellence » (44). Il s’agit notamment, dans les laboratoires qui ne seraient situés ni dans un campus d’excellence, ni dans un IHU ou un IRT, de permettre le versement de « bourses d’attractivité », selon les termes du rapport Juppé-Rocard. La justification au premier euro du présent projet précise qu’une dotation définitive en capital pourrait être versée à ces laboratoires, après une phase probatoire.

Dans le domaine industriel, le présent projet de loi de finances tend d’abord à soutenir certains secteurs déterminés.

Ainsi, le développement des « véhicules du futur », moins gourmands en énergies et moins émetteurs de gaz à effet de serre, bénéficierait d’un milliard d’euros (45), attribués à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME). Il s’agirait de permettre un cofinancement public de démonstrateurs (46) et de plateformes expérimentales associant centres de recherche publics, grands industriels et PME dans les secteurs de la construction automobile (750 millions d’euros), de la construction ferroviaire (150 millions d’euros) et de la construction navale (100 millions d’euros). Les fonds seraient consomptibles à hauteur d’un tiers pour permettre le versement de subventions, le solde servant au financement de prêts, d’avances remboursables ou de prises de participation.

Les industries aéronautique et spatiale mobiliseraient par ailleurs deux milliards d’euros, consacrés au financement de programmes de démonstration technologique au niveau européen : 1,5 milliard d’euros sont proposés pour l’aéronautique (47), tandis que 0,5 milliard d’euros iraient à l’industrie spatiale (48). Les opérateurs bénéficiaires de ces fonds (consomptibles) sont respectivement l’Office national d’études et de recherches aérospatiales (ONERA) et le Centre national d’études spatiales (CNES), qui pourront intervenir sous forme de prises de participation, d’avances remboursables ou de subventions.

De façon plus transversale, le présent projet de loi de finances rectificative propose en outre d’aider les PME à hauteur de 2,5 milliards d’euros. Conformément aux préconisations du rapport Juppé-Rocard, les moyens d’OSÉO seraient majorés de 1,5 milliard d’euros afin de soutenir la croissance des PME et des ETI (49) innovantes (500 millions d’euros de dotation en fonds propres (50) et un milliard d’euros de prêt de l’État (51)) : il s’agit de « permettre à OSÉO de changer d’échelle dans ses interventions » (52) sous forme d’avances remboursables et de prêts participatifs. La création et le développement de telles entreprises seraient également soutenus par deux fonds : l’un, géré par le Fonds spécial d’investissement (FSI), consacré à l’investissement en fonds propres dans des secteurs correspondant aux grandes priorités technologiques (400 millions d’euros dédiés au « capital-amorçage ») ; l’autre, géré par la Caisse des dépôts, destiné au développement de l’entrepreneuriat social et solidaire (100 millions d’euros) (53). Les pôles de compétitivité bénéficieraient, quant à eux, de 500 millions d’euros supplémentaires (consomptibles), afin notamment de favoriser l’émergence d’ « interpôles » fédérés autour de grandes filières industrielles (54: les fonds seront versés à la Caisse des dépôts (200 millions d’euros) et à OSÉO (300 millions d’euros) et financeront des subventions, des prises de participation et des avances remboursables.

Enfin, un montant d’un milliard d’euros (consomptible) est prévu au titre du financement de mesures, non détaillées à ce stade, qui seront proposées à l’issue des États généraux de l’industrie (55). Ces moyens, confiés à OSÉO, seront notamment consacrés à des « prêts verts » bonifiés.

Les moyens spécifiquement dédiés au développement durable dans le présent projet de loi de finances rectificative s’établissent à 5 milliards d’euros, ventilés en quatre principales destinations.

En premier lieu, un montant de 2,6 milliards d’euros est proposé afin de développer les technologies énergétiques dites « décarbonées ». Sont prévus :

– le soutien à des projets innovants de démonstrateurs et de plateformes technologiques, à hauteur de 1,6 milliard d’euros (56). Cette dotation, totalement consomptible, serait attribuée à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) et utilisée sous forme de subventions ou, le plus souvent, d’avances remboursables ;

– l’aide à la création d’ « instituts d’excellence » spécialisés dans le domaine des énergies décarbonées, à hauteur d’un milliard d’euros (aux trois quarts non consomptible) (57). Ces instituts thématiques seront sélectionnés par l’ANR et organisés selon un schéma proche à celui des IRT précédemment évoqués.

En deuxième lieu, le « nucléaire de demain » (58) bénéficierait d’une dotation consomptible d’un milliard d’euros, à répartir entre :

– le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) pour 900 millions d’euros, notamment pour financer la quatrième génération de réacteurs électronucléaires (59) ;

– l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA) pour 100 millions d’euros, afin de favoriser la recherche sur le traitement des déchets nucléaires.

En troisième lieu, l’innovation en matière d’urbanisme et de transports durables serait soutenue à hauteur d’un milliard d’euros, afin de faire émerger « la ville de demain », selon les termes du rapport Juppé-Rocard (60). Il s’agit de doter un fonds, géré par la Caisse des dépôts, dédié au soutien de programmes urbains intégrés favorisant le développement durable des villes (transports collectifs, réseaux d’eau et d’électricité, gestion des déchets etc.). La dotation, qui sera consomptible dans la limite de 60 %, permettra notamment la bonification de prêts aux collectivités territoriales.

En dernier lieu, la rénovation thermique des logements privés, mise en œuvre par l’Agence nationale de l’habitat (ANAH), bénéficierait de  0,5 milliard d’euros de fonds consomptibles (61). Un fonds national géré par l’Agence serait créé, afin de délivrer des subventions aux particuliers.

Le présent projet de loi de finances rectificative tend à ouvrir 4,5 milliards d’euros de crédits (totalement consomptibles) en faveur du secteur des technologies numériques (62). Un nouvel organisme, le Fonds national pour la société numérique (FSN), géré par la Caisse des dépôts, sera créé à cette fin.

D’une part, il s’agit d’accélérer l’équipement de la France en réseaux à très haut débit. Un montant de 2 milliards d’euros permettrait de soutenir le développement des infrastructures nécessaires (fibre optique, satellites, très haut débit mobile etc.), sous forme d’investissements en fonds propres, d’avances remboursables, de garanties de prêts, de subventions (notamment aux collectivités territoriales) ou de bonifications de prêts.

Il s’agit d’autre part, à hauteur de 2,5 milliards d’euros, de développer les contenus et services numériques, tels que les « réseaux intelligents » (63), le télétravail, la télémédecine, l’administration électronique etc. Par des avances remboursables et des prêts, le FSN financerait des projets de partenariats public-privé de recherche et de démonstration visant le développement de logiciels et de contenus numériques innovants. Le Fonds cofinancerait également la numérisation du patrimoine culturel (750 millions d’euros).

À titre de récapitulation, le tableau ci-après présente, en les croisant, les cinq priorités nationales retenues et les missions et programmes du budget de l’État concernés.

VENTILATION DES PRIORITÉS NATIONALES PAR MISSION ET PROGRAMME DU BUDGET DE L’ÉTAT

(en milliard d’euros)

Priorités nationales

Montants

Programmes

Missions

1.– Enseignement supérieur et formation

11,0

   

Campus d’excellence

7,7

Pôles d’excellence

Recherche et enseignement supérieur

Opération Campus

1,3

Pôles d’excellence

Recherche et enseignement supérieur

Opération du plateau de Saclay

1,0

Pôles d’excellence

Recherche et enseignement supérieur

Formation professionnelle

0,5

Investissements dans la formation en alternance

Travail et emploi

Égalité des chances

0,5

Internats d’excellence et égalité des chances

Enseignement scolaire

2.– Recherche

7,9

   

Valorisation de la recherche publique

3,5

Pôles d’excellence

Recherche et enseignement supérieur

Laboratoires d’excellence

1,0

Pôles d’excellence

Recherche et enseignement supérieur

Équipements de recherche

1,0

Projets thématiques d’excellence

Recherche et enseignement supérieur

Santé et biotechnologies (IHU)

0,9

Pôles d’excellence

Recherche et enseignement supérieur

Santé et biotechnologies (autres)

1,6

Projets thématiques d’excellence

Recherche et enseignement supérieur

3.– Filières industrielles et PME

6,5

   

Automobile, transports terrestres et maritimes

1,0

Véhicule du futur

Écologie, développement et aménagement durables

Aéronautique et espace

1,5

Recherche dans le domaine de l’aéronautique

Recherche et enseignement supérieur

Espace

0,5

Projets thématiques d’excellence

Recherche et enseignement supérieur

Croissance des PME (prêts OSÉO)

1,0

Prêts aux PME

Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés

Croissance des PME (dotation OSÉO)

0,5

Croissance des PME

Économie

Croissance des PME (autres)

1,0

Croissance des PME

Économie

États généraux de l’industrie

1,0

Croissance des PME

Économie

4.– Développement durable

5,1

   

Énergies renouvelables et décarbonées (I)

1,6

Démonstrateurs et plateformes technologiques en énergies renouvelables et décarbonées et chimie verte

Écologie, développement et aménagement durables

Énergies renouvelables et décarbonées (II)

1,0

Instituts thématiques d’excellence en matière d’énergies décarbonées

Recherche et enseignement supérieur

Nucléaire de demain

1,0

Nucléaire de demain

Recherche et enseignement supérieur

Transport et urbanisme durables

1,0

Transport et urbanisme durables

Écologie, développement et aménagement durables

Rénovation thermique des logements privés

0,5

Rénovation thermique des logements

Ville et logement

5.– Numérique

4,5

   

Équipement de la France en très haut débit

2,0

Développement de l’économie numérique

Économie

Développement des usages et contenus innovants

2,5

Développement de l’économie numérique

Économie

TOTAL

35,0

   

II.– LES CONDITIONS DE FINANCEMENT DES INVESTISSEMENTS D’AVENIR

Ainsi qu’on l’a déjà exposé (64), les modalités de financement des investissements d’avenir se veulent particulièrement innovantes, conformément au souhait de la commission Juppé-Rocard de « mettre en place une gouvernance exemplaire ».

Cette dernière plaidait notamment en faveur d’ « une étanchéité stricte entre le budget de l’État et les fonds alloués dans le cadre de l’emprunt national ; autrement dit, il ne doit pas être possible d’utiliser ces fonds pour financer les actions normalement prévues dans le budget de l’État ». Le Rapporteur général partage pleinement cette volonté de garantir le respect de la destination des fonds, quoiqu’il y ait sans doute matière à s’interroger sur la défiance qu’inspirent – à tort ou à raison – les mécanismes budgétaires de droit commun.

La procédure originale proposée dans le présent projet de loi de finances rectificative consiste à ouvrir des crédits – pour un montant total de 35 milliards d’euros – sur des programmes créés spécialement au sein de différentes missions préexistantes du budget de l’État (65).

Du point de vue de la comptabilité budgétaire, la totalité des crédits ouverts sur ces programmes sera consommée dès l’année 2010 (66), du fait de leur versement à des organismes distincts de l’État, dans des conditions définies à l’article 4 du présent projet et conformément aux différentes actions prévues dans la justification au premier euro (voir le tableau ci-après). Ces organismes auront ensuite la charge, sous le contrôle de l’État, d’instruire et de mener à bien les investissements à effectuer, qui s’étaleront sur plusieurs années.

Conformément aux préconisations de la commission Juppé-Rocard, l’option retenue consiste donc à confier la gestion des fonds à des agences (67), plutôt qu’aux services de l’État. Au-delà de la volonté précitée de ne pas « noyer » les crédits destinés aux investissements d’avenir dans la masse des dépenses étatiques, l’intérêt de cette démarche repose sur les capacités d’expertise développées par les différents opérateurs, sur leur habitude du financement sur la base de « projets », sur leur plus grande prédisposition à œuvrer en lien avec le secteur privé ou encore sur leur capacité à susciter des cofinancements. Pour ces mêmes raisons, on se félicitera d’ailleurs du choix fait par le Gouvernement de s’appuyer avant tout sur des opérateurs existants et de limiter le nombre de créations d’organismes (68). Les principales nouvelles structures mises en place seraient le Fonds national pour la sécurité numérique (FSN), le Fonds national pour la valorisation de la recherche, le Fonds national d’amorçage pour la création de PME innovantes, un fonds national de financement de l’économie sociale et solidaire, un fonds consacré à l’action « Transport et urbanisme durables » et un fonds dédié à la rénovation thermique des logements. Le Rapporteur général souligne à cet égard que les crédits ouverts par le présent projet de loi de finances rectificative n’ont pas vocation à couvrir les frais de fonctionnement des différents organismes associés à la préparation et à la mise en œuvre des investissements (69).

RÉPARTITION PAR ORGANISMES DES CRÉDITS
CONSACRÉS AUX INVESTISSEMENTS D’AVENIR

(en milliards d’euros)

Organismes attributaires

Montants attribués

ANR

18,9

FSN

4,5

OSÉO

2,8

ADEME

2,6

Fonds CDC

1,7

ONERA

1,5

CEA

0,9

CNES

0,5

ANAH

0,5

FSI

0,5

ANRU

0,5

ANDRA

0,1

Total

35,0

Avant de leur verser les fonds, l’État passera, dans le courant de cette année, une série de conventions avec chacun des organismes gestionnaires concernés. Ces conventions, dont le contenu est défini à l’article 4 du présent projet, fixeront les conditions de gestion et d’utilisation des fonds. Nécessairement pluriannuelles, elles couvriront une période variable en fonction des organismes et des projets à financer. Il conviendrait d’ailleurs que le Gouvernement éclaire le Parlement sur l’horizon temporel de mise en œuvre des différentes priorités.

Compte tenu de l’importance des enjeux (le financement de dépenses d’avenir), du montant des sommes concernées (1,8 point de PIB) et de la disparition des crédits du budget de l’État dès 2011 (leur transfert aux opérateurs s’effectuant précisément au rythme de la conclusion des conventions), il apparaît indispensable que le Parlement soit tenu informé, avant leur signature, du contenu des différents projets de conventions (70).

Pour chacun des opérateurs compétents, ce processus de contractualisation initiale permettra :

– d’assigner une série d’objectifs, assortis d’indicateurs, qui consisteront à mettre en œuvre les « priorités nationales », précédemment décrites et présentées dans la justification au premier euro du présent projet de loi de finances rectificative ;

– d’imposer un suivi comptable spécifique, afin d’éviter toute confusion entre les fonds issus du présent projet et les autres moyens financiers de ces organismes ;

– de fixer les conditions d’emploi des fonds. Seront ainsi précisées les modalités d’instruction des futurs projets d’investissement, conformément à un cahier des charges (évoqué ci-après). Seront également déterminées les conditions dans lesquelles les fonds versés par l’État devront, le cas échéant, être « conservés pour produire intérêt » (71) par l’organisme attributaire : on a vu précédemment que le caractère non consomptible d’une partie des fonds (72) était l’une des garanties d’un financement pérenne et, plus largement, d’une gestion rigoureuse des deniers publics ;

– de définir le rôle de l’État dans le contrôle de l’utilisation des fonds. En particulier, l’État bénéficiera du pouvoir de décider en dernier ressort de leur attribution (cf. le commentaire de l’article 4 du présent projet).

Une fois ce cadre d’emploi des fonds fixé dans les différentes conventions, chaque organisme gestionnaire organisera les appels à projets, sur la base de cahiers des charges approuvés par le Premier ministre. Ces derniers préciseront les différentes étapes de la procédure, les critères de sélection des projets, la forme des financements apportés et les modalités de suivi de l’utilisation des fonds.

La qualité des investissements effectués dépendra en grande partie de l’efficacité de la procédure de sélection des projets par les opérateurs et, le cas échéant, par les services de l’État. Ainsi qu’on l’a signalé à plusieurs reprises, le recours à des expertises multiples et d’origines diverses (personnalités qualifiées, représentants du secteur privé, jurys internationaux etc.) devrait être le plus souvent privilégié.

Pour le Rapporteur général, il conviendra de chercher, autant que possible, à encourager les cofinancements avec le secteur privé et à susciter des effets de levier permettant de stimuler l’activité économique (73). Surtout, il faudra pouvoir évaluer avec précision la rentabilité – budgétaire, financière, patrimoniale ou socio-économique – des investissements, tant en amont (au moment de la préparation) qu’en aval (au stade de l’exécution).

Dans toutes les tâches qui précèdent (élaboration des conventions et des cahiers des charges, instruction des projets d’investissements etc.), l’État bénéficiera des compétences du nouveau « commissaire général à l’investissement » (74), chargé de coordonner les travaux interministériels sous l’autorité du Premier ministre. Au-delà des investissements d’avenir prévus dans le présent projet, ce commissariat général sera chargé de veiller à la cohérence de la politique d’investissement de l’État dans son ensemble.

Le commissaire général à l’investissement aura également pour tâche d’élaborer un bilan annuel de l’exécution des différents projets d’investissement d’avenir et, le cas échéant, de tirer les conséquences d’une utilisation des fonds trop peu efficiente. Il importe en effet que, conformément aux préconisations du rapport Juppé-Rocard, l’État conserve toute liberté de décider de « la réallocation ou [de] la récupération des fonds de l’emprunt en cas de non-respect des contrats pluriannuels par les organismes gestionnaires ou d’inadéquation entre les financements alloués et les besoins réellement constatés ». Le Parlement devra naturellement être tenu informé de telles reprises ou de tels redéploiements de fonds.

Enfin, un « comité de surveillance des investissements d’avenir » sera mis en place. Logiquement co-présidé par MM. Alain Juppé et Michel Rocard, composé de deux députés, deux sénateurs et six personnalités qualifiées, ce comité sera chargé de suivre l’exécution du programme d’investissements et, en particulier, de prendre connaissance des résultats de leur évaluation a posteriori (75).

Il reviendra au Gouvernement de préciser les services et organismes susceptibles d’être sollicités pour réaliser les évaluations, qui seront commanditées par le commissaire général à l’investissement (76).

III.– LA QUESTION DU CONTRÔLE PARLEMENTAIRE

Le caractère original de la procédure précédemment décrite risque de rendre malaisé le contrôle par le Parlement de la mise en œuvre des investissements d’avenir.

D’un côté, l’utilisation concrète des fonds s’étalera sur de longues années, au rythme de l’exécution des différentes opérations d’investissement. De l’autre, du point de vue de la comptabilité budgétaire de l’État, tous les crédits ouverts par la loi de finances rectificative seront consommés dès 2010 : non seulement l’autorisation parlementaire de dépenser 35 milliards d’euros est donc délivrée définitivement en une seule fois, mais le décaissement effectif des crédits par l’État interviendra en totalité sur un seul exercice budgétaire (77). Les 14 programmes créés pour permettre l’ouverture des crédits n’existeront donc plus à compter du projet de loi de finances pour 2011, rendant délicat le suivi de leur utilisation par le Parlement. Ces programmes feront certes l’objet, au printemps 2011, de rapports annuels de performances (RAP) annexés au projet de loi de règlement du budget de l’année 2010. Mais cette source d’information – qui disparaîtra elle aussi dès l’année suivante – n’aura qu’une portée relativement restreinte, dès lors qu’une partie limitée des fonds sera effectivement utilisée par les opérateurs dès l’année 2010.

Afin d’éviter que le financement des investissements d’avenir – dont on a déjà loué le caractère audacieux et innovant – ne se traduise, du point de vue du contrôle parlementaire, par une vaste opération de débudgétisation, il importe de mettre en place des outils de suivi et d’évaluation efficaces.

À court terme, cela devra d’abord se traduire – ainsi que le Rapporteur général en a déjà émis le souhait – par la transmission aux commissions des finances du Parlement, avant leur signature, de l’ensemble des conventions liant l’État aux organismes gestionnaires des fonds issus de la loi de finances rectificative (78).

Ensuite, chaque rapporteur spécial de la Commission des finances dont les domaines d’attribution sont concernés par des ouvertures de crédits proposées dans le présent projet loi de finances rectificative (79) a naturellement vocation à en contrôler régulièrement l’emploi, au-delà même de l’année de leur décaissement par l’État. Les fonds en question entrent incontestablement dans le champ de l’article 57 de la LOLF, selon lequel « les commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances suivent et contrôlent l’exécution des lois de finances et procèdent à l’évaluation de toute question relative aux finances publiques ».

Pour indispensable qu’elle soit, cette vision sectorielle méritera être complétée par une analyse globale et transversale de l’état d’avancement des investissements d’avenir prévus dans le présent projet. À cette fin, l’article 4 du présent projet tend à créer une annexe générale (soit, en pratique, un « jaune » budgétaire) jointe chaque année par le Gouvernement au projet de loi de finances de l’année, destinée à offrir au Parlement une vision d’ensemble de la mise en œuvre des priorités nationales. Il conviendra d’ailleurs de compléter cet article pour préciser le contenu de ce rapport, afin notamment de permettre au Parlement de contrôler la qualité de la gestion des opérateurs et d’évaluer la rentabilité des investissements.

Le Parlement pourra également bénéficier de la présence de plusieurs de ses membres au sein du futur comité de surveillance des investissements (80), interlocuteur direct du commissariat général à l’investissement. Le comité de surveillance devra notamment rendre compte de l’exécution des investissements d’avenir et des résultats de leur évaluation. Son rapport annuel sera remis au Premier ministre et à chaque assemblée parlementaire.

Au-delà de la présentation de la mise en œuvre des différentes priorités nationales, il conviendra par ailleurs d’assurer un suivi précis des conséquences sur les finances publiques des investissements financés au moyen des crédits demandés dans le présent projet de loi de finances rectificative (cf. le commentaire de l’article 4).

CHAPITRE III :
UN IMPACT MAÎTRISÉ SUR LES FINANCES PUBLIQUES

Les conséquences du présent projet loi de finances rectificative sur les finances publiques doivent être analysées en se gardant de spéculer sur le montant des gains de croissance potentielle susceptibles d’être apportés à moyen terme par les 35 milliards d’euros (1,8 point de PIB) de dépenses d’avenir.

En raison du caractère à la fois innovant et multiforme des modalités de financement retenues, il importe tout spécialement de distinguer les conséquences propres à la comptabilité budgétaire de l’État (laquelle devrait enregistrer en 2010 la totalité des dépenses prévues dans le présent projet) et les conséquences sur le déficit des administrations publiques telles que mesurées par la comptabilité nationale. Ces dernières – les seules pertinentes du point de vue de nos engagements européens – seront à la fois plus nuancées (en fonction de la constitution ou non d’actifs en contrepartie des flux financiers observés) et plus étalées dans le temps (compte tenu de la durée d’exécution des opérations d’investissement). De la même façon, les effets du présent projet sur l’endettement public différeront selon que l’on s’intéresse aux modalités de financement de l’État ou à la dette publique dans son ensemble.

I.– L’IMPACT SUR LE DÉFICIT BUDGÉTAIRE

Prévu en loi de finances initiale à 117,4 milliards d’euros, le déficit de l’État en comptabilité budgétaire s’établirait, en 2010, à 149,2 milliards d’euros, soit une hausse de 31,9 milliards d’euros. Les investissements d’avenir ont donc un impact immédiat et massif – mais, on le verra, non significatif en comptabilité nationale – sur le déficit budgétaire. Leur effet (+ 35 milliards d’euros) est toutefois partiellement contrebalancé par d’autres facteurs (– 3,1 milliards d’euros), en particulier la révision à la hausse des recettes fiscales attendues en 2010.

En matière de dépenses, les articles 6 et 7 et les états B et C du présent projet tendent à opérer trois séries de mouvements de crédits (81).

En premier lieu, il est proposé d’ouvrir 34,9 milliards d’euros de crédits sur le budget général, dont 34 milliards d’euros au titre des investissements d’avenir (82). Les autres ouvertures proposées, soit 945 millions d’euros de crédits, concernent :

– la charge de la dette de l’État pour 500 millions d’euros (programme Charge de la dette et trésorerie de l’État de la mission Engagements financiers de l’État(83) ;

– la compensation à la sécurité sociale du coût des exonérations de cotisations sociales en faveur de l’emploi de travailleurs occasionnels agricoles (dont la réforme est proposée à l’article 8 du présent projet). Une ouverture nette de 445 millions d’euros de crédits est prévue à cette fin sur le programme Économie et développement durable de l’agriculture, de la pêche et des territoires de la mission Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales. Cette ouverture nette correspond au coût total de la compensation (459 millions d’euros), diminué de 14 millions d’euros au titre des annulations interministérielles présentées ci-après ;

– une « réimputation » de crédits pour 4 500 euros (programme Handicap et dépendance de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances).

En deuxième lieu, il est proposé d’ouvrir un milliard d’euros de crédits sur le compte de concours financiers Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés au titre des investissements d’avenir (en l’occurrence l’octroi d’une enveloppe de prêts à OSÉO) et 2,3 milliards d’euros de crédits sur le compte d’affectation spéciale Participations financières de l’État. Le solde budgétaire de ce dernier ne serait cependant pas modifié, dès lors qu’une contrepartie en recettes est inscrite à l’article 5 et à l’état A du présent projet, du fait des versements du budget général prévus depuis les programmes Pôles d’excellence et Croissance des PME (84).

En dernier lieu, il est proposé d’annuler 1,8 milliard d’euros de crédits sur le budget général, soit 654 millions d’euros de crédits hors remboursements et dégrèvements. Ces annulations, réparties sur 83 programmes et 26 missions (85), visent à compenser :

– la totalité des ouvertures de crédits destinés à la charge de la dette (500 millions d’euros), conformément à l’engagement du Gouvernement de gager par des économies le surcoût lié à l’accroissement de l’endettement nécessaire au financement des priorités nationales. Ces annulations portent sur des crédits qui ne figurent pas dans la réserve de précaution constituée en début d’exercice et constituent donc un effort supplémentaire de maîtrise des dépenses du budget général ;

– une partie des ouvertures de crédits dédiés à la compensation des exonérations de charges dans le secteur agricole déjà évoquées, soit 154 millions d’euros d’annulations nettes sur 459 millions d’euros (86). À la différence des précédentes, ces annulations portent sur des crédits mis en réserve en début d’année (87). Compte tenu par ailleurs de l’affectation au budget général d’une fraction du produit des droits de consommation sur les tabacs (2,92 % soit 291 millions d’euros) proposée à l’article 2 du présent projet, le nouveau dispositif d’exonérations en faveur du secteur agricole est neutre sur le solde budgétaire de l’État en 2010.

● L’exécution budgétaire 2009 conduirait à revoir la prévision de déficit à la baisse. Inférieur de 2,9 milliards d’euros à l’estimation faite dans la troisième loi de finances rectificative pour 2009, il s’établirait à 138 milliards d’euros, en raison d’un surplus de recettes de 2,5 milliards d’euros, de moindres dépenses pour un milliard d’euros et d’une dégradation des comptes spéciaux de 0,5 milliard d’euros.

Cette évolution s’explique principalement par une révision à la hausse de plusieurs recettes dont le produit est plus ou moins fortement corrélé à la conjoncture économique. Cette réévaluation semble donc traduire le rebond de l’activité constaté dès le deuxième trimestre de l’année 2009.

La principale révision concerne l’impôt sur les sociétés dont le rendement serait supérieur de 1,9 milliard d’euros à la prévision et atteindrait 20,9 milliards d’euros en 2009. Cette réévaluation est due à un « cinquième acompte » (88) plus important que prévu, à 2,9 milliards d’euros contre 1 milliard d’euros en 2008, le secteur financier y contribuant à hauteur de 1,8 milliard d’euros. Comme le montre le tableau ci-dessous, la part du secteur financier dans ce versement, dont le montant est corrélé aux bénéfices anticipés, passerait de 37,5 % en 2007 à 62 % en 2009, ce qui laisse penser que ce secteur subit moins les effets de la crise que le reste de l’économie.

PART DU SECTEUR FINANCIER DANS LE CINQUIÈME ACOMPTE
D’IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS

(en milliard d’euros)

 

2007

2008

2009

5ème acompte perçu en décembre

3,2

1,0

2,9

dont  secteur financier

1,2 (37,5 %)

0,4 (40 %)

1,8 (62 %)

La réévaluation des recettes concerne également la TVA nette (+ 1,5 milliard d’euros), plusieurs recettes dont le rendement est corrélé aux revenus et à la valeur du patrimoine (+1 milliard d’euros) et l’impôt sur le revenu (– 1 milliard d’euros). À noter enfin un remboursement de l’État à EDF d’un montant de 1,2 milliard d’euros en raison de l’annulation par le tribunal de première instance (TPI) des communautés européennes d’une décision de la Commission datant de 2003, relative aux modalités de calcul des provisions de l’entreprise et à leur impact sur son impôt sur les sociétés.

Par ailleurs, les dépenses sont revues à la baisse à hauteur de près d’un milliard d’euros. Certaines dépenses de relance, d’un montant total de 0,6 milliard d’euros, auraient vu leur exécution retardée. Inversement, la consommation, au titre de la relance, de crédits de report du ministère de la Défense doit être prise en compte à hauteur de 500 millions d’euros. Le solde s’expliquerait par des sous-exécutions sur différentes missions.

Enfin, le solde des comptes spéciaux se dégraderait de 500 millions d’euros, en raison notamment d’une dégradation de 1 milliard d’euros du solde du compte d’avances aux collectivités territoriales. Selon les déclarations du ministre chargé du budget devant la commission des Finances le 20 janvier dernier, cette dernière évolution n’aurait pas, pour l’heure, trouvé d’explications satisfaisantes.

Le tableau ci-après récapitule les éléments qui précèdent.

EXÉCUTION BUDGÉTAIRE 2009 : DU DÉFICIT PRÉVISIONNEL AU DÉFICIT EFFECTIF

(en milliards d’euros)

Déficit prévisionnel (LFR du 30 décembre 2009)

– 140,9

Moindres dépenses

1,0

dont plan de relance

0,8

dont autres dépenses

0,2

Surcroît de recettes fiscales

2,5

dont IS

1,9

dont TVA

1,5

dont TIPP

0,1

dont IR

– 1,0

Moindres recettes non fiscales

– 0,1

Dégradation du solde des comptes spéciaux

– 0,5

Déficit effectif

– 138,0

 Pour 2010, plusieurs évolutions sont intégrées à la prévision de déficit et conduisent à limiter la dégradation du solde due aux investissements d’avenir.

Le présent projet de loi prévoit plusieurs réévaluations de recettes fiscales améliorant le solde de 4,25 milliards d’euros, ce qui s’expliquerait principalement par l’impact du rebond de l’activité. Le rebasage des recettes dont la prévision pour 2009 a été modifiée ainsi que la prise en compte des nouvelles hypothèses macroéconomiques conduisent à des hausses de respectivement 2,25 milliards d’euros et 1,3 milliard d’euros. Par ailleurs, l’impact des mesures de lutte contre la fraude entraînerait une augmentation des recettes de 700 millions d’euros.

En revanche, la prise en compte de la décision du Conseil constitutionnel relative à la loi de finances initiale pour 2010 explique une perte de recettes nette de 1,4 milliard d’euros du fait de l’annulation de la taxe carbone et de 700 millions d’euros du fait de celle du régime d’imposition des bénéfices non commerciaux prévu dans le cadre de la réforme de la taxe professionnelle.

En recettes non fiscales, est prévu un versement de France Télécom d’un montant de 1 milliard d’euros, justifié par un jugement du TPI relatif au régime dérogatoire de taxe professionnelle dont a bénéficié l’entreprise entre 1994 et 2002.

La taxe sur les « bonus » perçus par les professionnels des marchés financiers serait enfin affectée au budget de l’État à hauteur de 100 millions d’euros, pour compenser sa déductibilité de l’IS. À noter que le présent projet de loi prévoit également que les ouvertures de crédit en faveur de l’agriculture sont compensées par la reprise d’une partie des droits sur le tabac et par des annulations de crédits.

Le tableau suivant récapitule les différentes révisions de recettes ayant un impact sur le solde prévu pour 2010.

RÉVISION DES PRÉVISIONS DE RECETTES POUR 2010

(en milliards d’euros)

 

Rebasage

Révision hypothèses macro.

Décision Conseil constit.

Lutte contre la fraude

Mesures PLFR

Autres

TOTAL

IR net

– 0,85

0,4

2,7

0,1

   

2,35

IS net

1,9

         

1,9

TVA nette

0,6

0,9

– 0,4

     

1,1

Revenus sur les capitaux mobiliers

0,45

         

0,45

Successions

0,15

   

0,2

   

0,35

Taxe carbone

   

– 3,7

     

– 3,7

BNC

   

– 0,7

     

– 0,7

ISF

     

0,4

   

0,4

Taxe sur les bonus

       

0,1

 

0,1

Versement France Télécom

         

1

1

TOTAL

2,25

1,3

– 2,1

0,7

0,1

1

3,25

L’impact des investissements d’avenir sur le déficit doit s’apprécier au regard des règles de la comptabilité nationale, et non de la comptabilité budgétaire, car une grande part de ces dépenses a vocation à constituer des actifs et à être exécutée sur plusieurs années. Ces deux caractéristiques tendent à la fois à minorer l’impact du plan d’investissement sur le déficit en comptabilité nationale et à l’étaler dans le temps.

 La comptabilité budgétaire est une comptabilité de caisse, contrairement à la comptabilité nationale, en droits constatés, dont l’objectif est notamment d’estimer l’appauvrissement ou l’enrichissement de l’État. Les différences de solde entre la comptabilité nationale et la comptabilité budgétaire s’expliquent par :

– les corrections des droits constatés qui visent à rattacher les flux financiers à l’exercice auxquels ils se rapportent ; ces corrections portent, par exemple, sur les impôts qui sont recouvrés et/ou remboursés plus tard que la période à laquelle ils se rapportent ou sur des dépenses dues au titre d’années précédentes, comme les remboursements de dettes dus par l’État à la sécurité sociale ;

– les retraitements des opérations budgétaires en « opérations financières » : la comptabilité nationale retraçant les flux, toute recette ou dépense budgétaire qui engendre une augmentation de l’actif ou du passif est annulée ; c’est le cas par exemple des recettes de privatisation, des rachats de dettes ou des dépenses affectées à la constitution d’un actif ;

– la prise en compte des opérations réelles du Trésor : ce sont les opérations sans contrepartie budgétaire qui se traduisent par une augmentation du passif ou de l’actif ; c’est le cas par exemple des remises de dettes.

La comptabilité maastrichtienne reprend les principes de la comptabilité nationale, qu’elle complète par des retraitements relatifs aux opérations de gestion active de la dette.

Les retraitements des opérations budgétaires en opérations financières et l’application des corrections en droits constatés ont des conséquences non négligeables quant à l’impact des investissements d’avenir sur le déficit en comptabilité nationale. La dégradation du solde serait en effet réduite substantiellement et est estimée entre 10 et 13 milliards d’euros sur cinq ans, soit un montant annuel de l’ordre de 2,5 à 3 milliards d’euros, équivalent à 0,1 % de PIB.

 En premier lieu, du fait du retraitement en opérations financières des dépenses conduisant à la constitution d’actifs, au moins 64 % des crédits mobilisés dans le cadre du présent plan d’investissement n’auraient pas d’impact sur le solde au sens de la comptabilité nationale. Les dotations non consomptibles – environ 16 milliards d’euros – ainsi que les prêts et prises de participations – de l’ordre de 3 et 3,5 milliards d’euros – ne constitueraient pas un appauvrissement de l’État. L’impact des avances remboursables serait, en revanche, plus incertain car leur remboursement est soumis à conditions – par exemple, la réussite d’un projet d’innovation. D’après les informations transmises au Rapporteur général, la qualification de ces dépenses, dont le montant est estimé à 3 milliards d’euros, serait appréciée au cas par cas, en fonction des conditions encadrant leur remboursement.

Par ailleurs, les dépenses liées à la rémunération par l’État des dotations non consomptibles déposées sur le compte du Trésor seraient sans impact sur le solde car intégrées à la norme de dépense (89).

En conséquence, seules les dotations consomptibles et les subventions, d’un montant de 10 milliards d’euros, dégraderaient de façon certaine le déficit au sens de la comptabilité nationale. L’impact total des investissements d’avenir sur le solde serait ainsi compris entre 10 et 13 milliards d’euros, soit 29 % à 38 % du montant total du plan, selon le mode de comptabilisation des avances remboursables.

La présentation du Gouvernement doit toutefois être nuancée sur deux points. D’une part, la répartition exacte entre octroi de prêts, prise de participations, attribution d’avances remboursables et subventions n’est pas encore connue. Pour les actions relatives aux contenus et usages du numérique, des états généraux de l’industrie et du soutien au nucléaire, la ventilation entre ces différents moyens n’est en effet pas indiquée dans la justification au premier euro. Plus généralement, le choix entre ces différentes modalités d’intervention sera probablement précisé en exécution par les opérateurs, en lien avec l’administration. Les chiffres donnés par le Gouvernement doivent donc être considérés comme des ordres de grandeur, pouvant évoluer lors de la mise en œuvre du plan d’investissement.

D’autre part, la classification proposée repose sur le critère de la forme de l’aide financière – prêt, participation… – et non sur celui de l’objectif poursuivi par cette aide. Or, c’est ce dernier qui est déterminant en comptabilité nationale, celle-ci prévoyant qu’une dépense est classée en tant qu’actif quand l’État se comporte en investisseur avisé attendant un retour financier de son investissement. La typologie proposée suppose donc que, compte tenu de la qualité de la gouvernance mise en place, une telle condition sera systématiquement réalisée. Néanmoins, les objectifs poursuivis par le plan d’investissement relèvent prioritairement de la politique économique du Gouvernement, et non d’une politique de valorisation du patrimoine, laquelle constitue un objectif secondaire. Il semble donc que, pour atteindre ses objectifs, la puissance publique devra prendre des risques qu’un investisseur classique ne prendrait pas du fait, par exemple, d’un risque trop important par rapport à la rentabilité attendue. Dans de telles conditions, la frontière entre l’État investisseur et l’État mettant en œuvre sa politique économique, qui est également celle séparant les dépenses générant des actifs des autres types de dépenses, pourrait s’avérer floue.

À noter également que la participation de 1 milliard d’euros dans les sociétés de valorisation de recherche publique paraît se situer aux confins des actifs et des dépenses classiques dans la mesure où l’appartenance de ces entreprises au secteur productif et leur capacité à générer des dividendes semblent encore incertaines.

 En second lieu, le principe de comptabilisation en droits constatés tend à étaler la prise en compte des dépenses sur plusieurs années car elles doivent être comptabilisées sur l’exercice où elles sont effectivement dépensées. L’administration ne dispose pas d’un schéma précis de consommation des crédits par les opérateurs, ce qui s’expliquerait par l’incertitude inhérente au financement de projets. L’hypothèse sur laquelle elle s’est fondée pour calculer l’impact annuel de ces dépenses est une consommation linéaire étalée sur cinq ans. Sur cette base, le solde serait dégradé de 2 à 2,5 milliards d’euros par an, soit 0,1 % de PIB. Cette évaluation neutralise l’impact des gains ou coûts tirés des actifs car elle ne prend en compte ni les éventuels retours financiers des investissements réalisés par l’État ni les pertes qui pourraient être constatées du fait de dépréciations d’actifs.

 La prévision de déficit public pour 2009 est revue à la baisse, à 7,9 % de PIB, contre 8,2 % prévus au mois de septembre dernier lors de la présentation du projet de loi de finances initiale pour 2010. Outre l’amélioration du déficit budgétaire mentionnée plus haut et l’économie de dépenses prise en compte dans la troisième loi de finances rectificative pour 2009 (pour près de 2 milliards d’euros (90)), le principal élément expliquant cette évolution réside dans la révision à la hausse de 1,5 milliard d’euros de la prévision de recettes des administrations de sécurité sociale, en raison d’une décroissance moins prononcée que prévu de la masse salariale.

 Pour 2010, la prévision est également revue à la baisse de 0,3 % de PIB, à 8,2 % de PIB, pour les raisons suivantes :

– l’effet « base », lié à la révision du déficit de l’État et des administrations de sécurité sociale pour 2009, entraînerait une amélioration du solde public de l’ordre de 0,2 % de PIB, soit un impact de l’ordre de 4 milliards d’euros. À noter la prudence entourant le rebasage de la prévision de TVA dont le produit s’accroîtrait de 0,6 milliard d’euros alors que le surplus constaté en 2009 s’établit à 1,5 milliard d’euros ;

– la révision des hypothèses macroéconomiques, et notamment de la croissance de la masse salariale sur laquelle sont assises les cotisations sociales et la contribution sociale généralisée (CSG), conduirait à une amélioration du solde public de 0,3 % de PIB ;

– en revanche, la prise en compte de la décision du Conseil constitutionnel relative à la loi de finances pour 2010 justifie une révision à la hausse du déficit, à hauteur de 1,4 milliard d’euros, soit 0,1 % de PIB. La prévision initiale était en effet fondée sur l’application de la taxe carbone dès le 1er janvier, ce qui aurait généré une recette de l’ordre de 1,4 milliard d’euros, et sur le maintien du régime de taxation des bénéfices non commerciaux applicable dans le cadre de la nouvelle cotisation économique territoriale (représentant une ressource de 700 millions d’euros). Du fait de la décision du Conseil constitutionnel, le budget de l’État pâtit donc d’un manque à gagner de 2,1 milliards d’euros. La nouvelle prévision de déficit public se fonde sur la mise en œuvre de la taxe carbone sur le second semestre 2010, ce qui générerait une recette de l’ordre de 0,7 milliard d’euros et ramènerait le manque à gagner à environ 1,4 milliard d’euros. À noter qu’une telle estimation exclut l’hypothèse d’un rétablissement du régime de taxation des bénéfices non commerciaux dans le cadre de la nouvelle cotisation économique territoriale ;

– enfin, comme indiqué plus haut, le déficit public serait revu à la hausse d’environ 2 à 2,5 milliards d’euros du fait de la mise en œuvre des premiers investissements d’avenir.

III.– L’IMPACT SUR LA DETTE PUBLIQUE

L’aggravation du déficit budgétaire résultant du présent projet, qui devra être couverte par un recours accru à l’emprunt, a pour corollaires l’augmentation du besoin de financement de l’État et, dans une moindre mesure, celle de la dette publique « maastrichtienne ».

