N° 2937 - Rapport de M. Christian Ménard sur le projet de loi , adopté par le Sénat, relatif à la lutte contre la piraterie et à l'exercice des pouvoirs de police de l'État en mer (n°2502)



N° 2937

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 novembre 2010.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES
SUR LE PROJET DE LOI (n° 2502), MODIFIÉ PAR LE SÉNAT,

relatif à la
lutte contre la piraterie et à l’exercice
des
pouvoirs de police de l’État en mer

PAR M. Christian Ménard,

Député.

——

Voir les numéros :

Sénat : 607 rect. (2008–2009), 369, 370 et T.A. 99 (2009–2010).

S O M M A I R E

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Pages

INTRODUCTION 5

I. —  LA PIRATERIE MARITIME EST UN SUJET DE PRÉOCCUPATION MAJEURE POUR LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE 7

A. UN PHÉNOMÈNE EN EXPANSION 7

B. AU–DELÀ DE LA PAUVRETÉ, DES CAUSES DIVERSES 10

C. DES CONSÉQUENCES GRAVES POUR LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE 11

II. — UN PHÉNOMÈNE DIFFICILE À JUGULER, MALGRÉ LA FORTE MOBILISATION INTERNATIONALE 17

A. L’IMPLICATION DES ÉTATS RIVERAINS EST LA SEULE SOLUTION DURABLE 17

B. LE CAS SOMALIEN DEMEURE PARTICULIÈREMENT PROBLÉMATIQUE 19

1. À l’initiative de la France, la mobilisation internationale a donné des résultats tangibles 19

2. Mais ces progrès semblent précaires, faute d’une solution à terre 23

3. La communauté internationale peine à faire juger les pirates 25

C. LA FRANCE PARAÎT AUJOURD’HUI MAL ARMÉE POUR JUGER LES PIRATES QU’ELLE ARRÊTE 30

1. Le droit français ignore la piraterie maritime 30

2. L’action de police de l’État en mer est contrainte par la jurisprudence conventionnelle européenne 31

3. La compétence des juridictions françaises pourrait être large dans ce domaine 31

III. — LE PROJET DE LOI ADAPTE LE DROIT FRANÇAIS À CETTE MENACE, EN CONFORMITÉ AVEC LE DROIT INTERNATIONAL 35

A. LES DONNÉES DU DROIT INTERNATIONAL 35

1. La convention de Montego Bay sur le droit de la mer 35

2. La convention sur la sécurité de la navigation maritime 36

3. Le régime particulier institué par le Conseil de sécurité des Nations Unies au large des côtes somaliennes 37

B. LES RÉPONSES APPORTÉES PAR LE PROJET DE LOI 38

CONCLUSION 41

TRAVAUX DE LA COMMISSION 43

I. — DISCUSSION GÉNÉRALE 43

II. — EXAMEN DES ARTICLES 49

CHAPITRE IER : Dispositions modifiant la loi n° 94-589 du 15 juillet 1994 relative aux modalités de l’exercice par l’État de ses pouvoirs de police en mer 49

Article 1er 49

Article 2 : Répression de la piraterie maritime 50

Article 2 bis : Modification de l’intitulé de la loi du 15 juillet 1994 60

Article 3 : Champ d’application de la répression du trafic de stupéfiants et de l’immigration illégale par mer 61

CHAPITRE II : Dispositions modifiant le code pénal et le code de procédure pénale 62

Article 4 : Aggravation de la peine encourue en cas de détournement de navire commis en bande organisée 62

Article 5 : Compétence des juridictions interrégionales spécialisées en matière de répression des actes de piraterie commis en bande organisée 62

CHAPITRE III : Dispositions modifiant le code de la défense 63

Article 6 : Création d’un régime sui generis pour la consignation à bord des personnes appréhendées dans le cadre de l’action de l’État en mer 63

CHAPITRE III BIS : Dispositions relatives aux enfants des victimes d’actes de piraterie maritime 66

Article 6 bis : Reconnaissance de la qualité de pupille de la Nation aux enfants des victimes d’actes de piraterie. 66

CHAPITRE IV : Dispositions finales 68

Article 7 : Champ d’application territorial 68

TABLEAU COMPARATIF 69

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION  79

AUDITIONS ET DÉPLACEMENTS 81

AUDITIONS 81

DÉPLACEMENTS 83

ANNEXE : ARTICLES 100 À 111 DE LA CONVENTION DE MONTEGO BAY 85

INTRODUCTION

La dernière décennie a vu la recrudescence des actes de piraterie maritime. Cette pratique, que l’on croyait en voie de disparition, est progressivement devenue un sujet d’inquiétude majeure pour la communauté internationale et c’est aujourd’hui son développement au large des côtes somaliennes qui concentre l’attention.

La France est concernée au premier chef par cette menace. Premièrement, elle est le seul grand État occidental riverain de l’océan Indien. Deuxièmement, l’océan Indien est une zone vitale pour son économie, qu’il s’agisse du transit de marchandises ou de la pêche. Enfin, des ressortissants français ont été pris en otage à plusieurs reprises par des pirates somaliens, contraignant le Gouvernement à organiser leur libération par l’intervention – exemplaire – de nos forces marines de fusiliers commandos, ainsi que celle du GIGN lors de l’attaque du Ponant.

Pour juguler le phénomène, la France a initié une réaction internationale forte qui s’est notamment traduite par le déploiement de moyens navals dans le golfe d’Aden ainsi qu’au large des côtes somaliennes. Ces opérations, et en particulier celle conduite dans le cadre européen nommée Atalante, ont fait leur preuve, démontrant une efficacité opérationnelle certaine en améliorant la sécurité de la zone.

Pour autant, entre autres parties du problème, demeure celle du traitement judiciaire des pirates. Alors que dans les affaires du Ponant, du Carré d’As et du Tanit l’intervention de nos forces a permis leur arrestation et leur jugement en France, le paradoxe fait qu’ils ne pourront pas être condamnés pour des actes de piraterie en tant que tels, cette notion ayant disparu de notre droit en 2007.

Mais, au-delà même de cette lacune, notre droit ne permet pas à ce jour de juger des pirates arrêtés par nos forces et dont les victimes n’ont aucun lien de rattachement avec la France.

Or, le droit international, et en particulier la convention de Montego Bay, énonce un principe de compétence universelle des États parties pour lutter contre ce phénomène, y compris pour juger les actes de piraterie. Compte tenu de sa gravité et de la nécessité de mobiliser tous les États, il revient à chacun d’entre eux de conformer son droit interne à ses dispositions.

C’est dans cet esprit que le projet de loi entend adapter notre droit à la convention en identifiant une incrimination de piraterie dans le code pénal, en conférant aux tribunaux français la faculté de juger très largement ces crimes, mais aussi en habilitant les commandants des navires de l’État à entreprendre des actions de coercition, de contrôle et de consignation à bord des personnes, ou encore de saisir les objets ou documents concernés par la commission des faits.

Ce projet tient compte du contexte opérationnel, marqué par la distance physique avec les autorités judiciaires mais aussi très souvent par l’intégration de nos forces dans des commandements opérationnels multinationaux. Il se conforme également à l’évolution de l’environnement juridique, « chahuté » par la Cour européenne des droits de l’homme lors de la mise en œuvre des dispositions relatives à l’action de l’État en mer, qui touchent à la lutte contre les trafics de stupéfiants et contre l’immigration clandestine.

Le rapporteur se réjouit de ce texte équilibré qui lui semble correspondre aux attentes des opérationnels comme des juristes, et qui permettra à la France, forte d’un tel dispositif, d’intensifier le volet diplomatique de son action, en encourageant le plus grand nombre d’États à prendre leurs responsabilités dans les domaines militaires aussi bien que judiciaires. Il s’agira aussi d’encourager la communauté internationale à rechercher des solutions « à terre », dans une optique régionale, sans quoi les difficultés actuelles pourraient fort bien persister de longues années encore.

Le Sénat a adopté le projet de loi en première lecture le 6 mai dernier. Tout en saluant le texte dans son ensemble, les sénateurs ont introduit un certain nombre de modifications : assouplissement du régime de saisie du procureur de la République avant la saisie d’objets ou de documents, possibilité de destruction des embarcations de pirates, prise en compte du transfert par voie aérienne des personnes appréhendées et inscription de leur remise à l’autorité judiciaire dès leur arrivée sur le territoire français (1). Le rapporteur se réjouit de ces inflexions particulièrement positives.

Avertissement : de la piraterie et du brigandage

Le droit international considère que seuls les actes commis en haute mer sont assimilables à de la piraterie, ceux intervenant dans les eaux territoriales correspondant à du brigandage ou à des attaques à main armée. En conséquence, si la piraterie, commise en haute mer, est une menace face à laquelle tous les États doivent se mobiliser, il est du ressort de chacun d’entre eux de traiter souverainement des désordres intervenant dans leurs eaux territoriales.

Or, les pirates agissent indistinctement depuis la côte vers la haute mer. Le rapport va donc décrire l’expansion de ce phénomène dans son acception générale, qui inclut le brigandage, puis se concentrera sur sa définition stricte en droit international dans les développements concernant l’évolution du droit français.

Si l’on croyait la piraterie oubliée, ou à tout le moins confinée dans certaines zones précises, sans conséquence lourde pour la communauté internationale, les événements de ces dernières années ont renversé cette impression. Après avoir crû dans le détroit de Malacca à la suite de la crise de 1997 et s’être stabilisé, le phénomène s’est développé ces dernières années au large du golfe de Guinée. Considérée comme une menace régionale, la piraterie maritime y est aujourd’hui surveillée de près par l’ensemble de la communauté internationale et notamment la France. Mais, surtout, c’est au large des côtes somaliennes qu’elle a connu sa plus forte expansion, au point de poser un grave problème de sécurité pour les voies de transit international (2).

La piraterie est le fait de bandes organisées qui agissent à des fins privées, généralement pour détourner un navire, saisir ce qu’il transporte ou encore prendre en otage ses passagers afin d’exiger une rançon. L’action se passe sur mer, mais, bien entendu, elle se prolonge sur terre, où ils disposent de bases de départ, voire de sanctuaires.

Les équipages de pirates peuvent être composés de pêcheurs, mais le sont, bien souvent, de gens venant de « l’intérieur ». Leur rayon d’action est variable : dans le détroit de Malacca, leurs opérations s’exercent sur des distances généralement modérées et contenues dans l’archipel, mais, au large de la Somalie, leur navigation est telle qu’elle se rapproche aujourd’hui des côtes indiennes. Dans les faits, les pirates ne distinguent pas les eaux intérieures de la haute mer : ils agissent là où se présentent des opportunités fortes pour un risque le plus modéré possible.

Le mode opératoire consiste généralement à utiliser des petites embarcations (des skifs), qui sont le plus souvent des bateaux de pêche, et un bateau mère qui soutient ces petites embarcations, alors exclusivement destinées à l’assaut, afin de disposer d’une plus grande allonge. Il arrive souvent que les bateaux mères soient des navires piratés.

Comme on l’a précédemment affirmé, ce phénomène a connu une nouvelle actualité ces vingt dernières années, au large des côtes asiatiques et surtout africaines. Ainsi, sur les 406 attaques de piraterie et brigandage armé répertoriées au niveau mondial par le bureau maritime international (BMI) pour 2009, 55 % d’entre elles (soit 223 attaques) étaient liées à la piraterie au large des côtes somaliennes, essentiellement dans le golfe d’Aden (116 attaques).

Dans le détroit de Malacca le BMI a effectivement relevé une forte décrue des actes de piraterie, dénombrant notamment 38 attaques en 2004, contre seulement deux en 2008.

Dans le golfe de Guinée sévit une piraterie moins connue. Cette zone, riche en hydrocarbures, est aussi entourée d’États dont la capacité de lutte contre les bandes crapuleuses fait parfois défaut.

Mais c’est surtout au large des côtes somaliennes que le phénomène déstabilise aujourd’hui les routes de transit international, avec près de 111 actes perpétrés en 2008.

Le tableau ci–après recense les attaques avérées au large des côtes somaliennes depuis janvier 2008.

Statistiques sur l’évolution de la piraterie
dans le bassin somalien et le golfe d’Aden

Source : État–major des armées.

Ces données doivent être interprétées avec prudence, car elles ne reflètent que les incidents déclarés. Elles prouvent tout de même l’importance de la menace.

Pour être exhaustif, il conviendrait également de mentionner l’existence de phénomènes comparables dans d’autres points du globe : lac Victoria, Antilles, Amérique du Sud (3), et surtout mer de Chine…

Au–delà, on peut observer que ce phénomène évolue, le cas somalien s’avérant aujourd’hui le plus préoccupant, avec un rayon qui s’étend dangereusement vers l’est et le sud, certains pirates exerçant leurs méfaits au large des côtes indiennes, des Seychelles, s’approchant du détroit du Mozambique. Fait préoccupant, une attaque aurait eu lieu récemment au large des Îles Glorieuses, c’est-à-dire à proximité du territoire de la République.

Un motif supplémentaire d’inquiétude vient de l’évolution de leurs modes opératoires, les pirates recourant à une violence croissante. Désormais, il devient fréquent que les otages soient victimes de mauvais traitements, avec semble–t–il des actes de tortures psychologiques, qui prennent notamment la forme de simulacres d’exécutions. Cette montée de la violence n’est pas sans rappeler celle qui prévaut dans le golfe de Guinée, où le traitement des otages est généralement décrit comme brutal, d’autant plus pénible que l’environnement y est difficile, notamment la mangrove où les victimes contractent facilement le paludisme. L’image ci-après illustre ce type de paysage.

Paysage du delta du Niger

Tout cela alimente un contexte de montée générale de la violence, aggravé par l’arrivée de certains nouveaux venus et de leurs méthodes contestables. Toutes les marines ne s’embarrassent pas, en effet, de considérations humanitaires, et certains pays ont autorisé le recours à des sociétés de sécurité privées (SSP), dont les équipes embarquées sur des navires de commerce sont difficiles à contrôler. C’est ainsi, et sans désigner de responsable, que l’on a retrouvé ici ou là des embarcations à la dérive, dont l’équipage avait été privé de ses moyens de guidage, ou encore d’autres dont les occupants avaient péri sous le feu, alors que rien n’avait été déclaré au niveau international.

Ce constat, plus que jamais, plaide pour une approche globale de la piraterie maritime, incluant l’ensemble des acteurs concernés et l’étude de ses causes profondes.

Les causes de la piraterie sont variées. Alors que la pauvreté a pu être l’une de ses sources, mais non la seule (n’oublions pas qu’elle existe en ces contrées depuis des siècles), le motif essentiel réside aujourd’hui dans l’espoir d’un gain facile réalisé au sein de structures organisées, la piraterie étant souvent financée et armée par des commanditaires qui s’en sont fait une spécialité. Mais, au-delà de ces considérations générales, il s’agit avant tout d’un phénomène local.

La crise asiatique de 1997 a profondément déstabilisé les États riverains du détroit de Malacca et les pirates ont su profiter habilement de la géographie pour se confondre avec les pêcheurs et, une fois commis leurs forfaits, se fondre dans les îles environnantes.

Dans le golfe de Guinée, les causes sont à la fois économiques et politiques. La côte du Nigeria constitue le principal foyer à partir duquel le phénomène se répand. Depuis 2005, elle voit croître les attaques, d’abord concentrées dans les eaux territoriales, puis, de plus en plus, vers des cibles situées en haute mer. Il s’agit la plupart du temps de prendre possession des marchandises ou des hydrocarbures transportées en mer ou qui peuvent s’y trouver stockées (dans le cas des barges de stockage de pétrole). Il s’agit également de prendre en otage les personnels expatriés, afin de réclamer des rançons, qui sont effectivement versées la plupart du temps. Le contexte local est particulièrement important : de nombreux actes ont été menés au nom du MEND (mouvement pour l’émancipation du delta du Niger), mouvement indépendantiste en lutte contre l’État fédéral nigérian. Loin de l’affichage politique, ses actions, menées notamment depuis la presqu’île de Bakassi disputée par le Cameroun, ont surtout revêtu un caractère crapuleux.

Compte tenu de leurs succès et de leur impunité, ces exactions sont désormais perpétrées sur l’ensemble de la côte face à un État nigérian qui ne s’est pas donné les moyens de contrecarrer la menace, ni sur le plan des capacités militaires, ni même, dit–on, sur celui de la volonté politique, avec, en arrière-plan, pour l’ensemble de ces acteurs, un enjeu qui ne serait pas politique mais financier : il s’agit purement et simplement de capter une partie de l’immense rente pétrolière.

À la suite d’une décision de la Cour internationale de justice, le Cameroun s’est vu reconnaître une entière souveraineté sur la presqu’île de Bakassi, après un retrait progressif des troupes nigériennes. Si le déploiement des forces camerounaises semble apporter un progrès notable, la région n’en demeure pas moins perturbée par la piraterie, en raison du manque de contrôle des côtes, et le récent enlèvement de personnels du groupe Bourbon en atteste. Le rapporteur considère qu’il s’agit d’une région stratégique pour la France et l’Occident (4) et dont, concentrés sur la Somalie, nous aurions tort de négliger la sécurisation.

Dans le cas somalien, c’est une véritable industrie de la piraterie qui s’est développée. Ainsi que le rapporteur l’a décrit dans son rapport d’information (5), l’instabilité de ce pays a fait le lit de cette activité, qui entretient aujourd’hui une partie importante de la population des côtes mais aussi de l’intérieur par ses retombées directes et indirectes. Alors que d’aucuns avancent une origine « réactionnelle » liée au « pillage » des côtes somaliennes par les bateaux de pêche de certains pays européens ou asiatiques, cela a certainement pu causer l’appauvrissement de villages de pêcheurs et expliquer des conversions totales ou le plus souvent partielles vers la piraterie. Cet élément ne permet cependant pas d’expliquer le phénomène dans la durée. En fait, la piraterie prospère aujourd’hui tout simplement parce qu’elle offre la possibilité d’un gain considérable. Ces pêcheurs ont conscience qu’ils y risquent leur vie –nombreux sont ceux qui ne reviennent pas–, mais savent également qu’ils ne courent quasiment aucun risque de répondre de leurs actes devant la justice, alors même que les rançons sont généralement payées. Et le sentiment de sécurité est encore plus grand pour les organisateurs de ces expéditions, qui demeurent à terre, ainsi que pour les commanditaires qui jouissent généralement de positions en vue en Somalie ou bien se trouvent à l’étranger.

Les zones concernées par la piraterie sont généralement celles où transite de la richesse : elles deviennent dangereuses pour les hommes et coûteuses pour les armateurs.

C’est ainsi que le golfe d’Aden voit passer chaque jour environ 45 navires marchands et 3,5 millions de barils de pétrole, dont une trentaine de navires gérés et/ou armés par une société française chaque mois.

Des dizaines de milliers de marins s’y transportent chaque année et, avec l’intensification des raids pirates, le nombre de personnes prises en otage n’a cessé d’augmenter. À l’été 2008, on dénombrait environ 350 personnes retenues en otage en Somalie, dont 229 issues d’équipages de 11 bâtiments de commerce.

Cette situation a fait croître les coûts d’assurance, le golfe d’Aden étant assimilé à une zone de guerre, justifiant une multiplication par quatre ou cinq des primes demandées (6). Pour s’y soustraire, des armateurs reliant l’Europe à l’Asie ont choisi de contourner les zones dangereuses par l’Afrique du Sud, engendrant un coût supplémentaire représentant au moins dix jours, soit 800 000 dollars de carburant en plus pour un gros transporteur ou 2,7 millions de dollars pour un porte–containers.

Les deux tableaux ci–après décrivent le surcoût estimé de la piraterie pour deux grands armateurs, CMA CGM et Maerks.

Surcoût de la piraterie pour CMA CGM

Consommation carburant supplémentaire

20 millions de dollars par an

Prime de risque versée aux équipages

3 500 dollars par voyage

Route de contournement

5 millions de dollars par an

Source : GDI (2S), conseiller CMA CGM).

Surcoût de la piraterie pour MAERKS

Coût des marchandises à destination et en provenance des ports de l’Afrique de l’Est

+ 50 à 100 dollars par container

Coût des marchandises transitant par le golfe d’Aden

+ 25 à 50 dollars par container

Montant des primes d’assurance

+ 10 à 20 000 dollars par navire par trajet

Source : département d’État américain.

Face à cela, les États, assureurs et armateurs ont opté pour des stratégies variées : action de coercition, convois, etc. Mais parmi les solutions mises en œuvre, il se trouve également le paiement de rançons.

