N° 2843 - Rapport de M. Gaëtan Gorce sur la proposition de loi organique de MM. Jean-Marc Ayrault, Gaëtan Gorce et Christian Eckert et les membres du groupe Socialiste, radical, citoyen et divers gauche et apparentés pour une République décente (2775)



N° 2842 et N° 2843

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 6 octobre 2010.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LA PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE (N° 2774) ET SUR LA PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE (N° 2775) DE M. JEAN-MARC AYRAULT ET LES MEMBRES DU GROUPE SOCIALISTE, RADICAL, CITOYEN ET DIVERS GAUCHE ET APPARENTÉS, pour une République décente,

PAR M. Gaëtan GORCE,

Député.

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INTRODUCTION 5

I.– RENFORCER LES INCOMPATIBILITÉS APPLICABLES AUX MINISTRES POUR PRÉVENIR LES CONFLITS D’INTÉRÊTS 6

1. Des règles nécessaires pour prévenir les conflits d’intérêts 7

2. Une liste d’incompatibilités qui devrait être complétée 8

3. Un mode de sanction qui pourrait être amélioré 10

II.– ENGAGER UNE RÉFLEXION SUR LES AUTRES MOYENS DE PRÉVENIR LES CONFLITS D’INTÉRÊTS 11

1. Les incompatibilités ne suffisent pas à prévenir tous les conflits d’intérêts 11

2. D’autres types de règles existent qui doivent être renforcées 12

a. La sanction pénale de la prise illégale d’intérêts 12

b. La déclaration de patrimoine auprès de la commission pour la transparence financière de la vie politique 12

3. Réfléchir à de nouveaux outils pour prévenir les conflits d’intérêts 14

a. Les codes de bonne conduite 14

b. Les déclarations d’intérêts 14

EXAMEN EN COMMISSION 17

PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE 23

Article unique (article 23 de la Constitution) : Augmentation du nombre d’incompatibilités applicables aux ministres 23

PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE 27

Article 1er(article 8 [nouveau] de l’ordonnance n° 58-1099 du 17 novembre 1958 portant loi organique pour l’application de l’article 23 de la Constitution) : Interdiction, pour les ministres, de prendre des intérêts de nature à compromettre leur indépendance 27

Article 2 (article 9 [nouveau] de l’ordonnance n° 58-1099 du 17 novembre 1958 portant loi organique pour l’application de l’article 23 de la Constitution) : Incompatibilité des fonctions ministérielles avec certaines fonctions au sein d’associations, de fondations et d’autres organismes 30

TABLEAU COMPARATIF (proposition de loi constitutionnelle) 33

TABLEAU COMPARATIF (proposition de loi organique) 35

ANNEXE AU TABLEAU COMPARATIF (proposition de loi organique) 37

AMENDEMENT EXAMINÉ PAR LA COMMISSION (proposition de loi constitutionnelle) 41

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION (proposition de loi organique) 43

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR 45

MESDAMES, MESSIEURS,

La République doit être fondée sur des règles claires et celles-ci doivent garantir, dans la limite de l’humainement possible, l’irréprochabilité du comportement de celles et de ceux qui ont l’honneur de la servir.

Le droit ne saurait certes se substituer à l’éthique et il ne peut constituer qu’un palliatif, un outil préventif dont la nécessité, face à certains relâchements, se fait aujourd’hui sentir. Plus que la faute elle-même, la suspicion, comme la rumeur, sont délétères. Aussi le législateur doit-il tout mettre en œuvre pour limiter les situations dans lesquelles le doute lié au cumul d’activités pourrait s’insinuer.

Comme l’a rappelé lors de son audition, Mme Anne Levade, le droit ne peut suffire à empêcher les dérives : il n’apporte pas la pleine garantie que l’éthique soit respectée. Il ne fait cependant aucun doute que certaines tolérances ou vacances du droit risquent de faciliter des conflits d’intérêts que l’opinion, confrontée qui plus est à une grave crise sociale et morale, ne peut que juger sévèrement.

La notion de conflit d’intérêts reflète une réalité complexe, que le droit peine souvent à appréhender. Si certains d’entre eux sont évidents, ouvrant la porte à une réglementation, d’autres semblent spécifiques à une situation déterminée. En tout état de cause, il semble difficile de concilier les deux exigences inhérentes à la lutte contre les conflits d’intérêts : les définir de manière suffisamment précise pour pouvoir les identifier, tout en ne restreignant pas excessivement leur champ, sans quoi la plasticité inhérente à la vie en société rendrait cette définition inopérante.

À vrai dire, la prévention des conflits d’intérêts, qu’ils concernent les membres de l’exécutif, les parlementaires ou les hauts dirigeants publics, a longtemps reposé sur la déontologie et l’éthique nourries d’une certaine culture politique. À titre d’exemple, il n’existe aucune disposition constitutionnelle prévoyant que le Président de la République ne peut pas exercer d’autres mandats ou d’autres activités pendant sa fonction. Le constituant a cependant tenté d’éviter les cas de conflits d’intérêts les plus flagrants en créant le mécanisme des incompatibilités, qui interdisent le cumul entre certains mandats, fonctions et activités. Les ministres sont soumis à ce régime par l’article 23 de la Constitution et les membres du Parlement, par l’article 27. À ces règles préventives, se sont ajoutées des dispositions pénales, qui visent à sanctionner la prise illégale d’intérêts. Enfin, les règles encadrant le financement des partis politiques et des campagnes électorales, ainsi que celles qui instituent des déclarations de patrimoine pour les principaux élus et responsables publics, ont un rôle préventif incontestable.

Pour autant, l’esprit qui avait présidé à la création de nos institutions et qui rendait évidents un certain nombre de principes s’est malheureusement essoufflé. En invoquant la légalité de certains cumuls de fonctions, on semble oublier que s’ils ne sont pas interdits, c’est parce qu’une pratique constante les rendait impossibles. Il n’aurait ainsi pas été possible jusqu’à récemment, de cumuler les fonctions de ministre du Budget et de trésorier d’un grand parti politique ou de ministre et de principal dirigeant du parti majoritaire. Ces règles qui étaient implicites doivent désormais être écrites. Dans le même esprit, il est nécessaire de prendre en compte l’évolution des réalités politiques pour les compléter. On ne peut plus raisonnablement aujourd’hui considérer comme normal le cumul d’un portefeuille ministériel avec un mandat exécutif territorial.

Alors que dans d’autres pays européens, les règles d’incompatibilités ont été complétées par des codes de bonne conduite destinés à expliciter l’ensemble des règles éthiques entourant l’exercice de hautes fonctions publiques, tel n’a pas été le cas en France. Ces codes prévoient souvent la production systématique de déclarations d’intérêts. De telles pratiques gagneraient à être examinées non pas en vue de remplacer notre système d’incompatibilité, qu’il faudrait plutôt renforcer, mais pour aboutir à un système de prévention et de sanction global des conflits d’intérêts qui associerait incompatibilités, code de bonne conduite, déclarations d’intérêts et sanctions pénales.

Au-delà du thème des incompatibilités ministérielles, qui demeure une garantie essentielle de l’indépendance des ministres, ce rapport se veut donc une première contribution du Parlement au débat qui s’engage sur la lutte contre les conflits d’intérêts, via la commission de réflexion instituée à cet effet par le Président de la République, « chargée de faire toute proposition pour prévenir ou régler les situations de conflit d’intérêts dans lesquelles peuvent se trouver les membres du Gouvernement, les responsables des établissements publics et entreprises publiques, ainsi que, le cas échéant, les autres agents publics dont la nature particulière des missions le justifierait » (1). Cette dernière devrait rendre ses conclusions en décembre 2012.

I.– RENFORCER LES INCOMPATIBILITÉS APPLICABLES AUX MINISTRES POUR PRÉVENIR LES CONFLITS D’INTÉRÊTS

Les incompatibilités applicables aux ministres ont été, dès l’origine de la Vème République, le moyen privilégié pour prévenir les conflits d’intérêts. Face aux nouvelles pratiques institutionnelles qui portent atteinte à l’impartialité de l’État, il est nécessaire d’en préciser les contours.

Si les incompatibilités ne sauraient empêcher tous les types de conflits d’intérêts, elles permettent de prévenir les principaux d’entre eux. En effet, il est interdit, sur le fondement de l’article 23 de la Constitution, à un membre du Gouvernement, d’exercer une fonction de représentation professionnelle à caractère national ainsi que tout emploi public ou toute activité privée. Il faut préciser que cette dernière notion est interprétée de manière particulièrement stricte par le secrétariat général du Gouvernement, qui a, comme on le verra, la mission de faire respecter ces incompatibilités. Dès lors, la présidence d’une société d’économie mixte ou d’un établissement public industriel et commercial sont considérées comme une activité professionnelle.

Le constituant a jugé que les risques de conflits d’intérêts étaient à ce point inhérents à l’exercice conjoint de ces fonctions qu’il était préférable de les prévenir en instaurant une incompatibilité plutôt que de confier le soin au juge pénal, a posteriori, de sanctionner les ministres qui auraient pris illégalement des intérêts à l’occasion de leurs fonctions. Il s’agit donc bien de prévenir plutôt que de sanctionner.

À ce titre, il convient de bien différencier ces incompatibilités de celle qui interdit à un membre du Gouvernement d’exercer un mandat parlementaire. Cette dernière avait davantage pour ambition de renforcer l’indépendance du pouvoir exécutif vis-à-vis du Parlement que d’empêcher le cumul de fonctions dont l’exercice concomitant menacerait de remettre en cause l’indépendance du ministre.

