N° 3069 - Rapport de M. Jean-Michel Ferrand sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République bolivarienne du Venezuela relatif au statut de leurs forces armées dans le cadre de la coopération militaire (n°2710)




N
° 3069

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 22 décembre 2010.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI n° 2710, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République bolivarienne du Venezuela relatif au statut de leurs forces armées dans le cadre de la coopération militaire,

par M.  Jean-Michel FERRAND

Député

___

ET

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

A – LE VENEZUELA, ENTRE APAISEMENT DES TENSIONS ET INCERTITUDES 7

1) Une situation régionale en voie d’amélioration 7

2) Des forces armées soumises à des réformes brusques 9

3) Le renforcement de l’outil de défense 10

B – LA FRANCE, PARTENAIRE POSSIBLE D’UN PAYS ISOLÉ 11

1) Des partenariats vénézuéliens limités dans le domaine militaire 11

2) Une coopération non négligeable avec la France 12

II – L’ACCORD DU 2 OCTOBRE 2008 CONFORME AUX STANDARDS EN VIGUEUR 15

CONCLUSION 17

EXAMEN EN COMMISSION 19

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ANNEXE – TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 21

Mesdames, Messieurs,

Notre pays entretient, avec de nombreux Etats, des relations de coopération dans le domaine de la formation des armées. Dans près d’une centaine de cas, ces coopérations font l’objet d’un accord bilatéral permettant de clarifier le statut juridique des activités réalisées dans ce cadre. Récemment, le Parlement a été amené à ratifier deux de ces accords, avec le Brésil – accord du 29 janvier 2008 – et l’Australie – accord du 14 décembre 2006.

Ces accords sont très différents des accords de défense qui prévoient des clauses de protection mutuelle. Par ailleurs, leur portée est évidemment différente selon l’interlocuteur en cause. Avec le Brésil, partenaire stratégique de la France dans le sous-continent sud-américain, de très nombreuses coopérations potentielles étaient envisagées. Avec le Venezuela l’étendue des activités communes couvertes par le présent accord signé le 2 octobre 2008 sera sans doute plus modeste.

En effet, l’analyse de l’état des forces armées vénézuéliennes révèle des manques importants, tant en matériel qu’en formation, mais également des difficultés organisationnelles non négligeables. Riche de ses ressources naturelles, le Venezuela offre toutefois des perspectives intéressantes en matière de coopération militaire et de programmes d’équipements, auxquels la France pourrait participer.

Parfaitement conforme aux standards en vigueur, l’accord du 2 octobre 2008 vise à fixer le statut des forces engagées dans des activités de coopération militaire. Il ne prévoit pas la possibilité, pour les forces françaises, d’être amenées à participer à des opérations militaires conjointes dans le cas où le Venezuela exercerait son droit de légitime défense, se distinguant ainsi d’un accord de défense.

I – LA COOPERATION FRANCO-VENEZUELIENNE ENCORE EMBRYONNAIRE

A la suite de l’élection du président Hugo Chavez le 6 décembre 1998, et de ses réélections en 2000 et 2006, le Venezuela a connu une réorientation sensible de sa politique, tant intérieure qu’extérieure. Si les tensions avec certains pays, voisins ou anciens partenaires stratégiques, semblent être en passe de se réduire, la mise en œuvre des réformes internes a déstabilisé certaines institutions traditionnelles du pays, notamment au sein des armées. Toutefois, en raison de ses ressources importantes, le Venezuela poursuit une politique volontariste de développement de son outil militaire, offrant ainsi des opportunités à la France, aujourd’hui partenaire mineur pour ce pays.

A – Le Venezuela, entre apaisement des tensions et incertitudes

La politique étrangère menée par Hugo Chavez a été l’objet de nombreuses critiques, à l’intérieur et à l’extérieur de son pays, accusée notamment de conduire son pays à l’isolement du fait d’une rhétorique anti-américaine croissante. Ces accusations se doublent généralement d’une appréciation négative des réformes entreprises à l’intérieur du pays, notamment dans l’armée, les mesures adoptées étant entourées d’un discours révolutionnaire mettant en cause plusieurs cadres traditionnels du Venezuela.

