N° 2292 - Avis de Mme Geneviève Levy sur la proposition de loi de M. Guy Lefrand, Mme Geneviève Levy, M. Jean-François Chossy et Mme Marie-Anne Montchamp et plusieurs de leurs collègues visant à améliorer l'indemnisation des victimes de dommages corporels à la suite d'un accident de la circulation (2055)



N° 2292

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 9 février 2010.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LA PROPOSITION DE LOI visant à améliorer l’indemnisation des victimes de dommages corporels à la suite d’un accident de la circulation,

PAR Mme Geneviève LEVY,

Députée.

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Voir les numéros :

Assemblée nationale : 2055 et 2297

I. LE RÉGIME D’INDEMNISATION ISSU DE LA LOI « BADINTER » : UN SYSTÈME EFFICACE, MAIS PAS TOUJOURS ASSEZ PROTECTEUR DES VICTIMES 7

A. LA LOI « BADINTER » A INSTAURÉ UNE PROCÉDURE D’INDEMNISATION DÉROGATOIRE AU DROIT COMMUN, VISANT À ASSURER AUX VICTIMES UNE RÉPARATION RAPIDE ET EFFICACE DE LEURS DOMMAGES 9

1. La loi « Badinter » a conféré aux victimes d’accidents de la circulation un véritable droit à indemnisation 9

a) Des règles de responsabilité facilitant l’indemnisation de tout dommage pour toute victime d’un accident de la circulation 10

b) Le principe de réparation intégrale des dommages corporels des victimes non-conductrices 10

2. La loi « Badinter » a rendu obligatoire une procédure de règlement amiable des litiges 11

a) Une procédure obligatoire d’offre d’indemnité, permettant une indemnisation rapide et effective de la victime 11

b) Des mesures visant à corriger l’inégalité des armes entre la victime et l’assureur 12

B. LES PRINCIPES DE LA LOI « BADINTER » NE SONT PAS TOUJOURS MIS EN œUVRE DE FAÇON ÉQUITABLE 13

1. Faute d’outils communs d’évaluation des préjudices personnels, on observe d’importantes disparités dans l’évaluation des dommages corporels et de leur indemnisation 13

a) Des incertitudes quant à la nomenclature des chefs de préjudice 14

b) « L’inadmissible pluralité des barèmes médicaux » 15

c) D’importantes disparités dans l’appréciation du montant des indemnités allouées en réparation d’un même dommage 16

2. L’expertise médicale est insuffisamment encadrée 17

a) Une compétence non reconnue 17

b) Un contrôle insuffisant de la qualité des pratiques 17

c) Des risques de conflits d’intérêts 18

d) Des procédures d’expertise insuffisamment contradictoires 19

3. Les conditions de versement des indemnités ne sont pas toujours adaptées aux besoins des victimes 19

a) Des règles obsolètes de conversion d’une rente en capital 19

b) Un versement de l’indemnité trop tardif dans certains cas 20

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : RÉÉQUILIBRER LE RÉGIME D’INDEMNISATION ISSU DE LA LOI « BADINTER » DANS UN SENS PLUS FAVORABLE À LA VICTIME 21

A. SANS REVENIR SUR LES FONDEMENTS DE LA LOI « BADINTER », LA PROPOSITION DE LOI VISE À ASSURER UNE MEILLEURE PROTECTION DES VICTIMES DANS LA PROCÉDURE D'INDEMNISATION 21

1. Le texte vise à harmoniser les outils d’évaluation des préjudices corporels afin de rendre leur indemnisation plus équitable 21

a) Une nomenclature unique des chefs de préjudices 21

b) Un barème médical unique 22

c) Des outils indicatifs d’évaluation indemnitaire 22

2. Le texte vise à garantir la qualité, l’indépendance et le caractère contradictoire des expertises médicales 23

a) Garantir la qualité des expertises médicales en édictant des missions-types d’expertise et en rendant obligatoire la prise en compte de l’environnement de la victime 23

b) Assurer l’indépendance des médecins conseils des victimes en contrôlant leurs conflits d’intérêts 24

c) Renforcer le caractère contradictoire de l’examen médical 24

3. Le texte vise à améliorer les conditions d’indemnisation de la victime et de rétablir l’égalité des armes entre elle et l’assureur 25

a) Améliorer les conditions d’indemnisation des victimes 25

b) Rétablir l’égalité des armes entre la victime et l’assureur dans la procédure transactionnelle 26

B. LES AVIS RECUEILLIS PAR LES RAPPORTEURS PERMETTENT D’APPORTER DES AMÉLIORATIONS À LA PROPOSITION DE LOI 27

1. Préciser le statut de la base de données sur l’indemnisation du préjudice corporel des victimes d’un accident de la circulation 27

2. Approfondir la concertation engagée en vue d’instaurer un référentiel national d’indemnisation des dommages corporels à caractère indicatif 29

a) Les réserves exprimées 29

b) Des arguments forts en faveur de la création d’un référentiel indicatif d’indemnisation des dommages corporels 30

c) Une réforme nécessaire, qui suppose un travail de concertation approfondi 31

3. Circonscrire aux procédures de droit commun le champ d’application du barème médical unique 32

4. Préciser le caractère personnel ou non de chaque chef de préjudice recensé par la nomenclature 33

5. Développer les obligations d’information de la victime à la charge de l’assureur et leurs sanctions 34

6. Organiser un système de reconnaissance des compétences des médecins en réparation du dommage corporel 34

7. Prévenir les conflits d’intérêt des experts dans le respect du choix éclairé de son médecin par la victime 35

8. Réaménager la procédure d’octroi d’une provision sur indemnité 36

9. Étendre le champ d’application de certaines dispositions à l’ensemble des litiges tendant à la réparation de dommages corporels 36

10. Instituer une commission nationale de l’indemnisation des dommages corporels 37

TRAVAUX DE LA COMMISSION 39

I.- DISCUSSION GÉNÉRALE 39

II.- EXAMEN DES ARTICLES 49

Article 1er (article L. 211-23 du code des assurances) : Création d’une base de données en matière de dommage corporel 49

Article 2 Définition-type de missions d’expertise médicale et établissement d’un barème médical unique 49

Article 3 (article 12 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985) Définition des postes de préjudice sur la base d’une nomenclature non limitative 49

Article 4 (article 44 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985) : Calcul des préjudices futurs sur la base d’un barème de capitalisation fixé par décret et conversion en capital des rentes indemnitaires suivant ce même barème 50

Article 5 (article L. 211-10 du code des assurances) Obligation pour l’assureur d’informer la victime sur ses droits 50

Après l’article 5 50

Article 6 (article L. 211-10-1 du code des assurances) Pluralité des médecins amenés à réaliser l’examen médical de la victime 51

Article 7 (article L. 211-10-2 du code des assurances) Déclaration de ses activités au conseil départemental de l’Ordre des médecins 51

Article 8 (article L. 211-9 du code des assurances) Versement de droit d’une provision après constatations médicales permettant d’envisager des besoins spécifiques de la victime 51

Article 9 (article L. 211-16 du code des assurances) Allongement à trente jours du délai de rétractation en matière de transaction avec l’assureur 51

Article 10 Dispositions financières 52

Après l’article 10 52

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION 53

ANNEXE 1 : Liste des personnes auditionnées 59

ANNEXE 2 : Liste des participants à la table ronde du jeudi 4 février 2010 60

INTRODUCTION

Vingt-cinq ans bientôt après son entrée en vigueur, le bilan de la loi du 5 juillet 1985 tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et à l’accélération des procédures d'indemnisation, dite loi « Badinter », est largement positif.

Pour assurer aux victimes non-conductrices une indemnisation intégrale et rapide de leurs préjudices, cette loi a institué un régime de responsabilité civile autonome, qui repose sur deux piliers :

– des règles de responsabilité civile dérogatoires au droit commun, qui permettent à la victime d’être indemnisée de ses dommages même lorsqu’elle a commis une faute ;

– une procédure obligatoire de recherche d’un règlement amiable des litiges entre la victime et l’assureur de la partie adverse.

Toutefois, si la loi « Badinter » a permis une nette amélioration du sort des victimes, certaines de ses modalités d’application se sont, avec le temps, avérées insuffisantes. Il apparaît notamment que faute d’outils communs d’évaluation des préjudices, et faute d’encadrement des expertises médicales, l’application de la loi est marquée par des disparités qui heurtent le sens de l’équité.

C’est pourquoi la présente proposition de loi, issue d’une concertation approfondie avec l’ensemble des acteurs de l’indemnisation des dommages corporels et élaborée avec l’appui du Conseil d’État, vise à rétablir l’égalité des armes entre la victime et l’assureur dans la procédure amiable. Loin de remettre en cause les fondements de la loi « Badinter », elle tend ainsi à les affermir en développant des outils communs d’évaluation des préjudices, en encadrant les expertises médicales et en améliorant les conditions de versement des indemnités allouées en réparation des dommages.

Le champ d’application de certaines de ces mesures est d’ailleurs étendu à des litiges autres que ceux liés aux accidents de la circulation, afin que leurs dispositions protectrices puissent bénéficier au plus grand nombre de victimes de dommages corporels, sans toutefois remettre en cause l’équilibre de certains régimes spécifiques d’indemnisation établis par des législations particulières.

I. LE RÉGIME D’INDEMNISATION ISSU DE LA LOI « BADINTER » :
UN SYSTÈME EFFICACE, MAIS PAS TOUJOURS ASSEZ PROTECTEUR DES VICTIMES

La loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation, dite loi « Badinter », a institué, pour le cas spécifique des accidents de la circulation, des règles de responsabilité civile exorbitantes du droit commun, constituant un régime juridique autonome organisé de façon à permettre une indemnisation complète et rapide des dommages corporels.

Ce régime prévoit deux principales dérogations au droit commun de la responsabilité fondé sur les articles 1382 et suivants du code civil :

– il aménage des règles de responsabilité civile sans faute qui confèrent à la victime un véritable droit à indemnisation en réparation des dommages corporels qu’elle a subis ;

– afin que cette indemnisation soit rapide, la loi « Badinter » a rendu obligatoire la recherche d’un règlement transactionnel du litige entre la victime et l’assureur appelé en garantie de la responsabilité civile du fait du véhicule impliqué.

En vue de faciliter la réparation des dommages imputables à un accident de la circulation, le régime spécifique de responsabilité institué par la loi du 5 juillet 1985 déroge au droit commun de la responsabilité civile par deux aspects principaux :

– aucune victime d’accident de la circulation ne peut se voir opposer la force majeure ou le fait d’un tiers, lorsqu’elle agit contre le responsable de l’accident afin d’obtenir la réparation de son dommage ;

– lorsque la victime est un non-conducteur ou une personne vulnérable, elle ne peut pas non plus se voir opposer sa propre faute lorsqu’elle agit en réparation d’un dommage corporel.

L’article 2 de la loi du 5 juillet 1985 dispose que « les victimes, y compris les conducteurs, ne peuvent se voir opposer la force majeure ou le fait d’un tiers par le conducteur ou le gardien d’un véhicule ».

Cet article déroge au droit commun de la responsabilité civile, qui permet à toute personne dont la responsabilité est recherchée de s’exonérer par la preuve de l’intervention d’un cas de force majeure ou du fait d’un tiers. Ainsi, l’auteur de l’accident – c’est-à-dire le conducteur ou le gardien du véhicule impliqué – ne peut s’exonérer qu’en opposant à la victime sa propre faute.

Ainsi, en principe, la victime n’a droit à la réparation intégrale de ses dommages que si elle n’est pas fautive. L’article 4 de la loi du 5 juillet 1985 précise d’ailleurs que « la faute commise par le conducteur […] a pour effet de limiter ou d’exclure l’indemnisation des dommages qu’il a subis ».

L’article 3 de la loi du 5 juillet 1985 prévoit une protection supplémentaire pour les victimes qui ne conduisaient pas de véhicule lors de l’accident qui leur a causé des dommages : il leur confère un droit à la réparation intégrale des dommages « résultant des atteintes à leur personne » – dits dommages « corporels » – « sans que puisse leur être opposée leur propre faute ».

Il est précisé que cette disposition protectrice ne s’applique pas lorsque la faute commise par la victime présente un caractère « inexcusable » et constitue « la cause exclusive de l’accident ».

Toutefois, cet article prévoit aussi que même une telle faute ne saurait être opposée à la victime, lorsque celle-ci présente une vulnérabilité particulière en raison de son âge – moins de seize ans ou plus de soixante-dix ans – ou d’un handicap caractérisé par un taux d’incapacité permanente ou d’invalidité au moins égal à 80 %. La victime a alors droit à une indemnisation intégrale de son préjudice corporel dans tous les cas, sauf « lorsqu’elle a volontairement recherché le dommage qu’elle a subi ».

Les dispositions protectrices de l’article 3 de la loi du 5 juillet 1985 ne s’appliquent qu’aux dommages corporels : la faute commise par la victime a donc pour effet de limiter ou d’exclure l’indemnisation des dommages aux biens qu’elle a subis. L’article 5 de la même loi prévoit toutefois une exception pour les « fournitures et appareils délivrés sur prescription médicale », qui donnent lieu à une indemnisation intégrale pour les victimes non-conductrices, au même titre que leurs préjudices corporels.

Afin d’accélérer l’indemnisation des victimes d’accidents de la circulation, les articles 12 à 27 et 33 de la loi du 5 juillet 1985, codifiés aux articles L. 211-9 à L. 211-25 du code des assurances, ont instauré une procédure transactionnelle d’offre d’indemnité. Dans 95 % des cas, cette procédure permet aux victimes d’obtenir une indemnisation transactionnelle, ce qui leur évite des contentieux longs, coûteux et inutiles.

L’article L. 211-9 du code des assurances fait obligation à l’assureur qui garantit la responsabilité du fait d’un véhicule impliqué dans un accident de la circulation de présenter à la victime du dit accident une « offre d’indemnité motivée ».

 Une procédure enserrée dans des délais particulièrement stricts en cas de dommages corporels

Cet article enserre l’offre d’indemnité dans des délais stricts, notamment lorsqu’il s’agit d’un dommage corporel :

– pour l’ensemble des dommages, quelle que soit leur nature, l’assureur doit présenter une offre d’indemnité dans les trois mois qui suivent la demande d’indemnisation ; toutefois, ce délai est subordonné à la double condition que la responsabilité ne soit pas contestée et que le dommage ait été entièrement quantifié, ce qui peut nécessiter un temps non négligeable ;

– pour le cas particulier des dommages corporels, l’article L. 211-9 fait obligation à l’assureur de présenter une offre d’indemnisation dans un délai maximum de huit mois à compter de l’accident ; il précise que si l’assureur n’a pas été informé de la consolidation de l’état de la victime dans les trois mois suivant l’accident, cette offre peut avoir un caractère provisionnel, l’offre définitive devant être présentée cinq mois au plus tard après la date à laquelle l’assureur a été informé de cette consolidation.

