N° 2644 - Rapport de M. Loïc Bouvard sur le projet de loi autorisant la ratification de l'accord de stabilisation et d'association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la Bosnie-et-Herzégovine, d'autre part (n°2146)




N
° 2644

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 juin 2010.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI n° 2146, autorisant la ratification de l’accord de stabilisation et d’association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et la Bosnie-et-Herzégovine, d’autre part,

par M.  Loïc BOUVARD

Député

___

ET

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

A − UN RAPPROCHEMENT DIFFICILE 7

1) De profondes divisions internes… 7

2) … qui ralentissent le rapprochement avec l’Union européenne 8

3) Un avenir politique toujours incertain 9

B − UN RAPPROCHEMENT SOUHAITABLE AU REGARD DE LA SITUATION LOCALE, ET DÉJÀ ACCOMPAGNÉ FINANCIÈREMENT PAR L’UE 11

1) Une situation économique difficile 11

2) Le bilan satisfaisant de l’instrument d’aide de pré-adhésion 11

3) Le besoin d’une réflexion pour une meilleure coordination des bailleurs de fonds 12

II – L’AMBITIEUX ACCORD DE STABILISATION ET D’ASSOCIATION COUVRE, DE MANIÈRE CLASSIQUE, UN VASTE ÉVENTAIL DE SUJETS 15

A – LE CINQUIÈME ASA DEPUIS 2001 15

1) Un cadre connu et éprouvé 15

2) Pour la Bosnie-et-Herzégovine, aucune dérogation notable 16

B – UN CONTENU À LA MESURE DE L’AMBITION EUROPÉENNE 17

CONCLUSION 21

EXAMEN EN COMMISSION 23

ANNEXE : Etat des ratifications de l’accord de stabilisation et d’association 27

_____

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 29

Mesdames, Messieurs,

La commission des Affaires étrangères avait eu l’occasion de le constater lors de la table ronde organisée le 20 janvier dernier sur la situation des Balkans occidentaux : la situation politique interne de la Bosnie-et-Herzégovine (1) est à de nombreux égards beaucoup plus complexe que celle de ses voisins, du fait de ses institutions, de son peuplement et de la tutelle internationale à laquelle elle est soumise, encore aujourd’hui.

Cet état de fait n’est pas sans influence sur la lenteur du processus de son rapprochement avec l’Union européenne, un processus dont l’accord de stabilisation et d’association que le présent projet de loi propose de ratifier constitue une étape majeure.

C’est à la suite du Conseil européen de Zagreb, en 2000, que le Conseil européen de Thessalonique de juin 2003 a réaffirmé la perspective d’adhésion à l’Union européenne des pays des Balkans occidentaux − Albanie, Serbie, Monténégro, Croatie, Ancienne République yougoslave de Macédoine (ARYM) et Bosnie-et-Herzégovine. Cette perspective a alors été définie sous la forme d’un « processus de stabilisation et d’association », cadre institutionnel et politique des relations entre l’Union européenne et les pays de la région.

Ce processus s’est traduit concrètement par la signature d’accords de stabilisation et d’association (ASA). À ce jour, tous les pays des Balkans occidentaux, à l’exception du Kosovo, ont signé un tel accord avec l’Union européenne : l’ARYM en 2001, la Croatie en 2001 également, l’Albanie en 2006, le Monténégro en 2007, la Serbie en avril 2008 et la Bosnie-et-Herzégovine en juin 2008. La Croatie et l’ARYM ont, depuis lors, obtenu le statut de pays candidat à l’adhésion à l’Union européenne.

C’est cet accord de stabilisation et d’association, signé le 16 juin 2008, que le présent projet de loi propose de ratifier pour la Partie française, la même formalité devant être accomplie par la Bosnie-et-Herzégovine et chacun des 27 États membres de l’Union afin que l’accord entre en vigueur.

I – LA SITUATION INTERNE COMPLEXE DE LA BOSNIE-ET-HERZÉGOVINE EXPLIQUE LA LENTEUR DU RAPPROCHEMENT DE CET ÉTAT AVEC L’UNION EUROPÉENNE

Les accords de paix de Dayton et de Paris de 1995, négociés avec les États-Unis, la Russie et l’Union européenne, ont mis fin à une guerre de trois ans et demi en Bosnie-et-Herzégovine, qui a coûté la vie à plus de 100 000 personnes et en a déplacé 1,8 million au total.

Depuis, la gestion du pays a été consolidée avec l’aide des États occidentaux, grâce au travail du bureau du Haut représentant de la communauté internationale sur place. Les élections locales en Bosnie-et-Herzégovine, qui ont eu lieu en octobre 2008, ont confirmé de profondes divisions ethniques au sein du pays, qui est considéré comme un candidat « naturel » à l’entrée dans l’Union européenne, pourvu toutefois que ses divisions internes, précisément, soient surmontées.

Les dirigeants de l’UE ont à maintes reprises prévenu la Bosnie-et-Herzégovine que la poursuite de conflits internes avec les nationalistes serbes, musulmans et croates éloignait le pays de relations plus étroites avec l’Union, auxquelles ses citoyens aspirent pourtant.

A − Un rapprochement difficile

1) De profondes divisions internes…

Beaucoup plus complexe que celle de ses voisins balkaniques, la situation politique de la Bosnie-et-Herzégovine est tributaire de ses institutions pléthoriques, de son peuplement divisé et de la tutelle internationale qui la prive d’une souveraineté de plein exercice.

En premier lieu, l’État central est concurrencé par d’autres institutions : celles de la Republika srpska et de la Fédération de Bosnie-et-Herzégovine, elle-même divisée en dix cantons avec chacun à sa tête un exécutif gouvernemental.