Preuve de sa pertinence, le système des incompatibilités est pratiqué dans de nombreux pays européens, avec fréquemment un ancrage constitutionnel :

—  en Espagne, les incompatibilités concernant les ministres découlent de la loi 5/2006 du 10 avril 2006. Cette dernière fait application du quatrième alinéa de l’article 98 de la Constitution qui prévoit que la loi fixe le statut et les incompatibilités des membres du Gouvernement ;

—  en Allemagne, les incompatibilités applicables aux ministres ont, comme en France, rang constitutionnel. L’article 66 de la Loi fondamentale dispose en effet que « le Chancelier fédéral et les ministres fédéraux ne peuvent exercer aucune autre fonction publique rémunérée, aucune profession industrielle et commerciale ni aucun métier, et ils ne peuvent faire partie ni de la direction ni, sauf approbation du Bundestag, du conseil dadministration dune entreprise poursuivant des buts lucratifs. » (2)

—  en Italie, les incompatibilités résultent de la loi n° 215 du 20 juillet 2004, qui interdit par exemple à un ministre d’exercer un emploi public ou privé durant la période où il occupe ses fonctions (3).

À la lecture de l’article 23 de la Constitution, il apparaît que certaines fonctions limitativement énumérées seulement, sont incompatibles avec l’exercice de responsabilités ministérielles. Comme on l’a précédemment indiqué, cette liste limitative était en réalité associée à une pratique spontanément plus restrictive.

L’évolution des comportements observés ces dernières années peut ainsi conduire à se poser la question de l’opportunité d’autoriser les ministres à occuper toute autre fonction, quelle qu’elle soit. Cette position a notamment été défendue par M. Guy Carcassonne au cours de son audition, sur le double fondement de la prévention des conflits d’intérêts et de l’impossibilité matérielle, pour un ministre, d’exercer toute autre forme d’activité.

En tout état de cause, compte tenu de l’évolution de la pratique institutionnelle de la Vème République, il paraît indispensable de réfléchir à l’instauration d’une nouvelle catégorie d’incompatibilités visant l’exercice de responsabilités associatives, notamment au sein de partis politiques et de s’interroger sur le cumul des fonctions de ministre et d’élu local.

Pour ce qui est de l’exercice de fonctions de direction au sein d’un parti politique, il est incontestable que leur cumul avec une responsabilité ministérielle va à l’encontre de l’intention des fondateurs de la Vème et de la pratique institutionnelle telle qu’elle a prévalu à ses origines. Il n’était pas concevable, dans l’esprit du Général de Gaulle, qu’un ministre soit également à la tête d’une formation politique. C’est la raison pour laquelle cette situation n’a pas été prévue dans le cadre des incompatibilités de l’article 23.

Dès lors, il appartient au chef de l’État de faire respecter cette règle, s’il le souhaite. On peut citer plusieurs exemples de variations sur ce thème. Ainsi, M. Nicolas Sarkozy a dû démissionner de son poste de ministre des Finances quand il a été élu à la tête de l’UMP en novembre 2005. À l’inverse, lorsqu’il a été nommé ministre de l’Intérieur, en 2005, il a été autorisé à conserver la direction de cette formation politique. Plus récemment, M. Xavier Bertrand a quitté le Gouvernement pour prendre la tête de cette même formation. Dans les situations de cohabitations, la question se pose avec d’autant plus d’acuité que le Président de la République nomme traditionnellement au poste de Premier ministre le chef du parti majoritaire. Le problème a pris une nouvelle dimension avec la latitude qui a pu être laissée à un ministre de cumuler ses fonctions de ministre du Budget avec celles de trésorier du parti majoritaire appelé à ce titre à recevoir des dons et des versements déductibles de l’impôt sur le revenu. Sans qu’il soit nécessaire de porter une appréciation sur ce qu’a pu être la réalité du comportement de la personnalité qui s’est trouvée dans cette situation de cumul, ce seul fait était de nature à créer une suspicion que l’éthique et le simple bon sens auraient dû conduire à prévenir.

Dès lors, au regard des exigences d’impartialité de l’État et des risques de conflits d’intérêts qui peuvent survenir à l’occasion de ce type de cumuls, il paraît préférable de garantir l’effectivité de la règle souhaitée par le général de Gaulle par l’instauration d’un régime d’incompatibilité. C’est ce à quoi procède l’article 2 de la proposition de loi organique. Cela ne ferait pas obstacle à la nomination d’un chef de parti politique comme Premier ministre. Ce dernier devrait simplement démissionner de ce poste de direction à l’occasion de sa prise de fonctions.

De manière générale, afin de combler les lacunes des incompatibilités existantes, l’article premier de la proposition de loi organique étend aux ministres la règle applicable aux fonctionnaires en vertu de l’article 25 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, qui dispose que ces derniers ne doivent pas prendre d’intérêts, même indirects, dans les entreprises avec laquelle ils sont en relation au titre de leurs fonctions dans l’administration. Sur ce fondement, les ministres et leur entourage se verraient interdire la prise d’intérêts de nature à compromettre leur indépendance. Une procédure de déclaration d’intérêts auprès du Conseil constitutionnel, décrite ci-dessous, devrait être instituée afin de faire respecter cette nouvelle incompatibilité.

Enfin, une réflexion devrait être engagée concernant les conflits d’intérêts inhérents au cumul de fonctions ministérielles avec des mandats exécutifs locaux. Une même personne se trouve alors soumise au contrôle de légalité du représentant de l’État dans le département ou dans la région tout en étant son supérieur hiérarchique. De surcroît, les responsabilités inhérentes à la fonction de ministre et à l’exercice d’un mandat exécutif local rendent difficilement cumulables ces deux activités.

Dès lors, M. Lionel Jospin, lors de la constitution de son Gouvernement en 1997, a initié la pratique selon laquelle les fonctions ministérielles ne pouvaient pas être cumulées avec un mandat exécutif local. Cette pratique a perduré sous les gouvernements de MM. Jean-Pierre Raffarin et Dominique de Villepin avant que n’y soit mis un terme en 2007. Afin de garantir la pleine effectivité de cette règle dans le temps, il serait nécessaire de réfléchir à l’ajout de ces fonctions dans la liste des incompatibilités ministérielles.

On pourrait même estimer que les membres du Gouvernement, afin de prévenir les conflits d’intérêts entre mandat local et fonctions nationales, devraient renoncer à l’ensemble de leurs mandats électifs afin de se consacrer uniquement à leur fonction nationale. Si une telle règle devait être prévue, il serait possible d’envisager une procédure de retour automatique dans les mandats abandonnés par le ministre à l’occasion de sa prise de fonctions, à l’image de celle qui a été instaurée par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 (4) et par la loi organique n° 2009-38 du 13 janvier 2009 portant application de l’article 25 de la Constitution, en ce qui concerne les mandats parlementaires.

Alors qu’une procédure détaillée a été prévue pour faire respecter les incompatibilités applicables aux parlementaires, qui peut aller jusqu’au prononcé de leur démission d’office par le Conseil constitutionnel (sur le fondement de l’article L.O. 151 du code électoral), rien de tel n’existe pour celles qui concernent les ministres.

En effet, les articles 1er à 4 de l’ordonnance portant loi organique pour l’application de l’article 23 de la Constitution (5) se contentent de fixer un délai d’un mois à compter de la nomination durant lequel les incompatibilités ne prennent pas effet et de prévoir les procédures de remplacement des membres du Gouvernement dans leurs anciennes fonctions (mandat parlementaire, fonctions de représentation professionnelle à caractère national et emploi public), à l’exception des activités exercées dans le secteur privé, pour lesquelles aucun système de remplacement uniforme ne peut être prévu. En revanche, l’ordonnance n’établit aucune procédure visant à sanctionner les éventuelles entorses aux incompatibilités de l’article 23 de la Constitution.

Dès lors, il revient, en pratique, au secrétariat général du Gouvernement, sous l’autorité du Premier ministre, de veiller à ce que les membres du Gouvernement respectent les règles applicables en matière d’incompatibilités. Il incombe alors, le cas échéant, au Premier ministre de demander à ses ministres de faire cesser la situation d’incompatibilité dans laquelle ils se trouvent. Il s’agit donc d’un système de régulation interne, qui est rendu possible, d’une part, par l’existence d’un chef du Gouvernement et, d’autre part, par le faible nombre de personnes qui sont soumises à ces incompatibilités. Cette procédure de contrôle interne a par exemple été mise en œuvre lors de la prise de ses fonctions de secrétaire d’État à l’aménagement du territoire par M. Philippe Briand, le 31 mars 2004. Présidant également un groupe de gestion immobilière et n’ayant pas pu se mettre en conformité, dans les délais impartis, avec les règles régissant les incompatibilités ministérielles, il a préféré renoncer à ses fonctions gouvernementales le 14 avril 2004.

Cependant, il n’est pas souhaitable que le respect des règles de cette importance pour la transparence de la vie politique reste soumis au seul contrôle du Gouvernement. Il serait à tout le moins préférable qu’il existe une procédure susceptible de faire cesser, si nécessaire, une situation d’incompatibilité dans laquelle se trouverait un ministre. On pourrait imaginer de rendre le Conseil constitutionnel compétent, selon une procédure à définir, pour constater les cas d’incompatibilités des ministres, de même qu’il l’est déjà pour ce qui concerne les parlementaires. En Italie, ce contrôle est confié à des autorités indépendantes qui sont destinataires des déclarations d’intérêts du ministre à son entrée en fonction, ainsi que de ses parents jusqu’au deuxième degré et qui ont la possibilité, par exemple, de solliciter de l’administration le retrait de la fonction incompatible ou la suspension du contrat de travail ou celle de l’inscription sur les registres professionnels du ministre contrevenant.