La question des rançons

Contrairement à la France, certains États tolèrent le paiement de rançons. Leurs montants sont en augmentation, même si le secret qui entoure leur versement explique qu’il est difficile de cerner les montants globalement engagés. D’après les chiffres communiqués au rapporteur, pour l’année 2009, ce sont près de 80 millions de dollars qui auraient été versés pour la seule piraterie liée à la Somalie, contre 30 millions de dollars en 2008.

Ces chiffres sont à analyser avec prudence car peu de compagnies d’assurance et encore moins d’États dévoilent spontanément les montants réellement en jeu. Toujours est–il que des rançons sont payées – les compagnies d’assurances ont créé un type de contrat spécifique (7)–, pour des montants croissants, ce qui ne cesse d’alimenter le phénomène. Le coût de cette police reste moins élevé que le surcoût lié au déroutement des navires. Il faut noter que, paradoxalement, le coût de l’assurance étant jugé trop élevé, certains font le choix de ne pas déclarer d’attaque afin d’éviter tout renchérissement de leurs primes.

Sur cette question, il serait souhaitable que les États européens s’efforcent d’adopter un code de conduite commun, car il s’agit bien d’un enjeu stratégique.

Le cas de la Somalie est éloquent, mais il ne doit pas occulter les autres zones. Si la situation dans le détroit de Malacca semble stabilisée, celle qui prévaut dans le golfe de Guinée est particulièrement préoccupante. Bien qu’aucune estimation exacte n’ait été communiquée au rapporteur, on sait que les grandes compagnies, et notamment pétrolières, consacrent plusieurs centaines de millions de dollars à leur sécurité, y compris dans des dépenses indirectes, telles que le développement des communautés locales. Cela fait que, dans l’ensemble, la situation reste sous contrôle. Mais cela signifie aussi que beaucoup se sont enrichis grâce à cette menace et il n’est pas certain que, partout, il soit jugé urgent de mettre un terme définitif à la menace pirate.

Les acteurs économiques se sont donc adaptés à une menace de long terme. Au cours d’un déplacement au Nigeria et au Cameroun, le rapporteur a rencontré des représentants de différentes entreprises françaises implantées dans cette région.

Il a notamment observé les dispositifs mis en place par l’entreprise Total pour assurer la sécurité de ses employés et de ses installations. Il s’agit notamment de mesures de protection passive des plateformes pétrolières, qui entravent l’accès aux éventuels assaillants et aménagent des zones isolées dans lesquelles les personnels peuvent se réfugier en attendant les secours.

L’image ci-après montre un dispositif de protection extérieure mise en place sur une plateforme au large du Nigéria.

Protection extérieure d’une plateforme pétrolière

La photo suivante illustre une mesure de protection intérieure sur la même plateforme.

Porte de protection installée sur une plateforme pétrolière

Au même titre que le groupe Bourbon, Total participe également à la gestion d’une structure de surveillance du delta du Niger ainsi que de recensement des attaques et de mise en œuvre de procédures d’alerte. Cette structure est soutenue par les grands investisseurs internationaux et permet la mobilisation de moyens de coercition de l’État nigérian.

Autre conséquence, industrielle cette fois, les acteurs militaires comme économiques ont désormais besoin d’équipements adaptés à la menace, en particulier des embarcations à la fois légères et suffisamment protégées pour résister aux tirs de pirates. C’est ainsi que la société française Piriou est parvenue à s’implanter à Port Harcourt, au Nigeria, où elle a installé un chantier naval qui répond aux besoins des entreprises étrangères, à l’image de Bourbon pour le ravitaillement des installations en mer, mais aussi à ceux de l’armée du Nigeria (équipements financés par les grandes entreprises étrangères). Son savoir-faire est reconnu, et elle prouve que l’on peut développer en Afrique des activités de production à haute valeur ajoutée malgré un contexte sécuritaire dégradé.

Le phénomène ne pourra être jugulé qu’au travers d’une mobilisation des États riverains, la sécurité de la mer n’étant assurée sur le long terme que par un travail à terre.

Dans le cas somalien, l’absence de structure étatique suffisamment solide a, sous l’égide de la France, entraîné la communauté internationale à prendre des mesures pour sécuriser la zone, l’Union européenne initiant notamment l’opération Atalante. Pour autant, les solutions à terre se font toujours attendre et la question du jugement des pirates n’a pas été véritablement résolue.

Même si l’on sait que le processus n’est pas facile, la piraterie peut être endiguée. Le retour d’expérience de ces dernières années le suggère, mais à la condition d’une véritable implication des États. À cet égard, la comparaison des trois zones principalement concernées semble révélatrice.

Dans le détroit de Malacca, après plusieurs années de relâchement, la coopération entre les États côtiers (Malaisie, Indonésie, Singapour) a permis de rétablir la sécurité des voies maritimes, avec l’établissement de patrouilles communes, de dispositifs de surveillance des côtes, d’échange d’informations, tout en faisant en sorte que les pirates soient effectivement jugés. La bonne entente entre ces États a permis d’interdire aux pirates de profiter des changements de frontières pour échapper à toute police et à tout jugement.

De même, des initiatives innovantes sont conduites dans le golfe de Guinée. Le rapporteur a ainsi pu constater que certains États de la région (Cameroun, Sao Tomé, Guinée équatoriale et Gabon) ont mis en place une coopération exemplaire, prévoyant en particulier la conduite de patrouilles communes, transfrontalières. Le Cameroun, qui est parmi ces pays le plus touché par le phénomène, a en outre institué un bataillon d’intervention rapide, dit BIR, chargé de le combattre. Il s’agit là d’un corps d’élite, bénéficiant d’un effort d’équipement conséquent et dont les militaires concentrent actuellement leur action sur la presqu’île de Bakassi, base arrière des pirates.

L’image ci-après montre certains des moyens dont le BIR dispose à Douala.

Moyens mobilisés par le BIR

Malgré ces efforts, des actes de piraterie sont toujours commis au large des côtes camerounaises, en partie en provenance du Nigeria. Cependant, la mobilisation nationale du Cameroun, comme internationale, peut faire de ce pays l’un des leaders dans la lutte contre ce phénomène.

Aussi ne peut-on que regretter les réticences du Nigeria à coopérer pleinement avec ses voisins. Cela peut, peut-être, s’expliquer par un certain désintérêt pour la presqu’île de Bakassi depuis son annexion au Cameron. Mais sans doute existe-t-il, plus généralement, une difficulté plus profonde à mobiliser l’ensemble des autorités, fédérales et locales, contre un phénomène qui a instauré des formes de redistribution de rentes désormais bien ancrées.

Ces différents exemples montrent à quel point l’implication des États, y compris dans un cadre régional, est nécessaire pour enrayer le phénomène. Ils prouvent également qu’à force de volonté, il est possible d’y mettre un terme.

En Somalie, seule la province sécessionniste du Somaliland, relativement stable, a su mener une politique vigoureuse de lutte contre cette menace, en formant un corps de gardes–côtes qui entretient des relations étroites avec les communautés locales de pêcheurs, mais aussi en jugeant et en sanctionnant sévèrement les auteurs de ces infractions.

La prison de Mandera au Somaliland, où sont emprisonnés des pirates arrêtés par les gardes côtes figure sur la photo suivante.

Prison de Mandera, Somaliland

En dehors du Somaliland, le cas somalien montre, a contrario, comment l’absence d’un État solide depuis près de deux décennies a laissé prospérer le phénomène, sans offrir de perspective d’une résolution proche depuis la terre.

À l’été 2007, alors que ses navires transportent l’aide alimentaire à destination de la Somalie étaient victimes des pirates, le programme alimentaire mondial (PAM) lançait un appel conjoint avec l’organisation maritime internationale (OMI) sollicitant une action internationale concertée pour mettre un terme à ces exactions au large de la corne de l’Afrique. La France y répondra par l’opération Alcyon, proposant de déployer des moyens militaires à cette fin. Cette mission sera assumée de novembre 2007 à février 2008, permettant au PAM d’acheminer près de 30 000 tonnes de vivres de Mogadiscio à Merka.

Par ailleurs, préalablement à l’opération Atalante, une cellule de coordination européenne (EUNAVCO) sera mise en place, le 15 septembre 2008, la France assurant l’accompagnement d’une vingtaine de navires de commerce en transit dans le golfe d’Aden.

Mais l’intensification des actes de piraterie dans cette zone sera telle qu’elle justifiera une réaction plus vigoureuse de la communauté internationale et au premier chef de l’Union européenne. C’est ainsi qu’à la suite des affaires du Ponant et du Carré d’As, la France parviendra à mobiliser le Conseil de sécurité des Nations Unies ainsi que ses partenaires de l’Union européenne. Le 10 novembre 2008, le Conseil de l’Union européenne adopte une action commune, lançant l’opération baptisée EUNAVFOR Atalante. Cette opération s’est inscrite dans le cadre des résolutions des Nations Unies autorisant l’intervention de la communauté internationale pour lutter contre la piraterie au large des côtes somaliennes.

Elle vise à offrir une protection aux navires affrétés par le PAM, à sécuriser le trafic des navires marchands circulant dans cette zone, à assurer sa surveillance et, le cas échéant, à recourir à la force pour mettre fin aux actes de piraterie ou vols à main armée qui s’y commettraient. Pour ce faire, elle rassemble plus d’une vingtaine de bâtiments et d’aéronefs d’États membres volontaires.

Le coût global de l’opération a été évalué à 230 millions d’euros pour 2009, dont un surcoût d’opération extérieure estimé à 20,9 millions d’euros pour la France.

Depuis deux ans, l’Union européenne mène ces opérations avec une efficacité reconnue par ses alliés comme par les États côtiers. Le taux de succès des attaques a régressé, passant de 35 % en 2007 à 22 % en 2009. Le golfe d’Aden est désormais bien protégé, avec la mise en place d’un couloir de transit internationalement reconnu (International Recognized Transit Corridor, IRTC), où, à deux exceptions près, aucun navire ayant suivi les règles de sécurité recommandées n’a été attaqué.

Elle a en outre élargi son rayon d’action à une partie de l’océan Indien, au large des Seychelles. De plus, Atalante a permis d’entraîner de nombreux partenaires dans la lutte contre la piraterie au large des côtes somaliennes, et a su se coordonner avec les autres forces déployées dans la zone (notamment la Combined Task Force 151 coordonnée par les États-Unis ou l’opération Ocean Shield de l’OTAN).

Il s’agit là d’un succès politique majeur pour l’Union européenne, qui, pour la première fois, a su organiser une opération militaire dépassant le seul cadre des critères de Petersberg (lesquels se limitent aux actions de maintien de la paix, de reconstruction et d’aide humanitaire). Il est à souhaiter aujourd’hui que les différents partenaires de la France maintiennent leur engagement dans la durée.

Sur les moyens mobilisés par la France (8)

Au cours de son déplacement en Afrique, le rapporteur a rencontré l’équipage du Guépratte, frégate française qui participait alors à l’opération Atalante. Il a dialogué avec les opérationnels, directement en prise avec la piraterie, et a visité les installations du navire. Il a notamment pu observer celles permettant d’accueillir les personnes arraisonnées, y compris dans le cadre d’actions de lutte contre la piraterie : elles permettent leur encadrement médical, comme leur consignation à bord dans des conditions respectueuses de la dignité humaine.

Le rapporteur a effectué un survol de la côte nord somalienne aux côtés de l’équipage d’un avion Atlantique 2. Il a constaté la grande technicité de cette équipe, dont le travail de surveillance et la production d’images offrent un concours précieux aux opérations navales d’Atalante. Par ailleurs, au-dessus des navires piratés, les survols effectués par les moyens aéronavals sont également essentiels pour marquer la mobilisation de la communauté internationale, alors même que la sécurité des otages interdits aux moyens navals de trop s’approcher.

Il a également rencontré avec un grand intérêt des représentants des fusiliers marins commandos, corps mobilisé avec succès lors de chacune des prises d’otage impliquant nos compatriotes.

Le rapporteur tient à remercier l’ensemble de ces forces pour leur accueil et à rendre hommage à la qualité de leur engagement.

L’image ci-après montre un navire piraté survolé par l’Atlantique 2 le 4 juillet 2010.

Le TMO Motivator, navire piraté photographié au cours du survol en Atlantique 2 le 4 juillet 2010 par l’équipage de la flottille 23F (équipage W1)

L’investissement de la France dans des opérations multinationales se manifeste également dans des actions nationales. C’est ainsi qu’elle conduit, au large des Seychelles, une opération de protection des thoniers français en mettant à bord des équipes de protection embarquées (EPE), composées de militaires de la marine nationale. Elle assure également la protection des autres navires sensibles, battant pavillon français, porteurs de missions spécifiques.

Les EPE embarquées sur les thoniers-senneurs français

Une grande partie de l’activité thonière française se déroule dans l’océan indien, en notamment au large des Seychelles. L’insécurité qui s’est développée dans la zone a conduit le Gouvernement à proposer aux thoniers-senneurs d’accueillir à leur bord des EPE, sur la base du volontariat.

Concrètement, quelques marins, généralement issus du corps des fusiliers commandos, embarquent depuis les Seychelles pour accompagner les thoniers pendant quelques semaines dans leur activité de pêche. Les navires participant à ce dispositif acceptent de naviguer par deux, afin de se protéger mutuellement et les armateurs prennent en charge le surcoût de la protection (hôtellerie, équipements spécifiques, etc.).

Le retour d’expérience est fort bon : les EPE sont désormais considérées comme indispensables. Néanmoins, sans remettre en cause cet excellent bilan, le rapporteur relève des difficultés. L’obligation de naviguer par deux navires est contraignante : cela amoindrit la pêche et oblige à un partage des connaissances de la zone, ce qui ne correspond pas à la pratique du métier. Cette difficulté s’est trouvée atténuée par la décision de l’état-major d’allonger les distances de sécurité régissant l’éloignement de ces navires lorsqu’ils opèrent sous protection.

Au-delà, se pose la question de la concurrence avec les thoniers-senneurs espagnols, qui embarquent des équipes de protection issues du secteur privé, dont les règles d’engagement sont beaucoup plus lâches. Celles-ci leur permettent d’agir très librement, sans devoir naviguer à deux, ce qui semble leur donner un avantage compétitif. Cela plaide, de nouveau, pour une harmonisation des pratiques au niveau européen, afin que notre pays ne soit pas injustement pénalisé dans la compétition économique.

Les mesures de coercition ont donné des résultats dont chacun peut se réjouir. Pour autant, les sources d’instabilité n’étant pas traitées, rien n’indique une solution proche du problème.

À terre, la guerre civile en cours depuis deux décennies, se poursuit toujours, sans aucune perspective d’amélioration. Le gouvernement fédéral de transition (GFT), sur lequel s’appuie la communauté internationale, peine plus que jamais à asseoir sa crédibilité et ne contrôle plus que quelques quartiers de Mogadiscio, et cela grâce au soutien de la mission de l’Union africaine pour la Somalie (AMISOM). La rébellion se compose quant à elle de différents groupes, au premier rang desquels se trouvent les milices Al Shebab. Il s’agit là, en l’occurrence, d’un mouvement hétérogène rassemblé autour d’une plateforme politique, fondée sur une lecture radicale de l’Islam. Cet ensemble est relié à des groupes djihaidistes internationaux, et notamment Al Qaida, ce qui en fait une menace pour la sécurité internationale, avec lesquels la possibilité d’un dialogue semble donc difficile.

Le contexte est d’autant plus difficile qu’il se complique de difficultés structurelles qu’il faudra bien résoudre un jour ou l’autre, notamment celle de la répartition des terres entre clans du nord et du sud, qui a fortement été perturbée lors de la colonisation italienne, puis lors de la dictature de Siad Barré. C’est une cause profonde d’instabilité qui entretient les conflits, sur laquelle la communauté internationale n’a pas véritablement de prise, et qui incite donc à la plus grande prudence sur les perspectives de sortie de crise en général mais aussi de diminution de la piraterie en particulier.

La Somalie est par ailleurs le lieu d’affrontements régionaux, faits de jeux d’acteurs souvent contradictoires qui ne seront résolus que par une concertation des pays riverains, d’autant plus nécessaire que les attentats de Kampala du 12 juillet 2010 ont montré que l’instabilité somalienne se diffusait dans l’ensemble de la région.

Face à ce constat, certaines options de long terme doivent être rapidement examinées.

Le rapporteur relève tout d’abord que les États de la région ont signé le code de conduite de Djibouti, accord coordonnant leurs moyens pour lutter contre la piraterie dans le golfe d’Aden et au large de l’océan Indien en coopération avec certains bailleurs internationaux. Dans cette perspective, il est proposé de mettre en œuvre une stratégie globale de traitement du phénomène. En particulier, le code a retenu l’objectif de mettre en place des moyens de garde–côtes dans les États riverains, ainsi que des capacités de surveillance maritime. Mais tout ceci serait insuffisant s’il ne s’accompagnait d’un développement économique et environnemental des États de la région, et en premier lieu, de la Somalie, notamment pour la gestion des ressources halieutiques.

Il s’agit là d’une piste essentielle, qui témoigne de la réappropriation de leur sécurité par les États de la région. Elle doit être soutenue au plus niveau, d’autant que France bénéfice d’une grande écoute dans cette région. À cet égard, le rapporteur se réjouit de la constitution d’un consortium français, nommé SEAPHORA, qui rassemble de grands industriels, y compris des leaders mondiaux, pour apporter une réponse globale au code de conduite, incluant les domaines de la pêche, de l’environnement, du développement économique ou encore du renforcement des capacités judiciaires.

Le problème somalien semblant ancré dans la durée, la question du maintien des moyens de lutte actuellement déployés se pose aujourd’hui et, dans ce contexte, celle du recours plus large aux sociétés de sécurité privées.

Les sociétés de sécurités privées : la nécessité d’un débat national

Certains États autorisent leur activité, y compris pour ouvrir le feu en cas de légitime défense. Un débat existe pour savoir si la France devrait ou non le permettre également. En l’état, les moyens militaires classiques paraissent suffire (bâtiments militaires et équipes de protection embarquées) et, en cas de besoin, de nombreux réservistes de qualité peuvent être mobilisés.

Toutefois, il faut reconnaître que le recours à ces sociétés permettrait de privatiser le coût du conflit. Cependant, dans le cas de la piraterie au moins, des voix s’élèvent pour dire que leur présence risquerait d’être une source d’accroissement de violence, y compris parce que rien ne garantit que tous ces groupes aient intérêt à une fin rapide de la menace.

Néanmoins, dans la mesure où il existe une forte pression internationale pour libéraliser leur activité, la France ne peut faire l’économie d’une réflexion en profondeur sans a priori idéologique. Un débat national large doit être conduit sur ce sujet, impliquant notamment le Parlement.

Dans l’immédiat, le plus urgent semble de réduire encore le sentiment d’impunité qui peut motiver certains pirates ainsi que leurs commanditaires. Cela suppose d’accroître les moyens de renseignement permettant d’identifier les flux financiers générés par cette activité. Cela suppose, également, qu’un nombre important d’États se rallient à l’idée de les faire juger, et se dotent de moyens de le faire juger.

La coercition ne sera pleinement efficace que si elle est suivie d’effets sur le plan judiciaire. Là, elle pourra éviter toute impunité des pirates.

La France s’est toujours montrée déterminée à les faire juger, qu’ils soient arrêtés dans un cadre national ou international. Il s’agit là d’une contrainte qui suppose de dérouter le navire vers un port d’attache et prendre la responsabilité de consigner à bord les pirates présumés. Dans ce contexte, la politique de la France n’a pas été complètement suivie par tous ses partenaires. Certains pays ont opté pour des méthodes plus expéditives, d’autres, la majorité, se résignent à relâcher les équipages arrêtés, le plus souvent après les avoir soignés et leur avoir fourni le plein de carburant…

Le diagramme ci–après illustre le rapport entre le nombre de pirates présumés arraisonnés par l’ensemble des pays impliqués dans la lutte et le nombre d’entre eux remis pour jugement au 1er juin 2010.

Ratio personnes appréhendées / personnes remises par l’ensemble des pays
Total
 : 1 526 personnes

Source : état–major des armées.

On le voit, la remise pour jugement reste un choix nettement minoritaire.

Le diagramme ci–après illustre les mêmes données en ce qui concerne spécifiquement la France.

Ratio personnes appréhendées / personnes remises par la France
Total
 : 297 personnes

Source : état–major des armées.

On peut constater, à la lecture de ces ratios, et compte tenu des difficultés, que la France fournit un effort exemplaire, la majorité des pirates arrêtés par ses soins ayant été remis pour jugement.

