N° 2705 - Rapport de M. Jacques Remiller sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre la France et le Grand-Duché de Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (n°2336)




N
° 2705

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 6 juillet 2010.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI n° 2336, autorisant l’approbation de l’avenant à la convention entre la France et le Grand-Duché de Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d’assistance administrative et juridique réciproque en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune,

par M.  Jacques REMILLER

Député

___

ET

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

A – LE POIDS DES ACTIVITÉS FINANCIÈRES DANS L’ÉCONOMIE LUXEMBOURGEOISE 7

B – UNE PRÉSENCE FRANÇAISE FORTE 8

II – UN AVENANT POUR LUTTER CONTRE L’ÉVASION FISCALE 9

A – LE SECRET BANCAIRE, OBSTACLE À L’ÉCHANGE DE RENSEIGNEMENTS EN MATIÈRE FISCALE 9

B – UN AVENANT POUR RENDRE EFFECTIF CET ÉCHANGE 10

CONCLUSION 13

EXAMEN EN COMMISSION 15

ANNEXES 19

_____

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 21

Mesdames, Messieurs,

La commission des affaires étrangères est saisie du troisième avenant à la convention du 1er avril 1958 entre la France et le Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d’assistance administrative et juridique réciproque en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune.

Le précédent avenant, examiné par la Commission le 11 décembre 2007, mettait fin à une divergence d’interprétation quant au lieu d’imposition des revenus et plus-values en matière immobilière. Celui-ci vient compléter la liste des nombreux accords que la France a signés récemment en matière d’échange de renseignements fiscaux.

Comme je l’indiquais dans mon rapport sur l’échange de renseignements en matière fiscale avec le Liechtenstein (1), « conscients de la nécessité de réduire le phénomène de l’évasion fiscale, et confrontés à une situation difficile de leurs comptes publics, les dirigeants des grandes puissances économiques ont considérablement accru la pression exercée sur les paradis fiscaux. Des résultats ont déjà été obtenus. Les paradis fiscaux identifiés depuis longtemps, et dont la liste a été réactualisée en 2009 sous le vocable de territoires et Etats non coopératifs, ont tous reconnu et accepté l’application de règles internationales standard, fixées par l’OCDE et désormais défendues par l’organisation des Nations Unies. Ces entités jugées non coopératives se sont engagées à conclure de multiples conventions bilatérales afin de mettre en application effective ces standards de la manière la plus large possible. ».

L’avenant à la convention franco-luxembourgeoise, signé le 3 juin 2009, répond donc à cette préoccupation de transparence fiscale en interdisant notamment au Luxembourg d’opposer le secret bancaire à une demande de renseignements.

Il s’agit là d’une évolution remarquable pour un pays dont l’économie repose très largement sur les activités financières et pour lequel le secret bancaire faisait figure d’institution. La qualité des relations franco-luxembourgeoises ainsi que la pression internationale ont probablement encouragé les autorités du Grand-Duché à se conformer aux standards internationaux.

I – LE LUXEMBOURG, PLACE FINANCIÈRE ET FRONTALIÈRE

Pays le plus riche de l’Union européenne, le Luxembourg a subi de plein fouet la crise en raison du poids du secteur financier dans son économie. Si le Grand-Duché cherche aujourd’hui à diversifier ses activités économiques, il demeure une place financière de premier ordre dans laquelle la France est fortement présente. La situation géographique du Luxembourg dont témoigne la présence de nombreux travailleurs frontaliers en fait un partenaire économique et politique naturel pour la France depuis de longues années.

A – Le poids des activités financières dans l’économie luxembourgeoise

En 2008, les activités financières ont contribué au PIB luxembourgeois pour 27,4 %. Sur les 86,4 milliards d’euros de production totale luxembourgeoise, près des deux tiers (54,7 milliards d’euros) proviennent des activités financières en 2008.

Durant cette même année, les taxes sur les sociétés financières ont rapporté plus de 560 millions d’euros à l’Etat luxembourgeois concentrant 12 % des recettes fiscales totales du pays. En décembre 2008, ce secteur représentait 40 800 emplois, soit 11,5% de l’emploi total grand-ducal.