Par ailleurs, il semble difficile de faire appliquer, par le secrétariat général du Gouvernement, les dispositions de l’article 6 de l’ordonnance n°58-1099 du 17 novembre 1958 portant loi organique pour l'application de l'article 23 de la Constitution, qui prévoient un délai de six mois entre la cessation des fonctions ministérielles et la reprise de certaines autres fonctions (6). En effet, lorsque le ministre a quitté le Gouvernement sa responsabilité politique ne saurait plus être engagée. Dès lors, en l’absence de sanction, cette disposition est destinée à rester lettre morte. Ceci est d’autant plus problématique que l’article 432-13 du code pénal, qui sanctionne des faits similaires quand ils sont commis par des agents publics n’est pas applicable aux ministres.

II.– ENGAGER UNE RÉFLEXION SUR LES AUTRES MOYENS DE PRÉVENIR LES CONFLITS D’INTÉRÊTS

Malgré leur caractère indispensable pour prévenir les situations où les conflits d’intérêts sont les plus flagrants, les incompatibilités applicables aux ministres ne sauraient, à elles seules, garantir l’irréprochabilité de la vie politique nationale. D’autres modes de régulation des conflits d’intérêts existent à l’étranger, qui pourraient utilement compléter le dispositif français des incompatibilités ministérielles. Ce rapport ne fait que les évoquer afin d’ouvrir le plus largement possible le débat.

Certaines règles visant à la prévention des conflits d’intérêts doivent être absolues afin que leur application se fasse sans difficultés et que les personnes concernées ne puissent pas se trouver prises dans un champ d’intérêts contradictoires. Tel est le but du système des incompatibilités, qui, par leur logique binaire, offrent un cadre de référence clair pour l’exercice des fonctions ministérielles.

Pour autant, cette même logique binaire les rend inadaptées au règlement de l’ensemble des conflits d’intérêts, qui réclame souvent une approche plus fine. Tel est le cas, par exemple, pour les conflits d’intérêts qui pourraient mettre en jeu l’entourage du ministre. Il ne saurait être question de rendre applicables à son conjoint et à ses enfants les incompatibilités de l’article 23 de la Constitution, pas plus que de tolérer des situations de conflit d’intérêts flagrantes. Dès lors, le régime des incompatibilités ne semble pas être le plus adapté à ces situations.

Il l’est d’autant moins que certains cumuls de fonctions donnant lieu à conflit d’intérêts ne peuvent pas être anticipés. Les incompatibilités se déclinent donc nécessairement sous forme de liste, ce qui laisse hors du champ du droit de nombreuses fonctions qui, sans qu’il faille les rendre incompatibles, dans la mesure où elles n’entraînent pas consubstantiellement de risques de conflits d’intérêts avec la fonction ministérielle, peuvent néanmoins présenter un risque pour l’indépendance du ministre au regard du cas d’espèce.

Afin de mieux assurer l’éthique de la vie politique, d’autres mécanismes que celui des incompatibilités ont été progressivement mis en œuvre. Reposant sur des règles moins univoques que les incompatibilités, ils nécessitent généralement le recours à une tierce partie qui sera chargée d’établir la réalité de leur violation.

Il s’agit, en premier lieu, de la loi pénale, qui sanctionne la prise illégale d’intérêts sur le fondement de l’article 432-12 du code pénal. Celui-ci est applicable aux ministres et permet par conséquent de sanctionner pénalement le fait de « prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l'acte, en tout ou partie, la charge d'assurer la surveillance, l'administration, la liquidation ou le paiement ». Se trouve ainsi visé, sur le fondement d’une disposition générale, un ensemble de comportements qui pourraient difficilement être prévenus par l’édiction d’une règle d’incompatibilité.

Pour indispensable que soit cette infraction afin de sanctionner les prises illégales d’intérêts des ministres, elle permet uniquement de les sanctionner une fois que les faits ont été constatés.

À l’inverse, c’est une logique de prévention qui a justifié la création, par la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique, de la commission pour la transparence financière de la vie politique. Cette dernière a la charge de recueillir les déclarations de situation patrimoniale exigée de nombreux élus et responsables publics. Les membres du Gouvernement y sont soumis par l’article 1er de la loi précitée. Ils doivent la faire parvenir à la commission dans les deux mois qui suivent leur nomination et dans les deux mois qui suivent la cessation de leurs fonctions.

Conformément à l’article L.O. 135-1 du code électoral, cette déclaration est « une déclaration certifiée sur l'honneur exacte et sincère de sa situation patrimoniale concernant notamment la totalité de ses biens propres ainsi que, éventuellement, ceux de la communauté ou les biens réputés indivis en application de l'article 1538 du code civil. » Elle vise à évaluer le patrimoine du ministre à son entrée au Gouvernement pour le comparer à celui qu’il possède à la fin de ses fonctions et prévenir ainsi tout risque d’enrichissement à cette occasion. La commission est en droit de demander des explications au sujet des évolutions de patrimoine et peut, le cas échéant, transmettre des dossiers au parquet. Il s’agit donc d’un maillon supplémentaire pour garantir la préservation de l’indépendance des membres du Gouvernement. M. Jean-Marc Sauvé, qui préside cette commission, a indiqué à votre rapporteur que les déclarations de patrimoine des ministres faisaient l’objet d’une attention accrue dans la mesure où elles sont examinées par la formation plénière de la commission.

Pour autant, ce contrôle n’est pas aussi efficace qu’il pourrait l’être, ce que la commission pour la transparence financière de la vie politique a rappelé à de nombreuses occasions (7).

En effet, cette dernière ne dispose ni de moyens d’investigations, ni des déclarations de revenus des personnes qui sont assujetties à la déclaration, ni d’un droit de communication de ces dernières auprès des services fiscaux. Ceci permettrait pourtant à la commission de mieux contrôler l’évolution du patrimoine des intéressés tout en évitant de leur adresser des demandes de renseignements qui peuvent parfois sembler inquisitoriales.

De surcroît, s’il existe une peine d’inéligibilité en cas d’absence de déclaration de patrimoine de la part des élus qui y sont soumis, aucune sanction n’est prévue en cas de déclaration partielle, mensongère ou si la personne soumise à l’obligation n’apporte pas les compléments demandés par la commission. Il serait donc opportun de réfléchir à l’instauration d’une sanction pénale pour garantir l’efficacité de la procédure.

Enfin, il serait souhaitable que le patrimoine du concubin, de la personne liée par un pacte civil de solidarité ou de la personne séparée de corps puissent également être portés à la connaissance de la commission, de même que cela existe pour les personnes mariées.

Notons que si la formule de la déclaration d’intérêts devait être retenue, celle-ci pourrait être fusionnée avec la déclaration de patrimoine.

Les exemples étrangers et internationaux fournissent des exemples d’autres mécanismes qui pourraient utilement compléter ceux qui existent d’ores et déjà en France. Le principal d’entre eux associe codes de bonne conduite et déclarations d’intérêts.

De nombreux pays européens et institutions internationales ont élaboré des codes de bonne conduite à l’attention de leurs dirigeants.

Au Royaume-Uni, depuis les années 1980, chaque Premier Ministre élabore un code de bonne conduite dans les jours qui suivent son investiture. Ainsi, le cabinet de M. David Cameron a-t-il élaboré son code ministériel en mai 2010 (8). Ce dernier comprend dix sections qui posent les principes essentiels gouvernant le comportement des ministres. Il traite ainsi des relations entre le ministre et le Gouvernement, le Parlement, les fonctionnaires placés sous ses ordres, sa circonscription, son parti politique ainsi que des conflits d’intérêts et des déplacements des ministres. La même logique a conduit la commission européenne à élaborer, en 2004, un code de bonne conduite à l’attention des commissaires, qui reprend, dans leurs grandes lignes, les éléments figurant dans les codes ministériels britanniques.

Si la violation de ces codes de bonne conduite n’est pas susceptible de sanctions autres que politiques, ces derniers ont le mérite de porter sur la place publique les règles éthiques que les membres du pouvoir exécutif s’engagent à respecter. Par ailleurs, ils complètent, de manière plus souple, les régimes d’incompatibilités qui sont en général applicables par ailleurs aux membres du Gouvernement.

Exigées dans certaines démocraties, le contenu des déclarations d’intérêts ne recouvre pas exactement celui des déclarations de patrimoine qui sont demandées aux ministres sur le fondement de la loi du 11 mars 1988 précitée. À titre d’exemple, la déclaration d’intérêts qui est imposée aux commissaires européens par leur code de bonne conduite contient les éléments suivants :

—  les activités exercées durant les dix dernières années, en distinguant celles auxquelles il a été mis fin de celles qui se poursuivent après l’entrée en fonction en tant que membre de la commission ;

—  tout intérêt financier et élément de patrimoine qui pourrait créer un conflit d’intérêts dans l’exercice de leurs fonctions, y compris ceux de leur conjoint. Ceci concerne notamment les actions détenues dans le capital d’une entreprise ;

—  le patrimoine immobilier, à l’exception des résidences réservées à l’usage exclusif du propriétaire ou de sa famille ;

—  les autres biens dont la détention peut créer un conflit d’intérêts, notamment du point de vue fiscal ;

—  l’activité de leur conjoint.

Ces déclarations sont publiées sur le site Internet (9) de la commission européenne et elles doivent être actualisées par les commissaires, le cas échéant. Ces déclarations sont examinées sous l’autorité du Président de la commission en fonction des attributions des membres.

Au Royaume-Uni, chaque ministre doit fournir et actualiser une liste complète de ses intérêts, notamment financiers ainsi que de ceux de sa famille et de ses proches qui pourraient donner lieu à un conflit d’intérêts. En cas de conflit avéré ou potentiel, le Premier Ministre doit être consulté et demander le cas échéant au ministre concerné de démissionner.