L’article L. 211-9 dispose en outre qu’« en tout état de cause, le délai le plus favorable à la victime s’applique ».

Le respect des délais impartis à l’assureur est garanti par des sanctions :

– l’assureur qui ne respecterait pas les délais impartis encourt une sanction prévue par l’article L. 211-13 du code des assurances : le montant de l’indemnité qu’il offre, ou que le juge attribue à la victime, produit intérêt de plein droit au double du taux de l’intérêt légal pour les jours de retard ;

– si l’assureur ne verse pas l’indemnité convenue dans un délai d’un mois et demi suivant la conclusion de la transaction, les sommes non versées produisent de plein droit intérêt au taux légal majoré de moitié durant deux mois, puis doublé, en application de l’article L. 211-17 du même code.

 Une procédure préservant les intérêts de la victime en cas de défaut d’assurance ou de multiplicité d’assureurs

En principe, selon l’article L. 211-9, l’obligation de présenter une offre d’indemnité incombe à l’assureur qui garantit la responsabilité civile du fait du véhicule impliqué dans un accident. L’article L. 211-1 du code des assurances fait en effet obligation à toute personne dont la responsabilité civile peut être engagée en raison de dommages subis par des tiers résultant d’atteintes aux personnes ou aux biens dans la réalisation desquels un véhicule est impliqué, pour faire circuler ledit véhicule, d’être couverte par une assurance garantissant cette responsabilité.

La loi « Badinter » a aussi prévu des mesures visant à ce que la procédure d’offre d’indemnisation ne soit ni compromise ni retardée en cas de défaut d’assurance ou de multiplicité d’assureurs :

– l’article L. 211-9 prévoit que quand plusieurs véhicules sont impliqués dans le même accident, s’il y a plusieurs assureurs, l’offre est faite par un assureur mandaté par les autres ;

– l’article L. 211-20 prévoit que lorsque l’assureur saisi invoque « une exception de garantie légale ou contractuelle », comme la nullité ou la suspension de la couverture d’assurance du conducteur, il reste tenu de présenter une offre « pour le compte de qui il appartiendra » ;

– en application de l’article L. 211-22, le fonds de garantie des assurances obligatoires, institué par l’article L. 420-1, est substitué à l’assureur « lorsque le responsable des dommages demeure inconnu ou n’est pas assuré ».

Lorsqu’elle doit négocier une indemnité avec une compagnie d’assurance, la victime peut se trouver en position de faiblesse. Pour contribuer à corriger cette inégalité des armes, la loi « Badinter » a prévu plusieurs mesures.

Ainsi, l’article L. 211-10 du code des assurances définit les obligations d’information de la victime pesant sur l’assureur. Celui-ci doit :

– informer la victime du fait qu’elle peut obtenir de sa part, sur simple demande, copie du procès-verbal de police ou de gendarmerie ;

– rappeler à la victime qu’elle peut se faire assister d’un avocat et, en cas d’examen médical, d’un médecin de son choix ;

– porter à la connaissance de la victime certaines règles relatives aux recours des tiers payeurs, c’est-à-dire des organismes (notamment des caisses de sécurité sociale) habilités à récupérer sur l’indemnisation offerte par l’assureur le montant de prestations qu’ils ont servies à la victime en réparation du dommage qu’elle a subi.

De plus, des textes réglementaires ont précisé, dans un sens protecteur des intérêts de la victime, les conditions dans lesquelles l’assureur peut demander un examen médical de celle-ci afin d’évaluer ses dommages corporels. Les articles R. 211-43 et R. 211-44 du code des assurances font ainsi obligation à l’assureur d’informer la victime quinze jours au moins à l’avance de l’identité et des titres du médecin, ainsi que de sa possibilité de se faire assister d’un médecin de son choix. L’article R. 211-34 du même code précise aussi que la victime peut récuser le médecin choisi par l’assureur, et demander au juge des référés de désigner un autre médecin à titre d’expert.

Une fois que la victime a accepté l’offre d’indemnité proposée par l’assureur, l’article L. 211-16 du code des assurances prévoit qu’elle dispose d’un délai de quinze jours pour dénoncer la transaction.

Si la procédure d’indemnisation instaurée par loi du 5 juillet 1985 a permis d’améliorer et d’accélérer l’indemnisation des dommages corporels résultant d’accidents de la circulation, sa mise en œuvre soulève encore certaines difficultés pour les victimes.

Selon une formule constante de la Cour de cassation, « le propre de la responsabilité civile est de rétablir aussi exactement que possible l’équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l’acte dommageable n’avait pas eu lieu ». Ainsi, par principe, l’indemnisation d’un préjudice doit être individualisée, c’est-à-dire déterminée sur la base d’une évaluation des dommages subis par la victime.

L’appréciation des dommages corporels et de leurs modalités d’indemnisation comprend donc plusieurs étapes :

– un médecin expert doit énumérer de façon exhaustive les différents chefs de préjudice appelant une indemnisation (en distinguant, par exemple, les souffrances endurées par la victime, son préjudice esthétique ou son préjudice fonctionnel permanent), ce qui suppose qu’il dispose d’une nomenclature des postes de préjudice ;

– l’expert doit ensuite procéder à l’évaluation du dommage, qui se traduit par une « cotation » des infirmités en pourcentages d’incapacité établis au moyen d’un barème médical ;

– enfin, il appartient aux parties, ou au juge en cas de contentieux, de déterminer le montant de l’indemnisation de ces dommages en leur fixant une valeur monétaire personnalisée.

Or, aujourd’hui, les intéressés ne disposent ni d’une nomenclature commune des chefs de préjudice, ni d’un barème médical commun, ni d’éléments de comparaison objectifs leur permettant de fixer le montant des indemnités de façon éclairée.

Plusieurs textes relatifs à l’indemnisation de dommages corporels prévoient que les offres d’indemnité doivent distinguer le montant retenu pour chaque chef de préjudice.

Cette mesure a été prévue, notamment, par l’article R. 211-40 du code des assurances pour les offres formulées par les assureurs aux victimes d’accidents de la circulation et par l’article L. 1142-14 du code de la santé publique pour l’indemnisation des dommages résultant du fonctionnement du système de santé. De même, l’article 25 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007 a modifié l’article L. 376-1 du code de la sécurité sociale et l’article 31 de la loi du 5 juillet 1985 précitée pour prévoir que les recours subrogatoires des tiers payeurs s’exercent « poste par poste », l’indemnisation versée au titre d’un préjudice à caractère personnel étant exclue du droit de récupération des tiers payeurs.

L’application de ces dispositions rend nécessaire une nomenclature des postes de préjudice, c’est-à-dire une liste des dommages corporels susceptibles de faire l’objet d’une indemnisation (1).

En outre, comme le souligne Mme Yvonne Lambert-Faivre dans un rapport fait au nom du Conseil national de l’aide aux victimes en juin 2003 sur l’indemnisation du dommage corporel, l’élaboration d’une nomenclature claire des différents chefs de préjudices « fournit aux professionnels de l’indemnisation (avocats, médecins-experts, magistrats ou régleurs…) un listing-guide de l’indemnisation » qui présente deux intérêts :

– il constitue un instrument d’homogénéité des décisions ;

– il permet d’éviter « une atomisation indéfinie de postes de préjudices, ingérable en droit ».

C’est pour ces raisons que Mme Nicole Guedj, alors secrétaire d’État aux droits des victimes, avait chargé M. Jean-Pierre Dintilhac, alors président de la deuxième chambre civile de la Cour de Cassation, d’une mission tendant à établir une telle nomenclature, qui a été publiée en 2005. Par une circulaire n°CIV/05/07 du 22 février 2007, le ministre de la justice en recommande l’utilisation aux procureurs et présidents de juridictions civiles.

Toutefois, la publication de la nomenclature dite « Dintilhac » n’a pas suffi à harmoniser les pratiques. En effet, elle est pour l’heure dépourvue de portée contraignante. En outre, dans un avis contentieux Lagier et consorts Guignon du 4 juin 2007, le Conseil d’État a proposé une autre nomenclature des chefs de préjudice, tout en regrettant que le Premier ministre, usant de son pouvoir réglementaire d’exécution des lois, n’ait pas établi par décret de nomenclature officielle comportant une table de concordance des chefs de préjudice avec les prestations services par les tiers payeurs.

Ainsi, il n’existe pas à ce jour de nomenclature des préjudices corporels commune à l’ensemble des acteurs de l’indemnisation.

Dans son rapport, Mme Yvonne Lambert-Faivre dénonce « l’inadmissible pluralité des barèmes médicaux » employés aujourd’hui par les acteurs de l’indemnisation.

Il n’existe pas aujourd’hui de barème officiel d’évaluation des dommages corporels. À défaut, la plupart des acteurs ont recours à l’un des trois principaux barèmes existants :

– le « barème d’évaluation médico-légale » de la Société de médecine légale et de criminologie de France, élaboré avec le concours de l’Association des médecins experts en dommage corporel (AMEDOC) : comme Mme Gisèle Mor, ancien bâtonnier de l’Ordre et ancien membre du Conseil national des barreaux, l’a indiqué à votre rapporteure, ce barème propose une double approche des dommages corporels, fondée d’une part sur l’analyse traditionnelle des lésions et déficiences, et d’autre part sur une analyse plus innovante du retentissement de ces lésions sur chaque fonction exercée par la victime dans sa vie quotidienne (fonctions motrice, sensorielle, sexuelle etc.) ;

– le « barème indicatif des taux d’incapacité en droit commun » publié en 2001 par le Concours médical : selon Mme Gisèle Mor, ce barème, dont la dernière version a été élaborée sous l’égide de l’Association pour l’étude de la réparation du dommage corporel (AREDOC), est largement utilisé par les assureurs et privilégie l’analyse anatomo-pathologique des séquelles d’accidents plutôt que leur analyse fonctionnelle ;

– le « guide barème européen d’évaluation des atteintes à l’intégrité physique et psychique », élaboré par la Confédération européenne d’experts en évaluation et en réparation du dommage corporel (CEREDOC), sur des critères proches de ceux du barème du Concours médical.

De plus, il existe des barèmes spécifiques pour certains accidents médicaux faisant l’objet d’une procédure spéciale d’indemnisation. C’est le cas, par exemple, du barème utilisé par le Fonds d’indemnisation des transfusés et des hémophiles contaminés par le virus de l’immunodéficience humaine. Les organismes de sécurité sociale disposent eux aussi de leurs propres barèmes.

Comme le note le Conseil d’État dans son avis du 28 janvier 2010 sur la présente proposition de loi, « ces barèmes, adoptés à des périodes éloignées et pour l’application de législations de réparation ayant des inspirations dissemblables, présentent des différences dans la caractérisation d’une même invalidité, telle que la perte d’un membre, qui heurtent l’équité ». Ce constat est partagé par la plupart des personnes entendues par votre rapporteure.

Ainsi, un même état physique et psychique peut donner lieu à l’attribution de taux d’incapacité différents selon l’organisme à l’initiative de l’évaluation médico-légale et selon le barème utilisé.

Ainsi, selon les évaluations présentées à votre rapporteure par Mme Gisèle Mor, le taux d’incapacité auquel correspondrait un syndrome de stress post-traumatique serait évalué :

– entre 3 et 15 % d’après le barème du Concours médical, qui n’évoque la possibilité de porter ce taux jusqu’à 20 % qu’à titre exceptionnel ;

– entre 0 et 20 % en application du barème européen ;

–entre 0 et 25 %, dont 90 % au titre de la fonction psychique, selon le barème d’évaluation médico-légale.

L’article L. 211-23 du code des assurances prévoit une « publication périodique » rendant compte des indemnités fixées par les jugements et les transactions en réparation des dommages consécutifs à un accident de la circulation. Cette publication constitue une extraction d’une base de données constituée « sous le contrôle de l’autorité publique » par l’Association de gestion des informations sur le risque en assurance (AGIRA) et censée recenser tous les jugements et toutes les transactions concernées. Cette base de données devrait fournir aux juges et aux assureurs des éléments objectifs leur permettant de déterminer de façon éclairée le montant des indemnités.

Pourtant, comme le rappelle le Conseil d’État dans son avis précité, cette mesure a été « infructueuse », car elle « n’a pas permis le recensement exhaustif de ces données, s’agissant en particulier des préjudices corporels les plus graves qui font l’objet le plus souvent de décisions juridictionnelles, en raison de l’insuffisance des moyens consacrés à cette base de données, actualisée pour l’essentiel par les compagnies d’assurances ».

En l’absence de référentiels nationaux sur l’indemnisation des préjudices corporels, les différents acteurs de l’indemnisation ont élaboré leur propre jurisprudence ou leur propre référentiel. Ainsi, dans son livre blanc sur l’indemnisation du dommage corporel, la Fédération française des sociétés d’assurance (FFSA) déplore « une dispersion dans l’appréciation jurisprudentielle de ces préjudices suivant à la fois les ordres de juridiction (administratif et judiciaire) et, à l’intérieur d’un même ordre, suivant les juridictions qui la composent ». Devant votre rapporteure (2), M. Pierre Sargos, président de la chambre sociale de la Cour de Cassation, a d’ailleurs reconnu que les juridictions suprêmes auraient pu mieux orienter les pratiques des tribunaux en la matière.

Dans son avis précité, le Conseil d’État souligne que s’il existe « une grande diversité de diplômes d’université en réparation du dommage corporel » accessibles aux médecins qui souhaitent pratiquer des expertises pour le compte des assureurs ou des victimes, mais que « cette compétence n’est pas reconnue ».

En effet, aucune autorité publique ne contrôle les qualifications des médecins qui assurent de telles missions.

 Il n’existe pas de missions-types d’expertise médicale

Comme le relève la Fédération française des sociétés d’assurance (FFSA) dans son livre blanc précité, la procédure et la méthodologie de l’expertise médicale sont peu réglementées. En 1972, la Chancellerie avait diffusé par circulaire des missions-types servant de modèle pour les ordonnances d’expertise médicale rendues par les juridictions, mais celles-ci n’ont pas été actualisées.

En 1994, l’Association pour l’étude de la réparation des dommages corporels (AREDOC) a élaboré des missions-types d’expertise médicale à l’usage des assureurs, révisées en 2006 pour tenir compte de la nomenclature « Dintilhac ». Selon un récent rapport fait par Mme Gisèle Mor au nom du Conseil national des barreaux (3), certaines juridictions utilisent ces documents.