Avec plus de 49 000 lignes de cotation en 2008 à la Bourse du Luxembourg, la ville est la 8ème place financière du monde.

Grâce à sa solide réputation internationale en matière de savoir-faire et de fiabilité dans le domaine de l’administration et de la gestion de fonds d’investissement – le premier fonds de cette nature a été créé dès 1959 –, le Luxembourg occupe le second rang mondial après les Etats-Unis en termes d’actifs sous gestion auprès de fonds.

En février 2010, le Luxembourg comptait 150 établissements de crédit, spécialisés dans le private banking (gestion de fortune pour une clientèle privée), l’assurance (notamment l’assurance vie), les fonctions de banque dépositaire pour fonds d’investissement et d’administration de fonds, ainsi que dans la distribution de parts de fonds d’investissement. Le bilan de ces établissements fait apparaître pour 2009 des actifs s’élevant à 797,5 milliards d’euros (2).

B – Une présence française forte

Quinze banques d’origine française sont établies au Luxembourg. BNP Paribas est d’ailleurs l’un des 20 principaux employeurs du pays et le premier employeur français au Grand-Duché. Les banques et compagnies d’assurance françaises implantées au Luxembourg contribuent fortement au dynamisme de sa place financière avec des investissement directs étrangers (IDE) financiers nets qui s’établissaient autour de 11,3 milliards d’euros en 2008, soit plus d’un cinquième des 50,6 milliards d’euros d’IDE totaux détenus par la France au Luxembourg.

STOCKS NETS D’IDE FINANCIERS FRANÇAIS EN BELGIQUE

EN 2008

en millions d’€

Intermédiation financière hors assurance

8 984

Intermédiation monétaire

6 990

Autre intermédiation financière

1 994

Holdings financiers

253

Assurance

1 373

Auxiliaires financiers

954

INTERMEDIATION FINANCIERE

11 311

Source : Banque de France

La centaine d’entreprises françaises installées au Luxembourg emploient environ 10 000 salariés. Un tiers d’entre elles appartient au secteur financier tandis que le secteur des services est également bien représenté. Il s’agit notamment des services informatiques ainsi que de l’hôtellerie et du tourisme.

En outre, la France est le deuxième client et le troisième fournisseur du Grand-Duché avec des exportations luxembourgeoises qui se sont élevées à 1,581 milliards d’euros en 2009 et des importations en provenance de la France d’un montant de 1,566 milliards.

Selon les informations publiées par la Maison des Français de l’étranger, 68 000 frontaliers français viennent travailler chaque jour au Luxembourg, représentant la plus forte communauté étrangère. Par ailleurs, environ 22 000 Français sont inscrits comme résidents au Luxembourg. Au regard des déclarations de revenus déposées chaque année, il est possible d’estimer à un peu plus de 2 260 le nombre de foyers fiscaux résidents du Luxembourg qui déclarent des revenus imposables en France ou des avoirs qui y sont détenus.

II – UN AVENANT POUR LUTTER CONTRE L’ÉVASION FISCALE

En raison de la fiscalité avantageuse (3) et du secret bancaire qui y était garanti, les risques d’évasion fiscale au Luxembourg, prenant la forme de domiciliation fictive ou de revenus non déclarés localisés dans cet Etat, étaient avérés.

Au terme de négociations rapides – elles ont débuté en février pour s’achever en juin 2009 –, le Luxembourg a accepté de faire un pas en faveur de la transparence fiscale en acceptant de signer l’avenant du 3 juin 2009 qui permet désormais l’échange de renseignements en matière fiscale sans que le secret bancaire puisse être opposé à une demande en ce sens.

Sous la pression internationale, le Luxembourg a en effet accepté de mettre en œuvre les standards internationaux en matière de transparence et d’échange d’informations fiscales. Avec la signature effective de plus de 12 conventions en la matière, le Luxembourg a rejoint la liste blanche de l’OCDE.