Deuxièmement, si on excepte l’ARYM, la question du partage du pouvoir entre communautés distinctes ne se pose pas dans les autres États de la région, dont le peuplement est beaucoup plus homogène. En revanche, la Bosnie-et-Herzégovine, qui compte un peu moins de 4 millions d’habitants, est composée de trois peuples dits « constitutifs » : les Bosno-Serbes, les Bosno-Croates et les Bosniaques (musulmans). Les dirigeants de ces communautés qui se sont affrontées par les armes dans le passé ne parviennent que très péniblement à élaborer des positions communes et tendent à faire passer les intérêts de l’entité à laquelle ils s’identifient − la Republika srpska pour les Bosno-serbes, la fédération pour les Bosniaques − avant ceux de l’État central. L’existence d’une présidence collégiale tournante, comprenant un représentant de chacun des trois peuples « constitutifs » ne contribue pas non plus à faciliter les choses.

Enfin, ce pays est placé sous la tutelle internationale exercée par le PIC − Peace Implementation Committee ou Conseil de mise en œuvre de la paix − et un Haut Représentant désigné par la communauté internationale.

2) … qui ralentissent le rapprochement avec l’Union européenne

Les différents éléments que votre Rapporteur vient de rappeler ont rendu le rapprochement de la Bosnie-et-Herzégovine avec l’Europe plus difficile que celui d’autres États.

La négociation technique de l’ASA ouverte en novembre 2005 a été menée à bien en l’espace d’un an, s’achevant en décembre 2006. Mais la difficulté à obtenir des différentes forces politiques l’entente nécessaire à la réalisation de certaines réformes a conduit l’UE à retarder la conclusion de cet accord, finalement intervenue le 16 juin 2008, après que le Parlement bosnien est parvenu à adopter deux lois mettant en œuvre la première phase de la réforme de la police.

En effet, La signature de l’ASA a été bloquée dans l’attente du respect par les autorités de Bosnie-et-Herzégovine de quatre conditions essentielles posées par l’Union européenne :

− la réforme de la police ;

− une pleine coopération avec le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) ;

− la réforme de la radio-télédiffusion publique ;

− la réforme de l’administration.

Votre Rapporteur veut souligner qu’une bonne part des difficultés rencontrées dans le processus de rapprochement tient au fait que les trois principales communautés doivent systématiquement, pour accepter les réformes demandées, parvenir à la conviction que celles-ci n’avantagent indûment aucune d’entre elles par rapport aux autres. Le contexte politique a donc eu une influence importante sur le déroulement des négociations de l’ASA.

L’adoption des réformes requises par l’Union européenne a, de fait, pris davantage de temps que dans d’autres pays des Balkans occidentaux. Ce n’est qu’en novembre 2007 que les trois communautés ont conclu à Mostar un accord sur la mise en œuvre de la réforme de la police, le début d’application de cet accord ouvrant la voie à la signature de l’ASA.

En définitive, si la Bosnie-et-Herzégovine n’est pas le tout dernier pays des Balkans occidentaux à signer un ASA, c’est seulement en raison du fait que le Kosovo n’a pour l’instant aucun cadre contractuel pour ses relations avec l’Union européenne, eu égard à la non-reconnaissance de son indépendance par cinq États membres : l’Espagne, la Grèce, la Slovaquie, la Roumanie et Chypre.

3) Un avenir politique toujours incertain

Comme l’a souligné de façon intellectuellement stimulante, lors de la table ronde précitée du 20 janvier dernier, M. Jean-Arnault Dérens, rédacteur en chef du Courrier des Balkans, « Quatorze ans se sont écoulés depuis la fin de la guerre et la signature des accords de Dayton. Le débat porte fondamentalement sur la question de savoir s’il faut un État ou maintenir les deux entités actuelles qui constituent le pays ; ce sont des paramètres fondamentaux du débat politique et ils n’ont absolument pas changé depuis quatorze ans et la Bosnie-Herzégovine se trouve dans un après-guerre interminable. Par comparaison, en France, en 1959, il y a longtemps que l’on n’était plus dans la problématique de l’après-guerre.

« Il y a ensuite un autre serpent de mer. Celui du rôle et des conséquences de la tutelle internationale comme obstacle à l’intégration. La question se pose toujours en ces termes. Le protectorat est contreproductif car il aboutit à une irresponsabilité de la classe politique bosnienne. »

Les cinq objectifs et deux conditions (« 5+2 ») exigés depuis le PIC de février 2008 pour la fermeture du Bureau du Haut Représentant ne devraient pas être entièrement satisfaits avant le prochain PIC, les 29 et 30 juin prochain.

Votre Rapporteur rappelle ces cinq objectifs et ces deux conditions :

LES CINQ OBJECTIFS ET LES DEUX CONDITIONS (« 5 + 2 »)

posés par la communauté internationale comme préalables
à une pleine souveraineté de la Bosnie-et-Herzégovine

Cinq objectifs :

– accord durable et équitable sur la répartition des propriétés de l’État ;

– répartition des propriétés militaires ;

– pérennisation du statut spécial du district de Brcko ;

– soutenabilité budgétaire ;

– renforcement de l’État de droit.

Deux conditions :

– signature de l’Accord de stabilisation et d’association ;

– évaluation positive de la situation dans le pays, au regard des Accords de Dayton/Paris.

Les efforts lancés en octobre 2009 par la présidence suédoise du Conseil de l’UE et les États-Unis dans le cadre du processus de Butmir, visant à aider les Bosniens à satisfaire aux « 5+2 » et à renforcer le pouvoir central en modifiant de manière limitée la Constitution, n’ont pas abouti à ce stade.

La communauté internationale ne veut maintenant pas exercer trop de pressions sur les dirigeants bosniens en cette période de campagne électorale − des élections générales sont prévues en octobre-novembre 2010 − mais elle n’en reste pas moins active. La présidence espagnole du Conseil de l’UE maintient l’unité d’action UE-États-Unis − MM. Moratinos et Steinberg ont ainsi effectué un voyage conjoint à Sarajevo les 6 et 7 avril dernier −, avec l’ambition d’obtenir quelques avancées symboliques avant la réunion des ministres des Affaires étrangères UE-Balkans organisée à Sarajevo le 2 juin.