1) Une situation régionale en voie d’amélioration

L’avènement d’Hugo Chavez à la tête de la République bolivarienne du Venezuela s’est accompagné, au moins dans le discours, d’une attitude nettement plus critique du Venezuela vis-à-vis des Etats-Unis, qui a conduit notamment à réactiver les tensions entre ce pays et la Colombie voisine, accusée d’être trop proche de « l’empire » américain.

La détérioration de la relation entre les Etats-Unis et le Venezuela remonte à la fin de l’année 1999. En effet, au moment de la catastrophe naturelle de Vargas (1), après avoir initialement accepté des propositions d’aide américaine, le chef de l’Etat vénézuélien aurait opéré une spectaculaire volte-face, sur les conseils de Fidel Castro, qui le mettait en garde contre toute présence de troupes américaines sur le sol vénézuélien. Cette rupture s’est encore intensifiée à la suite du coup d’Etat du 11 avril 2002 (2), derrière lequel le Président vénézuélien persiste à voir une main américaine.

La rhétorique « anti-impérialiste » vis-à-vis des États-Unis a forgé la politique étrangère d’Hugo Chavez et amené Caracas à nouer des relations de plus en plus étroites avec des partenaires sensibles du point de vue de Washington comme l’Iran, la Biélorussie ou la Syrie. Pour leur part, les Etats-Unis ont présenté de façon récurrente le Venezuela comme une menace pour la sécurité et la stabilité régionales.

La conclusion d’un accord de coopération militaire entre la Colombie et les Etats-Unis le 30 octobre 2009, qui vise à mettre à la disposition des troupes américaines sept bases colombiennes, a aggravé la tension historiquement forte entre le Venezuela et la Colombie, et créé un véritable malaise dans la région. Le Venezuela a ainsi décidé du gel des relations le 28 juillet 2009, provoquant une chute des intenses relations commerciales qui existaient entre les deux pays.

Un nouvel accès de tension a eu lieu le 22 juillet 2010, lorsque le Président Chavez a annoncé la rupture des relations bilatérales, en réaction aux accusations lancées par le Président Uribe sur la présence de camps des FARC au Venezuela.

Si ces événements, médiatiquement marquants, ont fait craindre une déflagration majeure dans le sous-continent, les tensions se sont depuis apaisées. Ainsi, l’arrivée au pouvoir du Président Santos en Colombie, le 7 août 2010, a marqué un changement de cap dans les relations bilatérales. Celles-ci ont été rétablies le 11 août, soit quatre jours après l’investiture du nouveau Président colombien. Cinq commissions ont été créées pour reconstruire une relation affectée au cours des années passées par une incompatibilité d’humeur chronique entre Hugo Chavez et Alvaro Uribe.

Si quatre d’entre elles ont trait aux relations commerciales, la dernière concerne le principal point de friction entre les deux pays : la sécurité et la surveillance de la frontière. Même s’il convient de rester prudent, la volonté de Juan Manuel Santos de changer la donne s’est manifestée avec une extrême rapidité. Les Présidents Santos et Chavez ont confirmé cette détente, en signant plusieurs accords économiques et sécuritaires le 2 novembre à Caracas.

De manière générale, le Venezuela développe plusieurs projets d’intégration régionale. L’ALBA, Alliance Bolivarienne pour les Amériques, regroupe neuf pays d’Amérique latine et des Caraïbes, dont Cuba et l’Equateur, autour d’une idéologie bolivarienne. Le Venezuela est également à l’origine de l’initiative énergétique régionale « Petrocaribe » (fourniture de pétrole, à des conditions préférentielles, aux États d’Amérique centrale et des Caraïbes). Caracas soutient également activement l’UNASUR, qui rassemble les 12 États d’Amérique du Sud (3) et souhaite jouer un rôle central dans la future Communauté des États latino-américains et caribéens (CELAC), regroupant les 33 États latino-américains et caribéens (soit une OEA sans les Etats-Unis ni le Canada), dont le projet a été lancé en février 2010 à Cancun et qui devrait voir le jour officiellement le 5 juillet 2011, lors du bicentenaire de l’Indépendance du Venezuela.