A – Le secret bancaire, obstacle à l’échange de renseignements en matière fiscale

« Les pratiques en matière de secret bancaire, et les restrictions en matière d’échange de renseignements prévues par la convention actuelle renforçaient l’attractivité de ce territoire dès lors qu’il était impossible pour l’administration d’obtenir des renseignements de nature à mener à bien des opérations de contrôle fiscal et de s’assurer du bien-fondé des bases d’imposition », telle était la situation qui prévalait d’après les informations recueillies par votre Rapporteur dans les relations fiscales entre la France et le Luxembourg.

Depuis 2007, la France a ainsi adressé 337 demandes de renseignements au Luxembourg (98 en 2007, 95 en 2008 et 144 en 2009). Avec un délai de réponse en moyenne supérieur à 200 jours, et des renseignements limités à ceux dont les autorités avaient habituellement ou normalement la disposition dans le cadre de l’activité administrative normale, la satisfaction des demandes de renseignement était très partielle. Le secret bancaire constituait un obstacle supplémentaire.

Le secret bancaire, prévu à l’article 41 de la loi du 5 avril 1993 sur le secteur financier, couvre tous les renseignements confiés aux professionnels dans le cadre de leur activité : non seulement le banquier est tenu à l’égard de son client de conserver les informations dont il a eu connaissance, mais il demeure aussi tenu au secret en cas de rupture des relations contractuelles avec celui-ci, ou encore à l’égard d’individus rencontrés dans le domaine des relations privées. L’article 458 du code pénal luxembourgeois punit la violation de tout secret professionnel d’un emprisonnement de six mois et d’une amende de 5 000 euros. Le secret bancaire est opposable à l’administration fiscale qui n’est pas autorisée à exiger des établissements financiers des renseignements individuels sur leurs clients sauf en cas d’escroquerie fiscale (4).

En outre, le Luxembourg faisait partie des trois États membres de l’Union européenne – avec l’Autriche et la Belgique – qui avaient été autorisés à appliquer un régime dérogatoire au mécanisme d’échange automatique d’informations prévu par la directive du 3 juin 2003 relative à l’harmonisation de la fiscalité de l’épargne (5).

Ces trois États sont donc dispensés de cette obligation d’échange automatique mais ils doivent, en contrepartie, verser chaque année aux autres États membres une somme correspondant à une retenue à la source appliquée aux produits d’épargne qui entrent dans le champ de la directive. Le taux de cette retenue, de 15 % initialement, est passé à 20 % au 1er juillet 2008 et sera portée à 35 % à compter du 1er juillet 2011.

Enfin, depuis une décision du Conseil d’Etat luxembourgeois de 1951, un traité international incorporé dans la législation interne par une loi approbative l’emporte sur la loi nationale. Cette jurisprudence a donc ouvert la voie à l’avenant dont la Commission est saisie et qui met fin à l’opposabilité du secret bancaire.

B – Un avenant pour rendre effectif cet échange

Avant d’étudier le texte de l’avenant qui est soumis à la commission des affaires étrangères, on peut s’interroger sur son faible degré de précision en comparaison des accords d’échange de renseignements en matière fiscale que cette dernière a eu l’occasion d’examiner récemment.

Le caractère plus détaillé des accords d’échange de renseignements s’explique par le fait que, contrairement aux avenants, ils ne s’inscrivent pas dans un cadre conventionnel préexistant. De ce fait, certains articles, indispensables dans le cadre des accords d’échange de renseignements, ne sont pas nécessaires dans le texte de l’avenant, dès lors que leurs stipulations, ayant vocation à être intégrées à la convention qu’il modifie, feraient double emploi avec les articles existants. Tel est le cas par exemple des articles relatifs à l’objet et au champ d’application, aux impôts visés, aux définitions ou encore à la procédure amiable.

Selon les informations recueillies par votre rapporteur, « les normes de transparence et d’échange de renseignements et le degré de contrainte qui y est associé sont donc équivalents, que le vecteur utilisé repose sur un accord d’échange de renseignements ou sur un avenant à une convention fiscale. »

L’avenant, signé le 3 juin 2009, se compose de deux articles dont le contenu est quasiment identique à celui des autres avenants à des conventions fiscales étudiés par la Commission lors de sa séance du 30 juin :

– le premier article propose une nouvelle rédaction de l’article 22 de la convention de 1958. Celle-ci reprend le texte de l’article 26 du modèle de convention de l’OCDE.