 La version révisée du tableau de financement de l’État, présentée à l’article d’équilibre du présent projet (article 5), permet d’appréhender la complexe réalité de ce qui est communément appelé le « grand emprunt ».

TABLEAU PRÉVISIONNEL DE FINANCEMENT DE L’ÉTAT POUR 2010

(en milliards d’euros)

 

LFI 
2010

Présent PLFR

Écart

I.– Besoin de financement

     

Déficit budgétaire

117,4

149,2

+ 31,9

Amortissement de la dette à long terme

31,6

29,5

– 2,1

Amortissement de la dette à moyen terme

60,3

53,5

– 6,8

Amortissement des dettes reprises par l’État

4,1

4,1

Total Besoin de financement

213,4

236,3

+ 22,9

II.– Ressources de financement

     

Produit des émissions à moyen et long terme (nettes des rachats)….

175,0

188,0

+ 13,0

Annulation de titres par la Caisse de la dette publique

2,5

2,5

Variation nette de titres à court terme...

+ 31,0

+ 1,4

– 29,6

Variation des dépôts des correspondants

– 3,0

+ 27,0

+ 30,0

Variation du compte courant du Trésor

+ 4,8

+ 14,3

+ 9,5

Autres ressources de trésorerie

+ 3,1

+ 3,1

– 

Total Ressources de financement

213,4

236,3

+ 22,9

Du point de vue du besoin de financement de l’État, la comparaison avec le tableau de financement figurant à l’article 67 de la loi de finances initiale pour 2010 permet :

– de rappeler que l’accroissement du besoin de financement de l’État lié à la détérioration de son solde budgétaire s’élève, non à 35 milliards d’euros (montant des crédits alloués aux investissements d’avenir), mais à 31,9 milliards d’euros (compte tenu notamment de la révision à la hausse des recettes fiscales (91)) ;

– de constater que les amortissements de titres à moyen et long terme (92) arrivant à échéance en 2010 sont inférieurs de près de 9 milliards d’euros aux prévisions initiales. Cette réduction du besoin de financement pour 2010, qui a en quelque sorte pour effet de « compenser » une partie de l’augmentation du déficit budgétaire, est la conséquence de la politique de rachats de titres avant leur échéance mise en œuvre dès la fin de l’année 2009 par l’Agence France Trésor, qui a pu profiter du bas niveau des taux d’intérêt constaté sur les marchés (93).

Du point de vue des ressources de financement de l’État, il résulte du tableau de financement révisé pour 2010 que :

– le programme d’émissions de titres à moyen et long terme est porté de 175 milliards d’euros dans la loi de finances initiale à 188 milliards d’euros dans le présent projet, soit une augmentation de 13 milliards d’euros. Ce montant d’émissions à moyen et long terme avait néanmoins été annoncé par Mme Christine Lagarde, ministre de l’Économie, de l’industrie et de l’emploi, dès la fin du mois de décembre 2009. Le programme de l’AFT pour 2010 présenté aux investisseurs intégrait donc déjà les besoins liés aux investissements d’avenir ;

– la trésorerie disponible sur le compte courant du Trésor sera mobilisée à hauteur de 14,3 milliards d’euros en 2010, soit 9,5 milliards d’euros de plus qu’initialement prévu. Ce mouvement est rendu possible par les remboursements à l’État, par l’intermédiaire de la Société de prise de participation de l’État (SPPE), d’une partie des aides au secteur bancaire consenties en application de l’article 6 de la loi de finances rectificative du  16 octobre 2008 pour le financement de l’économie. Ces remboursements, enregistrés parmi les ressources de trésorerie de l’État en 2009, représentent plus de 13 milliards d’euros (94).

Dès lors, et quoique cette présentation ait un caractère nécessairement conventionnel (95), les modalités de financement des 35 milliards d’euros d’investissements d’avenir peuvent être décrites selon la répartition suivante.

LE « GRAND EMPRUNT »

(en milliards d’euros)

Diminution du besoin de financement 2010 permise par les rachats de dette en 2009 sans réduction corrélative des émissions de 2010

9

Réduction de l’encours du compte du Trésor entraînée par l’utilisation des remboursements anticipés des aides aux banques accordées par la SPPE

13

Augmentation des emprunts à moyen et long terme en 2010 (188 Mds€ au lieu de 175 Mds€)

13

TOTAL

35

Compte tenu de ces nouvelles conditions de financement de l’État en 2010, le plafond de variation nette de la dette négociable d’une durée supérieure à un an, proposé au 2° du II de l’article 5 du présent projet, s’établirait désormais à 105 milliards d’euros, en hausse de près de 22 milliards d’euros par rapport à l’article d’équilibre de la loi de finances initiale. Cet accroissement est la conséquence de l’augmentation de 13 milliards d’euros du programme de financement à moyen et long terme et de la diminution de près de 9 milliards d’euros des amortissements de titre prévus en 2010 (à la suite des rachats avant échéance pratiqués en 2009). Pour le dire autrement, au 31 décembre 2010, la dette de l’État à moyen et long terme sera supérieure de 22 milliards d’euros à ce qu’elle était au 31 décembre 2009.

Par ailleurs, la nouvelle version du tableau de financement pour 2010 permet d’appréhender concrètement une des conséquences de l’obligation de dépôt auprès du Trésor des fonds qui seront versés par l’État aux différents organismes gestionnaires des investissements d’avenir : parmi les ressources de financement de l’État, la variation des dépôts des correspondants du Trésor atteindrait 27 milliards d’euros en 2010, soit une augmentation de 30 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale (96). Ce surcroît de trésorerie, qui correspond à la fraction estimée des fonds versés aux opérateurs qu’ils ne dépenseront pas en 2010, permettra de réduire à due concurrence les émissions de titres à court terme (BTF), dont l’encours ne progresserait plus que de 1,4 milliard d’euros en 2010 (97). On ne peut que s’en réjouir, compte tenu de la part croissante prise par ces titres au sein de la dette de l’État depuis 2007.

Au total, l’accroissement de la dette de l’État nécessaire au financement des investissements d’avenir demeure dans les limites du raisonnable. En particulier, le programme d’émissions à moyen et long terme pour 2010 annoncé aux marchés n’est pas spectaculairement plus élevé que celui exécuté en 2009 (+ 9,4 milliards d’euros, soit + 5,2 %). Toutefois, à l’attention de ceux qui seraient tentés d’aller plus loin dans l’effort financier consacré à l’investissement ou à ceux qui souhaiteraient renouveler la présente expérience à l’avenir, il convient de rappeler que les capacités d’emprunt de l’État français ne sont pas extensibles à l’infini : elles dépendent des facultés d’absorption par les marchés des émissions massives de titres observées depuis le déclenchement de la crise (98) ; elles ne sauraient être sollicitées au point d’aboutir à une dégradation de la qualité de la signature de la France, de nature à renchérir le service de sa dette.

 Selon le présent projet de loi de finances rectificative, la charge de la dette de l’État représenterait 43 milliards d’euros en 2010, soit une augmentation de 5,4 milliards d’euros par rapport à 2009 (99).

Comparée aux crédits inscrits dans la loi de finances initiale pour 2010, l’augmentation de la charge de la dette – dont on a déjà signalé qu’elle était entièrement gagée par des annulations de crédits sur le reste du budget général – est de 500 millions d’euros (100). Cette hausse est la conséquence de trois facteurs :

– une augmentation de 465 millions d’euros des intérêts versés aux correspondants du Trésor, du fait de la rémunération de la fraction non consomptible (soit, selon les évaluations du Gouvernement, environ 15,5 milliards d’euros sur 35 milliards d’euros) des fonds soumis à obligation de dépôt sur le compte du Trésor et conservés en vue de produire intérêt en application de l’article 4 du présent projet (101). Selon l’évaluation préalable jointe à cet article, le montant de 465 millions d’euros est une évaluation reposant sur un encours de 15,5 milliards d’euros « rémunéré à 4 % par an, selon une hypothèse purement conventionnelle fournie à titre illustratif. La première année, cette rémunération ne courrait que sur trois trimestres », compte tenu des délais prévisibles d’entrée en vigueur de la loi de finances rectificative (102) ;

– une diminution de 0,3 milliard d’euros de la charge de la dette à court terme, conséquence de la révision à la baisse de l’augmentation de l’encours des BTF prévue en 2010. L’obligation de dépôt au Trésor des fonds versés aux organismes gestionnaires des investissements d’avenir permet en effet à l’État de réduire de 30 milliards d’euros ses émissions de titres à court terme en 2010, ce qui représente une économie de 0,3 milliard d’euros ;

– une augmentation de 0,3 milliard d’euros de la charge d’indexation de la dette indexée sur l’inflation, en raison d’un niveau d’inflation constaté ces derniers mois dans la zone euro supérieur aux prévisions sous-jacentes à la loi de finances initiale. La charge d’indexation à provisionner en 2010 s’établirait ainsi à près de deux milliards d’euros, pour un encours de titres indexés d’environ 150 milliards d’euros.

En conséquence, le Rapporteur général souligne que, pour 2010, le seul facteur d’augmentation de la charge de la dette imputable aux investissements d’avenir réside in fine dans la rémunération de fonds non consomptibles déposés au Trésor en application de l’article 4 du présent projet.

À l’inverse, l’augmentation de 22 milliards d’euros de l’endettement à moyen et long terme précédemment évoquée ne fera sentir ses effets sur la charge de la dette qu’à partir de 2011 (103). Les conséquences du présent projet sur la charge de la dette l’année prochaine peuvent ainsi être évaluées aujourd’hui à environ 1,2 milliard d’euros, surcoût qui constituera une contrainte supplémentaire pesant sur l’élaboration du projet de loi de finances pour 2011 (104). D’une manière plus générale, compte tenu des volumes empruntés ces dernières années et des perspectives de redressement des taux d’intérêt, l’augmentation de la charge de la dette risque, dans un proche avenir, de préempter chaque année la totalité des marges de manœuvre budgétaires autorisées par la norme de dépense.

 À l’occasion de la présentation du présent projet de loi de finances rectificative, le Gouvernement revoit sa prévision de dette publique pour 2010 à 83,2 % du PIB (soit près de 1 650 milliards d’euros).

La diminution par rapport à la prévision associée à la loi de finances initiale, qui s’établissait à 84 % du PIB, s’explique par deux phénomènes. D’une part, la croissance attendue en 2010 s’avère aujourd’hui supérieure aux prévisions de l’automne dernier (+ 1,4 %, au lieu de + 0,75 %). D’autre part, la révision à la baisse du déficit public en 2009 et en 2010 (respectivement 7,9 % et 8,2 % du PIB, au lieu de 8,2 % et 8,5 %) se répercute sur l’évolution de la dette publique.

L’impact propre des 35 milliards d’euros d’investissements d’avenir sur la dette publique peut, quant à lui, être évalué à environ 5 à 5,5 milliards d’euros en 2010, soit 0,3 point de PIB. Trois facteurs doivent être pris en considération.

En premier lieu, la partie non consomptible des dotations – soit 15 à 16 milliards d’euros – ne majore pas la dette publique, dès lors que ces fonds sont obligatoirement déposés sur un compte du Trésor public (ce qui réduit d’autant l’appel de l’État aux marchés) et que leur rémunération est compensée par des économies sur d’autres dépenses (sous forme, en l’occurrence, d’annulations de crédits proposées dans le présent projet).

En deuxième lieu, au sein de la fraction consomptible des fonds dédiés aux investissements d’avenir, les décaissements qui, en 2010, seront qualifiés de dépenses publiques au sens de la comptabilité nationale sont évalués par le Gouvernement à environ 2 à 2,5 milliards d’euros (105). À l’instar du déficit public, la dette publique s’en trouve alourdie d’autant.

En troisième et dernier lieu, certaines sorties en trésorerie de fonds consomptibles ne constitueront pas des dépenses publiques mais pèseront malgré tout sur la dette publique. C’est le cas par exemple des prêts et des prises de participation qui, à moins qu’ils soient accordés à une autre administration publique, sont inclus dans la dette publique en comptabilité « maastrichtienne » – laquelle oblige à raisonner en termes de dette « brute » (106). En 2010, ce phénomène devrait jouer à hauteur d’environ 2,5 milliards d’euros, dont 1,5 milliard d’euros imputables aux prises de participation et aux prêts mis en œuvre par OSÉO. De façon similaire, les avances remboursables pourraient contribuer à augmenter la dette publique d’environ 0,5 milliard d’euros en 2010 (107).

Au-delà de 2010, l’effet pluriannuel sur la dette publique des 35 milliards d’euros d’investissements d’avenir dépendra du rythme annuel des décaissements (des fonds consomptibles) et de la nature des dépenses effectuées.

Dans l’absolu, en extrapolant les raisonnements qui précèdent (108), l’augmentation totale de la dette publique « maastrichtienne » entraînée par les 35 milliards d’euros de crédits ouverts par le présent projet de loi de finances rectificative serait peu ou prou égale à la seule part consomptible des fonds, soit environ 19 milliards d’euros. S’en tenir à ce montant suppose néanmoins que le reste des fonds ne devienne jamais consomptible – ce qui est incertain à long terme.

AUDITION DE MME CHRISTINE LAGARDE, MINISTRE DE L’ÉCONOMIE, DE L’INDUSTRIE ET DE L’EMPLOI, ET DE M. ÉRIC WOERTH, MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA RÉFORME DE L’ÉTAT

Lors de sa séance du 20 janvier 2010, la Commission entend Mme Christine Lagarde, ministre de l’Économie, de l’industrie et de l’emploi, M. Éric Woerth, ministre du Budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, sur les premiers résultats de l’exécution de la loi de finances pour 2009 et sur le projet de loi de finances rectificative pour 2010.

M. le président Didier Migaud. Chers collègues, à l’occasion de leur première audition de l’année 2010 devant notre commission des Finances, je souhaite naturellement, en votre nom à tous, une excellente année à Mme Christine Lagarde, ministre de l’Économie, de l’industrie et de l’emploi et M. Éric Woerth, ministre du Budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État.

L’année commence avec un projet de loi de finances rectificative. Les ministres vont nous le présenter.

L’heure inhabituelle de cette audition a pour origine le décalage du Conseil des ministres du fait du retour du Président de la République de Mayotte. Je voudrais également excuser l’absence de notre Rapporteur général, M. Gilles Carrez, qui sera remplacé par notre collègue Louis Giscard d’Estaing.

Madame et monsieur les ministres, nous souhaiterions que votre présentation comporte d’abord une rétrospective de l’année 2009 à travers les premiers résultats de sa gestion. Vous l’avez déjà dit, ceux-ci devraient faire apparaître des recettes un peu plus élevées que les estimations présentées dans le dernier collectif. Pourrions-nous connaître avec précision l’incidence de ces résultats sur l’exercice 2009 et sur les prévisions budgétaires pour 2010 ?

L’invalidation de la taxe carbone par le Conseil constitutionnel n’est pas non plus sans conséquences. Peut-être nous en direz-vous un mot ?

La prévision de croissance pour 2010 est elle-même sensiblement modifiée. Quelles en seront les conséquences sur nos recettes ?

Comment s'inscrit l'emprunt national dans ce contexte budgétaire ? Quels montants vont être empruntés sur les marchés ? Dans quelles conditions ? Avec quels effets ? Nous sommes particulièrement intéressés par les impacts qu’il aura en 2010 sur le montant et la charge de la dette, le déficit budgétaire et le besoin de financement de l'État.

Comme vous le savez, madame et monsieur les ministres, la commission des Finances est très attentive aux modalités de dépense de cet emprunt, destiné aux investissements. S’agira-t-il de dotations, d’avances remboursables, de prêts participatifs ? Quels seront les actifs de contrepartie ? Comment évaluez-vous le retour sur investissement des sommes qui seront engagées ? Le rapporteur général et moi-même avons demandé à la Cour des comptes qu’un inventaire de ces dispositifs, établi par ses soins, puisse venir nourrir la réunion de la commission des Finances de la semaine prochaine, et le débat en séance publique, prévu début février.

La Commission est également attentive à la gouvernance des dispositifs. L’objet des règles posées par la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, est de permettre un suivi et un contrôle effectifs de l'exécution budgétaire par le Parlement. Il ne faudrait pas qu’elles soient contournées : en cas de fractionnement ou d'éclatement des crédits affectés à une même politique publique, plus d'évaluation ni de contrôle ne sont possibles.

L’encadrement des rémunérations variables des opérateurs de marché, les bonus, relève plus particulièrement de vous, madame la ministre. Si ces rémunérations ne constituent, à l'évidence, que l'un des éléments de dysfonctionnement de la sphère financière, les comportements à risques qu’a favorisés la « course à la prime » ont cependant bel et bien contribué à déstabiliser notre économie. Quelles précisions pourriez-vous nous apporter sur le caractère – temporaire, exceptionnel, ou bien pérenne – de la taxe sur les bonus. Quel produit en attendez-vous ? Quel est le coût de sa déductibilité au regard de l’impôt sur les sociétés ? Cette charge supplémentaire apparente est en effet déductible.

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État. Le présent projet de loi intervient à un moment charnière. La page de la crise ne sera évidemment pas tournée en un jour. Si les répercussions de celle-ci sont profondes, nous pouvons toutefois observer – en restant très prudents – nombre de signes avant-coureurs de son achèvement. Ainsi la réduction du déficit budgétaire en 2009 par rapport aux prévisions – extrêmement sombres – est-elle encourageante. La sortie de crise doit être confortée par des investissements : tel est le principal objet du collectif. Porteur de croissance pour demain, il est conforme aux engagements pris par le Président de la République et la majorité il y a quelques mois.

L’exécution de l’exercice 2009 du budget de l’État s’achève par un déficit de 138 milliards d'euros. Si ce montant est supérieur d’un peu plus de 80 milliards d'euros à celui de 2008, il représente, par rapport aux prévisions de la loi de finances rectificative de fin d’année, une amélioration de près de 3 milliards d'euros : 138 milliards contre 140,9 milliards.

Les raisons de la dégradation du déficit budgétaire sont assez simples. L’impact de la crise sur les recettes représente 40 milliards d'euros environ de diminution des recettes, réparties en 35 milliards d'euros de recettes fiscales et 5 milliards d'euros de recettes non fiscales, notamment de dividendes. Le montant des sommes destinées à la relance de l’économie – le plan de relance – et consommées en 2009 représente quant à lui 37 milliards d'euros environ.

L’amélioration du déficit de 3 milliards d'euros par rapport aux dernières prévisions tient à des dépenses moindres de 1 milliard d'euros. Cette réduction est due en partie au décalage constaté dans le paiement de certaines dépenses des fonds du plan de relance. Ainsi, 800 millions d'euros – qui ne constituent donc pas une économie budgétaire – sont reportés sur l’année 2010. En revanche 250 millions d'euros correspondent à une maîtrise accentuée des dépenses courantes. Et en fin d’année, c’est 2,5 milliards d'euros de recettes fiscales supplémentaires qui ont été constatées par rapport aux prévisions.

Hors plan de relance, et avant le remboursement de 2 milliards d'euros de dette ancienne de l’État envers la sécurité sociale – la diminution des dépenses a en effet été affectée à cette action –, nous parvenons à diminuer en valeur les dépenses de l’État de 0,2 % par rapport à 2008.

Pour anticiper toute critique, j’expliquerai cependant que, quelle que soit son importance, la diminution de la charge de la dette n’explique pas intégralement la diminution de 2,2 milliards d'euros des dépenses de l’État en 2009 par rapport au plafond de dépenses instauré en loi de finances initiale. Y contribue également un effort de maîtrise de la dépense. Si, dans un sens favorable, nous bénéficions des taux peu élevés qui conduisent, malgré l’augmentation du déficit, à une baisse de charge de la dette de 5,4 milliards d’euros par rapport aux prévisions de la LFI, inversement, parmi les éléments défavorables figure l’augmentation très dynamique de dépenses exceptionnelles ou liées à la crise : 1,3 milliards d'euros au titre des dotations à la sécurité sociale, plus de 1 milliard d'euros pour la contribution de la France au budget de l’Union européenne par exemple. Les autres postes de dépenses sont, quant à eux, globalement tenus.

Je l’ait dit, la diminution des dépenses – hors plan de relance –a été affectée au remboursement de la dette de l’État envers la sécurité sociale – à hauteur de 2 milliards d'euros ouverts en collectif de fin d’année – et à une diminution supplémentaire du déficit de 250 millions d'euros par rapport aux prévisions dudit collectif.

Le coût budgétaire du plan de relance est globalement inférieur aux prévisions : 37 milliards d'euros environ contre 38,6 milliards d'euros prévus. Si les engagements de dépenses sont conformes aux prévisions, le léger décalage du calendrier de paiement de certaines dépenses a pour conséquence la diminution de 800 millions d'euros que j’ai déjà évoquée.

S’agissant des recettes, nous ne connaissons pas encore le coût définitif des mesures fiscales du plan de relance, mais la mensualisation du remboursement de la TVA pourrait cependant être moins coûteuse que prévu : 6 milliards d’euros contre 6,5 milliards attendus.

En ce qui concerne les prêts, les constructeurs automobiles ont bénéficié de 6,25 milliards d'euros. Deux cent millions d'euros de « prêts verts », qui n’ont pu être versés en 2009, le seront dans les prochaines semaines.

L’exécution budgétaire fait aussi ressortir une amélioration de 2,5 milliards d'euros de recettes fiscales.

Le déficit public devrait s’établir aux environs de 7,9 % en 2009. C’est une amélioration de 6 milliards d'euros par rapport à une prévision initiale de 8,2 %. Ce montant n’est pas négligeable : c’est l’équivalent du budget du ministère de la justice !

Quels projets le présent projet de collectif traduit-il ?

Le financement des investissements d’avenir est conforme à la fois aux engagements du Président de la République et aux conclusions de la commission présidée par les anciens Premiers ministres Alain Juppé et Michel Rocard. Sur le budget de l’État, 35 milliards d'euros de crédits supplémentaires sont ouverts. Les conditions d’ouverture de ces crédits sont elles aussi conformes à l’esprit des recommandations de la commission Juppé-Rocard. Le nombre de priorités est limité : 19 milliards d'euros sont affectés à l’enseignement supérieur et à la recherche, 6,5 aux filières industrielles et aux PME, 5 au développement durable et 4,5 à l’économie numérique. Nous recherchons par ailleurs un effet de levier auprès d’acteurs privés.

Monsieur le président, le rapport remis par la commission évoquait un pourcentage de 60 % d’investissements « non consommables ». Notre répartition va au-delà de cette recommandation : la somme des dotations non consommables, des prêts et des prises de participation représente 63 % environ des crédits ouverts. L’ajout du montant des avances remboursables conduit à un pourcentage de 72 % de crédits considérés comme non consommables.

Quels choix avons-nous retenus pour le financement des investissements d’avenir ? Alors que, sans aucun doute, le décaissement de ces 35 milliards d'euros s’étalera sur plusieurs années, en fonction des projets, nous les avons ouverts d’un seul coup. Nous avons aussi fait le choix de nous appuyer sur des opérateurs, dans des conditions de gouvernance renforcée. La conduite des projets passera par des opérateurs reconnus dans leur domaine. Il ne s’agissait pas de réinventer un dispositif de porteurs de projets : comment contourner l’Agence nationale de la Recherche, l’Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, Oséo, et bien d’autres encore ?

Il aurait été également dangereux de faire coexister de manière durable le financement des investissements d’avenir et celui des budgets ordinaires des ministères. Ces investissements, qui s’inscrivent dans la durée et ne sont par là en rien comparables au plan de relance – qui correspond à une vision à court terme –, devaient être sécurisés. Si nous avions décidé de déployer annuellement les crédits au titre des investissements d’avenir, nous aurions couru à terme le risque d’une porosité entre ces crédits à caractère exceptionnel et les crédits annuels.

L’information du Parlement sera garantie : l’un des articles du projet de loi prévoit l’élaboration d’un « jaune » budgétaire, annexé chaque année au projet de loi de finances initiale, sur les conditions de mise en œuvre des crédits et les résultats obtenus.

Monsieur le président, conformément à ce que je crois être vos souhaits, les crédits ouverts au titre des dépenses reliées à l’emprunt sont regroupés au sein de nouveaux programmes, créés au sein des « missions » déjà définies par le budget. La création de ces programmes permet d’assurer une bonne lisibilité des politiques publiques. Leur présentation est assortie d’une justification des dépenses au premier euro, d’objectifs et d’indicateurs de performance.

La mise en œuvre des investissements d’avenir implique l’instauration d’une gouvernance propre. À cette fin, un Commissariat général à l’investissement, chargé de la coordination des travaux interministériels, est créé. Il sera piloté par M. René Ricol, sous l’autorité du Premier ministre. Des conventions liant l’État, les opérateurs et les organismes acteurs de la dépense définiront précisément le cadre d’emploi des fonds. Des indicateurs de mesure seront évidemment mis en place, de même que des modalités d’instruction des dossiers. Chaque fois, l’État aura un droit de décision en dernier ressort. Un comité de surveillance des investissements sera mis en place et il constituera, en quelque sorte, le prolongement de la commission qu’ont présidé MM. Alain Juppé et Michel Rocard.

La charge des intérêts de l’emprunt national est compensée dès cette année par une réduction supplémentaire des dépenses de fonctionnement des ministères. Pour financer, par la voie du projet de loi de finances rectificative, les ouvertures de crédits destinés aux investissements d’avenir, la mobilisation du remboursement par les banques des prêts qui leur avaient été consentis
– 13 milliards d'euros – nous permet de limiter à 22 milliards d'euros le montant du recours à l’emprunt. La charge d’intérêts entraînée en 2009 par cet emprunt est estimée à 500 millions d'euros environ. Pour en neutraliser le coût, 500 millions d'euros de crédits destinés aux ministères sont donc annulés, sans qu’il soit touché à la réserve de précaution.

L’impact sur le déficit public en 2010 est enfin limité à 2,5 milliards d'euros, soit 0,1 point de PIB. En effet, la majorité des dépenses n’impactent pas le déficit au sens du Traité de Maastricht et leur décaissement est étalé sur plusieurs années.

Le troisième volet de ce collectif est constitué par la révision à la hausse des prévisions de recettes pour 2010, de 1 milliard d'euros pour les recettes non fiscales et de 2,1 milliards d'euros pour les recettes fiscales.

La hausse des recettes non fiscales est la conséquence d’un jugement du Tribunal de première instance de l’Union européenne sur le régime fiscal dérogatoire de France Télécom. En application de ce jugement, France Télécom doit un milliard d'euros à l’État.

Les nouvelles prévisions de recettes fiscales ont pour origine trois facteurs principaux. Le premier est la traduction de la décision du Conseil constitutionnel relative à la taxe carbone ; le non prélèvement consécutif de la taxe carbone sur les entreprises induit une diminution des recettes de 1,5 milliard d'euros – en revanche, l’annulation du prélèvement sur les ménages n’a pas d’incidences fiscales, la loi ayant prévu sa compensation. S’ajoute le non-encaissement de recettes, à hauteur de 700 millions d'euros, dû à la décision prise par le Conseil constitutionnel quant au régime des BNC au regard de la taxe professionnelle.

Le deuxième facteur a pour origine l’exécution budgétaire de 2009, meilleure que prévue, et la révision à la hausse de la prévision de croissance pour 2010, à 1,4 % au lieu de 0,75 %. À ce titre, l’amélioration des recettes fiscale est de 3,6 milliards d'euros, due pour 2,3 milliards d'euros à un « effet base », celui de 2009, et pour 1,3 milliards d'euros à de meilleures rentrées de TVA et à l’amélioration de la prévision de croissance.

Enfin – et c’est le troisième facteur –, le projet de collectif prend en compte les recettes attendues de la régularisation des situations d’évasion fiscale, et ce pour un montant de 700 millions d'euros. Ces résultats montrent que, pour les caisses de l’État, la politique de lutte contre la fraude porte ses fruits de manière sonnante et trébuchante.

Par ailleurs, le coût de l’allégement des cotisations sociales sur l’emploi des travailleurs occasionnels dans le secteur agricole, décidé en application du discours du Président de la République aux professions agricoles, s’élève à 168 millions d'euros. Ce montant, qui correspond au remboursement par l’État auprès des organismes de sécurité sociale du montant de cet allégement, est entièrement financé par des annulations de crédits des ministères.

Au total, le déficit budgétaire pour 2010 devrait s’élever à 149,2 milliards d'euros. Le déficit public pour l’année 2010 devrait représenter 8,2 points de PIB au lieu de 8,5 comme le prévoyait le projet de loi de finances initiale. Cette amélioration est due à la prise en compte – prudente – de la réduction du déficit prévu en 2009, aux conséquences des annulations décidées par le Conseil constitutionnel, aux impacts du financement des investissements d’avenir – pour 0,1 point de PIB – et à la révision des perspectives de croissance. D’où une diminution du déficit pour 2010 égale à 0,3 point de PIB par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale.

Enfin le taux d’endettement public devrait s’établir à 83,2 % du PIB au lieu des 84 % prévus. L’explication en est qu’une croissance plus importante a pour conséquence un PIB en hausse, un déficit inférieur et donc des charges d’emprunt en diminution.

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. Je souhaite moi aussi au président de la Commission, à son rapporteur général et à ses membres une très bonne année.

Je voudrais vous présenter quelques éléments macro-économiques s’inscrivant dans le contexte de la révision du taux de croissance et d’un certain nombre d’autres chiffrages à laquelle nous avons procédé, sur l’effet attendu de l’investissement dans les secteurs d’avenir dans les années qui viennent et sur la taxation exceptionnelle des bonus des opérateurs de marché.

D’abord, comme vous pourrez le constater à la lecture des graphiques figurant dans le dossier qui vous a été remis, en 2009, la récession aura duré moins longtemps en France qu’aux États-Unis et dans les autres pays de la zone euro ; la sortie de crise y est plus rapide.

La consommation des ménages français a également résisté ; tel n’a pas été le cas dans tous les pays. Cela est probablement dû aux mesures de relance et d’allégements fiscaux, mesures qui ont été ciblées plus précisément sur ceux des ménages dont nous savions que la capacité de consommation l’emporterait sur la tentation – fréquente en période de crise – de l’épargne.

Vous pouvez constater, sur un autre graphique, que nous révisons à la hausse la prévision de croissance pour 2010 : 1,4 % au lieu de 0,75 %. Ce quasi-doublement, qui correspond très précisément au consensus de place, est fondé sur plusieurs éléments.

Il est d’abord fondé sur les prévisions d’une augmentation de la consommation de 1,4 %.

Il prend aussi en compte une très légère reprise – une hausse de 0,6 % – de l’investissement du secteur privé. C’est très clairement sur ce point que nous devons faire porter l’essentiel des efforts de notre politique économique : les derniers éléments du plan de relance et certaines des mesures au titre du « grand emprunt » y contribueront. Si la reprise n’est pas plus forte, c’est que, de façon générale, la reconstitution des carnets de commandes n’est pas encore significative ; de plus, notamment durant les derniers mois, les entreprises, au rebours de leur stratégie d’endettement de 2009, ont d’abord voulu se désendetter.

L’investissement des entreprises publiques qui, en 2009, a été prépondérant pour atténuer la décroissance subie par notre économie, serait pratiquement stable en 2010 à un niveau élevé : – 0,3 % en 2010, après + 4,3 % en 2009.

Nous avons considéré que, si l’évolution du commerce extérieur en volume ne pèserait pas sur notre économie, elle n’aurait pas non plus d’effet particulièrement positif. La légère augmentation actuelle de la demande adressée à la France nous permet de l’espérer.

Nous avons opté pour une hypothèse de 1,2 % d’inflation. C’est aussi celle que la Banque centrale européenne a formulée lors d’une conférence de presse tenue il y a quelques jours, les facteurs d’inflation sous-jacente étant très contenus et très maîtrisés.

Enfin, autres éléments essentiels pour la préparation du présent projet de loi de finances rectificative, nous avons retenu un taux de change entre l’euro et le dollar quasi-statistique, de 1,48 – nous ne procédons pas à des prévisions ou estimations en la matière – et un cours du pétrole brut de 77 dollars le baril.

Nous avons été aussi amenés à réviser notre prévision en matière d’emploi salarié. L’évolution reste négative : en 2010 l’économie française continuera à détruire de l’emploi. En revanche, cette évolution négative s’améliore – si j’ose dire…

M. Henri Emmanuelli. C’est surréaliste !

Mme la ministre. La baisse s’atténue. Face à des données négatives, nous n’avons pas le choix.

M. Henri Emmanuelli. Si !

Mme la ministre. Nous souhaiterions tous que l’évolution soit positive.

Les destructions d’emplois salariés dans le secteurs marchands devraient atteindre 453 000 en 2009 mais sur le champ plus large de l’emploi salarié total, qui inclut notamment les contrats aidés, le repli de l’emploi sera ramené à 373 000 en 2009. En 2010, les destructions d’emplois dans le champ de l’emploi salarié total devraient être ramenées à 71 000.

Autre élément intéressant, le taux de prélèvement obligatoire en 2010 reste stabilisé à 41 % du PIB. Ce chiffre nous place à peu près dans la moyenne des pays de la zone euro.

Enfin, la suppression de la taxe professionnelle et le remboursement accéléré du crédit impôt recherche, maintenu pendant l’année 2010, viennent prendre le relais de mesures d’allégement fiscal exceptionnelles prévues dans le cadre du plan de relance et qui, à ce titre, ne sont pas renouvelées en 2010.

J’exposerai maintenant quelques éléments macro-économiques spécifiques à l’emprunt national.

À la lecture des graphiques du dossier qui vous a été remis, vous pourrez constater qu’en matière tant d’investissement dans les nouvelles technologies que de part des dépenses d’enseignement supérieur rapportées au PIB, la France ne fait pas partie des meilleurs. Cette situation est du reste bien connue. Or, des études ont montré que l’investissement dans les nouvelles technologies était un facteur d’amélioration significative de la productivité et de la compétitivité des pays. Par ailleurs la corrélation entre l’investissement et la dépense réelle au profit de l’enseignement supérieur et l’amélioration de l’offre compétitive d’un pays est patente. La France doit donc rattraper son retard dans ces deux domaines.

Pour améliorer la compétitivité de l’offre française, nous devons donc impérativement encourager et soutenir l’investissement dans la recherche, le développement, l’enseignement supérieur et la formation professionnelle de nos concitoyens.

Par ailleurs nous avons tenté de calculer l’impact macro-économique des dépenses dans les secteurs d’avenir sur la croissance du PIB français. Sur cette question, beaucoup de littérature a été publiée, beaucoup de calculs effectués, beaucoup de modèles élaborés. Ainsi, pour tenter de prendre en compte l’impact de certaines dépenses, la direction générale du trésor et de la politique économique, la DGTPE, dispose d’un modèle tandis que le Conseil d’analyse économique et l’OCDE ont publié des études. Nous avons tenté de réaliser une synthèse de l’ensemble de ces travaux, d’établir une moyenne des résultats auxquels ils aboutissent. Au total, les dépenses liées à l’emprunt national augmenteraient la croissance de près de + 0,3 point de PIB par an à l’horizon de la décennie.

Enfin, je présenterai très rapidement les caractéristiques de la taxe exceptionnelle sur les bonus. Comme l’ensemble des dispositions du projet de loi, elle a été soumise à l’examen du Conseil d'Etat. Son objet, je le rappelle, est le renforcement de la sécurité des déposants. L’assiette de la taxe est désormais connue ; elle a même été commentée à l’envi. La taxe sera assise sur la part des rémunérations variables des opérateurs de marchés supérieure à un seuil de 27 500 euros par an. Son taux sera de 50 %. Elle nous laisse espérer une recette de 360 millions d'euros d’impôts. L’essentiel de ce produit sera affecté au Fonds de garantie des dépôts, le solde allant au budget de l’État. Pour répondre à l’une de vos questions, monsieur le président, la taxe sera en effet déductible, à l’exemple de la plupart des impôts qui ne présentent pas de caractère de sanction.

M. Louis Giscard d’Estaing, suppléant M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je voudrais d’abord vous demander d’excuser l’absence de notre rapporteur général, qui m’a demandé de poser en son nom plusieurs questions.

Madame et monsieur les ministres, j’aborderai d’abord l’exécution de l’exercice 2009. Le déficit budgétaire de l'État s'est finalement établi à 138 milliards d'euros. Pour significatif qu'il soit, ce montant est, vous l’avez dit, inférieur de 2,9 milliards d'euros aux dernières prévisions.

Les dépenses de la mission « Plan de relance de l’économie » ont finalement atteint 11,8 milliards d'euros en 2009, au lieu de 12,6 milliards. Sur quels dispositifs de relance a-t-on enregistré cette sous-exécution – ou non exécution ?

La norme de dépenses – par définition hors dépenses de relance – a été respectée en 2009. Même après l'apurement en loi de finances rectificative de 1,9 milliards d'euros d'anciennes dettes de l'État à l'égard de la sécurité sociale, les dépenses du budget général sont inférieures de 250 millions d'euros aux dernières prévisions. Sur quels programmes ces économies ont-elles été constatées ? En particulier – mais, monsieur le ministre, vous avez déjà évoqué ce point – la charge de la dette de l'État en 2009 a-t-elle été revue à la baisse ?

En matière de recettes, le principal événement est une réévaluation de 1,9 milliard d'euros de l’impôt sur les sociétés en raison d'un dernier acompte meilleur que prévu. Cette bonne surprise est probablement liée au cinquième acompte versé par les grandes entreprises au mois de décembre, calculé sur les résultats de l'année en cours. Quels sont les secteurs de l'économie qui ont dégagé de meilleurs bénéfices que prévus ? Quelle est la part du secteur financier dans cette révision à la hausse ? Celle-ci n'implique-t-elle pas également une révision à la hausse de la prévision du montant de l’impôt sur les sociétés en 2010, puisque l’IS 2010 sera calculé sur les résultats de 2009, dont la réévaluation à la hausse a entraîné celle du cinquième acompte ?

Le déficit des comptes spéciaux atteint 8,1 milliards d'euros, soit 0,5 milliard d'euros de plus que prévu par la loi de finances rectificative, du fait notamment d'une forte détérioration – 1 milliard d'euros – du solde du compte d’avances aux collectivités territoriales. Comment expliquez-vous cette détérioration ?

J’aborderai maintenant le projet de loi de finances rectificative pour 2010, lequel reprend la plupart des recommandations de la commission Juppé-Rocard.

Le montant du plan d’investissement qui sera mis en œuvre sur cette base s’élèvera à 35 milliards d’euros.

Pour sa mise en œuvre, il est prévu la constitution d'actifs à hauteur de 60 % des dépenses engagées. Ces actifs peuvent être placés pour générer des intérêts ou liquidés progressivement. Il peut également s’agir de prêts octroyés à des entreprises ou de participations en capital. Leur principal intérêt réside dans le fait que l'État n'investit pas « à fonds perdus » et qu'il peut attendre un retour financier sur investissement. Un tel mode d'action implique également – vous l’avez souligné – une association étroite du secteur privé, plus apte à sélectionner les projets économiquement viables et rentables, notamment par l’appréciation que ses acteurs peuvent avoir sur les débouchés économiques et financiers de ceux-ci.

Il est également prévu d’avoir recours aux opérateurs, ce recours étant encadré par la signature de conventions entre ces organismes et l’État. Un tel mode d'action permet en effet de garantir l'étanchéité des crédits – affectés uniquement aux priorités décidées et protégés de toute mesure de régulation budgétaire – et l'efficacité de la dépense du fait de l'expertise des opérateurs. Toutefois, il présente deux problèmes : d’une part, il limite l'information et le contrôle du Parlement ; d'autre part, il ne garantit pas la pluriannualité de la dépense.

Certes, une partie de la dépense – 40 % – conduira à la constitution d'actifs qui généreront des intérêts chaque année ou qui seront liquidés par tranche annuelle de 10 %, et, dans ce cas, la pluriannualité est garantie. En revanche, elle n'est pas assurée quand une dotation est versée à un opérateur. À cet égard, le contre-exemple d'une bonne gestion est le versement en 2005 d'une dotation en capital de 4 milliards d'euros à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF : cette dotation a été totalement consommée dès la fin 2008.

À propos de la gouvernance, vous avez évoqué la création d’un « jaune » budgétaire spécifique. Le présent projet de loi de finances rectificative crée une quinzaine de programmes – au sens de la LOLF –, entre lesquels sont répartis les 35 milliards d'euros destinés à financer les investissements d'avenir. Cependant, dès lors que l'intégralité de ces fonds sera versée par l'État aux différents opérateurs en 2010, ils disparaîtront du projet de loi de finances initiale de 2011. Qui sont les responsables de ces programmes et quel rôle joueront-ils ? Quelle sera l’articulation avec le futur Commissariat général à l'investissement ? Enfin, question majeure pour notre assemblée, quel suivi le Parlement pourra-t-il opérer sur l’ensemble de ces montants ?

Les opérateurs, qui jouent un rôle central dans la mise en œuvre du plan, auront-ils la capacité d'assumer cette nouvelle charge ? Un accroissement de leurs moyens financiers et humains, pour gérer ces nouvelles dotations, est-il envisagé ? Comment seront financés leurs frais de fonctionnement ? S’imputeront-ils sur les 35 milliards d'euros ouverts par la loi de finances rectificative ou seront-ils prélevés par redéploiement au sein du budget « habituel » de l'État ?

Comment la pluriannualité des 1,5 milliards d'euros confiés à Oséo pour le financement de l'aéronautique ou du milliard consacré à Saclay sera-t-elle assurée ? Les conventions entre les opérateurs et l’État ne devront-elles pas prévoir un schéma pluriannuel de consommation des fonds, de façon à éviter la répétition de ce qui a été fait avec l’AFITF ?

Au-delà de la référence à une durée de onze ans mentionnée par les documents que vous nous avez présentés, un horizon temporel des dépenses financées par le projet de loi a-t-il été établi ?

Une fois les fonds attribués aux différents opérateurs, quels seront les pouvoirs de l'État dans leur utilisation, par exemple en cas de performance non satisfaisante ? Comment pourra-t-il réallouer les fonds ? Comment le Parlement en sera-t-il informé ?