En réalité, l’anti-américanisme ne figurait pas dans le corps de doctrine du lieutenant-colonel Chavez lors de son putsch avorté de 1992. Le Venezuela est longtemps passé, avec quelques raisons, pour le plus nord-américain des pays sud-américains. Aujourd’hui encore, il semble que, sous les discours de la « révolution bolivarienne », se dissimule une aspiration de la société vénézuélienne à accéder à au mode de vie américain.

D’ailleurs, les relations économiques et commerciales entre le Venezuela et les Etats-Unis restent particulièrement étroites. Le Venezuela continue à fournir près de 10 % du pétrole américain. PDVSA (Petroleos de Venezuela SA, société nationale publique d’exploitation des ressources pétrolières du Venezuela) possède le réseau de distribution CITGO. Les Etats-Unis représentent donc, pour Caracas le premier marché d’exportation pour ses hydrocarbures, loin devant les autres débouchés. En outre, pour faire face à la grave crise énergétique actuelle, Caracas a commandé plusieurs turbines à gaz à l’entreprise américaine General Electric.

A Caracas, le ton est actuellement à l’apaisement et les critiques à l’égard des Etats-Unis se font moins fortes, même si le président Chavez ne manque jamais une occasion d’accuser, de manière rhétorique, « l’empire » de tous les maux.

Si l’apparence d’une politique étrangère révolutionnaire est parfois contredite par les faits, les réformes internes, menées dans le cadre de la révolution bolivarienne chère au président Chavez, ont laissé des traces significatives y compris dans l’armée vénézuélienne.

2) Des forces armées soumises à des réformes brusques

Le régime chaviste a jeté les bases d'une réforme en profondeur de la défense vénézuélienne qui se voudrait, à terme, comparable au modèle cubain mais dans un environnement idéologique en gestation, où les mentalités locales très individualistes sont de nature à se heurter au projet d'une démocratie participative. Toutefois, la majorité des décisions, même les plus anodines, sont prises au plus haut niveau de l'appareil militaire.

En termes d’organisation de l’outil de défense, la disparition annoncée des commandements des composantes traditionnelles au profit de régions militaires aux ordres d'un commandement stratégique opérationnelle (CEO) délocalisé à Maracay (200 km ouest Caracas) a contribué à désorganiser les forces armées nationales bolivariennes. Les difficultés d’organisation des forces armées conduisent à rendre plus difficile la vie des soldats, suscitant un rejet croissant vis-à-vis d’une institution jugée incapable de subvenir aux besoins des troupes.

Concernant la formation, les cours dispensés à l’Université Militaire Bolivarienne à vocation civilo-militaire, qui doit regrouper toutes les structures de formation militaire, notamment les écoles militaires, sont parfois dénoncées comme fortement teintés d’idéologie. De manière générale, les nouvelles règles de promotion ont écarté certains officiers pourtant dotés de compétences techniques reconnues, notamment dans l’aviation légère de l’armée de terre.

De plus, peu nombreuse (4) et sans expérience opérationnelle(5), l’armée vénézuélienne est dotée de matériels anciens. Ainsi, pour l’armée de terre vénézuélienne, l'embargo imposé par le gouvernement de G. Bush a profondément changé la liste des pays fournisseurs d’armement. La Russie et la Chine se sont progressivement imposées sur ce marché mais le renouvellement est loin d’être achevé. La marine est notamment équipée de 6 frégates et de 2 sous-marins. L’armée de l’air est notamment équipée de 24 Sukhoi 30-MK2 et de 21 F-16.

Conscient des limites de son armée, l’Etat vénézuélien s’efforce de trouver à l’étranger les matériels permettant de moderniser son outil militaire.

3) Le renforcement de l’outil de défense

Du fait de l’embargo américain sur les armes, le principal fournisseur militaire du Venezuela est la Chine, essentiellement du matériel défensif (radars de longue portée) et des avions légers d’entraînement et de combat de type K8.

La Russie, auprès de laquelle le Venezuela a déjà réalisé des achats importants d'armement et d'équipement militaire (24 chasseurs Sukhoi, 50 hélicoptères MI-17, MI-26 et MI-35, 100.000 fusils d’assaut Kalachnikov, des fusils de précision Dragunov SVD et des lance-roquettes RPG-7), ambitionnerait de poursuivre ses ventes d’armement avec un nouveau lot estimé à 5 milliards de dollars, dont un prêt sur sept ans de 2,2 milliards. Il est toutefois permis de douter de la mise en œuvre réelle de nombres d’accords déjà signés, bien que la Russie voie dans le Venezuela d’Hugo Chavez un client solvable en raison de la rente pétrolière.