Article 22 de la convention du 1er avril 1958

1. Les autorités compétentes des deux Etats pourront, soit d'office, soit sur demande, échanger, sous condition de réciprocité, les renseignements que les législations fiscales des deux Etats permettent d'obtenir, dans le cadre de la pratique administrative normale, nécessaires pour une application régulière de la présente Convention. Tout renseignement échangé de cette manière doit être tenu secret et ne peut être révélé qu'aux personnes qui s'occupent de la perception des impôts auxquels se rapporte la présente Convention. Il ne pourra pas être échangé de renseignements qui dévoileraient un secret commercial, bancaire, industriel ou professionnel ou un procédé commercial.

2. Les dispositions du présent article ne peuvent en aucun cas être interprétées comme imposant à l'un des Etats contractants l'obligation de prendre des mesures administratives dérogeant à sa propre réglementation ou à sa pratique administrative, ou contraires à sa souveraineté, à sa sécurité, à ses intérêts généraux ou à l'ordre public, ou de transmettre des indications qui ne peuvent être obtenues sur la base de sa propre législation et de celle de l'Etat qui les demande.

En vertu de l’article 22 actuel, l’échange était limité aux renseignements « nécessaires pour une application régulière » de la convention.

Le dispositif d'échange de renseignements prévu par l’avenant a un champ d'application plus étendu que celui de la convention en termes de personnes ou d'impôts visés. Toutefois, cet outil ne doit pas être utilisé par un Etat afin d’asseoir des impositions contraires à cette convention. A titre d’exemple, est ainsi visée une imposition qui ne respecterait pas le principe de non discrimination énoncé par la convention (article 21 de la convention de 1958).

Le texte permet de s’assurer que les demandes de renseignements effectuées en application de ce nouvel article pourront porter sur les « impôts de toute nature » y compris ceux qui sont levés par les structures administratives ou les niveaux de décentralisation de l'Etat pour le compte de ce dernier. La France peut ainsi demander des renseignements aux autorités luxembourgeoises pour l’application de tous les impôts français, notamment des impôts locaux.

Le nouvel article prévoit une obligation de confidentialité et encadre l’utilisation des informations recueillies dans le cadre de l’échange. Celle-ci est limitée à l’établissement et au recouvrement des impôts, aux procédures et poursuites concernant ces impôts ainsi qu’aux décisions sur les recours dont elles font l’objet et enfin au contrôle de l’ensemble de la procédure.

Le 3. de l’article 22 réécrit prévoit que l’échange de renseignements défini dans les paragraphes 1 et 2 ne peut contraindre un Etat partie ni à prendre des mesures administratives dérogeant à sa législation ou à sa pratique administrative ou à celle de l’autre partie (a) ; ni à fournir des renseignements qui ne pourraient être obtenus sur la base de sa législation ou dans le cadre de sa pratique administrative normale ou de celle de l’autre Etat partie (b) ; ni à fournir des renseignements qui révèleraient un secret commercial, industriel, professionnel ou un procédé commercial ou des renseignements dont la communication serait contraire à l’ordre public (c).

Alors que les dérogations à l’obligation d’échange d’informations prévues par le 3. semblent très larges, les 4. et 5. du nouvel article 22 encadrent précisément la possibilité pour un Etat de refuser de se soumettre à celle-ci. Ainsi, un Etat partie ne peut refuser de communiquer des renseignements uniquement parce que ceux-ci ne présentent pas d’intérêt pour lui dans le cadre national (4.) ou parce qu’ils sont détenus par une banque, un autre établissement financier, un mandataire ou une personne agissant en tant qu’agent ou fiduciaire ou parce que ces renseignements se rattachent aux droits de propriété d’une personne (5.). Le principal intérêt de ces nouvelles dispositions réside donc dans l’impossibilité désormais d’opposer le secret bancaire à une demande de renseignements ;

– le second article porte sur l’entrée en vigueur de l’avenant.

De manière classique, celui-ci entrera en vigueur le jour de la réception de la dernière notification par un État contractant à l’autre État contractant de l’accomplissement de ses procédures de ratification.