Le projet de loi prévoit l’affectation de 1 milliard d'euros pour les états généraux de l'industrie et de 500 millions d'euros pour les pôles de compétitivité. Disposez-vous d’exemples précis de projets nous permettant de comprendre à quoi serviront ces crédits ?

L'opération « Campus d'excellence » mobilise 7,7 milliards d'euros et constitue l'action la mieux dotée du plan. Pourriez-vous nous préciser ses conditions de mise en œuvre ? En particulier, la sélection des universités sera-t-elle assurée par l'État ou confiée à un opérateur ?

À cet égard, et à notre connaissance, les partenariats publics privés prévus dans le cadre de l'opération « Campus », lancée en 2007 pour rénover le patrimoine immobilier des universités, n'ont pas encore été signés, et aucun fonds n’a encore été distribué aux universités éligibles. Pourriez-vous nous confirmer cette information et nous préciser où sont placés les fonds – 3,7 milliards d'euros – issus de la cession des titres d'EDF ?

Quel sera l'impact de ce plan d’investissement sur le déficit public – au sens de la comptabilité nationale – en 2010 et les années suivantes ?

Enfin, la taxe sur les bonus est destinée en priorité à doter le Fonds de garantie des dépôts, dont nous savons que le plafond doit être relevé, conformément à une directive européenne, de 70 000 à 100 000 euros par déposant. Il nous est indiqué que la cible de 270 millions d’euros affectés à ce fonds a été calculée de manière forfaitaire. Pourriez-vous nous apporter des informations plus précises sur ce relèvement de la protection des épargnants français ?

M. le président Didier Migaud. Je souhaiterais également des précisions quant au produit de la taxe sur les bonus et à la perte de recettes que pourrait entraîner le mécanisme de déductibilité par rapport à l’impôt sur les sociétés, afin que nous puissions estimer l’ordre de grandeur des efforts demandés aux uns et aux autres.

M. Jérôme Cahuzac. Vous notez une amélioration par rapport au dernier collectif, monsieur le ministre du budget, mais convenez qu’il y a une certaine aggravation par rapport à la loi de finances initiale : de 55 milliards d’euros de déficit votés, on passe à un déficit constaté de 139 milliards !

En outre, ce déficit comprend-il l’apurement intégral de la dette de l’État à l’égard de la sécurité sociale ? Si, comme on le devine, tel n’est pas le cas, il faut prévoir une dépense supplémentaire de 1 à 2 milliards d’euros.

Toujours pour 2009, à combien estimez-vous la part du déficit structurel dans les 7,9 points de PIB annoncés ? Selon la Cour des comptes, ce déficit – qui est indépendant de la crise – devrait être de l’ordre de 3,9 ou 4 points, soit une aggravation par rapport à 2008, où il s’élevait à 3,4 points.

Le déficit budgétaire de 150 milliards d’euros que vous annoncez d’ores et déjà pour 2010 comprend-il la nécessaire prime pour le débouclage des plans d’épargne logement ? Les crédits alloués à cet effet en janvier ne font que rembourser les avances effectuées par le Crédit foncier l’année précédente. Si ce mécanisme est reconduit, il provoquera un alourdissement du déficit d’environ 1 milliard d’euros.

Même question en ce qui concerne les opérations extérieures, chroniquement sous-budgétées. L’ordre de grandeur du déficit supplémentaire est en général de 0,5 milliard d’euros.

Enfin, que prévoit le Gouvernement pour régler la facture de la sécurité sociale en 2010 ? Après les efforts – incomplets – d’apurement en 2009, verra-t-on sa dette prospérer de nouveau ?

Pour ce qui est maintenant de la loi de finances pluriannuelle, le Gouvernement s’est engagé à revenir à un déficit de 3 points de PIB en 2013. Sachant qu’il prévoit plus de 8 points de PIB de déficit pour 2010, comment compte-t-il s’y prendre pour opérer une réduction de plus de 5 points en moins de 3 ans ? Envisage-t-il de revoir à la hausse l’engagement de déficit pour 2013 ?

Comme l’a indiqué M. Louis Giscard d’Estaing, c’est une directive communautaire qui impose aux États membres de relever la garantie des déposants. La taxe sur les bonus étant temporaire, comment assurerez-vous par la suite la sécurité des déposants ? Aurez-vous recours à des mesures budgétaires ou serez-vous contraints, comme on peut l’espérer, de pérenniser cette taxe ?

M. Jérôme Chartier. Comme le laissaient penser plusieurs signes avant-coureurs au dernier trimestre 2009, la situation s’améliore en 2010 et nous devons nous en réjouir. On ne saurait passer sous silence que la France s’en tire beaucoup mieux que ses voisins européens et que d’autres pays de l’OCDE.

J’observe néanmoins que la dégradation prévue de la balance commerciale n’est que de 3 milliards d’euros, alors que la progression de la consommation des ménages devrait doubler, passant de 0,7 à 1,4 %. Comment cette estimation a-t-elle établie ?

Par ailleurs, le grand emprunt est l’exemple même de ce qu’il faut faire en la matière : il ne servira qu’à financer des dépenses d’avenir, c'est-à-dire de « bonnes dépenses ».

M. Jérôme Cahuzac. Alors pourquoi l’avoir limité à 35 milliards d’euros ?

M. Jérôme Chartier. En effet, mon cher collègue, pourquoi ne pas évoquer la perspective, à moyen terme, d’un nouveau grand emprunt ? De nombreux collègues ici présents ont signé une tribune parue dans Le Monde qui plaidait en ce sens.

Enfin, la taxe sur les bonus concerne le seul exercice 2009, où la croissance des marchés financiers, certes exceptionnelle, constitue une sorte de remise à niveau après le « dévissage » de la fin de 2008 et du début de 2009. Il ne faudrait pas que son éventuelle pérennisation fasse de la place de Paris le mouton noir des marchés financiers mondiaux. Soit tous les marchés adoptent un tel dispositif, et ce serait une bonne chose, soit nous nous retrouvons seuls, et ce serait préjudiciable à l’attractivité du marché parisien.

M. François Goulard. Très juste !

M. Charles de Courson. Alors que vous réévaluez la croissance de la consommation à 1,4 % pour 2010, madame la ministre, les investissements tant publics que privés n’augmenteraient que de 0,4 % et le commerce extérieur resterait stable. Comme les Assises de l’industrie l’ont une nouvelle fois mis en relief, la dégradation de notre compétitivité ces dix dernières années nous a coûté un demi-point de croissance par an. À moins que vous ne fassiez des prévisions extrêmement favorables en matière de reconstitution des stocks, on voit mal comment vous arrivez à 1,4 %.

Le Nouveau Centre, qui n’était guère favorable à un nouvel emprunt, avait souhaité un « grand emprunt modeste ». Le Gouvernement lui donne en partie satisfaction sur ce point.

Nous avions également demandé que l’on consacre cet emprunt à des investissements créateurs de richesse, permettant de rembourser intérêt et capital. D’après les chiffres transmis, 70 % des crédits seraient non consomptibles, c'est-à-dire remboursables – je signale au passage que les industries aéronautiques ont toujours remboursé les avances remboursables dont elles ont bénéficié –, mais 28 %, soit 10 milliards d’euros, seront considérés, du point de vue du traité de Maastricht, comme des dépenses venant compléter des dotations budgétaires insuffisantes. Vous avez pourtant indiqué, monsieur le ministre, que l’incidence sur le déficit maastrichtien ne serait que de 2 à 2,5 % en 2010. Cela signifie-t-il qu’il faut prévoir 7 à 8 milliards de déficit maastrichtien supplémentaire en 2011 ?

En d’autres termes, puisque le grand emprunt revient à ouvrir 35 milliards d’euros en autorisations d’engagement, pourriez-vous donner un échéancier prévisionnel pour 2010, 2011 et même, pour partie, 2012 ?

Enfin, j’ai du mal à comprendre la taxe sur les bonus. Puisqu’il porte sur les bonus versés en 2009, cet impôt exceptionnel ne modifiera en rien le comportement des banques en matière de rémunération des traders et autres spéculateurs. Qui plus est, on consacrera 270 des 360 millions de produit au Fonds de garantie des dépôts, jusqu’à présent alimenté par les cotisations des banques. Pourquoi avoir choisi ce système tarabiscoté au lieu d’avoir demandé aux banques d’augmenter leurs cotisations ? Était-il bien utile d’imiter nos amis travaillistes anglais, accusés par la Cité de démagogie à l’approche des élections législatives ?

M. Hervé Mariton. S’agissant du grand emprunt, les proportions précises communiquées par le Gouvernement entre dépenses consomptibles et dépenses non consomptibles signifient-elles que les opérateurs ne disposeront pas d’une capacité d’arbitrage entre ces deux catégories, comme il en avait pourtant été question ?

Le ministre affirme par ailleurs que les intérêts dus au titre de 22 milliards seraient gagés. Est-ce à dire que les intérêts correspondant aux 13 autres milliards ne le seront pas ?

À l’évidence, le grand emprunt ne sera suivi d’effets que si l’on réalise des progrès importants en matière de gouvernance, notamment dans l’enseignement supérieur. Le Gouvernement a-t-il une feuille de route à ce sujet ? Je remarque au passage que les statistiques internationales devraient reposer sur les coûts par étudiant diplômé et non les coûts par étudiant – l’enseignement supérieur français étant ce qu’il est...

Après la décision du Conseil constitutionnel relative aux bénéfices non commerciaux, doit-on comprendre que le Gouvernement n’envisage pas de reprendre le sujet ?

Enfin, madame la ministre, votre proposition concernant le Fonds de garantie des dépôts se substitue-t-elle aux engagements que vous aviez pris lors du débat budgétaire ?

M. Patrice Martin-Lalande. Je suis très heureux que la stratégie retenue par le Gouvernement pour le grand emprunt privilégie l’économie numérique.

Dans ce domaine, existe-t-il des différences entre le projet de loi de finances rectificative et les recommandations du rapport Juppé-Rocard ? Si tel est le cas, pour quelles raisons ?

L’objectif évoqué dans le document que vous nous avez remis – une couverture de 70 % de la population en très haut débit dans 10 ans – est étonnamment modeste, puisqu’il correspond à peu près aux zones 1 et 2. Les 30 % les plus difficiles risquent-ils de ne pas être traités ? Que se serait-il passé s’il n’y avait pas eu le grand emprunt ? Pourquoi ne pas viser un meilleur résultat, d’autant que 750 000 foyers ruraux seront couverts par le satellite ? Quelle serait, dans l’hypothèse retenue, la situation de la France dans 10 ans par rapport à ses voisins ?

Je me réjouis que plus de la moitié des sommes allouées soit consacrée au développement des usages et contenus innovants. Cela dit, certaines opérations sont chiffrées, d’autres non. Doit-on en conclure que certains objectifs sont révisables et que les moyens affectés à d’autres font au contraire l’objet d’une sanctuarisation ?

M. Pierre-Alain Muet. Le problème n’est pas tant le creusement du déficit en 2009 que le point de départ de cette situation. Notre pays est l’un des seuls à avoir abordé la récession avec un déficit aussi excessif – et essentiellement structurel.

Par ailleurs, les graphiques commentés par Mme la ministre traduisent un phénomène connu : lors des récessions, la France plonge moins que les autres pays car elle a plus d’« amortisseurs », notamment la part de son secteur public, mais elle remonte moins vite lors des reprises, pour la même raison.

Je doute que notre croissance soit plus rapide que celle de la zone euro. En 2009, la forte désinflation, due à la baisse du prix du pétrole, a soutenu la consommation, mais cette période est derrière nous. De plus, bien que la baisse du PIB soit inférieure à celle d’autres pays, le taux de chômage en France augmente autant que la moyenne européenne, ce qui laisse à penser que le pouvoir d’achat fera défaut pour la reprise.

Enfin, nous aimerions savoir sur quelles données vous fondez le chiffre de 0,3 % de croissance annuelle sur la décennie à la suite du grand emprunt. Le modèle Mésange a certainement ses vertus, mais bien des instituts publics et privés sont capables d’évaluer ce que représente une dépense de 35 milliards d’euros en termes de supplément de croissance.

M. François Goulard. Tout d’abord, merci pour votre action, madame la ministre, monsieur le ministre, qui a certainement limité l’évolution initialement prévue.

Cela dit, il me semble que le grand emprunt, tel qu’il est conçu et présenté, comporte deux infractions majeures à deux grands principes de nos finances publiques.

D’abord l’unité budgétaire : alors que nous devons avoir un seul budget, avec une masse de dépenses et une masse de recettes, le grand emprunt va constituer une excroissance budgétaire. Il n’y a pas, contrairement à ce que l’on a dit, les « bonnes » et les « mauvaises » dépenses, les « bonnes » et les « mauvaises » recettes. S’engager sur ce terrain-là serait dramatique pour la gestion future des finances publiques.

Ensuite la règle de l’annualité budgétaire. La pluriannualité, soit, mais sous le contrôle du Parlement ! Qu’en sera-t-il de sommes versées à des agences puis dépensées éventuellement sur des instructions administratives, en tout cas pas en application des décisions prises annuellement par le Parlement ?

M. Marc Goua. Pour ce qui est des 15 milliards d’euros de dotations non consomptibles issues du grand emprunt, le document du ministère indique qu’il n’y a pas de décaissement en trésorerie pour les intérêts versés. Sauf erreur de ma part, cela ne concorde pas avec les autres tableaux.

S’agissant de la taxation sur les bonus, les banques sont en effet tenues d’avoir des fonds collectifs de garantie et, autant que je souvienne, leurs cotisations à ce titre ne sont pas déductibles de l’assiette de l’impôt. Dès lors, la mesure ne se résume-t-elle pas à un effet d’annonce et le coût pour les banques ne sera-t-il pas moins important après qu’avant ?

M. Olivier Carré. Lors de la présentation du rapport de la commission Juppé-Rocard, on avait évoqué un effet de levier permettant de mobiliser des fonds privés ou issus de fondations. Le Gouvernement est-il à même d’anticiper le montant de ces fonds, dans la perspective d’arriver à un financement optimal de certains programmes ?

Par ailleurs, si l’architecture budgétaire des programmes ciblés nous a été présentée, ne pourrions-nous pas disposer d’un document mentionnant les fonds déjà mis à disposition pour certains d’entre eux – par exemple en ce qui concerne les démonstrateurs mis en place après le premier Grenelle de l’environnement –, toujours dans la perspective de mesurer les effets de levier du grand emprunt sur les autres financements ?

M. Le ministre. Les économies de 800 millions d’euros sur la mission « Plan de relance » se décomposent en 500 millions de report de dépenses supplémentaires et en 1,3 milliard de crédits en moins, liés notamment à l’investissement et au Fonds d’investissement social, le FISO. Mais il ne s’agit que d’un décalage : ces crédits sont en train d’être consommés.

Les 250 millions d’euros d’économies supplémentaires que j’ai évoqués se décomposent en 100 millions d’économies supplémentaires sur la charge de la dette, 100 millions sur les subventions de l'établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires – EPRUS –, les coûts liés au vaccin contre la grippe A étant moins importants que prévu, et 50 millions répartis sur plusieurs autres postes de dépenses.

C’est en effet le cinquième acompte de l’impôt sur les sociétés qui apporte un surcroît de recettes, issu à 60 % du secteur financier et à 14 % du secteur de l’énergie. Nous avons estimé que nous pouvions répercuter ce résultat en réévaluant de 1,9 milliard d’euros les recettes de l’IS pour 2010, ce qui porterait leur montant à 34,9 milliards.

Pour ce qui est des comptes spéciaux du Trésor, l’État se trouve en déficit de 1,5 milliard d’euros vis-à-vis des collectivités locales à la fin de l’exercice 2009, soit 900 millions de plus que ce que prévoyait la loi de finances rectificative. Peut-être est-ce dû à un moins bon taux de recouvrement auprès des entreprises, ainsi qu’aux effets des exercices antérieurs. Nous étudions de près la question.

Le grand emprunt ne remet pas en cause l’unité du budget, monsieur Goulard, puisque le Parlement le vote dans le cadre d’un collectif. Ensuite, tout se passe comme si l’on versait aux opérateurs des subventions assorties d’une affectation et d’un mode de gouvernance spécifiques. L’ensemble est constaté, comme il se doit, dans les comptes de l’État.

Pour ce qui est de la pluriannualité, les opérateurs consommeront en effet les fonds sur 4 ou 5 ans. Le contrôle sera de plusieurs natures. D’abord par le biais des conventions signées avec chaque opérateur pour définir le cadre d’emploi des fonds – et le Parlement aura évidemment accès à ces documents. Ensuite parce que les fonds seront déposés au Trésor. Enfin par un « jaune » budgétaire annuel adressé au Parlement. Bien entendu, je suis ouvert à toute proposition d’amélioration car la transparence doit être totale. Si la performance se révèle insuffisante, nous devrons faire preuve d’une grande réactivité et prendre des mesures projet par projet : ce sera le rôle du Commissariat à l’investissement.

Je confirme que le déficit budgétaire correspondant est de 35 milliards d’euros puisque l’État décaisse ce montant vers les opérateurs. Comme l’a bien montré M. de Courson, les choses se présentent différemment en termes maastrichtiens.

Oui, monsieur Cahuzac, nous avions prévu 56 milliards d’euros de déficit et nous avons fait 138 milliards. Comme tous les autres États, la France a été atteinte par la dégradation économique. C’est bien pourquoi le Gouvernement vous a présenté de nombreux textes et collectifs pour réactualiser les choses.

Que le déficit s’élève à 138 milliards plutôt qu’à 141, comme le relève M. Chartier, ne saurait soulever l’enthousiasme, mais quelles critiques ne nous aurait-on pas adressées des critiques si le chiffre s’était élevé à 143 ou 144 !

M. Henri Emmanuelli. Ce n’est pas sérieux ! Vous faites de la com’ !

M. le ministre. Comme vous le savez, monsieur Cahuzac, l’État n’a pas totalement apuré sa dette vis-à-vis de la sécurité sociale : il reste environ 1 milliard d’euros.

Le déficit structurel est un vieux sujet. Il existe de nombreuses méthodes de calcul. Je pense pour ma part qu’il se situe entre 3 et 3,5 points de PIB et qu’il ne s’est pas aggravé : nous considérons que tout ce qui relève de la relance est exceptionnel et conjoncturel.

Pour ce qui est du débouclage des plans d’épargne logement ou des Opex, ce qui était vrai à la fin de 2009 l’est aussi au début de 2010.

Et nous maintenons notre objectif de 3 points de PIB de déficit en 2013 pour la loi de finances pluriannuelle. Je note d’ailleurs que les Allemands maintiennent eux aussi leurs objectifs, malgré des déficits qui sont passés de 0 à 6 points de PIB.

M. Henri Emmanuelli. Ils se rétabliront plus vite que nous.

M. le ministre. Nous verrons.

Vous souhaitiez un emprunt modeste, monsieur de Courson, mais ces 35 milliards d’euros – ce qui est loin d’être une somme modeste – représentent tout de même pas mal d’argent injecté dans l’économie. Entre 60 et 70 % sont en effet non consomptibles. Les 0,1 % représentent 2 milliards, soit, sur 4 ou 5 ans, 8 à 10 milliards d’euros, conformément à votre calcul.

Les 500 millions de gage correspondent aux 22 milliards d’emprunt effectif, monsieur Mariton.

Je vous invite, monsieur Martin-Lalande, à mener le débat avec Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique, car je crains que mes réponses sur ces sujets n’aient pas d’intérêt.

Le déficit de départ est certes important, monsieur Muet. Nous sommes passés de 3,4 à 8,2 points de PIB, mais l’Allemagne est passée de 0 à 6 points de PIB. Toutes les économies souffrent beaucoup.

Pour ce qui est de l’effet de levier, monsieur Carré, nous maintenons l’objectif de 25 milliards de fonds privés venant s’agréger aux 35 milliards d’euros.

M. le président Didier Migaud. Peut-être pourrions-nous nous revoir brièvement la semaine prochaine, madame la ministre, pour que vous apportiez les réponses aux questions qui vous ont été posées.

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* *

AUDITION DE M. RENÉ RICOL,

COMMISSAIRE GÉNÉRAL À L’INVESTISSEMENT

Lors de sa séance du 26 janvier 2010, la Commission entend M. René Ricol, commissaire général à l’investissement, sur les modalités de l’emprunt national.

M. le président Didier Migaud. Chers collègues, nous recevons aujourd’hui René Ricol, accompagné de Jean-Luc Tavernier, que chacun ici connaît, Philippe Bouyoux et Pascale Ullmo.

Nous avons déjà entendu René Ricol comme médiateur du crédit. Nous l’accueillons maintenant en qualité de commissaire général à l’investissement, anticipant de quelques heures sur sa nomination qui sera effective demain, pour l’entendre sur les modalités de l’emprunt national.

Le projet de loi de finances rectificative pour 2010, qui nous a été présenté par les ministres Christine Lagarde et Éric Woerth, porte à titre principal sur les 35 milliards d’euros de dépenses qui seront consacrés aux investissements d’avenir, dont la mise en œuvre est confiée au Commissariat général à l’investissement, chargé de coordonner les travaux interministériels sous l’autorité du Premier ministre. L’audition du commissaire général doit nous permettre d’éclairer l’examen du collectif budgétaire, auquel nous devons procéder demain.

M. René Ricol, commissaire général à l’investissement. Avec Jean-Luc Tavernier, appelé à devenir commissaire général-adjoint, et Philippe Bouyoux, qui a été le rapporteur de la commission Juppé-Rocard, nous sommes en train de déterminer, parmi les cinq priorités nationales assignées au grand emprunt, un découpage opérationnel sur le plan de la gestion. Par exemple, les projets de développement durable de nature industrielle seront regroupés avec ce qui relève des intérêts généraux de l’industrie.

Afin de constituer notre équipe, nous sommes en train de négocier avec deux structures de chasseurs de tête, qui seront chargées de trouver deux types de profils, pour les pôles opérationnels et pour les comités consultatifs très resserrés placés auprès des pôles. Il s’agit de recruter les meilleurs, en provenance de la fonction publique ou du secteur privé, de la France ou de l’étranger, pourvu qu’il n’y ait pas de risque de conflit d’intérêts. En effet, mon équipe ne pourra pas être compétente sur tous les sujets, et notre rôle est d’abord de « challenger » tout ce qu’on nous proposera. Nous nous efforcerons d’effectuer ces recrutements en toute transparence, en dehors de toute influence de tel ou tel lobby, afin de disposer des personnalités les plus indépendantes possible.

Une fois que nous aurons identifié les meilleurs, un comité de nomination examinera ces candidatures et s’assurera que ces personnes sont capables de travailler ensemble au sein d’une petite équipe – trente personnes au maximum. Les comités consultatifs ne devront pas compter plus de sept à dix personnes. Le type de profil que nous recherchons pour ces comités est celui de jeunes retraités extrêmement compétents, prêts à nous faire bénéficier de leur savoir-faire. Par leur importance en effet, ces projets exigent une grande disponibilité.

Voilà pour la constitution de l’équipe. J’en viens aux modalités d’instruction des projets, qui sont assez complexes, l’opérateur étant dans certains cas acteur, dans d’autres cas un simple relais financier. Pour simplifier, nous proposerons à chaque opérateur un cahier des charges, l’objectif numéro un étant de verser les dotations par tranches, afin que le Commissariat général puisse contrôler l’utilisation de ces fonds et ne pas délivrer la deuxième tranche lorsque les objectifs visés par la première ne seraient pas atteints. Nous en rendrons compte à votre commission et serons à votre complète disposition pour répondre sur tous les points que vous souhaiteriez.

En ce qui concerne les appels à projets des opérateurs, nous n’attendrons pas que ceux-ci aient été soumis à l’examen d’un jury international pour donner notre avis au Premier ministre. Nous demanderons à être associés à tous les stades du montage du projet : d’où l’intérêt des comités consultatifs. Ce n’est donc qu’une fois validé par nous que le projet sera soumis à un jury international.

Notre troisième grand objectif est la constitution d’« écosystèmes » et l’incitation au travail en réseau, dans la perspective de favoriser la restructuration industrielle. À partir des compétences qui existent dans notre pays et de la capacité des opérateurs à nous proposer les meilleurs projets, nous devons créer les champions de demain. Ceci suppose que chaque subvention, chaque prêt, chaque participation, chaque garantie bancaire s’accompagne d’une incitation au regroupement de compétences complémentaires – dans le cas d’OSEO par exemple, qui recevra en tout deux milliards d’euros, il pourra s’agir des compétences des CODEFI spécialisés dans le stratégique, ou de celles du corps des mines.

Nous favoriserons ces « écosystèmes » notamment dans le domaine du développement durable, où il a été prouvé que des projets isolés pouvaient être plus coûteux que bénéfiques sur le plan écologique. La constitution de tels réseaux induit de travailler en très grande proximité avec les territoires. Il s’agira de trouver la personne capable, comme Nicolas Jacquet en matière de médiation, de garantir l’efficacité des projets en assurant la mobilisation la plus large sur le terrain.

Ces écosystèmes devront être recherchés également dans le domaine de l’enseignement supérieur, où les universités seront incitées à travailler ensemble.

Dernier élément, nous demanderons à ce que tous les contrats comportent systématiquement des indicateurs objectifs permettant de mesurer les résultats des projets. N’étant que des intermédiaires entre les porteurs de projets et vous, d’une part, à qui nous devons rendre des comptes, et le conseil de surveillance, d’autre part, nous solliciterons votre avis sur ce point.

Plus généralement, notre volonté est de travailler de façon étroite avec les commissions compétentes de l’Assemblée du Sénat afin d’enrichir notre réflexion.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Si j’ai bien compris, l’ensemble des fonds doit être intégralement versé aux opérateurs dès l’exercice 2010, les programmes créés à cette occasion étant appelés à disparaître après 2010. Comment en sera assuré le suivi ultérieur ? Vous avez évoqué un versement par tranches. Or, en tout état de cause, les fonds quittent le budget de l’État, même s’ils sont placés sur des comptes du Trésor.

S’agissant de projets qui s’étalent sur plusieurs années, comment vérifier l’exécution dans la durée des conventions qui seront passées entre l’État et les différents opérateurs ? La question se pose d’autant plus que les opérateurs seront très nombreux : si le texte lui-même n’en identifie qu’une douzaine, il y a aura des « sous-opérateurs », notamment en matière d’enseignement supérieur. Ainsi, l’Agence nationale de la recherche, l’ANR, destinatrice de plus de la moitié des 35 milliards d’euros, devra les redistribuer à des structures qui restent à créer.

Quel sera le calendrier de signature de ces conventions ?

Dans le projet de loi de finances, le degré de détail de la répartition des crédits des différentes missions concernées est très variable selon les secteurs : comment articulerez-vous cette répartition avec les appels à projets ?

Le rapport Juppé-Rocard propose que certaines dotations soient consomptibles, d’autres non, et que les dotations consomptibles ne soient pas versées en une seule fois. Or rien de tel ne figure dans le projet de loi de finances. Quel est votre sentiment à ce sujet ?

Par ailleurs, seuls les intérêts des dotations non consomptibles alimenteront les structures bénéficiaires de ces dotations, à des taux définis, de façon unilatérale et au cas par cas, par arrêté ministériel. Le Commissariat général aura-t-il quand même son mot à dire ? En effet, ces dotations peuvent varier considérablement selon leur taux de rémunération. Y aura-t-il un taux unique ou sera-t-il différencié en fonction des priorités ?

Je voudrais vous interroger particulièrement sur l’ingénierie financière qui présidera à la gestion des fonds destinés à l’ANR. Pour avoir rencontré son équipe dirigeante, je peux vous dire qu’il s’agit pour eux, qui géraient quelques centaines de millions d’euros, d’un changement d’échelle très brutal. Comment le commissariat général assurera-t-il le suivi des fonds qui auront été redélégués par l’ANR ? Nos universités et les futurs pôles d’excellence sont-ils outillés pour instaurer le fonctionnement en réseau, notamment avec les pôles de compétitivité, que vous appelez de vos vœux ?

Je voudrais également qu’on réfléchisse aux moyens d’associer le Parlement au contrôle des fonds au regard des objectifs fixés et selon des indicateurs que nous mettrons en place. Cela rend d’autant plus nécessaire le versement par tranches. Il faut souligner en effet qu’il s’agit de sommes considérables, qui multiplient par deux, trois, voire dix les moyens de certains secteurs ! Je pense notamment au numérique.

Enfin, je veux souligner que l’approche décrite, par appels à projets, me semble très intéressante, très innovante, bien différente des méthodes de débudgétisation dont nous avons l’habitude. Mais je veux aussi insister sur la nécessité d’un suivi extrêmement vigilant, selon des critères à inventer, susceptibles de mesurer l’efficacité des dépenses engagées.

M. Jérôme Cahuzac. Pour financer ces dotations, l’État lancera un appel au marché à hauteur de 22 milliards d’euros. Les dotations non consomptibles devant être rémunérées par le Trésor, ces intérêts se cumuleront à ceux qu’il devra sur les 22 milliards. Quelle sera la facture finale pour l’État ?

Ma deuxième question portera sur l’information du Parlement, puisque nous n’en sommes plus à contrôler – il suffit pour s’en convaincre de voir le sort réservé à nos demandes de commission d’enquête. Mais nous pouvons encore espérer être informés ! selon quelles modalités ?

M. Jérôme Chartier. Vous avez fait du versement par tranches l’objectif numéro un. N’est-ce pas plutôt l’objectif numéro deux, la sélection des projets étant le premier objectif ?

S’agissant de l’organisation de cette sélection, vous évoquez la possibilité de recruter des étrangers au sein des comités consultatifs. Est-il opportun que des étrangers, même si leur compétence est incontestable, participent à la sélection de projets nationaux, affectant directement les intérêts de l’État français et de la population française ? N’y aurait-il pas par essence un conflit d’intérêts ?

Si chaque comité consultatif compte sept à dix personnes, les priorités stratégiques étant au nombre de cinq, le Commissariat devra compter de quarante-deux à cinquante personnes : comment réorganisez-vous ces cinq thèmes pour parvenir à la fourchette de vingt à trente ?

Certes, je reconnais que les jeunes retraités ne manquent ni de vaillance, ni de connaissance. Mais ne serait-il pas utile de leur associer de jeunes potentiels, dont la pratique des nouvelles technologies et des investissements d’avenir pourraient utilement compléter le savoir et l’expérience des jeunes retraités ?

M. Charles de Courson. J’ai trois questions à vous poser, monsieur le commissaire général.

À chaque fois qu’il innove, l’État français crée une structure nouvelle. Or, pour partie, ces nouvelles dotations, à hauteur d’une dizaine de milliards d’euros, vont s’additionner à des dotations déjà existantes. Il pourra arriver que les crédits d’une mission relèvent, pour une part, du ministre en charge de la dotation de base, pour une autre, de celui en charge de la relance, et enfin, pour une troisième part, de vous-même. Comment comptez-vous articuler ces différents niveaux ? Faudra-t-il nommer une autre personne pour coordonner vos actions ?

Tel qu’on nous l’a présenté, le grand emprunt a tout d’une usine à gaz : à une dizaine de milliards d’euros de dotations consomptibles, en provenance du budget de l’État, s’ajoutent une vingtaine de milliards, dont la rémunération bénéficie aux opérateurs. Serez-vous ordonnateur principal ou secondaire des dotations consomptibles ? Selon quel échéancier seront distribués les 35 milliards d’euros ? Quelle sera la vitesse de consommation de ces deux types de dotations ?

Dans sa présentation des quatorze nouveaux programmes, le projet de loi de finances donne aux collectivités locales la possibilité d’abonder les fonds provenant de l’emprunt national, notamment à travers OSEO. Comment envisagez-vous les négociations avec les conseils généraux et les conseils régionaux qui doivent permettre cet abondement ?

M. Hervé Mariton. Le chiffrage des résultats que vous évoquez, monsieur le commissaire général, n’a d’intérêt que s’il y a eu évaluation en amont. Quel sera le rôle du Commissariat général dans cette évaluation ? Définira-t-on à cette occasion ce qu’est la dépense d’avenir ?

Quelle sera la part respective des opérateurs et du Commissariat dans la sélection des projets ?

La répartition des crédits entre dotations consommables et non consommables est-elle définitive, ou est-elle appelée à évoluer, éventuellement sur proposition du Commissariat général ? À ce propos, cette répartition recouvre-t-elle la distinction entre crédits distribués et crédits non distribués ?

Le Commissariat général considère-t-il comme relevant de sa mission de signaler à l’attention de l’exécutif, voire à la nôtre, les projets qui ne semblent pas relever de la logique du grand emprunt ?

Quelle possibilité aurons-nous d’assurer le suivi des projets retenus ? Je suppose que certaines propositions n’ont pas été retenues dans le cadre du collectif budgétaire. La nouvelle étape consistant à poursuivre ce travail de sélection des projets dans un champ plus restreint, il serait intéressant de connaître la motivation de ce premier tri. Connaître cette « jurisprudence » nous permettrait de mieux comprendre les positions du Commissariat général.

M. Jean-Michel Fourgous. Monsieur le commissaire général, l’emprunt souscrit a-t-il bien pour objet la croissance du PIB marchand ? Nous avons besoin non seulement de croissance mais d’« hypercroissance ».

Alors qu’il apparaît que 50 % de la croissance mondiale aura pour origine le développement des technologies du numérique, j’ai été surpris de constater le peu d’importance attribué à la modernisation de l’outil pédagogique français. Comme vous le savez, nous sommes très en retard : en 2009, 27 500 titres d’ingénieur ont été décernés en France, pour 600 000 en Chine. La modernisation du modèle éducatif français est donc bien l’enjeu de la croissance.

La révolution de la pédagogie que provoque le numérique entraîne l’augmentation de la motivation des jeunes, de leur concentration et de leur participation. Pour la première fois, les enseignants transforment leurs méthodes pédagogiques : leur traditionnel face-à-face avec les élèves est remplacé par un travail à côté d’eux, sur projet. Il résulte de cette modernisation, encourageante, de notre modèle scolaire un accroissement de la productivité et de la qualité de la pédagogie française. Je rappelle que la France n’est actuellement qu’en 69ème position dans le classement au test TOEFL – Test of english as a foreign language ! L’apport du numérique aux méthodes pédagogiques a aussi des répercussions en matière de lutte contre l’échec scolaire, notamment dans les quartiers défavorisés. Eu égard à son impact sur la formation de nos jeunes, notamment dans les disciplines scientifiques, nous sommes étonnés que sa part au sein des crédits que vous gérez ne soit pas plus importante.

Enfin, vous êtes-vous bien assuré, monsieur le commissaire général, de l’équilibre entre acteurs du secteur privé et du secteur public dans la composition des comités d’engagement des organismes gestionnaires ? Ayant été moi-même successivement fonctionnaire et chef d’entreprise, j’ai pu vivre le choc culturel du passage de l’un à l’autre.

M. Daniel Garrigue. Votre titre, monsieur le commissaire général, ne peut manquer de faire penser au Commissariat général au Plan. Trois notions sont sous-jacentes à votre action : la cohérence, la durée et la mobilisation.

Comment allez vous assurer la cohérence de l’équipe – fournie – que vous recrutez avec celles des organismes gestionnaires – OSEO, la Caisse des dépôts et consignation et les organismes qui en dépendent, comme le Fonds stratégique d’investissement – FSI –, l’ANR – et celles des différents ministères ?

Puisque vous allez procéder par tranches, sur quelle durée pensez-vous attribuer celles-ci ?

Pour la mobilisation, vous privilégiez l’instrument de l’appel à projets. Cependant, favoriser des regroupements d’entreprises, comme vous le souhaitez, passe par d’autres procédures. Lesquelles pensez-vous utiliser ?

Enfin, autant il me paraît judicieux, en créant des jurys internationaux, d’élargir le champ de recrutement des personnalités qui auront à se prononcer, autant la dimension européenne me semble absente de votre démarche. Pour quelles raisons ne recherchez-vous pas une cohérence avec les programmes créés par l’Union européenne, notamment le programme-cadre de recherche et développement – PCRD ?

Mme Chantal Brunel. Une ligne budgétaire destinée aux frais de fonctionnement du Commissariat général a-t-elle été instituée ? Si oui, les fonds qui y sont affectés sont-ils prélevés sur le montant du grand emprunt ?

Pourquoi créer une nouvelle administration ? N’aurait-il pas suffi d’affecter à ces nouvelles tâches des hauts fonctionnaires déjà en poste, aidés, à titre bénévole, de personnalités compétentes et qualifiées?

Enfin, quel sera le montant nécessaire aux rémunérations des personnalités recrutées – et qui ne le seront que pour un temps déterminé puisque le Commissariat général a vocation à disparaître une fois les crédits du grand emprunt consommés.

M. le président Didier Migaud. Monsieur le commissaire général, vous comprenez bien que beaucoup des questions portent sur votre rôle, l’organisation du Commissariat général et la valeur ajoutée qu’il pourra apporter au regard de structures existantes. Pour le pilotage du plan de relance, un ministère a été créé. Pour celui du grand emprunt, on a mis en place un commissariat général, pourvu d’une structure propre. Cela signifie-t-il que, par le passé, l’État ne savait pas décider et gérer avec sagacité ses investissements ? L’organisme que vous aller diriger constitue-t-il une couche supplémentaire d’un millefeuille administratif préexistant ? Quelles que soient nos divergences ou convergences sur le grand emprunt, nous pensons qu’une gouvernance efficace de l’utilisation des crédits levés est essentielle.

M. René Ricol. La cohérence, la durée et la mobilisation, autant de termes qui conviennent au rôle que doit jouer le Commissariat général.

Au-delà de l’attribution des crédits du grand emprunt, le Commissariat général a en charge la cohérence de l’ensemble des investissements de l’État dans les domaines entre lesquels ces crédits sont répartis. Chaque fois, notre première action sera d’identifier les budgets alloués aux opérateurs ou aux porteurs de projets avec lesquels nous serons en relation.

Considérer que nous allons dépenser sur la durée 35 milliards d'euros est doublement faux. D’abord, grâce aux effets de levier que nous allons rechercher, c’est une dépense de 60 milliards d'euros que nous espérons provoquer. Inversement, nous ne dépenserons pas le principal de la partie non consomptible
– je préfère cette expression à celle de non consommable parce que ce principal ne se détruira pas par l’usage – mais seulement les intérêts que celui-ci produira.

La mobilisation est peut-être la raison d’être fondamentale du Commissariat général : il nous revient de veiller à ce que tous les acteurs travaillent ensemble, et qu’ainsi, monsieur Cahuzac, la création d’une commission d’enquête ne soit pas nécessaire.

S’agissant des coûts de fonctionnement du Commissariat général, madame Brunel, je précise que, dépendant du Premier ministre, nous ne disposons pas de budget propre. Je suis moi-même bénévole, aux termes d’une règle que je me suis fixée et que j’avais exposée lors de ma nomination comme médiateur du crédit.

M. Jérôme Cahuzac. Vous travaillez plus sans gagner plus !

M. René Ricol. Je suis payé par l’intérêt du travail qui m’est confié. Pouvoir être reçu par votre commission en fait partie. Plus précisément, mon indépendance est ainsi garantie.

Le coût de la structure sera limité ; ainsi, les deux personnes qui m’assistent aujourd’hui sont déjà payées par l’Inspection des finances. Nous allons nous efforcer d’être consommateurs de compétences plutôt que de crédits. J’ajoute que, dans certains domaines, il nous faudra sans doute nous adjoindre des compétences privées.

Monsieur Chartier, si, dans la description de notre méthodologie, j’ai placé en première priorité, avant même les projets, la répartition des crédits par tranches, c’est que ma longue expérience de comptable m’a appris qu’en laissant mettre en avant les projets on était assuré de perdre le contrôle de son action. L’argument des porteurs de projets est chaque fois le même : le projet est si essentiel qu’il ne peut être que financé.

Poser comme principe – je réponds en même temps à M. le rapporteur général – que les fonds extraits du budget général, mais toujours inscrits dans les comptes du Trésor – ils ne seront pas versés sur les comptes bancaires des opérateurs, qui ne pourront donc pas les dépenser eux mêmes –, ne seront mis à disposition que par tranches constitue une sécurité absolue. Toute autre procédure garantit que, d’ici à un an et demi, l’ensemble des fonds sera dépensé. Même si le découpage en tranches comporte des aspects artificiels, le Commissariat général n’acceptera pas, quelques exceptions mises à part – elles sont déjà quasiment toutes inscrites au sein du projet de loi de finances rectificative –, de s’engager sur d’autres modalités d’attribution –qu’il s’agisse de crédits consomptibles ou non, sur une durée de quatre ou cinq ans.

Cela dit, les demandes de rendez-vous sont innombrables et nous sommes frappés de voir certains entrepreneurs, parfois des tenants purs et durs du capitalisme, espérer quelque subvention à partir de cet emprunt. Il n’y aura pas de subvention. Pour s’en assurer, le principe de l’étalement dans le temps doit être institué, ce qui doit nous permettre de faire état de critères objectifs.

Une fois les crédits répartis par tranches, nous examinerons les projets. Et, sauf décision du Parlement, le projet génial, unique, porteur de la solution universelle, ne sera pas retenu. Nous devons nous assurer d’une utilisation efficace des montants en jeu, lesquels sont d’autant plus considérables qu’ils s’additionneront à ceux déjà inscrits dans le budget de l’État.

Ainsi, par exemple, les projets de création d’internats d’excellence sont déjà nombreux. Pour des raisons en partie personnelles, j’y suis très favorable. Reste qu’une discussion préalable est nécessaire. Faut-il créer de toute pièce des internats réservés à la diversité ? Faut-il plutôt identifier les internats efficaces et réfléchir aux moyens de leur extension ? Compte tenu du nombre actuel de projets, il serait possible d’engager dès à présent tous les crédits disponibles. Or, si nous ne procédions pas par tranches, aussi bien le Commissariat général que le Parlement seraient dépossédés de tout pouvoir de contrôle.