De fait, ce sommet a été l’occasion pour les ministres des États membres, dans une « Déclaration de Sarajevo », de soutenir la proposition de la Commission consistant à lever l’exigence de visas pour les citoyens bosniens dès l’automne 2010, à condition que soient remplis les derniers critères relatifs au renforcement de l’État de droit, ainsi qu’à la lutte contre le crime organisé et la corruption. Ces éléments contribueront à orienter les débats au sein du prochain PIC.

Le PIC de la fin juin devrait donc une nouvelle fois souligner les attentes de la communauté internationale, et particulièrement de l’Union européenne, à l’égard de la Bosnie-et-Herzégovine. Votre Rapporteur rappelle que le Conseil européen de décembre 2009 a souligné que la candidature de ce pays à l’Union ne pourrait être prise en compte tant que la transition du Bureau du Haut Représentant vers une présence européenne renforcée n’aurait pas été décidée. Le PIC devrait donc formuler des déclarations fermes sur le fond, mais modérées dans la forme afin de ne pas interférer dans le déroulement de la campagne électorale.

Il n’en reste pas moins que la position d’États du PIC plutôt réticents à la fermeture du Bureau du Haut Représentant (États-Unis, Turquie) est en train d’évoluer. Il est de plus en plus patent que le Haut Représentant est désormais plus une partie du problème qu’une partie de la solution. Ainsi, les différents partis bosniens ont tendance à considérer la mise en cause de ses positions comme un substitut à une communication directe entre eux. On peut désormais s’interroger sur la manière d’« extraire » le Haut Représentant du centre de la vie politique, dans le cas où la fermeture de son Bureau n’interviendrait pas prochainement. L’hypothèse d’un découplage des fonctions de Haut Représentant et de Représentant spécial de l’Union européenne, actuellement cumulées, avec un Haut Représentant situé « hors théâtre », pourrait être envisagée.

Cette situation politique compliquée n’empêche pas l’Union européenne d’œuvrer concrètement au rapprochement de la Bosnie-et-Herzégovine à son égard.

B − Un rapprochement souhaitable au regard de la situation locale, et déjà accompagné financièrement par l’UE

1) Une situation économique difficile

La Bosnie-et-Herzégovine a connu en 2009 une diminution de son PIB de 3,2 %, alors que sa croissance était soutenue les années précédentes : 6,8 % en 2006 et 2007, et 5,4 % en 2008. Avec un PIB de 13,56 milliards d’euros en 2008 – soit 3 568 euros par habitant officiellement –, elle est proche de l’Albanie et de l’ARYM – la moyenne régionale s’élevant à 3 822 euros par habitant – mais demeure toujours en deçà de son niveau d’avant-guerre.

L’inflation s’élevait à 7,4 % en 2008, après avoir fluctué entre 7,5 % en 2006 et 1,6 % en 2007, tandis que le chômage demeurait élevé : un taux de 40 à 45 % de la population active selon les données officielles, mais de 20 % selon les estimations du FMI. Bien qu’en baisse depuis un pic en 2004, le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté représentait toujours 14 % de la population en 2008.

Malgré le peu d’intégration de l’économie bosnienne dans les circuits internationaux, le pays est incontestablement frappé par la crise économique mondiale, qui met à jour la fragilité de ses finances publiques. Le poids des dépenses publiques est élevé, notamment en raison de la complexité des institutions – avec 14 gouvernements et près de 180 ministres pour moins de 4 millions d’habitants, le pays connaît l’une des plus fortes densités institutionnelles au monde. En outre, les transferts reçus de la diaspora diminuent, ce qui aggrave le déficit courant, la chute de la production industrielle dans l’UE se répercute sur les industries locales, et les flux d’investissements étrangers baissent.

En juillet 2009, la Bosnie-et-Herzégovine s’est vue accorder par le FMI un crédit stand-by d’un montant de 1,2 milliard d’euros sur trois ans, assorti de conditionnalités principalement relatives à la maîtrise des dépenses publiques et des dépenses sociales.

Dans un tel contexte, l’aide de pré-adhésion accordée par l’Union européenne n’est que plus pertinente.

2) Le bilan satisfaisant de l’instrument d’aide de pré-adhésion

Dans le cadre du règlement du Conseil 1085/2006 établissant un instrument d’aide de pré-adhésion (IAP) doté de 11,5 milliards d’euros pour la période 2007-2013, 660 millions d’euros ont été alloués à la Bosnie-et-Herzégovine. Cette somme représente environ 21 euros par habitant.

Comme les pays déclarés « candidats potentiels » à l’entrée dans l’Union européenne qui bénéficient de l’IAP, la Bosnie-et-Herzégovine est éligible uniquement aux composantes I « aide à la transition et renforcement des capacités administratives » et II « coopération transfrontalière » de l’IAP.

Dans le cadre de la composante I, qui cible des projets en relation avec les critères de Copenhague, 50 millions d’euros ont été programmés en 2007, 67 millions en 2008 et 81 millions en 2009. Dans le cadre de la composante II, 75,5 millions d’euros sont alloués pour la période 2007-2013.

La programmation est mise en œuvre de manière centralisée par la Commission européenne, comme c’est le cas pour l’ensemble des « candidats potentiels » qui s’engagent progressivement dans les procédures d’accréditation leur permettant de mettre en œuvre directement les fonds communautaires, au moyen d’une gestion décentralisée.

Au total, les trois programmes annuels de la composante I de l’IAP déjà adoptés, ont permis le financement de 91 projets sous différentes formes : contrats de fourniture et marchés de services, jumelages institutionnels, subventions et conventions ou en gestion centralisée indirecte avec des institutions financières internationales.

La programmation 2010 devait être présentée pour avis au comité de gestion de l’IAP du 27 mai 2010.

3) Le besoin d’une réflexion pour une meilleure coordination des bailleurs de fonds

L’Union européenne est le principal contributeur à la stabilité politique et au développement économique et social de la Bosnie-et-Herzégovine.