En l’absence de définitions-types des missions d’expertise médicale, l’imprécision des questions adressées aux experts peut retarder le règlement des litiges relatifs à l’indemnisation des victimes ou influencer leur conclusion dans un sens insatisfaisant du point de vue de l’équité.

 Le contenu de l’examen médical pratiqué par le médecin qui conseille l’assureur n’est pas encadré

Il ressort des auditions auxquelles votre rapporteure a procédé que les représentants des victimes d’accidents de la circulation sont très attachés au principe d’une évaluation « situationnelle » des dommages subis par les victimes. Il s’agit de tenir compte des conditions de vie et de l’environnement habituel de la victime pour quantifier la gravité de ses séquelles.

Dans son rapport, Mme Yvonne Lambert-Faivre considère d’ailleurs que « la confusion totale du système repose sur un postulat totalement faux selon lequel une même lésion traumatique aurait des conséquences semblables pour toutes les victimes », alors qu’« à l’évidence, les incidences professionnelles d’une même lésion traumatique sont totalement différentes selon les activités : la perte d’un oeil met fin à la carrière du pilote de ligne, pas à celle du facteur ; l’amputation d’une jambe est incompatible avec le métier de maçon-couvreur, pas avec celui de l’administratif sédentaire ». Elle qualifie une telle confusion d’« aberration méthodologique ».

Pourtant, aujourd’hui, aucune disposition législative ni réglementaire n’impose à l’expert de pratiquer un bilan situationnel : il peut s’en tenir à une évaluation strictement anatomo-pathologique des dommages.

Lors des auditions menées par votre rapporteure, l’impartialité des experts a parfois fait l’objet de critiques. Dans une récente proposition de réforme de l’expertise médicale judiciaire (4), le Médiateur de la République explique en effet que le médecin nommé expert peut exercer, par ailleurs, des fonctions de médecins-conseil au sein d’une compagnie d’assurance.

Les médecins sont pourtant soumis au principe d’indépendance morale et professionnelle énoncé par l’article L. 162-2 du code de la sécurité sociale, ainsi que par les articles 5 et 26 du code de déontologie médicale (correspondant aux articles R. 4127-5 et R. 4127-26 du code de la santé publique). L’article 105 du code de déontologie médicale (correspondant à l’article R. 4127-105 du code de la santé publique) précise d’ailleurs qu’« un médecin ne doit pas accepter une mission d’expertise dans laquelle sont en jeu ses intérêts propres, ceux d’un de ses patients, d’un de ses proches, d’un de ses amis ou d’un groupement qui fait habituellement appel à ses services ».

Toutefois, le Médiateur constate qu’« à l’expérience », le respect des règles d’indépendance des experts « devrait être renforcé ».

L’article L.  211-10 du code des assurances fait obligation à l’assureur, à l’occasion de sa première correspondance avec la victime, de rappeler à celle-ci qu’elle peut se faire assister par un médecin en cas d’examen médical. Pourtant, comme l’a souligné devant votre rapporteure M. Jean-Luc Truelle, représentant des Entretiens d’Aix (5), il n’est pas fréquent que les victimes utilisent cette faculté, parfois pour des raisons tenant au coût de l’expertise .

De plus, comme le constate le Médiateur, les victimes « ont souvent le plus grand mal à se faire préciser la méthodologie et à pouvoir discuter les conclusions de l’expert, ainsi qu’à obtenir la communication des pièces nécessaires à l’expertise ».

Dans ces conditions, le principe du contradictoire n’est pas toujours respecté dans le cadre de l’expertise.

L’indemnisation d’un dommage peut avoir pour objet de compenser des préjudices futurs, qui peuvent consister, par exemple, en des frais à venir, des dépenses d’assistance par une tierce personne ou des pertes de revenus.

L’indemnité due au titre des préjudices futurs peut être versée à la victime soit sous forme de rente, soit sous forme de capital ; d’après le rapport de Mme Yvonne Lambert-Faivre, ce second cas est le plus fréquent. Le montant de l’indemnité en capital est alors calculé au moyen d’une table de capitalisation faisant intervenir deux paramètres principaux :

– un taux d’intérêt : plus le taux retenu est élevé, plus le montant de l’indemnité capitalisée est faible ;

– une estimation de l’espérance de vie de la victime : plus sa durée est courte, plus l’indemnité est faible.

Les tableaux de conversion actuellement en vigueur ont été publiés en annexe du décret n° 86-973 du 8 août 1986 et jamais actualisés. L’espérance de vie ayant progressé et le taux d’intérêt ayant baissé depuis cette date, retenir aujourd’hui les paramètres de 1986 revient à sous-estimer la valeur actuelle des préjudices futurs des victimes. Dans son rapport, Mme Gisèle Mor fait état d’une simulation statistique indiquant que l’utilisation du barème de 1986 conduit à sous-estimer de près de 49 % le capital versé en conversion d’une rente.

La jurisprudence a d’ailleurs constaté l’obsolescence des tableaux de conversion de 1986 et en écarte l’application au profit de tables de capitalisation qui n’ont pas un caractère officiel. Telle est la solution retenue par la Cour de Cassation dans un arrêt du 2 octobre 2007, puis par le Conseil d’État dans un arrêt consorts Le Khebbaz du 4 décembre 2009.

Il ressort des auditions menées par votre rapporteure que fréquemment, la victime d’un accident doit faire face à d’importants frais d’adaptation de son environnement pour pouvoir réintégrer son domicile, qu’il s’agisse d’aménager son domicile ou son véhicule, ou de se faire assister par une tierce personne.

Certes, en cas de dommage corporel, l’article L. 211-9 du code des assurances oblige l’assureur de présenter à la victime une offre d’indemnisation provisionnelle dans les huit mois suivant l’accident, avant de lui présenter une offre définitive dans les cinq mois suivant la consolidation de son état.

Toutefois, ces délais sont souvent trop longs pour couvrir les dépenses immédiatement nécessaires au retour de la victime à son domicile. Il peut en résulter pour les victimes d’importantes difficultés financières, de nature à compromettre leur réadaptation à un moment où elles doivent accepter leurs séquelles et y adapter leur mode de vie, comme l’a souligné devant la rapporteure M. Stéphane Gicquel, secrétaire général de la Fédération nationale des victimes d’accidents collectifs.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : RÉÉQUILIBRER LE RÉGIME D’INDEMNISATION ISSU DE LA LOI « BADINTER »
DANS UN SENS PLUS FAVORABLE À LA VICTIME

La présente proposition de loi ne remet en cause aucun des principes de la loi « Badinter » ; au contraire, ses auteurs souhaitent en réaffirmer l’importance, et corriger les dysfonctionnements évoqués supra dans sa mise en œuvre.

L’article 3 de la présente proposition de loi tend à instaurer une nomenclature des postes de préjudices constituant le cadre obligatoire de toute décision de fixation d’indemnités en réparation de préjudices corporels en lien avec un accident de la circulation, qu’il s’agisse d’une transaction ou d’une décision de justice.

L’intérêt d’une telle nomenclature est double :

– elle permet d’opérer la distinction entre chefs de préjudices personnels et non personnels prévue par l’article 25 précité de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, qui interdit la récupération par les tiers payeurs des indemnités allouées en compensation d’un préjudice à caractère personnel ;

– elle facilite la comparaison des indemnités allouées dans différents cas, ce qui, selon l’avis précité du Conseil d’État, « en fait un outil de défense des droits des victimes » et favorise un « exercice plus transparent et plus accessible de leur fonction par les juges ».

Le Conseil d’État a d’ailleurs considéré que l’obligation faite aux parties – ou, le cas échéant, au juge – de se conformer à une nomenclature pour déterminer les dommages pour lesquels la victime peut prétendre à une indemnisation ne porte pas d’atteinte excessive à la liberté des parties ou au pouvoir d’appréciation du juge, et ce, pour deux raisons :

– la nomenclature ne contraint par les parties ou le juge quant à l’étendue, ni quant à l’appréciation des préjudices ;

– il est précisé que la nomenclature sera « non limitative », ce qui permet de prendre en compte des éléments de préjudice spécifiques à un cas d’espèce.

Le texte de la proposition de loi ne vise pas spécifiquement la nomenclature dite « Dintilhac ». Il ressort d’ailleurs de la table ronde rassemblant les représentants des victimes, des assureurs et des avocats à l’initiative de votre rapporteure et de M. Guy Lefrand, rapporteur de la commission saisie au fond (6), que cette nomenclature mériterait quelques ajustements pour pouvoir être rendue obligatoire sans poser de difficultés majeures d’application.

L’article 2 de la proposition de loi tend à renvoyer à un décret le soin de fixer un « barème médical unique », destiné à s’appliquer à tous les dommages résultant d’une atteinte à la personne, qu’ils relèvent ou non de la législation spécifique aux accidents de la circulation.

Cette mesure vise à remédier aux incohérences qui découlent aujourd’hui de la multiplicité des barèmes utilisés par les juridictions et par les assureurs.

En effet, comme le souligne Mme Yvonne Lambert-Faivre dans son rapport, « le « dommage corporel », atteinte à l’intégrité anatomique, physique et psychique de la personne, est médicalement constatable ou explicable : un « barème médical » est un instrument objectif d’évaluation médicale ». En effet, un tel barème, étalonné en pourcentages de taux d’incapacité fonctionnelle, sert à l’expert pour mesurer les atteintes à la personne constatées médicalement. Il ne doit pas être confondu avec un « barème d’indemnisation » servant au juge pour calculer l’indemnité à allouer en réparation de ces atteintes ; un tel barème porterait atteinte au principe de réparation intégrale des préjudices, qui implique d’individualiser le calcul de l’indemnité.

Le second alinéa de l’article 2 prévoit la création d’une « commission ad hoc » chargée d’élaborer le barème médical unique et renvoie à un décret le soin d’en préciser la composition. De façon consensuelle, les acteurs rassemblés par votre rapporteure et M. Guy Lefrand (7) se sont dits attachés à ce que la composition de cette commission soit pluridisciplinaire, pour représenter non seulement les praticiens appelés à pratiquer des évaluations, mais aussi les victimes, les juristes et les assureurs.

L’article 1er de la présente proposition de loi tend à créer :

– une base de données publique, qui recenserait de façon exhaustive les transactions intervenues et les décisions de justice rendues en application de la loi du 5 juillet 1985 précitée, en présentant le détail des indemnités accordées pour chaque chef de préjudice ;

– un « référentiel national indicatif », publié périodiquement, qui présenterait une synthèse des informations contenues dans la base de données.

La création d’un tel référentiel vise à faciliter l’exploitation par les victimes des informations « brutes » contenues dans la base de données.

Cette mesure de transparence poursuit un double objet :

– en améliorant l’information de la victime sur les pratiques en matière d’indemnisation, elle contribue à rétablir l’égalité des armes entre la victime et l’assureur dans la négociation de l’indemnité et favorise ainsi la conclusion de transactions équitables ;

– elle va dans le sens d’une administration plus éclairée de la justice, en fournissant aux magistrats des références objectives pour des calculs d’indemnités, auxquels ils ne sont pas assez formés.

La base de données qu’il est proposé de créer reprend ainsi l’essentiel des objectifs et des modalités d’organisation du « référentiel indicatif national, statistique et évolutif (RINSE) » dont Mme Yvonne Lambert-Faivre recommande la mise en place dans son rapport, afin d’harmoniser les évaluations sur l’ensemble du territoire.

 Des missions-types d’expertise médicale

L’article 2 de la proposition de loi tend à renvoyer à un décret le soin de définir des « missions-types d’expertise médicale » destinées à servir de modèle aux juges pour l’établissement de leurs ordonnances d’expertise. Il vise ainsi à limiter les retards et les erreurs d’appréciation qui peuvent résulter, dans certains contentieux, de l’imprécision des questions adressées à l’expert.

 La prise en compte obligatoire de l’environnement de la victime

L’article 6 de la proposition de loi tend à insérer dans le code des assurances un article L. 211-10-1 dont le premier alinéa tend à préciser sous deux aspects le contenu de l’examen réalisé par le médecin conseil de l’assureur :

– dans tous les cas, cet examen devra prendre en considération « l’environnement habituel de la victime », et non ses seules séquelles ;

– dans les cas où les premières constatations conduiront à envisager une assistance de la victime par une tierce personne à titre viager, le médecin devra effectuer un « bilan situationnel » à la demande de la victime.

L’article 7 de la proposition de loi tend à insérer dans le code des assurances un article L. 211-10-2 comportant deux mesures visant à prévenir les conflits d’intérêts des médecins conseils des victimes.

 Des règles d’incompatibilité strictes

Le premier alinéa de la rédaction proposée pour l’article L. 211-10-2 tend à interdire à tout médecin d’assister une victime, dès lors que l’assureur adverse fait habituellement appel à ses services.

Cette mesure vise à éviter les conflits d’intérêts auxquels les médecins conseils des victimes se trouvent parfois confrontés.

Son champ d’application est limité aux seuls litiges relatifs à la réparation de dommages corporels imputables à un accident de la circulation en application des dispositions de la loi du 5 juillet 1985 précitée, mais il recouvre aussi bien les procédures contentieuses que transactionnelles.

 Une déclaration d’intérêts obligatoire

Le second alinéa du texte prévu pour l’article L. 211-10-2 tend à obliger les médecins qui exercent des missions de conseil auprès d’assureurs à déclarer auprès du conseil départemental de l’ordre des médecins dont ils relèvent le nom des compagnies d’assurance auxquelles ils prêtent habituellement leur concours.

Il est précisé que ces informations sont accessibles au public.

Cette mesure de transparence, qui vise à éclairer le choix de son médecin conseil par la victime, complétera ainsi les règles qui encadrent les conflits d’intérêt des médecins. Parmi ces règles, on citera notamment les dispositions des articles L. 4113-6 et L. 4113-13 du code de la santé publique, qui font obligation aux médecins de transmettre au conseil départemental dont ils relèvent les conventions qui les lient aux entreprises pharmaceutiques et de faire connaître ces liens au public lorsqu’ils s’expriment publiquement sur les produits de santé.

Les trois derniers alinéas de la rédaction prévue par l’article 6 pour l’article L. 211-10-1 du code des assurances établissent le principe d’un examen médical contradictoire de plein droit et en fixent les modalités.

Il est ainsi prévu que l’assureur « propose systématiquement à la victime un examen médical contradictoire » dans deux cas :

– soit que la victime refuse d’être examinée par le seul médecin mandaté par l’assureur ;

– soit qu’elle conteste les conclusions de ce médecin.