Monsieur Mariton m’a interrogé sur les modalités d’un contrôle en aval. Avant même notre nomination, nous avons beaucoup bataillé pour que le projet de loi de finances rectificative ne soit pas trop précis sur tout : nous souhaitons que les avant-projets nous soient soumis afin de pouvoir procéder à des éliminations dès ce stade – décision que nous pourrons ensuite expliquer devant votre commission. Le projet qui vous est soumis prévoit la création d’un certain nombre de jurys indépendants ; or, une fois que ces jurys auront voté sur les projets, comment prendre une décision différente de la leur ? Notre influence ne pourra donc s’exercer qu’en amont.

Monsieur Chartier, votre question sur l’international est essentielle. Notre équipe comprendra un déontologue, qui sera notamment chargé des questions de conflits d’intérêts. Aussi bien dans les jurys que dans les comités consultatifs qui nous aideront à instruire les dossiers, nous ne nommerons pas de personnes susceptibles de se trouver en conflit d’intérêts avec leur propre pays. Pour autant, il faut s’ouvrir.

Pour illustrer mon propos, je vais prendre un exemple. Aujourd’hui, des universités françaises postulent au statut d’université d’excellence, alors même qu’elles n’ont pas gardé une seule place de libre pour un étudiant étranger. Aussi, avant de distribuer les crédits qui nous ont été confiés, nous voulons prendre le temps de nous assurer d’évolutions positives. Le guide de notre action sera la capacité des universités à nous montrer comment elles entrent dans un système interactif, à nous décrire les mécanismes qui permettront à un étudiant inscrit dans une université d’excellence d’obtenir, en parallèle à son diplôme français, un diplôme étranger reconnu, à Shanghai ou à Londres, et à nous exposer comment elles participeront ainsi à rendre le système français attractif. Les universités françaises devront nous montrer qu’elles sont capables de réussir une mutation aussi spectaculaire que celle réalisée par cette université italienne qui attire désormais de nombreux étudiants étrangers – chose encore impensable il y a trois ans. Pour juger d’une telle évolution, nous avons besoin des avis de spécialistes étrangers. C’est pourquoi je vais m’efforcer d’attirer dans nos comités Sir Howard Davies, le directeur de la London School of economics. J’ai besoin qu’un spécialiste étranger reconnu indique s’il est prêt à apporter sa reconnaissance à un dispositif présenté par une université, à attribuer une équivalence de diplôme. S’il refuse, le dossier sera rejeté.

Monsieur Fourgous, alors que nombre de jeunes issus d’écoles de commerce ou d’écoles de marketing international restent sans emploi, nous manquons d’ingénieurs. J’ai constaté ce déficit tous les jours dans mes fonctions de médiateur du crédit. La place des formations d’ingénieurs sera donc l’une des questions que nous poserons aux porteurs de projets.

Nous instruirons le mieux possible les dossiers, sachant qu’in fine, non seulement pour le choix de l’opérateur, mais aussi pour la sélection des projets les plus importants, le décideur sera le Premier ministre, et que nous opèrerons sous le double contrôle du Parlement et d’un conseil de surveillance.

Notre maîtrise des textes n’est à ce jour pas totale – tout cela est trop récent. Il me semble cependant que l’intérêt de votre commission et celui du Commissariat général sont liés : un droit de regard du Parlement étendu et facile à exercer sera le signe pour nous de bonnes conditions d’efficacité.

Compte tenu des nombreuses structures déjà existantes, notre institution est-elle superfétatoire ? Je ne le pense pas. Ainsi, en matière de développement durable, nous avons demandé à des spécialistes quelle pourrait être l’organisation de notre dispositif dans ce domaine : eh bien, nous avons retenu de la réunion que nous avons eue avec eux que même les spécialistes de ce secteur ne s’y retrouvaient plus !

J’aborde ma nouvelle tâche dans l’esprit qui a été le mien quand m’a été confiée la mission de médiation du crédit. Son succès a dû beaucoup au travail de mise en réseau de tous les acteurs. De ce fait, aucun n’a pu s’attribuer à lui seul la réussite d’une opération, puisque celle-ci a toujours été partagée. Nous n’excluons cependant pas de proposer quelques simplifications dans l’organisation de l’État. Dans certains cas, par souci d’efficacité, nous souhaiterions juste savoir avec qui nous travaillons : il n’est pas facile de contracter avec des interlocuteurs dont nous ne comprenons pas la nature réelle de la tâche.

Enfin, monsieur le rapporteur général, la conception que j’ai de la mission qui m’est confiée exclut toute automaticité entre le vote de crédits, même dotés d’un objet extrêmement précis, et leur versement à des opérateurs. J’ai exposé à tous les interlocuteurs que j’ai rencontrés, même lorsqu’ils sont des interlocuteurs uniques dans leur domaine, qu’ils n’avaient droit à rien, que les dossiers seraient instruits. Cela vaut particulièrement dans les secteurs comme l’aéronautique, l’automobile ou le nucléaire, où les acteurs sont peu nombreux. Je n’oublie pas mon expérience antérieure : les opérateurs devront d’abord nous montrer quels « écosystèmes » ils construisent et nous prouver qu’ils n’oublient pas les sous-traitants, quel que soit leur rang. Dans bien des cas, la réussite est la conséquence d’un assemblage. Bref, il n’y aura pas de « droit de tirage ». Et pour que les crédits puissent être refusés et que le Commissariat général soit crédible, les fonds doivent être alloués par tranches. Dans certains cas, cette méthode, je le sais, peut revêtir un caractère critiquable, voire artificiel, mais si un tel principe n’est pas posé d’entrée, aucun contrôle ne sera possible.

M. le rapporteur général. La mise en place d’un tel dispositif va prendre du temps, un an au moins.

M. René Ricol. Les crédits doivent normalement être alloués aux opérateurs au cours de l’année 2010. Nous allons nous efforcer de faire au mieux. Cependant, si, compte tenu du mode de fonctionnement de certains acteurs, du retard est pris, nous n’allons pas nous obliger à affecter coûte que coûte les crédits restants avant la fin de l’année 2010.  Si ce délai ne suffit pas, il appartiendra au Premier ministre de demander à la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, Mme Lagarde et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, M. Woerth, de revenir vers vous pour une allocation en 2011 des crédits restants.

Pour autant, nous allons tout faire pour que, en 2010, les opérateurs connaissent – à défaut d’en disposer effectivement – les crédits qui leur seront alloués et que, à défaut d’être forcément approuvés, les appels à projets soient lancés. Certains opérateurs, nous le savons déjà, nous poseront des difficultés particulières et n’accepteront pas tous les contrats globaux que nous leur proposerons : dans ces cas, ils devront attendre.

M. Jérôme Chartier. Après l’explication que vous venez de donner sur l’allocation des crédits par tranches, je me range à vos arguments et je souscris pleinement à votre objectif n° 1. Eu égard aux montants gérés, votre méthodologie est impeccable.

Vous avez établi un parallèle avec vos fonctions précédentes. Mais la gestion des crédits du grand emprunt dépasse le rôle que vous aviez confié à M. Nicolas Jacquet. Ainsi, le lancement d’un programme d’investissement dans un réseau de prises pour des voitures électriques est une action d’une autre ampleur que l’accompagnement du crédit : les engagements nécessaires sont très lourds. Il vous faudra élaborer une méthodologie pour engager les régions dans des investissements structurants, de façon à ce que les projets tels que le développement du parc de voitures électriques puissent aller à leur terme.

M. René Ricol. Dans mes fonctions de médiateur du crédit, la contractualisation région par région m’a fait perdre beaucoup de temps. Pour cette raison, je souhaiterais que, après les élections régionales, un accord global sur la méthode puisse être trouvé via l’Association des régions de France. Beaucoup de temps serait ainsi gagné, et le contrôle du Parlement facilité.

Mme Marie-Anne Montchamp. Votre exposé, monsieur le commissaire général, était passionnant. Pour la deuxième fois, vous venez nous présenter une fonction d’opérateur émergente dans notre économie.

La forme juridique des bénéficiaires des fonds a-t-elle été précisément définie ? Qui pourront-ils être ?

Notre collègue Fourgous a évoqué le PIB marchand. Ne serait-il pas possible de raisonner en termes de PIB intégral ou de PIB prenant en compte au moins une partie des préconisations du rapport Stiglitz ?

M. René Ricol. Vous posez là une question pertinente. Ma charge est de veiller à la meilleure utilisation possible du grand emprunt, mais personne ne peut ignorer l’homothétie des courbes de la croissance et de l’endettement des ménages. L’objectif du dispositif du grand emprunt, c’est la création de croissance.

Je ne me laisserai pas convaincre par des arguments d’apparence. Ainsi, celui du quadruplement du nombre de brevets m’a été présenté. Toutefois, dans bien des cas, après avoir été déposé et connu un début d’exploitation, un brevet est acheté par un laboratoire, souvent étranger. Nous allons donc nous intéresser non seulement à l’accroissement du nombre de brevets déposés, mais aussi au développement de leur exploitation et à la création d’emplois et de richesse qu’ils permettent.

Nous allons également travailler à la conclusion d’accords avec les pôles de compétitivité. Nous savons aujourd’hui quels sont les pôles efficaces et ceux qui ne le sont pas. Nous n’attribuerons pas un euro à ceux dont nous constatons qu’ils ne sont pas efficaces : pour que nous travaillions avec eux, il faudra qu’ils le deviennent.

M. Hervé Mariton. Comment la répartition entre crédits consomptibles et crédits non consomptibles va-t-elle évoluer ?

M. René Ricol. Nous allons essayer de nous en tenir à la répartition actuelle de 60 % de crédits non consomptibles et 40 % de crédits consomptibles.

Dans le rapport que nous ferons l’an prochain, le point sera fait sur la pertinence de cette répartition.

À ce jour, si nous n’avons procédé qu’à très peu d’entretiens, nous avons été assaillis d’appels et de nombreux projets nous ont été adressés. Cependant, comme nous ne sommes pas encore rentrés dans une démarche d’examen systématique, je n’ai pas d’opinion sur la répartition. Toutefois, nous l’analysons comme un élément contraignant. Et si nous constatons que nous ne pouvons pas la respecter – aujourd’hui, elle nous semble grosso modo pouvoir l’être –, nous le signalerons.

M. Charles de Courson. Êtes-vous ordonnateur ?

M. René Ricol. Non. Ce sont les opérateurs qui seront ordonnateurs des contrats validés par le Premier ministre. Cependant, nous avons beaucoup tenu à l’instauration d’un double contrôle sur les projets les plus importants : dans ces cas, non seulement les opérateurs seront tenus par les contrats signés – nous nous assurerons de leur application –, mais, de plus, le « pilote dans l’avion » sera le Premier ministre. De nombreux domaines relèvent en effet de la compétence de plusieurs ministres.

J’espère que nous disposerons d’éléments suffisants chaque fois que nous viendrons vous rendre compte de notre action.

M. le président Didier Migaud. Je suis en effet convaincu que plusieurs occasions de rencontre s’offriront à nous.

Je vous remercie.

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EXAMEN DES ARTICLES

PREMIÈRE PARTIE

CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER

TITRE PREMIER

DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES

Avant l’article premier

La Commission est saisie de l’amendement CF 37 de M. Jérôme Cahuzac, portant article additionnel avant l’article premier.

M. Jérôme Cahuzac. Nous voudrions profiter de ce premier projet de loi de finances rectificative pour tenter de revenir sur la fiscalisation des indemnités journalières allouées aux victimes d’accidents du travail. La disposition prévue initialement a été en partie corrigée, mais de manière insuffisante.

Nous connaîtrons bientôt le bilan des mesures relevant du bouclier fiscal. Nos concitoyens seront sans doute frappés par la disproportion entre le coût important qu’elles représentent pour l’État et le faible bénéfice qui résulte de la taxation des salariés.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général. Avis défavorable. Nous sommes parvenus à un système équilibré, grâce à l’amendement de Mme Montchamp, qui a permis de distinguer, au sein des indemnités, l’indemnisation du préjudice proprement dit et la compensation – ou revenu de remplacement –, qui seule sera soumise à l’impôt.

La Commission rejette l’amendement CF 37.

La Commission examine l’amendement CF 24 de M. Jérôme Cahuzac.

M. Jérôme Cahuzac. L’amendement vise à supprimer l’exonération des heures supplémentaires instaurée par la loi TEPA. Quand la mesure a été présentée au Parlement, Mme la ministre des finances nous a assuré qu’elle escomptait un « choc de croissance, un choc de confiance ». Qu’en est-il aujourd’hui ? Les entreprises recourent-elles davantage aux heures supplémentaires ? Celles-ci ne compromettent-elles pas d’éventuelles embauches ? Le système mis en place ne contribue-t-il pas, en définitive, à aggraver le chômage ?

M. le Rapporteur général. Avis défavorable. Nous ne souhaitons pas revenir sur l’exonération des heures supplémentaires. La semaine prochaine, le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques établira son programme de travail pour 2010. Il prendra vraisemblablement en compte la demande du groupe socialiste, qui souhaite disposer d’un bilan de cette disposition.

M. Jérôme Cahuzac. Avez-vous une idée de ce qu’a représenté son coût en 2009 ?

M. le Rapporteur général. Son coût est de 4,2 milliards d’euros en 2009, ce qui est inférieur au montant envisagé initialement.

M. Jérôme Cahuzac. Le dispositif pourrait se justifier en période de croissance ; mais, en période de récession ou de stagnation, il nous semble procyclique au lieu d’être contracyclique, c’est-à-dire qu’il contribue à augmenter le chômage. En outre, sa suppression rapporterait au Trésor 22 milliards d’euros, ce qui éviterait de recourir à l’emprunt.

La Commission rejette l’amendement CF 24.

La Commission en vient à l’amendement CF 26 de M. Jérôme Cahuzac.

M. Jérôme Cahuzac. L’amendement vise à revenir sur la suppression de l’attribution d’une demi-part fiscale pour les femmes vivant seules ou ayant élevé seules leur enfant, mesure que l’opinion ne comprend pas et qui, compte tenu de l’évolution du pouvoir d’achat, place nombre de femmes dans une situation matérielle très difficile.

M. le Rapporteur général. Avis défavorable.

M. François Goulard. La mesure, très mal comprise, donne lieu à une contestation qui me semble en partie légitime.

M. Jean-Pierre Brard. Il serait pertinent de revenir sur cette mesure injuste. Le Gouvernement et sa majorité donnent l’impression de s’acharner sur de pauvres femmes, ce qui n’est pas convenable.

M. René Couanau. La mesure, très maladroite, est d’autant plus mal ressentie que notre société est particulièrement sensible à la notion de justice. C’est pourquoi je voterai l’amendement.

M. Daniel Garrigue. Je suis du même avis. Je regrette que l’on n’ait pas maintenu l’avantage, quitte à le plafonner.

M. François Goulard. Il l’est déjà !

Mme Chantal Brunel. Pour information, j’aimerais savoir ce que coûterait à l’État l’adoption de l’amendement.

M. le Rapporteur général. Au total, la demi-part applicable aux femmes seules représente actuellement un coût de 1,7 milliard d’euros.

M. Jérôme Cahuzac. Ce n’est pas la question !

M. le Rapporteur général. Elle continuera de s’appliquer, mais uniquement au bénéfice des personnes qui ont élevé seules un enfant pendant au moins 5 ans.

L’adoption de l’amendement représenterait un coût de 900 millions d’euros pour l’État.

M. Jérôme Cahuzac. Ce n’est pas sérieux ! Ce serait beaucoup moins : peut-être seulement 300 millions.

M. René Couanau. C’est-à-dire un peu moins que la taxation des bonus…

M. le Président Didier Migaud. Je précise que la recette a été apportée en gage pour compenser la baisse de la TVA sur la restauration.

M. Jérôme Cahuzac. In cauda venenum !

M. le Rapporteur général. La réforme que nous avons votée en 2008 – et qui s’appliquera à compter de l’imposition des revenus de 2009 – vise à mettre fin à une incongruité fiscale. Deux personnes divorcées ayant élevé au moins un enfant et vivant seules n’avaient aucun intérêt à se marier, puisque, si elles n’étaient pas veuves mais simplement séparées de leur ancien conjoint, elles bénéficiaient chacune d’une demi-part fiscale supplémentaire. En se mariant, elles perdaient chacune une demi-part, soit une part entière.

Compte tenu de l’augmentation du nombre de personnes seules, ce dispositif mis en place dans les années cinquante pour aider les veuves de guerre a perdu tout son sens. Il apportait même à beaucoup de personnes seules un privilège indu.

Nous abordons régulièrement le sujet depuis des années. Le plafond a déjà été abaissé, en loi de finances pour 2004. Un amendement proposé par M. de Courson a été examiné deux ou trois ans de suite en commission mixte paritaire. Il prévoyait la sortie progressive du dispositif pour les personnes ne pouvant apporter la preuve qu’elles aient élevé seule un enfant pendant cinq ans.

Je sais qu’il est toujours difficile de revenir sur un avantage fiscal, mais celui dont nous parlons représente une véritable niche. On ne peut tenir un discours général de réduction des niches et en revenir à une mesure qui représente un véritable régime de faveur.

M. Jean-Pierre Gorges. Je vous rappelle que nous avons perdu 2,4 milliards de recette en baissant le taux de TVA sur la restauration.

M. Jérôme Cahuzac. Et pour rien !

M. Jean-Pierre Gorges. Que représente, dans ces conditions, une perte de 300 à 600 millions ? Quoi qu’il en soit, à titre personnel, je voterai l’amendement en pensant à ma mère, qui a été veuve très jeune et qui a élevé dix enfants.

M. Jérôme Cahuzac. J’ai entendu l’argument de M. le Rapporteur général qui met en avant l’état de nos finances publiques. Que ne lui est-il revenu en mémoire quand nous avons voté d’autres mesures ménageant des niches fiscales incomparablement plus coûteuses ? Les dispositions dont M. Copé a pris l’initiative ont coûté 20 milliards d’euros en deux ans.

Parmi les quelque 500 niches qui existent dans notre droit, je ne pense pas que celle-ci soit la première qu’il fallait supprimer, car beaucoup de femmes seules connaissent de très grandes difficultés.

M. le Rapporteur général. Plutôt que rétablir la demi-part, il faudrait réfléchir aux possibilités de recycler une partie de l’économie réalisée pour aider les femmes seules en réelle difficulté. Notre système d’assistance est en effet trop général et pas assez ciblé. En l’espèce, le dispositif de la demi-part ne bénéficie qu’aux personnes imposables, alors que certaines, non imposables, méritent d’être aidées davantage.

M. Yves Censi. Notre objectif était manifestement d’aller vers plus de justice, mais l’impact de la mesure n’est pas très clair à cet égard.

Il a été dit que l’adoption de l’amendement coûterait fort cher. Là n’est pas la question. L’exonération est un choix politique. La question du coût de la mesure pour l’État n’est pas la seule à considérer, surtout si la suppression de l’avantage a servi à financer la baisse de la TVA dans la restauration.

M. le Président Didier Migaud. Dans le cadre de la loi de programmation, nous avons adopté une règle de compensation de toute nouvelle dépense fiscale. Il se trouve que, interpellé par certains d’entre nous sur les dispositifs qui permettraient de compenser la baisse de la TVA, le ministre du budget a évoqué cette mesure. Il me paraît difficile de lui reprocher ce qui peut apparaître comme une forme de cohérence.

M. Hervé Mariton. Je ne crois pas que l’état des finances publiques nous permette, chaque fois que nous réalisons une économie, de la « recycler » aussitôt. Je note que l’exposé sommaire de l’amendement mentionne les veufs et les veuves, alors que le dispositif en cause concerne plus généralement les personnes qui se retrouvent seules. Le Rapporteur général peut-il faire le point sur leur situation avant et après le vote de la mesure ? Cette dernière me semble judicieuse, mais il faut s’assurer qu’elle n’aura pas d’effets pervers.

M. Jérôme Cahuzac. Il est temps de s’en préoccuper !

M. Charles de Courson. Il y a dix ans, j’ai été à l’origine de ce débat, qui s’est déroulé en deux temps, tous les amendements qui ont été déposés n’ayant jamais visé qu’à rétablir l’égalité entre les contribuables.

À cette époque, alors qu’un couple marié vivant avec deux enfants disposait de trois parts fiscales, la situation des concubins différait : le père avait une part, plus une part par enfant, comme la mère, soit en tout quatre parts. Autant dire que les couples vivant en concubinage étaient avantagés par rapport à ceux qui étaient mariés. Après bien des débats, nous avons voté un amendement visant à rétablir l’égalité : la demi-part supplémentaire ne profiterait qu’au parent qui élève seul un enfant, les concubins étant désormais traités comme les couples mariés. Le dispositif adopté était juste – la gauche l’a d’ailleurs conservé en arrivant au pouvoir –, mais il ne résolvait qu’une partie du problème : de fait, en vertu du dispositif que nous avions voté, ceux qui n’avaient plus d’enfant à charge conservaient une demi-part à vie. Pour supprimer cette rupture d’égalité, M. le sénateur Marini souhaitait la suppression complète du dispositif. Je suis plus modéré. À mon sens, il faut seulement le réserver aux hommes ou aux femmes qui ont élevé seuls un enfant pendant au moins cinq ans, pour les « récompenser », si je puis dire.

Au bénéfice de ces explications, chacun peut comprendre les dispositions que nous avons adoptées. Je regrette qu’elles aient souvent été présentées de manière erronée. Il faut faire œuvre de pédagogie, et expliquer que nous avons cherché la justice et l’égalité. J’assume la responsabilité de ces dispositions, qui ont d’ailleurs été votées par une grande partie des députés de la majorité et par une partie de ceux de l’opposition.

M. le Rapporteur général. Nous n’allons pas changer de dispositif chaque fois que nous examinons une loi de finances rectificative !

Si nous n’avons pas distingué le cas des divorcés, des séparés et des veufs, c’est parce qu’une décision du Conseil constitutionnel nous interdit de le faire, au nom du principe d’égalité. D’où la proposition de M. de Courson, il y a deux ans, visant à ne maintenir le bénéfice de la demi-part qu’à ceux qui ont élevé seuls un enfant pendant au moins cinq ans. La seule exception que nous avons pu retenir concerne les veuves de guerre.

D’autre part, ceux qui perdront le bénéfice de la demi-part ne la perdront que de manière progressive. Un dispositif en sifflet prévoit un plafonnement à 855 euros en 2010 sur les revenus de 2009, à 570 euros en 2011 sur les revenus de 2010, et à 286 euros en 2012 sur les revenus de 2011.

Je reconnais cependant que l’avantage fiscal existait depuis des décennies. Il était par conséquent entré dans les mœurs, ce qui rend la mesure difficile à expliquer.

La Commission rejette l’amendement CF 26.

La Commission examine ensuite l’amendement CF 16 de M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. L’amendement complète le dispositif de l’article 199 decies du code général des impôts. Il vise à sécuriser les investissements sur les résidences de tourisme en permettant de scinder ce qui relève du mobilier et de l’immobilier. La mesure, qui a reçu un accord de principe du Gouvernement lors du vote de la loi de finances initiale, n’a pu être votée en séance publique pour des raisons matérielles.

M. le Rapporteur général. Je suggère le retrait de l’amendement. Dans la loi de finances rectificative pour 2009 et dans la loi de finances pour 2010, nous avons adopté des dispositions visant à sécuriser ces investissements. Nous avons notamment interdit la requalification au titre des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) dans le cas de l’indexation d’une part minoritaire du loyer sur le chiffre d’affaires.

La disposition devrait trouver place dans l’instruction administrative qui, sur la base des mesures que nous avons votées, précisera la volonté du législateur de supprimer les possibilités de requalification des revenus fonciers tirés de logements ouvrant le bénéfice du dispositif Demessine.

M. Michel Bouvard. Je retire l’amendement, que je représenterai lors de la réunion qui se tiendra dans le cadre de l’article 88 du Règlement.

L’amendement CF 16 est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CF 12 de M. Marc Le Fur.

M. Jean-Yves Cousin. Les contribuables peuvent bénéficier d'une réduction de leur impôt sur le revenu pour les souscriptions au capital de sociétés. Une des conditions posées est que l’entreprise soit une PME au sens communautaire, c’est-à-dire qu’elle emploie moins de 250 personnes ou réalise un chiffre d’affaires annuel n’excédant pas 50 millions d’euros. Nous proposons que l’on s’affranchisse de cette condition en cas d’augmentation de capital prévue par les salariés.

M. le Rapporteur général. Il est préférable de s’en tenir au dispositif de crédit d’impôt sur les sociétés dont bénéficie la société holding dans le cadre d’un rachat d’entreprise par ses salariés. Le dispositif « Madelin » est strictement encadré par les règles de seuil définies au niveau européen, et il me semblerait dangereux de le modifier, d’autant qu’il a été mis en place avant l’adoption de la directive européenne précisant les modalités dans lesquelles une aide peut être apportée aux entreprises. Avis défavorable, donc.

M. Jean-Yves Cousin. L’intérêt de l’amendement – qui ne concerne que les salariés, je le rappelle – serait de favoriser le développement économique en impliquant directement le personnel dans le montage financier d’un rachat d’entreprise.

M. Jérôme Cahuzac. L’amendement est intéressant. Nous connaissons tous, dans nos circonscriptions, des exemples de PME en difficulté dont le seul espoir réside dans le rachat de l’entreprise par les salariés. À cet égard, je ne suis pas convaincu par l’objection du Rapporteur général. Il ne s’agit pas de revenir sur la définition communautaire des PME, mais simplement d’adopter un dispositif facilitant le rachat d’une entreprise par les salariés, quand bien même leur nombre dépasserait légèrement le seuil de 250 retenu par le droit communautaire. Nous n’allons pas opposer une définition formelle à la survie de quelques entreprises !

Par ailleurs, je ne vois pas pourquoi il serait dangereux de modifier le dispositif « Madelin ». Ce serait plutôt une chance, dans la mesure où les salariés auraient de meilleures occasions de reprendre leur entreprise, afin de la sauver et de sauver leur emploi. Si la rédaction n’est pas satisfaisante, pourquoi ne pas présenter à nouveau l’amendement dans le cadre de l’article 88 du Règlement ?

En tout état de cause, l’occasion nous sera donnée de demander au Gouvernement ce qu’il compte faire pour aider les salariés, qui sont aujourd’hui les seuls à se mobiliser pour sauver des entreprises.

M. le Rapporteur général. Le dispositif « Madelin » a été accepté implicitement dans la mesure où il précédait l’adoption par l’Union européenne des règles dites « de minimis ». Cette nouvelle dérogation pourrait entraîner un dépassement des plafonnements introduits par le droit communautaire, ce qui pourrait avoir des conséquences pour l’ensemble du dispositif. Toutefois, je suis prêt à faire expertiser la proposition afin d’en évaluer les risques. Sur le fond, en effet, nous sommes tous d’accord pour favoriser le rachat d’entreprises par leurs salariés.

M. Jean-Yves Cousin. Dans l’attente du résultat de cette expertise, je retire l’amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission examine ensuite l’amendement CF 44 de M. Jérôme Cahuzac.

M. Jérôme Cahuzac. Nous aurons l’occasion d’y revenir en séance publique, mais le coût du dispositif sur les emplois familiaux nous semble excessif au regard des avantages qu’il procure et de l’état de nos finances publiques.

Suivant l’avis défavorable du Rapporteur général, la Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CF 17 de M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Il est destiné à mieux mobiliser les ressources privées en matière de logement locatif.

M. le Rapporteur général. Il existe déjà, pour l’assujettissement à l’impôt sur le revenu, une déduction de 70 % du loyer perçu par le propriétaire dès lors que le logement est loué à un organisme public ou privé dans le cadre d’une convention conclue dans le secteur intermédiaire ou dans le secteur social.

M. Michel Bouvard. Je retire l’amendement.

M. Charles de Courson. Il ne faudrait pas que l’on puisse s’enrichir en donnant !

L’amendement CF 17 est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CF 28 de M. Jérôme Cahuzac.

M. Jérôme Cahuzac. Nous y reviendrons en séance publique : il s’agit d’indexer le barème de la prime pour l’emploi sur le montant de l’inflation.

Suivant l’avis défavorable du Rapporteur général, la Commission rejette l’amendement.

Elle rejette également l’amendement CF 25 du même auteur.

Elle examine ensuite l’amendement CF 21 de M. Jérôme Cahuzac.

M. Jérôme Cahuzac. Cet amendement fait partie d’une série qui prouve qu’il était possible de dégager 22 milliards d’euros sans endetter davantage le pays.

Suivant l’avis défavorable du Rapporteur général, la Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CF 22 du même auteur.

M. Jérôme Cahuzac. L’amendement concerne le plafonnement des niches fiscales.

Suivant l’avis défavorable du Rapporteur général, la Commission rejette l’amendement.

Elle rejette ensuite l’amendement CF 23 de M. Henri Emmanuelli.

Puis elle examine l’amendement CF 35 de M. Jérôme Cahuzac.

M. Jérôme Cahuzac. Le Rapporteur général a rappelé la nécessité de préserver les finances de notre pays. Sensibles à cette préoccupation, nous proposons de revenir sur la niche fiscale « Copé », dont l’application a coûté 20 milliards d’euros ces deux dernières  années.

Suivant l’avis défavorable du Rapporteur général, la Commission rejette l’amendement.

Elle rejette ensuite l’amendement CF 34 du même auteur.

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Article additionnel avant l’article premier

Extension de la réduction d’ISF pour les dons aux organismes de soutien à la création d’entreprises

La Commission est saisie de l’amendement CF 20 de M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Cet amendement reprend une disposition adoptée par l’Assemblée nationale en loi de finances initiale pour 2010 mais qui avait été rejetée par les sénateurs et non rétablie en commission mixte paritaire. Il tend à étendre le bénéfice de la réduction d’ISF pour dons aux dons aux réseaux de soutien à la création d’entreprises, notamment ceux qui aident les chômeurs à créer leur activité.

M. le Rapporteur général. Dès le vote de la loi TEPA, la question s’est posée d’ouvrir le bénéfice de cette réduction d’impôt aux dons effectués à des associations reconnues d’utilité publique (ARUP), mais une telle extension avait paru excessive. Nous avons donc adopté un amendement qui ne concernait que les ARUP agissant dans le domaine de l’entreprise, avec un effet analogue à l’investissement direct dans les PME, mais il n’a pas franchi le cap de la commission mixte paritaire. On pourrait juger inutile de reprendre le débat deux mois plus tard, mais il convient d’encourager la ténacité de Michel Bouvard. Avis favorable, donc.

La Commission adopte l’amendement (amendement n° 4).

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Avant l’article premier

La Commission examine l’amendement CF 45 de M. Jérôme Cahuzac.

M. Jérôme Cahuzac. Le coût, pour le budget de l’État, de l’exonération de droits de succession décidée dans le cadre de la loi TEPA a été de l’ordre de 2 milliards d’euros en 2009. Or cette mesure, loin de concerner les petites et moyennes successions, bénéficie à environ la moitié des plus grosses successions qui restaient frappées de droits en 2007. Sa suppression représenterait donc une économie non négligeable pour le Trésor public.

Je signale que notre Commission a déjà rejeté, à la demande du Rapporteur général, des amendements visant à réaliser un total de plus de 10 milliards d’euros d’économies budgétaires. Une fois de plus, cela prouve qu’il était possible de dégager 22 milliards d’euros pour financer des dépenses d’avenir sans s’endetter davantage.

M. le Rapporteur général. Avis défavorable. Nous aurons ce débat en séance publique. Mais si, un jour, nos collègues socialistes devaient revenir aux responsabilités, je prends le pari qu’ils ne toucheraient pas à ce dispositif, et en particulier à son noyau dur : l’exonération de droits de succession pour le conjoint survivant. La dépense est en effet concentrée sur la ligne directe et sur les conjoints survivants, qui bénéficient d’une part importante de l’exonération. Mais pour les très grosses successions, dès lors que l’on a franchi le seuil des abattements, et pour toutes les successions en ligne indirecte, les taux n’ont pas été modifiés et sont très élevés, ce qui explique les 6,5 milliards de recettes apportées par cet impôt. On ne peut donc parler de démantèlement de la fiscalité sur les successions !

M. Michel Bouvard. Les droits de successions renvoient à une question extrêmement sensible, celle de la capacité de transmettre à ses enfants le fruit de son travail. Mais il est un autre sujet qui mériterait une réflexion : la suppression, décidée au moment de l’institution de l’APA, du recours sur succession – même si cette décision avait fait l’objet d’un certain consensus à l’époque. Compte tenu de la charge que représente pour les départements le financement de la dépendance, il faudra examiner de nouveau la question dans le cadre d’une réflexion globale sur les successions.

M. Jérôme Cahuzac. Le Rapporteur général se préoccupe des conjoints survivants, mais je regrette qu’il n’ait pas fait preuve de la même sollicitude à l’égard des veuves et de la demi-part fiscale dont elles bénéficiaient, d’autant que l’exonération de droits de succession concerne des conjoints dont la situation matérielle est peut-être moins délicate.

Quant à la suppression du recours sur succession, si vous estimez qu’elle n’est pas raisonnable, je vous mets, à mon tour, au défi de revenir sur cette disposition.

M. Louis Giscard d'Estaing. Les articles de la loi TEPA concernant les successions apportent justement une réponse à la préoccupation de Jérôme Cahuzac dans la mesure où ils prévoient une exonération des droits de succession pour les conjoints survivants.

Par ailleurs, je remarque que l’exposé des motifs de l’amendement évalue à 12 milliards d’euros le coût du « paquet fiscal » en 2010. Je rappelle que, pendant plusieurs mois, l’opposition avait parlé de 15 milliards d’euros !

M. Jérôme Cahuzac. Nous avons en effet revu à la baisse le coût du paquet fiscal en année pleine, et ce pour une raison simple : du fait de la crise, le dispositif sur les heures supplémentaires n’a pas rencontré le succès escompté. Nous tenons donc compte, en toute objectivité, de cet échec relatif. C’est d’ailleurs la seule bonne nouvelle liée à la crise : le coût du paquet fiscal est moins élevé !

La Commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis défavorable du Rapporteur général, elle rejette successivement les amendements CF 30 et CF 29 de M. Jérôme Cahuzac.

Elle examine ensuite l’amendement CF 50 du même auteur.

M. Jérôme Cahuzac. Le Sénat puis la commission mixte paritaire ont modifié le contenu d’un amendement à la loi de finances pour 2010 que l’Assemblée nationale, à l’initiative du Rapporteur général, avait adopté pour corriger certaines malfaçons techniques dans le dispositif relatif au bouclier fiscal. Nous proposons de revenir à la rédaction initiale, car celle qui a été adoptée en commission mixte paritaire ne résout qu’imparfaitement le problème.

M. le Rapporteur général. Avis défavorable, car nous sommes parvenus, avec nos collègues sénateurs, à une position équilibrée sur ce sujet sensible.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CF 27 de M. Jérôme Cahuzac.

M. Jérôme Cahuzac. Pour contribuer à moraliser les pratiques en matière de stocks-options et de bonus, il convient d’exclure l’imposition sur ces revenus lors du calcul de la restitution due au titre du bouclier fiscal.

Suivant l’avis défavorable du Rapporteur général, la Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CF 31 du même auteur.

M. Jérôme Cahuzac. Nous allons examiner une série d’amendements dont certains, déjà présentés en loi de finances initiale ou rectificative, ont été jugés dignes d’intérêt par le Rapporteur général et le ministre du budget : il s’agit d’en finir avec le rachat d’entreprises effectué en recourant fortement à l’emprunt. Outre que cette pratique contribue à fragiliser les banques qui y prennent part, elle aboutit presque immanquablement à un dépècement des entreprises rachetées de cette façon, et provoque donc des licenciements et une dégradation du tissu industriel. Elle répond en effet à un projet financier, mais rarement industriel.

M. le Rapporteur général. Avis défavorable, mais je rappelle que nous allons constituer une mission d’information afin de comparer les avantages fiscaux liés à l’emprunt et ceux correspondant au réinvestissement des résultats dans l’entreprise. Il me semble urgent d’y voir clair en ce domaine, car notre fiscalité – surtout si on la compare à celle de l’Allemagne – me semble favoriser excessivement l’endettement au détriment des fonds propres.

M. Jérôme Chartier. Jérôme Cahuzac va être satisfait : la crise financière étant passée par là, la part des fonds propres augmente de façon vertigineuse, au point d’atteindre, en pratique, le seuil prévu par l’amendement.

M. Nicolas Perruchot. J’allais formuler la même remarque. En outre, les chiffres de la COFACE sur la situation des entreprises en LBO, indiqués dans l’exposé des motifs, me paraissent dater car, contrairement à ce que l’on pourrait croire, ces entreprises se sont très bien portées en 2009 : non seulement elles ont renforcé leurs fonds propres, mais des spécialistes auditionnés par notre Commission ont jugé la procédure de rachat par effet de levier plus créatrice que destructrice d’emplois. Il serait bon d’évaluer avec précision l’impact de la crise sur les LBO avant d’en demander la suppression. Ces opérations peuvent conduire à lever des sommes variant entre plusieurs milliers et plusieurs millions d’euros, et de nombreuses PME sont transmises par ce biais.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CF 49 de M. Jérôme Cahuzac.

M. Jérôme Cahuzac. Il est exact, monsieur le Rapporteur général, qu’en l’état actuel des incitations fiscales, les entreprises préfèrent recourir à l’endettement plutôt que de réinvestir leurs bénéfices, avec tous les risques que comporte une telle attitude. Vous avez jugé urgent d’y remédier : cet amendement en donne l’occasion. En Allemagne, le tissu des PME est beaucoup plus solide que le nôtre, précisément parce que les bénéfices réinvestis ne sont pas taxés au même niveau que lorsqu’ils sont distribués. Il convient donc de corriger ce défaut de compétitivité dont souffrent nos entreprises.

M. le Rapporteur général. Avis défavorable, car l’amendement, en plafonnant les intérêts déductibles à 50 % de leur montant et à 50 % du résultat, est d’une trop grande brutalité. En outre, les points de vue sont si divergents sur le sujet qu’il est nécessaire de procéder à un travail d’évaluation conjoint.

M. Charles de Courson. L’amendement s’inspire du théorème de Modigliani-Miller, selon lequel l’optimum de la composition des capitaux permanents entre les capitaux propres et les dettes est fonction du coût de l’intérêt comparé au taux de rendement interne des investissements que permettent de financer ces capitaux permanents. Mais cela reste tout à fait théorique et, pour ma part, je me garderai bien de m’en inspirer pour justifier un tel amendement.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CF 48 de M. Jérôme Cahuzac.

M. Jérôme Cahuzac. Dans le même esprit, il convient de différencier la fiscalité attachée aux bénéfices, selon qu’ils sont réinvestis ou distribués, de façon à renforcer les fonds propres de nos entreprises, à améliorer leur compétitivité et à les rendre moins sensibles aux aléas économiques. Nous savons qu’il faudra en arriver là, et le plus tôt sera le mieux. Tant qu’un travail d’évaluation n’aura pas été effectué sur le sujet, nous continuerons à défendre de tels amendements.

M. le Rapporteur général. Avis défavorable.

M. Charles de Courson. Cela fait des années que le groupe socialiste défend cette thèse, mais je vous mets en garde : aucune réflexion théorique n’incite à avoir un taux d’impôt sur les sociétés différencié selon que les bénéfices sont mis en réserve ou redistribués. Si ce différentiel existe en Allemagne, c’est parce qu’il a été imposé après la guerre par l’occupant américain, dans le cadre de la lutte contre les Konzern. Mais l’appliquer dans notre pays reviendrait à établir une discrimination entre les entreprises. En effet, la situation de celles-ci est extrêmement variable : alors que certaines ont beaucoup d’investissements à faire, d’autres, plus mûres, sont en mesure de distribuer une grande partie de leurs bénéfices. Une telle différenciation ne serait donc pas opérationnelle.

M. Henri Emmanuelli. Il ne suffit pas que Charles de Courson décrète qu’il n’existe aucun fondement théorique à une mesure pour que cela soit vrai. L’argent utilisé pour investir et celui qui est distribué aux actionnaires n’ont, de toute évidence, pas la même vocation. Et toutes ces belles théories sur la diminution des prélèvements obligatoires ou la non-affectation des profits à l’investissement ont abouti, dans notre pays, à une chute de l’investissement public et privé, alors même que nous détenons, avec 17 % du PIB, le record mondial du taux d’épargne. M. de Courson devrait y réfléchir plutôt que d’assener des affirmations non étayées.

M. Jérôme Chartier. Les bénéfices qui ne sont pas distribués aux actionnaires ne sont pas nécessairement réinvestis dans l’entreprise : ils peuvent également constituer une réserve de trésorerie qui, si cette entreprise fait partie d’un groupe, peut alimenter d’autres entreprises dans le cadre d’une convention de trésorerie et, à ce titre, échapper à l’impôt. La mondialisation et la stratégie de regroupement des entreprises rendent votre distinction caduque.

Il est urgent que le président de la Commission des finances mette en place un groupe de travail afin que la question soit examinée sereinement. Nous souhaitons tous que le bénéfice soit réinvesti, mais ne prenons pas des mesures qui porteraient préjudice à ses recettes !

M. Nicolas Forissier. Sans actionnaires, il n’y a pas d’entreprise ! Certes, un minimum d’encadrement est nécessaire, mais si l’on cesse de rémunérer les actionnaires, c’est la mort du capitalisme !

Ce qui importe, c’est de mettre en place des outils permettant de renforcer les fonds propres des PME. J’ai participé à la rédaction du rapport d’information de la Commission sur ce thème et j’avais présenté un amendement, cosigné par plusieurs collègues, visant à instituer un taux intermédiaire d’impôt sur les sociétés de 20 % pour la fraction des bénéfices situés entre le plafond actuel de 38 120 euros et 50 000 ou 60 000 euros, à condition qu’elle soit réinvestie dans l’entreprise, suivant un cahier des charges précis. Je souhaiterais que cette proposition soit reprise.

M. Marc Goua. Je rappelle qu’une mesure similaire à celle que nous proposons avait été prise en son temps par Pierre Bérégovoy. De l’aveu des chefs d’entreprises eux-mêmes, elle avait eu des effets extrêmement positifs, en permettant le renforcement des fonds propres des entreprises.

Par ailleurs, monsieur Chartier, pourquoi une « remontée de trésorerie » au sein d’un groupe diminuerait-elle le montant de l’impôt sur les sociétés ?