La répartition des fonds entre les pays bénéficiaires d’IAP est en corrélation avec leur poids démographique et économique. Un des objectifs principaux de l’IAP est de renforcer les capacités administratives des pays bénéficiaires et leur capacité d’absorption des fonds de l’Union européenne. Ainsi, lorsque les pays deviennent candidats, ils accèdent aux composantes III « développement régional », IV « développement des ressources humaines » et V « agriculture et développement rural » qui visent à préparer les pays candidats à la gestion des subventions qu’ils recevront de l’Union européenne, une fois qu’ils seront parvenus au statut d’État membre.

Les montants dévolus par IAP fixés dans le cadre financier 2007-2013 restent toutefois relativement limités au regard des besoins des pays des Balkans occidentaux, notamment en termes d’infrastructures de transport ou dans les secteurs social, de l’environnement et de l’énergie. Cette constatation a incité la présidence slovène à lancer une réflexion sur les moyens d’assurer une meilleure synergie entre les actions menées par les différents bailleurs de fonds dans les Balkans occidentaux. Le Conseil ECOFIN de mai 2008 puis le Conseil européen de juin 2008 ont approuvé le développement d’un cadre financier rassemblant une partie des dotations multibénéficiaires de l’Instrument d’aide de pré-adhésion et des contributions des institutions financières internationales (BEI ; BDCE ; BERD) et des principaux bailleurs bilatéraux.

Le cadre d’investissement pour les Balkans occidentaux qui a été lancé en décembre 2009 est doté :

– d’un « guichet unique de dons » (environ 150 millions d’euros) qui rassemble les ressources de l’Union européenne, des trois banques multilatérales et un fonds fiduciaire gérant les contributions bilatérales des États membres volontaires ;

– d’un « guichet unique de prêts » permettant un partage des réservoirs de projets des institutions financières.

La France ne participe pas à ce fonds en tant que un bailleur bilatéral, mais est observateur au groupe de pilotage qui décide de la mise en œuvre des projets financés par le cadre d’investissement.

L’Union européenne est donc déjà présente dans ce pays toujours marqué par la guerre et les divisions. L’accord de stabilisation et d’association entend rapprocher davantage encore la Bosnie-et-Herzégovine de l’Union ; c’est en effet une future adhésion qu’il s’agit de préparer concrètement.

II – L’AMBITIEUX ACCORD DE STABILISATION ET D’ASSOCIATION COUVRE, DE MANIÈRE CLASSIQUE, UN VASTE ÉVENTAIL DE SUJETS

La commission des Affaires étrangères a eu à quatre reprises déjà l’occasion de se pencher sur des accords de stabilisation et d’association. Celui qui a été signé le 16 juin 2008 avec la Bosnie-et-Herzégovine s’inscrit exactement dans ce cadre.

A – Le cinquième ASA depuis 2001

1) Un cadre connu et éprouvé

C’est en juin 1999 que l’Union européenne a lancé (2) le processus de stabilisation et d’association, cadre d’une politique ambitieuse et à long terme vis-à-vis des pays des Balkans occidentaux.

Votre Rapporteur rappelle, s’appuyant sur l’étude d’impact jointe au présent projet de loi, que cette politique se fonde sur les éléments suivants :

− l’idée qu’une perspective européenne crédible, une fois les conditions remplies, est le meilleur levier pour inciter ces pays à réaliser les réformes nécessaires ;

− la nécessité que les États des Balkans occidentaux établissent entre eux des relations normales, afin de contribuer à la stabilité politique et économique de la région ;

− le désir d’adopter une approche fondée sur des éléments communs − conditions politiques et économiques définies précisément dans l’accord −, tout en permettant à chaque pays de progresser à son rythme et selon ses mérites propres dans la voie de son rapprochement avec l’Union européenne.

Dire que le processus de stabilisation et d’association représente un engagement à long terme de l’Union européenne vis-à-vis de cette région, c’est souligner qu’il implique tant des efforts politiques que des ressources financières et humaines. Il constitue un cadre général, qui s’appuie sur trois éléments que l’on retrouve dans tous les accords de stabilisation et d’association :

− un nouveau type de relation contractuelle, les ASA étant vraiment la pierre angulaire du processus et une étape fondamentale dans sa réalisation. La conclusion de tels accords, fortement inspirés des accords européens auparavant signés avec les pays d’Europe centrale et orientale, marque l’engagement des parties à parvenir, au terme d’une période de transition, à une pleine association avec l’Union européenne, l’accent étant mis sur le respect des principes démocratiques essentiels et sur la reprise des éléments fondamentaux de l’acquis communautaire ;

− un programme unique d’assistance à la région des Balkans, le programme d’assistance communautaire pour la reconstruction, le développement et la stabilisation dans les Balkans (CARDS (3)), doté d’un montant de référence financière indicatif de 4,65 milliards d’euros pour la période 2000-2006, remplacé par l’Instrument d’aide de pré-adhésion (IAP (4)) depuis le 1er janvier 2007. Votre Rapporteur en a dressé plus haut un bilan d’étape pour la Bosnie-et-Herzégovine ;

− des préférences commerciales asymétriques exceptionnelles, destinées à favoriser l’accès au marché communautaire des produits industriels et agricoles des Balkans, de façon à contribuer au redémarrage de leurs économies par une stimulation de leurs exportations (5).

Les dispositions de nature commerciale sont mises en application avant l’entrée en vigueur de l’accord par un accord intérimaire. Dans le cas de la Bosnie-et-Herzégovine, celui-ci est entré en vigueur le 1er juillet 2008.

2) Pour la Bosnie-et-Herzégovine, aucune dérogation notable

La principale différence entre les ASA signés avec les pays des Balkans réside dans le calendrier d’entrée en vigueur de certaines dispositions, notamment relatives à la libre circulation des marchandises et aux transports. Mais le cadre est le même pour tous. Il a pour objectif de mettre les pays concernés « aux normes » de l’Union européenne.