L’article 6 précise que le médecin conseil de la victime rend un avis sur l’examen médical pratiqué par le médecin conseil de l’assureur, et que cet avis est annexé à l’offre d’indemnisation faite à la victime.

Cet article propose également qu’en principe, le médecin conseil de la victime soit un praticien ayant des compétences en réparation du dommage corporel. Si toutefois la victime préfère avoir recours à un médecin dont les compétences en la matière ne sont pas établies, elle restera libre de le faire à condition de l’attester par écrit.

Pour que le coût de cette procédure ne constitue pas un obstacle à l’accès de la victime à un médecin conseil, l’article 6 prévoit que les frais engagés à l’occasion de l’examen médical contradictoire soient pris en compte dans l’évaluation du dommage. La victime n’aura plus ainsi qu’à en consentir l’avance.

 Réactualiser la table de conversion en capital des rentes indemnitaires, dont l’obsolescence lèse les victimes

Pour remédier à l’obsolescence de l’actuel barème de capitalisation des rentes indemnitaires (cf. supra), l’article 4 de la proposition de loi prévoit un mécanisme d’actualisation régulière de ces paramètres :

– le taux d’intérêt retenu dans cette table de conversion sera désormais un taux officiel « défini par décret et actualisé chaque année civile » ;

– la table devra également tenir compte des « dernières évaluations statistiques de l’espérance de vie » publiées par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) « pour les trois dernières années ».

Cette mesure va dans le sens de l’intérêt des victimes, car l’obsolescence des taux d’intérêts et des durées d’espérance de vie retenues dans la table de conversion de 1986 engendre pour elles un manque à gagner important (cf. supra).

Son champ d’application est cependant limité aux seules indemnisations régies par la loi du 5 juillet 1985.

 Allouer de plein droit une provision sur indemnité pour faciliter le retour des victimes à leur domicile

Pour éviter que les victimes ne rencontrent des difficultés financières, lorsqu’elles doivent effectuer diverses dépenses indispensables à leur retour à domicile avant d’avoir perçu d’indemnité de réparation de leur dommage corporel, l’article 8 de la proposition de loi tend à leur permettre d’obtenir de plein droit une provision sur indemnité.

Cette provision serait accordée à la seule condition qu’il ressort des constatations médicales que l’état de la victime « nécessite un aménagement de son logement ou de son véhicule ou la présence d’une tierce personne ». Elle serait versée dans le mois qui suit la demande de la victime.

Pour mettre la victime en position de défendre efficacement ses intérêts dans le cadre d’une indemnisation à l’amiable, la proposition de loi propose deux ajustements à la procédure d’indemnisation issue de la loi du 5 juillet 1985.

 Améliorer l’information de la victime sur ses droits

L’article 5 tend à réécrire l’article L. 211-10 du code des assurances, dont la rédaction en vigueur énumère les informations que l’assureur doit communiquer à la victime dès leur première correspondance (cf. supra).

La nouvelle rédaction proposée reprend l’ensemble des éléments énumérés actuellement et renforce en deux points l’obligation d’information incombant à l’assureur :

– elle ajoute à ses obligations actuelles l’envoi à la victime d’une « notice d’information sur ses droits » conforme à une notice-type établie par décret ;

– elle rend systématique la transmission à la victime d’une copie du procès-verbal de police ou de gendarmerie, alors que le droit en vigueur subordonne cette communication à une demande de la victime.

L’établissement d’une notice d’information dont le contenu sera fixé par les pouvoirs publics va dans le sens d’une information plus complète et plus objective des victimes sur leurs droits, ce qui est de nature à les aider à négocier une indemnisation plus équitable.

 Allonger le délai dans lequel la victime peut dénoncer une transaction

L’article 9 de la proposition de loi tend à porter de 15 à 30 jours le délai dans lequel la victime qui a accepté une offre d’indemnité peut, par lettre recommandée avec demande d’accusé de réception, dénoncer la transaction.

Cette faculté de dénonciation constitue une importante mesure de protection des victimes. C’est pourquoi l’article L. 211-16 du code des assurances lui confère un caractère d’ordre public et prévoit qu’elle doit être mentionnée « en caractères très apparents dans l’offre de transaction », à peine de nullité de cette dernière.

En application du cinquième alinéa de l’article 39 de la Constitution, la présente proposition de loi a été soumise pour avis au Conseil d’État par le Président de l’Assemblée nationale le 4 décembre 2009. Le Conseil d’État a rendu son avis le 28 janvier 2010.

En parallèle, conjointement avec notre collègue Guy Lefrand, rapporteur au nom de la commission des finances, saisie au fond, votre rapporteure a mené de nombreuses auditions et organisé une table ronde rassemblant les représentants de tous les acteurs de l’indemnisation des dommages corporels : les victimes, les assureurs, et les avocats.

Il ressort de ces démarches que l’orientation générale de la proposition de loi répond aux attentes des acteurs, et que certaines modifications recommandées par le Conseil d’État ou suggérées par les personnes auditionnées seraient de nature à enrichir le texte, sur dix points principaux.

Ne relevant « aucune objection de principe » à la constitution d’une base de données recensant les décisions de justice rendues et les transactions passées ayant trait à un litige portant sur l’indemnisation du préjudice corporel des victimes d’accident de voiture, le Conseil d’État a formulé plusieurs recommandations visant à préciser les modalités de constitution et de contrôle de cette base, ainsi que son contenu.

 Désigner l’organisme chargé du traitement des données

Le Conseil d’État recommande de charger expressément les entreprises d’assurance de constituer entre elles un organisme chargé du traitement des données relatives aux indemnités allouées en réparation d’un dommage corporel consécutif à un accident de la circulation, transmises par les dites entreprises et par les juridictions compétentes.

 Préciser les modalités de contrôle de la base de données

Il suggère également que soient précisées les modalités de contrôle de la base de données, dont l’article 1er indique seulement qu’elle est placée « sous le contrôle de l’État ».

Le Conseil explique, en effet, une partie l’« expérience infructueuse » de l’Association pour la gestion des informations sur le risque automobile (AGIRA) par l’absence de définition des modalités de contrôle de son fichier par l’autorité publique. C’est pourquoi il recommande de prévoir la possibilité pour le service compétent de l’État, « lorsqu’il constate un manquement d’une entreprise d’assurance à son obligation de transmission des données », de saisir l’Autorité de contrôle prudentiel, appelée à remplacer prochainement l’Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles, qui exercera un pouvoir général de contrôle et de police administrative sur les entreprises d’assurance et pourra prononcer des sanctions à l’encontre des assureurs fautifs.

 Limiter le recueil des décisions de justice à celles des cours d’appel

Le Conseil observe que « recenser toutes les décisions juridictionnelles risque de se heurter, sur un plan pratique, aux moyens limités des greffes des juridictions » et propose que, « dans un premier temps », seules les décisions des cours d’appel soient inscrites dans la base de données.

Il suggère, en effet, qu’une telle limitation ne portera pas atteinte à l’intérêt de la base de donnée, car ce sont les décisions des cours d’appel qui « contribuent, de fait, à une certaine harmonisation des décisions rendues en premier ressort ».

 Rendre le statut de la base de données compatible avec les principes de la loi « informatique et libertés »

Le Conseil d’État rappelle que la base de données qu’il est proposé de créer comprendra des informations relatives à la santé des victimes, qui constituent des données à caractère personnel au sens de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. Or, il ressort des articles 8 et 26 de cette loi que le traitement de telles données ne peut être autorisé que par un décret en Conseil d’État. Le Conseil d’État recommande donc de renvoyer à un décret en Conseil d’État, et non à un décret simple, le soin de préciser les modalités de traitement des données au sein de la base.

Relevant en outre que le texte prévoit la publication de la base de données sur Internet, le Conseil d’État estime qu’une communication aussi générale « se heurte toutefois aux limites résultant de l’exercice de la vie privée, dès lors que ce fichier comportera des données relatives à la santé ». Votre rapporteure adhère à cette réserve.

Il ressort des travaux menés par les rapporteurs que l’idée de créer un référentiel indicatif d’indemnisation des dommages corporels, comme le propose l’article 1er de la proposition de loi, fait l’objet de réserves de la part de certains acteurs de l’indemnisation, notamment des avocats et des associations de victimes.

Les opposants à la réforme avancent trois arguments principaux :

 Ils craignent qu’un référentiel, même dépourvu de force contraignante, soit appliqué de façon « mécanique » par les juges et les assureurs, portant ainsi atteinte au principe fondamental de réparation intégrale des dommages et à son corollaire, l’individualisation de l’indemnisation.

Pourtant, l’expérience des référentiels existants montre que ni les juges ni les parties aux transactions n’en font une application « aveugle ». D’ailleurs, le texte précise bien le caractère « indicatif » du référentiel et ne remet en cause ni le pouvoir d’appréciation des juges, ni la liberté contractuelle des parties dans la procédure amiable. D’ailleurs, plutôt que des moyennes brutes pour chaque chef de préjudice, un tel référentiel pourrait présenter des fourchettes d’indemnisation.

 Compte tenu du fait que 5 % seulement des litiges sont tranchés par une décision de justice et que pour les 95 % restant, l’indemnité est calculée par les assureurs dans le cadre de la procédure amiable, les acteurs sceptiques quant à l’intérêt du référentiel craignent que les statistiques qu’il présente soient déterminées pour l’essentiel par les pratiques des assureurs.

Les méthodes d’exploitation statistique de la base de données en matière d’indemnisation des dommages corporels pourraient pourtant permettre de corriger ce biais. Pour s’en assurer, il pourrait être utile de placer l’élaboration de ces méthodes sous la surveillance d’une commission nationale rassemblant les principaux acteurs de l’indemnisation (cf. infra).

 Les opposants à la réforme évoquent un risque d’obsolescence du référentiel, qui pourrait figer les références d’indemnisation.

Pourtant, c’est précisément pour parer ce risque que l’article 1er prévoit une actualisation périodique du référentiel.

 L’usage de référentiels officieux est déjà banalisé

Les opposants à la réforme négligent souvent le fait que de nombreux référentiels d’indemnisation sont d’ores et déjà utilisés, quotidiennement, par tous les acteurs de l’indemnisation :

– la plupart des cours d’appel ont élaboré leur propre référentiel, parfois en se regroupant afin de disposer d’un nombre suffisant de cas d’espèce (comme c’est le cas des cours d’Agen, de Bordeaux, de Limoges, de Pau et de Toulouse) ;

– l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA) et le Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI), chacun pour ce qui le concerne, ont établi leurs propres référentiels et les appliquent sans s’interdire de personnaliser leurs offres d’indemnisation le cas échéant ;

– les assureurs disposent de leurs propres barèmes pour déterminer le montant de leurs offres d’indemnisation.

Il est d’ailleurs à noter que l’évaluation référencée des dommages n’est pas nécessairement moins avantageuse pour la victime que son évaluation strictement intuitu personae. Comme M. Karim Félissi l’a d’ailleurs souligné devant la rapporteure au nom de l’Association des accidentés de la vie (FNATH), l’expérience du FIVA montre qu’un barème d’indemnisation peut permettre une réparation satisfaisante des dommages tant qu’il n’interdit pas de personnaliser les indemnités.

 Un référentiel national rétablirait l’égalité de traitement des victimes

Comme Mme Annie Veille, représentante de l’Association des avocats de compagnies d’assurance (ASACA) l’a fait remarquer lors de la table ronde, l’indemnisation du préjudice corporel d’une victime dépend beaucoup de l’ordre de juridiction compétent et du tribunal territorialement compétent. Il en résulte une double inégalité de traitement des victimes :

– un préjudice comparable pourra être indemnisé de façon très différente selon le lieu de résidence de la victime ;

– face à un tel manque de transparence, seules les victimes les plus aisées peuvent s’attacher les conseils d’un avocat et d’un médecin.

Un référentiel national se substituant aux référentiels officieux qui existent permettrait ainsi d’unifier les pratiques et de partager les informations, au bénéfice des victimes.

 Un référentiel simplifierait le travail des acteurs de l’indemnisation

Comme M. Pierre Sargos, président de chambre honoraire à la Cour de Cassation et président du conseil d’administration du FIVA, l’a estimé devant votre rapporteure, les juges ne sont pas suffisamment formés à l’indemnisation des dommages corporels. Ils ont donc besoin d’éléments de comparaison, au vu desquels ils puissent exercer leur pouvoir d’appréciation de façon éclairée.

 Un référentiel permettrait une analyse plus précise des pratiques

Par rapport aux référentiels officieux utilisés aujourd’hui par les acteurs de l’indemnisation, un référentiel indicatif national présenterait trois avantages :

– adossé à une base de données exhaustive, il constituerait un instrument plus précis d’évaluation des pratiques d’indemnisation ;

– issu de statistiques établies périodiquement sur une base de donnée alimentée régulièrement, il ne serait pas figé ;

– ses méthodes d’élaboration seraient transparentes et pourraient être élaborées au sein d’une commission nationale de l’indemnisation des dommages corporels rassemblant les représentants de tous les acteurs concernés.

 Un référentiel officiel restaurerait l’égalité des armes entre les victimes et les assureurs

Votre rapporteure souligne qu’en l’absence d’un référentiel national d’indemnisation, les victimes sont les acteurs de l’indemnisation les moins bien informées. Elles sont les premières à pâtir du manque de transparence actuel.

En effet, sans points de comparaison, elles ne peuvent pas apprécier le caractère suffisant des offres d’indemnisation que leur font les assureurs.

Surtout, dès lors que le Conseil d’État considère que la base de données à laquelle il est proposé d’adosser le référentiel ne pourrait pas être rendue publique, pour des motifs tenant au caractère personnel des données contenues, un référentiel national officiel constituerait la seule source d’information possible pour les victimes.

Pour votre rapporteure, les arguments exposés ci-dessus plaident en faveur de la création d’un référentiel national indicatif en matière d’indemnisation des dommages corporels.

Toutefois, un tel référentiel ne pourra unifier effectivement les pratiques que si les acteurs se l’approprient et l’alimentent. À défaut, le risque est grand de voir ce référentiel contesté, délaissé par les acteurs et concurrencé par des référentiels officieux. Il ne paraît donc pas opportun de l’instituer dès à présent.

Néanmoins, aucune solution alternative ne ressort des auditions menées par votre rapporteure, et le statu quo n’est pas souhaitable.

C’est pourquoi il parait indispensable à votre rapporteure que les différents acteurs de l’indemnisation soient réunis et chargés de faire émerger une solution consensuelle aux difficultés rencontrées aujourd’hui. Cette concertation pourrait être organisée au sein d’une commission nationale de l’indemnisation des dommages corporels, que la présente proposition de loi pourrait créer (cf. infra).