M. le Président Didier Migaud. Mes chers collègues, je vous propose, avec le Rapporteur général, la création d’une mission d’information sur le sujet afin d’éclairer le débat.

M. le Rapporteur général. Il faut en effet que les considérations générales cèdent la place à un travail approfondi. Dressons le bilan de ce qui a déjà été fait – il faudrait notamment étudier les raisons qui ont fait abandonner si rapidement le dispositif évoqué par M. Goua –, étudions la situation dans d’autres pays, comme l’Allemagne, le Royaume-Uni ou les États-Unis, et examinons de manière approfondie quelques propositions, comme celle de M. Forissier. Nous pourrons ainsi déboucher sur des propositions communes, que nous présenterons dans le cadre du projet de loi de finances pour 2011.

La Commission rejette l’amendement CF 48.

Suivant l’avis défavorable du Rapporteur général, elle rejette successivement les amendements CF 46, CF 47 et CF 32 de M. Jérôme Cahuzac.

Puis elle examine l’amendement CF 33 de M. Jérôme Cahuzac.

M. Jérôme Cahuzac. Cet amendement tend à instaurer, pour l’année 2010, une taxe additionnelle à l’impôt sur les sociétés, dont seront redevables les seuls établissements de crédit.

Les banques ont connu une année 2009 exceptionnelle, ce dont on peut se réjouir. Au moment de la crise, elles avaient bénéficié de l’aide des finances publiques, ce qui devait leur permettre de sauvegarder leur rôle dans le financement de l’économie et avait sauvé de la faillite certaines d’entre elles. Or, en dépit des promesses de leurs dirigeants, le crédit n’a pas progressé autant que ce qu’avaient exigé, en contrepartie, les pouvoirs publics.

Par ailleurs, nous regrettons que l’État ne soit pas entré dans le capital de ces établissements sous forme d’actions ordinaires, et non de titres super-subordonnés – qui n’ouvrent droit à aucune plus-value –, d’autant plus que leurs cours boursiers ont fortement augmenté.

Il convient que les contribuables soient payés de retour. Hier, le Trésor public a sauvé les banques ; aux banques, aujourd’hui, de le soulager !

M. le Rapporteur général. Avis défavorable : nous examinerons la question dans le cadre de l’article premier, qui met en place une nouvelle taxe à la charge des établissements de crédit.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CF 39 de M. Jérôme Cahuzac.

M. Jérôme Cahuzac. Cet amendement, dans la continuité du précédent, tend à demander à ceux qui se sont bien sortis de la crise de contribuer davantage au soulagement des finances publiques.

M. le Rapporteur général. Avis défavorable.

M. le Président Didier Migaud. Cette mesure ne me semblait pourtant pas absurde !

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CF 8 de M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande. La loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision a donné aux entreprises la possibilité de financer, au titre du mécénat, les programmes audiovisuels culturels des « sociétés nationales de programmes », c’est-à-dire France Télévisions, Radio France et la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France. Toutefois, ce dispositif n’a pas été mis en place car il présente un risque en termes de droit de la concurrence.

L’amendement CF 8 prévoit de lever cet obstacle juridique en étendant le dispositif à l’ensemble des éditeurs de services de communication audiovisuelle. La charge que ferait peser sur les finances publiques une telle mesure serait minime du fait de la définition exigeante des programmes culturels susceptibles d’en bénéficier et de la structure d’audience de tels programmes, qui s’adressent à un public spécifique peu recherché par les nouvelles chaînes bénéficiaires, à l’exception d’Arte.

M. le Rapporteur général. Avis défavorable : je tiens au principe selon lequel le mécénat ne peut profiter qu’à des organismes dont la gestion est désintéressée.

M. Patrice Martin-Lalande. Dans l’état actuel des choses, les sociétés nationales de programme ne peuvent pas en bénéficier !

La Commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CF 36 de M. Jérôme Cahuzac.

M. Jérôme Cahuzac. En modifiant les critères d’éligibilité, la majorité a changé la philosophie du crédit d’impôt recherche (CIR). Désormais, celui-ci ne porte plus sur l’accroissement relatif, mais sur le volume global de la dépense de recherche. En conséquence, il bénéficie davantage aux grandes entreprises qu’aux PME. Nous pensons au contraire qu’il convient d’inciter celles-ci à investir davantage dans la recherche et l’innovation.

De surcroît, des études récentes montrent que les grands bénéficiaires du dispositif réformé sont les institutions financières et bancaires, dont les recherches portent sur des logiciels et des mécanismes algorithmiques leur permettant de passer des ordres quelques millisecondes avant les concurrents et d’engendrer ainsi des bénéfices substantiels. Cela ne correspond à aucune production de richesse réelle. Voilà à quoi sert la dépense publique !

M. le Président Didier Migaud. Je signale que ce sujet sera traité par la Mission d’évaluation et de contrôle cette année.

M. le Rapporteur général. Avis défavorable : nous avons besoin d’une évaluation préalable du dispositif. Dans le rapport que j’ai remis en 2009 sur l’application du CIR, j’avais souligné que l’on manquait de recul pour porter une appréciation globale.

Par ailleurs, le chiffre qui m’a été transmis par le Gouvernement sur le montant de crédits d’impôt recherche bénéficiant au secteur financier était faussé par le fait que les holdings de sociétés industrielles étaient classées par l’INSEE dans cette rubrique. On ne peut donc pas dire, sur la base de ce chiffre, que le crédit d’impôt recherche permet aux banques de développer des logiciels sur les produits dérivés.

M. Olivier Carré. Si je nourris les mêmes réserves que Jérôme Cahuzac sur l’utilisation du crédit d’impôt recherche pour développer des logiciels « boîte noire », surtout dans le contexte actuel, je veux souligner que de grands groupes industriels internationaux prévoient d’implanter leurs centres de recherche ou leurs pôles d’excellence en France. Le crédit d’impôt recherche n’est pas la seule cause de cette décision, bien entendu, mais il entre en ligne de compte. Le dispositif ne profite pas qu’aux banques.

La Commission rejette l’amendement.

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Article additionnel avant l’article premier

Élargissement des dépenses éligibles au crédit d’impôt
en faveur de la création de jeux vidéo

La Commission examine l’amendement CF 10 de M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande. Avec 22 millions d’adeptes, le jeu vidéo est le premier loisir culturel en France. Or la production française souffre gravement de la concurrence, du Canada ou de la Corée en particulier. En dix ans, le secteur a perdu plus de 5 000 emplois, dont 10 % durant la seule année 2009.

Un dispositif de crédit d’impôt en faveur de la création de jeux vidéo avait été conçu il y a quelques années sur la base de ce qu’était le jeu vidéo à l’époque, c’est-à-dire un produit vendu sur support physique. Or les jeux vidéo sont de plus en plus produits et commercialisés en ligne. Il convient donc d’adapter le dispositif, sous peine que la situation de l’industrie française continue de se dégrader.

L’amendement CF 10 tend à tenir compte de la spécificité des dépenses de création des jeux vendus en ligne, dans la mesure où ceux-ci sont appelés à être modifiés dans les vingt-quatre mois suivant la mise en ligne effective du produit, dans le cadre d’une relation interactive avec le joueur. Il s’agit donc non pas de dépenser plus, mais de dépenser autrement.

M. le Rapporteur général. Avis favorable : la Commission avait déjà adopté cet amendement il y a trois mois.

M. Jean-Pierre Brard. Je suis également favorable à l’amendement. La concurrence américaine est très agressive dans ce secteur particulièrement important du point de vue économique.

La Commission adopte l’amendement (amendement n° 5).

Article additionnel avant l’article premier

Abaissement du seuil de dépenses conditionnant l’éligibilité d’un projet au crédit d’impôt en faveur de la création de jeux vidéo

La Commission examine l’amendement CF 11 de M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande. Poursuivant le même but que le précédent, l’amendement CF 11 tend à réduire à 100 000 euros le montant des budgets de production requis pour avoir accès au crédit d’impôt en faveur de la création de jeux vidéo.

Suivant l’avis favorable du Rapporteur général, la Commission adopte l’amendement (amendement n° 6).

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Avant l’article premier

La Commission est saisie de l’amendement CF 9 de M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande. Le présent amendement a pour objet de reconduire le crédit d’impôt en faveur de la distribution des œuvres audiovisuelles. Ce dispositif, qui a fait ses preuves, était applicable jusqu’à la fin de 2009. J’avais proposé, lors de l’examen du projet de loi de finances initiale, qu’on le prolonge jusqu’en 2011, afin de permettre l’utilisation de nos productions audiovisuelles sur un marché plus large que le seul marché français. Il faut pour cela que les distributeurs numérisent leurs catalogues. La dépense est modeste, mais indispensable au rayonnement de notre production audiovisuelle.

M. le Rapporteur général. Avis défavorable : ce dispositif s’est achevé fin 2008 sans avoir fait ses preuves.

M. Jean-Pierre Brard. Que le Rapporteur général justifie son jugement ! Pour l’heure, je soutiens l’amendement.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CF 38 de M. Jérôme Cahuzac.

M. Jérôme Cahuzac. Nous savons maintenant que l’abaissement du taux de la TVA dans le secteur de la restauration coûte annuellement 3 milliards d’euros, sans aucune contrepartie : les prix n’ont pas baissé, les salaires n’ont pas augmenté et il n’y a pas eu d’embauches supplémentaires. Le contrat d’avenir signé entre le Gouvernement et les représentants des organisations patronales du secteur se trouve donc de facto rompu. Le présent amendement tend à tirer les conséquences de cette situation en supprimant le dispositif.

Suivant l’avis défavorable du Rapporteur général, la Commission rejette l’amendement.

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RESSOURCES AFFECTÉES

Article premier

Faire contribuer les banques au fonds de garantie des dépôts
tout en modifiant leur pratique en matière de bonus

Texte du projet de loi :

I. – Les personnes morales mentionnées aux articles L. 511-1 et L. 531-4 du code monétaire et financier qui, au jour de l’entrée en vigueur de la présente loi, exploitent une entreprise en France au sens du I de l’article 209 du code général des impôts, acquittent une taxe exceptionnelle. Cette taxe est affectée dans la limite de 270 millions d’euros au fonds de garantie des dépôts institué à l’article L. 312-4 du code monétaire et financier, eu égard au concours qu’il apporte à la mission de service public de stabilisation du système financier.

II. – La taxe est assise sur la part variable des rémunérations attribuées, au titre de l’année 2009, par les personnes morales mentionnées au I, à ceux de leurs salariés, professionnels des marchés financiers dont les activités sont susceptibles d’avoir une incidence significative sur l’exposition aux risques de l’entreprise.

La part variable des rémunérations mentionnée à l’alinéa précédent correspond au montant brut de l’ensemble des éléments de rémunérations attribués à ces salariés au titre de l’année 2009 en considération de leurs performances individuelles ou collectives, y compris lorsque leur versement et leur acquisition définitive sont sous condition, à l’exception des sommes leur revenant au titre de l’intéressement ou de la participation des salariés aux résultats de l’entreprise en application du livre III de la troisième partie du code du travail.

Les éléments de rémunération qui entrent dans l’assiette de la taxe sont pris en compte quelle que soit l’année de leur versement ou celle au cours de laquelle leur acquisition est définitive.

Lorsque l’attribution porte sur des options sur titres, des actions gratuites ou d’autres titres consentis à des conditions préférentielles, y compris lorsque cette attribution est effectuée par une société mère ou filiale de l’entreprise dans laquelle le salarié exerce son activité, l’assiette est égale à la juste valeur de ces options, actions ou titres à la date de leur attribution, telle qu'elle est estimée pour l'établissement des comptes consolidés pour les sociétés appliquant les normes comptables internationales adoptées par le règlement (CE) n° 1606/2002 du Parlement européen et du Conseil du 19 juillet 2002 sur l'application des normes comptables internationales.

Seule la part variable de la rémunération individuelle qui excède 27 500 € est prise en compte dans l’assiette de la taxe.

III. – Le taux de la taxe est de 50 %.

IV. – La taxe est exigible au premier jour du mois qui suit l’entrée en vigueur de la présente loi. Lorsque tout ou partie de la part variable des rémunérations définie au II est attribué après cette date, la taxe correspondante est exigible au premier jour du mois suivant la décision d’attribution.

La taxe est déclarée et liquidée dans les vingt-cinq jours de son exigibilité, sur une déclaration dont le modèle est fixé par l'administration.

Elle est acquittée lors du dépôt de cette déclaration.

V. – Dans le cas où le montant de la part variable des éléments de la rémunération finalement versés ou acquis aux salariés est inférieur au montant compris dans l’assiette de la taxe, aucune restitution n’est opérée.

VI. – La taxe est recouvrée et contrôlée selon les procédures et sous les mêmes sanctions, garanties et privilèges que la taxe sur la valeur ajoutée. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à cette même taxe.

Exposé des motifs du projet de loi :

Le présent article vise à mettre en place une taxe assise sur les bonus attribués aux professionnels des marchés financiers au titre de 2009 par les établissements de crédit et les entreprises d’investissement. Le produit net de cette taxe est affecté à hauteur de 270 millions d’euros au fonds de garantie des dépôts.

Il permet de renforcer le financement du fonds de garantie, afin de faire face à l’augmentation du montant des dépôts garantis imposée par le droit communautaire.

Observations et décision de la Commission :

Le présent article institue une taxe exceptionnelle assise sur les rémunérations variables attribuées en 2009 à certains professionnels des marchés financiers par les établissements de crédit et les entreprises d’investissement et organise l’affectation partielle de son produit au fonds de garantie des dépôts.

I.– UNE MESURE QUI S’INSCRIT DANS UN ENSEMBLE DE RÉFORMES PLUS LARGE

La taxe proposée par le présent article s’inscrit dans un ensemble de réformes internationales et nationales tendant à mieux encadrer les rémunérations du secteur financier pour limiter les prises de risques excessives et à renforcer la protection des déposants. Les principales caractéristiques de la taxe proposée sont, en outre, largement inspirées par un projet britannique similaire.

La crise financière et, avant elle, les pertes massives essuyées par certains établissements de crédit à raison de leurs activités de marché ont mis en évidence la nécessité de modifier les pratiques de rémunération pour éviter d’inciter à des prises de risques excessives, nécessité qui a été reconnue au niveau international.

La déclaration finale de la réunion du G20 de Pittsburgh affirme ainsi le principe d’une réforme des pratiques de rémunération du secteur financier en vue d’une meilleure prise en compte de la création de la « création de valeur à long terme ». À cet effet, elle recommande notamment d’éviter les bonus pluriannuels garantis et de garantir qu’une part significative des rémunérations variables soit liée à la performance de long terme et puisse être remise en cause.

Cette déclaration finale valide ainsi les orientations du rapport préliminaire du Conseil pour la stabilité financière, orientations qui sont très proches des recommandations du groupe de travail Assemblée nationale–Sénat sur la crise financière internationale.

À ce stade, la France est probablement l’État qui est allé le plus loin dans la mise en œuvre concrète de ces principes. Les mesures prises à cet effet en France sont rappelées par l’évaluation préalable du présent article :

– arrêté du 14 janvier 2009 modifiant le règlement n° 97-02 du 21 février 1997 relatif au contrôle interne des établissements de crédit et des entreprises d'investissement qui étend notamment la compétence de la Commission bancaire au contrôle de l'adéquation entre la politique de rémunération et les objectifs de maîtrise des risques,

– mission de « contrôleur des rémunérations » confiée à M. Michel Camdessus, président de la Société de financement de l'économie française (SFEF), portant sur les cent plus fortes rémunérations des professionnels de marché employés dans chacun des établissements de crédit ayant reçu des fonds propres de la Société de prise de participation de l'État (SPPE) et courant jusqu'à la fin de l'année suivant l'année du remboursement des sommes investies par la SPPE,

– arrêté du 3 novembre 2009 relatif aux rémunérations des personnels dont les activités sont susceptibles d'avoir une incidence sur l'exposition aux risques des établissements de crédit et entreprises d'investissement, décliné par des normes professionnelles qui prévoient que :

– les bonus garantis limités à un an ne sont autorisés que dans le contexte d’embauche ;

– au moins 50 % des rémunérations variables doivent être différés sur au moins 3 ans, les bonus les plus élevés étant soumis à un différé d’au moins 60 % ;

– au moins 50 % des rémunérations variables doivent être attribués en actions ou en titres équivalents.

Le niveau de garantie minimal des dépôts au sein de l’Union européenne était fixé à 20 000 euros, en application de la directive 94/19/CE relative aux systèmes de garantie des dépôts en ce qui concerne le niveau de garantie et le délai de remboursement, les États membres ayant toutefois la possibilité de fixer un niveau plus élevé, comme la plupart d’entre eux, dont la France, l’a fait.

La directive 2009/14/CE du 11 mars 2009 modifiant la directive 94/19/CE relève ce niveau à 50 000 euros.

Elle prévoit également un relèvement supplémentaire à 100 000 euros au 31 décembre 2010 au plus tard « à moins qu’une analyse d’impact effectuée par la Commission, et présentée au Parlement européen et au Conseil le 31 décembre 2009 au plus tard, ne conclue qu’une telle augmentation et une telle harmonisation ne sont pas appropriées et ne sont pas financièrement viables pour l’ensemble des États membres pour assurer la protection des consommateurs et la stabilité des marchés financiers et éviter des distorsions de concurrence entre les États membres. »

Ce relèvement nécessitera, en droit français, la modification du règlement n° 99-05 du 9 juillet 1999 relatif à la garantie des dépôts ou autres fonds remboursables reçus par les établissements de crédit ayant leur siège social en France pour porter le montant du niveau de couverture des dépôts qui est actuellement de 70 000 euros à 100 000 euros.

À l’occasion d’un rapport annuel pré-budgétaire présenté au Parlement le 9 décembre 2009 et que l’on peut comparer à notre débat d’orientation budgétaire, le Gouvernement britannique a annoncé son intention de proposer au Parlement, à l’occasion du budget pour 2010, la création d’une nouvelle taxe sur les salaires des banques.

À ce stade et bien que le dispositif n’ait pas encore été examiné par le Parlement, le Gouvernement britannique a rendu publics des éléments précis quant à ses intentions et notamment un projet de dispositif. Plusieurs éléments en ressortent.

La taxe s’inscrit dans une logique prudentielle et vise à dissuader le recours à des pratiques de rémunération ayant contribué à une prise de risque excessive. Elle vise donc à changer les comportements des banques et s’appliquera en conséquence pour l’avenir, c’est-à-dire au titre des rémunérations entrant dans son assiette accordées entre son annonce (le 9 décembre 2009) et la fin de l’année fiscale (le 5 avril 2010 (109)). Cette logique conduira à exclure les rémunérations distribuées au cours de cette période en application d’une obligation contractuelle antérieure.

Il s’agit d’une taxe exceptionnelle qui ne s’appliquera, en principe, qu’une année, des réformes de la réglementation et la modification des pratiques ayant vocation à la rendre inutile. Le Gouvernement britannique a toutefois précisé qu’il n’excluait pas d’en prolonger l’application au moins jusqu’à l’entrée en vigueur des dispositions réglementaires s’y substituant ou pour prévenir des comportements d’optimisation sous la forme d’un report des bonus.

Les redevables de la taxe seront les banques, les sociétés de construction (« building society ») qui sont des structures juridiques assimilables à nos banques mutualistes et les filiales d’investissement et de trading des banques et des sociétés de construction. Les entreprises d’investissement ou de trading indépendantes de groupes bancaires privés ou mutualistes ne seraient donc pas redevables de la taxe.

La taxe sera due au taux de 50 % sur la fraction des bonus accordés excédant 25 000 livres (soit environ 28 000 euros), seuil correspondant au revenu médian au Royaume-Uni.

Seraient prises en compte les rémunérations versées :

– aux personnes employées directement ou indirectement par une entreprise redevable,

– exerçant un « emploi bancaire » défini comme reposant à titre exclusif ou principal sur l’exercice direct ou indirect d’une activité financière réglementée (gestion de dépôts, trading et gestion de portefeuille pour compte propre ou pour compte de tiers, gestion de prêts, montage de financements),

– résidents fiscaux britanniques ou ayant exercé leur activité au Royaume-Uni pendant toute ou partie de l’année fiscale.

Les rémunérations retenues couvriraient les revenus et avantages sous toutes formes attribués au cours de la période d’application de la taxe à l’exclusion :

– des éléments de rémunération indépendants des performances de l’entreprise ou du bénéficiaire,

– des éléments de rémunération versés en application d’une obligation contractuelle préexistante et dont le niveau est susceptible d’être défini de manière automatique,

– des actions attribuées dans le cadre de plans collectifs relativement comparables à nos plans d’épargne entreprise (PEE) et à nos plans d'épargne pour la retraite collectif (PERCO).

Plusieurs dispositions tendant à garantir l’effectivité du dispositif sont proposées :

– la prise en compte des rémunérations attribuées indirectement par l’intermédiaire d’un tiers, par exemple une société écran,

– la prise en compte des engagements d’accorder ultérieurement une rémunération qui entrerait dans l’assiette taxable,

– la prise en compte de l’avantage résultant de prêts accordés à des conditions préférentielles.

Il est expressément prévu que cette taxe ne soit pas déductible des bénéfices des redevables.

Le produit attendu de la taxe est évalué à 550 millions de livres (environ 615 millions d’euros), le ministre des finances ayant explicitement indiqué que cette évaluation tenait compte d’une diminution du montant des bonus distribués à raison de l’introduction de la taxe.

Ce produit sera perçu par le budget général. La mesure a été présentée politiquement comme contribuant à financer des formations pour les chômeurs.

Le Président des États-Unis a proposé, le 14 janvier 2010, la mise en place d’une redevance pour responsabilité de la crise financière (« Financial Crisis Responsibility Fee »).

Elle aurait pour objet de financer le coût attendu du programme de reprise des actifs dévalorisés des établissements de crédit, lequel est estimé à 117 milliards de dollars, montant que la taxe devrait produire en douze ans. Le Président des États-Unis a précisé que la taxe serait prolongée, si nécessaire, afin de financer intégralement ce programme.

La taxe s’inscrit donc une logique totalement différente de celle proposée par le présent article et tient compte du fait qu’aux États-Unis, le soutien aux établissements de crédit aura un important coût net pour les finances publiques, alors qu’en France, le soutien aux établissements de crédit aura, comme on le sait, assuré à l’État une recette nette de l’ordre de 2,35 milliards d’euros (1,5 milliard d’euros pour les garanties octroyées à la SFEF et à Dexia et de 850 millions d’euros pour la rémunération de la SPPE).

Les redevables de la taxe envisagée aux États-Unis seraient les banques, les assureurs et les entreprises d’investissement dont les actifs sont supérieurs à 50 milliards de dollars. La taxe serait assise sur les actifs nets des capitaux propres constituant le « tier 1 » au sens des règles prudentielles et des dépôts. Son taux pourrait être de 0,15 %. Le produit serait affecté au budget général.

II.– LA TAXE PROPOSÉE

Le I définit les redevables de la taxe par la combinaison de trois critères.

Ces redevables doivent, en premier lieu, répondre aux conditions prévues soit à l’article L. 511-1 soit à l’article L. 531-4 du code monétaire et financier qui définissent respectivement les établissements de crédit et les entreprises d’investissement.

Les établissements de crédit sont les personnes morales exerçant à titre habituel des opérations de banque (réception de fonds du public, opérations de crédit et services bancaires de paiement) et pouvant également exercer des activités connexes (110).

Les établissements de crédit français sont agréés par le comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement (CECEI) (111) en qualité de banque, de banque mutualiste ou coopérative, de caisse de crédit municipal, de société financière ou d'institution financière spécialisée. Sont seules habilitées d'une façon générale à recevoir du public des fonds à vue ou à moins de deux ans de terme : les banques, les banques mutualistes ou coopératives et les caisses de crédit municipal.

Cet agrément n’est pas exigé des établissements de crédit agréés dans un autre État membre de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen qui peuvent exercer leurs activités en France, dans la limite du champ de leur agrément national, soit par l’intermédiaire d’une succursale (liberté d’établissement) soit directement sans succursale (liberté de prestation de service).

En pratique, interviennent donc en France des établissements de crédit français, des succursales d’établissements étrangers et des établissements étrangers exerçant leur activité sans succursale en libre prestation de service.

La liste nominative des établissements de crédit est publiée par le CECEI. Au 31 novembre 2009, ces établissements de crédit se répartissaient comme suit :

Catégorie

Nombre

établissements de crédit agréés en France

638

Établissements habilités à traiter toutes les opérations de banque

332

Banques

213

Banques mutualistes ou coopératives

101

Caisses de crédit municipal

18

Sociétés financières

301

Sociétés affiliées à BPCE

19

Sociétés affiliées à Crédit Agricole S.A

1

Sociétés à statut particulier adhérant à l'Association française des sociétés financières

22

Sociétés financières exerçant divers types d'activités adhérant à l'ASF

242

Sociétés financières affiliées à l'Association française des marchés financiers

3

Sociétés financières affiliées au Crédit Immobilier de France développement

14

Institutions financières spécialisées

5

établissements de crédit de l'espace économique européen exerçant en libre établissement (succursales)

70

établissements de crédit agréés pour exercer leur activité à monaco

28

Établissements habilités à traiter toutes les opérations de banque

27

Banques

26

Établissement assimilable à une caisse de crédit municipal adhérant à la FBF

1

Sociétés financières

1

Sociétés financières exerçant divers types d'activités adhérant à l'ASF

1

établissements de crédit de l'espace économique européen exerçant en libre prestation de services

505

Établissements de crédit

500

Établissements financiers

5

établissements de crédit dont l'agrément est en cours de retrait

1

Établissements de droit français

1

établissements de crédit dont la liquidation est en cours

7

Établissements de droit français

7

Source : CECEI.

Les entreprises d’investissement sont des personnes morales, autres que les établissements de crédit, qui fournissent à titre de profession habituelle des services d'investissement définis par l’article L. 321-1 du code monétaire et financier (112). Elles doivent être agréées par le CECEI après approbation par l’Autorité des marchés financiers (AMF) ou, pour les entreprises dont l’activité principale est la gestion de portefeuille pour compte de tiers, directement par l’AMF.

Ces entreprises exercent des activités de prestations de services d’investissement qui, sous réserve d’un agrément, sont également exercées par des établissements de crédit. Un traitement homogène de l’ensemble des prestataires de services d’investissement implique donc de traiter les entreprises d’investissement de manière identique aux établissements de crédit.

La liste nominative des prestataires d’investissement agréés par le CECEI est publiée par lui. Au 31 novembre 2009, ces entreprises se répartissaient comme suit :

Catégorie

Nombre

prestataires de services d’investissement habilités à exercer en france

3 263

Prestataires agréés en France

956

Établissements de crédit

287

Sociétés de droit français

281

Succursales d’établissements ayant leur siège dans un pays tiers

6

Entreprises d’investissement agréées par le CECEI de droit français

98

Établissements de l’EEE exerçant en libre établissement (succursales)

109

Succursales d’établissements de crédit

56

Succursales d’entreprises d’investissement

53

Établissements de l’EEE intervenant en libre prestation de services (1)

2 280

Établissements de crédit

382

Entreprises d’investissement

1 898

prestataires de services d’investissement dont le retrait d’agrément est en cours

1

prestataires de services d’investissement dont la liquidation est en cours

7

(1) 82 entreprises exercent leur activité à la fois en libre établissement et en libre de prestations de service et sont recensées dans chacune des catégories.

Source : CECEI.

Au 11 décembre 2009, 591 sociétés de gestion de portefeuille étaient agréées par l’AMF.

En second lieu, le I du présent article vise des personnes morales et des organismes. La mention des organismes, qui, a contrario de la référence aux personnes morales ne peuvent être entendus que comme des organismes dépourvus de personnalité morale, n’est pas inhabituelle en matière de fiscalité des entreprises. En l’espèce, la rédaction pourrait viser les établissements de crédit européens intervenant en France en application des dispositions régissant la liberté de prestation de service sans disposer de succursales sur notre territoire.

Toutefois, ces redevables doivent, en troisième et dernier lieu, exploiter une entreprise en France au sens des dispositions de l’article 209 du code général des impôts qui précisent les règles de territorialité applicables en matière d’impôt sur les sociétés.

Ces règles sont, comme on le sait, précisées par les conventions fiscales et subsidiairement par la jurisprudence. De manière générale, l’imposition en France y suppose la présence d’un établissement stable, c’est-à-dire d’une installation fixe d’affaires dans laquelle l’entreprise exerce une partie de son activité.

A priori, la définition de la succursale au sens de la réglementation bancaire et celle de l’établissement stable au sens du droit fiscal se recoupent de sorte que le dispositif couvre les succursales des entreprises étrangères mais non celles exerçant leur activité en France en application des dispositions régissant la liberté de prestation de service

Il convient de noter que le renvoi aux règles de territorialité de l’IS a également et peut-être principalement pour effet d’exclure du champ les filiales de sociétés françaises n’exerçant pas d’activité en France et dont les bénéfices n’y sont pas imposables.

Il convient de noter que le champ des entreprises retenues ne recouvre pas totalement celui des entreprises employant des professionnels des marchés financiers susceptibles d’avoir perçu des rémunérations exceptionnelles, notamment en raison de l’absence de prise en compte des sociétés d’assurance.

L’évaluation préalable de l’article justifie cette restriction par plusieurs arguments de droit (notamment le périmètre national et communautaire des règles prudentielles), ainsi que par un argument économique fort à savoir que le dispositif envisagé au Royaume-Uni ne couvre pas les compagnies d’assurance et que soumettre les assureurs français au dispositif serait particulièrement préjudiciable à la place de Paris.

Trois critères définissent la nature des rémunérations prises en compte.

En premier lieu, l’assiette de la taxe est constituée par des éléments de rémunération. Cette rédaction large, qui est similaire à celle retenue par l’article 155 B du code général des impôts relatif à l’exonération de certains revenus perçus par des salariés impatriés, peut être entendue comme couvrant des sommes et avantages, y compris en nature, accordés en contrepartie du service rendu par le salarié.

Ces éléments sont retenus pour leur montant brut (c’est-à-dire y compris la part salariale des cotisations et contributions sociales d’origine légale ou conventionnelle).

En second lieu, ces éléments de rémunération pris en compte sont ceux variables en fonction des performances individuelles ou collectives des salariés qui en sont attributaires.

Enfin, en troisième lieu, l’assiette de la taxe est constituée par des rémunérations attribuées au titre de l’année 2009, le troisième alinéa du II précisant que ces rémunérations sont prises en compte quelle que soit l’année de leur versement ou de leur acquisition définitive.

La détermination de l’assiette sur la base d’éléments de rémunération accordés au titre de l’année 2009 suscite deux interrogations.

Premièrement, d’un point de vue pratique, on peut se demander comment il pourra être déterminé qu’un élément de rémunération est attribué au titre d’une année civile donnée. Ainsi, par exemple, une prime exceptionnelle attribuée en 2010 ne sera, a priori, considérée comme attribuée au titre de 2009 que par décision de l’entreprise attributaire de la lier aux performances constatées au titre de 2009 plutôt qu’à un quelconque autre motif.

Selon les informations communiquées par le Gouvernement au Rapporteur général, « en pratique, le lien avec l’année 2009 pourra être établi au vu de l’examen des modalités selon lesquelles la rémunération a été attribuée et de la pratique habituelle de l’entreprise, par exemple, l’intitulé de la rémunération (prime 2009…), les termes et justifications de la décision d’attribution, le mode de calcul du bonus, les dates d’attribution ou de versement,etc... ».

Deuxièmement, il peut sembler paradoxal de chercher à modifier des pratiques de rémunération, ce qui est explicitement l’objectif du présent article d’après son exposé des motifs, en taxant des bonus attribués au titre d’une année achevée.

Toutefois, la pratique de la place est d’attribuer dans les premiers mois de l’année suivant celle au titre de laquelle l’attribution opérée. Les bonus au titre de 2009 ne sont donc pas encore attribués et la taxe proposée pourrait inciter les entreprises redevables à limiter leur montant.

Deux critères sont relatifs aux personnes bénéficiant des rémunérations.

En premier lieu, seules sont retenues les rémunérations des salariés des entreprises redevables. Ne sont donc pas retenues, a priori, les rémunérations des salariés de leurs filiales qui ne sont pas redevables de la taxe et qui sont détachés en France non plus que les rémunérations des mandataires sociaux non salariés.

En second lieu, seules sont retenues les rémunérations des « professionnels des marchés financiers dont les activités sont susceptibles d’avoir une incidence significative sur l’exposition aux risques de l’entreprise ».

Cette rédaction renvoie à une notion figurant dans un arrêté du 3 novembre 2009 relatif aux rémunérations des personnels dont les activités sont susceptibles d'avoir une incidence sur l'exposition aux risques des établissements de crédit et entreprises d'investissement.

Pris à la suite des pertes essuyées par la Société générale, cet arrêté prévoit diverses règles relatives à l’attribution et à la publicité des rémunérations variables des salariés, professionnels des marchés financiers, dont les activités sont susceptibles d'avoir une incidence significative sur leur exposition aux risques.

Il prévoit notamment que les établissements de crédit et les entreprises d’investissement « veillent, concernant les salariés, professionnels des marchés financiers, dont les activités sont susceptibles d'avoir une incidence significative sur leur exposition aux risques :

1° À ce qu'une part significative de la rémunération soit variable et versée sur la base de critères et indicateurs permettant de mesurer les performances individuelles ou collectives ainsi que celle de l'entreprise ;

2° À ce que la rémunération variable ne soit pas garantie au-delà d'un an ;

3° À ce qu'une fraction importante de cette rémunération variable soit versée sous condition de résultat et différée sur plusieurs années, avec un rythme de versement qui ne doit pas être plus rapide qu'un pro rata temporis ;

4° À ce qu'une part importante de la rémunération variable prenne la forme d'actions, d'instruments adossés à des actions, d'instruments indexés de manière à favoriser l'alignement sur la création de valeur à long terme, ou, pour les sociétés non cotées, d'autres instruments équivalents. Elles veillent à ce que l'attribution des actions ou des instruments adossés à des actions soit subordonnée à l'existence d'une période d'acquisition ou d'une durée de détention minimale ;

5° À ce que, en cas de pertes de l'activité considérée, la part de la rémunération différée susceptible d'être versée aux salariés concernés sous condition des résultats de l'exercice où les pertes sont constatées soit substantiellement réduite ou ne soit pas versée. »

Selon les informations apportées par le Gouvernement au Rapporteur général, les personnels concernés devraient être définis comme « des salariés qui engagent leur établissement employeur pour l’exercice d’une série de services et activités de marché (exécution d’ordres pour compte de tiers, négociation pour compte propre, prise ferme, placement garanti ou non garanti, opérations de change, etc.) et dont l’activité comporte des risques significatifs. »

Le Gouvernement a précisé que « la définition du périmètre impliquera de croiser plusieurs indicateurs :

Les rémunérations prises en compte le seront pour leur montant brut.

Elles seront prises pour la fraction de leur part variable excédant 27 500 euros, niveau aligné sur le seuil envisagé par le Gouvernement britannique (25 000 livres), lui-même fixé à partir du revenu médian au Royaume-Uni.

Pour les rémunérations sous la forme de titres ou d’options sur titres, le quatrième alinéa du II prévoit leur valorisation sur la base de leur juste valeur à la date de l’attribution, c’est-à-dire à leur valeur de marché telle que retenue en application des normes comptables IFRS.

Cette juste valeur constitue déjà l’assiette de la contribution patronale sur les attributions d'options de souscription ou d'achat d'actions et sur les attributions d'actions gratuites, prévue par l’article L. 137-13 du code de la sécurité sociale, l’assiette de cette contribution pouvant toutefois également être, sur option de l’entreprise, 25 % de la valeur des actions à la date de l’attribution.

Le III précise le taux de la taxe, qui est de 50 %.

Les impôts à la charge de l’entreprise étant déductibles du bénéfice net en l’absence de disposition législative contraire, la taxe proposée le sera. Son assiette, constituée par des rémunérations, est, en principe, également déductible.

Pour la fraction des rémunérations variables servant d’assiette à la taxe proposée et pour une entreprise bénéficiaire, tout se passera donc comme si l’assiette de la taxe proposée n’était pas déductible.

En effet, si pour un montant de rémunération variable attribué de 100, 33,33 sont économisés par l’entreprise au titre de la déductibilité de la rémunération, la taxe proposée revient à mettre à sa charge un montant équivalent (50 au titre de la taxe proposée, somme qu’il convient de minorer du tiers, soit 16,66, du fait de sa déductibilité pour une charge nette d’IS de 33,33).

Le IV précise les règles d’exigibilité de la taxe, qui sera due au premier jour du mois suivant l’entrée en vigueur de la loi pour les rémunérations déjà attribuées à cette date et au premier jour du mois suivant l’attribution pour les autres rémunérations.

La taxe sera déclarée et liquidée par les entreprises redevables et acquittée lors du dépôt de la déclaration, lequel interviendra dans les vingt-cinq jours suivant la date d’exigibilité.

Il est prévu qu’en cas de diminution de l’assiette postérieurement à l’exigibilité de la taxe (c’est-à-dire dans l’hypothèse d’une rémunération variable différée et finalement non versée), celle-ci ne sera pas restituable.

Enfin, le V soumet la taxe proposée aux mêmes modalités de contrôle, de recouvrement et de règlement et aux mêmes sanctions, garanties et privilèges que la taxe sur la valeur ajoutée.

III.– L’AFFECTATION PARTIELLE DU PRODUIT DE LA TAXE AU FONDS
DE GARANTIE DES DÉPÔTS

Le I prévoit l’affectation du produit de la taxe, dans la limite de 270 millions d'euros au fonds de garantie des dépôts. Le produit excédant ce montant sera versé au budget général.

Sur la base d’une évaluation que le Gouvernement juge fiable du montant des rémunérations variables devant être distribuées par les redevables de la taxe exceptionnelle, l’assiette de celle-ci est estimée à 725 millions d'euros. Le produit de la taxe est donc évalué à 362,5 millions d'euros, la différence entre ce montant et le produit affecté au FGD devrait couvrir la perte de recettes pour l’État résultant de la déductibilité de la taxe du résultat imposable des redevables (évaluée de manière conventionnelle sur la base d’un taux de 25 %).

Le fonds de garantie des dépôts a été créé par la loi n° 99-532 du 25 juin 1999 relative à l’épargne et à la sécurité financière. Cette loi a profondément réformé la protection des déposants tout en conservant le principe de l’organisation de cette protection par la solidarité de la place.

Contrairement à une idée reçue, les dépôts n’ont jamais été à proprement parler garantis par l’État. Sous l’empire de la loi bancaire de 1984, il appartenait au Gouverneur de la Banque de France de mettre en œuvre la solidarité de place en organisant le concours de l'ensemble des établissements de crédit « en vue de prendre les mesures nécessaires à la protection des intérêts des déposants et des tiers, au bon fonctionnement du système bancaire ainsi qu'à la préservation du renom de la place ».

La loi du 8 août 1994 a modifié ce dispositif en prévoyant l'obligation pour tous les établissements de crédit agréés en France d'adhérer à un système de garantie des dépôts ou de participer à un mécanisme équivalent. La détermination des règles relatives à ces systèmes de garantie était confiée au comité de réglementation bancaire et financière. Neuf systèmes ont été mis en place en application des règles ainsi définies, le principal étant géré par l’Association française des banques et les autres par l'Association française des sociétés financières, par le Groupement des institutions financières spécialisées, par la caisse nationale de crédit agricole, par la chambre syndicale des banques populaires, par la confédération nationale de crédit mutuel, par la caisse centrale de crédit coopératif, par le centre national des caisses d'épargne et de prévoyance et par la chambre syndicale des sociétés anonymes de crédit immobilier.

La loi n° 99-532 du 25 juin 1999 relative à l’épargne et à la sécurité financière a eu pour principal objet d’unifier ces dispositifs.

À cette fin, elle a créé le fonds de garantie des dépôts qui est une personne morale de droit privé sui generis.

Tous les établissements de crédit agréés en France doivent adhérer au fonds qui a pour principal objet « d'indemniser les déposants en cas d'indisponibilité de leurs dépôts ou autres fonds remboursables ». Il garantit ainsi les dépôts dans la limite de 70 000 euros par déposant.

Subsidiairement, le fonds gère également la garantie des titres (il s’agit, en fait, de garantir les dépôts en espèces liés à un service d’investissement) ainsi que des engagements de caution pris par des établissements de crédit, ces deux mécanismes de garantie étant toutefois juridiquement et comptablement distincts de la garantie des dépôts.

Le fonds doit intervenir, à titre curatif, à la demande de la Commission bancaire dès que celle-ci constate qu'un établissement de crédit « n'est plus en mesure de restituer, immédiatement ou à terme rapproché, les fonds qu'il a reçus du public dans les conditions législatives, réglementaires ou contractuelles applicables à leur restitution ». Il peut également intervenir (mais il n’est pas tenu de le faire) à titre préventif, et toujours à l’initiative de la Commission bancaire, auprès d'un établissement « dont la situation laisse craindre à terme une indisponibilité des dépôts ou autres fonds remboursables ».

Le fonds est dirigé par un directoire placé sous le contrôle d’un conseil de surveillance dont le rôle s'apparente à celui de l'assemblée générale des actionnaires d'une société.

Le conseil de surveillance est composé de dix membres, représentant les adhérents au fonds :

– quatre membres représentant respectivement les quatre établissements de crédit, ou ensembles d'établissements de crédit affiliés à un même organe central, qui sont les plus importants contributeurs, membres de droit ;

– six représentants des autres établissements de crédit.

Le directoire est composé de deux membres au moins nommés par le conseil de surveillance, qui confère à l'un d'eux la qualité de président.

Les ressources du fonds de garantie sont constituées par :

– des « certificats d'association »,

– des cotisations annuelles.

Les certificats d'association sont des titres de participation émis par le fonds et en constituent la dotation initiale, utilisable comme « deuxième ligne » de financement, en cas d'épuisement des ressources issues des cotisations annuelles.