Toutefois, à la demande de la France, les autorités luxembourgeoises ont accepté le principe que des demandes de renseignements fondées sur ce nouvel article 22 puissent concerner des revenus afférents à toute année civile ou exercice commençant à compter du 1er janvier de l’année qui suit immédiatement la date de signature de l’avenant.

CONCLUSION

Cet avenant participe du dispositif mis en place par la France pour lutter contre la fraude fiscale. Comme les accords précédemment examinés par la commission des affaires étrangères, il constitue un premier pas qui mérite d’être soutenu.

Alors que l’avenant a été ratifié par le Parlement luxembourgeois par une loi du 31 mars 2010, votre rapporteur vous recommande d’adopter le présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission examine le présent projet de loi au cours de sa réunion du 6 juillet 2010.

Après l’exposé du Rapporteur, un débat a lieu.

M. Jean-Paul Dupré. Quel est le risque que les stipulations du présent accord en restent au niveau théorique ? Les services fiscaux luxembourgeois ne sont pas réputés pour leur fiabilité en matière de partage d’informations. Est-ce le cas ?

M. Jacques Remiller, rapporteur. Il était effectivement très difficile d’obtenir des renseignements, les services fiscaux luxembourgeois étant peu diligents et contraints par le secret bancaire.

Mais le principal intérêt de cet accord réside dans les nouvelles stipulations qu’il introduit dans la convention fiscale, rendant impossible d’opposer le secret bancaire à des demandes d’informations fiscales.

M. Jean-Claude Guibal. L’article de la convention qui prévoit l’impossibilité d’opposer le secret bancaire à des demandes de renseignements fiscaux aura-t-il des conséquences ? Permettra-t-il d’obtenir des informations ? Comment un pays aussi dépendant de ses ressources financières comme le Luxembourg pourra-t-il menacer son fonds de commerce ?

M. Jacques Remiller, rapporteur. Pour preuve de sa bonne foi, le parlement luxembourgeois a ratifié cet accord en mars 2010. Mais il est certain qu’il est difficile, pour ce pays, de passer à une culture de l’échange d’informations. Désormais, on peut espérer qu’il y aura une réelle volonté de transmettre les renseignements demandés.

M. Jean-Claude Guibal. Vous y croyez ?

M. Jacques Remiller, rapporteur. J’y crois. Je connais le Luxembourg, et la pression internationale est actuellement si forte que ce pays sera de toutes façons obligé d’agir pour améliorer son image à l’international.

M. Robert Lecou. Ne boudons pas notre plaisir ! On assiste à une évolution très favorable en matière de lutte contre l’évasion fiscale. A ce sujet, le G20 a-t-il permis d’obtenir des résultats concrets dans ce domaine ?

M. Jacques Remiller, rapporteur. Le Luxembourg est un des principaux paradis fiscaux européens. C’est à la demande de la France, et grâce à son activité au sein du G20, que la pression de tous nos partenaires a pu s’exercer et conduire le Luxembourg à signer de tels accords.

M. Robert Lecou. On parle donc, enfin, de concret !

M. Jacques Remiller, rapporteur. Nous parlons effectivement des résultats concrets de la politique étrangère, fiscale, financière de la France. C’est un élément de progrès concret, qui diffère des discussions qui occupent malheureusement le devant de la scène politique en ce moment.

M. Jean-Paul Lecoq. Dans cet accord, comme souvent, le diable se cache dans les détails. Pourquoi le texte réserve-t-il l’obligation d’échange de renseignements à ceux vraisemblablement pertinents pour la mise en œuvre de la législation fiscale ? Que signifie cette expression en langage « luxembourgeois » ? Par ailleurs, pourquoi est-il dit, au paragraphe trois de l’article unique, que « les dispositions des paragraphes 1 et 2 ne peuvent en aucun cas être interprétées comme imposant à un Etat contractant l’obligation de prendre des mesures administratives dérogeant à sa législation et à sa pratique administrative ou à celle de l’autre Etat contractant ou de fournir des renseignements qui ne pourraient être obtenus sur la base de sa législation ou dans le cadre de sa pratique administrative normale ou de celles de l’autre Etat contractant » ? Quelle évolution du droit luxembourgeois permettrait-elle de refuser les informations demandées par la France ?