La Bosnie-et-Herzégovine est, après l’Ancienne République yougoslave de Macédoine (ARYM, 9 avril 2001), la Croatie (29 octobre 2001), l’Albanie (12 juin 2006) et le Monténégro (15 mars 2007), le cinquième pays de la région à avoir signé un accord de stabilisation et d’association.

L’ASA avec la Bosnie a été signé à Luxembourg le 16 juin 2008, entre les représentants de la Communauté et des États membres d’une part, et la Bosnie-et-Herzégovine, d’autre part. il s’agit d’un accord mixte, sur le fondement de l’article 310 du Traité instituant la Communauté européenne.

B – Un contenu à la mesure de l’ambition européenne

L’accord dont le présent projet de loi demande la ratification comprend un préambule et cent trente-cinq articles répartis en dix titres. Y sont joints sept annexes et sept protocoles.

Le préambule contient une « clause évolutive » alignée sur les conclusions des Conseils européens de Cologne et Feira, qui confirme à la Bosnie-et-Herzégovine sa qualité de candidat potentiel à l’adhésion et mérite d’être citée : « Rappelant la volonté de l’Union européenne d’intégrer dans la plus large mesure possible la Bosnie-et-Herzégovine dans le courant politique et économique général de l’Europe et le statut de candidat potentiel à l’adhésion à l’Union européenne de ce pays, sur la base du traité sur l’Union européenne et du respect des critères définis par le Conseil européen de juin 1993 [les « critères de Copenhague »], sous réserve de la bonne mise en œuvre du présent accord, notamment en ce qui concerne la coopération régionale ». Cette clause évolutive est similaire à celle qui avait été adoptée pour les ASA avec l’ARYM, la Croatie, l’Albanie et le Monténégro ;

L’article 1erénonce les objectifs de l’association : le renforcement du dialogue politique, un rapprochement de la législation de la Bosnie-et-Herzégovine avec celle de la Communauté, l’achèvement de la transition vers une économie de marché, l’établissement progressif d’une zone de libre-échange avec la Communauté, le développement de la coopération régionale.

Le titre Ier (articles 2 à 9) porte sur les principes généraux de l’accord. Outre le respect des principes démocratiques, des droits de l’homme et de l’économie de marché, qui en constituent des éléments essentiels, sont également citées les conditionnalités politiques et économiques de l’approche régionale de l’Union européenne telles qu’énoncées dans les conclusions du Conseil du 29 avril 1997, ainsi que le développement de la coopération régionale et de relations de bon voisinage.

L’association sera entièrement réalisée au terme d’une période transitoire maximale de six ans, divisée en deux périodes successives de trois ans après l’entrée en vigueur de l’accord, le Conseil de stabilisation et d’association évaluera les progrès accomplis et décidera du passage à la seconde phase ainsi que de la durée de celle-ci. Cette division vise à permettre la mise en œuvre progressive des dispositions de l’accord et à se concentrer pendant la première phase sur les domaines décrits au titre VI de l’accord : marché intérieur, concurrence, droits de la propriété intellectuelle, industrielle et commerciale, marchés publics, normes et certification, services financiers, transports terrestres et maritimes, droit des sociétés, comptabilité, protection des consommateurs, protection des données, santé et sécurité sur les lieux de travail ainsi que l’égalité des chances. Pendant la seconde phase, la Bosnie-et-Herzégovine est invitée à se concentrer sur les autres parties de l’acquis.

Le titre II (articles 10 à 13) porte sur le dialogue politique entre la Bosnie-et-Herzégovine et l’Union européenne. Le dialogue politique est appelé à se dérouler, au niveau ministériel, au sein du conseil de stabilisation et d’association, et au niveau parlementaire, au sein de la commission parlementaire de stabilisation et d’association.

Le titre III (articles 14 à 17) porte sur la coopération régionale. Il s’agit d’une spécificité des accords de stabilisation et d’association. La Bosnie-et-Herzégovine doit s’engager à conclure des conventions de coopération régionale avec les autres pays de la région qui concluront un ASA avec l’Union européenne. Ces conventions devront porter sur le dialogue politique, l’établissement d’une zone de libre-échange entre les parties, conformément aux stipulations de l’OMC, des dispositions mutuelles concernant la libre circulation des travailleurs, des capitaux et des personnes. L’accord offre également la possibilité de conclure de telles conventions avec des pays candidats à l’Union européenne.

Le titre IV (articles 18 à 46) porte sur la libre circulation des marchandises. L’article 18 prévoit la constitution progressive d’une zone de libre-échange, pendant une période transitoire maximale de cinq ans, dès l’entrée en vigueur de l’accord. Concernant la Bosnie-et-Herzégovine, le détail et le calendrier de libéralisation sont précisés dans les annexes.

Les pays balkaniques ont bénéficié d’une procédure originale de la part de l’Union européenne : le Conseil européen de Lisbonne avait en effet conclu que les accords de stabilisation et d’association devaient être précédés d’une libéralisation asymétrique des échanges. Sur cette base, le Conseil affaires générales du 18 septembre 2000 a adopté le règlement (CE) n° 2007/2000 offrant à ces pays de façon unilatérale et temporaire (deux ans, étendues à cinq ans renouvelables) des préférences commerciales asymétriques exceptionnelles, permettant à leurs produits industriels et à la quasi-totalité de leurs produits agricoles (à l’exception de la viande bovine, du vin et des conserves de poisson) d’accéder au marché communautaire sans quotas et sans verser de droits.