Le fonds sert aux certificats d’association une rémunération annuelle qu’il fixe lors de l’arrêté de ses comptes, sans excéder le taux moyen de rendement des emprunts d’État d’une durée de 10 ans. Cette rémunération est supprimée si le fonds constate que les cotisations des adhérents seront insuffisantes pour couvrir ses charges.

Les cotisations sont réparties entre les adhérents du fonds au prorata de la « part nette de risque », calculée (par la Commission bancaire) à partir de l’assiette des dépôts, majorée ou minorée en fonction d’indicateurs relatifs à leur situation financière dans la limite d’une fourchette comprise entre 75 % et 125 % de l’assiette des dépôts.

En outre, en cas de nécessité, le fonds de garantie des dépôts peut emprunter des fonds auprès de ses adhérents ou appeler des cotisations complémentaires. Les adhérents du fonds ont effet l’obligation légale de lui fournir les ressources nécessaires à l’accomplissement de ses missions.

Comme le rappelle l’évaluation préalable du présent article, l’abondement du fonds pouvait donc être assuré par l’appel de cotisations complémentaires et la taxe proposée permet de « ne pas augmenter le niveau actuel des cotisations » et de « combler le besoin supplémentaire de financement du fonds » avec « une répartition de la charge entre établissements sensiblement différente de celle qui aurait résulté d’une augmentation de la cotisation assise sur le volume des dépôts ».

Selon les informations apportées par le Gouvernement au Rapporteur général, le FGD n’est intervenu qu’une seule fois au titre des dépôts depuis sa création : il s’agit d’une intervention à titre préventif lors de la défaillance du Crédit Martiniquais en 2000. Une action judiciaire intentée par le FGD à l’encontre du Crédit Martiniquais est toujours en cours, afin d’obtenir de ce dernier qu’il rembourse les fonds avancés par les membres.

Le FGD est intervenu une autre fois, mais au titre de la garantie des cautions, lors de la mise en liquidation en 1997 de Mutua équipement, société interprofessionnelle de cautionnement mutuel pour le financement des entreprises.

Il n’y a pas eu d’indemnisation versée par le fonds de garantie des dépôts depuis 2006.

Les tableaux ci-après présentent les ressources du fonds au 31 décembre 2008 pour chacune des trois garanties qu’il gère.

LES RESSOURCES DU FGD AU TITRE DE LA GARANTIE DES DÉPÔTS

FINANCEMENT EX-ANTE

Montants mis en réserve au titre de la garantie des dépôts :

Certificats d’association souscrits au moment de l’adhésion (remboursable uniquement si cessation d’activité sauf en cas de fusion-absorption)

Réserves (= fonds propres) : cotisations définitivement acquises et revenus du placement de l’ensemble des avoirs détenus

Cotisations versées sous forme de dépôts de garanties remboursables au bout de 5 ans si non utilisées en cas de sinistre

1 602,8 millions d’euros

534 millions d’euros

553 millions d’euros

515 millions d’euros

FINANCEMENT EX-POST (par définition non quantifié)

Le fonds peut majorer les cotisations existantes ou appeler des cotisations supplémentaires auprès de l’ensemble de ses membres (fixées par arrêté du Ministre de l’économie après avis du président du directoire).

 

Enfin, en cas de besoin, le fonds de garantie peut contracter des emprunts auprès de ses adhérents ou certains d’entre eux. A ces fins, il peut constituer ou demander à ses adhérents de constituer pour son compte les garanties requises conventionnellement.

 

Source : Ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi

LES RESSOURCES AU TITRE DE LA GARANTIE DES TITRES

FINANCEMENT EX-ANTE

Montants mis en réserve au titre de la garantie des titres :

Certificats d’association souscrits au moment de l’adhésion (remboursable uniquement si cessation d’activité sauf en cas de fusion-absorption)

Réserves (= fonds propres) : cotisations définitivement acquises et revenus du placement de l’ensemble des avoirs détenus

Cotisations versées sous forme de dépôts de garanties remboursables au bout de 5 ans si non utilisées en cas de sinistre

135 millions d’euros

10 millions d’euros

78 millions d’euros

46 millions d’euros

FINANCEMENT EX-POST (par définition non quantifié) cf. ci-dessus

Source : Ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi

LES RESSOURCES AU TITRE DE LA GARANTIE DES CAUTIONS

FINANCEMENT EX-ANTE

Montants mis en réserve au titre de la garantie des cautions :

Certificats d’association souscrits au moment de l’adhésion (remboursable uniquement si cessation d’activité sauf en cas de fusion-absorption)

Réserves (= fonds propres) : cotisations définitivement acquises et revenus du placement de l’ensemble des avoirs détenus

Cotisations versées sous forme de dépôts de garanties remboursables au bout de 5 ans si non utilisées en cas de sinistre

32 millions d’euros

17 millions d’euros

FINANCEMENT EX-POST (par définition non quantifié) cf. ci-dessus

Source : Ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi

Le présent article devrait conduire à abonder de 270 millions d'euros les ressources du FGD. Comme cela a été rappelé, celui-ci gère trois garanties distinctes et l’article ne précise pas la ventilation de cette somme entre les différentes garanties.

Selon les informations apportées par le Gouvernement au Rapporteur général, « la majeure partie du produit de la taxe sera affectée au mécanisme de garantie des dépôts, pour lequel le relèvement de plafond sera effectif au 31 décembre 2010 » et « il n’est envisagé d’affecter qu’une part minime du produit de la taxe au mécanisme de garantie des titres, dont le relèvement de plafond envisagé par la Commission européenne n’a pas encore été adopté par les États membres. Cette dernière affectation devrait porter sur environ trois millions d’euros, montant du même ordre que le poids de la contribution des entreprises d’investissement au mécanisme de garantie des titres ».

Environ 267 millions d'euros seraient donc affectés au financement de la garantie des dépôts, portant ses ressources à environ 1,87 milliard d’euros.

Selon les informations apportées par le Gouvernement au Rapporteur général, cette somme « correspond au besoin de couverture de l’ensemble des dépôts éligibles par leur nature quel que soit leur montant, i.e. y compris ceux dont le montant est supérieur à 100 000 euros par déposant ».

La définition de ce besoin de financement repose sur un calcul dont les étapes sont les suivantes :

– le total des dépôts éligibles à la garantie avec un plafond de garantie de 70 000 euros est évalué à 905 milliards d'euros, montant « obtenu à partir d’une estimation faite par la Commission européenne, dans une étude de février 2007 sur le financement des dispositifs de garantie des dépôts dans l’UE, sur la base de comparaison avec le montant des dépôts dans les autres États membres (notamment en Italie) ; il est donc à prendre avec beaucoup de précaution » ;

– la cible de dotation du FGD lorsqu’il a été mis en place était de 10 milliards de francs (soit 1,5 milliard d’euros) et il est fait l’hypothèse que cette somme correspond au besoin de financement nécessaire à la garantie du montant de dépôt actuellement couverts, estimé, dans les conditions précédemment rappelées, à 905 milliards d'euros ;

– le montant total des dépôts éligibles à l’indemnisation par le fonds, c’est-à-dire la somme des dépôts des institutions éligibles, sans prise en compte du plafond de 100 000 euros, est évalué (par le secrétariat général de la Commission bancaire) à 1 136 milliards d'euros fin 2008 ;

– puisqu’il a été décidé en 1999 qu’une dotation de 1,5 milliard d’euros était nécessaire pour garantir des dépôts dont le montant était évalué, courant 2007 par la Commission européenne, à 905 milliards d'euros, une règle de trois conduit à estimer une dotation de 1,88 milliard d’euros nécessaire pour garantir des dépôts dont le montant serait de 1 136 milliards d'euros fin 2008 (soit 25 % de plus (113)) en l’absence de prise en compte du plafond de 100 000 euros ;

– les ressources actuelles du FGD au titre de la garantie des dépôts étant de 1,6 milliard d’euros, celui-ci a besoin d’environ 270 millions d'euros de ressources supplémentaires.

*

* *

M. Charles de Courson. Nous nous posons beaucoup de questions sur la taxe instaurée par cet article.

Premièrement, si l’objectif recherché est la réduction du montant des bonus, les banques vont-elles la répercuter en les réduisant effectivement et, si oui, dans quelles proportions ?

Deuxièmement, est-il sage de créer une telle taxe avec nos seuls partenaires britanniques, sans un accord à l’échelon de la zone euro, sinon de l’Union européenne ?

Troisièmement, pourquoi cette taxe est-elle temporaire ?

Quatrièmement, son produit sera affecté au Fonds de garantie des dépôts, qui est alimenté par les cotisations volontaires des banques. Pourquoi ne pas demander tout simplement aux banques de tirer les conséquences de l’extension de la garantie des dépôts de 70 000 à 100 000 euros ?

Afin de soulever ces questions de fond, les commissaires du groupe Nouveau Centre ont déposé une série d’amendements à l’article premier. Je reconnais que certains sont quelque peu provocateurs – notamment celui tendant à pérenniser la taxe. Avant de les présenter en détail, je souhaiterais que le Rapporteur général nous présente le dispositif conçu par le Gouvernement.

M. le Rapporteur général. À la suite de l’examen de l’amendement présenté par le président de la Commission des finances, en novembre dernier, qui visait à créer pour 2010 une taxe additionnelle exceptionnelle de 10 % sur les bénéfices des banques, Mme Lagarde a pris l’engagement de mettre à la charge des banques deux contributions.

Il s’agit, en premier lieu, du coût du dispositif de supervision bancaire. Jusqu’à présent, en effet, la Commission bancaire, qui exerçait cette fonction, était financée par la Banque de France, donc par le Trésor public. La loi de finances pour 2010 a instauré une contribution pour frais de contrôle à la charge des banques dont le produit s’élèvera en 2010 à 100 millions d’euros et devrait atteindre dans quelques années 150 à 200 millions d’euros.

Le second volet est la création d’une taxe destinée à alimenter, non le budget de l’État, mais le Fonds de garantie des dépôts. Tel est l’objet de l’article premier du projet de loi de finances rectificative. La nouvelle taxe sera assise sur les bonus supérieurs à 27 500 euros, à l’instar de ce qui est fait en Angleterre.

Le Fonds de garantie des dépôts, institué par la loi du 25 juin 1999 relative à l’épargne et à la sécurité financière, est alimenté par les banques principalement sous forme de cotisations. Il a été décidé que le montant de garantie des dépôts, aujourd’hui de 70 000 euros, serait porté d’ici à la fin de l’année à 100 000 euros. En conséquence, les réserves du Fonds de garantie, qui avaient été fixées, à la suite de la loi de 1999, à 10 milliards de francs – soit 1,5 milliard d’euros – et qui s’élèvent aujourd’hui à 1,6 milliard d’euros, auraient besoin d’être abondées à hauteur de 270 millions.

Comme la nouvelle taxe est déductible de l’assiette de l’impôt sur les sociétés, elle a été conçue pour rapporter 360 millions d’euros, soit 90 millions de plus que nécessaire, la différence devant abonder le budget de l’État. On raisonne donc comme si la taxe n’était pas déductible.

En résumé, le Gouvernement a choisi d’instaurer deux prélèvements destinés à financer des charges liées à la régulation du système bancaire français, l’un du point de vue de la supervision, l’autre du point de vue de la garantie des dépôts.

M. Henri Emmanuelli. Bref, il n’y a pas de taxe !

M. le Rapporteur général. Sur un plan strictement politique, l’Angleterre a fait à ce jour le choix d’affecter la taxe sur les bonus au budget général en déclarant destiner son produit à l’aide aux personnes en recherche d’emploi. Aux États-Unis, le Président Obama, qui envisage des taxes d’une autre nature, se préoccupe que les contribuables américains récupèrent leur mise. En effet, la faillite de certaines banques américaines s’est traduite par une perte nette d’argent public, contrairement ce qui s’est passé chez nous, où l’État n’y a pas laissé de plumes puisque la garantie qu’il a fournie a été rémunérée à hauteur de 2,3 milliards. Les contextes sont donc radicalement différents.

S’agissant de la fiscalité, les banques paieront dès 2010, il ne faut pas l’oublier, 150 millions d’euros de plus au titre de la réforme de la taxe professionnelle ! Ce sont elles qui ont le plus à perdre dans la réforme avec, dans une moindre mesure, l’intérim. Sur la seule année 2010, le secteur bancaire supportera comme charges supplémentaires 100 millions correspondant au coût de la supervision, 150 millions de taxe professionnelle, et la taxe sur les bonus, qui servira à abonder le Fonds de garantie des dépôts, lequel aurait dû, dans l’avenir, être abondé par des cotisations.

M. Henri Emmanuelli. Donc la taxe ne sert à rien !

M. le Rapporteur général. Pourquoi ne sont-ce pas les salariés qui sont assujettis ? Parce que, dans l’hypothèse d’un salarié imposé au taux marginal de 40 % sur ses revenus, la taxe de 50 % serait confiscatoire.

Pourquoi n’est-elle prévue que pour un an ? Première et principale raison : si les banques ont pu prêter et dégager des résultats satisfaisants en 2009, c’est grâce au soutien de l’État. Il est normal que, l’année suivante, elles contribuent au-delà de la rémunération de la Société de financement de l’économie française et de la Société de prises de participation de l’État. Seconde raison : un seul versement suffit pour abonder le fonds de garantie des dépôts. La Grande-Bretagne a prévu un mécanisme analogue puisque la taxe envisagée ne frapperait que des décisions d’attribution prises avant avril 2010.

Enfin, nos banques, qui ont dégagé de bons résultats, vont être soumises dès l’année prochaine à des exigences supplémentaires considérables en matière de fonds propres dans le cadre de Bâle II, ce qui suppose qu’elles remontent en réserves le maximum de résultat. Cette contrainte réglementaire risque d’intervenir dans un contexte de resserrement de la liquidité que les banques centrales vont devoir commencer à éponger. Si les banques françaises sont mises en difficulté par un alourdissement excessif de taxes, elles ne pourront plus jouer leur rôle de prêteur. D’où la proposition du Gouvernement.

M. Henri Emmanuelli. C’est une explication à la Michel Pébereau !

M. le Président Didier Migaud. Nous aurons sur ce point un débat en séance publique. En attendant, je ne suis pas sûr que la proposition du Gouvernement contribuera à clarifier le débat que nous devons avoir avec les banques sous le regard de nos concitoyens. Après que certains d’entre nous eurent proposé une taxe exceptionnelle sur les banques, Christine Lagarde avait évoqué plusieurs pistes et envisagé, dans le cadre de la loi de finances, une taxe supplémentaire pour couvrir le coût de la supervision bancaire. À l’époque, la ministre avait également évoqué le Fonds de garantie des dépôts sans lien avec la taxation des bonus, qu’elle considérait comme envisageable mais nécessitant une concertation internationale. Jamais aucun lien entre la garantie des dépôts et la taxation des bonus n’a été établi. D’ailleurs, le Fonds de garantie des dépôts découle d’une obligation du code monétaire et financier, et le relèvement du plafond de garantie implique pour les banques une cotisation supplémentaire non déductible. Il est tout de même extraordinaire que, alors que les deux sujets n’étaient pas liés, l’on retrouve strictement les mêmes sommes des deux côtés. Comme par magie, la taxation sur les bonus correspond exactement à l’apport supplémentaire des banques pour relever la garantie des dépôts de 70 000 euros à 100 000 euros !

M. le Rapporteur général. C’est le miracle des chiffres !

M. le Président Didier Migaud. Je savais Christine Lagarde douée de talents extraordinaires, mais à ce point-là…

Je ne suis pas convaincu de la pertinence d’une telle approche et ce n’est pas forcément un service à rendre aux banques, d’autant que l’incompréhension vis-à-vis d’elles risque de s’étendre encore. Il faut distinguer nettement ce qui relève du Fonds de garantie des dépôts et ce qui relève de la taxation des bonus.

D’ailleurs, en dépit de la tribune libre signée par le Président de la République et le Premier ministre britannique, les dispositifs anglais et français n’ont strictement rien à voir. En Angleterre, il n’y a pas de lien entre la taxation des bonus et la garantie des dépôts, l’assiette est différente, la taxe n’est pas déductible et elle va au budget de l’État. Nous, nous faisons l’inverse ! Il n’est pas sain de mêler les deux questions et plusieurs amendements tendent d’ailleurs à bien les séparer en abondant le Fonds de garantie par le biais des cotisations, d’un côté, et en ne rendant pas déductible la taxe sur les bonus de l’impôt sur les sociétés, de l’autre.

Je ne partage pas l’opinion du Rapporteur général car, en l’état, l’opération est blanche pour les banques.

M. Henri Emmanuelli. C’est se moquer du monde !

M. le Président Didier Migaud. Cette imposition supplémentaire sera récupérée par une moins-value sur l’impôt sur les sociétés. On ne peut pas dire que les banques soient mises à contribution. L’objectif avancé pour justifier la taxation des bonus, à savoir inciter les banques à un comportement plus sain, ne sera pas atteint par le dispositif présenté par le Gouvernement. Il est loin de correspondre à ce qui avait été annoncé et il ne contribuera pas à la clarté du débat politique.

M. Jérôme Cahuzac. La taxation a d’abord été présentée comme une nécessité pour modifier les comportements de certains opérateurs du secteur bancaire et financier. Or, d’évidence, elle n’en fera rien. Tout d’abord, elle intervient ex post et, comme elle est exceptionnelle, elle ne changera rien non plus à l’avenir. On nous explique ensuite que la taxation des bonus est là pour abonder le Fonds de garantie des dépôts. Le Président Migaud vient de dire ce qu’il en était. En réalité, cette taxation n’existerait pas que les banques seraient contraintes d’abonder ledit fonds par des cotisations. On sait d’ores et déjà que cette taxation s’y substituera et sa déductibilité de l’assiette de l’IS assurera sa neutralité fiscale, si bien que le dispositif n’incitera nullement à des comportements plus vertueux. De plus, le mécanisme de garantie des dépôts préexistait et cette taxation n’apporte rien, sinon de la confusion et des faux-semblants que nous dénonçons tout à la fois.

M. Henri Emmanuelli. La ficelle est énorme !

M. Jérôme Chartier. Le Fonds de garantie des dépôts n’a, jusqu’à présent, jamais servi. C’est pourquoi les banques ont arrêté de cotiser il y a plusieurs années. Le dernier cas qui aurait pu justifier de recourir à ce Fonds est celui du Crédit Martiniquais, mais il a été réglé en amont et le Fonds n’est intervenu que de manière préventive. Bref, c’est de l’argent qui ne sert à rien mais qui correspond à une obligation légale. Et voilà dix ans que cela dure ! Alors, que le Fonds soit alimenté par la taxe sur les bonus, c’est très bien. La preuve qu’il ne peut pas servir, c’est que 1,5 milliard d’euros ne suffiraient certainement pas à garantir les dépôts ! Chacun sait que la défaillance des établissements comme le Crédit Martiniquais est traitée dans le cadre de solutions de reprise et jamais en actionnant le Fonds de garantie.

Les 300 millions seront affectés à une structure qui n’est pas utilisée. Nos banques ont besoin, le Rapporteur général l’a dit, de renforcer leurs fonds propres du fait de l’application de Bâle II, voire d’autres réglementations ultérieures. Il faut savoir ce que l’on veut : soit des banques françaises à flot qui prêtent aux entreprises, ou bien des banques que l’on surtaxe pour leur faire expier la crise financière. De cette crise, elles sont certes partiellement responsables, mais les banques françaises le sont un peu moins que les autres.

M. Jean-Pierre Brard. Dès que Jérôme Chartier intervient, on peut être sûr qu’il défend une mauvaise cause. Il se prend pour saint Bernard ou peut-être se sent-il obligé de sauver le soldat Ryan. En un sens, c’est émouvant.

Les amendements qui ont été déposés sont excellents et ils vont nous donner l’occasion de faire de la pédagogie politique en démontrant dans l’hémicycle que le mécanisme n’a d’autre but que de dissimuler la connivence qui existe entre le régime et les banquiers. Regardons les mesures qui sont prises aux États-Unis, lesquels sont de moins en moins cités en exemple quand ils portent quelques petits coups de canif au grand capital ! Il va falloir livrer bataille et profiter du Mardi-Gras qui approche pour faire tomber les masques !

M. Louis Giscard d’Estaing. J’avais interrogé sur ce point Christine Lagarde et Éric Woerth quand ils ont été auditionnés. Au 31 décembre 2008 – je vous renvoie à l’évaluation préalable des articles du projet de loi, page 144 – le Fonds de garantie des dépôts était doté de 1,61 milliard d’euros, montant qu’il faudrait porter à 1,88 milliard pour pouvoir relever, comme le demande la réglementation communautaire, le plafond de garantie à 100 000 euros. Mais comment la dotation initiale a-t-elle été calculée ?

M. Pierre-Alain Muet. En mélangeant trois sujets, le Gouvernement a réussi à noyer le poisson. Il y avait une logique à introduire une taxation exceptionnelle de 10 % sur les bénéfices des banques pour sanctionner leur responsabilité dans la crise qui a creusé les déficits publics de façon considérable. Il y avait aussi une logique à renforcer le Fonds de garantie des dépôts puisque le plafond de garantie sera porté à 100 000 euros. Il y en avait enfin une troisième à taxer les bonus pour faire en sorte que les banques soient plus responsables. Cette dernière taxe aurait dû être pérenne, à l’inverse des deux premières. Le Gouvernement arrive à confondre les trois, en prévoyant une taxe one shot qu’il entend substituer à la cotisation au Fonds de garantie. C’est donc un cadeau profondément scandaleux qui est fait aux banques !

M. René Couanau. Bien que membre de la majorité, je suis résolument hostile à cette disposition. Je reste interdit face à l’idée que l’on puisse la proposer dans les circonstances actuelles et je m’interroge sur notre capacité à avaler des couleuvres. Le Chef de l’État ne cesse d’affirmer sa volonté de taxer les bonus, inspirée par une nécessité de justice fiscale – encore que le bouclier fiscal bénéficie aux intéressés –, laquelle impose de verser les fonds au Trésor. Et l’on trouve le moyen de faire un amalgame entre la taxe sur les bonus, que tout le monde réclame, et l’impératif, dicté par l’Europe, de relever le niveau de garantie des dépôts.

D’après mes recherches sur la réglementation du Fonds de garantie, les certificats d’association souscrits par les banques donnent lieu à rémunération, ce qui prouve que ce Fonds est bien de leur responsabilité. Il n’y a donc pas besoin de le conforter par des fonds publics car elles sont en mesure de supporter la nouvelle contrainte que représente le relèvement du plafond. En outre, ce serait les dédouaner de toute responsabilité dans la distribution des bonus puisqu’elles n’auront aucun intérêt à réduire les bonus taxés pour la part excédant 27 500 euros, dont je me demande d’ailleurs comment elle a bien pu être fixée. Avec le dispositif du Gouvernement, les banques gagnent sur les deux tableaux. Et c’est inacceptable sur le plan aussi bien des principes que de la justice.

Cela ressemble à de l’abus de confiance : nous sommes en train de dissimuler certains agissements aux yeux de l’opinion qui, elle, pense que les bonus vont être taxés. Il s’agit d’un mécanisme d’assistance à des banques qui affichent des profits considérables et s’abritent derrière la conjoncture économique pour refuser de prêter aux petites et moyennes entreprises.

Il n’est pas possible que l’Assemblée nationale se laisse aller à approuver un dispositif conçu par un esprit imaginatif, mais dont les liens avec le secteur bancaire sont évidents. Il faut arrêter et voter l’amendement CF 54 du président de la Commission, qui consiste à dissocier le Fonds de garantie et la taxe sur les bonus, amendement que je cosignerai volontiers car les dispositions actuelles sont inacceptables !

Mme Chantal Brunel. Je regrette que le Gouvernement n’ait pas accepté l’amendement que nous avions voté et qui visait à majorer de 10 % l’impôt sur les sociétés payé par les banques au titre de 2009, mais je ne voterai pas les amendements présentés aujourd’hui. Il faut tout de même faire attention au secteur bancaire, qui représente 400 000 emplois et opère dans un contexte hyperconcurrentiel, et veiller à ne pas trop le fragiliser quand ses collaborateurs sont particulièrement recherchés par les entreprises concurrentes installées à l’étranger. Par ailleurs, une enquête publiée ce matin révèle que 90 % des PME se disent satisfaites de leur banque. Voter ces amendements serait un mauvais signal à un moment où les banques chinoises prennent des parts de marché. Cela étant, l’imposition sur les bénéfices aurait été mieux parce que les bonus touchent les collaborateurs, plutôt que les banques elles-mêmes.

M. Jean-Yves Cousin. Il faudrait revenir à un principe simple. Pour des raisons de justice et d’équité, le produit de la taxe exceptionnelle devrait revenir au budget de l’État. La dotation au Fonds de garantie, en revanche, est une mesure d’ordre technique.

M. le Rapporteur général. La taxe mise en place à compter de 2010 sur les bonus versés au titre des résultats de 2009 aura une influence sur lesdits bonus puisque ceux-ci seront calculés et attribués à partir de maintenant seulement et jusqu’à la fin mars. Il est également vrai qu’elle n’aura aucun effet sur les bonus ultérieurs. Mais si nous pérennisions une telle taxe, nous serions les seuls au monde à le faire.

Comme vient de le dire Chantal Brunel, il s’agit de métiers à mobilité extrême ! Vous observerez d’ailleurs que ne sont pas concernés les bonus versés aux traders des filiales des grands groupes bancaires français installés aux États-Unis, par exemple. Nous ne pouvons pas mettre en place une taxation complètement déconnectée de ce qui se passe ailleurs, d’autant plus que, comme nous avons pris la tête de la contestation de ces bonus, nous sommes le seul pays au monde à avoir adopté, par un arrêté du 3 novembre dernier, des modalités beaucoup plus restrictives en matière d’attribution desdits bonus. Sont interdits en particulier les bonus garantis au-delà d’un an ; une part minimum de 50 % devra être attribuée sous forme d’actions ; la totalité des bonus sera liée à des critères de performance réelle et, surtout, versée au terme d’une durée d’un minimum de trois ans. Autrement dit, la taxe mise en place cette année prendra en compte dans son assiette des bonus qui risquent de ne pas être versés dans deux ans. Nous sommes donc beaucoup plus restrictifs que les autres pays.

Je veux bien que la France donne l’exemple au reste du monde mais, quand la France est la seule à agir comme elle le fait, il faut être vigilant. Aux États-Unis, il faut faire la différence entre ce qui est annoncé par la Maison Blanche et ce qui est voté par le Congrès. À l’heure actuelle, rien n’a été fait, contrairement à chez nous. N’oublions pas que la banque est la seule branche d’activité à recruter encore de façon massive – plusieurs milliers d’emplois nouveaux chaque année – et qui est performante. Par ailleurs, il serait paradoxal que le pays où le secteur bancaire a le mieux résisté soit celui où le système répressif soit le plus développé.

Quant à l’affirmation selon laquelle les banques ne prêtent pas aux PME, il faut lui tordre le cou. Elle a été vraie à un certain moment, mais elle est complètement fausse aujourd'hui !

Je ne conteste pas que la position du Gouvernement soit fragilisée à cause du lien qu’elle établit entre la taxe et le Fonds de garantie. Ce qu’a dit Jérôme Chartier est vrai, le montant du Fonds de garantie est sans rapport avec celui des dépôts.

Le chiffre annoncé par le gouvernement Jospin en 1999 était de 10 milliards de francs, indépendamment du montant des dépôts. Cette somme permettait de faire face à des incidents chez deux ou trois petites banques comme le Crédit Martiniquais. Avec les cotisations supplémentaires, le Fonds atteint désormais 1,6 milliard d’euros. Le calcul qui consiste à relier l’accroissement du plafond de garantie à une augmentation de la dotation de 270 millions repose sur des ordres de grandeur. Le fond du problème, Jean-Yves Cousin l’a résumé, c’est de savoir si la taxe doit aller au Fonds de garantie ou au budget de l’État. Les amendements visant à pérenniser la taxe ou à aller plus loin que les autres pays seraient véritablement destructeurs. Je m’y opposerai donc, mais j’admets la fragilité de la position du Gouvernement.

La Commission est saisie de l’amendement CF 4 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Cet amendement a pour but de répartir la charge de la taxe sur les bonus entre les établissements de crédit et les bénéficiaires. D’aucuns prétendent que la taxe sera payée par une réduction des bonus, mais rien ne le garantit, alors que tel est pourtant notre objectif.

M. le Rapporteur général. Du fait de la taxe, les bonus seront plus faibles puisqu’ils coûteront plus cher à la banque.

M. Charles de Courson. Le problème vient de ce que les traders sont sur un marché concurrentiel et qu’ils peuvent partir. Je vois mal les dirigeants des banques réduire leurs bonus de 50 % si leurs concurrents, voire leurs filiales étrangères, ne les réduisent pas. En outre, ce qu’on nous demande de voter est anticonstitutionnel parce que le Fonds de garantie des dépôts est une personne morale de droit privé, propriété des banques. On affecterait donc un impôt à des personnes privées qui le récupérerait en cas de dissolution !

M. le Rapporteur général. Mais non ! Le Fonds a une mission de service public au sens de l’article 2 de la LOLF.

M. Charles de Courson. Si l’on dissout le FGD, qui en bénéficiera sinon les banques ? On n’a pas le droit de lever un impôt pour abonder des fonds privés.

M. le Rapporteur général. Seule la loi peut dissoudre une entité créée par la loi.

M. Charles de Courson. Ce sont les banques qui sont propriétaires du Fonds ! En outre, on instaure une taxe pour diminuer les bonus et personne ne sait ce que celle-ci va donner.

M. le Rapporteur général. Avis défavorable.

M. René Couanau. Je ne veux pas prolonger inutilement la discussion, mais le règlement 99-06 du 9 juillet 1999 dispose que les banques participent à ce Fonds en souscrivant des certificats d’association rémunérés, d’une part, et par des cotisations, d’autre part. Dès lors, quel sera le statut des fonds venant du Trésor ?

La Commission adopte l’amendement CF 4.

Elle examine ensuite l’amendement CF 54 de M. Didier Migaud.

M. le Président Didier Migaud. Je considère que l’amendement a déjà été défendu.

M. le Rapporteur général. Avis défavorable.

M. Jérôme Chartier. Concernant le Fonds de garantie, l’essentiel vient des cotisations. Quoi qu’il en soit, je souscris à ce qu’a dit le Rapporteur général.

La Commission adopte l’amendement CF 54 (amendement n° 7).

En conséquence, l’amendement CF 5 de M. Charles de Courson n’a plus d’objet.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CF 53 de M. Didier Migaud et CF 7 de M. Charles de Courson.

M. le Président Didier Migaud. J’ai déjà présenté l’amendement qui tend à rendre la taxe proposée non déductible de l’impôt sur les sociétés.

M. le Rapporteur général. Avis défavorable.

Mme Chantal Brunel. Monsieur le président, je veux bien que l’on cède à la démagogie, mais voulons-nous réellement pénaliser les banques françaises, qui doivent refinancer notre économie ? N’oublions pas que, dans un secteur très concurrentiel, elles emploient plus de 400 000 salariés !

M. Charles de Courson. À partir du moment où les cotisations au Fonds de garantie ne sont pas déductibles au titre de l’impôt sur les sociétés, il ne serait pas logique que l’impôt destiné à l’abonder le soit.

M. Jérôme Cahuzac. Bien sûr !

M. Charles de Courson. Le problème n’est pas idéologique !

Mme Chantal Brunel. Que ferez-vous quand les banques françaises auront été rachetées ?

M. le Rapporteur général. Avis défavorable. Si l’on met en place une nouvelle taxe, donc une nouvelle charge, celle-ci doit être déductible, à moins qu’on ne veuille tout simplement infliger une punition aux banques. N’oublions pas que, la taxe ayant été calibrée à hauteur de 360 millions d’euros, on retombe, si l’on en supprime 33 %, sur les 270 millions qui devaient abonder le Fonds de garantie.

M. Jérôme Cahuzac. Si vous ne preniez pas les députés pour des imbéciles, vous n’auriez pas à craindre leur vote !

M. le Rapporteur général. Quant aux cotisations, elles sont de deux types. Les unes ne sont pas versées : elles restent dans le dépôt des banques et, à ce titre, ne sont pas déductibles. Les autres, effectivement versées, représentent près d’un milliard, dont une partie a été rémunérée, de manière modeste, à hauteur de 8 millions d’euros. Reste à s’assurer qu’elles sont déductibles.

M. Henri Emmanuelli. C’est impossible puisqu’elles sont rémunérées !

M. Charles de Courson. Les cotisations au Fonds de garantie ne sont pas des charges, puisque les banques qui les ont versées en restent propriétaires.

M. le Rapporteur général. Vous confondez les certificats d’association et les cotisations, alors qu’il s’agit de deux notions distinctes.

M. Charles de Courson. D’une façon générale, quand des banques s’associent pour constituer un fonds de garantie commun, leurs cotisations ne sont pas considérées comme des charges, puisqu’elles les récupéreront en cas de dissolution.

M. Christian Eckert. Ceux de nos collègues qui ont poussé des cris d’orfraie, prétendant qu’un dispositif qui rapporterait 92 millions d’euros à l’État compromettrait la compétitivité de tout le système bancaire français, ont refusé, en début de séance, au motif qu’elle coûterait trop cher, une mesure de 800 millions au bénéfice des femmes ayant élevé seule un enfant. Je les appelle à un peu plus de pudeur !

La Commission rejette les amendements CF 53 et CF 7.

La Commission est saisie de l’amendement CF 41 de M. Jérôme Cahuzac.

M. Jérôme Cahuzac. L’amendement est défendu.

M. le Rapporteur général. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement CF 41.

La Commission examine l’amendement CF 3 rectifié de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Le but de l’amendement était de poser le problème de cet impôt exceptionnel : on peut craindre que la réduction des rémunérations des opérateurs de marché, imputable à l’impôt en 2009, ne soit en 2010 compensée par une augmentation de leur part fixe. Quoi qu’il en soit, je le retire.

L’amendement CF 3 rectifié est retiré.

La Commission est ensuite saisie des amendements CF 43 de M. Jérôme Cahuzac et CF 55 de M. Charles de Courson.

M. Jérôme Cahuzac. L’amendement CF 43 vise à pérenniser la taxe.

M. Charles de Courson. L’amendement CF 55 vise également à pérenniser la taxation sur les rémunérations variables des opérateurs de marché. Il s’agit de savoir si l’on veut mettre en place un système durable pour abonder le Fonds.

M. le Rapporteur général. Avis défavorable.

M. Charles de Courson. Je retire l’amendement CF 55.

L’amendement CF 55 est retiré.

La Commission rejette l’amendement CF 43.

La Commission en vient à l’amendement CF 42 de M. Jérôme Cahuzac.

M. Jérôme Cahuzac. Il nous semble incohérent de traiter de la même manière la participation et l’intéressement.

M. le Rapporteur général. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement CF 42.

La Commission examine l’amendement CF 40 de M. Jérôme Cahuzac.

M. Jérôme Cahuzac. L’amendement est défendu.

M. le Rapporteur général. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement CF 40.

M. le Président Didier Migaud. Je vais mettre aux voix l’article premier...

M. le Rapporteur général. Auparavant, je demande une seconde délibération sur l’amendement CF 4 : des salariés ne peuvent pas être imposés à un taux confiscatoire !

Plusieurs députés. Les Américains ont imposé les bonus !

Mme Chantal Brunel. Ils n’ont pas pris de telles mesures !

M. le Rapporteur général. Si nous ne revenions pas sur le vote de cet amendement, nous détruirions en deux semaines des milliers d’emplois. D’ailleurs, nous serions les seuls au monde à taxer les bonus à plus de 100 %.

Dois-je être plus précis ? Cette taxe est assise sur la rémunération brute, qui comprend la cotisation salariale. Autant dire que les salariés seraient taxés une première fois à hauteur de 50 % de leur rémunération brute, puis une nouvelle fois, au titre de l’impôt sur le revenu, à hauteur de 40 % de leur rémunération nette. In fine, les bonus seraient taxés à plus de 100 %. L’adoption de l’amendement ferait de nous la risée du monde. En outre, elle décrédibiliserait notre travail.

M. le Président Didier Migaud. La seconde délibération souhaitée par le Rapporteur général est de droit, mais elle doit intervenir juste avant le vote de la première partie du texte.

M. Jérôme Chartier. Tel qu’il est présenté, nous ne pouvons pas voter l’article premier.

Mme Chantal Brunel. C’est exact !

M. le Président Didier Migaud. Le règlement nous impose de voter d’abord sur l’article premier. Le Rapporteur général pourra ensuite demander une seconde délibération, comme je me souviens l’avoir fait quand j’occupais ses fonctions.

M. le Rapporteur général. Dans ces conditions, j’appelle à voter contre l’article premier. Nous voterons, après seconde délibération, l’article premier corrigé...

M. Jérôme Chartier. Pour ma part, je ne veux pas donner l’impression que la majorité vote contre un article proposé par le Gouvernement !

M. le Président Didier Migaud. Si la Commission rejette l’article, celui-ci n’existera plus. Il sera donc nécessaire en seconde délibération de proposer son rétablissement.

M. Jérôme Cahuzac. Si j’ai bien compris, l’article premier ne va pas recueillir les voix de l’UMP. Nous allons donc examiner les amendements suivants, puis notre Commission sera amenée à revenir sur le vote de l’amendement CF 4, la seconde délibération étant de droit lorsqu’elle est demandée par le Rapporteur général. Mais si l’article premier est rejeté, comment pourra-t-on se prononcer sur un amendement tendant à modifier un article qui n’existe plus ?

M. Marc Laffineur. Je crois pour ma part qu’il faut adopter l’article premier, ce qui permettra ensuite de procéder à une seconde délibération sur l’amendement.

M. le Rapporteur général. Je me rallie à cette proposition. De cette façon, même si le texte sur lequel l’Assemblée devra se prononcer en séance publique est remanié de façon substantielle, il ne pourra pas être jugé complètement inapproprié, d’autant que les autres dispositions adoptées par notre Commission font l’objet d’un consensus plus large.

La Commission adopte l’article premier ainsi modifié.

*

* *

Après l’article premier

La Commission est saisie de l’amendement CF 6 de M. Charles de Courson, portant article additionnel après l’article premier.

M. Charles de Courson. Il s’agissait d’obtenir des informations sur le fonds de garantie des dépôts, mais je suis prêt à retirer l’amendement.

L’amendement est retiré.

Article 2

Ajustement des affectations du droit de consommation sur les tabacs

Texte du projet de loi :

L’article 61 de la loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004 de finances pour 2005, dans sa rédaction issue de l’article 13 de la loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009 de financement de la sécurité sociale pour 2010, est ainsi modifié :

1° Au f, la fraction est ramenée de 36,28 % à 33,36 % ;

2° Il est ajouté un i ainsi rédigé :

« i) Une fraction égale à 2,92 % est affectée au budget général de l’État. »

Exposé des motifs du projet de loi :

Le présent article vise à la refonte des modalités de compensation des exonérations de cotisations sociales dont bénéficient les travailleurs occasionnels du secteur agricole.

En effet, ces exonérations sont, pour partie, compensées par affectation d’une fraction du panier de recettes fiscales affectées aux allègements généraux de cotisations sociales (article L. 131-8 du code de la sécurité sociale), pour partie compensées par des crédits budgétaires de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » et, pour le solde, non compensées à la sécurité sociale.

Le Gouvernement entend revenir à des modalités de compensation de droit commun, c'est-à-dire exclusivement par des crédits budgétaires, pour la totalité du dispositif. Une ouverture de crédits correspondante est prévue dans la seconde partie du présent projet de loi.

Le présent article vient donc diminuer la fraction de droit de consommation sur les tabacs affectée à ce panier fiscal et augmenter à due concurrence la part de cette même imposition revenant au budget général de l’État. Cette opération est neutre sur les comptes de la sécurité sociale.

Observations et décision de la Commission :

Cet article tend à modifier la répartition du produit du droit de consommation sur les tabacs prévu à l’article 575 du code général des impôts afin d’assurer la compensation par l’État à la sécurité sociale du coût des exonérations de cotisations patronales dues au titre de l’embauche de travailleurs occasionnels ou de demandeurs d’emploi (TO-DE) par les exploitants agricoles.

La part du produit affecté à la compensation par l’État à la sécurité sociale du coût des allègements généraux de cotisations sociales serait ramenée de 36,28 % à 33,36 %, soit une baisse de 291 millions d’euros, tandis que serait créée, à due concurrence, une fraction destinée au budget de l’État de 2,92 %.

Cette recette permettrait de financer pour partie la compensation du coût des mesures d’allègement de cotisations en faveur des TO-DE prévues à l’article L. 741-16 du code rural (318 millions d’euros) et le coût supplémentaire induit par la réforme de ce dispositif, présentée à l’article 8 du présent projet de loi (168 millions d’euros). Le financement de cette compensation serait complété par des annulations de crédits d’un montant total de 168 millions d’euros.

La mesure présentée par cet article participe donc à un ensemble plus vaste de mouvements de crédits destinés à garantir la compensation intégrale des régimes de sécurité sociale.

I.– LES MODALITÉS ACTUELLES DE COMPENSATION DES ALLÉGEMENTS DE COTISATIONS PATRONALES EN FAVEUR DES TO-DE

Les allègements des cotisations dues au titre de l’embauche d’un travailleur occasionnel par un exploitant agricole représentent un montant de 318 millions d’euros.

Cette perte de ressources pour la sécurité sociale est actuellement compensée à hauteur de 190 millions d’euros par le panier de recettes fiscales affecté à la compensation des allègements généraux des cotisations sociales et à hauteur de 27 millions d’euros par des crédits du programme Économie et développement durable de l’agriculture, de la pêche et des territoires de la mission Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales. Au total, les régimes de sécurité sociale sont donc compensés à hauteur de 217 millions d’euros.