L’article 2 de la proposition de loi tend à instituer un barème médical unique d’évaluation des atteintes à l’intégrité physique et psychique applicable « à tous les dommages résultant d’une atteinte à la personne quelle que soit la nature de l’événement ayant occasionné ceux-ci ».

Dans son rapport, le Conseil d’État établit la liste des barèmes prévus par des législations spécifiques, qui devraient être supprimés en conséquence :

– le barème indicatif visé aux articles L. 28 à L. 30 du code des pensions civiles et militaires de retraite ;

– celui que définissent les articles L. 9 à L. 15 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerres ;

– le barème d’incapacité permanente au sens de la législation sur les accidents du travail, défini à l’article L 434-2 du code de la sécurité sociale ;

– celui qu’utilise l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) pour la réparation des dommages corporels causés par le système de santé, en application de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique ;

– le barème d’incapacité spécifique prévu par l’article L. 752-6 du code rural pour l’application de la législation sur les accidents du travail relevant de la Mutualité sociale agricole (MSA).

En revanche, le Conseil d’État ne recommande pas l’application du même barème à l’évaluation des déficiences et incapacités des personnes handicapées, actuellement assurée à partir d’un barème figurant à l’annexe 2-4 du code de l’action sociale et des familles.

La fusion intégrale de ces différents barèmes se heurte toutefois à d’importantes difficultés. La plupart des participants à la table ronde l’ont même jugée irréaliste, si tant est qu’elle soit complètement souhaitable. En effet, certains des barèmes énumérés supra reposent sur une méthodologie très spécifique à la législation qui les a institués : tel est notamment le cas, selon Mme Gisèle Mor, des barèmes appliqués pour l’indemnisation des accidents du travail, qui ont vocation à évaluer la capacité d’un individu à travailler, et non l’ensemble de ses fonctions.

Soulignant que « la fusion intégrale des différents barèmes peut se heurter à des résistances sociales et à des difficultés financières », le Conseil d’État propose une formule de repli consistant à établir non un barème unique, mais un barème « harmonisé » qui conserverait résiduellement, au sein d’un document unique, des évaluations différentes selon les législations applicables.

Une solution alternative, suggérée par Mme Gisèle Mor, consisterait à conserver le principe d’un barème unique mais à en restreindre le champ d’application aux seuls contentieux tendant à la réparation de dommages corporels sur le fondement du droit commun de la responsabilité civile. Cette solution permettrait d’unifier d’emblée et de façon efficace les divers barèmes médico-légaux qui coexistent en droit commun, alors qu’une simple harmonisation de ces barèmes laisserait subsister des différences de méthodes.

Dans son avis, le Conseil d’État rappelle que la structuration des transactions et des décisions de justice relatives à l’indemnisation de dommages corporels suivant une nomenclature des chefs de préjudices a pour utilité de permettre d’opérer la distinction voulue par le législateur entre les éléments d’indemnisation compensant des éléments de préjudice à caractère « personnel », exclus du droit à récupération des tiers payeurs, et ceux relevant du préjudice professionnel ou économique.

En effet, l’article 25 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 a prévu que les recours subrogatoires des caisses et tiers payeurs contre les responsables du dommage s’exercent poste par poste et sont cantonnés aux seules indemnités qui réparent des préjudices qu’elles ont pris en charge, à l’exclusion des préjudices à caractère personnel. Le tiers payeur ne peut exercer son recours sur un poste de préjudice personnel que s’il établit qu’il a effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de façon incontestable un poste de préjudice personnel.

Il ressort de ces dispositions que la qualification de chaque poste de préjudice en personne ou non personnel a des conséquences graves sur le montant de l’indemnité finalement perçue par la victime. Le Conseil suggère donc qu’« à ce titre, le texte législatif pourrait utilement édicter le principe que les « postes » énumérés dans la nomenclature respectent cette distinction première ».

Le Conseil d’État a formulé des propositions de modification de l’article 5, qui définit les informations que l’assureur doit apporter à la victime lors de leur première correspondance.

Le Conseil a ainsi estimé que « dans un souci de cohérence avec les dispositions des articles 6 et 7 de la proposition » qui établissent le principe d’un examen médical contradictoire de droit et tendent à prévenir les conflits d’intérêt lors de cet examen, les obligations d’information pesant sur l’assureur pourraient être complétées par deux éléments :

– pour inciter la victime à s’attacher les conseils d’un médecin en vue d’un examen contradictoire, l’assureur pourrait être chargé de lui rappeler qu’elle a la possibilité d’obtenir du conseil départemental de l’ordre des médecins la liste de ceux qui ont des compétences en réparation du dommage corporel ;

– pour éviter les conflits d’intérêt, l’assureur pourrait aussi être chargé d’adresser à la victime la liste des médecins travaillant habituellement pour lui.

Par ailleurs, le Conseil d’État suggère d’apporter deux modifications à l’article 5, afin de préciser les sanctions auxquelles s’expose l’assureur qui manque à ses obligations d’information :

– il note que le dispositif de l’article a pour effet de priver de toute sanction le manquement de l’assureur à son obligation de transmission à la victime du procès-verbal de police ou de gendarmerie ;

– il relève surtout que la sanction prévue pour le manquement de l’assureur à ses autres obligations d’information de la victime est la nullité absolue de la transaction qui pourrait intervenir. Or, selon lui, ces obligations étant édictées dans l’intérêt de la victime, elles « ne sauraient être sanctionnées, comme cela est actuellement le cas, que par une nullité relative de la transaction, invocable par la seule victime lorsque le non-respect par l’assureur de ses obligations d’information énoncées par cet article a eu une incidence sur l’étendue de ses droits à indemnisation ».

De telles modifications paraissent de nature à garantir une meilleure information des victimes.

La plupart des acteurs entendus par votre rapporteure s’accordent à regretter le manque de formation des médecins aux techniques de réparation du dommage corporel.

Le Conseil d’État relève d’ailleurs que les compétences des médecins en la matière ne sont pas reconnues et en conclut qu’« il paraît conforme à l’intention du législateur de prévoir une disposition relative aux règles de reconnaissance de la qualité de « médecin ayant des compétences en réparation du dommage corporel » ».

Il précise que pour des raisons de sécurité juridique, des mesures transitoires pourraient prévoir que les médecins exerçant couramment une mission de conseil en réparation des dommages corporels après d’un assureur sont réputés avoir les compétences précitées.

Pour votre rapporteure, les règles relatives à la qualité de « médecin ayant des compétences en réparation du dommage corporel » devraient être élaborées par le conseil national de l’Ordre des médecins – ou, au moins, en lien étroit avec lui – avant d’être édictées par voie réglementaire. Il appartiendra ensuite aux conseils départementaux de l’Ordre des médecins d’établir la liste des médecins ayant ces compétences et exerçant dans leur ressort.

L’avis du Conseil d’État montre que l’incompatibilité absolue prévue par l’article 7 entre les fonctions de médecins conseil de la victime et le fait pour le médecin de travailler habituellement pour l’assureur adverse est largement redondante avec les règles de déontologie médicale en vigueur.

C’est pourquoi le Conseil estime qu’« il apparaît suffisant au regard de l’intention du législateur, qui est d’inciter le médecin à déclarer ses intérêts pour prévenir d’éventuels conflits, de ne conserver que le principe, inscrit au second alinéa du même article, de la déclaration par le médecin au conseil départemental de l’Ordre des médecins du nom des compagnies d’assurance auxquelles il prête habituellement son concours ». Si, comme le recommande le Conseil, la loi oblige par ailleurs l’assureur à adresser à la victime la liste des médecins auxquels il fait habituellement appel, une telle mesure sera d’autant plus suffisante.

La victime sera alors libre de choisir son médecin-conseil, en toute connaissance de cause, sans qu’il lui soit interdit pour autant de se faire assister par un médecin habitué à travailler pour l’assureur adverse.

Cependant, pour garantir que l’obligation de déclaration de leurs intérêts soit respectée par l’ensemble des praticiens, il convient de l’assortir d’une sanction. Comme le propose le Conseil d’État, la loi pourrait prévoir que le manquement à cette obligation est passible d’une des peines disciplinaires que la chambre disciplinaire de première instance peut appliquer, à savoir : l’avertissement, le blâme, l’interdiction temporaire ou permanente d’assurer des missions pour les pouvoirs publics, l’interdiction temporaire ou permanente d’exercer, ou la radiation du tableau de l’ordre.

Enfin, le Conseil d’État a jugé excessif le délai de deux ans à compter de la publication de la loi prévu par l’article 7 pour que les médecins se conforment à leur obligation de déclaration. Soulignant que seule est nécessaire, pour délimiter l’obligation de déclaration imposée aux médecins, la précision par voie réglementaire de la notion de concours habituel, le Conseil recommande de ramener ce délai à six mois et de le faire courir à compter de la publication de cette mesure réglementaire.

Tout en reconnaissant l’intérêt de la mesure proposée par l’article 8, qui tend à ce que la victime puisse obtenir de plein droit une provision sur indemnité afin de couvrir les dépenses indispensables à son retour à son domicile, le Conseil d’État a considéré que cette obligation unilatérale à la charge de l’assureur « fait perdre à cet article qui organise une procédure, certes encadrée, mais contractuelle, son homogénéité fondée sur l’obligation faite à l’assureur de présenter des propositions répondant aux besoins primaires de la victime ».

En effet, la rédaction proposée aurait pour effet d’imposer à l’assureur, sur simple demande de la victime, non de présenter une offre mais de verser directement une provision. Selon le Conseil d’État, une telle disposition serait contraire à « l’esprit de la loi de 1985 fondé sur une procédure de dialogue régulée dans un sens favorable à la victime et contraignant pour l’assureur, mais sans rompre avec sa nature contractuelle ».

Le Conseil d’État a considéré que le choix fait par les auteurs de la présente proposition de loi de traiter spécifiquement le cas des victimes d’accidents de la circulation est clair, a pour elle la logique juridique car ces dommages font déjà l’objet d’une législation spéciale, et « suit une démarche de prudence en se limitant au domaine ayant donné lieu aux concertations et études préalables au texte ».

Il rappelle toutefois que la faculté dont dispose le législateur de limiter l’application de dispositions favorables à un ensemble donné de bénéficiaires peut rencontrer des limites au regard du principe d’égalité « si la délimitation du champ d’application aboutit à évincer d’un droit des personnes placées dans une situation analogue à celle des bénéficiaires ». C’est donc au nom du principe d’égalité que le Conseil d’État recommande d’étendre à l’ensemble des litiges tendant à la réparation d’un dommage corporel, que la cause en soit un accident de la circulation ou une autre circonstance, les dispositions suivantes :

– les dispositions des articles 6 et 7 qui prévoient la reconnaissance des compétences des médecins en matière de réparation des dommages corporels et obligent les médecins à déclarer leurs intérêts auprès des assureurs ;

– le dispositif de l’article 4, qui vise à actualiser le barème de capitalisation des rentes.

Par souci de clarté, le Conseil préconise le regroupement, dans un chapitre propre, des dispositions destinées à conserver un caractère autonome, pour les différencier de celles qui ne modifient que le régime spécial d’indemnisation des dommages corporels consécutifs à un accident de voiture, fondé par la loi du 5 juillet 1985.

À l’issue de ses récents travaux sur l’indemnisation des dommages corporels, le Médiateur de la République recommande la création d’une « commission nationale de l’indemnisation des dommages corporels » chargée des missions suivantes :

– contribuer à l’élaboration et de veiller à l’actualisation régulière de la base de données en matière de réparation du dommage corporel ;

– élaborer le barème médical unique et veiller à son actualisation ;

– élaborer et réviser la nomenclature des postes de préjudice en matière de dommage corporel ;

– élaborer la table de conversion des rentes en capital et veiller à son actualisation ;

– proposer des missions-types d’expertise médicale ;

– dresser un bilan annuel de l’application de la présente proposition de loi ;

– émettre un avis motivé sur les projets de textes relatifs à tous les dommages résultant d’une atteinte à la personne ;

– présenter des propositions d’amélioration de l’indemnisation des dommages corporels.

Telle que proposée par le Médiateur, la composition de cette commission serait pluridisciplinaire : elle comprendrait des élus, des représentants des ministères intéressés, des magistrats des deux ordres de juridiction, des représentants des avocats spécialisés dans la réparation du dommage corporel, des assureurs, des différents fonds et offices d’indemnisation ou de garantie, des associations de défense des victimes, des experts médicaux et des médecins qualifiés.

Pour votre rapporteure, une telle commission permettrait d’associer étroitement l’ensemble des acteurs de l’indemnisation du dommage corporel à la mise en œuvre de la présente proposition de loi et à la poursuite de la concertation engagée en vue de la création d’un référentiel indicatif d’indemnisation des dommages corporels.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.- DISCUSSION GÉNÉRALE

La Commission des affaires sociales examine, pour avis, le rapport de Mme Geneviève Lévy, sur la proposition de loi de M. Guy Lefrand visant à améliorer l’indemnisation de dommages corporels à la suite d’un accident de la circulation (n° 2055).

Un débat a suivi l’exposé de la rapporteure pour avis.

M. Jean-Pierre Door, président. Je me félicite de cette proposition de loi, dont je suis d’ailleurs cosignataire. Nous avons tous été alertés, au travers de cas rapportés par le Médiateur de la République ou dont nous avons pu avoir personnellement connaissance, des difficultés rencontrées par des victimes d’accidents, trop souvent dans l’ignorance de leurs droits. Ce texte renforcera ces droits. L’instauration d’une expertise médicale réellement contradictoire, au cours de laquelle la victime sera assistée par son propre médecin conseil, comme le versement de droit d’une provision sur indemnité, constituent des progrès indéniables.

M. Guy Lefrand. Je remercie Geneviève Lévy d’avoir présenté de manière aussi synthétique un travail de quelque neuf mois. Notre objectif n’était pas de revenir sur la loi Badinter, laquelle a constitué une réelle avancée, mais de renforcer encore la protection des victimes, notamment dans le cadre des règlements amiables, des disparités étant apparues au fil des ans, et d’éviter une « rejudiciarisation » de ces procédures. Nous souhaitions parvenir à une réparation intégrale et individualisée des dommages corporels, ce qui nous a d’ailleurs fait renoncer au projet d’un référentiel indicatif national, l’idée étant plutôt de renforcer un à un chaque maillon de la chaîne de l’individualisation.