Parmi les destinations de remises, figure notamment le Kenya, avec lequel l’Union européenne a conclu un accord de coopération, dénoncé par les autorités de Nairobi en mars dernier. Aussi, les alliés recherchent-ils actuellement des solutions alternatives.

La photo suivante montre le type de pièces à conviction que les forces d’Atalante saisissent sur les embarcations de pirates.

Exemple de pièces à conviction rassemblées pour un procès de pirates au Kenya

Heureusement, le Kenya n’était que l’une des options de remise. La France a ainsi opté pour une solution logique consistant à livrer les pirates présumés à leur pays d’origine, la Somalie. Dans le cadre d’accords conclus avec le gouvernement provisoire de Somalie, ces derniers sont régulièrement livrés aux autorités locales, dans la région du Puntland. Ils le sont sous réserve du respect par le GFT des droits fondamentaux de l’homme, et notamment de la non-application de la peine capitale.

Le diagramme ci–après illustre la répartition des destinations de remises des pirates présumés par la France.

Remises des présumés pirates effectuées par la France réparties par pays

Source : état–major des armées.

On le voit, la remise à la Somalie est, de loin, la solution avancée, mais d’autres pistes sont aujourd’hui recherchées, la faiblesse de structures étatiques ne garantissant pas toujours l’application réelle des jugements.

Parmi les possibilités, figure la signature d’accords avec de nouveaux pays, tels que l’Île Maurice. Certains États, voisins de la Somalie, pourraient être sollicités, mais la dégradation du contexte régional les incite aujourd’hui à se montrer prudents vis–à–vis des affaires somaliennes.

Le rapporteur estime que la meilleure solution pourrait être la création d’un tribunal somalien situé au Puntland ou au Somaliland ou, à défaut, dans un État proche et relativement stable.

L’implication des Seychelles

Cet État archipélagique tire l’essentiel de ses revenus de la mer, en particulier de la pêche et du tourisme. Le développement de la piraterie dans sa région, et surtout le rapprochement de ce phénomène de sa zone économique exclusive ainsi que de ses eaux territoriales font peser une menace grave pour l’équilibre de ce pays.

Cela a motivé son implication croissante dans la lutte contre la piraterie maritime, qui s’est notamment traduite par la conclusion d’accords diplomatiques qui ont permis le jugement et l’emprisonnement de quelques dizaines de pirates.

Le rapporteur salue cette initiative, tout en soulignant que les capacités carcérales limitées de ce pays ne lui permettront pas de fournir un effort beaucoup plus grand.

Elle l’est tout d’abord parce que sa législation ignore la notion de piraterie. Elle l’est également parce que la jurisprudence européenne pose des contraintes particulières sur le traitement judiciaire des pirates présumés. Elle l’est enfin parce que ses juridictions ne disposent pas des compétences particulières pour les juger en dehors des liens de rattachement classiques du droit pénal.

La France ne dispose plus de législation sur la piraterie depuis l’adoption de la loi du 20 décembre 2007 relative à la simplification du droit. Celle–ci a en effet abrogé la loi du 10 avril 1825 pour la sûreté de la navigation et du commerce maritime, qui contenait des dispositions incriminant les actes de piraterie. Elle a été jugée obsolète et inadaptée à la définition retenue au niveau international.

Cette absence de légalisation fait que le droit encadrant l’action de l’État en mer manque aujourd’hui d’un véritable dispositif définissant la piraterie et le faisant bénéficier de moyens de lutte contre ce phénomène.

Pour répondre à cette lacune, nécessité sera de tenir compte du cadre général régissant l’action de l’État en mer. Celui–ci est encadré par la loi n° 94-589 du 15 juillet 1994 relative aux modalités de l’exercice par l’État de ses pouvoirs de police en mer. Celle-ci repose sur deux grands piliers : la lutte contre le trafic illicite des stupéfiants et substances psychotropes ainsi que celle contre l’immigration illégale par mer. Le projet de loi y intègre un troisième pilier dédié à la lutte contre la piraterie maritime.

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a récemment condamné la France dans le cadre de l’affaire dite Medvedyev, à deux reprises (une première fois le 10 juillet 2008 et une seconde fois en grande chambre à la suite de l’appel (9)), pour ne pas avoir respecté l’article 5 § 1 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales lors d’une opération d’interception d’un navire suspecté de se livrer au trafic de produits stupéfiants. En l’espèce, il a été reproché à la France de ne pas disposer d’un cadre légal suffisant organisant les conditions de privation de liberté par une autorité judiciaire indépendante, le procureur de la République ne répondant pas, selon la CEDH, aux critères établis par la Convention.

Or, les commandants des navires de l’État sont susceptibles de mettre en œuvre des mesures similaires de restriction ou de privation des libertés individuelles à l’encontre des personnes appréhendées dans différents cadres : trafic de stupéfiants, immigration illégale, mais aussi bien sûr celui de la lutte contre la piraterie maritime. Dans l’ensemble, le projet doit donc combler un vide juridique en adaptant notre droit aux exigences de la CEDH pour la piraterie comme pour le reste des champs couverts par la loi de 1994.

Au–delà se pose la question de la compétence des tribunaux français.

Dès lors que le droit pénal reconnaîtra l’infraction de piraterie, dans quelle mesure nos tribunaux pourront-ils en juger aussi largement qu’y invite le droit international ?

En l’état, les personnes qui se sont rendues coupables d’actes assimilables à de la piraterie peuvent être condamnées par les tribunaux français sur le fondement d’infractions existantes (enlèvement, séquestration, vol, prise d’otages, etc.), sous réserve qu’il existe un lien de rattachement ouvrant la compétence de nos tribunaux. Il s’agit classiquement du lieu où l’infraction a été commise (le territoire de la République) ou de la nationalité française de l’auteur ou de la victime, y compris en dehors du territoire de la République (article 113–7 du code pénal). C’est ce qu’illustrent les affaires du Carré d’As, du Ponant et du Tanit, qui seront effectivement jugées par les tribunaux français.

Ponant, Carré d’As et Tanit

Le Ponant a été abordé le 4 avril 2008 dans le golfe d’Aden. Son équipage, composé de 22 ressortissants français, six Philippins, une Ukrainienne et un Camerounais, a été retenu en otage, puis libéré à la suite d’une négociation puis d’une intervention de vive force. Les pirates ont été remis à la justice française, avec l’accord des autorités somaliennes. Le 16 septembre 2009, la Cour de cassation a jugé légales les poursuites intentées contre eux, relevant notamment que leur détention à bord d’un navire militaire dans un cadre juridique dérogatoire pendant cinq jours était liée à une « circonstance insurmontable ».

Voilier de plaisance français, le Carré d’As, a été attaqué le 2 septembre 2008 dans le golfe d’Aden par des pirates somaliens. Deux ressortissants français seront, à cette occasion, pris en otage. Ces derniers seront libérés le 15 septembre 2008 lors d’une opération militaire menée par les forces françaises, à l’occasion de laquelle un pirate sera tué et six autres ont été faits prisonniers. Les six seront mis en examen à Paris le 25 septembre 2008 et sont aujourd’hui poursuivis pour détournement de navire, enlèvement et séquestration, vol et recel.

Le voilier le Tanit, a été abordé au large de la Somalie le 4 avril 2009, dans le golfe d’Aden. Les négociations pour la libération des otages menées à partir de la frégate Floréal n’ayant pas abouti, un assaut sera lancé par les militaires français le 10 avril 2009. Lors de l’opération l’un des otages français et deux pirates seront tués. Trois autres seront arrêtés, placés en garde à vue le 14 avril 2009 et écroués. Ils sont aujourd’hui accusés de « détournement de navire » et « séquestration et détention arbitraire en bande organisée » et doivent être jugés à Rennes.

Par ailleurs, le code pénal dispose que la loi pénale française est applicable à bord des navires battant pavillon français ou à l’encore de ceux–ci (article 113-3), ou encore lorsqu’une infraction porte atteinte à la sécurité de la navigation maritime ou d’une plateforme située sur le plateau continental (article 689–5 du code de procédure pénale) (10).

En conséquence, les tribunaux français peuvent juger d’infractions que l’on peut assimiler à de la piraterie, commises sur le territoire national (ce qui inclut les eaux territoriales), et de certaines infractions commises en haute mer, mais non de tels actes lorsqu’ils sont intervenus en dehors de ce territoire et n’impliquent pas de ressortissant ou de navire français.

Aussi paraît-il souhaitable d’améliorer ce dispositif. En premier lieu, la position de la France pourrait se trouver renforcée si sa législation correspondait davantage à l’esprit de Montego Bay, à savoir que la piraterie est une infraction universelle que tous doivent combattre et être disposés à juger. De plus, il y aurait une utilité pratique à réduire encore les chances d’impunité des pirates arrêtés par nos forces.

Le législateur doit donc déterminer dans quelle mesure il faut élargir cette compétence. Il s’agit notamment de savoir s’il convient ou non de conférer à nos juridictions une compétence universelle dans ce domaine.

Cette convention définit le régime juridique international de la piraterie maritime. Signée le 10 décembre 1982 à Montego Bay (Jamaïque), entrée en vigueur le 16 novembre 1994, elle fixe un cadre général fondé sur le droit coutumier.

Ses articles 101 à 107 et 110 établissent le régime juridique applicable à la piraterie.

L’article 101 définit la piraterie maritime en posant quatre conditions cumulatives. La convention stipule que l’acte doit être commis en haute mer ou dans un espace maritime ne relevant de la juridiction d’aucun État. Le bâtiment pirate doit être un navire ou un aéronef privé. L’acte de piraterie doit être un acte illicite de violence ou de déprédation dirigé contre un navire, des personnes ou des biens. Enfin, l’attaque doit être effectuée à des fins privées. Ce dernier point doit être souligné : il distingue en effet l’acte de piraterie de l’acte terroriste, dont la visée est politique.

La convention pose l’obligation pour les États parties de coopérer à la répression de la piraterie « dans la mesure du possible » (article 100).

Elle établit un droit de visite, d’arraisonnement, de saisie du navire soupçonné de piraterie, mais aussi d’appréhension des personnes se trouvant à bord (tout cela en haute mer). Il s’agit là d’opérations de police de haute mer et en aucun cas d’opérations soumises au droit des conflits armés(11) (articles 105 à 110). Compte tenu de la gravité de ces actes, la convention admet donc la piraterie comme une exception au droit des pavillons, mais seuls les navires ou aéronefs d’État y sont habilités (article 107).

Elle reconnaît également un titre de compétence universel de répression : « Les tribunaux de l’État qui a opéré la saisie peuvent se prononcer sur les peines à infliger. ». Il s’agit bien d’une faculté, et non d’une obligation.

Rien n’interdit à l’État de la saisie de convenir avec un État tiers de lui remettre un prévenu à des fins de jugement, sous réserve bien évidemment que cela satisfasse toutes les obligations constitutionnelles et internationales.

Ce cadre établi, se pose la question de son applicabilité directe en droit français. Celle–ci fait débat.

Dans son arrêt Intertanko du 3 juin 2008, la Cour de justice des communautés européennes a considéré que la convention « ne met pas en place des règles destinées à s’appliquer directement et immédiatement aux particuliers et à conférer à ces derniers des droits ou des libertés susceptibles d’être invoquées à l’encontre des États, indépendamment de l’attitude de l’État du pavillon du navire ». Cela semble confirmer la position de l’étude d’impact jointe au projet de loi, selon lequel la convention n’est pas d’applicabilité directe.

Toutefois, cette analyse doit être nuancée, car des tribunaux français ont déjà eu l’occasion d’appliquer directement certaines de ses dispositions. Ce fut par exemple le cas dans l’arrêt Association pour la protection des animaux sauvages, rendu par la chambre criminelle de la Cour de Cassation le 5 mai 2009 (pourvoi n° 07–87362), s’agissant en l’espèce de son article 228 § 1. La convention de Montego Bay n’est donc pas tout entière dépourvue d’effet direct. Il faudra tenir compte de cette incertitude dans l’analyse de certaines dispositions innovantes, telles que la faculté de couler le navire ou la cargaison.

Enfin, on peut noter que la convention qualifiant d’actes de pirateries les actes commis à l’encontre de navires ou d’aéronefs, ceux dirigés contre des plateformes pétrolières relèvent d’un régime juridique différent.

Cette convention (12) s’applique si le navire navigue au–delà de la mer territoriale (haute mer) ou si, d’après son plan de route, il doit naviguer dans des eaux situées au–delà de la mer territoriale d’un seul État (article 4). Elle couvre ainsi les attaques survenues dans les eaux territoriales somaliennes contre un navire qui a vocation à les quitter ou ne fait que les traverser.

Tous les États doivent ériger les atteintes à la sécurité de la navigation maritime internationale en infraction (article 5). Tous doivent établir, outre leur compétence territoriale, une compétence personnelle (article 6) et doivent juger ou extrader l’auteur de l’infraction s’il se trouve sur leur territoire (article 10).

En outre, la convention est réputée applicable (indépendamment des conditions de l’article 4) « si l’auteur présumé de l’infraction est découvert sur le territoire d’un État partie autre que l’État visé au paragraphe 1 » (y compris au cabotage).

On voit très bien l’intérêt d’un tel instrument, ratifié par les pays de l’UE, les États–Unis et un État voisin de la Somalie, tel le Kenya. En effet, cet État a l’obligation de juger ou d’extrader l’auteur des faits s’il se trouve sur son territoire, soit de sa propre initiative, soit s’il y a été amené, par exemple par les forces navales d’États tiers (à supposer résolu le problème de leur intervention dans les eaux territoriales somaliennes, le cas échéant). Il faut néanmoins relever qu’il persiste une incertitude sur l’applicabilité de la convention à des personnes capturées ou ayant agi dans les eaux d’un État tiers.

En tout état de cause, cette convention, révisée par un protocole en 2005 relatif aux actes de terrorisme, n’affecte en rien les règles de droit international relatives à la compétence d’exécution des États à bord des navires étrangers (article 9) – à savoir la compétence de l’État du pavillon en haute mer, qui peut autoriser un État étranger à aborder un navire battant son pavillon, ou bien celle de l’État côtier dans les eaux territoriales.

Enfin, l’article 10 de la convention prévoit l’obligation pour l’État de soumettre l’affaire, sans retard ni exception, à ses autorités compétentes pour l’exercice de l’action pénale, sauf en cas d’extradition.

Le Conseil de sécurité des Nations Unies a eu à se prononcer sur la menace pirate au large de la Somalie, à travers plusieurs résolutions, fondées sur le chapitre VII de la Charte des Nations Unies.

Adoptée le 2 juin 2008, la résolution 1816 a ouvert la possibilité d’une répression internationale de la piraterie dans les eaux territoriales de la Somalie pour six mois. Ce mandat a été régulièrement renouvelé depuis lors.

La résolution 1851, adoptée le 16 décembre 2008, a quant à elle encouragé les États et organisations régionales à intensifier leur coopération, de façon coordonnée, et à conclure des accords ou arrangements « facilitant la conduite des enquêtes et des poursuites ».

Ces résolutions fondent l’action internationale au large de la Somalie, dont l’opération Atalante. Ces actions ne peuvent y être menées qu’à l’appui d’un accord général avec les autorités somaliennes.

On notera à leur lecture que la répression pénale elle–même doit être compatible avec le droit international des droits de l’homme : le Conseil de sécurité «engage tous les États, y compris les États de la région, à ériger la piraterie en infraction pénale dans leur droit interne et à envisager favorablement de poursuivre les personnes soupçonnées de piraterie qui ont été appréhendées au large des côtes somaliennes et d’incarcérer celles qui ont été reconnues coupables, dans le respect du droit international des droits de l’homme applicable » (résolution 1918-2010 du 27 avril 2010).

Les résolutions du Conseil de sécurité n’accordent pas de dérogation ou d’habilitation à déroger soit à la convention de Montego Bay, soit aux dispositions découlant des conventions de protection des droits de l’homme, qui pourraient prévaloir sur ces autres conventions par l’effet de l’article 103 de la Charte (13). La rédaction des résolutions du Conseil de sécurité devrait dissuader la CEDH, si elle était saisie, d’appliquer les considérants de sa jurisprudence Behrami (2007), contestée, dont il semblait qu’elle pouvait faire sortir toutes opérations conduites avec un mandat du Conseil de sécurité du champ d’application de la convention de Rome.

En revanche, la résolution 1851 dispose que « toutes les mesures prises en application du présent paragraphe doivent être conformes aux normes applicables du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme ».

Enfin, la résolution 1918, adoptée le 28 avril 2010 à l’initiative de la Russie, prévoit l’étude des meilleures solutions pour le jugement et l’incarcération des pirates somaliens.

Le projet de loi paraît bien cadrer avec les différents enjeux relevés dans le présent rapport.

– En premier lieu, il insère une incrimination de piraterie en droit français (article 2). Le choix a été fait de ne pas en créer une distincte, mais bien de s’appuyer sur un ensemble d’incriminations existantes. Concrètement, le projet de loi qualifie d’actes de piraterie certaines de ces incriminations existantes dès lors qu’elles répondent à la définition qu’en donne la convention de Montego Bay (actes commis en haute mer ou dans les lieux maritimes ne relevant de la souveraineté d’aucun État). Les infractions retenues sont les plus graves : détournement d’aéronef, de navire ou de tout autre moyen de transport (infractions réprimées aux articles 224–6 à 224–7 et 224–8–1 du code pénal), enlèvement et séquestration, lorsque ces infractions précèdent, accompagnent ou suivent le détournement (articles 224–1 à 224–5–2 et 224–8 du code pénal), ainsi que la participation à une association de malfaiteurs (articles 450–1 et 450–5 du code pénal). Cette dernière incrimination permettra de poursuivre toute personne ayant contribué à la préparation de l’acte et notamment ses commanditaires.

Le projet de loi choisit d’étendre le zonage concerné par ces dispositions aux eaux territoriales d’autres États « lorsque le droit international l’autorise ». Cela doit être lu comme une référence aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies relatives à la Somalie, qui créent une situation juridique particulière en ce qui concerne ses eaux territoriales. Bien que relevant de l’exception, cette disposition élargit donc potentiellement la notion de piraterie à des eaux territoriales.

Confrontées à cette menace, nos forces armées seront explicitement autorisées à agir, dans le respect du droit international. Les commandants des navires de l’État pourront décider d’engager des mesures de contrôle ainsi que de recourir à la force, à l’image du dispositif institué pour la lutte contre l’immigration clandestine par mer et la lutte contre le trafic de stupéfiants. Ces mesures pourront être mises en œuvre contre les navires ne battant aucun pavillon, mais aussi contre ceux battant pavillon d’un État étranger, sans qu’il soit besoin d’obtenir l’accord préalable de l’État du pavillon. Elles peuvent être mises en œuvre dès lors qu’il existe de « sérieuses raisons » de soupçonner qu’un acte a été commis, est en train de l’être ou pourrait l’être. Cette notion de « sérieuses raisons » reprend textuellement celle retenue par la convention de Montego Bay (article 110). Elle paraît trop restrictive et potentiellement difficile à interpréter. Il semblerait nécessaire de ce point de vue d’aligner ces dispositions sur celles figurant déjà dans la loi du 15 juillet 1994, où l’action se fonde sur des « motifs raisonnables ». Cela aurait le mérite d’harmoniser les textes au profit d’une notion à laquelle opérationnels comme juristes sont habitués.

– Conformément au droit international, la France entend élargir la compétence de ses juridictions. Le projet de loi instaure ainsi une compétence « quasi universelle » de nos tribunaux pour traiter des actes de piraterie maritime. Il s’agit concrètement d’ajouter aux liens de rattachement classiques du droit pénal celui d’une arrestation opérée par des forces militaires françaises. Il convient de saluer cette avancée qui rend la France exemplaire dans le traitement judiciaire des pirates, tout en se réjouissant que le projet de loi n’aille pas au–delà, en reconnaissant une compétence universelle, qui pourrait entraîner un encombrement de nos tribunaux, alors même qu’ils sont très éloignés des théâtres concernés.

– En outre, le projet de loi instaure un régime de consignation à bord des pirates présumés conforme aux exigences de la CEDH.

Dans le détail, dès lors que le commandant du navire mettra en œuvre des mesures de coercition à l’égard de personnes soupçonnées d’avoir commis des actes de piraterie, le préfet maritime ou bien, outre–mer, le délégué du Gouvernement pour l’action de l’État en mer, devra immédiatement informer le procureur de la République. Le juge des libertés et de la détention statuera dans un délai de 48 heures sur la poursuite ces mesures, par ordonnance motivée non susceptible de recours (article L. 1521–16). Ces mesures sont renouvelables dans les mêmes conditions de fond et de forme le temps nécessaire pour que les personnes soient remises à l’autorité compétente.