M. Jacques Remiller, rapporteur. La notion de renseignements « vraisemblablement pertinents » figure dans tous les accords d’échange de renseignements fiscaux, c’est une formule d’usage, pour faire référence à tout élément utile à la recherche. Concernant l’autre remarque, il faut lire ce paragraphe 3 en lien avec le paragraphe 5 de l’article, qui indique « En aucun cas les dispositions du paragraphe 3 ne peuvent être interprétées comme permettant à un Etat contractant de refuser de communiquer des renseignements uniquement parce que ceux-ci sont détenus par une banque, un autre établissement financier, un mandataire ou une personne agissant en tant qu’agent ou fiduciaire ou parce que ces renseignements se rattachent aux droits de propriété d’une personne. ».

M. Jean-Paul Lecoq. Existent-il d’autres éléments que le secret bancaire qui nuisent aux échanges d’information entre la France et le Luxembourg dans le domaine fiscal ?

M. Jacques Remiller, rapporteur. Nous verrons au fur et à mesure de l’application de cet avenant quels obstacles pourraient se dresser devant l’engagement de bonne coopération en matière d’échange de renseignements fiscaux pris par les deux parties à l’accord.

Si l’une des parties, notamment la France, devait constater que des difficultés importantes subsistent, nous pouvons suspendre l’application de l’accord.

Suivant les conclusions du Rapporteur, la Commission adopte sans modification le projet de loi (no 2336).

*

* *

La Commission vous demande donc d’adopter, dans les conditions prévues à l’article 128 du Règlement, le présent projet de loi dans le texte figurant en annexe du présent rapport.

ANNEXES

Bilan agrégé des établissements de crédits luxembourgeois fin décembre 2009

(en milliards d’euros)

Actif

Passif

Créances

562,5

Dettes

-Etablissements de crédits

-Administrations publiques

-Dépôts à vue

-Dépôts à terme

-Dépôts avec préavis

-Pensions

637,2

370,6

6,0

118,0

113,0

24,0

5,6

Portefeuille de titres autres que des actions

194,0

Titres de créances émis

81,9

Portefeuille d’actions

7,7

Capital et éléments assimilables

21,1

Portefeuille de participations

11,6

Réserves

22,7

Actifs immobilisés

2,7

Provisions

3,5

Autres actifs

17,5

Autres passifs

31,0

Total : 797,5

Source : Banque Centrale du Luxembourg

La fiscalité au Luxembourg

   

Résidents

 

Sociétés

Taux

 

De 0 à 15 000 € : 20 %

Au delà de 15 000 € : 21 %

S'ajoute une surtaxe de 4 % pour fonds de chômage

   

Dividendes

Exonération (P> 10 % ou valeur > 1,2M€)

   

Plus-values

Exonération (P> 10 % ou valeur > 6M€)

Personnes physiques

Revenus du capital

Dividendes

RAS de 15 %. Imposition à l'IR après abattement de 50 %.Crédit d’impôt sur l'IR au titre de la RAS.

   

Intérêts

RAS libératoire de 10 %.

   

Plus-values

Exonération (en général)

 

Revenu imposable

 

Barème progressif d'IR

0 % (<11 265 €) et 38 % (>39 886 €)

S'ajoute une surtaxe de 2,5 % pour fonds de chômage

   

Non résidents

 
 

Dividendes

 

0 % - 15 %

 

Intérêts

 

0 %

 

Redevances

 

0 %

Impôt sur la fortune

   

Non (supprimé au 1er janvier 2006)

ANNEXE

TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation de l’avenant à la convention entre la France et le Grand-Duché de Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d’assistance administrative et juridique réciproque en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune, signée à Paris le 1er avril 1958, modifiée par un avenant signé à Paris le 8 septembre 1970 et par un avenant signé à Luxembourg le 24 novembre 2006, signé à Paris le 3 juin 2009, et dont le texte est annexé à la présente loi.

NB : Le texte de l’avenant figure en annexe au projet de loi (n° 2336).

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