S’il était décidé de s’engager dans cette voie, il pourrait également être utile de s’inspirer de l’expérience de la Haute Autorité de Santé (HAS), qui met en pratique depuis plusieurs années les règles de l’article L. 161-44 du code de la sécurité sociale en matière de prévention des conflits d’intérêts. Celui-ci prévoit qu’un décret précise « ceux des membres du collège ou des commissions spécialisées qui ne peuvent avoir, par eux-mêmes ou par personne interposée, dans les établissements ou entreprises en relation avec la Haute Autorité, des intérêts de nature à compromettre leur indépendance. Les membres concernés qui auraient de tels intérêts sont déclarés démissionnaires d'office par le collège statuant à la majorité de ses membres. »

Pour satisfaire à ses obligations légales et réglementaires (10), la HAS a élaboré des procédures précises destinées à prévenir les conflits d’intérêts. Sont ainsi exigées, de la part des personnes qui y sont soumises, des déclarations d’intérêts spécifiques aux missions qu’ils doivent exercer pour elle, qui sont étudiées au moyen de grilles d’analyse permettant de distinguer les conflits d’intérêts majeurs des autres conflits d’intérêts (11).

C’est dans cette perspective que votre rapporteur propose d’introduire par voie d’amendement à l’article 1er de la proposition de loi organique une procédure visant à interdire les prises d’intérêts par les ministres qui seraient de nature à compromettre leur indépendance. Ces derniers devraient faire parvenir au Conseil constitutionnel une déclaration d’intérêts sur la base de laquelle ce dernier se prononcerait quant à la compatibilité de ces intérêts avec l’indépendance du ministre. En cas d’incompatibilité, le Conseil constitutionnel en informerait le ministre, qui disposerait d’un délai déterminé pour faire cesser ce conflit.

*

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Ce rapport ne saurait naturellement prétendre à l’exhaustivité. La réflexion qui le fonde ne concerne que les membres du Gouvernement. Une réflexion parallèle aurait pu tout aussi bien être engagée à l’égard des parlementaires. Des débats récurrents sur l’exercice de certaines fonctions, comme par exemple celle du barreau, ont soulevé la problématique de la nature des dossiers suivis et de la transparence des revenus qu’ils dégagent.

On le voit, ces interrogations, loin de raviver la polémique, devraient être prises en charge par la représentation nationale afin d’apporter à nos concitoyens les réponses qui permettront à notre République un caractère sinon « irréprochable » du moins décent, c'est-à-dire conforme aux principes de base de la morale publique.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission examine, au cours de sa séance du mercredi 6 octobre 2010, sur le rapport de M. Gaëtan Gorce, les propositions de loi constitutionnelle et organique pour une République décente (n° 2774 et 2775).

M. Bernard Roman. Majorité et opposition s’honoreraient à voter ensemble ces deux propositions de loi, comme elles l’avaient fait en 1995 sur le texte proposé par le président de l’Assemblée de l’époque, Philippe Seguin, qui visait déjà à rendre plus éthique le fonctionnement de nos institutions. Comment l’article 2 de la proposition de loi organique pourrait-il ne pas recueillir un assentiment unanime ? Si, dans un cas particulier que nous avons tous présent à l’esprit – il a pu en exister d’autres par le passé –, certaines résistances se sont manifestées, l’évidence l’a finalement emporté : on ne peut pas en même temps être membre du Gouvernement et être responsable financier d’un parti politique – non plus que de toute autre structure financée par des dons ouvrant droit à réduction d’impôt. Quant à l’article 1er, il vise à appliquer aux membres du Gouvernement un régime d’incompatibilités semblable à celui des parlementaires. N’est-ce pas une anomalie que ce ne soit pas déjà le cas ? Je souhaite donc que la sagesse l’emporte sur les arrière-pensées et que ces deux textes bénéficient d’un large soutien de notre Assemblée.

M. Michel Hunault. L’adoption de la proposition de loi constitutionnelle de nos collègues supposerait bien entendu un consensus politique.

M. le président Jean-Luc Warsmann. Un référendum serait en outre nécessaire, s’agissant d’une proposition de loi constitutionnelle.

M. Bernard Roman.  Le Gouvernement pourrait la reprendre !

M. Michel Hunault. L’important aujourd’hui est d’abord de ne pas affaiblir la République. Depuis les années 90, l’actuelle majorité a fait adopter plusieurs textes majeurs renforçant la transparence de la vie politique – j’ai eu l’honneur d’en rapporter certains –, en se conformant aux standards internationaux. Il existe aujourd’hui une commission pour la transparence financière de la vie politique, instance indépendante chargée de surveiller l’évolution de la situation patrimoniale des parlementaires et des membres du Gouvernement, afin de vérifier qu’ils n’ont pas bénéficié d’un enrichissement anormal. Si nous suivions nos collègues de l’opposition dans leur souhait de rendre la République plus « décente », cela signifierait implicitement qu’aujourd’hui elle ne l’est pas. Le vocabulaire employé a son importance et il faut y être extrêmement attentif, notamment pour ne pas creuser encore le fossé entre la réalité et sa perception par nos concitoyens. Certaines polémiques ne font qu’affaiblir notre démocratie.

Si je partage l’objectif de nos collègues, une tout autre méthode serait nécessaire pour y parvenir dans le consensus. Mettons en place au sein de notre commission un groupe de travail, associant des représentants de tous bords, afin d’évaluer les dispositifs en place visant à la transparence financière de la vie politique et la surveillance qui s’exerce déjà. Mais ne laissons surtout pas accroire que la classe politique s’exonère des règles de la transparence et de l’éthique. Cela irait à l’encontre même de l’objectif recherché. Méfions-nous du « plus blanc que blanc » ! Pour faire avancer la réflexion, j’ai déposé deux amendements et on pourrait en présenter davantage, mais ce n’est pas le plus important. Commençons par respecter les règles en vigueur et, sans doute, par rendre plus strictes les règles d’éligibilité. Nul ne doit pouvoir être élu député ou nommé membre du Gouvernement s’il a antérieurement été condamné pour corruption, favoritisme ou prise illégale d’intérêt, condamnations qui interdisent déjà l’exercice de certains métiers, sur décision judiciaire.

Les exigences éthiques de la majorité sont aussi fortes que celles de l’opposition et nous aurions tout intérêt aujourd’hui, comme cela fut le cas par le passé, à nous retrouver sur les objectifs. Rien ne serait pire que de laisser la suspicion se répandre dans l’opinion et de faire ainsi le jeu des adversaires de la démocratie.

M. Christian Vanneste. Ces propositions de loi sont très courtes, mais le chantier est vaste… Une large concertation serait nécessaire pour définir le dispositif.

Il reste que je partage l’objectif. Nos concitoyens souhaitent très fortement être rassurés sur le respect, par les élus comme par les ministres, de la morale et de la dignité attachées à leurs mandats et fonctions.

Cela étant, le rapporteur tient-il essentiellement au titre des deux propositions de loi qui nous sont soumises ? Certains d’entre nous seraient sans doute plus enclins à soutenir des textes qui s’intituleraient « Pour une République irréprochable » ou « Pour une République éthique ». L’emploi de l’adjectif « décente » dans ce contexte est d’ailleurs un anglicisme. Ce que l’on entend par décence en français, qui a à voir avec la morale privée, ne recouvre pas le decency anglais. Luttons contre l’invasion de ce qu’Etiemble appelait le « sabir atlantique » et trouvons un terme correspondant à la conception française.

M. Philippe Gosselin. Nos collègues de l’opposition, en stigmatisant les comportements de la majorité et en agitant le chiffon rouge d’une République indécente, nous tendent à l’évidence un piège grossier. Le sujet mérite pourtant mieux qu’un coup politique et médiatique. Comment renforcer la transparence ? Comment améliorer les conditions d’exercice des mandats publics ? Ce sont là de vraies questions pour tous les républicains et démocrates. Hélas, les questions abordées dans ces deux textes sont très partielles, la façon de les traiter est partiale, et l’ensemble est bien creux.

Était-il opportun d’ouvrir ce débat maintenant ? Je ne le pense pas. Le sujet mériterait d’être traité dans le cadre d’un programme présidentiel ou de législature, mais certainement pas ainsi, à la va-vite, après avoir fait « monter la mayonnaise » depuis quelques semaines pour tenter de démontrer que cette République était indécente, et cette majorité aussi. À jouer avec le feu, on risque de se brûler mais en l’espèce, ce que l’on brûle, c’est la confiance de nos concitoyens dans la démocratie. Or, notre démocratie n’est pas en danger aujourd’hui, quoi que vous en disiez.

M. Guy Geoffroy. Je partage totalement l’avis de Philippe Gosselin. Il est extrêmement dangereux d’évoquer ces sujets dans les conditions dans lesquelles on nous le propose aujourd’hui. En surfant sur ce qu’on pense être le jugement de l’opinion publique, certains voudraient faire croire que rien n’a été fait jusqu’à présent et que la situation exigerait d’agir d’urgence. Or la vérité exige de rappeler le parcours accompli. Il y a vingt ans, dans notre pays, un élu pouvait cumuler un nombre illimité de mandats, sans aucun contrôle, ainsi que les indemnités afférentes, dont aucune, de surcroît, n’était fiscalisée. Aujourd’hui, et chacun s’en félicite, le cumul des mandats est limité, les indemnités correspondantes sont plafonnées et fiscalisées. Invoquer à l’encan une « République décente » et faire miroiter une révolution par cette batterie de textes de tous ordres, c’est apporter, de manière justement bien indécente, de l’eau au moulin des contempteurs de la classe politique et fournir aux populistes des arguments inespérés. Sans tomber dans le piège qu’un camp essaie ainsi de tendre à l’autre, je n’en inviterai pas moins les gouvernements successifs à continuer de réfléchir à ces sujets. Pour l’heure, le bon sens commande de ne pas nous laisser entraîner sur ce chemin dangereux qui fait le lit de tous les populismes.