On notera que le juge pourra exiger tous les éléments de nature à éclairer sa décision.

En ce qui concerne les droits de la personne faisant l’objet de mesures de coercition, celle-ci bénéficie d’un examen de santé dans les 24 heures, pratiqué par une personne qualifiée, par exemple un infirmier. Elle bénéficie ensuite, dans un délai de 10 jours, d’un examen médical, qui doit être pratiqué par un médecin. En outre, la personne est informée « dans une langue qu’elle maîtrise » de la décision du juge des libertés et de la détention.

Par ricochet, ce dispositif s’appliquera également aux deux autres piliers de l’exercice par l’État de ses pouvoirs de police en mer, répondant donc aux attentes de la CEDH sur un périmètre large.

CONCLUSION

La lutte contre la piraterie maritime illustre le rôle de grande puissance que notre pays joue dans le monde. La France est notamment à l’origine de la forte mobilisation internationale pour contrecarrer sa recrudescence constatée au large des côtes somaliennes depuis quelques années.

Se pose aujourd’hui la question du traitement judiciaire des pirates interceptés, en particulier. Les affaires du Ponant, du Carré d’As et du Tanit ont montré que notre droit pourrait être mieux armé pour condamner la piraterie en tant que telle.

Le projet de loi permet de compléter notre droit, et notamment la loi du 15 juillet 1994 relative aux modalités d’exercice par l’État de ses pouvoirs de police en mer. Il le fait en tenant compte de la jurisprudence récente de la CEDH, mais aussi des ambitions qu’autorise le droit international, à savoir de conférer une compétence large, « quasi universelle », à nos tribunaux pour traiter de ces infractions.

Il s’agit d’un texte équilibré qui devrait satisfaire les attentes des opérationnels comme des juristes. Tout en souhaitant certains aménagements, le rapporteur apporte donc son plein soutien à son adoption, qui fera de la France un exemple à suivre dans ce domaine.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission examine, au cours de sa réunion du mardi 9 novembre 2010, le projet de loi, modifié par le Sénat, relatif à la lutte contre la piraterie et à l’exercice des pouvoirs de police de l’État en mer.

Après l’exposé du rapporteur, une discussion générale s’engage.

M. Gilbert Le Bris. Depuis 2007, la piraterie se développe dans l’océan Indien de façon quasi exponentielle, sous des formes diverses qui sont de plus en plus gênantes. Songez que, ces jours derniers, des hommes se sont servis de cargos et de pétroliers qu’ils avaient piratés pour s’attaquer à d’autres bateaux !

Nous assistons à une course de vitesse entre le juriste et le criminel : il nous faut donc trouver les ripostes nécessaires. Je le souligne en présence de Jack Lang, conseiller spécial du Secrétaire général de l’ONU pour les questions juridiques liées à la piraterie, et après avoir entendu le très bon rapport de notre collègue Christian Ménard, qui a fort bien pris en compte ce point, mais j’ajoute qu’il n’aurait pas été inutile que la Commission des lois de notre assemblée soit également saisie de ce texte, d’autant que les procédures pénales et les sanctions prévues sont relativement lourdes. Cela étant dit, il n’est plus temps de ralentir l’examen de ce texte, dont nous avons besoin rapidement. Depuis la loi de 2007, qui a supprimé du code pénal les incriminations définies en 1825, nous sommes en effet démunis devant les actes de piraterie. Nous ne sommes pas les seuls, d’ailleurs : les Allemands et les Danois ont dû relâcher des pirates parce qu’ils ne savaient pas quel sort juridique leur réserver ! Il s’agit bien d’un problème mondial.

En attendant que soient votées ces dispositions, les pirates ne peuvent être poursuivis que pour des actes connexes – détournement de navire ou prise d’otages – auxquels ne peut s’appliquer la compétence universelle de haute mer telle qu’elle ressort de l’article 105 de la convention de Montego Bay. Il y a là un vide juridique qu’il convient de combler. C’est l’objet du projet de loi, qui devra toutefois faire l’objet de quelques amendements sur lesquels je reviendrai.

L’article 6 bis nouveau permet de reconnaître la qualité de pupille de la Nation aux orphelins de victimes de la piraterie. Cette mesure part de bons sentiments, mais elle pose un problème délicat car il est arrivé que ces victimes se soient elles-mêmes mises en danger, et aient mis d’autres personnes en danger, du fait de leur imprudence. C’est le cas des occupants du Tanit : ils ont été prévenus qu’ils entraient dans une zone infestée de pirates et il leur a été conseillé de s’en détourner, mais ils n’ont pas tenu compte de ces avertissements. Je regrette à ce propos l’absence de notre collègue Françoise Olivier-Coupeau, qui avait vivement réagi lorsque les commandos de marine ont été mis en cause après cette affaire. Je souhaite que nous réfléchissions à ce problème, qui risque de se poser de nouveau. Les otages enlevés dans le désert sont eux aussi des parents : faudra-t-il également étendre le dispositif à leurs enfants ?

Nous devons étudier sérieusement tous les éléments de ce projet de loi, l’amender, et surtout l’adopter le plus rapidement possible pour permettre à notre pays de faire face à de telles situations, qui seront de plus en plus fréquentes.

M. le président Guy Teissier. Monsieur Le Bris, il est sans doute regrettable que la Commission des lois ne se soit pas penchée sur ce projet, mais je rappelle que la décision de se saisir pour avis lui appartenait.

M. Hervé Morin, ministre de la défense. La responsabilité des victimes est une question délicate. J’ai rencontré à de nombreuses reprises les membres de la famille Lemaçon : ils sont convaincus que le skipper n’a commis aucune imprudence compte tenu de la route qu’il a empruntée. Il y a beaucoup de souffrance dans cette affaire : ne compromettons pas un travail de deuil trop longtemps retardé en donnant à cette famille le sentiment qu’elle n’a pas été comprise.

M. le rapporteur. Je souscris totalement aux propos du ministre. Je me souviens en effet des alertes qui ont été adressées à M. Lemaçon et dont il n’a pas tenu compte. Mais les enfants ne sont pas coupables des erreurs de leurs parents, et à ce titre je peux comprendre qu’ils bénéficient du titre de pupille de la Nation. Avec Françoise Olivier-Coupeau, nous avions envisagé de déposer un amendement visant à pénaliser les personnes qui s’engagent dans des lieux dangereux et mettent en danger la vie de leurs sauveteurs. Des dispositions ont été adoptées pour exiger le remboursement des frais de secours, mais elles sont rarement appliquées. Je pense donc que nous devons poursuivre la réflexion sur le sujet.

Mme Françoise Hostalier. Je partage l’avis du rapporteur concernant l’article 6 bis. Nous connaissons tous des cas de personnes qui se sont engagées volontairement dans des situations difficiles et ont parfois mis en danger la vie des sauveteurs. Mais les enfants, déjà orphelins, ne doivent pas être doublement victimes. Cet article est généreux, il convient donc de le maintenir.

Ce projet de loi, très attendu, permet de clarifier la situation à la fois vis-à-vis des victimes, marins et armateurs, et vis-à-vis des forces d’intervention. Je reste toutefois sur ma faim, monsieur le rapporteur, car votre rapport d’information, remis en mai 2009, allait bien au-delà de ces dispositions. L’exposé que vous nous présenterez dans quelque temps débouchera-t-il sur un projet de loi plus large, à portée internationale ? La France ajuste sa législation à l’évolution de la piraterie, c’est une bonne chose, mais une harmonisation européenne me paraît indispensable. Est-elle envisagée ?

Enfin, que pensez-vous de l’intervention de forces de sécurité privées ? Une régulation est-elle prévue, monsieur le ministre, sur un sujet qui ne concerne d’ailleurs pas que la lutte contre la piraterie et auquel devrait s’intéresser également la Commission des affaires étrangères ?

M. le rapporteur. Je vous remercie, chère collègue, d’avoir posé cette question essentielle. Du point de vue juridique, il faut simplement que les autres États adaptent leur droit à la convention de Montego Bay.

En conclusion de mon rapport d’information, je faisais plusieurs propositions, dont l’une me paraît très importante. Lorsque j’étudiais la question à titre personnel, un événement a attiré mon attention : le 25 janvier 2009, neuf pays de la Corne de l’Afrique ont signé le code de conduite de Djibouti, document dans lequel ces pays exprimaient le souhait d’être aidés sur différents points : formation de gardes côtes, acquisition de patrouilleurs et de radars, ouverture de centres d’information à Sana’a, à Dar es Salam et à Mombasa. J’ai alors pensé que la France pourrait présenter un projet propre, quitte à le compléter par la suite grâce à l’apport d’autres pays européens. Je me suis donc rendu à Djibouti, en octobre 2009, avec Pierre Lellouche, pour y rencontrer le Président de la République et différents ministres, qui se sont dits intéressés par l’idée. Je suis ensuite allé à Bruxelles pour savoir s’il ne serait pas possible de bénéficier d’une aide européenne. Nous avons à cette occasion été auditionnés, M. Lellouche et moi-même, par le parti populaire européen. Restait à savoir quelle position adopteraient les industriels de la défense. J’ai donc réuni les principaux – DCNS, Thalès, EADS, V-Navy, Altran, etc. – pour leur demander de mettre sur pied un projet commun, français, qui pourrait associer à terme d’autres pays européens. Contre toute attente, j’ai obtenu assez facilement leur accord. J’en ai parlé à Christian Estrosi, qui a réuni l’ensemble des partenaires, puis au Président de la République. Ainsi est né le projet Seaphora, qui est actuellement en cours d’expertise à l’Élysée et au niveau interministériel. Un consortium a été constitué et nous souhaitons que ce travail débouche sur l’organisation d’une conférence interrégionale, à Djibouti par exemple. Les industriels n’attendent pas de l’argent mais un signe d’intérêt de la part de l’État français.

J’ajoute que ce projet ne nuit nullement aux accords nationaux ou internationaux. À cet égard, la mission confiée à Jack Lang m’apparaît comme un élément tout à fait intéressant.

Nous ne pourrons faire l’économie d’un débat au Parlement sur les sociétés de sécurité privées. On peut à la rigueur admettre leur intervention dans le territoire ou les eaux territoriales d’États de droit mais, comme le souligne l’amiral Forissier, leur présence peut être très dangereuse dans des pays comme la Somalie.

M. Jack Lang. Monsieur le président, je suis à votre disposition pour présenter à la Commission l’état d’avancement des travaux que je mène pour le compte des Nations Unies. Je tiens à féliciter M. Ménard pour le travail remarquable qu’il a accompli. Partout où je me suis rendu, j’ai entendu louer son ouverture d’esprit et la qualité de son approche.

Ce projet de loi est un texte intéressant qui vient combler un vide juridique. Mais la France et les autres pays européens que vous avez cités ne sont pas les seuls à souffrir d’une lacune de leur droit. Il y a quelques mois, les États-Unis n’ayant pas ratifié la convention de Montego Bay, un tribunal de l’Alabama a été conduit à appliquer une définition de la piraterie datant de 1850. C’est vous dire la modernité de la législation américaine sur ce sujet ! Depuis, des débats ont eu lieu qui amèneront peut-être les États-Unis à admettre qu’il faut adapter le droit à l’évolution des événements.

Comme l’ont indiqué les orateurs précédents, la situation s’aggrave, tant au regard du nombre d’actes de piraterie que de la violence déployée. Récemment, des pirates ont capturé un navire japonais et s’en sont servis pour agresser un navire coréen. Je relève au passage que la Corée a eu tort d’accorder une rançon élevée. Les pirates sont de plus en plus assurés et de mieux en mieux équipés. La communauté internationale doit réagir avec force. Or, je constate un manque de volonté politique suffisamment forte pour gagner cette bataille. Malgré les efforts remarquables entrepris par nos forces, en particulier dans le cadre de l’opération Atalante, la situation n’est pas satisfaisante, notamment pour des raisons tenant à des questions de droit : huit pirates sur dix capturés sont rendus à la liberté, ce qui favorise un sentiment d’impunité et amène les commanditaires à s’enhardir. Nous devons inverser le cours des choses en prenant des mesures nationales et internationales. C’est ce que fait notre pays avec ce texte.

M. Philippe Folliot. La mondialisation est une « maritimisation » du monde. Aujourd’hui, 90 % des produits manufacturés transitent par bateaux. Lorsque ces richesses passent au large de pays en proie à l’insécurité, à la misère et au sous-développement, qui de surcroît ne sont pas des États de droit, cela provoque les difficultés que nous connaissons. Notre approche consiste à nous intéresser aux conséquences du problème, mais il faudra bien un jour nous attaquer à ses causes. Si les pêcheurs de ces pays se reconvertissent dans la piraterie, c’est tout simplement pour survivre. Par conséquent, il faut certainement renforcer notre arsenal juridique pour donner à nos forces les moyens d’agir, mais nous devrons également engager une réflexion plus large. En attendant, le groupe Nouveau Centre soutiendra bien sûr ce projet de loi, qui va dans le bon sens, et il s’associe aux éloges adressés au rapporteur.

Quid de la sécurité et du statut juridique des plateformes, dérivantes ou non, qu’elles se trouvent dans des zones économiques exclusives ou dans les eaux internationales ? Dans le golfe de Guinée, les États n’ont pas toujours les moyens d’intervenir en mer, faute d’une marine fiable et intègre. Quelles sont nos possibilités d’intervention dans ce secteur, où deux de nos compatriotes ont été récemment enlevés ?

M. le rapporteur. Les plateformes pétrolières, dont la majorité sont situées dans les eaux territoriales, sont surtout confrontées à des actes de brigandage. Elles n’entrent pas dans le cadre de la convention de Montego Bay. Cela dit, il faudra trouver des solutions car le golfe de Guinée devient de plus en plus dangereux. En Somalie, la plupart du temps, les otages finissent par être libérés, tandis que les événements survenus dans cette zone sont de plus en plus violents.

Les intéressés agissent avec les moyens du bord : ainsi Total recourt à des militaires nigérians pour surveiller les bateaux, avec les risques que cela comporte. Lorsque je me suis rendu au Nigeria, j’ai été surpris par la dangerosité qui règne dans ce pays.

Le problème de la piraterie est à terre, cela se vérifie en Somalie comme dans le golfe de Guinée. Ces États sont souvent affaiblis par la corruption, présente à tous les échelons de la vie politique. Il est donc parfois très difficile de coopérer efficacement avec nombre de ces pays, à l’exception peut-être du Cameroun, qui manifeste la volonté d’en sortir. Les Camerounais ont créé un bataillon d’intervention rapide (BIR), qui intervient dans la presqu’île de Bakassi. Mais lorsque j’ai demandé de quelle façon les pirates étaient jugés, on ne m’a pas répondu. Probablement n’y en a-t-il plus une fois que le BIR est passé…

M. Marc Joulaud. Je salue la passion qui anime notre collègue Ménard et la clarification juridique apportée par ce texte. Je voudrais néanmoins revenir sur un point qu’a évoqué le rapporteur : notre pays a été condamné par la Cour européenne des droits de l’Homme au motif que le procureur n’était pas une autorité judiciaire. Le nouveau régime instauré par ce projet de loi s’agissant de la détention des personnes à bord des navires s’applique bien entendu aux actes de piraterie ; mais a-t-il également vocation à s’appliquer aux personnes appréhendées dans le cadre de la lutte contre le trafic de stupéfiants en mer ou contre l’immigration illégale par voie maritime ?

M. le rapporteur. Dans l’arrêt Medvedyev de 2008, la Cour européenne des droits de l’Homme a en effet estimé que le procureur, dépendant du pouvoir exécutif, ne pouvait être qualifié d’autorité judiciaire au sens de la convention. La procédure prévue par le texte est la suivante : le commandant du navire qui met en œuvre des mesures de restriction ou de privation de liberté fait appel au préfet maritime ou au délégué pour l’action de l’État en mer, lequel informe le procureur, qui doit saisir le juge des libertés et de la détention dans les quarante-huit heures. Ce dernier statue à intervalles réguliers – tous les cinq jours – sur la nécessité de maintenir ces mesures.

M. Marc Joulaud. Ce régime de détention à bord s’applique-t-il également aux personnes interpellées dans le cadre de la lutte contre le trafic de stupéfiants en mer ou contre l’immigration illégale ?

M. le rapporteur. Il s’applique aux différents piliers de la loi de 1994, ce qui inclut donc l’immigration clandestine et le narcotrafic.

M. Jean-Jacques Candelier. Ce texte va dans le bon sens, même s’il peut encore être amélioré. La multiplication des actes de piraterie a conduit au lancement de l’opération navale Atalante en décembre 2008. Les atteintes à la sécurité des personnes et des biens sont intolérables, quand bien même elles s’expliquent par la misère des populations. Ce projet de loi qui définit un cadre juridique pour lutter contre la piraterie et adapte notre organisation pénale aux conventions internationales est donc pleinement légitime. Il ne résout cependant pas tous les problèmes : il faut agir non seulement sur les effets, mais aussi sur les causes.

M. le rapporteur. Nous devons en effet nous intéresser aux vraies causes du phénomène. La pauvreté en est évidemment une, très réelle. Mais des pirates, nous en avons eu aussi dans le Finistère il y a longtemps, à l’île de Sein, tout simplement parce que la piraterie est un moyen de faire de l’argent facile. On accuse certains pays européens et asiatiques d’avoir appauvri les fonds marins du secteur – c’est aussi un facteur à prendre en considération. Le projet Seaphora prend justement en compte ces questions de pêche et d’environnement. C’est essentiel : tant que l’on n’aura pas apporté de réponse à terre, on ne pourra résoudre le problème de la piraterie. Ce sera difficile, mais nous devrions quand même y parvenir d’ici dix à quinze ans.

La Commission en vient à l’examen des articles.

CHAPITRE IER

Dispositions modifiant la loi n° 94-589 du 15 juillet 1994
relative aux modalités de l’exercice par l’État
de ses pouvoirs de police en mer

Le projet de loi modifie la loi n° 94–589 du 15 juillet 1994 relative aux modalités de l’exercice par l’État de ses pouvoirs de police en mer.

Il y insère un chapitre Ier relatif à la piraterie maritime. La loi du 15 juillet 1994 concernait la lutte contre l’immigration clandestine par mer ainsi que le trafic de stupéfiants et de substances psychotropes, objets de deux chapitres distincts.

Article 1er

(Supprimé)

Dans sa version initiale, le projet de loi déposé par le Gouvernement au Sénat comportait un article 1er portant sur la modification de l’ordonnancement de la loi du 15 juillet 1994. En effet, le montage retenu au départ introduisait un nouveau titre IV relatif à la lutte contre la piraterie maritime, qui repoussait donc les annexes du titre IV à un titre V nouveau.

La commission des affaires étrangères et de défense du Sénat a toutefois relevé que les articles 1 à 10 du titre Ier de la loi du 15 juillet 1994, qui portaient sur des dispositions générales, avaient été abrogés par l’ordonnance n° 2004–1374 du 20 décembre 2004 et codifiés aux articles L. 1521–1 à L. 1521–10 du code de la défense.

Considérant qu’insérer les nouvelles dispositions en titre Ier du présent projet de loi permettrait de conserver l’architecture générale de la loi du 15 juillet 1994 tout en mettant en valeur les dispositions nouvelles, le Sénat a donc adopté un amendement tendant à la suppression de l’article 1er.

M. le rapporteur. Pour des raisons purement rédactionnelles, le Sénat a supprimé cet article. Le titre Ier de la loi de 1994 ayant été abrogé, nos collègues sénateurs ont jugé préférable d’y insérer à la place les dispositions nouvelles relatives à la piraterie, et donc de renoncer à créer un nouveau titre IV, ce que prévoyait initialement cet article. J’approuve donc entièrement cette décision.

La Commission maintient la suppression de cet article.

Article 2

(Articles 25, 26, 27,28, 29 et 30 nouveaux du titre IV de la loi n°94-589 du 15 juillet 1994 relative aux modalités de l’exercice par l’État de ses pouvoirs de police en mer)

Répression de la piraterie maritime

Cet article insère dans la loi n° 94–589 du 15 juillet 1994 les six articles du titre Ier nouveau, intitulé « De la lutte contre la piraterie maritime ». Ces éléments comptent parmi les principales dispositions du projet de loi, définissant la piraterie dans le droit français tout en veillant à sa concordance avec le droit international.