Notre collaboration avec le Conseil d’État pour l’élaboration de ce texte, pratique encore novatrice, puisque ce n’est que la deuxième proposition de loi de notre assemblée qui en bénéficie, a été particulièrement fructueuse. Le Conseil d’État nous a notamment invités à élargir le champ d’application du texte, au nom de l’égalité des droits. Des amendements y pourvoient. Nous vous proposerons par cohérence de modifier l’intitulé de la proposition de loi, puisque ne seront plus seuls concernés les accidents de la circulation. Le Conseil d’État nous a également aidés à mieux distinguer entre les domaines respectifs de la loi et du règlement. Nous avons ainsi supprimé certaines dispositions, de nature réglementaire, et en avons précisé d’autres, vraiment législatives. Nous espérons être parvenus à une loi qui, sans être bavarde, soit assez précise.

Si la constitution d’une base de données brutes est importante, ses informations, pour être intelligibles et exploitables, doivent être « retraitées », d’autant que, comme le Conseil d’État en a exprimé la crainte, la base ne sera sans doute pas accessible au public, dans la mesure où elle peut contenir des données médicales à caractère personnel. D’où l’idée d’un référentiel national indicatif. Mais il est apparu au fil de nos auditions, que pour l’heure, un tel outil présenterait plus d’inconvénients que d’avantages, risquant de scléroser les possibilités d’indemnisation et d’empêcher la prise en compte de la situation individuelle de chaque victime. Nous vous proposons donc de supprimer ce référentiel, tout en réalisant une évaluation de la base de données afin de voir si, ultérieurement, il ne pourrait pas devenir utile.

Nous proposons par ailleurs un barème médical unique, pour l’instant seulement dans le cadre du droit commun de la responsabilité civile. Les disparités sont telles entre les différents régimes actuellement en vigueur, notamment pour les accidents du travail et les pensions militaires, que le risque, à vouloir embrasser un champ trop large, eût été de ne pas aboutir. Nous avons privilégié le pragmatisme.

Afin d’éviter tout conflit d’intérêts, nous aurions souhaité, suite au rapport Lambert-Faivre de 2003, que puissent être établies trois listes, l’une de médecins experts judiciaires, une autre de médecins intervenant pour le compte des assureurs et une autre de médecins conseils des victimes. C’est hélas utopique, compte tenu de la démographie médicale et cela aurait même risqué d’entraver l’accès des victimes à un conseil, en limitant par trop leur choix. Le Conseil d’État a d’ailleurs souligné ce problème. D’où la proposition finalement retenue, à laquelle le conseil national de l’Ordre des médecins, les associations de médecins experts, les représentants des avocats et des victimes ont donné leur aval.

Celle-ci consiste, dans un premier temps, à définir des critères précis de compétence des médecins en matière de réparation du dommage corporel – aujourd’hui, n’importe quel praticien peut s’autoproclamer compétent ! Après quoi le conseil national de l’Ordre établira la liste des praticiens remplissant ces critères. Enfin, les médecins travaillant auprès de compagnies d’assurance et d’avocats seront tenus de le déclarer eux-mêmes à leur conseil départemental de l’Ordre. Ainsi les victimes, expressément informées par leur assureur de leur droit de se faire assister d’un médecin, sauront quels praticiens sont compétents et auront connaissance d’éventuels conflits d’intérêt. Elles pourront ainsi choisir de manière libre et éclairée leur conseil.

M. Claude Leteurtre. En ma qualité d’ancien expert, je me permets de juger tout à fait remarquable cette proposition de loi qui améliore la loi Badinter de 1985 et en comble les lacunes en matière d’indemnisation. J’en remercie la rapporteure pour avis et M. Guy Lefrand qui ont par avance répondu à plusieurs de mes interrogations.

Je m’interroge sur la limitation du champ d’application du texte aux victimes d’accidents de la circulation. On arrivait en effet avec la loi Badinter à des situations absurdes où la logique d’indemnisation retenue différait si la victime avait été renversée par un train ou un tramway. Il semble que l’on s’oriente vers une égalité de traitement et c’est une bonne chose.

Une autre de mes interrogations porte sur le référentiel national, négation même du principe d’individualisation de l’indemnisation. Autant il peut exister un barème médical unique d’évaluation des séquelles d’un accident et du préjudice en résultant, autant l’indemnisation varie nécessairement d’un individu à l’autre, en fonction de la situation spécifique de chacun.

Ma dernière interrogation a trait à la capitalisation : des indices sont en effet à revoir. Je ne puis que me féliciter que ces trois difficultés aient été résolues.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Cette proposition de loi vient compléter de façon utile le texte adopté en 1985, qui a montré quelques lacunes au fil du temps. On ne peut que souscrire à la présentation qui en a été faite. Je saluerai plus particulièrement la proposition de rendre obligatoire le versement d’une provision par l’assureur lorsqu’il apparaît que l’état de la victime nécessite un aménagement de son véhicule ou de son logement ou – et c’est le plus important – si son état exige la présence d’une tierce personne. Pour avoir vu nombre de victimes d’accidents graves attendre pendant des années le versement de leur indemnisation, je peux affirmer qu’il s’agit d’une excellente disposition.

Autre avancée très importante : les médecins conseil devront déclarer le nom des compagnies d’assurance pour lesquelles ils travaillent. Cela permettra de garantir l’indépendance des experts et l’égalité de traitement entre les victimes.

Je m’interroge toutefois sur le nombre croissant de conducteurs qui provoquent des accidents alors qu’ils n’ont pas, ou plus, de permis de conduire ni d’assurance. Ne serait-il pas nécessaire d’intervenir face à un phénomène qui bouleverse de nombreuses familles ?

Je regrette que l’on n’aille pas plus loin sur la question du référentiel, même si j’ai conscience des problèmes que cela pose. Alors que la proposition de loi représente une grande avancée en termes d’indemnisation des victimes d’accident, il serait dommage de ne pas aller jusqu’au bout dans ce domaine, d’autant que les accidents constituent une des premières causes de handicaps lourds.

M. Rémi Delatte. De nombreuses associations dénoncent le fait que les caisses d’assurance maladie récupèrent une partie des indemnités dues par les assureurs aux victimes lorsque ces dernières ont bénéficié préalablement d’une prestation liée à l’accident. Ce « recours du tiers payeur » concerne notamment certaines indemnités versées à la suite d’accidents du travail ou de maladies professionnelles. La proposition de loi apporte-t-elle une réponse à cette préoccupation ?

M. Christian Hutin. Cette proposition de loi est, en effet, dans la droite ligne du texte adopté à l’initiative de Robert Badinter : elle va dans le sens de la justice et d’un meilleur respect des droits des victimes.

En ce qui concerne les médecins experts, l’idée de créer trois collèges indépendants me semblait la meilleure solution. Il est dommage que nous soyons confrontés de façon aussi récurrente au problème de la démographie médicale. Il est temps d’adopter une vision à long terme : un jour où l’autre, il faudra bien réfléchir à une réforme des études de médecine susceptible de remédier à la pénurie d’ophtalmologues ou de médecins experts. Cela nous permettra d’élaborer des lois un peu plus claires.

Une victime ne s’adresse pas de façon naturelle au conseil de l’Ordre. Il est donc important de garantir la transparence, même si, en ce domaine, les multiples croisements d’intérêts entre compagnies d’assurance peuvent constituer un obstacle. C’est pourquoi l’information est essentielle, d’autant que certaines « pointures » de la médecine peuvent se révéler également des médecins appointés, ce qui pose un problème déontologique.

Mais comme l’a souligné ma collègue, toutes ces dispositions ne s’appliquent pas si le conducteur n’est pas titulaire d’un permis de conduire en cours de validité, s’il est en état d’ébriété ou sous l’emprise de drogues. Or, cette situation concerne aujourd’hui un tiers des accidents ayant provoqué des dommages corporels. Il est donc essentiel que nous nous intéressions à ce problème dramatique.

En raison de la sévérité – légitime – manifestée par le Gouvernement en matière d’infractions routières, des dizaines de milliers de Français qui n’ont pourtant pas le sentiment d’être des délinquants se retrouvent sans aucun point sur leur permis. Or, beaucoup préféreront prendre des risques inconsidérés, pour eux-mêmes ou pour les autres, plutôt que de perdre leur travail en renonçant à conduire. Je suis sûr que si des contrôles étaient organisés rue Saint Dominique, on trouverait au moins 10 % des conducteurs dans ce cas. Le législateur devrait donc s’intéresser sérieusement au problème.

Enfin, je formulerai une remarque au sujet de l’alinéa 6 de l’article 6, selon lequel les frais engagés à l’occasion de l’examen médical contradictoire sont avancés par la victime. En tant que médecin généraliste, je peux vous assurer que certains hésiteront à avancer cet argent. On le voit en matière de sécurité sociale ou d’invalidité : il suffit parfois d’une dépense d’une centaine d’euros pour dissuader quelqu’un de faire valoir ses droits.

M. Bernard Perrut. Comme vous, madame la rapporteure pour avis, nous sommes attachés à un certain nombre de principes tels que la réparation intégrale ou l’individualisation de la réparation. Mais il en est un sur lequel je souhaite insister, celui du traitement des dossiers dans un délai normal. Les évolutions significatives que l’on a pu observer dans ce domaine, notamment depuis l’adoption de la loi de 1985, restent en effet insuffisantes. Nous avons tous à l’esprit des exemples de procédures dont on ne voit pas la fin en raison d’une bataille d’experts ou de difficultés similaires.

Vous avez identifié plusieurs carences dans la législation actuelle, comme le manque de respect du principe du contradictoire dans la procédure amiable, la loi n’ayant pas mis en place suffisamment de garde-fous pour garantir le respect des droits de la victime à un moment où elle et sa famille se trouvent en situation de vulnérabilité. De même, vous avez souligné les limites de l’expertise médicale et le risque, dénoncé par le Médiateur, de conflits d’intérêt pour les médecins conseil mandatés par les compagnies, ceux des victimes, et pour les médecins experts auprès des tribunaux. Une clarification des rôles paraît donc nécessaire, et c’est l’un des objectifs de la proposition de loi.

Je note que la pratique des expertises médico-légales reste insuffisamment encadrée par le droit de la santé. Comment pourrions-nous y remédier ? Quelle place proposez-vous pour l’institution garante de la déontologie, à savoir l’Ordre des médecins ?

M. Michel Issindou. Cette proposition de loi est en effet un bon complément à la loi Badinter, laquelle représentait déjà une avancée sensible pour les blessés victimes d’un accident de la circulation. Les intentions sont donc louables, mais le vrai problème, dans ce type d’affaires, est la lenteur des procédures : les victimes, qui souffrent déjà des séquelles de leur accident, ont le sentiment d’être ballottées en permanence entre les experts, les médecins et l’assureur – qui veut débourser le moins possible et le plus tard possible. La loi ne pourrait-elle pas décider ce qui serait un délai raisonnable pour la réparation des dommages, par exemple deux ou trois ans ? Je ne sais pas quel est le temps nécessaire pour assurer une procédure contradictoire, mais il paraît en tout cas nécessaire de fixer une limite, car le problème de l’indemnisation se surajoute aux difficultés quotidiennes subies par les victimes, et il en résulte parfois des situations sordides.

M. Élie Aboud. Cette proposition de loi prouve qu’un texte juste peut bénéficier d’un large consensus.

Vous avez apporté des réponses précises aux problèmes liés à la disparité des critères d’évaluation du préjudice, de l’indemnisation et du pourcentage d’incapacité ainsi qu’aux questions relatives à l’impartialité des expertises médicales. Pour ce qui concerne ces dernières, je souhaite revenir sur l’évolution lésionnelle, un domaine dans lequel il existait un vide tant juridique que médical. Avec le temps, certaines réponses deviennent évidentes, qu’il s’agisse de liens de causalité ou de symptômes fonctionnels ou physiques. Faut-il revenir sur les déclarations du premier expert ? Peut-il y avoir rétroactivité ? Y a-t-il un choc entre les experts ? En tant que praticien, j’aimerais avoir des précisions sur ce point.

M. Dominique Dord. À mon tour, je me félicite du dépôt de cette proposition de loi, au point de regretter de ne pas l’avoir cosignée. Depuis 1985, grâce à la loi Badinter, la France fait figure d’exemple en matière d’indemnisation des victimes. Mais savons-nous quelle est la pratique des autres pays, notamment au sein de l’Union européenne ? Notre pays est-il toujours à la pointe, ou avons-nous été rattrapés, voire dépassés par d’autres ? Existe-t-il une analyse comparative ?

M. Denis Jacquat. L’exposé des motifs évoque un risque avéré de conflits d’intérêt entre différents acteurs de la procédure d’indemnisation, mais de tels conflits peuvent être provoqués par les victimes elles-mêmes. Je me souviens avoir rencontré, lorsque j’étais expert, des personnes qui, tout en admettant les conclusions de l’expertise, contestaient le montant proposé pour la réparation, au point de faire durer la procédure. La différence est grande, en effet, entre la notion de guérison et celle de consolidation.

Dominique Dord a évoqué la situation à l’étranger. Ma circonscription comprend de nombreux travailleurs frontaliers, et il arrive que certains d’entre eux soient victimes d’accidents du côté allemand. Or, les législations des deux pays sont complètement différentes, le régime d’indemnisation français étant plus intéressant, en particulier s’agissant des petits traumas crâniens. Les syndicats de travailleurs frontaliers trouvent la situation injuste et réclament une harmonisation dans ce domaine.

En ce qui concerne l’article 6, je confirme que de nombreuses personnes ne pourront pas avancer les frais engagés à l’occasion de l’examen médical contradictoire, le coût d’une expertise étant assez élevé. Il en est de même pour les violences conjugales : de nombreuses personnes renoncent à porter plainte, faute de disposer de l’argent nécessaire pour se faire établir un certificat médical.

Enfin, je pense également que la loi devrait fixer un délai pour la procédure d’indemnisation, quitte à sanctionner les personnes responsables des retards – assureurs ou médecins. Il est anormal que certains dossiers soient bloqués pendant des mois, faute de réponse à une question ou parce que le compte rendu d’une expertise n’a pas été établi.

M. Jean-François Chossy. Permettez-moi d’évoquer un amendement proposé par M. Jean-Marc Lefranc, même si je sais que la rapporteure y est peu favorable et qu’il tombe sous le coup de l’article 40 de la Constitution. Il vise à résoudre un problème lié au handicap – et donc, éventuellement, aux dommages corporels infligés à la suite d’un accident.

Les parents d’enfants malades et handicapés sont confrontés à une triple angoisse : ils s’inquiètent non seulement de l’évolution de la maladie ou du handicap ainsi que des possibilités d’intégration de leur enfant dans la société, mais ils sont aussi soucieux de s’assurer qu’à leur décès, ce dernier disposera de moyens financiers suffisants pour subvenir à ses besoins. Or, deux possibilités s’offrent aux personnes handicapées pour constituer un complément de ressource : la rente survie et l’épargne handicap.