M. Claude Goasguen. Ces propositions de loi, sans aucun intérêt sur le plan juridique, n’ont été proposées que pour leur titre. Elles représentent vraiment ce qu’on peut faire de pire dans la démocratie parlementaire. Pour nos collègues de l’opposition, l’essentiel est d’affirmer que nous sommes dans une République indécente. Cela ne peut que faire sourire ceux d’entre nous qui n’ont pas la mémoire courte et qui savent qu’on a pu, dans le passé, ne pas qualifier d’« indécente » une République qui l’était.

Ces propositions de loi s’apparentent à un mauvais tract. Partielles, elles ne traitent que des membres du Gouvernement et de certaines incompatibilités. Le problème de la transparence de la vie politique est beaucoup plus vaste. Les députés, les sénateurs, les maires, les présidents de région – tous élus dont vous ne parlez pas – sont aussi concernés. Ma première suggestion serait qu’on lève officiellement le secret de la Commission pour la transparence financière de la vie politique et que les déclarations des élus soient rendues publiques, afin de lever tout soupçon – je crois me souvenir du vol de la déclaration de revenus de M. Bertrand Delanoë. Comme dans toutes les démocraties « décentes », les revenus et le patrimoine de tous les élus, y compris des élus locaux, devraient être rendus publics, avec indication de leur variation entre le début et la fin du mandat. Ma seconde proposition serait de lever également, comme on le fait lors de recrutements à certains postes dans la fonction publique, le secret protégeant le casier judiciaire. Cela aurait permis, dans le Val d’Oise, de stopper la polémique que l’on sait, en prouvant que certaines affirmations n’étaient pas aussi fausses que certains le prétendaient. Les électeurs auraient ainsi mieux connu les candidats qui se présentaient à leurs suffrages. Si vous souhaitez véritablement la transparence, allez jusqu’au bout, plutôt que de nous soumettre ce mauvais tract rédigé à la va-vite !

M. André Vallini. Certains de nos collègues craignent que ces propositions de loi n’alimentent le populisme, mais si nos débats de ce matin étaient retransmis à la télévision, ce sont le jeu de rôles auquel ils se prêtent et leurs excès qui l’alimenteraient...

M. Claude Goasguen. Le titre de ces propositions de loi est indécent.

M. André Vallini. Leur titre n’est pas ce qu’il y a de meilleur et pourrait être modifié.

M. Claude Goasguen. Il n’y a pas grand-chose d’autre !

M. André Vallini. Un problème s’est posé au sujet de M. Woerth – je cite, moi, le nom des personnes –, lequel en a lui-même convenu, puisqu’il s’est démis de ses fonctions de trésorier du principal parti de la majorité. Un problème analogue pourrait toucher toutes les formations politiques. Dans n’importe quelle démocratie moderne et apaisée, notamment d’Europe du Nord, une telle situation aurait conduit à l’adoption sans délai et à l’unanimité d’un texte à caractère technique comme celui-ci, afin de régler la difficulté. Nos concitoyens seraient les premiers heureux aujourd’hui que droite et gauche, au lieu de se livrer à des surenchères et d’enchaîner les déclarations outrancières, puissent se mettre d’accord sur le moyen d’éviter à l’avenir une fâcheuse confusion des genres et faire en sorte qu’un ministre de la République, en particulier celui du budget, ne puisse pas être en même temps trésorier du parti majoritaire. Voilà ce qui serait le meilleur moyen de lutter contre le populisme. Une fois de plus, ce ne sera, hélas, pas le cas. Je le regrette.

M. Jean-Christophe Lagarde. Notre Commission déplore souvent que le Gouvernement dépose ses projets de loi à la suite de tel ou tel fait d’actualité, mais je constate que le même reproche peut être fait à certains parlementaires, chacun ayant bien compris l’origine de ces propositions de loi…

Si je suis convaincu que le mélange des genres est nocif pour la démocratie, je ne pense pas que ce type de texte permette d’améliorer les pratiques, souvent regrettables, qui ont existé sous tous les gouvernements et toutes les majorités. Mais il revient, je le crois, au Parlement de contrôler les activités parallèles des membres du Gouvernement et de garantir toute transparence en ce domaine. Si nous en avions le courage, cette transparence permettrait une régulation automatique des pratiques, comme il en existe une dans toutes les démocraties matures.

Dernière remarque : l’article premier de la proposition de loi organique interdit à tout membre du Gouvernement d’avoir par lui-même « ou par personne interposée » des intérêts dans toute structure soumise au contrôle de son administration. Femme, mari, frère, sœur, cousin pourraient ainsi se trouver visés. Cette question ne me paraît pas devoir être réglée ainsi par la loi. La transparence et le contrôle du Parlement doivent apporter les régulations nécessaires.

M. Philippe Gosselin. Dictée par l’actualité, dotée d’un mauvais titre, visant directement certaines personnes, alors que la loi se doit de fixer, dans la sérénité, un cadre général, cette proposition de loi organique a décidément bien des défauts. Le thème de la République en danger est, certes, souvent mobilisateur mais sur le fond, convenons que ce qui nous est proposé est indigent. Pas un mot des présidents de conseils régionaux, de conseils généraux, de communautés d’agglomération, ni d’ailleurs des parlementaires ! Si, plutôt que de faire un coup politique et médiatique, on souhaite vraiment ouvrir le dossier, il faut rechercher dans la sérénité, et ce serait l’honneur du Parlement, un consensus entre majorité et opposition. Mais n’intervenons pas dans ces conditions, pas ici, pas maintenant, pas ainsi !

M. Charles de La Verpillière. Plutôt que de stigmatiser une situation et une seule, il faudrait assurer une plus grande transparence des revenus et du patrimoine de tous les grands élus. C’est donc plutôt sur la proposition de loi tendant à renforcer les exigences de transparence financière de la vie politique que pourrait s’engager un débat utile.

M. le rapporteur. Je suis surpris des réactions suscitées par ces deux textes. Certains confondent l’effet et la cause. Vous dénoncez comme un ferment potentiel de populisme des textes visant à prévenir des situations où les élus pourraient être suspectés, alors qu’ils n’ont d’autre objet que de fixer des règles claires, de façon que de telles critiques ne puissent précisément voir le jour.

S’il suffisait de modifier l’intitulé de ces propositions de loi pour qu’elles soient votées, je serais tout à fait disposé à remplacer l’adjectif « décente », encore que celui « d’irréprochable », parfois préconisé, n’ait pas fait la preuve de toute son efficacité.

M. Christian Vanneste. « Vertueuse » ?

M. le rapporteur. Si vous voulez.

Si la question se pose aujourd’hui, et sans vouloir désigner à la vindicte qui que ce soit, c’est que nos concitoyens, alertés de situations manifestement contraires à l’éthique républicaine, portent aujourd’hui un jugement extrêmement négatif sur le fonctionnement de nos institutions. Pendant longtemps, l’esprit de la Constitution et la déontologie ont suffi à assurer une certaine régulation, et je trouve en effet dommage que nous soyons contraints de recourir à la mise en place de règles de droit. Mais si nous ne faisions rien, nous laisserions s’installer des suspicions, dont se nourrissent précisément les rumeurs et les procès d’intention que vous dénoncez.

Monsieur Goasguen, si vous aviez lu ces deux textes, vous auriez constaté qu’ils permettraient un double progrès. Le premier serait de rétablir un principe gaulliste, qui a fonctionné jusqu’à la première cohabitation, selon lequel les fonctions de membre du Gouvernement et de responsable de parti ne sont tout simplement pas compatibles. Le second serait de prévenir tout conflit d’intérêts éventuel pour les membres du Gouvernement ; il s’agit non pas de jeter la suspicion mais de l’empêcher, non pas de sanctionner mais de prévenir les faits qui pourraient être répréhensibles. Je ne comprends pas, chers collègues, pourquoi vous réagissez si violemment à des propositions dont le seul objectif est de clarifier certaines situations. Pour avoir assisté à certains débats, pour avoir entendu certains d’entre vous s’exprimer sur tel ou tel sujet, pour connaître certains parcours politiques, je pense qu’il est préférable de nous abstenir d’accusations mutuelles. Restons-en au fond du sujet – faute de quoi certains souvenirs pourraient m’autoriser à considérer que l’emploi du mot « décence » est, au regard de certaines pratiques, encore insuffisant.

M. Claude Goasguen. Des noms ! Rappelez-vous Bérégovoy !

M. le rapporteur. Député d’un département qui fut celui de Pierre Bérégovoy, j’apprécierais de ne pas l’entendre mettre en cause ici, sachant le destin qui a été le sien. Je suis abasourdi de ce que j’entends.

M. Manuel Valls. Le spectacle donné à cet instant est profondément regrettable.

M. Guénhaël Huet. Qui l’a provoqué, sinon vous ?

M. Manuel Valls. Vous n’allez tout de même pas dénier à l’opposition le droit de défendre ses propositions de loi ! Pour le reste, il y a des limites à ne pas franchir. Qu’un parlementaire aussi chevronné que M. Goasguen se permette de faire référence à un ancien Premier ministre qui s’est par la suite suicidé est indécent. Nos débats doivent retrouver leur dignité.