L’alinéa premier rétablit un titre Ier à la loi de 1994.

Les alinéas 2 et 3 mentionnent le nouveau libellé du titre : « De la lutte contre la piraterie maritime ».

À l’alinéa 4, le projet de loi introduit l’article 1er de ce nouveau titre, dont le I définit l’espace dans lequel la lutte contre la piraterie maritime est autorisée. Il s’appuie explicitement sur la définition qu’en donne la convention des Nations Unies sur le droit de la mer, dite convention de Montego Bay, signée le 10 décembre 1982, et entrée en vigueur le 16 novembre 1994. Il s’inspire en particulier des principales orientations de l’article 105 de la convention, qui font de la piraterie l’une des infractions les plus graves au droit maritime, justifiant des mesures d’exception à la règle du pavillon et posant une obligation de coopération entre les États.

L’alinéa 5 insère un 1° qui pose que, pour être assimilé à de la piraterie en droit français, l’acte incriminé doit avoir été commis en haute mer. Il s’agit du zonage de droit commun au niveau international, explicitement affirmé par la convention de Montego Bay. La piraterie se distingue donc des actes dits de brigandage ou de vols à main armée, commis dans les eaux territoriales.

L’alinéa 6 ajoute un 2° aux termes duquel, au même titre que la convention, le projet de loi élargit les zones concernées par les actes de pirateries aux « espaces maritimes ne relevant de la juridiction d’aucun État ». Cela concerne en particulier les zones économiques exclusives, qui reconnaissent des droits économiques à l’État qui les a revendiquées, sans conférer de compétence particulière à ses juridictions.

Enfin, l’alinéa 7 complète ce zonage par un 3° prévoyant la possibilité que, par exception, le droit international autorise l’intervention de forces étrangères dans les eaux territoriales d’un État souverain. C’est actuellement le cas s’agissant des côtes somaliennes, où, par sa résolution 1816 du 2 juin 2008, le Conseil de sécurité des Nations Unies a autorisé les États coopérant avec le gouvernement fédéral de transition à « entrer dans les eaux territoriales de la Somalie afin de réprimer les actes de pirateries et les vols à main armée en mer, d’une manière conforme à l’action autorisée en haute mer en cas de piraterie en application du droit international applicable ». Cette disposition se révèle d’une souplesse intéressante, compte tenu notamment des difficultés que rencontrent les États dits faillis à maintenir l’ordre sur leurs côtes. En l’occurrence, il s’agissait d’une autorisation provisoire, délivrée pour six mois avec l’accord des autorités somaliennes, qui a été renouvelée régulièrement depuis lors. On notera donc que cette disposition n’exclut pas que des actes de piraterie maritime puissent être commis dans des eaux territoriales, ce qui étend la définition qu’en donne la convention.

Dans l’ensemble, le I intègre donc au droit français le périmètre retenu par le droit international. Il s’agit d’une avancée importante, qui permettra aux opérationnels d’être mieux assurés de la base juridique de leur action. Toutefois, il faut noter que cette disposition ne permet pas, à elle seule, de parer à l’ensemble de la menace. En effet, la frontière entre les eaux territoriales et les eaux internationales peut parfois sembler artificielle : les pirates agissent sans véritablement tenir compte des limites entre les eaux territoriales et la haute mer. Dans le cas d’actes assimilés à du brigandage commis dans les eaux territoriales françaises, du point de vue juridique, le code pénal trouverait certainement à s’appliquer devant les tribunaux nationaux (notamment au motif de vol à main armée) pour peu qu’il existe un lien de rattachement « classique ». Pour autant, il conviendra de clarifier la faculté pour la marine nationale d’intervenir dans des conditions comparables à celles ouvertes par le projet de loi dans les eaux territoriales françaises, y compris pour agir préventivement. Il faut en effet concevoir le cas où, dans certains territoires isolés de la République, les forces de gendarmerie ou les douanes seraient absentes ou ne disposeraient pas des moyens hauturiers leur permettant de poursuivre ce type d’équipages, lourdement armés.

L’alinéa 8 insère un II qui intègre en droit français une incrimination de piraterie, en autorisant la recherche, le constat, ainsi que la poursuite des actes en relevant. Ceux–ci sont constitutifs d’une infraction dès lorsqu’ils sont commis dans les conditions décrites au I. Comme il a été indiqué, le projet de loi fait le choix non pas de créer une incrimination spécifique de piraterie dans le code pénal, mais bien de qualifier de piraterie certains actes du code pénal lorsqu’ils sont commis dans les conditions décrites par la convention de Montego Bay dans son article 101.

Cela suppose donc de préciser les références aux articles pertinents du code pénal.

Introduit par l’alinéa 9, le 1° permet de qualifier d’acte de piraterie les infractions définies aux articles 224–6 à 224–7 et 224–8–1 du code pénal, dès lors qu’elles impliquent au moins deux navires ou un navire et un aéronef. Cette définition est relativement restreinte par rapport à la convention de Montego Bay qui prévoit également l’hypothèse de l’abordage d’un aéronef par l’équipage d’un autre aéronef.

L’article 224–6 punit notamment de vingt ans de réclusion criminelle « le fait de s’emparer ou de prendre le contrôle par la violence ou menace de violence d’un aéronef, d’un navire ou de tout autre moyen de transport à bord desquels des personnes ont pris place, ainsi que d’une plate–forme fixe située sur le plateau continental ».

L’article 224–7 punit cette infraction de réclusion criminelle à perpétuité lorsque cette infraction est accompagnée « de tortures ou d’actes de barbarie ou s’il en a résulté la mort d’une ou de plusieurs personnes ».

L’article 224–8–1 dispense quant à lui de peine toute personne qui, ayant tenté de commettre ces crimes, a permis d’en éviter la réalisation en avertissant les autorités. La peine est par ailleurs réduite de moitié pour les auteurs ou leurs complices si, en coopérant avec les autorités, ils ont permis de faire cesser l’infraction ou d’éviter le décès ou l’infirmité d’une victime.

L’alinéa 10 concerne le déroulement et le suivi des infractions mentionnées en 1°, qui font l’objet d’un 2°. Il fait référence aux articles 224–1 à 224–5–2 ainsi que 224–8 du code pénal, relatifs à l’enlèvement et à la séquestration, qui sont punis de vingt années de réclusion (article 224–1), de trente années lorsqu’il en résulte une infirmité ou une mutilation et de la réclusion à perpétuité si elles s’accompagnent d’actes de barbarie (article 224–2). Les articles suivants du code pénal (224–3, 224–4, 224–5, 224–5–1, 224–5–2) abordent différents cas de figure : pluralité de victimes, choix d’une victime âgée de moins de quinze ans, crime commis en bande organisée, mais aussi libération volontaire de la victime, coopération de l’auteur de la prise d’otage et de la séquestration, etc.

L’article 224–8 du code pénal réprime l’individu qui, en communiquant une fausse information, compromet « sciemment la sécurité d’un aéronef en vol ou d’un navire ». Même restreinte aux conditions générales définissant la piraterie, la référence à cet article illustre la volonté d’adopter une approche large du crime de piraterie.

À l’alinéa 11, le 3° traite des infractions définies aux articles 450–1 et 450–5 « lorsqu’elles sont commises en vue de préparer les infractions mentionnées aux 1° et 2° ».

L’article 450–1 du code pénal régit l’association de malfaiteurs, définie comme « tout groupement formé ou entente établis en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d’un ou plusieurs crimes ou d’une ou plusieurs délits », tandis que la référence à l’article 450–5 permettra la confiscation de tout ou partie des biens des personnes physiques et morales reconnues coupables d’actes de piraterie commis en association de malfaiteurs. Cette référence à l’association de malfaiteurs est fondamentale car elle permet de poursuivre non seulement les auteurs d’actes de piraterie, mais également leurs commanditaires.

Ainsi, le II permet de répondre aux incriminations de piraterie telles que définie par Montego Bay en se référant à des incriminations déjà existantes dans le code pénal français. Ce dispositif permet de clarifier le droit français relatif à la piraterie : si la France est partie à la convention et souscrit donc aux dispositions relatives à la piraterie, leur applicabilité directe est discutée. L’économie du projet de loi permet de lever cette difficulté en qualifiant d’acte de piraterie des actes réprimés par le code pénal, dès lors qu’ils sont commis dans les conditions décrites par la convention.

L’alinéa 12, qui crée le second article du futur titre Ier, permet aux opérationnels d’intervenir alors que les infractions décrites précédemment ont été commises, sont en train de l’être ou se préparent à l’être « à bord ou à l’encontre » de certains navires, limitativement énumérés. Ceux-ci le sont par référence à l’article L. 1521–1 du code de la défense dans le chapitre relatif à l’exercice par l’État de ses pouvoirs de police en mer, à savoir les navires français opérant dans tous les espaces maritimes, ceux, étrangers, naviguant dans les espaces maritimes relevant de la souveraineté ou de la juridiction de la République, « ainsi qu’en haute mer conformément au droit international », et aux autres navires « situés dans les espaces maritimes sous souveraineté d’un État étranger, en accord avec celui–ci ». En sont exclus les navires de guerre étrangers et les navires d’autres États utilisés à des fins non commerciales.

Dans de telles occurrences, le projet de loi habilite les commandants des navires et aéronefs de l’État chargés de la surveillance en mer à exécuter ou à faire exécuter un certain nombre de mesures de contrôle et de coercition. Il s’agit, outre celles de la présente loi, de celles prévues par le droit international, c’est–à–dire essentiellement la convention de Montego Bay et les résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies, ainsi que de celles mentionnées au titre II du livre V de la première partie du code de la défense. Ces dernières dispositions permettent au commandant de mettre en œuvre des mesures de contrôle et de coercition (article L. 1521-2), en particulier de procéder à la reconnaissance du navire, en invitant son capitaine à faire savoir l’identité et la nationalité (article L. 1521–3), d’ordonner la visite du navire (article L. 1521–4) et, « lorsque l’accès à bord a été refusé ou s’est trouvé matériellement impossible », d’ordonner le déroutement du navire (article L. 1521–5). Conformément au droit international, il peut également ordonner la poursuite du navire étranger (article L. 1521–6), ou décider le recours à la force si le navire en question refuse de coopérer (article L. 1521–7), renvoyant toutefois les modalités de recours à la coercition et à l’emploi de la force à un décret en Conseil d’État. Aux termes de l’article L. 1521–8, les mesures prises en application de ce chapitre « sont notifiées à l’État du pavillon par la voie diplomatique ». La seconde et dernière section du chapitre habilite les commandants, commandants en second des bâtiments de l’État, ainsi que les commandants de bord des aéronefs de l’État à constater « le refus d’obtempérer aux injonctions faites en vertu des articles L. 1521–3, L. 1521–4 et L. 1521–5 ».

Ces mesures engageant la responsabilité de l’État, elles doivent être prises sous l’autorité des représentants du Gouvernement. Trois cas de figures sont envisagés : celle du préfet maritime en ce qui concerne les opérations menées en métropole, ou bien, outre–mer, celle du délégué du Gouvernement pour l’action de l’État en mer (il s’agit, par exemple, de l’amiral commandant les forces françaises de l’océan Indien), ou encore celle « d’un commandement civil ou militaire désigné dans un cadre international ». Cette dernière mention vise explicitement à inclure dans le champ du projet de loi les actions menées par les équipages de navires français participant à des opérations internationales, notamment Atalante, et relevant donc d’une chaîne de commandement opérationnel étrangère.

Ils ne peuvent prendre ces mesures que s’il existe de « sérieuses raisons » de soupçonner que des actes assimilables à de la piraterie maritime ont été commis, se commettent, ou se préparent à l’être. La notion de sérieuse raison est inspirée de la convention de Montego Bay, et traduit l’influence du droit anglo-saxon. Le rapporteur observe que cette formulation peut être lue de façon restrictive et qu’il conviendrait certainement d’adopter une notion plus souple, à laquelle les juridictions françaises sont adaptées. Les titres relatifs à la lutte comme l’immigration illégale ainsi qu’au trafic de stupéfiants de la loi de 1994 invoquent ainsi des « motifs raisonnables ».

L’alinéa 13 se réfère également au code de la défense pour organiser les mesures de coercition pouvant être mises en œuvre le cas échéant à l’égard « des personnes à bord ». Il s’agit des personnes prenant part ou soupçonnées de vouloir prendre part, de façon active ou passive, à des actes de piraterie, quelle qu’en soit la phase (préparation, mise en œuvre, séquestration et détournement de matériels). Ces mesures sont mises en œuvre sur le navire ou l’aéronef où intervient l’équipe envoyée par le commandant. Il peut s’agir du navire supposé pirate comme d’un navire piraté. Les mesures de coercition autorisées par le code de la défense sont énumérées au sein du chapitre unique du titre II du livre V de la première partie de ce code, mentionné précédemment. En particulier, l’article L. 1521–2 permet leur application en vertu des lois de la République comme du droit international et habilite les commandants « à exercer et à faire exercer au nom de l’État du pavillon ou de l’État côtier les mesures de contrôle et de coercition fixées en accord avec cet État ». En outre, l’article L. 1521–5 leur permet de mettre en œuvre « les mesures de coercition nécessaires et adaptées » pendant un transit consécutif à un déroutement.

L’alinéa 14 introduit un article 3 au futur titre Ier, dont le premier alinéa permet la protection des objets ou documents se trouvant à bord et liés à la commission des infractions, afin d’éviter qu’elles ne se renouvellent. Cela concerne, avant tout, les armes et matériels d’assaut utilisés par les pirates (tels que les grappins). « Toute mesure conservatoire » peut être prise.

L’alinéa 15 autorise le déroutement du navire afin de préparer une éventuelle phase judiciaire. Il peut en effet s’avérer nécessaire, pour des raisons techniques, de se diriger vers une position ou un port précis afin d’examiner dans le détail les objets ou documents conservés et, bien entendu, pour remettre les personnes appréhendées aux autorités compétentes.

L’alinéa 16, créant l’article 4 du futur titre Ier, régit la constatation des infractions mentionnées au II de son article 1er, ainsi que la recherche et l’appréhension de leurs auteurs et complices. Outre les officiers de police judiciaire, y seront habilités, selon des conditions fixées ultérieurement par décret en Conseil d’État, les commandants des bâtiments de l’État, les officiers de la marine nationale embarqués sur ces bâtiments, ainsi que les commandants des aéronefs de l’État, chargés de la surveillance en mer. Cette disposition dote ces officiers de certaines compétences de police judiciaire, mais en aucun cas n’en fait des officiers de police judiciaire. Demeurant placés dans une chaîne de commandement militaire, ils sont chargés de recueillir les preuves dans la perspective de suites judiciaires à l’infraction constatée. En revanche, ils ne sont pas habilités à mener tout ou partie de l’enquête. Cette habilitation d’officiers de la marine nationale revêt bien un caractère exceptionnel, qui est justifié par les conditions d’exercice de leurs missions en particulier par l’éloignement et l’urgence. À moins qu’un officier de police judiciaire ne soit présent, la phase judiciaire ne commence donc pas à bord, mais bien lors de la remise aux autorités compétentes pour mener l’enquête. Le renvoi à un décret pris en Conseil d’État apporte quant à lui des garanties de strict respect des droits des personnes.

L’alinéa 17, dans le même esprit, permet la saisie des objets ou documents liés à la commission des faits. Il soumet cette possibilité à l’autorisation préalable du procureur de la République. Cette disposition pouvant se révélant incompatible avec l’urgence des opérations, le Sénat a inséré un amendement au projet du Gouvernement dispensant d’autorisation préalable dans les cas d’ « extrême urgence ». Il s’agit d’une avancée significative, mais le dispositif devra être interprété de façon souple, afin de tenir compte des conditions réelles d’intervention.

L’alinéa 18 autorise les opérationnels à procéder à la destruction de certaines embarcations. Trois conditions cumulatives sont énoncées : les embarcations doivent avoir servi à commettre les infractions mentionnées au II de l’article 1er de la loi du 15 juillet 1994, être dépourvues de pavillon (afin de ne pas causer de tort à un tiers de bonne foi), et il ne doit pas exister de mesures techniques envisageables permettant d’empêcher le renouvellement de ces infractions. L’opération doit se dérouler dans le respect droit international. Cela suppose, en premier lieu, de veiller à ce qu’une telle opération ne produise pas de débris susceptibles d’entraver la navigation. Cet alinéa a été introduit au projet de loi par amendement au Sénat afin de tenir compte des contraintes opérationnelles. Les « bateaux mères » et esquifs utilisés par les pirates sont parfois difficilement transportables pour les bâtiments de guerres, pour des raisons techniques notamment. Il s’agit d’une mesure inspirée des dispositions relatives à la lutte contre le trafic de drogue et l’immigration illégale outre–mer de la loi du 15 juillet 1994.

Le dispositif pourrait être amélioré, car il permet au commandant de navire à la fois de juger de l’impossibilité technique et de décider de la destruction. À tout le moins, il semblerait logique de prévoir l’autorisation préalable du procureur de la République. 

L’alinéa 19 régit le traitement à bord des personnes appréhendées. Référence est faite à la section 3 du chapitre unique du titre II du livre V de la première partie du code de la défense. Cette section sera créée par l’article 6 du Chapitre III du présent projet de loi, examiné plus loin.

L’alinéa 20 insère le futur article 5, relatif à la compétence des tribunaux français. Il leur confère une compétence « quasi universelle » en ajoutant un lien de rattachement supplémentaire à ceux reconnus par le droit pénal (nationalité de la victime, de l’auteur ou du pavillon), à savoir le fait que les auteurs ou complices présumés d’actes de pirateries aient été appréhendés par les agents mentionnés à l’article 4 (alinéa 16 du présent projet de loi). Cette disposition élargit les compétences des tribunaux français sans toutefois épuiser l’ensemble des possibilités offertes par le droit international. La convention de Montego Bay autorise en effet les États parties à juger de tout acte de piraterie, sans rattachement particulier (article 27). Mais l’équilibre retenu par le projet de loi est bon, car il donne à la France les moyens juridiques de lutter contre l’impunité des pirates, tout en préservant notre système judiciaire d’un afflux potentiellement important de dossiers.

On notera cependant que cet article conditionne le renvoi vers les juridictions françaises au défaut d’une entente avec les autorités d’un autre État « pour l’exercice par celui–ci de sa compétence juridictionnelle ». Il s’agit ici de tenir compte des accords généraux conclus entre l’Union européenne et certains pays tiers, tels que le Kenya ou les Seychelles, ou bien de ceux décidés au cas par cas par la France avec certains pays (notamment la Somalie) pour permettre le jugement et l’incarcération des personnes soupçonnées de piraterie. Cette disposition introduit également une certaine souplesse, afin d’envisager le cas où, par exemple, un navire français appréhende des pirates retenant en otage des ressortissants d’un pays tiers qui souhaiterait juger sur son territoire les auteurs de l’infraction. Son interprétation devra toutefois ménager les droits des pirates présumés, notamment l’accès à un juge dans des délais raisonnables.

L’alinéa 21 introduit un article 6 portant sur la détermination de la juridiction compétente pour la poursuite, l’instruction et le jugement des infractions mentionnées au titre I.

Le 1° introduit par l’alinéa 22 dispose que, sur le territoire métropolitain, c’est le tribunal de grande instance du siège de la préfecture maritime ou dans le ressort duquel se trouve le port vers lequel le navire a été dérouté qui sera compétent.

Le 2°, introduit par l’alinéa 23, traite de l’outre mer. Le tribunal compétent sera soit celui du siège de la préfecture maritime, soit celui dans le ressort duquel se trouve le port vers lequel le navire a été dérouté.

Le 3°, introduit par l’alinéa 24, pose la compétence concurrente des juridictions compétentes en application du code de procédure pénal : son article 693 retient le critère du lieu de résidence de la victime, tandis que son article 706-75, auquel le projet de loi fait explicitement référence, pose celle des juridictions interrégionales spécialisées, qui disposent de moyens et de compétences mieux adaptés à la gravité des crimes qu’il est question de traiter ici.

Le Sénat a retiré toute mention du Tribunal aux armées de Paris, le Gouvernement ayant déposé un projet de loi prévoyant sa suppression.

L’alinéa 25 élargit leurs compétences aux infractions connexes à celles relevant de la piraterie.

La Commission examine d’abord l’amendement DF 2 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement élargit les possibilités d’intervention en incluant les eaux territoriales françaises. Il s’agit de permettre à la marine d’intervenir, le cas échéant, contre des actes de piraterie maritime commis dans des zones où l’État ne dispose que de peu de moyens de protection. On sait bien que les côtes de l’Hexagone sont protégées, notamment par la gendarmerie maritime ; mais dans le canal du Mozambique ou au large des Îles Éparses, où celle-ci n’est pas présente, il est important que la marine puisse intervenir dans les mêmes conditions qu’en haute mer.