Dans le premier cas, les parents peuvent souscrire, auprès d’une compagnie d’assurances, un contrat ayant pour objet le versement à compter de leur décès d’une rente viagère au profit de leur enfant handicapé. Mais il n’y a pas de capitalisation des sommes versées : si l’enfant vient à décéder ou si les parents suspendent le paiement des primes, ne serait-ce que quelques mois, le contrat est rompu et les fonds sont perdus.

Quant au contrat « épargne handicap », souscrit par la personne handicapée elle-même, il garantit à l’assuré le versement à terme d’un capital ou d’une rente viagère. La personne concernée doit être atteinte, lors de la signature du contrat, d’une infirmité l’empêchant de travailler dans des conditions normales de rentabilité ou – si elle a moins de dix-huit ans – d’acquérir une instruction ou une formation d’un niveau normal.

Seules les rentes versées au titre du contrat de rente survie peuvent être cumulées sans limitation avec l’allocation aux adultes handicapés. Le montant imposable des rentes issues d’un contrat épargne handicap ne doit pas excéder 1 830 euros annuels, sous peine de voir l’allocation réduite à due concurrence. C’est pourquoi ce contrat reste peu utilisé dans la mesure où il ne permet de créer qu’une très faible rente. Pour donner une véritable portée au contrat épargne handicap, il serait souhaitable de relever le seuil au-delà duquel la rente survie est prise en compte dans le calcul de l’allocation aux adultes handicapés et de l’allocation compensatrice.

Une étude a démontré que sur 6 000 contrats souscrits par les parents au bénéfice de leur enfant dans le cadre du contrat de rente survie, la moyenne des rentes annuelles servies s’élève à 2 875 euros. Dès lors, un plafonnement annuel d’un même montant permettrait au contrat épargne handicap de jouer pleinement son rôle et d’offrir une alternative intéressante au contrat de rente survie qui, fondé sur des cotisations prélevées sur les ressources du ménage et perdues en cas de décès prématuré de la personne handicapée, présente l’inconvénient de pénaliser la fratrie.

C’est pourquoi M. Jean-Marc Lefranc et moi-même voulions insérer un article additionnel après l’article 9 visant à porter à 2 875 euros le montant annuel des rentes survie ou contrat d’épargne handicap servant au calcul de l’allocation aux adultes handicapés. Je sais que cette proposition de loi ne constitue pas nécessairement le meilleur véhicule pour cet amendement, mais elle m’aura donné l’occasion d’appeler votre attention sur ce problème.

Mme la rapporteure pour avis. Monsieur Leteurtre, certaines des mesures de la proposition de loi – notamment celles qui sont relatives au barème médical unique d’évaluation des atteintes à l’intégrité physique et psychique et aux définitions-types de missions d’expertise médicale, aux conflits d’intérêts, à la table de capitalisation ou à la nomenclature – ne s’appliqueront pas qu’aux accidentés de la circulation. De plus, le champ d’application de la loi Badinter est étendu aux victimes d’accidents survenus sur des voies de chemins de fer ou de tramway.

Madame Carrillon-Couvreur, l’obligation pour les conducteurs de s’assurer pour leurs propres dommages, qui leur permettrait d’être couverts par la loi Badinter, représenterait un coût estimé à plusieurs dizaines d’euros par an pour chaque assuré. Il convient par ailleurs de rappeler que les conducteurs concernés peuvent s’assurer à titre individuel de manière facultative. Cette question ne devra toutefois pas être écartée de nos réflexions futures.

Monsieur Delatte, il est vrai que les associations nous ont posé la question de la récupération des indemnités par les caisses d’assurance maladie. Préférant d’autres réponses, nous avons choisi de ne pas retenir les amendements qui nous étaient proposés en la matière.

Le dispositif de recours du tiers payeur, organisé par l’article 25 de la loi de financement de la sécurité sociale de 2007, permet aux organismes de sécurité sociale de récupérer sur l’indemnité versée par l’assureur une partie des prestations versées en compensation, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel.

Or, il ressort des auditions auxquelles Guy Lefrand et moi-même avons procédé que, selon la jurisprudence actuelle de la Cour de Cassation, qui n’a fait qu’embrouiller un peu plus la question, les indemnités versées pour un déficit fonctionnel peuvent être considérées comme ayant vocation à réparer un préjudice non seulement personnel mais également économique et, en conséquence, pourraient faire l’objet d’une récupération par les caisses.

C’est la raison pour laquelle l’article 3 de la proposition de loi prévoit que la nomenclature des postes de préjudice en matière de dommage corporel distinguera clairement deux catégories de préjudices : les préjudices extrapatrimoniaux ou personnels, pour lesquels aucun secours des tiers payeurs n’est possible, et les préjudices patrimoniaux, qui renvoient aux préjudices économiques.

Monsieur Hutin, la proposition de loi, vous avez raison, vise également à améliorer la transparence, du fait que, même en l’absence de difficulté, l’opacité crée toujours la suspicion, laquelle prend des proportions considérables aux yeux de la victime. Ainsi, les conflits d’intérêt seront directement signalés dans son premier courrier par l’assureur à la victime, sans que celle-ci ait à effectuer quelque démarche que ce soit.

Monsieur Perrut, c’est vrai, il est surprenant que les qualifications requises pour pratiquer les expertises médico-légales en vue d’indemniser les dommages corporels ne soient pas mieux encadrées. S’il existe des diplômes universitaires en la matière, la formation demeure hétérogène. Je suis évidemment persuadée que l’ensemble des médecins pratiquant des expertises le font avec une grande conscience professionnelle. Nous souhaitons toutefois un meilleur encadrement en vue d’éviter tout risque de conflits d’intérêt.

Par ailleurs, l’Ordre des médecins a toute sa place dans le dispositif, puisque c’est son conseil national qui déterminera les critères de qualification des médecins et que ce sont ses conseils départementaux qui publieront les listes des médecins compétents et accueilleront leurs déclarations d’intérêts : ils seront donc les référents en la matière.

Monsieur Jacquat, en matière de délais – vous avez été plusieurs à soulever la question –, il convient de distinguer les procédures amiables, qui obéissent à des règles précises, et les procédures contentieuses, sur lesquelles il se révèle difficile d’avoir quelque emprise.

M. Denis Jacquat. Il est possible d’avoir une influence sur les délais de remise des rapports des compagnies d’assurance après expertise. C’est une question d’organisation – je le sais pour avoir été moi-même médecin expert. Il arrive que certains experts n’aient toujours pas rendu leurs conclusions trois, voire quatre mois après l’expertise, ce qui n’est pas acceptable.

Mme la rapporteure pour avis. En matière d’expertise judiciaire, il appartient à la victime de saisir le juge, puisque celui-ci assortit toujours l’ordre d’expertise d’un délai pour la remise des conclusions. Et si l’expert ne respecte pas le délai, la loi prévoit des sanctions financières, qui consistent dans la baisse de ses émoluments. Je reconnais toutefois que certains délais sont trop longs par rapport aux attentes des victimes.

Monsieur Issindou, vous avez soulevé la question de la lenteur des procédures dans le cadre des dossiers amiables : il appartient à l’assureur de faire une proposition dans les huit mois après le dommage corporel. De plus, l’article 8 de la proposition de loi vise à rendre obligatoire le versement d’une provision par l’assureur à la victime, dans le mois qui suit sa demande, lorsqu’une première constatation médicale conduit à estimer que l’état de la victime nécessite l’aménagement de son logement, l’adaptation de son véhicule ou l’intervention d’une tierce personne.

Elie Aboud a évoqué la renégociation en cas d’aggravation de l’état de la victime : elle est déjà prévue dans le cadre de la loi Badinter, mais là aussi des problèmes de délais peuvent apparaître.

Monsieur Dord, nous n’avons procédé à aucune analyse du droit comparé. Mais lorsque le Parlement a adopté la loi Badinter en 1985, la législation française présentait un certain retard, que ce texte a permis alors de rattraper.

Monsieur Jacquat, il conviendrait de mieux informer les victimes qui font durer les procédures dans l’espoir, généralement mal fondé, d’obtenir une meilleure indemnisation. La base de données en matière de dommages corporels, créée à l’article 1er, si elle est accessible directement ou indirectement au public, remplira cette mission d’information.

Monsieur Chossy, en dépit de tout son intérêt, votre proposition déborde d’autant plus le cadre de la proposition de loi qu’elle se heurte à l’article 40 de la Constitution. Elle pourra trouver toute sa place dans le prochain texte relatif à la dépendance.

M.  Guy Lefrand. Je tiens tout d’abord à remercier mes collègues de leur soutien massif à notre proposition de loi qui, je l’espère, fera l’unanimité.

Monsieur Hutin, afin d’améliorer la transparence, l’article 5 prévoit une nouvelle notice d’information selon un modèle-type défini par décret. De plus, les victimes recevront automatiquement à leur domicile la liste des médecins ayant compétence dans leur département ou leur région en réparation du dommage corporel, ainsi que la liste des conflits d’intérêt.

Le versement par l’assureur d’une provision à la victime, dans le mois de sa demande, représente lui aussi une avancée. Il en est de même de l’envoi systématique à la victime du procès-verbal de police ou de gendarmerie dès réception par l’assureur – il faut parfois jusqu’à quatre ou cinq mois pour le recevoir alors même qu’il est indispensable à la suite de la procédure. Il arrive même qu’il soit perdu ! De plus, la victime sera prévenue dès l’ouverture de la procédure de la possibilité d’examens contradictoires, des missions types seront proposées aux juges et la nomenclature des chefs de préjudice sera uniformisée. Toutes ces mesures permettront de réduire les délais.

En ce qui concerne l’évolution lésionnelle – Elie Aboud et Denis Jacquat ont abordé la question –, seule la consolidation permet de clore un dossier. C’est pourquoi il paraît difficile de fixer un délai précis – deux ou trois ans – pour cette clôture. Par ailleurs, à ceux qui regrettent qu’il soit difficile de revenir sur une évolution lésionnelle après la consolidation, je tiens à rappeler qu’une telle possibilité, lorsque l’évolution est positive sur le plan médical, pourrait se révéler défavorable à la victime.

M. Christian Hutin. Qu’en sera-t-il des frais avancés pour les expertises ? Les délais étant très longs, les experts ne pourraient-ils pas attendre avant d’être payés ?

M. Guy Lefrand. L’alinéa 6 de l’article 6 prévoyait que les frais engagés à l’occasion de l’examen médical seraient pris en compte dans l’évaluation du dommage. Or, comme il s’agissait, selon le Conseil d’État, d’une mesure d’ordre réglementaire, cet alinéa se trouve supprimé de la nouvelle rédaction du texte : la disposition prévoyant que la victime fait l’avance des frais disparaît également.

M. Jean-Pierre Door, président. Nous passons à l’examen pour avis des articles de la proposition de loi.

II.- EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er 

(article L. 211-23 du code des assurances)


Création d’une base de données en matière de dommage corporel

La Commission examine l’amendement AS 1 rectifié de Mme la rapporteure pour avis, tendant à proposer une nouvelle rédaction de l’article.

Mme la rapporteure pour avis. Cet amendement vise notamment à supprimer les dispositions de l’article 1er qui instituent un référentiel indicatif d’indemnisation des dommages corporels.

La Commission, en adoptant l’amendement, émet un avis favorable à la nouvelle rédaction de l’article 1er.

Article 2 

Définition-type de missions d’expertise médicale et
établissement d’un barème médical unique

La Commission adopte l’amendement AS 2 de Mme la rapporteure pour avis, tendant à proposer une nouvelle rédaction de l’article 2.

Article 3

(article 12 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985)


Définition des postes de préjudice sur la base d’une nomenclature non limitative

La Commission examine l’amendement AS 3 de Mme la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. Cet amendement rédactionnel tend notamment à ce que la nomenclature distingue les chefs de préjudice extrapatrimoniaux, dits aussi « personnels », des chefs de préjudice patrimoniaux.

La Commission, en adoptant l’amendement, émet un avis favorable à la nouvelle rédaction de l’article 3.

Article 4 

(article 44 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985)


Calcul des préjudices futurs sur la base d’un barème de capitalisation fixé
par décret et conversion en capital des rentes indemnitaires
suivant ce même barème

La Commission examine l’amendement rédactionnel AS 4 de Mme la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. Outre des modifications rédactionnelles, cet amendement tend à étendre le champ d’application des nouvelles règles de capitalisation des rentes à l’ensemble des rentes viagères.

La Commission, en adoptant l’amendement, émet un avis favorable à la nouvelle rédaction de l’article 4.

Article 5 

(article L. 211-10 du code des assurances)


Obligation pour l’assureur d’informer la victime sur ses droits

La Commission examine l’amendement AS 5 de Mme la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. Cet amendement vise à compléter les obligations d’information de la victime à la charge de l’assureur. Afin notamment de l’aider dans le choix d’un médecin-conseil qui ne soit pas en situation de conflit d’intérêt, l’assureur lui remettra la liste des médecins qui ont un lien avec lui et lui rappellera que la liste des médecins ayant des compétences en réparation du dommage corporel est disponible auprès du conseil départemental de l’Ordre.

La Commission, en adoptant l’amendement, émet un avis favorable à la nouvelle rédaction de l’article 5.

Après l’article 5

La Commission est saisie de l’amendement AS 12 de Mme la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. Cet amendement vise à encadrer la pratique d’expertises en matière d’évaluation des dommages corporels par les médecins. Pour une meilleure qualité des expertises, il paraît donc utile que l’Ordre des médecins définisse des critères de compétence.

La Commission adopte l’amendement.

Article 6 

(article L. 211-10-1 du code des assurances)


Pluralité des médecins amenés à réaliser l’examen médical de la victime

La Commission adopte l’amendement de précision AS 6 de Mme la rapporteure pour avis, tendant à proposer une nouvelle rédaction de l’article 6.

Article 7 

(article L. 211-10-2 du code des assurances)


Déclaration de ses activités au conseil départemental de l’Ordre des médecins

La Commission examine l’amendement AS 7 de Mme la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. L’article 6 introduit le caractère absolu de l’incompatibilité, pour un médecin, d’exercer des fonctions de médecin-conseil d’une victime et de prêter habituellement son concours à l’assureur adverse. L’amendement propose de s’en tenir au droit existant, qui laisse à la victime la liberté d’y déroger en toute connaissance de cause.

Pour renforcer les obligations de déclaration d’intérêts des médecins, il est prévu de sanctionner leur manquement.

La Commission, en adoptant l’amendement, émet un avis favorable à la nouvelle rédaction de l’article 7.