M. Claude Goasguen. Je n’ai nullement mis en cause Pierre Bérégovoy. J’ai simplement rappelé l’épisode où certains députés de l’époque lui avaient demandé « des noms » lorsqu’il avait laissé entendre, à la tribune de notre Assemblée, qu’il pourrait parler de certains…

La Commission passe ensuite à l’examen des articles de la proposition de loi constitutionnelle et de la proposition de loi organique.

PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

Article unique

(article 23 de la Constitution)


Augmentation du nombre d’incompatibilités applicables aux ministres

Afin de garantir la pleine et entière indépendance des membres du Gouvernement, l’article unique de la proposition de loi constitutionnelle modifie l’article 23 de la Constitution pour permettre au législateur d’y introduire, au moyen d’une loi organique, de nouveaux cas d’incompatibilités.

La définition des incompatibilités pesant sur les ministres est, à l’heure actuelle, l’apanage exclusif de la Constitution. Afin de préserver l’indépendance des membres du Gouvernement, le premier alinéa de l’article 23 prévoit trois grandes catégories d’incompatibilités :

—  l’exercice d’un mandat parlementaire. Innovation de la Vème République, les ministres ne peuvent désormais plus conserver leur siège au Parlement. Sur proposition du Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Vème République, la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 (12) et la loi organique n° 2009-38 du 13 janvier 2009 portant application de l’article 25 de la Constitution ont cependant permis un retour automatique au Parlement des anciens ministres ;

—  l’exercice d’une fonction de représentation professionnelle à caractère national ;

—  l’exercice de tout emploi public ou de toute activité professionnelle, afin, d’une part, d’éviter les conflits d’intérêt et, d’autre part, de soustraire le ministre à toute forme de lien hiérarchique.

La Constitution dispose par ailleurs que deux autres types de fonctions sont incompatibles avec celles de membre du Gouvernement. Il s’agit de celles de :

—  membre du Conseil constitutionnel, sur le fondement de l’article 57 de la Constitution ;

—  défenseur des droits, en vertu de l’alinéa 4 de son article 71-1.

Le Conseil constitutionnel a tiré toutes les conséquences du rang constitutionnel des incompatibilités applicables aux ministres, en censurant, à deux reprises, des lois organiques qui entendaient rendre incompatibles les fonctions de membre du Gouvernement avec d’autres fonctions que celles prévues par la Constitution. Ses motivations, dans sa décision portant sur la loi relative au statut du territoire de la Polynésie française, ont été les suivantes :

« Sur l'incompatibilité entre les fonctions de membre du Gouvernement du territoire de la Polynésie française et celles de membre du Gouvernement de la République :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 23 de la Constitution : "Les fonctions de membre du Gouvernement sont incompatibles avec l'exercice de tout mandat parlementaire, de toute fonction de représentation professionnelle à caractère national et de tout emploi public ou de toute activité professionnelle." ;

4. Considérant que la qualité de membre du gouvernement du territoire de la Polynésie française n'entre dans aucune des catégories de fonctions ainsi énoncées ; qu'ainsi la disposition critiquée n'est pas conforme à la Constitution ; » (13)

Si la loi suffit à décliner les grands types d’incompatibilités fixés par l’article 23 de la Constitution (14), à défaut d’habilitation constitutionnelle, la loi organique ne peut pas imposer aux ministres de nouvelles incompatibilités.

En conséquence, une modification constitutionnelle préalable est nécessaire si le législateur souhaite permettre à la loi organique de définir des catégories d’incompatibilités à celles qui sont prévues par la Constitution.

Une telle modification mettrait fin à la spécificité des incompatibilités applicables aux ministres. En effet, dans les autres cas d’incompatibilités prévus par la Constitution, il est fait renvoi à une loi organique afin de compléter la liste fixée par la disposition constitutionnelle concernée. Tel est le cas pour les membres du Conseil constitutionnel (article 57) (15) et pour le défenseur des droits (quatrième alinéa de l’article 71-1) (16). En ce qui concerne les parlementaires, l’intégralité des incompatibilités les concernant est renvoyée à la loi organique par le premier alinéa de l’article 25 de la Constitution (17).

*

* *

La Commission examine l’amendement CL 1 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à mettre en place les dispositifs permettant concrètement que les incompatibilités prévues puissent être constatées et sanctionnées.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle rejette l’article unique et, partant, l’ensemble de la proposition de loi constitutionnelle.

PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE

Article 1er

(article 8 [nouveau] de l’ordonnance n° 58-1099 du 17 novembre 1958
portant loi organique pour l’application de l’article 23 de la Constitution)


Interdiction, pour les ministres, de prendre des intérêts de nature à compromettre leur indépendance

Le présent article vise à prévenir tout conflit d’intérêt entre les fonctions ministérielles et les autres activités d’un ministre ou de son entourage. Pour ce faire, il est prévu de soumettre le ministre aux mêmes obligations de désintéressement et d’indépendance que celles auxquelles sont astreints les fonctionnaires.

En effet, cet article complète l’ordonnance n° 58-1099 du 17 novembre 1958 portant loi organique pour l’application de l’article 23 de la Constitution par un article 8 qui transpose aux membres du Gouvernement le 3° du I de l’article 25 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. En vertu de cet article, « sont interdites, y compris si elles sont à but non lucratif, les activités privées suivantes : […]

3° La prise, par eux-mêmes ou par personnes interposées, dans une entreprise soumise au contrôle de l'administration à laquelle ils appartiennent ou en relation avec cette dernière, d'intérêts de nature à compromettre leur indépendance. »

Dès lors, il est possible de définir, à l’aide de la jurisprudence portant sur cet article, les contours de l’interdiction qui serait applicable aux membres du Gouvernement :

—  la prise d’intérêts peut être directe ou « par personne interposée ». Ceci recouvre, en premier lieu, les cas où le fonctionnaire poursuit son propre intérêt. Mais cette condition peut également être constituée lorsque le fonctionnaire entend favoriser l’entreprise dans laquelle travaille son conjoint (18) ou lorsqu’il tente de faire bénéficier son frère ou sa sœur de certains avantages (19). On peut supposer que des avantages dont bénéficieraient les enfants du fonctionnaire permettraient également de remplir ce premier critère de la prise d’intérêts. Cependant, aucune jurisprudence ne semble avoir constaté d’entorse à cette règle fondée sur de simples liens amicaux ;

—  cette prise d’intérêts doit se faire dans une entreprise « soumise au contrôle de l’administration à laquelle [il appartient] ou en relation avec cette dernière ». Cette condition est évidemment remplie quand le fonctionnaire en question a une mission d’inspection qui porte sur les entreprises dont il doit exercer la surveillance (20). L’établissement en question peut également être celui que dirige le fonctionnaire (21) ou avoir avec l’administration du fonctionnaire une relation financière, voire une simple relation thématique (22). Cette condition semble donc avoir été interprétée de manière relativement large par la jurisprudence ;

—  enfin, les intérêts pris par l’agent public doivent être « de nature à compromettre son indépendance ». Cette situation est évidente dans les cas où un agent public se trouve à la fois en position de contrôler une entreprise et de la conseiller (23) ou de conclure un contrat avec lui-même (24). Elle est également réalisée si c’est en vertu de sa fonction que l’agent public peut tirer des avantages. En revanche, cette condition est plus rarement remplie en cas d’absence de relations entre l’activité annexe du fonctionnaire et sa mission principale.

Dès lors que les fonctionnaires sont soumis à ces obligations, ce que personne ne conteste, on comprend mal pourquoi les ministres, qui occupent des fonctions dans lesquelles les occasions de prise illégale d’intérêt sont bien supérieures, n’y seraient pas également assujettis.

Cette obligation de désintéressement et d’indépendance serait de nature différente de celle qui résulte de l’article 432-12 du code pénal sanctionnant la prise illégale d’intérêts.

Celui-ci prévoit que « le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public ou par une personne investie d'un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l'acte, en tout ou partie, la charge d'assurer la surveillance, l'administration, la liquidation ou le paiement, est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75000 euros d'amende. »

À n’en pas douter, les ministres seraient passibles de sanctions pénales sur le fondement de ce délit au double titre qu’ils sont dépositaires de l’autorité publique et qu’ils sont chargés d’une mission de service public, ce point ayant été confirmé par les personnes entendues par votre rapporteur. En revanche, la question de la compétence de la Cour de justice de la République demeure posée. En effet, sur le fondement des deux premiers alinéas de l’article 68-1 de la Constitution,

« Les membres du gouvernement sont pénalement responsables des actes accomplis dans l'exercice de leurs fonctions et qualifiés crimes ou délits au moment où ils ont été commis

Ils sont jugés par la Cour de justice de la République. »

Sur le fondement de la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation, il n’est pas certain que la prise illégale d’intérêts puisse être considérée comme étant un acte accompli dans l’exercice des fonctions ministérielles. En tout état de cause, les membres du Gouvernement encourraient une sanction pénale en cas de prise illégale d’intérêts, que ce soit devant le juge ordinaire, ce qui est plus probable, ou devant la Cour de justice de la République.

Cependant, l’existence d’un tel délit applicable aux ministres ne fait pas obstacle à la création, dans la loi organique, d’une nouvelle incompatibilité visant à garantir leur indépendance. De même qu’il existe une double règle applicable aux agents publics, l’une disciplinaire et l’autre pénale, il est tout à fait envisageable d’instaurer un double contrôle des prises illégales d’intérêts des ministres. Ces deux contrôles n’auraient d’ailleurs ni la même portée ni la même sanction.