Ces modalités de compensation ne sont pas conformes aux dispositions de l’article L. 137-1 du code de la sécurité sociale qui prévoit que toute mesure de réduction ou d’exonération de cotisations de sécurité sociale donne lieu à une compensation intégrale des régimes concernés par l’État pendant toute la durée de son application. Or, 101 millions d’euros ne sont pas compensés. De même, elles ne sont pas conformes avec les dispositions de l’article L. 131-8 du même code qui autorisent, par dérogation au droit commun, le seul financement des allègements généraux des cotisations sociales par des recettes fiscales. Pour autant, les allègements spécifiques aux TO-DE sont principalement financés par ces recettes.

Par conséquent, les dispositions du présent projet de loi visent à financer la compensation à la sécurité sociale de ces allègements spécifiques dans le respect des règles de droit commun.

II.– LA MISE EN œUVRE D’UNE COMPENSATION ASSURÉE INTÉGRALEMENT PAR DES CRÉDITS BUDGÉTAIRES

Cet article opère un transfert de recettes vers le budget de l’État en réduisant la fraction de droit de consommation sur les tabacs affecté aux « allègements généraux » et en affectant une fraction équivalente à cette réduction au budget de l’État.

ÉVOLUTION DE LA RÉPARTITION DU DROIT DE CONSOMMATION SUR LES TABACS

 

LFSS 2010

PLFR 2010

FFIPSA :

       

– CCMSA (maladie)

18,68 %

1 861

18,68 %

1 861

– CCMSA (vieillesse)

1,89 %

188

1,89 %

188

CNAMTS

38,81 %

3 866

38,81 %

3 866

Budget général de l’État

   

2,92 %

291

FNAL

1,48 %

147

1,48 %

147

FCCATA

0,31 %

31

0,31 %

31

Allègements généraux (L.131-8 CSS)

36,28 %

3 614

33,36 %

3 323

Fonds de solidarité

1,25 %

125

1,25 %

125

Paniers heures supp

1,30 %

129

1,30 %

129

Total

100,00 %

9 961

100,00 %

9 961

Au sein des 291 millions d’euros supplémentaires versés au budget de l’État, 190 millions correspondent au financement prélevé jusqu’à présent sur le panier de recettes des allègements généraux pour compenser la sécurité sociale. Ce panier de recettes étant excédent aire, ce montant est complété par 101 millions d’euros correspondant à la partie non compensée.

À ce transfert de recettes, s’ajoutent 168 millions d’euros d’annulations portant sur des crédits figurant dans la réserve de précaution. Par ailleurs, parmi les 50 millions d’euros affectés à la compensation des exonérations de cotisations sociales au sein du programme Économie et développement durable de l’agriculture, de la pêche et des territoires, 27 millions d’euros sont d’ores et déjà affectés à la compensation des mesures d’allègement de cotisations sociales spécifiques aux TO-DE. Le financement de la compensation correspond donc à 486 millions d’euros, soit au coût total du dispositif en vigueur et de la réforme prévue à l’article 8.

Par conséquent, le présent projet de loi ouvre 459 millions d’euros de crédits sur le programme précité, qui correspondent au coût total de la compensation, soit 486 millions d’euros diminués des 27 millions d’euros déjà prévus dans le budget (114).

FINANCEMENT DES ALLÈGEMENTS DE COTISATIONS PATRONALES EN FAVEUR DES
TO-DE

 

Allègements prévus par la LFSS 2010

Allègements prévus par le PLFR 2010

Coût total des allègements de cotisations

318 M€

486 M€

Part compensée à la sécurité sociale par les recettes fiscales destinées à la compensation des allègements généraux

190 M€

Part compensée par des crédits du budget de l’État

27 M€

486 M€, décomposés comme suit :

– 29 M€ de droits sur les tabacs

– 168 M€ d’annulations sur la réserve de précaution

– 27 M€ de crédits déjà ouverts

Part non compensée

101 M€

Ces mouvements de crédits permettent à la fois d’assurer que la réforme du dispositif d’allègement de charges en faveur des TO-DE soit neutre pour le solde budgétaire de l’État et que la compensation intégrale de la sécurité sociale soit financée par des crédits budgétaires.

*

* *

La Commission adopte l’article 2 sans modification.

*

* *

AUTRES DISPOSITIONS

Article 3

Ratification d’un décret relatif à la rémunération
de services rendus par l’État

Texte du projet de loi :

Est autorisée, au-delà de l’entrée en vigueur de la présente loi, la perception de la rémunération de services instituée par le décret n° 2009-1648 du 23 décembre 2009 relatif à la création d’une redevance océanique de navigation aérienne.

Exposé des motifs du projet de loi :

Le présent article permet de procéder, conformément à l’article 4 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, à la ratification d’un décret sur la base duquel a été établie la rémunération de services rendus par l’État et qui est entré en vigueur le 1er janvier 2010.

Observations et décision de la Commission :

Le produit de la rémunération des services rendus par l’État constitue l’une de ses recettes budgétaires. Depuis l’entrée en vigueur de l’article 4 de la LOLF, les décrets instituant de telles rémunérations doivent être soumis à la ratification parlementaire dans la plus prochaine loi de finances afférente à l’année concernée (115).

Le présent article tend ainsi à ratifier le décret n° 2009-1648 du 23 décembre 2009 relatif à la création d’une redevance océanique de navigation aérienne.

Ce décret, pris sur le rapport du ministre de l’Écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer et du ministre du Budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État institue, à l’article R. 134-7 du code de l’aviation civile, une « redevance océanique ». Entrée en vigueur le 1er janvier 2010, cette redevance vise à compléter le dispositif de financement des services de navigation aérienne outre-mer. La redevance est due par les exploitants d’aéronefs faisant « usage des installations et services mis en œuvre par l’État outre-mer pour la sécurité de la circulation aérienne en route et la rapidité de ses mouvements, y compris les services de radiocommunication et de météorologie ». Deux arrêtés ministériels du même jour fixent le taux de cette taxe, son mode de calcul, ainsi que les possibles exonérations.

Selon le projet annuel de performances (PAP) pour 2010 du programme Navigation aérienne (budget annexe Contrôle et exploitation aériens), cette nouvelle redevance doit permettre, en facturant les services rendus aux survols dans les espaces aériens gérés par la France outre-mer, de faire payer des usagers qui, auparavant, bénéficiaient gratuitement des services en route de navigation aérienne. Elle devrait ainsi conduire à une amélioration du taux de couverture de ces services, sans alourdir la facture des compagnies qui desservent l’outre-mer, puisque sa création s’accompagne d’une diminution de près de 20 % du taux unitaire de la redevance pour services terminaux de la circulation aérienne (RSTCA) outre-mer.

Le produit de cette redevance pour services rendus, qui sera versé en recette du budget annexe Contrôle et exploitation aériens, est évalué à 45 millions d’euros pour 2010, ce qui permettrait de recouvrer environ 40 % des coûts engagés pour les services de navigation aérienne outre-mer.

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La Commission adopte l’article 3 sans modification.

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Article 4

Modalités d’attribution et de gestion des fonds consacrés au financement des investissements d’avenir et information du Parlement sur ces investissements

Texte du projet de loi :

I. – La gestion des fonds versés à partir des programmes créés par la présente loi de finances rectificative peut être confiée, dans les conditions prévues par le présent article et nonobstant toute disposition contraire de leurs statuts, à l’Agence nationale de la recherche ainsi qu’à d’autres établissements publics de l’État et à des sociétés dans lesquelles l’État détient directement ou indirectement une majorité du capital ou des droits de vote. La liste de ces autres établissements et de ces sociétés est fixée par un décret.

La Caisse des dépôts et consignations peut également concourir à la gestion de ces fonds, pour le compte de l’État ou des établissements et sociétés mentionnés ci-dessus.

II. – Les conditions de gestion et d’utilisation des fonds mentionnés au I font, préalablement à tout versement, l’objet d’une convention entre l’État et chacun des organismes gestionnaires, ou à défaut d’un décret, qui prévoit notamment :

1° Les objectifs à atteindre et les indicateurs mesurant les résultats obtenus ;

2° Les modalités d’instruction des dossiers conformément à un cahier des charges approuvé par arrêté du Premier ministre ;

3° La création d’un ou plusieurs comptes particuliers et les modalités d’un suivi comptable propre ainsi que de l’information préalable de l’État sur les paiements envisagés ;

4° Le cas échéant, les conditions dans lesquelles les fonds versés sont, pour un montant déterminé, conservés pour produire intérêt par l’organisme gestionnaire ou par le bénéficiaire auquel il les attribue.

Cette convention ou ce décret précise également les modalités selon lesquelles l’État contrôle l’utilisation des fonds et décide en dernier lieu de leur attribution.

Les fonds sont obligatoirement déposés chez un comptable du Trésor, y compris ceux gérés par la Caisse des dépôts et consignations pour le compte de l’État ou des autres organismes mentionnés au I ainsi que ceux relevant du 4° ci-dessus attribués par l’Agence nationale de la recherche à leurs bénéficiaires. Le dépôt au Trésor des fonds mentionnés au 4° ci-dessus ouvre droit à une rémunération dont les modalités et le taux sont fixés par arrêté conjoint des ministres chargés de l’économie et du budget.

III. – Le Gouvernement dépose chaque année jusqu’en 2020, sous forme d’une annexe générale au projet de loi de finances de l’année, un rapport relatif aux investissements financés par les crédits ouverts sur les programmes créés par la présente loi de finances rectificative. Ce rapport rend compte notamment de la conclusion et de la mise en œuvre des conventions et décrets mentionnés au II.

Exposé des motifs du projet de loi :

Le présent article a pour objet de définir les relations entre l’État et les organismes gestionnaires des fonds destinés au financement des investissements d’avenir. Ces relations seront organisées par une convention pluriannuelle conclue par l’État avec chacun des organismes concernés.

Le cadre législatif ainsi défini permet à l’État de conserver la maîtrise de l’utilisation de ces fonds : les organismes récipiendaires des fonds n’agiront qu’en tant que gestionnaires ; l’attribution et l’utilisation des crédits relèvent en dernier ressort de la décision de l’État.

Un comité d’engagement, instance de gouvernance ad hoc, sera mis en place dans chacun des organismes gestionnaires et assurera la sélection des projets éligibles dans le cadre des objectifs définis par le Gouvernement dans chaque secteur d’activité financé par l’emprunt national. Les organismes gestionnaires restent compétents pour organiser le fonctionnement et la composition du comité, qui pourra associer à ses travaux tous les partenaires qu’il jugera utile.

Chaque organisme devra tenir une comptabilité spécifique, retraçant les engagements et décaissements opérés pour le financement particulier de ces projets.

Sans détenir directement ces fonds, la Caisse des dépôts et consignations pourra assurer la gestion d’une partie d’entre eux, pour le compte de l’État ou d’autres organismes.

L’ensemble des fonds (« consomptibles » et « non consomptibles ») versés par l’État à ces organismes gestionnaires est soumis à une obligation de dépôt au Trésor. Cette obligation s’applique également aux dotations non consomptibles que l’Agence nationale de la recherche reversera à certains organismes. En contrepartie, les fonds non consomptibles seront rémunérés, dans des conditions prévues par arrêté interministériel. Les fonds consomptibles ne donneront pas lieu à rémunération.

Les gestionnaires des fonds devront également informer l’État préalablement aux retraits des sommes déposées sur le compte du Trésor.

Afin de garantir l’information complète du Parlement, une annexe au projet de loi de finances présentera chaque année les données relatives à l’emploi des crédits de l’emprunt national (projets financés et état d’avancement), à l’efficience de la gouvernance mise en place (qualité de la gestion des différents opérateurs, mise en œuvre des conventions de gestion conclues avec l’État) et à l’efficacité et l’efficience de la dépense effectuée (indicateurs de performance et résultats obtenus).

Observations et décision de la Commission :

Le présent article tend à définir les conditions d’attribution et de gestion des 35 milliards d’euros d’investissements d’avenir prévus dans le présent projet de loi de finances rectificative.

Ainsi qu’on l’a vu dans l’exposé général du présent rapport, le dispositif d’utilisation des fonds consacrés aux cinq priorités nationales définies par le Président de la République devrait s’avérer particulièrement innovant. Il s’agit en effet d’éviter que l’effort financier exceptionnel consenti aujourd’hui puisse être détourné de son objet (l’investissement dans des secteurs d’avenir trop longtemps sous-financés) et de s’assurer que les effets qui en sont attendus (en particulier le relèvement de notre potentiel de croissance) soient bien, dans quelques années, au rendez-vous.

Pour y parvenir, le présent article tend à mettre en place un système original de cogestion des fonds par l’Etat et une série d’organismes associés (ANR, ADEME, OSÉO, Caisse des dépôts etc.) (116). Ces modalités particulières de gestion visent, selon l’exposé des motifs du présent projet, à « garantir une gouvernance au niveau des meilleurs standards internationaux ». Elles dérogent sensiblement aux mécanismes traditionnels de la gestion budgétaire étatique, tout spécialement en raison de la « sortie » du budget de l’État de la totalité des fonds dès 2010, alors même que les dépenses réelles d’investissement s’étaleront sur plusieurs années. Mais elles dérogent également au cadre habituel des relations que la puissance publique noue avec ses opérateurs, du fait notamment du pouvoir conféré à l’État de décider en dernier ressort de chacune des décisions individuelles d’investissement.

Il convient de présenter successivement les conditions d’attribution des fonds aux organismes associés à l’État, les règles de gestion et d’utilisation des fonds puis, en dernier lieu, d’évoquer les modalités d’information et le contrôle du Parlement sur les investissements ainsi financés.

I.– L’ATTRIBUTION DES FONDS AUX ORGANISMES GESTIONNAIRES

Le champ d’application du présent article est limité aux seuls 35 milliards d’euros de crédits ouverts par la présente loi de finances rectificative (117) consacrés au financement des investissements d’avenir : l’alinéa 1er du I vise précisément les « fonds versés à partir des programmes créés par la présente loi de finances rectificative ».

Le Rapporteur général rappelle en effet que les 35 milliards d’euros de crédits dédiés aux investissements d’avenir sont ouverts sur des programmes ad hoc, créés spécialement au sein de différentes missions préexistantes du budget de l’État (118). Le tableau ci-après présente les 14 programmes concernés.

Du point de vue de la comptabilité budgétaire, la totalité des crédits ouverts sur ces programmes seront consommés dès l’année 2010 (119), c’est-à-dire versés à plusieurs organismes distincts de l’État, dans les conditions présentées ci-après. Il en résulte que les programmes d’origine disparaîtront de la nomenclature budgétaire dès 2011 : le projet de loi de finances pour 2011 ne portera plus trace de ces 35 milliards d’euros (120). Cette sortie immédiate des fonds du budget de l’État constitue la première étape de leur « sanctuarisation », conformément aux préconisations de la commission Juppé-Rocard. Cette dernière plaidait en effet en faveur d’ « une étanchéité stricte entre le budget de l’État et les fonds alloués dans le cadre de l’emprunt national ; autrement dit, il ne doit pas être possible d’utiliser ces fonds pour financer les actions normalement prévues dans le budget de l’État » (121).

RÉPARTITION PAR MISSIONS ET PROGRAMMES DES CRÉDITS
DÉDIÉS AUX INVESTISSEMENTS D’AVENIR PROPOSÉS DANS LE PRÉSENT PROJET

(en milliards d’euros)

Écologie, développement et aménagement durables

3,6

Démonstrateurs et plateformes technologiques en énergies renouvelables et décarbonées et chimie verte

1,6

Transport et urbanisme durables

1,0

Véhicule du futur

1,0

Économie

7,0

Croissance des petites et moyennes entreprises

2,5

Développement de l’économie numérique

4,5

Enseignement scolaire

0,5

Internats d’excellence et égalité des chances

0,5

Recherche et enseignement supérieur

21,9

Instituts thématiques d’excellence en matière d’énergies décarbonées

1,0

Projets thématiques d’excellence

3,1

Pôles d’excellence

15,4

Recherche dans le domaine de l’aéronautique

1,5

Nucléaire de demain

1,0

Travail et emploi

0,5

Investissements dans la formation en alternance

0,5

Ville et logement

0,5

Rénovation thermique des logements

0,5

Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés (compte de concours financiers)

1,0

Prêts aux petites et moyennes entreprises

1,0

TOTAL

35,0

Source : articles 6 et 7 et états B et C annexés au présent projet de loi de finances rectificative.

Les termes d’ « organisme gestionnaire » sont les plus neutres et les plus larges pour désigner les possibles destinataires des 35 milliards d’euros de crédits inscrits sur les 14 programmes précités. L’alinéa 1er du I prévoit en effet que la gestion des fonds peut être confiée « à l’Agence nationale de la recherche ainsi qu’à d’autres établissements publics de l’État et à des sociétés dans lesquelles l’État détient directement ou indirectement une majorité du capital ou des droits de vote. La liste de ces autres établissements et de ces sociétés est fixée par un décret ».

Le fait de viser expressément l’Agence nationale de la recherche (ANR) (122) s’explique tant par le fait qu’elle mobilise plus de la moitié des crédits (18,9 milliards d’euros sur 35 milliards d’euros) que par son rôle spécifique d’opérateur « relais », qui la conduira à reverser les fonds à d’autres organismes, dans les conditions explicitées ci-après.

En dehors de l’ANR, le spectre couvert par le présent article est large, puisque sont concernés :

– les établissements publics de l’État. La plupart des organismes attributaires des fonds seront effectivement soit des établissements publics administratifs (ANR, ANAH (123)), soit des établissements publics industriels et commerciaux (OSÉO, ADEME, ONERA, CEA, CNES, ANRU, ANDRA (124))  ;

– les sociétés détenues par l’État, par exemple les filiales du groupe OSÉO. La détention par l’État pourra n’être qu’indirecte, ce qui en l’occurrence permettra de viser le Fonds stratégique d’investissement (FSI), détenu à 49 % par l’État et à 51 % par la Caisse des dépôts et consignations. Le FSI sera ainsi gestionnaire du nouveau Fonds national d’amorçage des entreprises innovantes (125) ;

– la Caisse des dépôts et consignations (CDC), qui fait l’objet d’une disposition spécifique à l’alinéa 2 du I, lui permettant de « concourir à la gestion » des fonds pour le compte de l’État ou des organismes précités. Ce sera notamment le cas en matière de formation professionnelle (126) et de développement de la « ville de demain » (127).

On notera que le statut juridique du futur Fonds national pour la société numérique (FSN), dont la gestion devrait être confiée à la Caisse des dépôts, n’est pas encore clairement défini.

Le tableau ci-après récapitule les organismes à qui seront versés les crédits ouverts par le présent projet de loi de finances rectificative. Un décret, prévu à l’alinéa 1er du présent article, en dressera prochainement la liste.

Ces organismes ont généralement le statut d’opérateur (principal ou secondaire) de l’État au sens du droit budgétaire, à l’exception de la CDC, du FSI et – peut-être – du FSN (128). En outre, réserve faite de l’ANDRA, d’OSÉO-Financement et d’OSÉO-Garantie, toutes les structures considérées constituent des organismes divers d’administration centrale (ODAC) et, partant, des administrations publiques au sens de la comptabilité nationale (y compris les fonds créés auprès de la Caisse des dépôts dès lors qu’ils seront gérés pour le compte de l’État ou d’une autre administration publique).

RÉPARTITION PAR ORGANISMES DES CRÉDITS
CONSACRÉS AUX INVESTISSEMENTS D’AVENIR

(en milliards d’euros)

Organismes attributaires

Montants attribués

Statut de l’organisme

ANR

18,9

EPA

FSN

4,5

Inconnu

OSÉO

2,8

EPIC / SA (a)

ADEME

2,6

EPIC

Fonds CDC

1,7

Inconnu

ONERA

1,5

EPIC

CEA

0,9

EPIC

CNES

0,5

EPIC

ANAH

0,5

EPA

FSI

0,5

SA

ANRU

0,5

EPIC

ANDRA

0,1

EPIC

Total

35,0

 

(a) L’établissement public « holding » du groupe OSÉO est un établissement public industriel et commercial (EPIC), mais ses filiales (OSÉO-Innovation, OSÉO-Financement et OSÉO-Garantie) sont des sociétés anonymes (SA).

II.– LA GESTION ET L’UTILISATION DES FONDS

Parce qu’elles sont spécifiques, les modalités de gestion et d’utilisation des fonds par les organismes attributaires seront régies par des conventions passées avec l’État. La signature de la convention avec l’organisme concerné constitue d’ailleurs une condition préalable « à tout versement » (alinéa 1er du II du présent article) (129). Nécessairement pluriannuelles, les conventions couvriront une période variable d’un cas à l’autre. Au cas où l’État et son partenaire ne parviendraient pas à une solution conventionnelle, le présent article ouvre la possibilité de fixer les conditions de gestion des fonds par décret.

À titre liminaire, il convient de préciser qu’à chacune des étapes du processus décrit ci-après, l’État bénéficiera de l’appui du nouveau commissaire général à l’investissement (130), chargé de coordonner les travaux interministériels sous l’autorité du Premier ministre. L’une de ses premières tâches consistera précisément, en lien avec les ministères concernés, à préparer et à valider les conventions prévues au présent article.

Les alinéas 4 à 8 du présent article énumèrent les principaux éléments du cadre d’emploi des fonds appelés à figurer dans les conventions (ou, à défaut, dans les décrets).

 Une série d’objectifs, assortis d’indicateurs, seront assignés aux organismes attributaires des fonds (1° du II du présent article), afin de contrôler la mise en œuvre des « priorités nationales », décrites dans l’exposé général du présent rapport et détaillées dans la justification au premier euro du présent projet de loi de finances rectificative. La méthodologie retenue pour la fixation de ces objectifs et pour la construction de ces indicateurs sera vraisemblablement proche de celle utilisée dans le cadre des conventions d’objectifs liant l’État à un certain nombre – encore largement insuffisant – de ses opérateurs (131). L’enjeu consistera à mesurer à la fois la pertinence et l’efficience des projets d’investissement, mais aussi la qualité de la gestion des organismes attributaires des crédits. Selon les informations recueillies par le Rapporteur général, les objectifs et indicateurs appelés à figurer dans les conventions reprendront pour partie ceux présentés en annexe au présent projet (132) (dont les résultats seront mesurés dans les rapports annuels de performances joints au projet de loi de règlement du budget 2010), mais seront plus nombreux et plus diversifiés.

 Les conventions fixeront par ailleurs les modalités d’instruction et de sélection des différents projets d’investissement. L’instruction des dossiers - par exemple sous forme d’appels à projets - sera effectuée « conformément à un cahier des charges approuvé par arrêté du Premier ministre » (2° du II du présent article). Ces derniers préciseront les différentes étapes de la procédure, les critères de sélection des projets, la forme des financements apportés et les modalités de suivi de l’utilisation des fonds. Selon l’exposé des motifs du présent article, un comité d’engagement, instance de gouvernance ad hoc, sera mis en place et assurera la sélection des projets éligibles. Même s’il est souhaitable qu’elle puisse s’inspirer des « bonnes pratiques » préexistantes au sein de chaque opérateur, la mise en œuvre des investissements d’avenir s’effectuera donc au moyen de procédures spécifiques (définies dans leurs grandes lignes dans les conventions et précisées, en fonction des projets et des domaines concernés, dans les cahiers des charges).

La qualité et la rentabilité des investissements effectivement réalisés dépendront évidemment beaucoup de l’efficacité de cette phase d’instruction et de sélection. C’est pourquoi celle-ci devrait mobiliser tant les compétences des opérateurs que celle des services de l’État et, plus largement, bénéficier du recours à des expertises multiples et d’origines diverses (personnalités qualifiées, représentants du secteur privé, jurys internationaux, etc.).

 La décision finale relative à chaque projet d’investissement sera prise par l’organe compétent de l’opérateur, par exemple son conseil d’administration, dans les conditions définies dans la convention. Il convient toutefois de souligner que l’État gardera in fine le pouvoir de décision, dès lors que l’alinéa 6 du II du présent article prévoit expressément que la convention (ou, à défaut, le décret) fixe les modalités selon lesquelles « l’État contrôle l’utilisation des fonds et décide en dernier lieu de leur attribution ».

On pourrait voir un paradoxe dans ce mécanisme consistant à verser la totalité des fonds à des organismes distincts de l’État, tout en réservant à ce dernier le pouvoir de trancher en dernier ressort. Au contraire, cette solution paraît raisonnable, a fortiori en raison des montants en jeu : s’appuyer sur le savoir-faire développé par les opérateurs dans leur domaine de compétence ne saurait conduire à s’en remettre aveuglément à leur seule appréciation. Loin donc de constituer un « chèque en blanc » aux opérateurs attributaires des fonds, la procédure proposée tend à s’appuyer sur l’expertise d’organismes spécialisés et à la mettre au service d’une stratégie nationale d’investissement, qui ne saurait être définie que par l’État. Au demeurant, on imagine mal, en pratique, que la disposition précitée conduise à faire « remonter » chacun des dossiers individuels d’investissement jusqu’au commissaire général à l’investissement et, a fortiori, jusqu’au Premier ministre : il faut plus raisonnablement y voir la garantie pour l’État de toujours disposer d’un pouvoir d’évocation et, le cas échéant, d’un droit de veto.

 Selon le 3° du II du présent article, les conventions entre l’État et les organismes gestionnaires devront également prévoir un suivi comptable spécifique des fonds dédiés aux investissements d’avenir, afin d’éviter toute confusion entre les crédits ouverts dans le présent projet et les autres moyens financiers de ces organismes. On peut donc parler d’une « double étanchéité » des fonds, vis-à-vis tant du budget de l’État que du budget habituel des opérateurs.

 En outre, les conventions préciseront, le cas échéant, les conditions dans lesquelles « les fonds versés sont, pour un montant déterminé, conservés pour produire intérêt par l’organisme gestionnaire ou par le bénéficiaire auquel il les attribue » (4° du II du présent article). Cette disposition est primordiale, puisqu’elle offre à l’État la possibilité d’attribuer des dotations non consomptibles aux organismes gestionnaires des fonds.

Le Rapporteur général rappelle qu’il s’agit d’un des aspects innovants du présent projet : d’un côté, la dotation à des opérateurs d’un capital non susceptible d’être consommé (partiellement ou totalement) prévient le risque de dilapidation des crédits ; de l’autre, les intérêts annuels générés par le placement des fonds auprès du Trésor public permettent le financement de dépenses de façon régulière et pérenne. Par exemple, la dotation d’un milliard d’euros à un fonds géré par la Caisse des dépôts en vue du développement de la « ville de demain » (133) ne sera consomptible qu’à hauteur de 60 %. Au total, selon les informations résultant de la justification au premier euro du présent projet, le montant des fonds non consomptibles s’établirait à 16 milliards d’euros (46 %), tandis que les fonds consomptibles représenteraient 19 milliards d’euros (54 %) (134). Le tableau ci-après présente la ventilation par projets d’investissement des dotations non consomptibles.

RÉPARTITION PAR PRIORITÉ DES DOTATIONS NON CONSOMPTIBLES

(en milliards d’euros)

Priorité

Montant
non consomptible

Campus d’excellence

7,7

Valorisation de la recherche

2,6

Opération Campus

1,3

Santé et biotechnologies (hors IHU)

1,1

Laboratoires d’excellence

0,9

Instituts d’excellence

0,8

Santé et biotechnologie (IHU)

0,7

Équipements de recherche

0,6

Transport et urbanisme durables

0,4

Total

16,0

IHU : instituts hospitalo-universitaires.

Source : d’après la justification au premier euro du présent PLFR.

En pratique, le principal opérateur concerné par le versement de dotations non consomptibles sera l’ANR, ainsi que les organismes auxquels cette Agence pourra, dans un second temps, reverser les fonds. Dans cette dernière hypothèse, l’ANR jouera un rôle d’opérateur « relais » (135), consistant à préparer la sélection d’autres organismes, bénéficiaires finaux des fonds (par exemple des fondations adossées aux campus d’excellence, des instituts hospitalo-universitaires, des instituts Carnot etc.) (136). Les fonds versés à ces bénéficiaires pourront, eux aussi, demeurer non consomptibles, seuls les intérêts tirés de leur placement étant susceptible d’être dépensés.

 La rémunération par le Trésor public de ces fonds non consomptibles sera calculée par application d’un taux fixé par arrêté des ministres chargés de l’économie et du budget (alinéa 7 du II du présent article). Ce taux ne sera pas uniforme, mais déterminé au cas par cas, en concertation avec chacun des opérateurs et en fonction notamment de la durée de conservation de la dotation non consomptible. Il s’agit d’un enjeu non négligeable, puisque du taux appliqué dépendra le montant annuel des sommes effectivement à la disposition des organismes gestionnaires. Actuellement, lorsqu’un compte d’un correspondant du Trésor est rémunéré (137), le taux servi correspond généralement à celui observé sur les titres d’État de maturité identique à la durée du dépôt des fonds sur le compte. À titre purement illustratif, si un taux de 3,5 % était appliqué à une dotation de 1,5 milliard d’euros attribuée à un campus d’excellence, ce dernier percevrait un revenu de plus de 52 millions d’euros chaque année (138). Il conviendra que les documents budgétaires joints aux projets de loi de finances fournissent au Parlement des informations précises sur la mise en œuvre de ce dispositif (niveau et justification du taux appliqué, montant des intérêts perçus, montant des dépenses financées par ce biais etc.) (139).

Du point de vue du budget de l’État, cette rémunération des fonds déposés au Trésor augmentera la charge de sa trésorerie, actuellement retracée sur le programme Charge de la dette et trésorerie de l’État de la mission Engagements financiers de l’État (140). Dès lors que ce programme est inclus dans le périmètre de la norme de dépense (141), la charge supplémentaire pesant sur la trésorerie de l’État du fait de la rémunération des fonds consacrés aux investissements d’avenir devra, chaque année, être compensée par une réduction des autres dépenses du budget général. Si tel est bien le cas lors de l’élaboration de la loi de finances puis lors de son exécution, ce dispositif de rémunération des fonds non consomptibles ne créera donc pas de dépense supplémentaire pour le budget de l’État (142).

En l’occurrence, dans le présent projet de loi de finances rectificative, le surcoût prévu sur la charge de la dette en 2010 est principalement dû à la rémunération des fonds déposés au Trésor (+ 465 millions d’euros, en conséquence d’une rémunération hypothétique de 4 % d’un encours de 15,5 milliards d’euros de fonds non consomptibles durant trois trimestres). Ce surcoût est intégralement compensé par des annulations de crédits sur le budget général. Le Rapporteur général renvoie, sur ces aspects, à l’exposé général du présent rapport.

 L’alinéa 7 du II du présent article précise que la totalité des fonds consacrés aux investissements d’avenir sont obligatoirement déposés auprès du Trésor. L’obligation s’applique donc également aux dotations consomptibles versées aux organismes gestionnaires, y compris les sociétés détenues majoritairement par l’État, la Caisse des dépôts (143) et les opérateurs « de second niveau » bénéficiaires des financements de l’ANR dans les conditions précitées. Toutefois, les fonds consomptibles ne donneront pas lieu à rémunération par le Trésor (alinéa 7 du II du présent article a contrario). Une telle disposition paraît cohérente, la rémunération des dépôts pouvant s’analyser comme la contrepartie nécessaire du caractère non consomptible des dotations.

En l’état actuel du droit, une obligation de dépôt de leurs fonds au Trésor pèse déjà sur les établissements publics administratifs de l’État et sur les établissements publics industriels et commerciaux dotés d’un comptable du Trésor, mais des dérogations peuvent être accordées, au cas par cas, par le ministre chargé des finances (144). L’obligation générale posée au présent article permettra de couvrir l’ensemble des organismes associés à la gestion des investissements d’avenir, y compris ceux qui n’ont pas le statut d’établissement public.

En plus de s’inscrire dans la logique de « sanctuarisation » précédemment évoquée, cette obligation de dépôt au Trésor de l’ensemble des fonds présente l’intérêt de renforcer les ressources de financement de l’État. Elle permet ainsi de lisser dans le temps les effets sur la charge de la dette de la détérioration du solde budgétaire entraînée par le présent projet. En effet, le montant des fonds immobilisés sur les comptes du Trésor représente autant d’emprunts en moins contractés par l’État auprès des marchés.

Ainsi, on a vu dans l’exposé général du présent rapport que, du fait de l’obligation de dépôt prévue au présent article, la variation des comptes des correspondants du Trésor augmenterait de 30 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale (145). Ce surcroît de trésorerie, qui correspond à la fraction des fonds versés aux opérateurs qu’ils ne dépenseront pas en 2010 (146), permettra de réduire à due concurrence les émissions de titres à court terme (BTF) (147) et, partant, d’éviter une augmentation supplémentaire de la charge de la dette de l’État (148). Dans le même souci d’optimisation de la gestion de la trésorerie de l’État, les conventions passées avec les opérateurs pourront prévoir « des règles d’information préalable de l’État » sur les prochains paiements envisagés (3° du II du présent article). Ces règles devraient s’inspirer du système d’annonce préalable par les établissements publics nationaux de leurs opérations financières supérieures à un million d’euros affectant le compte du Trésor, mis en place par le décret n° 2007-1393 du 27 septembre 2007 (149).

Bien entendu, cet effet de lissage dans le temps des conséquences en trésorerie de l’ouverture de 35 milliards d’euros de crédits est transitoire : il s’affaiblira progressivement, au rythme des décaissements effectifs des fonds (consomptibles) par les opérateurs.

 Enfin, il convient de relever que le présent article est muet quant à l’évaluation ex post de la pertinence des projets financés et de l’efficacité de leur mise en œuvre. Ce rôle incombera au commissaire général à l’investissement, ainsi qu’au « comité de surveillance des investissements d’avenir », co-présidé par MM. Alain Juppé et Michel Rocard et composé de deux députés, deux sénateurs et six personnalités qualifiées. Il reviendra au Gouvernement de préciser les services et organismes susceptibles d’être sollicités pour réaliser les évaluations, qui seront commanditées par le commissaire général à l’investissement (150).

Quoiqu’il en soit, l’État devra être en mesure de tirer les conséquences d’une utilisation des fonds trop peu efficiente. Il importe en effet que, conformément aux préconisations du rapport Juppé-Rocard, l’État conserve toute liberté de décider de « la réallocation ou [de] la récupération des fonds de l’emprunt en cas de non-respect des contrats pluriannuels par les organismes gestionnaires ou d’inadéquation entre les financements alloués et les besoins réellement constatés ». Le présent article le permet implicitement mais nécessairement, en prévoyant que les conventions organisent les modalités selon lesquelles l’État « contrôle l’utilisation des fonds et décide en dernier lieu de leur attribution » (151). Le Parlement devra naturellement être tenu informé des reprises et des redéploiements de fonds.

III.– L’INFORMATION ET LE CONTRÔLE DU PARLEMENT SUR LES FONDS

Le caractère original de la procédure décrite ci-avant risque de rendre malaisé le contrôle par le Parlement de la mise en œuvre des investissements d’avenir. Le Rapporteur général renvoie aux développements consacrés à cette question dans l’exposé général du présent rapport.

Dans le cadre du présent article, trois éléments pourraient permettre d’assurer l’information du Parlement et de faciliter son contrôle de l’utilisation des crédits.

Il apparaît tout d’abord indispensable que le Parlement soit tenu informé, avant leur signature, du contenu des différents projets de conventions entre l’État et les opérateurs attributaires des fonds, ainsi que des éventuels avenants conclus postérieurement. Le II du présent commentaire a en effet montré le rôle central de ces conventions dans le dispositif de gouvernance régissant l’utilisation des crédits demandés dans le présent projet de loi de finances rectificative.

Par ailleurs, le III du présent article tend à pallier la perte d’information qu’entraînera pour le Parlement la disparition en 2011 de la totalité des 14 programmes créés spécialement pour porter les 35 milliards d’euros de crédits dédiés aux investissements d’avenir. Une nouvelle annexe générale (soit, en pratique, un « jaune » budgétaire) serait jointe chaque année jusqu’à 2020 par le Gouvernement au projet de loi de finances de l’année (152) et serait destinée à offrir au Parlement une vision d’ensemble de la mise en œuvre des priorités nationales. La fixation d’une date limite de production du rapport en 2020, date à laquelle l’évaluation des résultats de la plupart des projets financés sera disponible, permet de souligner le caractère à la fois exceptionnel et temporaire de l’effort financier consenti.

Il conviendra cependant de compléter le présent article pour préciser le contenu de ce rapport, afin notamment de permettre au Parlement de contrôler la qualité de la gestion des opérateurs et d’évaluer la rentabilité des investissements réalisés.

En outre, pour que cette annexe puisse être utilement exploitée lors de la discussion du projet de loi de finances de l’année, son dépôt par le Gouvernement devra intervenir suffisamment tôt. À cet égard, la date limite de dépôt du rapport pourrait poser question : l’article 39 de la LOLF dispose que chaque annexe générale est déposée sur le bureau des assemblées et distribuée « au moins cinq jours francs avant l’examen, par l’Assemblée nationale en première lecture, des recettes ou des crédits auxquels elle se rapporte », alors même qu’à compter de 2011, les programmes budgétaires concernés ne figureront plus dans le budget de l’État. Dans ces conditions, il pourrait être considéré que le délai minimum de cinq jours francs doit être calculé en fonction de la date d’examen par l’Assemblée nationale de la première des sept missions au sein desquelles les programmes porteurs de crédits dédiés aux investissements d’avenir ont été créées en 2010 (153).

Enfin, au-delà de la mise en œuvre des différentes priorités nationales, il conviendra que les conséquences sur les finances publiques de l’utilisation des fonds fassent l’objet d’une présentation détaillée et régulière. Pour le Rapporteur général, cette exigence apparaît d’autant plus forte que les modalités de financement des investissements d’avenir sont complexes (participation de nombreux organismes tiers, aux statuts divers), que les formes d’intervention dans l’économie sont variées (dépenses classiques, dotations en capital, prêts, avances remboursables etc.) et que des retours sur investissement (dividendes, redevances, remboursement du capital initial etc.) sont attendus.

Plutôt que dans l’annexe « jaune » précitée, centrée sur l’état d’avancement et sur l’évaluation de chacun des programmes d’investissement, ces informations relatives aux conséquences des investissements d’avenir sur les finances publiques devraient logiquement trouver leur place dans le Rapport économique, social et financier joint chaque année au projet de loi de finances en application de l’article 50 de la LOLF (154).

*

* *

La Commission examine l’amendement CF 57 du Rapporteur général.

M. le Rapporteur général. Dans leur totalité, les fonds mobilisés à travers l’emprunt national seront dépensés dès cette année au profit des opérateurs. Ils seront utilisés selon des modalités fixées par des conventions passées entre ces derniers et l’État. Cet amendement, très important, tend à permettre aux commissions des finances du Parlement d’examiner ces conventions avant leur signature, à l’instar de ce qui se pratique pour les conventions d’objectifs et de moyens prévues par la loi de 1986 sur l’audiovisuel.

M. Charles de Courson. D’accord sur le fond, mais cela ne doit pas apparaître comme une injonction adressée à l’exécutif, faute de quoi la disposition pourrait être annulée par le Conseil constitutionnel.

M. le Rapporteur général. C’est pourquoi le texte de l’amendement ne prévoit pas un avis du Parlement, mais évoque la simple transmission du texte des conventions.

La Commission adopte l’amendement (amendement n° 8).

Elle est ensuite saisie de l’amendement CF 56 du Rapporteur général.

M. le Rapporteur général. L’amendement prévoit l’information du Parlement sur les conséquences pour les finances publiques de l’utilisation des fonds du grand emprunt. Une partie de ces sommes servira à constituer des actifs, et ne sera donc pas prise en compte, en comptabilité « maastrichienne » – c’est-à-dire nationale –, pour le calcul du déficit. Elles doivent donc faire l’objet d’un suivi spécifique.

La Commission adopte l’amendement (amendement n° 9).

Elle en vient à l’amendement CF 58 du Rapporteur général.

M. le Rapporteur général. Les fonds mobilisés étant versés à des opérateurs, ils ne figureront qu’en 2010 dans la loi de finances. Il est donc essentiel que le futur jaune budgétaire comporte des informations détaillées sur la mise en œuvre des investissements d’avenir.

La Commission adopte l’amendement (amendement n° 10).

Elle adopte ensuite l’article 4 ainsi modifié.

*

* *

Après l’article 4

La Commission est saisie de deux amendements de M. Patrice Martin-Lalande, CF 52 et CF 51, portant articles additionnels après l’article 4.

M. Patrice Martin-Lalande. Il s’agit d’introduire dans le projet de loi de finances rectificative des dispositions sur la gouvernance du Fonds national pour la société numérique.

M. le Rapporteur général. Cet amendement d’appel concerne un fonds qui reste à instituer. Il va de soi que des parlementaires devront siéger au conseil d’administration de cet organisme. Cela étant, je préfère que ces amendements soient retirés.

M. Patrice Martin-Lalande. Je retire les amendements.

Les deux amendements sont retirés.

TITRE II

DISPOSITIONS RELATIVES À L’ÉQUILIBRE
DES RESSOURCES ET DES CHARGES

Article 5

Équilibre général du budget, trésorerie et
plafond d’autorisation des emplois

Texte du projet de loi :

I. – Pour 2010, l’ajustement des ressources tel qu’il résulte des évaluations révisées figurant à l’état A annexé à la présente loi et le supplément des charges du budget de l’État sont fixés aux montants suivants :

   

(En millions d’euros)

 

RESSOURCES

CHARGES

SOLDES

       

Budget général

     

Recettes fiscales brutes / dépenses brutes

1 214

33 097

 

A déduire : Remboursements et dégrèvements

-1 194

-1 194

 

Recettes fiscales nettes / dépenses nettes

2 408

34 291

 

Recettes non fiscales

1 017

   

Recettes totales nettes / dépenses nettes

3 425

   

A déduire : Prélèvements sur recettes au profit des
collectivités territoriales et des Communautés européennes

     

Montants nets pour le budget général

3 425

34 291

-30 866

Évaluation des fonds de concours et crédits correspondants

     

Montants nets pour le budget général, y compris
fonds de concours

3 425

34 291

 
       
       

Budgets annexes

     

Contrôle et exploitation aériens

     

Publications officielles et information administrative

     

Totaux pour les budgets annexes

     

Évaluation des fonds de concours et crédits correspondants :

     

Contrôle et exploitation aériens

     

Publications officielles et information administrative

     

Totaux pour les budgets annexes, y compris fonds de concours

     
       
       

Comptes spéciaux

     

Comptes d’affectation spéciale

2 300

2 300

0

Comptes de concours financiers

 

1 000

-1 000

Comptes de commerce (solde)

     

Comptes d’opérations monétaires (solde)

     

Solde pour les comptes spéciaux

   

-1 000

       
       

Solde général

   

-31 866

II. – Pour 2010 :

1° Les ressources et les charges de trésorerie qui concourent à la réalisation de l’équilibre financier sont évaluées comme suit :

(En milliards d’euros)

   

Besoin de financement

 
   

Amortissement de la dette à long terme

29,5

Amortissement de la dette à moyen terme

53,5

Amortissement de dettes reprises par l’État

4,1

Déficit budgétaire

149,2

Total

236,3

   

Ressources de financement

 
   

Émissions à moyen et long terme (obligations assimilables du Trésor et
bons du Trésor à taux fixe et intérêt annuel), nettes des rachats effectués par l’État et par la Caisse de la dette publique

188,0

Annulation de titres de l’État par la Caisse de la dette publique

2,5

Variation des bons du Trésor à taux fixe et intérêts précomptés

1,4

Variation des dépôts des correspondants

27,0

Variation du compte de Trésor

14,3

Autres ressources de trésorerie

3,1

Total

236,3

2° Le plafond de la variation nette, appréciée en fin d’année, de la dette négociable de l’État d’une durée supérieure à un an est fixé à 105,0 milliards d’euros.