Article 8 

(article L. 211-9 du code des assurances)


Versement de droit d’une provision après constatations médicales permettant d’envisager des besoins spécifiques de la victime

La Commission adopte l’amendement rédactionnel AS 8 de Mme la rapporteure pour avis, tendant à proposer une nouvelle rédaction de l’article 8.

Article 9 

(article L. 211-16 du code des assurances)


Allongement à trente jours du délai de rétractation en matière de transaction avec l’assureur

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 9 sans modification.

Article 10 

Dispositions financières

La Commission adopte l’amendement AS 9 de Mme la rapporteure pour avis, tendant à supprimer l’article 10.

Après l’article 10

La Commission est saisie de trois amendements portant articles additionnels après l’article 10.

Elle examine d’abord l’amendement AS 11 de Mme la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. Cet amendement vise à étendre aux victimes d’accidents de la circulation survenus sur des chemins de fer et sur des voies de tramway le bénéfice des dispositions protectrices de la loi Badinter.

La Commission adopte l’amendement.

Elle adopte ensuite l’amendement de coordination AS 13 de Mme la rapporteure pour avis.

Elle examine enfin l’amendement AS 10 de Mme la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. Le Conseil d’État a appelé l’attention du législateur sur la nécessité de prévoir expressément l’application de la loi à Mayotte ou dans les îles Wallis et Futuna, s’il souhaite que ces territoires bénéficient des dispositions prévues.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle émet, à l’unanimité, un avis favorable à l’adoption de l’ensemble de la proposition de loi ainsi modifiée.

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

Amendement n° AS 1 rect présenté par Mme Geneviève Levy, rapporteure pour avis

Article 1er

Rédiger ainsi cet article :

« I.– L’article L. 211-23 du code des assurances est ainsi rédigé :

« Art. L. 211-23. – I.- Une base de données en matière d’indemnisation du préjudice corporel des victimes d’un accident de la circulation, placée sous le contrôle de l’État, recense toutes les transactions conclues dans le cadre d’une procédure amiable entre les assureurs et les victimes ainsi que les décisions définitives des cours d’appel ayant trait à l’indemnisation de ces dommages. Cette base fait apparaître le montant des indemnités attribuées pour chaque poste de préjudice mentionné dans la nomenclature prévue à l’article 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985.

« Les entreprises d’assurance agréées pour pratiquer des opérations d’assurance contre les accidents résultant de l’emploi de véhicules automobiles mentionnées au quatrième alinéa de l’article L. 211-1 du présent code, les fonds et offices de garantie ou d’indemnisation, constituent entre eux un organisme chargé du traitement de ces données.

« Elles transmettent à cet organisme les données relatives aux transactions conclues par elles dans les conditions prévues par un décret en Conseil d’État, précédé de l’autorisation prévue au II de l’article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

« En cas de manquement par une entreprise d’assurance à ses obligations mentionnées au troisième alinéa du présent article, l’autorité administrative peut saisir, après une mise en demeure restée sans effet, l’autorité de contrôle prudentiel mentionnée à l’article L. 612-1 du code monétaire et financier. Celle-ci prononce, le cas échéant, l’une des sanctions prévues à l’article L. 612-39 de ce même code.

« Les cours d’appel transmettent à l’organisme mentionné au deuxième alinéa du présent article le montant des indemnités qu’elles ont accordées pour chaque poste de préjudice mentionné dans la nomenclature prévue à l’article 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985.

«  Sous le contrôle de l’État, une publication périodique rend compte des indemnités fixées par les jugements et les transactions.

« II.– Le présent article entre en vigueur à une date fixée par décret et au plus tard le 1er juillet 2012.

« L’article L. 211-23 du code des assurances dans sa rédaction antérieure à la présente loi reste applicable jusqu’à cette date. »

Amendement n° AS 2 présenté par Mme Geneviève Levy, rapporteure pour avis

Article 2

Rédiger ainsi cet article :

« I.– Après l’article 265 du code de procédure civile, il est inséré un article 265-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 265-1. – En vue de concourir à la présentation poste par poste des éléments de préjudice corporel, prévue par l’article 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, des définitions-types adaptables de missions d’expertise médicale, pouvant être retenues par les juridictions saisies de demandes de réparation de préjudices corporels, sont établies par voie réglementaire.

« II.– 1° Le chapitre Ier du titre IV du livre Ier du code de la santé publique est complété par une section 3 ainsi rédigée :

« Section 3

« Barème médical unique

« Art. L. 1141-5. – Un barème médical unique d’évaluation des atteintes à l’intégrité physique et psychique est fixé par décret. »

« 2° Au dernier alinéa de l’article L. 1142-1 du même code, les mots : « d’un barème spécifique fixé par décret » sont remplacés par les mots : « du barème prévu par l’article L. 1141-5 du présent code ».

« 3° Le décret prévu à l’article L. 1141-5 du code de la santé publique est publié au plus tard deux ans après la promulgation de la présente loi.

« 4° Une commission ad hoc est chargée de l’élaboration du barème prévu à l’article L. 1141-5 du code de la santé publique. »

Amendement n° AS 3 présenté par Mme Geneviève Levy, rapporteure pour avis

Article 3

Rédiger ainsi cet article :

« Au début de l’article 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Dans le cadre des procédures amiables ou contentieuses, les dommages corporels pour lesquels la victime peut prétendre à indemnisation sont déterminés suivant une nomenclature non limitative de postes de préjudice, patrimoniaux et extrapatrimoniaux, fixée par décret en Conseil d’État. »

Amendement n° AS 4 présenté par Mme Geneviève Levy, rapporteure pour avis

Article 4

Rédiger ainsi cet article :

« La loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 précitée est ainsi modifiée :

« 1° L’intitulé de la section 5 du chapitre III est ainsi rédigé : « Du calcul des préjudices futurs et de la conversion en capital des rentes indemnitaires » ;

« 2° L’article 44 est ainsi modifié :

« a) Au début de cet article est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les préjudices futurs de victimes d’accident, quel que soit leur mode de liquidation, ainsi que les prestations futures à la charge des organismes mentionnées à l’article 29 sont calculés, conventionnellement comme judiciairement, suivant une table de conversion fixée par décret, basée sur un taux d’intérêt officiel et actualisée tous les trois ans suivant les dernières évaluations statistiques de l’espérance de vie publiées par l’Institut national des statistiques et des études économiques. » ;

« b) Au premier alinéa du même article, les mots : « une table de conversion fixée par décret » sont remplacés par les mots : « cette même table de conversion ». »

Amendement n° AS 5 présenté par Mme Geneviève Levy, rapporteure pour avis

Article 5

Rédiger ainsi cet article :

« I.– L’article L. 211-10 du code des assurances est ainsi rédigé :

« À l’occasion de sa première correspondance avec la victime, l’assureur est tenu, à peine de nullité relative de la transaction qui pourrait intervenir, de lui adresser :

« – une notice d’information sur ses droits, établie selon un modèle-type défini par décret, qui rappelle notamment que la victime peut à son libre choix se faire assister d’un avocat et, en cas d’examen médical, d’un médecin ;

« – un rappel des dispositions du troisième alinéa de l’article L.211-9 et de celles de l’article L.211-12 ;

« – une liste des médecins ayant des compétences en réparation du dommage corporel établie par le conseil départemental de l’ordre des médecins du lieu de résidence de la victime ;

« – une liste des médecins auquel l’assureur en charge du règlement du litige fait habituellement appel dans le département.

« Sous les mêmes sanctions, l’assureur transmet à la victime une copie du procès-verbal d’enquête de police ou de gendarmerie dès qu’il en obtient la communication.

« II.– Les procédures d’indemnisation amiable régies par l’article L. 211-9 du code des assurances en vue desquelles une première demande a été présentée avant l’entrée en vigueur de l’article … de la loi n° du restent soumises aux dispositions antérieurement applicables. »

Amendement n° AS 6 présenté par Mme Geneviève Levy, rapporteure pour avis

Article 6

Rédiger ainsi cet article :

« Après l’article L. 211-10 du code des assurances, il est inséré un article L. 211-10-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 211-10-1 – En cas d’examen contradictoire, la victime est assistée d’un médecin-conseil de son choix, ayant des compétences en matière de réparation du dommage corporel et à qui l’assureur en charge du règlement du litige ne fait pas habituellement appel, sauf si elle manifeste par écrit son souhait contraire.

« Un décret fixe les modalités d’application du présent article. »

Amendement n° AS 7 présenté par Mme Geneviève Levy, rapporteure pour avis

Article 7

Rédiger ainsi cet article :

« Il est inséré dans le code de la santé publique un article L. 4113-13-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 4113-13-1. – Les médecins communiquent au conseil départemental de l’ordre dont ils relèvent le nom des compagnies d’assurance auxquelles ils prêtent habituellement leur concours, dans des conditions fixées par voie réglementaire.

« Ces informations sont accessibles au public.

« Le défaut de communication de ces renseignements constitue une faute disciplinaire susceptible d'entraîner une des sanctions prévues à l'article  L. 4124-6.

« Les médecins intéressés disposent, pour faire la déclaration prévue au premier alinéa, d’un délai de six mois à compter de la publication des dispositions réglementaires mentionnées au même alinéa. »

Amendement n° AS 8 présenté par Mme Geneviève Levy, rapporteure pour avis

Article 8

Rédiger ainsi cet article :

« L’article L. 211-9 du code des assurances est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu’une première constatation médicale conduit à estimer que l’état de la victime nécessite l’aménagement de son logement, l’adaptation de son véhicule ou l’intervention d’une tierce personne, l’assureur est tenu de lui présenter, dans le mois de sa demande, une offre provisionnelle spéciale, sans préjudice des obligations faites à l’assureur dans les alinéas précédents. »

Amendement n° AS 9 présenté par Mme Geneviève Levy, rapporteure pour avis

Article 10

Supprimer cet article.

Amendement n° AS 10 présenté par Mme Geneviève Levy, rapporteure pour avis

Après l’article 10

Insérer l’article suivant :

I.– Les modifications apportées à l’article 44 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 et l’article 1141-5 du code de la santé publique sont applicables dans les îles Wallis et Futuna.

II.– Les modifications apportées à l’article 44 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 et l’article 1141-5 du code de la santé publique sont applicables à Mayotte.

Amendement n° AS 11 présenté par Mme Geneviève Levy, rapporteure pour avis

Après l’article 10

Insérer l’article suivant :

À la fin de l’article 1er de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, les mots « à l’exception des chemins de fer et des tramways circulant sur des voies qui leur sont propres » sont supprimés.

Amendement n° AS 12 présenté par Mme Geneviève Levy, rapporteure pour avis

Après l’article 5

Insérer l’article suivant :

Après l’article L. 4133-1-1 du code des assurances, il est inséré un article L. 4133-1-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 4133-1-2. – Les règles relatives à la qualité de médecin ayant des compétences en réparation du dommage corporel sont définies par voie réglementaire, après avis du conseil national de l’Ordre des médecins.

« Jusqu’à la date d’entrée en vigueur du décret prévu au premier alinéa, les médecins qui, à la date de publication de la présente loi, exercent une mission de conseil en réparation du dommage corporel auprès d’une ou de plusieurs entreprises d’assurance ou assistent couramment des victimes de dommage corporel sont réputés avoir des compétences en ce domaine. »

Amendement n° AS 13 présenté par Mme Geneviève Levy, rapporteure pour avis

Après l’article 10

Insérer l’article suivant :

Les articles 12 à 27 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 sont abrogés.

ANNEXE I

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre chronologique)

Ø Mme Gisèle Mor, avocate au barreau du Val d’Oise

Ø Association des professionnels de la réassurance en France (ARPEF) – M. François Vilnet, président et Mme Bénédicte Dollfus, déléguée générale

Ø Swiss Re – M. Ivo Hux, délégué pour la France

Ø SCOR – M. Jean-Marc Houisse, responsable sinistres dommages corporels

Ø Cour de Cassation – M. Pierre Sargos, président de chambre honoraire et président du conseil d'administration du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA)

Ø Médiateur de la République – Mme Martine Timsit, conseillère au service des réformes

Ø Cour de Cassation – M. Jean-Pierre Dintilhac, président de chambre honoraire

Ø Conseil national de l’ordre des médecins – M. André Deseur, président de la section expertise professionnelle et Mme Véronique Queffélec, responsable des relations institutionnelles

ANNEXE II

LISTE DES PARTICIPANTS A LA TABLE RONDE
DU JEUDI 4 FÉVRIER 2010

Ø Représentants des victimes

 Association des accidentés de la vie (FNATH) – M. Karim Félissi

 Association française des traumatisés crâniens (AFTC) – M. Éric Guillermou, président

 Association des paralysés de France (APF) – Mme Linda Aouar, directeur juridique

 Les Entretiens d’Aix et France traumatisme crânien (TFC) – Mme Marie-Christine Lagrange, vice-présidente des Entretiens d’Aix, M. Marc Ceccaldi, trésorier des Entretiens d’Aix et membre de France Traumatisme Crânien, et M. Jean-Luc Truelle, ancien vice-président de France Traumatisme Crânien, membre du conseil d’administration des Entretiens d’Aix.

 Fédération nationale des victimes d’accident collectif – M. Stéphane Gicquel, secrétaire général

Ø Avocats

 Association nationale des avocats de victimes de dommages corporels (ANADAVI) – Mme Claudine Bernfeld, secrétaire de l’association

 Mme Gisèle Mor, avocate au barreau du Val d’Oise

Ø Assurances

 AXA – M. Pierre-Yves Thiriez, directeur de la direction technique « sinistres » d’AXA France et président de l’Association professionnelle bi-familiale pour la réparation et l’étude du dommage corporel (AREDOC), et M. Michel Ehrenfeld, coordinateur technique à la direction technique « sinistres » d’AXA France et chargé de cours en droit de la responsabilité et du dommage à l’Institut des assurances de Paris (IAP) de l’Université de Paris 1

 Association des avocats de compagnies d’assurances (ASACA) – Mme Annie Velle, membre du conseil d’administration

 Fédération française des sociétés d’assurance (FFSA) – M. Jean Péchinot, spécialiste de l'assurance automobile à la FFSA, Mme Hélène Bejui Hugues, déléguée générale de l'AREDOC, et M. Jean Marc Houisse, membre du groupe de travail « dommages corporels »

 Fonds de garantie automobile (FGA) – M. François Werner, directeur général et Mme Yolaine Aurousseau-Perrin, directrice des relations institutionnelles

 Groupement des entreprises mutuelles d’assurance (GEMA) –  Mme Catherine Traca, secrétaire général adjoint, MM. Jean-Louis Simon et François Le Neveu, cadres dirigeants.

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