Ainsi, l’incompatibilité énoncée par la loi organique aurait une vocation préventive, destinée à éviter que les membres du Gouvernement ne se placent dans une situation de nature à compromettre leur indépendance. Lors de leur prise de fonction, la situation des ministres au regard des incompatibilités prévues à l’article 23 est examinée par le secrétariat général du Gouvernement, sous l’autorité du Premier ministre. Les ministres qui se trouvent alors dans une situation d’incompatibilité doivent effectuer un choix entre les fonctions ministérielles et leurs autres activités. De la même manière, on peut estimer que la création de cette nouvelle incompatibilité donnera lieu à un contrôle préventif.

De surcroît, en cas de survenue ou de révélation d’une situation d’incompatibilité en cours d’exercice des fonctions gouvernementales, il serait souhaitable de ne pas attendre la décision d’une juridiction pour faire cesser le conflit d’intérêts. L’introduction de cette incompatibilité dans la loi organique aurait donc vocation à faire cesser rapidement cette situation, sans préjuger d’une éventuelle condamnation pénale.

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Article 1er (article 8 [nouveau] de l’ordonnance n° 58-1099 du 17 novembre 1958 portant loi organique pour l’application de l’article 23 de la Constitution) : Interdiction, pour les ministres, de prendre des intérêts de nature à compromettre leur indépendance

La Commission examine l’amendement CL 1 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement prévoit que tout membre du Gouvernement, après sa nomination, adresse au Conseil constitutionnel une déclaration d’intérêts. Je ne verrais pas d’objection à ce que celle-ci soit rendue publique, si tel était le souhait de la Commission.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle rejette l’article 1er.

Article 2

(article 9 [nouveau] de l’ordonnance n° 58-1099 du 17 novembre 1958
portant loi organique pour l’application de l’article 23 de la Constitution)


Incompatibilité des fonctions ministérielles avec certaines fonctions
au sein d’associations, de fondations et d’autres organismes

L’article 2 de la proposition de loi organique instaure une incompatibilité entre les fonctions ministérielles et l’exercice de responsabilités au sein des organismes auxquels les dons ouvrent droit à crédit d’impôt sur le fondement de l’article 200 du code général des impôts.

Cet article vise principalement à empêcher le cumul entre des responsabilités ministérielles et des fonctions exécutives au sein d’une formation politique. En effet, les organismes concernés sont ceux auxquels les dons faits par les particuliers ouvrent droit à réduction d’impôts. Or, les formations politiques sont visées, à ce titre, par le 3 de l’article 200 du code général des impôts (25). Seraient concernés, sur ce fondement :

—  les associations de financement électorales dont le régime juridique est fixé par l’article L. 52-5 du code électoral ;

—  les associations agréées en qualité d’associations de financement d'un parti politique, visées aux articles 11-1 et suivants de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique ;

—  les partis et groupements politiques, dans la mesure où la dernière phrase du 3 de l’article 200 du code général des impôts prévoit que les cotisations qui leur sont versées par l’intermédiaire de leur mandataire ouvrent droit à réduction d’impôts.

D’autres associations ou fondations sont également concernées par cet article. Il s’agit notamment des fondations et associations reconnues d’utilité publique et des œuvres ou organismes d'intérêt général ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel, ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique.

Les fonctions ministérielles ne seraient pas incompatibles avec l’appartenance à ces associations, en tant que simple adhérent ou que membre de l’organe délibérant. En revanche, il ne serait pas possible aux membres du Gouvernement d’y exercer des fonctions exécutives, de quelque type qu’elles soient. Afin de déterminer les fonctions concernées, il serait nécessaire de se reporter aux statuts de l’association dont est membre le ministre. À titre d’exemple, les fonctions de président, de secrétaire général, de membre du bureau politique ou de trésorier seraient incompatibles avec celles de membre du Gouvernement. Si le ministre doit pouvoir faire entendre sa voix au sein de sa formation politique, il ne saurait y exercer aucun type de responsabilités ni aucune forme d’autorité.

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La Commission rejette l’amendement rédactionnel CL 2 du rapporteur.

Puis elle examine l’amendement CL3 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à aligner le régime de l’incompatibilité visée sur le droit commun des incompatibilités applicables aux ministres.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle rejette l’article 2.

Elle rejette enfin l’ensemble de la proposition de loi organique.

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En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande de rejeter la proposition de loi constitutionnelle et la proposition de loi organique pour une République décente (nos 2774 et 2775).

TABLEAU COMPARATIF
(PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE)

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Texte en vigueur

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Texte de la proposition de loi constitutionnelle

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Conclusions de la Commission

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Proposition de loi constitutionnelle pour une république décente

Proposition de loi constitutionnelle pour une république décente

 

Article unique

Article unique

Constitution du 4 octobre 1958

Le premier alinéa de l’article 23 de la Constitution est complété par une phrase ainsi rédigée :

Rejeté

Art. 23. – Les fonctions de membre du Gouvernement sont incompatibles avec l’exercice de tout mandat parlementaire, de toute fonction de représentation professionnelle à caractère national et de tout emploi public ou de toute activité professionnelle.

« Une loi organique précise les autres fonctions dont l’exercice est incompatible avec celle de membre du Gouvernement. »

 

Une loi organique fixe les conditions dans lesquelles il est pourvu au remplacement des titulaires de tels mandats, fonctions ou emplois.

   

Le remplacement des membres du Parlement a lieu conformément aux dispositions de l’article 25.

   

TABLEAU COMPARATIF
(PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE)

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Texte en vigueur

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Texte de la proposition de loi organique

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Conclusions de la Commission

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Proposition de loi organique pour une république décente

Proposition de loi organique pour une république décente

 

Article 1er

Article 1er

 

L’ordonnance n° 58-1099 du 17 novembre 1958 portant loi organique pour l’application de l’article 23 de la Constitution est complétée par un article 8 ainsi rédigé :

Rejeté

 

« Art. 8. – Il est interdit à tout membre du Gouvernement, par lui-même ou par personne interposée, d’avoir dans toute entreprise publique ou privée, dans tout établissement public ou toute association, soumis au contrôle de son administration ou en relation avec celle-ci, des intérêts de nature à compromettre son indépendance. »

 
 

Article 2

Article 2

Constitution du 4 octobre 1958

L’ordonnance n° 58-1099 du 17 novembre 1958 précitée est complétée par un article 9 ainsi rédigé :

Rejeté

Art. 23. – Cf. tableau comparatif de la proposition de loi constitutionnelle pour une république décente (n° 2774).

Code général des impôts

Art. 200. – Cf. annexe.

« Art. 9. – Conformément aux dispositions de l’article 23, alinéa 1, de la Constitution, toute fonction ou activité de direction ou de gestion administrative ou financière au sein d’une association, fondation, ou organisme auquel les dons et versements ouvrent droit à une réduction d’impôt, au sens de l’article 200 du Code Général des Impôts, est incompatible avec celle de membre du Gouvernement ».

 

ANNEXE AU TABLEAU COMPARATIF
(PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE)

Code général des impôts

Art. 200. – 1. Ouvrent droit à une réduction d’impôt sur le revenu égale à 66 % de leur montant les sommes prises dans la limite de 20 % du revenu imposable qui correspondent à des dons et versements, y compris l’abandon exprès de revenus ou produits, effectués par les contribuables domiciliés en France au sens de l’article 4 B, au profit :

a) De fondations ou associations reconnues d’utilité publique sous réserve du 2 bis, de fondations universitaires ou de fondations partenariales mentionnées respectivement aux articles L. 719-12 et L. 719-13 du code de l’éducation et, pour les seuls salariés des entreprises fondatrices ou des entreprises du groupe, au sens de l’article 223 A, auquel appartient l’entreprise fondatrice, de fondations d’entreprise, lorsque ces organismes répondent aux conditions fixées au b ;

b) D’œuvres ou d’organismes d’intérêt général ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel, ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, notamment à travers les souscriptions ouvertes pour financer l’achat d’objets ou d’œuvres d’art destinés à rejoindre les collections d’un musée de France accessibles au public, à la défense de l’environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises ;

c) Des établissements d’enseignement supérieur ou d’enseignement artistique publics ou privés, d’intérêt général, à but non lucratif ;

d) D’organismes visés au 4 de l’article 238 bis ;

e) D’associations cultuelles et de bienfaisance, ainsi que des établissements publics des cultes reconnus d’Alsace-Moselle ;

f) D’organismes publics ou privés dont la gestion est désintéressée et qui ont pour activité principale la présentation au public d’œuvres dramatiques, lyriques, musicales, chorégraphiques, cinématographiques et de cirque ou l’organisation d’expositions d’art contemporain, à la condition que les versements soient affectés à cette activité. Cette disposition ne s’applique pas aux organismes qui présentent des œuvres à caractère pornographique ou incitant à la violence ;

g) De fonds de dotation :

1° Répondant aux caractéristiques mentionnées au b ;

2° Ou dont la gestion est désintéressée et qui reversent les revenus tirés des dons et versements mentionnés au premier alinéa du 1 à des organismes mentionnés aux a à f ou à la Fondation du patrimoine dans les conditions mentionnées aux quatre premiers alinéas du 2 bis, ou à une fondation ou association reconnue d’utilité publique agréée par le ministre chargé du budget dans les conditions mentionnées au dernier alinéa du même 2 bis. Ces organismes délivrent aux fonds de dotation une attestation justifiant le montant et l’affectation des versements effectués à leur profit.