M. Gilbert Le Bris. Cet amendement a tout son sens. J’ai été commissaire de la marine dans le secteur de Juan-de-Nova, Tromelin, Europa… Il est évident qu’on ne peut pas y appliquer le code de procédure pénale de la même façon qu’en métropole. À encadrer trop strictement le dispositif, on risque de perdre en réactivité face aux pirates. Lorsque le code de procédure pénale ne peut pas s’appliquer compte tenu de l’éloignement – et dans ce cas seulement –, cette nouvelle possibilité d’intervention me semble bienvenue. Je soutiens donc pleinement l’amendement.

M. le ministre. J’entends bien votre argument d’efficacité, mais cela pose un problème d’ordre constitutionnel : admettre que le code de procédure pénale ne s’applique pas sur le territoire de la République française, c’est admettre un droit d’exception, et la disposition sera à coup sûr invalidée par le Conseil constitutionnel.

M. Gilbert Le Bris. Dans la logique que vous défendez, le code de procédure pénale devrait s’appliquer également aux Somaliens retenus sur les bateaux – ce qui n’est pas possible. Il faut accepter que les conditions pratiques ne soient pas les mêmes dans toutes les circonstances et dans tous les lieux.

M. le ministre. Mais ces pirates se trouvent dans les eaux internationales. Il s’agit là d’étendre le régime de la convention de Montego Bay au territoire métropolitain. Je comprends fort bien vos arguments ; mais vous ne pouvez considérer que des pirates pris en haute mer et des pirates pris dans les eaux territoriales relèvent du même régime juridique.

M. le rapporteur. Le droit actuel ne permet pas de répondre pleinement à ce que souhaitent nos marins pour ce qui est des eaux territoriales. Par exemple, ils n’ont pas la possibilité de constater une action en préparation, ils ne peuvent agir qu’en état de flagrance ; or ces îles sont des territoires parfaits pour préparer des actes de piraterie. De plus, la flagrance n’autorise pas un recours à la force tout à fait satisfaisant, s’inscrivant essentiellement dans le seul cadre de la légitime défense. Il est donc important de sécuriser juridiquement l’action des forces opérationnelles en les habilitant à constater les infractions et en encadrant leurs modalités d’intervention, y compris à titre préventif. L’intérêt de ce projet de loi est justement de permettre de juger les pirates qui préparent un acte illégitime.

M. le ministre. En droit pénal français, on n’est coupable que lorsqu’il y a conjonction de deux éléments : l’élément intentionnel et l’élément matériel. On ne peut tout de même pas échafauder des dispositifs où l’on va prêter à quelqu’un l’intention d’un acte qui n’est pas commis…Nous devons rester dans le cadre de notre droit pénal.

M. Gilbert Le Bris. La préparation d’un délit constitue un délit, monsieur le ministre !

M. le ministre. Oui, mais dans le cadre des incriminations prévues par le code pénal !

M. le rapporteur. Cet amendement est vraiment important et il répond à des cas de figure dont nous devons tenir compte. Je pense donc qu’il faut le voter, quitte à en rediscuter lors de la deuxième lecture au Sénat.

M. le président Guy Teissier. Il est en effet très important, mais sa rédaction n’est pas satisfaisante.

M. Pierre Forgues. Mais on tire au canon dans les eaux territoriales ! Je me souviens qu’en 1982, des pêcheurs espagnols s’y trouvant, le préfet maritime de Brest avait fait tirer sur eux et qu’un d’entre eux avait eu un membre emporté. Je me trouvais à ce moment-là à une réunion en Espagne et je n’en menais pas large… Le droit aurait-il donc changé ?

M. Bernard Cazeneuve. Le ministre a raison : en l’état, cet amendement ne manquerait pas d’être invalidé par le Conseil constitutionnel. Pourquoi ne pas profiter du délai qui nous sépare du débat en séance publique pour travailler avec le cabinet du ministre à une rédaction plus conforme au droit ?

M. le président Guy Teissier. Merci pour cette médiation, monsieur Cazeneuve… Je demande donc à M. le rapporteur de bien vouloir retirer son amendement.

M. le rapporteur. J’accepte, pour ne pas laisser à nos collègues socialistes le monopole de la sagesse…

L’amendement est retiré.

La Commission examine ensuite l’amendement DF 3 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à rapprocher la définition des actes de piraterie de celle qu’en donne la convention de Montego Bay, tout en élargissant le spectre des possibilités, notamment à celle – très improbable – de l’attaque d’un aéronef par un autre aéronef. Tous les risques seraient ainsi pris en compte.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement DF 4 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à substituer aux termes « sérieuses raisons » l’expression « motifs raisonnables ». Les juges français sont davantage habitués à cette formulation, qui figure déjà dans la loi du 15 juillet 1994 relative aux modalités d’exercice par l’État de ses pouvoirs de police en mer. Dans le cadre de la lutte contre le narcotrafic, les agents de l’État s’appuient également sur des « motifs raisonnables ». Au surplus, la traduction française « sérieuses raisons » ne reflète pas exactement la notion anglaise de « serious reasons ». Enfin, cet amendement présenterait l’avantage de mieux prendre en compte les impératifs opérationnels.

M. le ministre. Compte tenu des qualités d’angliciste de Christian Ménard, je ne puis que m’incliner.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite les amendements DF 7 de M. Gilbert Le Bris et DF 11 du Gouvernement.

M. Gilbert Le Bris. Notre amendement vise à sécuriser la situation juridique des commandants de bâtiments de l’État – navires militaires la plupart du temps – qui seraient conduits à faire procéder à la destruction d’embarcations de pirates. Les moyens de communication actuels leur permettent en effet de solliciter l’accord de l’autorité judiciaire.

M. le ministre. Rédactionnel, l’amendement du Gouvernement tend simplement à améliorer la proposition de M. Le Bris.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte successivement les deux amendements.

Elle en vient à l’amendement DF 8 de M. Gilbert Le Bris.

M. Gilbert Le Bris. Cet amendement vise à mettre le projet de loi en conformité avec notre code de procédure pénale. Notre pays se refuse à remettre des personnes à un État qui pratique la peine de mort. Nous demandons qu’il en aille de même dans ces circonstances. Il existe en effet dans les zones concernées des États – ainsi l’île Maurice – qui n’ont pas encore aboli la peine capitale.

M. le rapporteur. Cet amendement, défendu au Sénat par Robert Badinter, y a été rejeté. En effet, la France est signataire de la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ainsi que de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. Or lorsqu’il y a remise de pirates par exemple au Puntland, celle-ci se fait après échange de notes verbales avec le gouvernement fédéral de transition de la Somalie, cela afin de s’assurer en particulier qu’il n’y aura ni exécution ni torture. Parmi les propositions émises à l’heure actuelle figure la création de tribunaux somaliens, délocalisés ou établis au Puntland ou encore au Somaliland. Pour m’être rendu dans certaines de ces contrées, je puis vous dire que les pirates préfèrent être jugés au Puntland plutôt qu’en France, les peines prononcées pour piraterie y étant appliquées de façon plus libérale qu’ailleurs. J’émets donc un avis défavorable.

M. Pierre Forgues. Votre conclusion ne semble pas logique : si la peine est plus légère dans les pays d’origine, il ne faut pas leur remettre les pirates !

M. le ministre. Même avis que le rapporteur, tout étant prévu dans les conventions que la France a ratifiées – et qui ont une force supérieure à la loi.

M. Jean-Jacques Candelier. N’y a-t-il vraiment aucun risque ?

M. le rapporteur. Aucun.

La Commission rejette l’amendement.

Elle adopte ensuite l’article 2 modifié.

Article 2 bis

(Loi n° 94–589 du 15 juillet 1994)

Modification de l’intitulé de la loi du 15 juillet 1994

L’article 2 bis du projet de loi modifie l’intitulé de la loi n° 94–589 du 15 juillet 1994 afin d’y mentionner la lutte contre la piraterie, devenant la « loi n° 94–589 du 15 juillet 1994 relative à la lutte contre la piraterie et aux modalités d’exercice par l’État de ses pouvoirs de police en mer ».

La Commission adopte l’article sans modification.

Article 3

(Articles 12 et 19 de la loi n°94–589 du 15 juillet 1994).

Champ d’application de la répression du trafic de stupéfiants et de l’immigration illégale par mer

Cet article porte sur les articles 12 et 19 de la loi du 15 juillet 1994. Ces deux articles déterminent quels sont les navires concernés respectivement par la lutte contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes et par lutte contre l’immigration illicite par mer. De rédaction similaire, ils renvoient à l’article L. 1521–1 du code de la défense qui énumère les navires mentionnés à l’alinéa 12 du présent projet de loi et ajoute les « navires battant pavillon d’un État qui a sollicité l’intervention de la France ou agréé sa demande d’intervention » ainsi que ceux « n’arborant aucun pavillon ou sans nationalité ».

Cet article limite les catégories des navires concernés par l’exercice des pouvoirs de police de l’État en mer dans le cadre de la lutte contre les trafics de stupéfiants et l’immigration illégale au seul ensemble défini par l’article L. 1521-1 du code de la défense.

Or, l’article 6 du présent projet de loi modifie l’article L. 1521–1 en y introduisant ces deux catégories.

Il s’agit donc de modifications rédactionnelles qui permettent d’unifier le champ d’application de la répression du trafic de stupéfiants, de l’immigration illégale par mer, ainsi que de la piraterie maritime au sein du code de la défense.

La Commission adopte l’article sans modification.

CHAPITRE II

Dispositions modifiant le code pénal
et le code de procédure pénale

Le Chapitre II du projet de loi regroupe les dispositions modifiant le code pénal ainsi que le code de procédure pénale.

Article 4

(Article 224–6–1 nouveau du code pénal)

Aggravation de la peine encourue en cas de détournement de navire commis en bande organisée

L’article 4 (alinéas 1 et 2) insère un article 224–6–1 au code pénal, qui alourdit la peine encourue à trente ans de réclusion criminelle en cas de détournement d’un aéronef, de navire ou de tout autre moyen de transport, lorsque l’infraction est commise en bande organisée (au lieu d’une peine de vingt années de réclusion criminelle).

L’alinéa 3 dispose que les deux premiers alinéas de l’article 132–3 du code pénal sont applicables à l’infraction décrite à l’article 224–6–1. Il s’agit des dispositions relatives à la peine de sûreté. Pour mémoire, celles–ci interdisent l’application des mesures « concernant la suspension ou le fractionnement de la peine, le placement à l’extérieur, les permissions de sortir, la semi–liberté et la libération conditionnelle » pendant une période égale à la moitié de la peine en cas de condamnation à une peine privative de liberté, non assortie de sursis et égale ou supérieure à dix ans.

La Commission adopte l’article sans modification.

Article 5

(Article 706–73 du code de procédure pénale).

Compétence des juridictions interrégionales spécialisées en matière de répression des actes de piraterie commis en bande organisée

L’article 5 modifie l’article 706–73 du code de procédure pénale. Il s’agit, dans son alinéa 5, d’insérer une mention permettant la poursuite en tant que crime du « détournement d’aéronef, de navire ou de tout autre moyen de transport commis en bande organisée », par référence à l’article 224–6–1 introduit par le présent projet de loi (cf. article 4).

Le périmètre des délits d’association de malfaiteurs et de non–justification de ressources correspondant au train de vie (respectivement 15° et 16° de l’article 224–6–1 du code pénal) est élargi, l’alinéa 2 du présent article introduisant une mention du crime défini en 17°.

Les juridictions interrégionales spécialisées seront ainsi compétentes pour enquêter sur ces faits, les poursuivre et les juger.

La Commission adopte l’article sans modification.

CHAPITRE III

Dispositions modifiant le code de la défense

Article 6

(Article L. 1521–1 de la section 1 et articles L. 1521-11, L.1521-12, L. 1521-13, L. 1521-14, L. 1521-15 et L. 1521-16 nouveaux de la nouvelle section 3 du chapitre unique du titre II du Livre V de la première partie du code de la défense)

Création d’un régime sui generis pour la consignation à bord des personnes appréhendées dans le cadre de l’action de l’État en mer

Le chapitre III regroupe les dispositions modifiant le code de la défense.

L’article 6 (alinéas 3 à 5) modifie l’article 1521–1 du code de la défense tel qu’évoqué au commentaire de l’article 3.

Les alinéas 6 à 20 insèrent une troisième section au chapitre unique du titre II du livre V de la première partie du code de la défense, régissant les mesures de coercition pouvant être prises à bord des navires. Il s’agit de créer un régime propre de consignation à bord des personnes appréhendées dans le cadre de l’action de l’État en mer. Ces dispositions s’appliqueront donc non seulement à la lutte contre la piraterie maritime, mais aussi à la lutte contre le trafic de stupéfiants et de substances psychotropes ainsi qu’à la lutte contre l’immigration clandestine. Cette section codifie un certain nombre de pratiques, telles que les examens médicaux, et fait réponse aux griefs de la Cour européenne des droits de l’homme. L’ensemble organise la phase de consignation à bord qui précède la phase judiciaire.

Cette troisième section est intitulée « Mesures prises à l’encontre des personnes prises à bord des navires » (alinéas 7 et 8).

L’alinéa 9 introduit un article L. 1521–11, qui porte sur les mesures de coercition pouvant être mises en œuvre à l’encontre des personnes à bord lorsqu’elles sont contrôlées par une équipe de visite. Elles doivent être « nécessaires et adaptées ». Les motifs justifiant leur mise en œuvre sont limitativement énumérés : assurer le maintien à disposition des personnes à bord, préserver le navire ainsi que sa cargaison et assurer la sécurité des personnes.

L’alinéa 10 introduit un article 1521–12, précisant la démarche à suivre lorsque des mesures de restriction ou de privation de liberté doivent être mises en œuvre. En l’espèce, les autorités habilitées à décider de ces mesures devront en référer au préfet maritime ou, si elles opèrent outre–mer, au délégué du Gouvernement pour l’action de l’État en mer. Ceux–ci auront la charge d’en avertir dans les plus brefs délais le procureur de la République territorialement compétent. Cette procédure sera d’application générale, que les pirates présumés aient été appréhendés dans le cadre d’une opération sous commandement national ou international, et, surtout, que le choix du traitement judiciaire de l’infraction soit assumé par les autorités françaises ou par un commandement multinational. Concrètement, les commandant de navires français interceptant des pirates présumés dans le cadre de l’opération Atalante devront suivre cette procédure, quand bien même l’état-major européen déciderait, in fine, de solliciter la mise en œuvre des accords liant l’Union européenne avec le Kenya ou les Seychelles par exemple.

L’alinéa 11 insère l’article L. 1521–13 qui fait bénéficier les personnes faisant l’objet d’une mesure de restriction ou de privation de liberté d’un examen de santé, et cela dans les 24 heures suivant la mise en œuvre de ces mesures. À compter de ce premier examen de santé, un examen médical doit intervenir, dans un délai maximal de dix jours. L’examen de santé est relativement léger. Il peut être pratiqué par toute personne ayant reçu une formation médicale, par exemple un infirmier. Il s’agit de voir, d’une part, si la personne ne souffre pas d’une difficulté grave et de constater, d’autre part, son état de santé général lors de sa prise en charge par l’équipage. Cela permettra de prévenir toute contestation fondée sur des mauvais traitements lors de la phase judiciaire. L’examen médical, quant à lui, est plus poussé et doit être réalisé par un médecin. Cette distinction permet de tenir compte des conditions matérielles dans lesquelles la marine intervient, seuls les navires de grands tonnages embarquant un médecin en permanence.

L’alinéa 12 prévoit la transmission d’un compte rendu de l’exécution de ces examens au procureur de la République. Ce compte rendu, transmis dans les plus brefs délais, doit se prononcer sur l’aptitude au maintien de la mesure de restriction ou de privation de la liberté.

L’alinéa 13 introduit un article L. 1521–14 au code de la défense qui répond aux griefs de la Cour européenne des droits de l’homme en chargeant le juge des libertés et de la détention de statuer sur la prolongation éventuelle des mesures de restriction ou de privation de liberté pour une durée de cinq jours (120 heures). Cette décision doit faire suite à une demande des agents mentionnés à l’article 1521–2, sur la saisine du procureur de la République.

Aux termes de l’alinéa 14, ces mesures sont renouvelables dans les mêmes conditions le temps que la personne puisse être remise à l’autorité compétente. Cette disposition apporte une garantie procédurale afin d’éviter toute détention non justifiée. Elle s’abstient toutefois de fixer un délai de consignation maximal, le théâtre d’opération ainsi que les contraintes opérationnelles pouvant rendre sa définition hasardeuse. On notera que dans sa jurisprudence, la CEDH avait clairement pris en compte cette contrainte, ne faisant pas grief à la France quant au délai d’acheminement de personnes appréhendées en mer.

L’alinéa 15 crée un article L. 1521–15 aux termes duquel le juge des libertés et de la détention disposera d’importantes latitudes pour s’assurer qu’il convient ou non de maintenir en consignation les pirates présumés. Il pourra solliciter le procureur de la République afin d’obtenir « tous éléments de nature à apprécier la situation matérielle et l’état de santé de la personne ». En outre, il pourra ordonner un nouvel examen de santé (alinéa 16). Surtout, il lui sera possible, s’il le juge utile, de communiquer directement avec la personne, « sauf impossibilité technique » (alinéa 17). Ces dispositions apportent des solides garanties de procédure, nécessaires compte tenu de la distance qui peut parfois éloigner la zone d’opération du tribunal compétent.

L’alinéa 18 introduit un article L. 1521–16 qui dispose que le juge des libertés et de la détention statue par ordonnance motivée insusceptible de recours. Le procureur de la République doit transmettre la décision dans les plus brefs délais au préfet maritime ou bien, outre–mer, au délégué du Gouvernement pour l’action de l’État en mer. L’un ou l’autre est ensuite chargé de transmettre une copie de la décision à la personne consignée dans une langue qu’elle comprend.

Deux articles supplémentaires ont ensuite été ajoutés par le Sénat afin de prendre en compte l’éventualité d’un transfert par voie aérienne des personnes soupçonnées de piraterie.

Ainsi l’alinéa 19 introduit un article 1521–17, qui ouvre la possibilité de poursuivre les mesures prises à bord des navires au sol ou à bord d’un aéronef, sous l’autorité des agents de l’État chargés du transfert. Cette éventualité est assortie de conditions strictes : ces mesures ne doivent être prolongées que « le temps strictement nécessaire », et sont mises en œuvre sous le contrôle de l’autorité judiciaire. Il pourrait être utile dans la mise en œuvre de ces dispositions de veiller à avertir formellement les autorités judiciaires de ce transfert de responsabilité.

L’alinéa 20, à travers l’article L. 1521–18, rappelle que la phase judiciaire commence à l’arrivée des personnes faisant l’objet de mesures de coercition sur le sol français. En particulier, cela met fin au régime sui generis de consignation à bord. Les personnes sont concrètement mises à disposition de l’autorité judiciaire.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel DF 9 du rapporteur.

Elle adopte ensuite l’article 6 ainsi modifié.

CHAPITRE III BIS

Dispositions relatives aux enfants des victimes
d’actes de piraterie maritime

Article 6 bis

(Titre IV du Livre III du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre)

Reconnaissance de la qualité de pupille de la Nation aux enfants des victimes d’actes de piraterie.

Le Chapitre III bis a été introduit par voie d’amendement par le Gouvernement et adopté par le Sénat. Son article unique, l’article 6 bis du projet de loi, porte sur la prise en charge des enfants des victimes d’actes de piraterie maritime.

La qualité de pupille de la Nation est une protection supplémentaire accordée par la République aux enfants des victimes de guerre. Initialement réservée aux enfants de soldats morts au combat, la catégorie a progressivement été élargie pour inclure, par exemple, les enfants de personnes mortes en déportation, ou encore les enfants des victimes de terrorisme. En somme ce statut ne se substitue pas à l’autorité parentale ou à celle du soutien de famille, mais ouvre des droits supplémentaires.