III. – Pour 2010, le plafond d’autorisation des emplois rémunérés par l’État demeure inchangé.

Exposé des motifs du projet de loi :

Le présent article traduit l’incidence sur l’équilibre prévisionnel du budget 2010 des dispositions proposées par le présent projet de loi.

Ainsi, le déficit prévisionnel de l’État pour 2010 s’établirait à 149,2 Md€, en dégradation de 31,9 Md€ par rapport à la loi de finances initiale pour 2010.

En conséquence, cet article présente un tableau de financement au sein duquel sont actualisées, par rapport à la loi de finances initiale pour 2010, les ressources et charges de trésorerie qui concourent à l’équilibre financier de l’année.

En besoin de financement :

 - les amortissements de dette à moyen et long termes sont réduits de 8,9 Md€, compte tenu de l’impact des rachats de titres amortissables en 2010 qui ont été réalisés au cours des derniers mois de 2009 ;

 - le déficit prévu est revu à la hausse à 149,2 Md€.

En ressources de financement :

Les émissions de titres à moyen et long termes sont portées à 188 Md€, soit 13 Md€ au-dessus du niveau retenu en loi de finances pour 2010.

La variation du solde du compte du Trésor est revue à la hausse de 9,5 Md€ par rapport à la loi de finances initiale pour 2010 pour atteindre 14,3 Md€, notamment du fait de la consommation des liquidités provenant du dénouement des opérations de soutien au secteur bancaire, du fait des remboursements opérés par les banques fin 2009, et qui avaient été conservées sur le compte du Trésor en attente d'affectation.

La variation des dépôts des correspondants atteindrait 27,0 Md€, soit 30 Md€ de plus qu’en loi de finances, du fait de l’obligation de dépôt imposée aux gestionnaires des fonds versés pour le financement des dépenses d’avenir.

Enfin, la variation des bons du Trésor ressortirait à 1,4 Md€, soit 29,6 Md€ en dessous du niveau indiqué dans la loi de finances, notamment du fait de l’augmentation des dépôts.

En conséquence des éléments détaillés ci-dessus, le plafond de variation nette de la dette à moyen et long termes de l’État fixé par la loi de finances initiale pour 2010 augmente de 22 Md€ pour être porté à 105,0 Md€. Toutefois, le montant du plafond serait mécaniquement dépassé si les conditions de marché ne permettaient pas de réaliser les rachats prévus. Le Parlement en serait, dans ce cas, informé et le plafond rectifié en conséquence en loi de règlement.

Le tableau ci-après présente la situation du budget de 2010 après prise en compte des dispositions proposées dans le présent projet de loi de finances rectificative.

 

Loi de finances initiale

Décrets
d’avance
ou
d’annul. (soldes)

Modifications proposées dans le présent projet de loi

Total
des
mouv.

Situation
nouvelle

     

Ouvert.

Annul.

Net

   
 

(1)

(2)

   

(3)

4=(2)+(3)

=(1)+(4)

               

Budget général : charges

             

Dépenses brutes

379 421

 

34 945

1 848

33 097

33 097

412 518

A déduire : Remboursements et dégrèvements

94 208

   

1 194

-1 194

-1 194

93 014

Dépenses nettes du budget général (a)

285 213

 

34 945

654

34 291

34 291

319 504

Évaluation des fonds de concours (b)

3 122

         

3 122

Montant net des dépenses du budget général,
y compris les fonds de concours [(C) = (a) + (b)]

288 335

 

34 945

654

34 291

34 291

322 626

Budget général : ressources

             

Recettes fiscales brutes

346 270

     

1 214

1 214

347 484

A déduire : Remboursements et dégrèvements

94 208

     

-1 194

-1 194

93 014

Recettes fiscales nettes (d)

252 062

     

2 408

2 408

254 470

Recettes non fiscales (e)

15 035

     

1 017

1 017

16 052

Recettes nettes des remboursements et dégrèvements
[(f) = (d) + (e)]

267 097

     

3 425

3 425

270 522

A déduire : Prélèvements sur recettes au profit
des collectivités territoriales et
des Communautés européennes (g)

104 033

         

104 033

Recettes nettes du budget général [(h) = (f) - (g)]

163 064

     

3 425

3 425

166 489

Évaluation des fonds de concours (b)

3 122

         

3 122

Montant net des recettes du budget général,
y compris les fonds de concours [(I) = (h) + (b)]

166 186

     

3 425

3 425

169 611

   Solde du budget général [(J) = (I) – (C)]

-122 149

     

-30 866

-30 866

-153 015

               

Budgets annexes

             

Contrôle et exploitation aériens

             

Dépenses

1 937

         

1 937

Recettes

1 937

         

1 937

Solde

0

         

0

Publications officielles et information administrative

             

Dépenses

193

         

193

Recettes

194

         

194

Solde

1

         

1

Dépenses totales des budgets annexes

2 130

       

0

2 131

Recettes totales des budgets annexes

2 131

       

0

2 131

Solde pour l’ensemble des budgets annexes [T]

1

         

1

Évaluation des fonds de concours :

             

Contrôle et exploitation aériens

17

         

17

Publications officielles et information administrative

0

         

0

Dépenses des budgets annexes, y c. fonds de concours

2 147

         

2 147

Recettes des budgets annexes, y c. fonds de concours

2 148

         

2 148

               

Comptes spéciaux

             

Dépenses des comptes d’affectation spéciale (k)

57 956

 

2 300

 

2 300

2 300

60 256

Dépenses des comptes de concours financiers (l)

72 153

 

1 000

 

1 000

1 000

73 153

Total des dépenses des comptes-missions
[(m) = (k) + (l)]

130 109

 

3 300

 

3 300

3 300

133 409

Recettes des comptes d’affectation spéciale (n)

57 951

     

2 300

2 300

60 251

Recettes des comptes de concours financiers (o)

76 623

         

76 623

Comptes de commerce [solde] (p)

246

         

246

Comptes d’opérations monétaires [solde] (q)

68

         

68

Total des recettes des comptes-missions
et des soldes excédentaires des autres spéciaux
[(r) = (n) + (o) + (p) + (q)]

134 888

     

2 300

2 300

137 188

   Solde des comptes spéciaux
[(S) = (r) - (m)]

4 779

     

-1 000

-1 000

3 779

               

     Solde général [= (J) + (T) + (S)]

-117 369

     

-31 866

-31 866

-149 235

Le présent article rappelle également que le plafond d’autorisation des emplois reste inchangé à 2 019 798 équivalents temps plein travaillé.

Observations et décision de la Commission :

Le présent article retrace l’incidence du présent projet de loi de finances rectificative sur l’équilibre budgétaire, dans les conditions décrites dans le tableau d’équilibre du I.

En outre, la dégradation du solde budgétaire enregistrée dans le présent projet accroît d’autant le besoin de financement de l’État et rend nécessaire, au 1° du II du présent article, une actualisation du tableau de financement pour 2010 et, au 2° du II, une révision à la hausse du plafond de variation de la dette négociable de plus d’un an.

Tous ces éléments sont analysés et commentés dans l’exposé général du présent rapport.

*

* *

La Commission adopte l’article 5 sans modification.

*

* *

Seconde délibération

La Commission procède à une seconde délibération sur l’article premier.

Article premier

Faire contribuer les banques au fonds de garantie des dépôts
tout en modifiant leur pratique en matière de bonus

M. le Président Didier Migaud. Sur l’article 1er, adopté par la Commission en première délibération, je suis saisi par le Rapporteur général d’une demande de seconde délibération.

La Commission examine l’amendement CF 1 du Rapporteur général.

M. le Rapporteur général. Il s’agit de revenir sur la rédaction issue de l’amendement CF 4, laquelle aurait pour effet de soumettre également les salariés à la taxe sur les rémunérations variables. Je note au passage que ce type de rémunération existe dans de nombreuses entreprises, notamment au bénéfice des cadres qui contribuent à déterminer leur stratégie. On ne voit pas au nom de quoi les salariés des banques devraient faire l’objet d’un traitement spécifique.

M. Jérôme Cahuzac. Il est vrai que l’amendement a été adopté contre le souhait exprimé par le Rapporteur général. Mais il l’a été à l’issue d’un débat loyal, dans lequel chacun a pu s’exprimer. Il est maintenant une heure dix et la représentation du groupe socialiste n’est plus la même. Je vous demande donc, monsieur le président, une suspension de séance d’au moins une demi-heure afin que les groupes puissent se réunir et convenir de l’attitude à adopter. Le sujet n’est pas anodin. Le secteur bancaire n’a rien à voir avec les autres entreprises…

M. Yves Censi. La suspension de séance est de droit : vous n’avez pas besoin de la justifier.

M. Jérôme Cahuzac. En tout état de cause, c’est au président, et non à vous, qu’il revient de décider qui a la parole.

Il me semble, monsieur le Président, qu’une suspension de trois quarts d’heure serait même nécessaire, afin que les esprits aient le temps de se calmer.

M. le Président Didier Migaud. La suspension est de droit, mais c’est le président qui en précise la durée.

Nous pourrions peut-être interrompre nos travaux, pour les reprendre à quatorze heures quinze…

M. le Rapporteur général. Ma demande de seconde délibération concerne la rédaction issue de l’amendement de M. de Courson. Elle ne vise pas à remettre en cause l’affectation du produit de la taxe au budget de l’État, disposition que notre Commission a adoptée en toute connaissance de cause, ce qui, me semble-t-il, n’a pas été le cas de l’amendement CF 4.

En l’état actuel du texte, nous allons prélever la moitié d’une rémunération incluant les cotisations salariales. Si l’on y ajoute l’impôt sur le revenu, le taux d’imposition dépassera 100 % ! On ne peut pas l’accepter : il y va de la crédibilité des décisions votées en Commission des finances.

M. Jérôme Cahuzac. Je fais partie de ceux qui pensent qu’il faudra, tôt ou tard – et le plus tôt sera le mieux –, adopter une fiscalité dissuasive pour l’attribution de bonus, une pratique dont on sait qu’elle est en grande partie responsable de la crise. Sur le fond, l’adoption de l’amendement CF 4 ne me gêne en rien, même si je ne suis pas surpris par votre argumentation sur son caractère confiscatoire. Je rappelle seulement que les États-Unis, avant la Seconde Guerre mondiale, avaient adopté une fiscalité similaire, rendue nécessaire par les mêmes phénomènes que ceux que nous connaissons aujourd’hui. Cela n’a pas empêché ce pays de contribuer à l’effort de guerre, puis à la prospérité du monde.

Mais l’essentiel, en réalité, n’est pas l’amendement CF 4, mais plutôt le suivant, c’est-à-dire le CF 54. Si, monsieur le Rapporteur général, vous vous ralliez à cette disposition que vous avez combattue dans un premier temps, et si vous engagez à la défendre en séance publique, sans vous désolidariser d’une décision prise par la majorité de la Commission, la suspension de séance devient inutile. Dans le cas contraire, il serait plus sage de reprendre nos travaux à quatorze heures quinze.

M. le Président Didier Migaud. Je rappelle que la demande de seconde délibération ne concerne pas le texte issu de l’adoption de l’amendement CF 54. La Commission propose donc que le produit de la taxe soit bien affecté au budget de l’État, et non au Fonds de garantie.

M. le Rapporteur général. En outre, j’ai moi-même souligné la fragilité du dispositif initial.

M. Jérôme Cahuzac. Dans ces conditions, je retire ma demande de suspension.

M. René Couanau. Même si la discussion s’est concentrée sur l’amendement de M. de Courson, nous étions tous d’accord pour estimer que l’amendement CF 54 abordait le fond du problème, c’est-à-dire l’affectation du produit de la taxe au Trésor. Le Rapporteur général l’a dit : il convient de dissocier les problèmes de la taxation des bonus et de la couverture du fonds de garantie. Or les propos de notre Rapporteur général ne sont jamais gratuits. S’il reprend nos arguments devant le Gouvernement, je ne vois pas de raison de ne pas adopter l’amendement CF 1 en seconde délibération.

M. Louis Giscard d'Estaing. L’adoption de l’amendement CF 54 répond en effet à la question, déjà posée lors de l’audition des ministres, de savoir si la dotation complémentaire du fonds de garantie des dépôts doit être réalisée dans les mêmes conditions que la dotation initiale. Dès lors, il est légitime de revenir sur la rédaction de l’article 1er.

M. le Rapporteur général. Ce débat approfondi nous aura permis de rendre la position de notre commission, que j’assumerai en séance publique, plus solide face au Gouvernement.

La Commission adopte l’amendement CF 1, puis l’article premier ainsi modifié.

La Commission adopte ensuite la première partie du projet de loi de finances rectificative ainsi modifiée.

*

* *

SECONDE PARTIE

MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET
DISPOSITIONS SPÉCIALES

TITRE PREMIER

AUTORISATIONS BUDGÉTAIRES POUR 2010

CRÉDITS DES MISSIONS

Article 6

Budget général : ouvertures et annulations de crédits

Texte du projet de loi :

I. – Il est ouvert aux ministres, pour 2010, au titre du budget général, des crédits supplémentaires s’élevant à 34 944 832 039 €, conformément à la répartition par mission donnée à l’état B annexé à la présente loi.

II. – Il est annulé, au titre du budget général, des crédits pour 2010 s’élevant à 1 848 042 029 €, conformément à la répartition par mission donnée à l’état B annexé à la présente loi.

Exposé des motifs du projet de loi :

Les ouvertures et annulations de crédits proposées au titre du budget général sont analysées et justifiées dans la quatrième partie (« Analyse par mission et programme des modifications de crédits intervenues en gestion et motivation des modifications proposées par le projet de loi »), au I (« Budget général : programmes porteurs d’ouvertures nettes de crédits proposées à l’état B ») et au II (« Budget général : programmes porteurs d’annulations nettes de crédits proposées à l’état B »).

Observations et décision de la Commission :

Le présent article tend à ouvrir et à annuler des crédits sur le budget général, selon la répartition donnée à l’état B annexé au présent projet de loi de finances rectificative. Ces ouvertures et annulations sont commentées dans l’exposé général du présent rapport.

*

* *

La Commission adopte l’article 6 sans modification.

*

* *

Article 7

Comptes spéciaux : ouvertures de crédits

Texte du projet de loi :

Il est ouvert à la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, pour 2010, au titre des comptes spéciaux, des crédits supplémentaires s’élevant à 3 300 000 000 €, conformément à la répartition par compte donnée à l’état C annexé à la présente loi.

Exposé des motifs du projet de loi :

Les ouvertures de crédits proposées au titre des comptes spéciaux sont analysées et justifiées dans la quatrième partie (« Analyse par mission et programme des modifications de crédits intervenues en gestion et motivation des modifications proposées par le projet de loi »), au III (« Comptes spéciaux : programmes porteurs d’ouvertures nettes de crédits proposées à l’état C »).

Observations et décision de la Commission :

Le présent article tend à ouvrir des crédits sur les comptes spéciaux, selon la répartition donnée à l’état C annexé au présent projet de loi de finances rectificative. Ces ouvertures et annulations sont commentées dans l’exposé général du présent rapport.

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La Commission adopte l’article 7 sans modification.

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TITRE II

DISPOSITIONS PERMANENTES

Article 8

Exonération des cotisations patronales dues pour l’emploi des travailleurs occasionnels agricoles

Texte du projet de loi :

I. – Le code rural est ainsi modifié :

1° L'article L. 741-5 est ainsi rédigé :

« Art. L. 741-5. - Les dispositions de l'article L. 741-16 s'appliquent aux cotisations dues au titre des allocations familiales. » ;

2° L'article L. 741-16 est ainsi modifié :

a) Le I et le II sont ainsi rédigés :

« I. - Les employeurs relevant du régime de protection sociale des professions agricoles sont exonérés des cotisations patronales dues au titre des assurances sociales pour les travailleurs occasionnels qu’ils emploient.

« Les travailleurs occasionnels agricoles sont des salariés dont le contrat de travail relève du 3° de l’article L. 1242-2 du code du travail pour des tâches temporaires liées au cycle de la production animale et végétale, aux travaux forestiers et aux activités de transformation, de conditionnement et de commercialisation de produits agricoles lorsque ces activités, accomplies sous l’autorité d’un exploitant agricole, constituent le prolongement direct de l’acte de production.

« Cette exonération est déterminée conformément à un barème dégressif linéaire fixé par décret et tel que l’exonération soit totale pour une rémunération mensuelle inférieure ou égale au salaire minimum de croissance majoré de 150 % et devienne nulle pour une rémunération mensuelle égale ou supérieure au salaire minimum de croissance majoré de 200 %. Pour le calcul de l’exonération, la rémunération mensuelle et le salaire minimum de croissance sont définis dans les conditions prévues aux quatrième et cinquième phrases du premier alinéa du III de l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale.

« II. - Les demandeurs d’emploi inscrits à ce titre à l’institution mentionnée à l’article L. 5312-1 du code du travail depuis une durée fixée par décret sont assimilés à des travailleurs occasionnels lorsqu’ils sont recrutés par contrat à durée indéterminée par un groupement d’employeurs exerçant des activités mentionnées au I. »

b) Aux III et IV, les mots : « aux I et II » sont remplacés par les mots : « au I » ;

c) Au premier alinéa du VI, les mots : « les taux réduits de cotisations mentionnés au I et » sont supprimés et les mots : « de leur application » sont remplacés par les mots : « d’exonération » ;

d) Au deuxième alinéa du VI, les mots : « des taux réduits » ainsi que les mots : « auxdits taux réduits» et les mots : « ils se sont appliqués » sont respectivement remplacés par les mots : « de l’exonération », « à ladite exonération » et « elle s’est appliquée » ;

e) Il est ajouté un VII ainsi rédigé :

« VII. - Le bénéfice des dispositions du présent article ne peut être cumulé avec celui d'une autre exonération totale ou partielle de cotisations patronales ou l'application de taux spécifiques, d'assiettes ou montants forfaitaires de cotisations, à l'exception de l’exonération prévue à l’article L. 741-5 et L. 751-18 du présent code et de la déduction forfaitaire prévue à l'article L. 241-18 du code de la sécurité sociale. » ;

3° Il est inséré un article L. 741-16-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 741-16-1. - I. - Les caisses de mutualité sociale agricole se substituent, selon les modalités définies au II, aux employeurs de travailleurs définis au I et au II de l’article L. 741-16, pour le paiement de la part patronale des cotisations suivantes, dues pour l’emploi de ces mêmes salariés :

« 1° La participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue, prévue à l'article L. 6331-1 du code du travail ;

« 2° La cotisation de la retraite complémentaire obligatoire des salariés versée aux institutions de retraite complémentaire mentionnées à l'article L. 727-2 du présent code ;

« 3° La cotisation versée à l'Association pour la gestion du fonds de financement, rendue obligatoire en application des articles L. 911-3 et L. 911-4 du code de la sécurité sociale par arrêté du ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville et du ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État en date du 23 décembre 2009 ;

« 4° La cotisation versée à l’Association nationale pour l’emploi et la formation en agriculture, rendue obligatoire en application de l’article L. 2261-15 du code du travail par arrêté du ministre de l’agriculture du 15 septembre 2006 ;

« 5° La cotisation versée au Conseil des études, recherches et prospectives pour la gestion prévisionnelle des emplois en agriculture et son développement, dénommé PROVEA, rendue obligatoire en application de l’article L. 2261-15 du code du travail par arrêté du ministre de l’agriculture du 28 octobre 2002 ;

« 6° La cotisation versée à l’Association pour le financement de la négociation collective en agriculture, rendue obligatoire en application de l’article L. 2261-15 du code du travail par arrêté du ministre de l’agriculture du 26 mars 1992 ;

« 7° La cotisation due au titre du fonctionnement du service de santé et de sécurité au travail prévue à l’article L. 717-2-1.

« II. - Cette prise en charge est calculée selon les modalités et le barème dégressif prévus à l’article L. 741-16.

« Cette prise en charge donne lieu à compensation intégrale par l’État. Elle est cumulable avec le bénéfice des exonérations totales ou partielles de cotisations patronales ou salariales prévues aux articles L. 741-5, L. 741-16 et L. 751-18 ainsi qu’avec la déduction forfaitaire prévue à l'article L. 241-18 du code de la sécurité sociale. » ;

4° Le deuxième alinéa de l'article L. 751-10 est supprimé ;

5° L'article L. 751-18 est ainsi rédigé :

« Art. L. 751-18. - Les dispositions de l’article L. 741-16 s’appliquent aux cotisations dues au titre des accidents du travail. »

II. – Les dispositions du présent article s’appliquent aux cotisations dues au titre des rémunérations versées à compter du 1er janvier 2010.

Exposé des motifs du projet de loi :

Le présent article met en œuvre la réforme du dispositif d’exonération des cotisations de sécurité sociale des travailleurs occasionnels agricoles annoncée par le Président de la République le 27 octobre dernier à Poligny (Jura).

En réduisant le coût de l’emploi des travailleurs occasionnels, cette mesure cherche à lutter contre le travail clandestin, qui demeure trop fréquent dans l’agriculture, surtout pour les activités saisonnières. Cette situation crée une distorsion de concurrence dont profitent les entrepreneurs les moins scrupuleux avec, comme corollaire, l’abus ou la privation totale des droits sociaux des travailleurs agricoles.

Aussi, la réforme vise à exonérer totalement de cotisations patronales de sécurité sociale pour les branches maladie, vieillesse, famille, et accidents du travail et maladies professionnelles les employeurs de travailleurs occasionnels ainsi que les demandeurs d’emploi embauchés par les groupements d’employeurs agricoles pour les rémunérations inférieures au SMIC mensuel majoré de 150 %, cette exonération devenant nulle pour les rémunérations supérieures ou égales au SMIC mensuel majoré de 200 %.

La disposition prévoit, dans les mêmes limites de niveau de rémunération que celles retenues pour les cotisations légales de sécurité sociale, que la Mutualité sociale agricole (MSA) se substitue à ces mêmes employeurs afin de régler les cotisations patronales conventionnelles (hormis les cotisations d’assurance chômage et les cotisations à l’Association pour la gestion du régime d'assurance des créances salariés) pour l’emploi de travailleurs occasionnels ainsi que pour la cotisation de médecine du travail.

Cette mesure, dont le coût annuel à la charge de l’État est de 168 M€, s’applique aux cotisations dues au titre des rémunérations versées à compter du 1er janvier 2010.

Observations et décision de la Commission :

Les dispositions de cet article participent à la mise en œuvre du plan en faveur de l’agriculture annoncé par le Président de la République le 27 octobre 2009 à Poligny. Il vise à alléger le coût du travail dans ce secteur d’activité par la modification des règles de calcul des cotisations patronales versées par les employeurs relevant du régime de protection sociale des professions agricoles au titre des travailleurs occasionnels ou des demandeurs d’emploi (TO-DE) qu’ils embauchent.

Le droit en vigueur prévoit que, pour ce type de salariés, les exploitants agricoles peuvent opter soit pour la réduction dégressive des cotisations patronales de sécurité sociale, dite « réduction Fillon », d’application générale, soit pour l’application de taux réduits spécifiques.

L’article rend plus incitative cette dernière option en opérant de deux modifications principales :

– Les taux réduits appliqués pour le calcul des cotisations d’assurances sociales sont transformés en une exonération ;

– Les cotisations conventionnelles sont exonérées en application des mêmes modalités que celles relatives à l’exonération des cotisations de sécurité sociale et les caisses de mutualité sociale agricole se substituent aux employeurs pour leur paiement. Cette prise en charge est compensée intégralement par l’État.

I.– LES DISPOSITIONS ACTUELLES EN FAVEUR DE L’EMPLOI DES TRAVAILLEURS AGRICOLES OCCASIONNELS

Les exploitants agricoles ou les groupements d’employeurs exerçant des activités de production agricole ou des activités de travaux agricoles ou forestiers, bénéficient de l’application de taux réduits pour le calcul des cotisations d’assurances sociales dues au titre de l’embauche de salariés occasionnels ou de demandeurs d’emploi inscrits depuis au moins quatre mois à Pôle emploi.

Cet allègement de charges est prévu par un article unique, l’article L. 741-16 du code rural (155). Il concerne uniquement les cotisations d’assurances sociales, soit les cotisations d’assurance maladie, maternité, invalidité, vieillesse et décès. Seule la part patronale fait l’objet de taux réduits. La durée d’application des taux réduits ne peut excéder cent dix-neuf jours ouvrés par an et par salarié.

Par ailleurs, les cotisations dues au titre des allocations familiales font l’objet une exonération prévue à l’article L. 741-5 du même code. Il prévoit que les rémunérations des travailleurs occasionnels sont totalement exonérées de cotisations de prestations familiales pour les rémunérations inférieures ou égales à 1,5 SMIC et de 50 % pour les rémunérations comprises entre 1,5 SMIC et 1,6 SMIC.

Enfin, une disposition de la loi de financement de la sécurité sociale n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 a supprimé le taux réduit applicable à la cotisation d'accident du travail prévu à l’article L. 751-18 du code rural.

 Les catégories d’employeurs

Trois catégories d’employeurs peuvent opter pour l’application des taux réduits :

– Les chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole ou forestière exerçant les activités visées par l’article L. 741-16 ;

– Les groupements d’employeurs composés de personnes physiques ou de sociétés civiles agricoles (soit les sociétés civiles d’exploitation, les exploitations agricoles à responsabilité limitée, les groupements agricoles d’exploitation en commun et les groupements fonciers agricoles) exerçant une ou plusieurs de ces mêmes activités ;

– Les groupements d’employeurs composés pour partie de personnes physiques ou de sociétés civiles agricoles exerçant les mêmes activités et dont le chiffre d’affaire annuel doit être réalisé majoritairement avec des adhérents dont les salariés sont affiliés au régime agricole.

Qu’ils appartiennent à l’une ou l’autre de ces catégories, les employeurs doivent exercer des activités relatives à la culture, à l’élevage, au dressage, à l’entraînement d’animaux, au haras, aux travaux forestiers, à la conchyliculture, à la pisciculture et autres activités assimilées, à la transformation, au conditionnement et à la commercialisation de produits agricoles lorsque ces activités constituent le prolongement de l’acte de production, à tout travaux qui entrent dans le cycle de la production animale ou végétale, ou à l’accueil touristique sur l’exploitation.

Les coopératives d’utilisation de matériel agricole mettant des salariés à la disposition de leurs adhérents ne peuvent bénéficier de ces mesures.

 La définition de travailleur occasionnel

En vertu de l’article D. 741-58 du code rural, les travailleurs occasionnels sont des salariés recrutés pour un ou plusieurs contrats de travail à durée déterminée pour la réalisation des activités mentionnées ci-dessus. Leur contrat peut également être à durée indéterminée s’il est conclu par un groupement d’employeurs ou s’il s’agit d’un contrat de travail intermittent, adapté à l’alternance entre périodes travaillées et périodes non travaillées (156).

Par ailleurs, l’embauche d’un demandeur d’emploi ouvre également droit à l’application des taux réduits. Selon le même article, sont considérées comme des demandeurs d’emploi les personnes inscrites depuis au moins quatre mois à Pôle emploi. Cette durée est ramenée à un mois lorsque le chômage est consécutif à un licenciement.

Il existe deux critères de différenciation des taux appliqués.

 L’application de taux différents selon le type d’activité exercée

Les cotisations d’assurance sociales sont calculées après application d’un taux réduit de 58 % dans le cas général, de 75 % pour la viticulture et de 90 % pour les secteurs des fruits et légumes, de l’horticulture, du tabac, du houblon, de la pomme de terre et de l’apiculture.

 L’application de taux différents selon le type de contrat

Les taux mentionnés ci-dessus s’appliquent pour la conclusion de contrats à durée déterminée. Afin d’encourager le développement de contrat à durée indéterminée, la conclusion d’un tel contrat dans le secteur de la viticulture permet de bénéficier d’un taux réduit de 85 %. L’exonération sera totale si le contrat est conclu dans un secteur pour lequel le taux de base est de 90 % (fruits et légumes, de l’horticulture, tabac, houblon, pomme de terre et apiculture).

 Le non cumul avec la réduction « Fillon »

La principale disposition de non cumul vise la réduction générale de cotisations patronales. Néanmoins, au-delà de la période des cent dix-neuf jours maximum d’application, l’employeur peut déclarer à la caisse de la mutualité sociale agricole s’il renonce à l’application des taux spécifiques au profit de la réduction générale prévue à l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale. Cette déclaration est effectuée pour chaque salarié sur l’ensemble de la période de travail.

 La mesure en faveur des « contrats vendange »

Les rémunérations des travailleurs occasionnels ayant conclu un contrat de travail dit « contrat vendange » avec les employeurs visés par l’article L. 741-16 du code rural ne donnent pas lieu à des cotisations d’assurances sociales de la part du salarié.

 La mesure en faveur des jeunes travailleurs occasionnels

Les jeunes travailleurs occasionnels âgés de moins de vingt-six ans et embauchés dans le respect des règles énoncées précédemment ne versent pas de cotisations d’assurances sociales pendant une période n’excédant pas un mois par an. Le montant de leur rémunération exonérée est limité au produit du SMIC par le nombre d’heures rémunérées.

Les dispositions du présent article doivent permettre de lutter contre le recours au travail non déclaré ou clandestin dans un secteur au fort besoin de main-d’oeuvre saisonnière, composé de nombreuses petites et moyennes exploitations (98 % des exploitations concernées par le dispositif emploient de 1 à 9 personnes) pour lesquelles l’embauche d’un travailleur supplémentaire peut augmenter sensiblement le coût de la production.

En effet, malgré la mise en œuvre de la politique de réduction des cotisations d’assurances sociales depuis quinze ans, il apparaît que parmi les infractions verbalisées dans le secteur agricole (en augmentation de 6,5 % en 2007), 75 % concernent des recours au travail dissimulé en 2007 et 88 % en 2008. Les entreprises de 1 à 9 salariés sont principalement concernées (59 % des entreprises verbalisées pour ce motif). Les deux secteurs qui concentrent le plus d’infractions de ce type sont les secteurs de la viticulture et du maraîchage, dont les besoins de main-d’œuvre sont rythmés par de forts pics saisonniers.

Selon les données de la Mutualité sociale agricole (MSA), 90 000 exploitations agricoles emploieraient plus de 865 000 travailleurs occasionnels. Elles constituent, par conséquent, un important vivier d’emplois justifiant la mise en œuvre de mesures plus favorables aux employeurs et à leurs salariés dans un contexte économique difficile(157).

RÉPARTITION DES EXPLOITATIONS PAR TYPE D’ACTIVITÉ

 

Nombre d’exploitations

Viticulture

23 649

Culture maraîchère

13 477

Élevage

53 103

total

90 029

Le présent article s’inscrit dans le plan de soutien pour l’agriculture française en crise qui comporte cinq actions principales : le soutien financier aux éleveurs ovins (dans le cadre de la lutte contre les épizooties), l’allègement des charges financières et sociales des exploitations, la reconduction de l’exonération de cotisations sociales pour les jeunes agriculteurs, la reconduction du remboursement partiel de la TIPP (taxe intérieure sur les produits pétroliers) et de la TICGN (taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel) et la mise en place d’aides en faveur des économies d’énergie, ainsi que la création d’un comité de pilotage de l’observatoire des prix et des marges.

Cette réforme du dispositif d’exonération des cotisations de sécurité sociale des travailleurs occasionnels agricoles précède l’examen du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche qui constitue le véhicule législatif du plan de soutien. En effet, le souhait du Gouvernement de l’appliquer aux salaires versés à compter du 1er janvier 2010 et l’ajustement des affectations du droit de consommation sur les tabacs que cette réforme induit ont conduit à une inscription dans le projet de loi de finances rectificative de janvier.

II.– DEUX MESURES POUR ALLÉGER DAVANTAGE LE COÛT DU TRAVAIL OCCASIONNEL DANS LE SECTEUR AGRICOLE

Ces deux mesures doivent permettre de parvenir à coût du travail horaire au SMIC de 9,29 euros (la valeur du SMIC étant de 8,86 euros).

● Une définition plus générale des employeurs pouvant bénéficier de l’exonération

Alors que le droit en vigueur prévoit un traitement différencié selon qu’il s’agit d’un employeur individuel ou membre d’un groupement et selon son activité, cet article prévoit que « les employeurs relevant du régime de protection sociale des professions agricoles sont exonérés des cotisations patronales dues au titre des assurances sociales pour les travailleurs occasionnels qu’ils emploient ». Cette modification est motivée par la nécessité de prévenir tout risque d’incompatibilité avec le droit communautaire. En effet, ces différences de traitement pourraient amener à considérer que l’allègement de cotisations a un caractère sélectif et qu’il représente, par conséquent, une aide d’État. La rédaction proposée permet ainsi d’appliquer le même traitement fiscal à l’ensemble des employeurs concernés, tout en garantissant que les modalités de financement du régime de protection sociale agricole répondent aux besoins particuliers de ce secteur. La même démarche de précaution vis-à-vis du droit communautaire a conduit à supprimer les taux réduits majorés pour l’emploi de travailleurs en CDI.

● L’encadrement de la définition de travailleur occasionnel

Les travailleurs occasionnels sont définis comme les « salariés dont le contrat de travail relève du 3° de l’article L. 1242-2 du code du travail ». Cet article vise des «emplois à caractère saisonnier ou pour lesquels […] il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée ».

Cette référence ne s’oppose pas à la conclusion de contrats à durée indéterminée entre des travailleurs occasionnels et des groupements d’employeurs, puisqu’un travailleur en CDI au niveau du groupement peut être employé de façon saisonnière par ses membres. La disposition du II selon laquelle les « demandeurs d’emploi […] sont assimilés à des travailleurs occasionnels lorsqu’ils sont recrutés par contrat à durée indéterminée par un groupement d’employeurs » souligne cette absence d’incompatibilité entre le caractère occasionnel de l’emploi et la conclusion d’un CDI.

Par ailleurs, la rédaction proposée est plus restrictive que celle en vigueur quant à la définition du champ des activités ouvrant droit à l’exonération : seules les activités liées directement ou indirectement au cycle de la production animale et végétale, ainsi qu’aux travaux forestiers seraient concernées. Or, contrairement au droit en vigueur, cette liste n’inclut pas les activités d’accueil touristique situées sur l’exploitation, et notamment les activités d’hébergement et de restauration (exemple des fermes auberges).

Enfin, les règles applicables dans le cadre de l’embauche d’un demandeur d’emploi sont modifiées.

Le droit en vigueur prévoit que l’employeur a la possibilité de déclarer son employé soit en qualité de travailleur occasionnel, soit en qualité de demandeur d’emploi. Si tout demandeur d’emploi peut être déclaré directement comme un travailleur occasionnel, seuls les demandeurs d’emploi inscrits depuis au moins quatre mois à Pôle emploi peuvent être déclarés comme tels. Dans le cadre d’un CDD, cette dernière possibilité, plus contraignante, est utilisée par les employeurs afin de sécuriser leurs démarches. Dans le cadre d’un CDI, cette distinction est importante car un demandeur d’emploi peut être recruté par un employeur individuel ou un groupement d’employeurs, tandis qu’un travailleur occasionnel ne peut bénéficier d’un tel contrat que dans le cas de sa conclusion avec un groupement. Les dispositions existantes sont donc plus favorables aux demandeurs d’emploi.

Le présent article opère deux modifications : il supprime la distinction entre les travailleurs occasionnels et les demandeurs d’emploi pour les CDD et réserve la possibilité de conclure un CDI avec un groupement d’employeurs aux seuls travailleurs occasionnels qui ont la qualité de demandeur d’emploi. Cet article vise donc à faire de l’emploi en CDI une exception au dispositif général de soutien au travail occasionnel.

Le présent article modifie la nature de l’allègement des cotisations d’assurances sociales de deux façons. Il transforme l’application de taux réduits différenciés selon plusieurs critères en une exonération identique dans toutes les situations et il plafonne cette exonération par l’application d’un barème dégressif en fonction du revenu.

Ainsi, l’exonération est totale pour une rémunération mensuelle inférieure ou égale à 2,5 SMIC (soit un salaire brut de 3 359 euros) et devient nulle pour une rémunération égale ou supérieure à 3 SMIC (soit 4 031 euros).

En pratique, cette réforme devrait amener la plupart des employeurs à opter pour cette exonération plutôt que pour la réduction « Fillon », alors qu’actuellement, cette dernière est plus avantageuse jusqu’à 1,1 SMIC. En effet, pour les rémunérations plus élevées, le caractère non plafonné des taux réduits les rendait plus attractifs.

Afin de réduire davantage le coût du travail des TO-DE, cet article propose de compléter l’exonération des cotisations d’assurances sociales par une prise en charge du paiement des cotisations conventionnelles par les caisses de la mutualité sociale agricole. Le montant des cotisations dues au titre des travailleurs embauchés sera calculé selon les modalités et le barème dégressif prévus pour les exonérations de cotisations d’assurances sociales. L’effort financier des caisses sera intégralement compensé par l’État.

La grande majorité des cotisations conventionnelles à la charge des employeurs agricoles devrait être versées par les caisses, soit :

– La participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue, prévue à l'article L. 6331-1 du code du travail ;

– La cotisation de retraite complémentaire obligatoire des salariés versée aux institutions de retraite complémentaire mentionnées à l'article L. 727-2 du code rural ;

– La cotisation versée à l'Association pour la gestion du fonds de financement, en application des articles L. 911-3 et L. 911-4 du code de la sécurité sociale ;

– La cotisation versée à l’Association nationale pour l’emploi et la formation en agriculture, en application de l’article L. 2261-15 du code du travail ;

– La cotisation versée au Conseil des études, recherches et prospectives pour la gestion prévisionnelle des emplois en agriculture et son développement, dénommé PROVEA, en application de l’article L. 2261-15 du même code ;

– La cotisation versée à l’Association pour le financement de la négociation collective en agriculture, en application de l’article L. 2261-15 du même code ;

– La cotisation due au titre du fonctionnement du service de santé et de sécurité au travail prévue à l’article L. 717-2-1 du code rural.

Par conséquent, restent à la charge des employeurs les cotisations conventionnelles chômage et assurance contre le risque de non-paiement des rémunérations (AGS) et les cotisations légales au fonds national d’aide au logement et au titre de la solidarité et de l’autonomie. Le prélèvement qui en résulterait serait de 43 centimes d’euros contre 3,79 euros pour une rémunération brute horaire au niveau du SMIC. En conséquence, le coût horaire du travail est abaissé de 12,18 euros à 9,29 euros.

COÛT DU TRAVAIL RÉSULTANT DES DEUX MESURES D’EXONÉRATION
DES COTISATIONS PATRONALES

Valeur du SMIC

   

8,86 €

       

Nature des cotisations

Taux

Taux cibles

Cotisations

Cotisations légales

 

   

Maladie

12,80 %

0,00 %

 

Vieillesse sous plafond

8,30 %

0,00 %

 

Vieillesse déplafonnée

1,60 %

0,00 %

 

Prestations familiales

5,40 %

0,00 %

 

AT (taux moyen)

3,20 %

0,00 %

 

Solidarité-Autonomie

0,30 %

0,30 %

0,03 €

 

 

   

Autres cotisations légales

 

   

FNAL-Logement

0,10 %

0,10 %

0,01 €

Médecine du travail

0,42 %

0,00 %

 

 

 

   

Total cotisations légales

32,12 %

0,40 %

0,04 €

Cotisations conventionnelles

 

   

Chômage

4,00 %

4,00 %

0,35 €

AGS

0,40 %

0,40 %

0,04 €

CAMARCA (retraite complémentaire)

3,75 %

0,00 %

 

FAFSEA (formation)

0,55 %

0,00 %

 

AFNCA ANEFA PROVEA

0,26 %

0,00 %

 

AGFF (retraite complémentaire)

1,20 %

0,00 %

 

 

 

   

Total cotisations conventionnelles

10,16 %

4,40 %

0,39 €

Total

42,28 %

4,80 %

0,43 €

Coût de l'emploi au SMIC

12,18 €

 

9,29 €

Source : la Direction du budget

La mesure représente un coût pour le budget de l’État de 168 millions d’euros, dont 87 millions d’euros au titre d’exonérations supplémentaires de cotisations légales et 81 millions d’euros au titre des cotisations conventionnelles.

Par conséquent, la politique de réduction de charges en faveur des TO-DE représente 318 millions pour le dispositif existant et 168 millions pour cet élargissement, soit un total de 486 millions d’euros.

Cette dépense est financée par un ajustement des affectations du droit de consommation sur les tabacs en faveur du budget de l’État et par des annulations de crédits, commentés à l’article 2 du présent projet de loi.

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La Commission adopte l’article 8 sans modification.

Elle adopte enfin l’ensemble du projet de loi de finances rectificative ainsi modifié.

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