Ouvrent également droit à la réduction d’impôt les frais engagés dans le cadre d’une activité bénévole et en vue strictement de la réalisation de l’objet social d’un organisme mentionné aux deuxième à huitième alinéas, lorsque ces frais, dûment justifiés, ont été constatés dans les comptes de l’organisme et que le contribuable a renoncé expressément à leur remboursement.

bis. Pour l’application des dispositions du 1, lorsque les dons et versements effectués au cours d’une année excèdent la limite de 20 %, l’excédent est reporté successivement sur les années suivantes jusqu’à la cinquième inclusivement et ouvre droit à la réduction d’impôt dans les mêmes conditions.

ter Le taux de la réduction d’impôt visée au 1 est porté à 75 % pour les versements effectués au profit d’organismes sans but lucratif qui procèdent à la fourniture gratuite de repas à des personnes en difficulté, qui contribuent à favoriser leur logement ou qui procèdent, à titre principal, à la fourniture gratuite des soins mentionnés au 1° du 4 de l’article 261 à des personnes en difficulté. Ces versements sont retenus dans la limite de 510 € à compter de l’imposition des revenus de l’année 2009. Il n’en est pas tenu compte pour l’application de la limite mentionnée au 1.

La limite de versements mentionnée au premier alinéa est relevée chaque année dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu de l’année précédant celle des versements. Le montant obtenu est arrondi, s’il y a lieu, à l’euro supérieur.

2. Les fondations et associations reconnues d’utilité publique peuvent, lorsque leurs statuts ont été approuvés à ce titre par décret en Conseil d’État, recevoir des versements pour le compte d’œuvres ou d’organismes mentionnés au 1.

La condition relative à la reconnaissance d’utilité publique est réputée remplie par les associations régies par la loi locale maintenue en vigueur dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, lorsque la mission de ces associations est reconnue d’utilité publique.

Un décret en Conseil d’État fixe les conditions de cette reconnaissance et les modalités de procédure déconcentrée permettant de l’accorder.

2 bis. Ouvrent également droit à la réduction d’impôt les dons versés à la " Fondation du patrimoine " ou à une fondation ou une association qui affecte irrévocablement ces dons à la " Fondation du patrimoine ", en vue de subventionner la réalisation des travaux prévus par les conventions conclues en application de l’article L. 143-2-1 du code du patrimoine entre la " Fondation du patrimoine " et les propriétaires des immeubles, personnes physiques ou sociétés civiles composées uniquement de personnes physiques et qui ont pour objet exclusif la gestion et la location nue des immeubles dont elles sont propriétaires.

Les immeubles mentionnés au premier alinéa ne doivent pas faire l’objet d’une exploitation commerciale. Toutefois, ces dispositions ne sont pas applicables lorsque la gestion de l’immeuble est désintéressée et que les conditions suivantes sont cumulativement remplies :

1° Les revenus fonciers nets, les bénéfices agricoles, les bénéfices industriels et commerciaux et les bénéfices des sociétés commerciales, augmentés des charges déduites en application du 5° du 1 de l’article 39, générés par l’immeuble au cours des trois années précédentes sont affectés au financement des travaux prévus par la convention ;

2° Le montant des dons collectés n’excède pas le montant restant à financer au titre de ces travaux, après affectation des subventions publiques et des sommes visées au 1°.

Le donateur ou l’un des membres de son foyer fiscal ne doit pas avoir conclu de convention avec la " Fondation du patrimoine " en application de l’article L. 143-2-1 précité, être propriétaire de l’immeuble sur lequel sont effectués les travaux ou être un ascendant, un descendant ou un collatéral du propriétaire de cet immeuble. En cas de détention de l’immeuble par une société mentionnée au premier alinéa, le donateur ou l’un des membres de son foyer fiscal ne doit pas être associé de cette société ou un ascendant, un descendant ou un collatéral des associés de la société propriétaire de l’immeuble.

Les dons versés à d’autres fondations ou associations reconnues d’utilité publique agréées par le ministre chargé du budget dont l’objet est culturel, en vue de subventionner la réalisation de travaux de conservation, de restauration ou d’accessibilité de monuments historiques classés ou inscrits, ouvrent droit à la réduction d’impôt dans les mêmes conditions.

3. Ouvrent également droit à la réduction d’impôt les dons, prévus à l’article L. 52-8 du code électoral versés à une association de financement électorale ou à un mandataire financier visé à l’article L. 52-4 du même code qui sont consentis à titre définitif et sans contrepartie, soit par chèque, soit par virement, prélèvement automatique ou carte bancaire, et dont il est justifié à l’appui du compte de campagne présenté par un candidat ou une liste. Il en va de même des dons mentionnés à l’article 11-4 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 modifiée relative à la transparence financière de la vie politique ainsi que des cotisations versées aux partis et groupements politiques par l’intermédiaire de leur mandataire.

4 bis. Ouvrent également droit à la réduction d’impôt les dons et versements effectués au profit d’organismes agréés dans les conditions prévues à l’article 1649 nonies dont le siège est situé dans un État membre de la Communauté européenne ou dans un État partie à l’Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention fiscale contenant une clause d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l’évasion fiscale. L’agrément est accordé lorsque l’organisme poursuit des objectifs et présente des caractéristiques similaires aux organismes dont le siège est situé en France répondant aux conditions fixées par le présent article.

Lorsque les dons et versements ont été effectués au profit d’un organisme non agréé dont le siège est situé dans un État membre de la Communauté européenne ou dans un État partie à l’Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention fiscale contenant une clause d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l’évasion fiscale, la réduction d’impôt obtenue fait l’objet d’une reprise, sauf lorsque le contribuable a produit dans le délai de dépôt de déclaration les pièces justificatives attestant que cet organisme poursuit des objectifs et présente des caractéristiques similaires aux organismes dont le siège est situé en France répondant aux conditions fixées par le présent article.

Un décret fixe les conditions d’application du présent 4 bis et notamment la durée de validité ainsi que les modalités de délivrance, de publicité et de retrait de l’agrément.

5. Le bénéfice des dispositions du 1, du 1 ter, du 2 bis et du 4 bis est subordonné à la condition que soient jointes à la déclaration des revenus des pièces justificatives, répondant à un modèle fixé par un arrêté attestant le total du montant et la date des versements ainsi que l’identité des bénéficiaires. À défaut, la réduction d’impôt est refusée sans proposition de rectification préalable.

Toutefois, pour l’application du 3, les reçus délivrés pour les dons et les cotisations d’un montant égal ou inférieur à 3 000 € ne mentionnent pas la dénomination du bénéficiaire. Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application de cette disposition.

6. Par dérogation aux dispositions du premier alinéa du 5, le bénéfice de la réduction d’impôt est accordé aux contribuables qui transmettent la déclaration de leurs revenus par voie électronique, en application de l’article 1649 quater B ter, à la condition que soient mentionnés sur cette déclaration l’identité de chaque organisme bénéficiaire et le montant total des versements effectués au profit de chacun d’entre eux au titre de l’année d’imposition des revenus.

L’identité du bénéficiaire n’est pas mentionnée pour les dons et cotisations versés à des organismes visés au e du 1 et au 3 lorsque, dans ce dernier cas, les versements sont d’un montant égal ou inférieur à 3 000 €.

La réduction d’impôt accordée est remise en cause lorsque ces contribuables ne peuvent pas justifier des versements effectués par la présentation des pièces justificatives mentionnées au premier alinéa du 5.

AMENDEMENT EXAMINÉ PAR LA COMMISSION
(PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE)

Amendement CL1 présenté par M. Gaëtan Gorce, rapporteur :

Article unique

Compléter l’alinéa 2 par les mots : « et fixe les conditions dans lesquelles peuvent être constatées de telles incompatibilités ».

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION
(PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE)

Amendement CL1 présenté par M. Gaëtan Gorce, rapporteur :

Article 1er

Compléter cet article par les deux alinéas suivants :

« Tout membre du Gouvernement, dans le mois qui suit sa nomination, adresse au Conseil constitutionnel une déclaration d’intérêts certifiée sur l’honneur exacte et sincère. Cette déclaration comporte la liste des emplois, fonctions et mandats qu’il a exercés depuis dix ans, les revenus de toute nature qu’il a perçus durant l’année précédent sa nomination ainsi que les activités professionnelles de son conjoint et de ses descendants en ligne directe.

« Dans un délai d’un mois à compter de la réception de la déclaration, le Conseil constitutionnel informe, le cas échéant, le membre du Gouvernement qu’il doit faire cesser la prise d’intérêts incompatible avec l’exercice de ses fonctions. Cette information est également adressée au Président de la République et au Premier ministre. Si dans un délai de deux mois à compter de sa réception, le membre du Gouvernement n’a pas apporté la preuve que cette prise d’intérêts a cessé, le Conseil constitutionnel le déclare démissionnaire du Gouvernement. »

Amendement CL2 présenté par M. Gaëtan Gorce, rapporteur :

Article 2

À l’alinéa 2, après le mot : « impôts » insérer les mots : « dans sa rédaction en vigueur à la date de la publication de la loi organique n°               du                    ».

Amendement CL3 présenté par M. Gaëtan Gorce, rapporteur :

Article 2

Compléter cet article par l’alinéa suivant :

« Pour chaque membre du Gouvernement, cette incompatibilité prend effet à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de sa nomination. Son remplacement dans ses anciennes fonctions a lieu conformément aux statuts de l’association, de la fondation ou de l’organisme concerné. »

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
PAR LE RAPPORTEUR

M. Guy CARCASSONNE, professeur de droit public à l'université Paris X - Nanterre

Mme Anne LEVADE, professeur de droit public à l'université Paris-XII -Val-de-Marne

M. Bertrand MATHIEU, professeur de droit public à l'université Paris I -Panthéon-Sorbonne

M. Jean-Marc SAUVÉ, Vice-président du Conseil d’État, président de la Commission pour la transparence financière de la vie politique et président de la Commission de réflexion pour la prévention des conflits d’intérêt dans la vie publique

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