L’articulation entre ces préférences asymétriques et le volet commercial des ASA avait constitué l’un des points les plus durs des discussions à quinze. Les dispositions prévues par l’ASA avec l’ARYM, conclu à l’automne 2000, et qui repose sur trois éléments, ont finalement été reconduites pour l’Albanie en 2006, le Monténégro en 2007 et pour la Bosnie-et-Herzégovine, à savoir :

– l’insertion, dans les décisions du Conseil concernant la signature et la conclusion de l’ASA, d’un article de non-précédent (indiquant que « les dispositions commerciales contenues dans l’accord ont un caractère exceptionnel, lié à la politique mise en œuvre dans le cadre du processus de stabilisation et d’association, et ne feront pas, pour l’Union européenne, figure de précédent à l’égard de pays tiers autres que les pays des Balkans occidentaux ») ;

– le renforcement des clauses de sauvegarde dans l’ASA, prévoyant la possibilité pour les Parties de prendre les mesures appropriées en cas de dommages graves causés par l’importation d’un produit ;

– le maintien dans l’ASA du système des prix d’entrée pour les fruits et légumes, sachant que les mesures commerciales exceptionnelles prévoient un dispositif plus favorable, sans prix d’entrée, accordé sur une base unilatérale.

Le régime applicable aux produits textiles et aux produits sidérurgiques est précisé dans des protocoles annexés à l’accord. Le régime applicable aux vins et spiritueux est défini dans le protocole n° 7. Votre Rapporteur signale que la France a obtenu l’adjonction dans ce protocole d’une clause de « phasing out », ou sortie « en sifflet », à propos des marques usurpant des indications géographiques européennes.

Le titre V (articles 47 à 69) porte sur la circulation des travailleurs, le droit d’établissement, la prestation de services et la libre circulation des capitaux. En particulier, l’article 48 prévoit que les États membres doivent préserver et si possible améliorer les possibilités d’accès à l’emploi accordées aux travailleurs bosniens en vertu d’accords bilatéraux, et examiner la possibilité de conclure de tels accords s’ils n’en disposent pas. Par ailleurs, l’ASA ne reconnaît pas de droit d’établissement pour les travailleurs indépendants, mais prévoit que le Conseil de stabilisation et d’association devra revenir sur la question, quatre ans après l’entrée en vigueur de l’accord. Les prestations de services de transport font l’objet de dispositions particulières (article 59). S’agissant enfin des paiements courants et mouvements de capitaux (chapitre IV du titre V), l’accord instaure, à partir de son entrée en vigueur, la libre circulation des investissements directs effectués dans des sociétés, ainsi que des capitaux concernant les crédits liés à des transactions commerciales ou la prestation de services, et des prêts et crédits financiers d’une échéance supérieure à un an (les investissements de portefeuille, emprunts financiers et crédits d’une échéance inférieure à un an étant libéralisés la cinquième année suivant l’entrée en vigueur de l’accord). L’article 62 prévoit qu’à la fin de la cinquième année suivant l’entrée en vigueur de l’accord, le conseil de stabilisation et d’association examine les moyens permettant l’application intégrale de la réglementation communautaire relative à la circulation des capitaux. Des mesures de sauvegarde sont prévues lorsque les mouvements de capitaux causent ou risquent de causer de graves difficultés dans le fonctionnement de la politique des changes ou de la politique monétaire.

Le titre VI (articles 70 à 77) porte sur le rapprochement des dispositions législatives. Il n’est pas demandé à la Bosnie-et-Herzégovine de reprendre l’ensemble de l’acquis communautaire, mais de s’en « rapprocher », en donnant la priorité dans un premier temps aux éléments « fondamentaux » de l’acquis, notamment dans le domaine du marché intérieur et dans d’autres domaines liés au commerce, conformément à un programme qui devra être établi avec la Commission.

Le titre VII (articles 78 à 85) porte sur le domaine de la justice, de la liberté et de la sécurité. Il prévoit la mise en place d’une coopération étroite entre l’Union européenne et la Bosnie-et-Herzégovine dans un grand nombre de secteurs : institutions à tous les niveaux, appareil judiciaire – auquel doit être donnée une importance particulière –, visas, contrôle des frontières, prévention et contrôle de l’immigration clandestine, lutte contre le blanchiment de capitaux, prévention et lutte contre la criminalité et autres activités illégales, lutte contre le terrorisme et lutte contre la drogue.

Le titre VIII (articles 86 à 111) concerne les politiques de coopération visant à promouvoir le développement et la croissance de la Bosnie-et-Herzégovine, par le renforcement des liens économiques avec l’UE, dans des domaines aussi divers que la politique économique et commerciale, la pêche, les douanes, la fiscalité, la coopération sociale, l’éducation et la formation, la culture, l’audiovisuel, la société de l’information, les réseaux et services de communication électronique, les transports, l’énergie, l’environnement, la recherche et le développement technologique, le développement régional et local, et enfin l’administration publique. Une attention particulière devra être donnée aux mesures susceptibles d’encourager la coopération entre la Bosnie-et-Herzégovine et les pays limitrophes.

Le titre IX (articles 112 à 114) concerne la coopération financière : il détaille les aides financières que l’Union européenne peut accorder à la Bosnie-et-Herzégovine, sous forme d’aides non remboursables et de prêts, notamment de la Banque européenne d’investissement.

Le titre X (articles 115 à 135) regroupe les stipulations institutionnelles, générales et finales. Les articles 115 à 121 décrivent les institutions conjointes mises en place par l’accord : le Conseil de stabilisation et d’association, assisté par un comité de stabilisation et d’association, qui peut créer des sous-comités ; la commission parlementaire de stabilisation et d’association, enceinte de rencontre et de dialogue entre les membres du Parlement bosnien et ceux du Parlement européen.

L’accord est conclu pour une durée illimitée. Chacune des Parties peut le dénoncer en notifiant son intention à l’autre Partie et il cesse alors d’être applicable six mois après cette notification. Il entre en vigueur le premier jour du deuxième mois suivant la date à laquelle les Parties se notifient l’accomplissement des procédures d’approbation. Certaines dispositions, notamment celles relatives à la libre circulation des marchandises et celles concernant les transports, sont mises en application avant cette entrée en vigueur par un accord intérimaire entre la Communauté et la Bosnie-et-Herzégovine, ce que prévoit l’article 135. En l’occurrence, il s’agit du 1er juillet 2008.