Le premier alinéa énonce les conditions dans lesquelles les enfants de victimes d’actes de piraterie peuvent se voir reconnaître le statut de pupille de la Nation : les enfants doivent avoir perdu leur père, leur mère, ou leur soutien de famille, qui doivent être de nationalité française. Ces conditions réunies, le projet de loi indique qu’ils « peuvent » se voir reconnaître cette qualité. Il s’agit d’une faculté : ce droit doit être demandé. S’agissant des modalités précises, le projet de loi renvoie aux « conditions fixées au titre IV du livre III du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre ». La section 3 du titre IV décrit la procédure de demande de reconnaissance de cette qualité, en particulier à son article L. 467. Le tribunal doit être saisi par le parent survivant, le soutien ou, à défaut, le procureur de la République. Réuni en grande chambre, le tribunal statue après avoir vérifié que les pièces nécessaires sont réunies et, si tel est le cas, prononce l’adoption de l’enfant.

L’alinéa 2 ouvre ce droit rétroactivement aux enfants des victimes d’actes de piraterie maritime commis depuis le 10 novembre 2008, date de commencement de l’opération Atalante. À ce jour, seul un ressortissant français a perdu la vie à la suite d’un acte de piraterie, à savoir lors de la libération du Tanit, le 10 avril 2009.

Cette mesure constitue un complément généreux aux dispositions relatives à l’exercice par l’État de ses pouvoirs de police en mer. Elle ouvre cependant quelques réflexions.

La première d’entre elles porte sur le rapprochement qu’elle sous tendrait entre la piraterie et les actes de guerre, ainsi qu’entre la piraterie et le terrorisme. Il convient de bien distinguer la piraterie de ces deux catégories. En effet, le projet de loi construit un régime de rétention à bord des pirates présumés qui est une procédure administrative, distincte du droit de la guerre (les pirates n’étant pas de prisonniers de guerre). De même, si piraterie et terrorisme peuvent certains modes opératoires, la piraterie maritime est crapuleuse, tandis que le terrorisme se caractérise par ses motivations idéologiques.

En outre, on peut craindre une sorte d’injustice du fait même de la définition de la piraterie. Le projet de loi a retenu la définition qu’en donne le droit international, tout en l’appliquant à des incriminations existantes. En conséquence, ce n’est qu’une fois dépassées les eaux territoriales que les incriminations correspondant au détournement de navire, à l’enlèvement avec séquestration, ou encore à la prise d’otage relèvent de la piraterie. Cela signifie donc que les enfants des victimes d’actes similaires à de la piraterie mais commis dans les eaux territoriales seraient privés du soutien dont bénéficient ceux dont un des parents aurait été victime des mêmes actes en haute mer. Aussi, la distinction entre brigandage et piraterie ne tenant qu’à une convention géographique, n’attacher le bénéfice de cette disposition qu’à la haute mer peut sembler, en toute hypothèse, incomplet.

Enfin, le fait d’accorder ce soutien aux enfants des victimes d’actes de piraterie, au même titre que les enfants des victimes de guerre ou de terrorisme, ne doit pas faire oublier que la piraterie est un phénomène endémique, rendant dangereuses sur de longues périodes des zones bien identifiées par les autorités. Or, celles–ci ne manquent généralement pas d’avertir leurs ressortissants du danger qu’ils encourent à les traverser.

Par ailleurs, le rapporteur s’interroge sur la possibilité de facturer les prestations de secours accordées aux personnes dont le comportement se serait révélé peu responsable : jusqu’à présent, aucune demande n’a été formulée par le Gouvernement.

La Commission adopte l’article sans modification.

CHAPITRE IV

Dispositions finales

Article 7

Champ d’application territorial

Le Chapitre IV comporte les dispositions finales, à savoir un article unique.

L’article 7 dispose que les dispositions de la présente loi sont applicables sur l’ensemble du territoire de la République. Cela inclut l’ensemble des collectivités d’outre–mer, y compris la Polynésie française ou les terres australes et antarctiques françaises.

La Commission adopte l’article sans modification.

*

M. Jean-Jacques Candelier. Le groupe GDR s’abstient sur l’ensemble du projet.

La Commission adopte l’ensemble du projet de loi modifié.

*

En conséquence, la commission de la défense nationale et des forces armées vous demande d’adopter le projet de loi, modifié par le Sénat, relatif à la lutte contre la piraterie et à l’exercice des pouvoirs de police de l’État en mer dans le texte figurant dans le document joint au présent rapport.

TABLEAU COMPARATIF

Texte en vigueur

___

Texte adopté par le Sénat en première lecture

___

Propositions de la Commission

___

     
 

Projet de loi relatif à la lutte contre la piraterie et à l’exercice des pouvoirs de police de l’État en mer

Projet de loi relatif à la lutte contre la piraterie et à l’exercice des pouvoirs de police de l’État en mer

 

CHAPITRE IER

Dispositions modifiant la loi n° 94-589 du 15 juillet 1994 relative aux modalités de l’exercice par l’État de ses pouvoirs de police en mer

CHAPITRE IER

Dispositions modifiant la loi n° 94-589 du 15 juillet 1994 relative aux modalités de l’exercice par l’État de ses pouvoirs de police en mer

Loi n° 94-589 du 15 juillet 1994 relative aux modalités de l’exercice par l’État de ses pouvoirs de police en mer

   
 

Article 1er

Article 1er

 

Article supprimé.

 
 

Article 2

Article 2

 

Le titre Ier de la loi n° 94-589 du 15 juillet 1994 relative aux modalités de l’exercice par l’État de ses pouvoirs de police en mer est ainsi rétabli :

 
 

« TITRE IER

« DE LA LUTTE CONTRE LA PIRATERIE MARITIME

 
 

« Art. 1er. – I. – Le présent titre s’applique aux actes de piraterie au sens de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer signée à Montego Bay le 10 décembre 1982, commis :

 
 

« 1° En haute mer ;

 
 

« 2° Dans les espaces maritimes ne relevant de la juridiction d’aucun État ;

 
 

« 3° Lorsque le droit international l’autorise, dans les eaux territoriales d’un État.

 
 

« II. – Lorsqu’elles constituent des actes de piraterie mentionnés au I, les infractions susceptibles d’être recherchées, constatées et poursuivies dans les conditions du présent titre sont :

 
 

« 1° Les infractions définies aux articles 224-6 à 224-7 et 224-8-1 du code pénal et impliquant au moins deux navires ou un navire et un aéronef ;

… au moins un navire ou un aéronef dirigé contre un navire ou un aéronef ;

(amendement n° DF 3)

 

« 2° Les infractions définies aux articles 224-1 à 224-5-2 ainsi qu’à l’article 224-8 du même code lorsqu’elles précèdent, accompagnent ou suivent les infractions mentionnées au 1° ;

 
 

« 3° Les infractions définies aux articles 450-1 et 450-5 du même code lorsqu’elles sont commises en vue de préparer les infractions mentionnées aux 1° et 2°.

 
 

« Art. 2. – Lorsqu’il existe de sérieuses raisons de soupçonner qu’une ou plusieurs des infractions mentionnées au II de l’article 1er ont été commises, se commettent, se préparent à être commises à bord ou à l’encontre des navires mentionnés à l’article L. 1521-1 du code de la défense, les commandants des bâtiments de l’État et les commandants des aéronefs de l’État, chargés de la surveillance en mer, sont habilités à exécuter ou à faire exécuter les mesures de contrôle et de coercition prévues par le droit international, le titre II du livre V de la première partie du même code et la présente loi soit sous l’autorité du préfet maritime ou, outre-mer, du délégué du Gouvernement pour l’action de l’État en mer, soit sous l’autorité d’un commandement civil ou militaire désigné dans un cadre international.

… existe des motifs raisonnables de soupçonner. …

(amendement n° DF 4)

 

« À l’égard des personnes à bord peuvent être mises en œuvre les mesures de coercition prévues par les dispositions du chapitre unique du titre II du livre V de la première partie du même code relatives au régime de rétention à bord.

 
 

« Art. 3. – À l’occasion de la visite du navire, les agents mentionnés à l’article 2 peuvent prendre ou faire prendre toute mesure conservatoire à l’égard des objets ou documents qui paraissent liés à la commission des infractions mentionnées au II de l’article 1er pour éviter qu’elles ne se produisent ou se renouvellent.

 
 

« Ils peuvent également ordonner le déroutement du navire vers une position ou un port appropriés pour procéder le cas échéant à des constatations approfondies ou pour remettre les personnes appréhendées ainsi que les objets et documents ayant fait l’objet de mesures conservatoires.

 
 

« Art. 4. – Les officiers de police judiciaire et, lorsqu’ils sont spécialement habilités dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, les commandants des bâtiments de l’État, les officiers de la marine nationale embarqués sur ces bâtiments et les commandants des aéronefs de l’État, chargés de la surveillance en mer, procèdent à la constatation des infractions mentionnées au II de l’article 1er, à la recherche et l’appréhension de leurs auteurs ou complices.

 
 

« Ils peuvent procéder à la saisie des objets ou documents liés à la commission des faits sur autorisation, sauf extrême urgence, du procureur de la République.

 
 

« Ils peuvent également procéder à la destruction des seules embarcations dépourvues de pavillon qui ont servi à commettre les infractions mentionnées au II de l’article 1er, lorsqu’il n’existe pas de mesures techniques envisageables pour empêcher définitivement le renouvellement de ces infractions, dans le respect des traités et accords internationaux en vigueur.

« Après la saisie autorisée à l’alinéa précédent, ils peuvent également procéder sur autorisation du procureur de la République à la destruction …

(amendements n° DF 11 et 7)

 

« Les mesures prises à l’encontre des personnes à bord sont régies par la section 3 du chapitre unique du titre II du livre V de la première partie du code de la défense.

 
 

« Art. 5. – À défaut d’entente avec les autorités d’un autre État pour l’exercice par celui-ci de sa compétence juridictionnelle, les auteurs et complices des infractions mentionnées au II de l’article 1er et commises hors du territoire de la République peuvent être poursuivis et jugés par les juridictions françaises lorsqu’ils ont été appréhendés par les agents mentionnés à l’article 4.

 
 

« Art. 6. – La poursuite, l’instruction et le jugement des infractions mentionnées au présent titre relèvent de la compétence des juridictions suivantes :

 
 

« 1° Sur le territoire métropolitain, le tribunal de grande instance du siège de la préfecture maritime ou le tribunal de grande instance dans le ressort duquel se trouve le port vers lequel le navire a été dérouté ;

 
 

« 2° Dans les départements d’outre-mer, à Mayotte, à Saint-Pierre-et-Miquelon, dans les îles Wallis et Futuna, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises, soit la juridiction de première instance compétente située au siège du délégué du Gouvernement pour l’action de l’État en mer, soit celle dans le ressort de laquelle se trouve le port vers lequel le navire a été dérouté ;

 
 

« 3° Toutes les juridictions compétentes en application du code de procédure pénale ou d’une loi spéciale, en particulier celles mentionnées à l’article 706-75 du code de procédure pénale.

 
 

« Ces juridictions sont également compétentes pour les infractions connexes à celles mentionnées au présent titre. »

 
 

Article 2 bis (nouveau)

Article 2 bis

 

À l’intitulé de la loi n° 94-589 du 15 juillet 1994 précitée, après le mot : « relative », sont insérés les mots : « à la lutte contre la piraterie et ».

 
 

Article 3

Article 3

 

Les articles 12 et 19 de la loi n° 94-589 du 15 juillet 1994 précitée sont ainsi modifiés :

 

TITRE II

EXERCICE PAR L’ÉTAT DE SES POUVOIRS DE POLICE EN MER DANS LA LUTTE CONTRE LE TRAFIC ILLICITE DE STUPÉFIANTS ET SUBSTANCES PSYCHOTROPES

   

Art. 12 – La recherche, la constatation, la poursuite et le jugement des infractions constitutives de trafic de stupéfiants et commises en mer sont régis par les dispositions du titre II du livre V de la première partie du code de la défense et par les dispositions du présent titre qui s’appliquent, outre aux navires mentionnés à l’article L. 1521-1 du code de la défense :

1° Au premier alinéa, le mot : « , outre » est supprimé ;

 

- aux navires battant pavillon d’un ÉTAT qui a sollicité l’intervention de la France ou agréé sa demande d’intervention ;

- aux navires n’arborant aucun pavillon ou sans nationalité.

2° Les deux derniers alinéas sont supprimés.

 

TITRE III

EXERCICE PAR L’ÉTAT DE SES POUVOIRS DE POLICE EN MER DANS LA LUTTE CONTRE L’IMMIGRATION ILLICITE PAR MER

   

Art. 19 – La recherche, la constatation, la poursuite et le jugement des infractions visées à l’article 18 sont régis par les dispositions du titre II du livre V de la première partie du code de la défense et par les dispositions du présent titre qui s’appliquent, outre aux navires mentionnés à l’article L. 1521-1 du code de la défense :

- aux navires battant pavillon d’un ÉTAT qui a sollicité l’intervention de la France ou agréé sa demande d’intervention ;

- aux navires n’arborant aucun pavillon ou sans nationalité.

   
 

CHAPITRE II

Dispositions modifiant le code pénal et le code de procédure pénale

CHAPITRE II

Dispositions modifiant le code pénal et le code de procédure pénale

 

Article 4

Article 4

Code pénal

   

Art. 224-6 – Le fait de s’emparer ou de prendre le contrôle par violence ou menace de violence d’un aéronef, d’un navire ou de tout autre moyen de transport à bord desquels des personnes ont pris place, ainsi que d’une plate-forme fixe située sur le plateau continental, est puni de vingt ans de réclusion criminelle.

Les deux premiers alinéas de l’article 132-23 relatif à la période de sûreté sont applicables à cette infraction.

Après l’article 224-6 du code pénal, il est inséré un article 224-6-1 ainsi rédigé :

 
 

« Art. 224-6-1. – Lorsque l’infraction prévue à l’article 224-6 est commise en bande organisée, la peine est portée à trente ans de réclusion criminelle.

 
 

« Les deux premiers alinéas de l’article 132-23 sont applicables à cette infraction. »

 
 

Article 5

Article 5

Code de procédure pénale

   

Art. 706-73 – La procédure applicable à l’enquête, la poursuite, l’instruction et le jugement des crimes et des délits suivants est celle prévue par le présent code, sous réserve des dispositions du présent titre :

L’article 706-73 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

 

15° Délits d’association de malfaiteurs prévus par l’article 450-1 du code pénal, lorsqu’ils ont pour objet la préparation de l’une des infractions mentionnées aux 1° à 14° ;

16° Délit de non-justification de ressources correspondant au train de vie, prévu par l’article 321-6-1 du code pénal, lorsqu’il est en relation avec l’une des infractions mentionnées aux 1° à 15°.

1° Les 15° et 16° sont complétés par la référence : « et 17° » ;

 
 

2° Après le 16°, il est inséré un 17° ainsi rédigé :

 
 

« 17° Crime de détournement d’aéronef, de navire ou de tout autre moyen de transport commis en bande organisée prévu par l’article 224-6-1 du code pénal. »

 
 

CHAPITRE III

Dispositions modifiant le code de la défense

CHAPITRE III

Dispositions modifiant le code de la défense

 

Article 6

Article 6

Code de la défense

   
 

Le code de la défense est ainsi modifié :

 

Art. L. 1521-1. – Les dispositions prévues au présent chapitre s’appliquent :

1° L’article L. 1521-1 est ainsi modifié :

 

1° Aux navires français dans tous les espaces maritimes, sous réserve des compétences reconnues aux États par le droit international ;

   

2° Aux navires étrangers dans les espaces maritimes relevant de la souveraineté ou de la juridiction de la République française ainsi qu’en haute mer conformément au droit international.

Elles ne s’appliquent ni aux navires de guerre étrangers ni aux autres navires d’ÉTAT étrangers utilisés à des fins non commerciales ;

a) Au premier alinéa du 2°, après les mots : « navires étrangers », sont insérés les mots : « et aux navires n’arborant aucun pavillon ou sans nationalité, » ;

 

3° Aux navires situés dans les espaces maritimes sous souveraineté d’un ÉTAT étranger, en accord avec celui-ci.

   
 

b) Il est ajouté un 4° ainsi rédigé :

 
 

« 4° Aux navires battant pavillon d’un État qui a sollicité l’intervention de la France ou agréé sa demande d’intervention. » ;

 
 

2° Le chapitre unique du titre II du livre V de la première partie est complété par une section 3 ainsi rédigée :

 
 

« Section 3

« Mesures prises à l’encontre des personnes à bord des navires

 
 

« Art. L. 1521-11. – À compter de l’embarquement de l’équipe de visite prévue à l’article L. 1521-4 sur le navire contrôlé, les agents mentionnés à l’article L. 1521-2 peuvent prendre les mesures de coercition nécessaires et adaptées à l’encontre des personnes à bord en vue d’assurer leur maintien à disposition, la préservation du navire et de sa cargaison ainsi que la sécurité des personnes.

 
 

« Art. L. 1521-12. – Lorsque des mesures de restriction ou de privation de liberté doivent être mises en œuvre, les agents mentionnés à l’article L. 1521-2 en avisent le préfet maritime ou, outre-mer, le délégué du Gouvernement pour l’action de l’État en mer, qui en informe dans les plus brefs délais le procureur de la République territorialement compétent.

 
 

« Art. L. 1521-13. – Chaque personne à bord faisant l’objet d’une mesure de restriction ou de privation de liberté bénéficie d’un examen de santé par une personne qualifiée dans un délai de vingt-quatre heures à compter de la mise en œuvre de celle-ci. Un examen médical intervient au plus tard à l’expiration d’un délai de dix jours à compter du premier examen de santé effectué.

 
 

« Un compte rendu de l’exécution de ces examens se prononçant, notamment, sur l’aptitude au maintien de la mesure de restriction ou de privation de liberté est transmis dans les plus brefs délais au procureur de la République.

 
 

« Art. L. 1521-14. – Avant l’expiration du délai de quarante-huit heures à compter de la mise en œuvre des mesures de restriction ou de privation de liberté mentionnées à l’article L. 1521-12 et à la demande des agents mentionnés à l’article L. 1521-2, le juge des libertés et de la détention saisi par le procureur de la République statue sur leur prolongation éventuelle pour une durée maximale de cent vingt heures à compter de l’expiration du délai précédent.

 
 

« Ces mesures sont renouvelables dans les mêmes conditions de fond et de forme le temps nécessaire pour que les personnes en faisant l’objet soient remises à l’autorité compétente.

… de forme durant le temps nécessaire …

(amendement n° DF 9)

 

« Art. L. 1521-15. – Pour l’application de l’article L. 1521-14, le juge des libertés et de la détention peut solliciter du procureur de la République tous éléments de nature à apprécier la situation matérielle et l’état de santé de la personne qui fait l’objet d’une mesure de restriction ou de privation de liberté.

 
 

« Il peut ordonner un nouvel examen de santé.

 
 

« Sauf impossibilité technique, le juge des libertés et de la détention communique s’il le juge utile avec la personne faisant l’objet des mesures de restriction ou de privation de liberté.

 
 

« Art. L. 1521-16. – Le juge des libertés et de la détention statue par ordonnance motivée insusceptible de recours. Copie de cette ordonnance est transmise dans les plus brefs délais par le procureur de la République au préfet maritime ou, outre-mer, au délégué du Gouvernement pour l’action de l’État en mer, à charge pour celui-ci de la faire porter à la connaissance de la personne intéressée dans une langue qu’elle comprend.

 
 

« Art. L. 1521-17 (nouveau). – Les mesures prises à l’encontre des personnes à bord des navires peuvent être poursuivies, le temps strictement nécessaire, au sol ou à bord d’un aéronef, sous l’autorité des agents de l’État chargés du transfert, sous le contrôle de l’autorité judiciaire tel que défini par la présente section.

 
 

« Art. L. 1521-18 (nouveau). – Dès leur arrivée sur le sol français, les personnes faisant l’objet de mesures de coercition sont mises à la disposition de l’autorité judiciaire. »

 
 

CHAPITRE III BIS

(Division et intitulé nouveaux)

Dispositions relatives aux enfants des victimes d’actes de piraterie maritime

CHAPITRE III BIS

Dispositions relatives aux enfants des victimes d’actes de piraterie maritime

 

Article 6 bis (nouveau)

Article 6 bis

 

Les enfants dont le père, la mère ou le soutien de famille, de nationalité française, a été victime d’actes de piraterie maritime, peuvent se voir reconnaître la qualité de pupille de la Nation dans les conditions fixées au titre IV du livre III du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre.

 
 

Les présentes dispositions bénéficient aux victimes d’actes de piraterie maritime commis depuis le 10 novembre 2008.

 
     
 

CHAPITRE 4

Dispositions finales

CHAPITRE 4

Dispositions finales

 

Article 7

Article 7

 

La présente loi est applicable sur l’ensemble du territoire de la République.