CONCLUSION

Le Président de la République Nicolas Sarkozy avait fait de l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne un préalable indispensable à tout nouvel élargissement de l’Union européenne. Cette étape franchie, le 1er décembre dernier, les nouvelles institutions de l’Union européenne se mettent en place et nous allons pouvoir envisager plus sereinement l’élargissement de l’Union aux Balkans occidentaux.

Il est indéniable que la perspective d’adhésion de ces États leur a permis de faire des progrès considérables, même si le rythme des réformes est très variable de l’un à l’autre.

Aujourd’hui, la Croatie et l’Ancienne République yougoslave de Macédoine sont officiellement candidats, tandis que trois autres États de la région ont déposé leur candidature : le Monténégro en décembre 2008, l’Albanie en avril 2009 et la Serbie décembre 2009.

Quant à la Bosnie-et-Herzégovine sur le cas de laquelle votre Rapporteur vient de se pencher, comme le soulignait M. Pierre Mirel, directeur à la direction générale de l’Élargissement de la Commission européenne, lors de la table ronde précitée organisée par la commission des Affaires étrangères, elle « ne dispose pas encore d’une souveraineté totale sur son territoire. La Bosnie est encore sous mandat international. L’Union européenne estime donc que sa candidature est prématurée. Par ailleurs, le fonctionnement de l’État n’est pas satisfaisant. Un processus de réformes a été proposé en octobre dernier, par l’UE et les États-Unis, afin de rendre la constitution bosnienne compatible avec la Convention européenne des droits de l’homme et de fermer le bureau du Haut Représentant. Bien que les discussions aient commencé, les conditions ne sont pas encore remplies pour un accord sur ces points. »

C’est parce que l’entrée en vigueur du présent accord de stabilisation et d’association permettra à la Bosnie-et-Herzégovine de se rapprocher plus résolument de l’Union européenne, de ses valeurs et de son espace de solidarité économique et politique, que votre Rapporteur estime urgente la ratification par la France de cet accord, et qu’il vous recommande, en conséquence, l’adoption du présent projet de loi.

Ce faisant, il n’oublie pas que la perspective d’adhésion effective de la Bosnie-et-Herzégovine demeure lointaine et subordonnée à des conditions précises, qu’à l’échelle de l’UE l’unanimité des États membres permettra de faire respecter, tandis qu’en France, la ratification de l’éventuel traité d’adhésion de ce pays à l’Union Européenne se fera, en vertu du nouvel article 88-5 (6) de la Constitution, en principe, par référendum.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission examine le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 23 juin 2010.

Après l’exposé de votre Rapporteur, un débat a lieu.

Mme Chantal Bourragué. Je voterai bien sûr en faveur de la ratification de cet accord. On peut néanmoins être inquiet à voir la carte et le morcellement territorial qu’elle met en évidence. Faire vivre cet État sera difficile, sera-t-il même viable ? Comment peut-il s’affranchir de la tutelle internationale tout en maintenant la paix ? Qu’en est-il de la politique des visas ?

M. Michel Terrot. Quelles sont les entreprises françaises, s’il y en a, qui sont présentes en Bosnie-Herzégovine ?

M. Jean-Louis Christ. La situation tragique de ce pays a été amplement décrite. Un État sous tutelle internationale, une absence de souveraineté qui empêchent une véritable stabilité. Si les efforts de stabilisation aboutissent, quelles sont les perspectives d’un rapprochement de l’Union européenne puis d’une adhésion à l’Union européenne ? À quelle échéance cela se ferait-il ?

M. Hervé de Charette. Je ferai deux observations. Quant à la Bosnie-Herzégovine en premier lieu. Le spectacle de ce pays est navrant et l’on doit porter un jugement sévère, alors qu’on maintient une posture faible en se disant que l’on va dans le bon sens. Je suis allé à Sarajevo. L’organisation des pouvoirs publics, que le rapporteur a évoquée, est du plus haut comique. Tout le monde est présent, rien ne fonctionne ni ne peut fonctionner. C’est à la fois ridicule et tragique, une véritable comédie à la Feydeau ! Il ne faut pas avoir de faiblesse à l’endroit de ce territoire qui n’est pas près de se consolider après les déchirements épouvantables qu’il a connus, et que seule l’intervention de l’Union européenne a permis d’arrêter. Nous allons donc voter, ratifier un texte, montrant une fois de plus la faiblesse du contrôle parlementaire sur la politique étrangère de notre pays car tout est fait d’avance et bien loin, nous le savons, de ce que l’on ferait si nous avions réellement une influence.

En second lieu, j’aborderai la question des Balkans. Il s’agit d’une menace. On a accepté la rebalkanisation des Balkans et l’on va donc accepter de voir adhérer à l’Union européenne, les uns après les autres, ces différents États, de la taille d’un, deux ou trois départements français. Cela va inévitablement déstabiliser l’Europe qui ne fonctionnera définitivement plus. Certes, cela ne sera pas immédiat mais à terme, c’est inévitable. Nous sommes dans un entonnoir, où rien n’est négociable, et nous ne faisons rien pour éviter la catastrophe annoncée. Tout cela alors qu’il faudrait un débat politique au Parlement pour adopter une ligne, tracer des perspectives. Nous allons dans une très mauvaise direction. Nous avons débattu de l’élargissement aux pays de l’Europe centrale et orientale dans de mauvaises conditions en pleine nuit, à la sauvette ! Nous avons élargi l’Union à la Roumanie et à la Bulgarie par faiblesse, sachant parfaitement que ces pays n’étaient pas prêts ! Demain, nous ferons de même avec la Bosnie-Herzégovine. Il nous faut dire ici qu’à la commission des affaires étrangères on a exprimé sur ces questions un point de vue différent.

M. le président Axel Poniatowski. Je partage totalement votre sentiment. Je ne suis pas non plus d’accord pour une entrée prochaine dans l’Union européenne des pays des Balkans, sauf de la Croatie. Votre suggestion d’un débat sur la politique à mener à l’égard des Balkans est une très bonne idée. Il faudra obtenir son inscription à l’ordre du jour parlementaire de la séance publique à la rentrée.

M. Jean-Pierre Dufau. Je partage l’analyse de notre collègue Hervé de Charette. On a évoqué la Croatie ; c’est peut-être la reconnaissance hâtive de l’indépendance de ce pays par l’Allemagne qui a tout déclenché. Depuis, nous menons une fuite en avant inexorable. On ne voit pas de solution alternative, ni de possibilité de reculer, mais on ne sait pas où l’on va. Je recevais récemment une délégation serbe, et je suis allé au Kosovo ; tous ces points ont été abordés.

Toutefois, même si nous ne savons pas où nous allons, nous n’avons pas d’autre solution que la stabilisation. La mémoire de ces lieux est pesante, et la reconnaissance par la Serbie du massacre de Srebrenica l’a rappelé.

La meilleure issue pour la région est de faciliter le jeu du marché, qui permet de mettre de côté les problèmes ethniques et religieux. Sur le religieux, je reste sceptique.

Par ailleurs, je pense qu’il ne faut pas présenter ces accords de stabilisation et d’association comme une étape menant nécessairement vers l’adhésion. Il faudra avoir le courage de se poser cette question, et refonder l’Union européenne sur d’autres bases.

Il faut voir la question balkanique de manière globale, en essayant d’obtenir des résultats. Nous voterons donc sans enthousiasme en faveur de ce projet de loi. La création d’une mission de suivi d’information sur les Balkans que nous souhaitons depuis longtemps serait très utile et un préalable important au débat nécessaire que nous devons avoir sur la région.

M. Jacques Remiller. Le rapporteur a parlé d’intérêt et de devoir, je parlerais également de chance nouvelle. J’ai été observateur électoral en Bosnie-Herzégovine et j’ai été frappé par ce que j’ai vu.

Il existe de facto deux États, deux Républiques, les populations sont séparées. Au-delà des 40 % de chômage, il y a également une totale séparation des marchés du travail. En quoi cet accord va-t-il rapprocher les peuples et favoriser l’intégration des deux Républiques en un seul État ?

M. Loïc Bouvard, rapporteur. Les investissements français en Bosnie sont très faibles. La France est le 11client et le 13fournisseur de ce pays, et sa part de marché est inférieure à 2 %. Les entreprises françaises sont présentes, mais sans investissement de réelle envergure. Les relations économiques bilatérales sont donc très modestes.

La Bosnie est-elle un État viable ? Il faut revenir au passé tragique, que reflète bien l’horreur de Srebrenica. J’ai vu les maisons détruites, près de Sarajevo, le long de la route menant à Pale, celles détruites par les Serbes, les autres par les Croates.

Aujourd’hui, la situation prévalant entre les communautés n’est guère meilleure. On a essayé de prendre les moins mauvaises décisions. La solution proposée par l’Union européenne n’est pas entièrement satisfaisante, puisqu’on constate la coexistence entre plusieurs Républiques au sein desquelles cohabitent plusieurs minorités. Hervé de Charette a raison de parler d’une situation qui frise le ridicule, mais que faire ?

La solution proposée a le mérite d’exister. Songez à ce qui se passe en Belgique : c’est encore pire dans cette région des Balkans ! On ne peut pas forcer des gens qui ne veulent pas vivre ensemble à le faire ! Ce pays est, en l’état actuel des choses, ingouvernable.

Je souscris à la demande d’une mission d’information sur la région des Balkans, porteuse de nombreuses incertitudes. La « balkanisation des Balkans » est une vraie question : accepterons-nous un commissaire kosovar à Bruxelles ? Pour ma part, cette perspective me fait dresser les cheveux sur la tête !

Même si la situation n’est pas bonne, je ne vois pas que faire d’autre. Si l’on sépare toutes les populations, cela donnerait naissance à des États peu viables. C’est pourquoi je propose d’adopter ce projet de loi.

*

* *

La Commission vous demande donc d’adopter, dans les conditions prévues à l’article 128 du Règlement, le présent projet de loi dans le texte figurant en annexe du présent rapport.

ANNEXE : ÉTAT DES RATIFICATIONS DE L’ACCORD DE STABILISATION ET D’ASSOCIATION

L’ASA n’entrera en vigueur qu’après ratification par l’ensemble des États membres. Il a été signé le 16 juin 2008 à Luxembourg et a été ratifié à ce stade par 22 États membres (7). En voici la liste, par ordre chronologique de ratification :

Estonie (11 septembre 2008)

Hongrie (22 octobre 2008)

Slovénie (10 mars 2009)

Bulgarie (13 mars 2009)

Slovaquie (17 mars 2009)

Finlande (7 avril 2009)

Lituanie (4 mai 2009)

Danemark (26 mai 2009)

Irlande (4 juin 2009)

Portugal (29 juin 2009)

Chypre (2 juillet 2009)

République tchèque (23 juillet 2009)

Allemagne (14 août 2009)

Autriche (4 septembre 2009)

Suède (14 septembre 2009)

Pays-Bas (30 septembre 2009)

Lettonie (12 novembre 2009)

Malte (7 janvier 2010)

Roumanie (8 janvier 2010)

Belgique (29 mars 2010)

Pologne (7 avril 2010)

Royaume-Uni (20 avril 2010).

La Bosnie-et-Herzégovine a, pour sa part, ratifié l’accord le 26 février 2009.

ANNEXE

TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée la ratification de l’accord de stabilisation et d’association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et la Bosnie-et-Herzégovine, d’autre part (ensemble sept annexes et sept protocoles), signé à Luxembourg le 16 juin 2008, et dont le texte est annexé à la présente loi.

NB : Le texte de l’accord figure en annexe au projet de loi (n° 2146).

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