 
     

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION (14)

Amendement DF2 présenté par M. Christian Ménard, rapporteur

Article 2

Substituer à l’alinéa 7 les deux alinéas suivants :

« 3° Dans les eaux territoriales de la République ;

4° Dans les eaux territoriales ou archipélagiques d’un autre État, lorsque le droit international l’autorise ».

Amendement DF3 présenté par M. Christian Ménard, rapporteur

Article 2

À l’alinéa 9, substituer aux mots « deux navires ou un navire et un aéronef » les mots « un navire ou un aéronef dirigé contre un navire ou un aéronef ».

Amendement DF4 présenté par M. Christian Ménard, rapporteur

Article 2

À l’alinéa 12, substituer aux mots « de sérieuses raisons » les mots « des motifs raisonnables ».

Amendement DF7 présenté par M. Gilbert Le Bris et les membres du groupe SRC

Article 2

À l’alinéa 18, après le mot « procéder », insérer les mots « sur autorisation du procureur de la République ».

Amendement DF8 présenté par M. Gilbert Le Bris et les membres du groupe SRC

Article 2

Compléter ainsi l’alinéa 20 :

« Toutefois, ils ne peuvent être remis aux autorités d’un État où la peine encourue serait plus sévère qu’en France, ni lorsque la législation ou la situation intérieure de l’État concerné ne leur garantit pas un procès équitable. »

Amendement DF9 présenté par M. Christian Ménard, rapporteur

Article 6

À l’alinéa 14, avant les mots « le temps nécessaire » insérer le mot « durant ».

Amendement DF11 présenté par le Gouvernement

Article 2

Au début de l’alinéa 18, ajouter les mots « Après la saisie autorisée à l’alinéa précédent, ».

AUDITIONS ET DÉPLACEMENTS

Ministère de la défense, le 28 mai 2010

M. Jean Berkani, conseiller juridique du ministre

Mme le conseiller d’État Monique Libert Champagne, directrice des affaires juridique

M. Patrick Mairé, chef de la division des affaires pénales militaires

Magistrat colonel Sylvie Delacourt

Contre-amiral de Armand de Tarlé

Forces maritimes, le 28 mai 2010

Vice-amiral Gérard Valin, ancien commandant des forces maritimes de l’océan Indien (ALINDIEN)

Ministère de la justice, le 9 juin 2010

Mme Delphine Dewailly, sous directrice de la justice pénale spécialisée, direction des affaires criminelles et des grâces

M. Élie-Victor Renard

Secrétariat général de la mer, le 9 juin 2010

Contre-amiral Bruno Paulnier, secrétaire général de la mer adjoint

Commissaire en chef de première classe Philippe de Dezéraud

Armateurs de France, le 9 juin 2010

Mme Anne-Sophie Avé, délégué générale

Mme Cécile Bellord, juriste

État-major des armées, le 29 juin 2010

Amiral Édouard Guillaud, chef d’état-major des armées

Général de brigade Didier Castres, chef du centre de planification et de conduite des opérations

Commissaire en chef de deuxième classe de la marine Jean-Emmanuel Perrin, section juridique opérationnelle de l’état-major des armées

Université Paris I, le 29 juin 2010

Mme Évelyne Lagrange, professeur de droit international public

Syndicat maritime Bretagne CFDT, le 29 juin 2010

M. Armand Quentel, délégué thon tropical

Ministère des affaires étrangères et européennes, le 30 juin 2010

M. Jean-Hugues Simon-Michel, directeur adjoint des affaires stratégiques

Mme Camille Petit

Mme Annick Mathis

M. Frédéric Clavier

Groupe Total

M. Jérôme Ferrier, directeur de la sécurité générale, et M. Philippe Gelinet, responsable sûreté Afrique sub-saharienne et sûreté maritime, le 30 juin 2010

Secrétariat général pour la défense nationale, le 30 juin 2010

Lieutenant colonel Thierry Isler, chargé de mission OTAN

Général André Lanata

Lieutenant colonel Caroline Boisseau

Melle Adeline Durand

(ces personnes étant venues entendre le point de vue du rapporteur sur la question des sociétés de sécurité privées)

Direction générale des services extérieurs, le 7 septembre 2010

M. Érard Corbin de Mangoux, directeur

Ministère de la justice, le 8 septembre 2010

M. le juge d’instruction Alain Philibeaux, en charge de l’affaire du carré d’As

État-major de la marine, le 9 septembre 2010

Amiral Pierre-François Forissier, chef d’état-major

Commissaire en chef François Laurent

Capitaine de vaisseau Alain Giraud

ALFUSCO, le 13 octobre 2010

Amiral Marin Gillier, ancien commandant des forces commandos

Université d’Artois, le 5 octobre 2010

M. David Chilstein, professeur, directeur du pôle droit pénal de l’association Trans Europe Experts

Nations Unies, le 9 novembre 2010

M. Jack Lang, conseiller spécial du secrétaire général des Nations Unies pour les questions juridiques liées à la piraterie au large des côtes de la Somalie

Le rapporteur tient également à remercier pour leurs contributions MM. Jean-Pierre Quéneudec, professeur de droit international public, Patrice Ansquer, chef mécanicien du Torreglio et Marc Bigot, secrétaire du comité de pêche maritime et des élevages marins de Concarneau.

Nigeria, du 4 au 8 juillet 2010

Son excellence M. Jean-Michel Dumond, ambassadeur de France au Nigeria

M. Jean-Luc Bodin, consul général à Lagos

Vice-amiral Ishaya Oko Ibrahim, chef d’état-major de la marine

M. Roger Poirier, consul honoraire à port Harcourt, directeur adjoint de Total Nigeria

M. Joel Hervochon, directeur des activités onshore de Total Nigeria

Cameroun, du 8 au 11 juillet 2010

Son excellence M. Bruno Gain, ambassadeur de France au Cameroun

M. Jean-Marie Martinel, consul général à Douala

M. Robert Mouthé Ambassa, directeur sécurité de Perenco Cameroun

M. Pierre Bang, directeur général de Total Cameroun

Vice-amiral Guillaume Ngouah Ngally, chef d’état-major de la marine camerounaise

Visite du bataillon d’intervention rapide à Douala

Kenya, du 12 au 16 juillet 2010

Son excellence Mme Élizabeth Barbier, ambassadeur de France au Kenya et auprès de la Somalie

Capitaine de frégate Pierre de Briançon à bord de la frégate Guépratte

Mme Rose-Mary Motoca, magistrate en charge des affaires de piraterie

Mme Margaret Chuma, directrice de la prison de Shimo La Tewa à Mombassa et visite de la prison

Son excellence M. Mohamed Nur Americo, ambassadeur de Somalie au Kenya

M. Mohamed Osman Aden, premier conseiller, ambassade de Somalie au Kenya

M. George-Marc André, chef de la délégation de l’Union européenne pour la Somalie

M. Jérémie Robert, conseiller politique pour la Somalie

M. Alan Cole, coordinateur des programmes de lutte contre la piraterie des Nations Unies

Son excellence M. l’ambassadeur Boubacar Diarra, représentant de l’Union africaine en Somalie et chef civil de l’AMISOM

Rencontre de parlementaires kenyans

Djibouti et Somaliland, du 17 au 23 juillet 2010

Son excellence M. Dominique Decherf, ambassadeur de France auprès de Djibouti

Colonel Abdourahmane Aden Cher, commandant de la marine nationale djiboutienne

Lieutenant de vaisseau Jean-Marc Molina, chef de l’équipage 23F du détachement aéronaval déployé à Djibouti, survol de la côte nord somalienne à bord de l’avion de patrouille Atlantique 2

Capitaine de corvette Sébastien Parisse, commandant des troupes de commando marine basée à Arta

M. Dahir Riyale Kahin, président sortant du Somaliland

M. Abdilahi Mohamad Duale, ministre des affaires étrangères

M. Abdoulahi Ismhil Ali, ministre de l’intérieur

M. Ahmed Mahamoud Sinyalo, actuel président du Somaliland

M. Osman Jibril Hagar, commandant en chef des gardes côtes somalilandais

Visite de la prison de Mandera (Somaliland)

Visite de l’hôpital Edna à Hargeisa

Mgr Bertin, évêque de Djibouti

M. Bruno Pardigon, directeur général des services de sécurité maritime de Djibouti

Prison de Fresnes, le 7 juillet 2010

Rencontre de pirates présumés impliqués dans l’affaire du Carré d’As

ANNEXE : ARTICLES 100 À 111 DE LA CONVENTION DE MONTEGO BAY

Article 100

Obligation de coopérer à la répression de la piraterie

Tous les États coopèrent dans toute la mesure du possible à la répression de la piraterie en haute mer ou en tout autre lieu ne relevant de la juridiction d’aucun État.

Article 101

Définition de la piraterie

On entend par piraterie l’un quelconque des actes suivants :

a) tout acte illicite de violence ou de détention ou toute déprédation commis par l’équipage ou des passagers d’un navire ou d’un aéronef privé, agissant à des fins privées, et dirigé :

i) contre un autre navire ou aéronef, ou contre des personnes ou des biens à leur bord, en haute mer;

ii) contre un navire ou aéronef, des personnes ou des biens, dans un lieu ne relevant de la juridiction d’aucun État;

b) tout acte de participation volontaire à l’utilisation d’un navire ou d’un aéronef, lorsque son auteur a connaissance de faits dont il découle que ce navire ou aéronef est un navire ou aéronef pirate;

c) tout acte ayant pour but d’inciter à commettre les actes définis aux lettres a) ou b), ou commis dans l’intention de les faciliter.

Article 102

Piraterie du fait d’un navire de guerre, d’un navire d’État ou d’un aéronef d’État dont l’équipage s’est mutiné

Les actes de piraterie, tels qu’ils sont définis à l’article 101, perpétrés par un navire de guerre, un navire d’État ou un aéronef d’État dont l’équipage mutiné s’est rendu maître sont assimilés à des actes commis par un navire ou un aéronef privé.

Article 103

Définition d’un navire ou d’un aéronef pirate

Sont considérés comme navires ou aéronefs pirates les navires ou aéronefs dont les personnes qui les contrôlent effectivement entendent se servir pour commettre l’un des actes visés à l’article 101. Il en est de même des navires ou aéronefs qui ont servi à commettre de tels actes tant qu’ils demeurent sous le contrôle des personnes qui s’en sont rendues coupables.

Article 104

Conservation ou perte de la nationalité d’un navire ou d’un aéronef pirate

Un navire ou aéronef devenu pirate peut conserver sa nationalité. La conservation ou la perte de la nationalité est régie par le droit interne de l’État qui l’a conférée.

Article 105

Saisie d’un navire ou d’un aéronef pirate

Tout État peut, en haute mer ou en tout autre lieu ne relevant de la juridiction d’aucun État, saisir un navire ou un aéronef pirate, ou un navire ou un aéronef capturé à la suite d’un acte de piraterie et aux mains de pirates, et appréhender les personnes et saisir les biens se trouvant à bord. Les tribunaux de l’État qui a opéré la saisie peuvent se prononcer sur les peines à infliger, ainsi que sur les mesures à prendre en ce qui concerne le navire, l’aéronef ou les biens, réserve faite des tiers de bonne foi.

Article 106

Responsabilité en cas de saisie arbitraire

Lorsque la saisie d’un navire ou aéronef suspect de piraterie a été effectuée sans motif suffisant, l’État qui y a procédé est responsable vis-à-vis de l’État dont le navire ou l’aéronef a la nationalité de toute perte ou de tout dommage causé de ce fait.

Article 107

Navires et aéronefs habilités à effectuer une saisie pour raison de piraterie

Seuls les navires de guerre ou aéronefs militaires, ou les autres navires ou aéronefs qui portent des marques extérieures indiquant clairement qu’ils sont affectés à un service public et qui sont autorisés à cet effet, peuvent effectuer une saisie pour cause de piraterie.

Article 108

Trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes

1. Tous les États coopèrent à la répression du trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes auquel se livrent, en violation des conventions internationales, des navires naviguant en haute mer.

2. Tout État qui a de sérieuses raisons de penser qu’un navire battant son pavillon se livre au trafic illicite de stupéfiants ou de substances psychotropes peut demander la coopération d’autres États pour mettre fin à ce trafic.

Article 109

Émissions non autorisées diffusées depuis la haute mer

1. Tous les États coopèrent à la répression des émissions non autorisées diffusées depuis la haute mer.

2. Aux fins de la Convention, on entend par « émissions non autorisées » les émissions de radio ou de télévision diffusées à l’intention du grand public depuis un navire ou une installation en haute mer en violation des règlements internationaux, à l’exclusion de la transmission des appels de détresse.

3. Toute personne qui diffuse des émissions non autorisées peut être poursuivie devant les tribunaux de :

a) l’État du pavillon du navire émetteur;

b) l’État d’immatriculation de l’installation;

c) l’État dont la personne en question est ressortissante;

d) tout État où les émissions peuvent être captées; ou

e) tout État dont les radiocommunications autorisées sont brouillées par ces émissions.

4. En haute mer, un État ayant juridiction conformément au paragraphe 3 peut, en conformité avec l’article 110, arrêter toute personne ou immobiliser tout navire qui diffuse des émissions non autorisées et saisir le matériel d’émission.

Article 110

Droit de visite

1. Sauf dans les cas où l’intervention procède de pouvoirs conférés par traité, un navire de guerre qui croise en haute mer un navire étranger, autre qu’un navire jouissant de l’immunité prévue aux articles 95 et 96, ne peut l’arraisonner que s’il a de sérieuses raisons de soupçonner que ce navire :

a) se livre à la piraterie;

b) se livre au transport d’esclaves;

c) sert à des émissions non autorisées, l’État du pavillon du navire de guerre ayant juridiction en vertu de l’article 109;

d) est sans nationalité; ou

e) a en réalité la même nationalité que le navire de guerre, bien qu’il batte pavillon étranger ou refuse d’arborer son pavillon.

2. Dans les cas visés au paragraphe 1, le navire de guerre peut procéder à la vérification des titres autorisant le port du pavillon. À cette fin, il peut dépêcher une embarcation, sous le commandement d’un officier, auprès du navire suspect. Si, après vérification des documents, les soupçons subsistent, il peut poursuivre l’examen à bord du navire, en agissant avec tous les égards possibles.

3. Si les soupçons se révèlent dénués de fondement, le navire arraisonné est indemnisé de toute perte ou de tout dommage éventuel, à condition qu’il n’ait commis aucun acte le rendant suspect.

4. Les présentes dispositions s’appliquent mutatis mutandis aux aéronefs militaires.

5. Les présentes dispositions s’appliquent également à tous autres navires ou aéronefs dûment autorisés et portant des marques extérieures indiquant clairement qu’ils sont affectés à un service public.

Article 111

Droit de poursuite

1. La poursuite d’un navire étranger peut être engagée si les autorités compétentes de l’État côtier ont de sérieuses raisons de penser que ce navire a contrevenu aux lois et règlements de cet État. Cette poursuite doit commencer lorsque le navire étranger ou une de ses embarcations se trouve dans les eaux intérieures, dans les eaux archipélagiques, dans la mer territoriale ou dans la zone contiguë de l’État poursuivant, et ne peut être continuée au-delà des limites de la mer territoriale ou de la zone contiguë qu’à la condition de ne pas avoir été interrompue. Il n’est pas nécessaire que le navire qui ordonne de stopper au navire étranger naviguant dans la mer territoriale ou dans la zone contiguë s’y trouve également au moment de la réception de l’ordre par le navire visé. Si le navire étranger se trouve dans la zone contiguë, définie à l’article 33, la poursuite ne peut être engagée que s’il a violé des droits que l’institution de cette zone a pour objet de protéger.

2. Le droit de poursuite s’applique mutatis mutandis aux infractions aux lois et règlements de l’État côtier applicables, conformément à la Convention, à la zone économique exclusive ou au plateau continental, y compris les zones de sécurité entourant les installations situées sur le plateau continental, si ces infractions ont été commises dans les zones mentionnées.

3. Le droit de poursuite cesse dès que le navire poursuivi entre dans la mer territoriale de l’État dont il relève ou d’un autre État.

4. La poursuite n’est considérée comme commencée que si le navire poursuivant s’est assuré, par tous les moyens utilisables dont il dispose, que le navire poursuivi ou l’une de ses embarcations ou d’autres embarcations fonctionnant en équipe et utilisant le navire poursuivi comme navire gigogne se trouvent à l’intérieur des limites de la mer territoriale ou, le cas échéant, dans la zone contiguë, dans la zone économique exclusive ou au-dessus du plateau continental. La poursuite ne peut commencer qu’après l’émission d’un signal de stopper, visuel ou sonore, donné à une distance permettant au navire visé de le percevoir.

5. Le droit de poursuite ne peut être exercé que par des navires de guerre ou des aéronefs militaires ou d’autres navires ou aéronefs qui portent des marques extérieures indiquant clairement qu’ils sont affectés à un service public et qui sont autorisés à cet effet.

6. Dans le cas où le navire est poursuivi par un aéronef :

a) les paragraphes 1 à 4 s’appliquent mutatis mutandis;

b) l’aéronef qui donne l’ordre de stopper doit lui-même poursuivre le navire jusqu’à ce qu’un navire ou un autre aéronef de l’État côtier, alerté par le premier aéronef, arrive sur les lieux pour continuer la poursuite, à moins qu’il ne puisse lui-même arrêter le navire. Pour justifier l’arrêt d’un navire en dehors de la mer territoriale, il ne suffit pas que celui-ci ait été simplement repéré comme ayant commis une infraction ou comme étant suspect d’infraction; il faut encore qu’il ait été à la fois requis de stopper et poursuivi par l’aéronef qui l’a repéré ou par d’autres aéronefs ou navires sans que la poursuite ait été interrompue.

7. La mainlevée de l’immobilisation d’un navire arrêté en un lieu relevant de la juridiction d’un État et escorté vers un port de cet État en vue d’une enquête par les autorités compétentes ne peut être exigée pour le seul motif que le navire a traversé sous escorte, parce que les circonstances l’imposaient, une partie de la zone économique exclusive ou de la haute mer.

8. Un navire qui a été stoppé ou arrêté en dehors de la mer territoriale dans des circonstances ne justifiant pas l’exercice du droit de poursuite est indemnisé de toute perte ou de tout dommage éventuels.

© Assemblée nationale

1 () Rapport n° 369 (2009-2010) de M. André Dulait, fait au nom de la commission des affaires étrangères et de défense du Sénat, déposé le 30 mars 2010.

2 () Cette partie du présent rapport propose une présentation générale de ce phénomène dans le monde aujourd’hui, et plus particulièrement en Somalie. Pour plus de détails, on pourra se reporter au rapporteur pour information n°1670 du rapporteur « Pour une réponse globale à la piraterie maritime », déposé le 13 mai 2009.

3 () Le BMI y a recensé 37 attaques en 2009, dont un tiers au large du Pérou.

4 () D’après les informations communiquées au rapporteur, le Nigeria est devenu le premier fournisseur de pétrole des États-Unis, et le groupe français Total y extrait 10 % de sa production.

5 () Rapport n° 1670, ob.cit.

6 () L’état-major des armées (EMA) estime le renchérissement de chaque trajet entre 10 000 et 20 000 dollars pour la seule prime de guerre.

7 () La Marine Kidnap and Ransom Insurance (K&R) couvre l’assuré pour les frais engagés notamment pour la négociation de la rançon (appel à des négociateurs professionnels) et pour son paiement.

8 () La France propose également un soutien logistique à l’opération avec son dispositif prépositionné à Djibouti, dont les moyens de l’hôpital Bouffard.

9 () CEDH, 29 mars 2010, Medvedyev et autres contre France (requête n°3394/03).

10 () Cette dernière disposition vise notamment à appliquer le convention pour la répression d’actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime ainsi que le protocole pour la répression des actes illicites contre la sécurité des plates-formes fixes situées sur le plateau continental, signés à Rome le 10 mars 1988.

11 () Cela ne serait envisageable face des forces privées qu’en cas d’attaque terroriste d’une ampleur comparable à une attaque armée, soit contre un navire d’État, soit, éventuellement, contre un navire privé.

12 () Convention de 1988 sur la répression d’actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime.

13 () « En cas de conflit entre les obligations des membres des Nations Unies en vertu de la présente Charte et leurs obligations en vertu de tout autre accord international, les premières prévaudront. »

14 () La présente rubrique ne comporte pas les amendements déclarés irrecevables avant la réunion de la commission ni les amendements non soutenus en commission. De ce fait, la numérotation des amendements examinés par la commission peut être discontinue.