Enfin, il se pourrait que l’Iran fournisse certains équipements au Venezuela : en particulier, une usine de fabrication de drones d’observation et d’attaque serait déjà en place au Venezuela et trois prototypes seraient prêts.

Malgré ces partenariats, l’industrie française pourrait obtenir des contrats significatifs dans le pays. Ainsi, le Venezuela envisage d’acquérir deux bâtiments de projection et de commandement, pour lesquels DCNS pourrait proposer une offre. De même, Thales Underwater Systems se trouve en bonne position pour la fourniture et l’installation de quatre systèmes sonars remorqués par des corvettes construites en Espagne.

Dans le domaine aéronautique, l’Aviation Militaire Bolivarienne (AMB) souhaitait acheter à Eurocopter une dizaine d’hélicoptères EC 725 Caracal. Un devis a été remis par le vice président d’Eurocopter en novembre 2009.

Dans le domaine terrestre, la partie vénézuélienne s’est dite intéressée par l’offre de Thales concernant les systèmes de communication tactique. Il s’agit d’un prospect de grande ampleur, impliquant la vente de 200 000 postes de communication, avec transfert de technologie et construction d’une usine.

La modernisation de l’équipement des armées vénézuéliennes pourrait donc permettre à l’industrie française de faire valoir son savoir-faire, sur un marché dont les Etats-Unis sont exclus. Toutefois, les manques de l’armée vénézuélienne concernent également le niveau de formation de ses forces, et la France pourrait là encore jouer un rôle plus important.

B – La France, partenaire possible d’un pays isolé

Le faible niveau opérationnel des armées vénézuéliennes rend nécessaire une coopération accrue avec des forces étrangères plus en pointe. Dans ce domaine, la France joue un rôle important, qui pourrait être étendu.

1) Des partenariats vénézuéliens limités dans le domaine militaire

De manière générale, le Ministère du Pouvoir Populaire pour la Défense ne semble pas toujours disposer d’une stratégie qui puisse lui permettre de mener des actions de coopération cohérentes et dans la durée. Ainsi, alors même que la Chine est le premier fournisseur du Venezuela en matériel militaire, de nombreuses difficultés (non respect des promesses en matière d’investissement, modifications des termes des contrats en cours de réalisation…) gênent la mise en œuvre des accords signés.

En fait, le principal partenaire du Venezuela dans le domaine de la formation militaire reste Cuba. Pas toujours visible, la coopération militaire existe pourtant, à grande échelle dans le domaine du renseignement et au plus haut niveau dans celui de la formation.

Les militaires cubains sont envoyés notamment pour structurer et fortifier les milices nationales bolivariennes sur le même modèle que le système de défense cubain. Certains hauts dirigeants de l’armée vénézuélienne participent à des formations dispensées à Cuba.

Depuis l’élection d’Hugo Chavez à la présidence du Venezuela, sept délégations composées de militaires vénézuéliens se sont déplacées à Cuba. En juillet 2008, 270 élèves de l’école supérieure de guerre ont visité les installations des forces armées révolutionnaires de Cuba à la Havane pour y effectuer des exercices et des entraînements militaires.

La coopération entre Cuba et le Venezuela est, du point de vue idéologique, un marqueur fort pour le régime. La France, pour sa part, a choisi de mener des actions très ciblées, dans les domaines intéressant sa propre sécurité et celle du Venezuela.

2) Une coopération non négligeable avec la France

Au niveau régional, la France partage avec le Venezuela des intérêts de sécurité dans la zone Caraïbe : sauvegarde maritime, lutte anti-drogue, secours d’urgence en cas de catastrophes naturelles.

S’agissant de la coopération de défense pour l’année 2010, le ministère des Affaires étrangères et européennes a programmé un budget prévisionnel de 67 797 €, au même niveau que celui alloué en 2008 et en hausse par rapport à celui de 2009. Il permet notamment la mise en oeuvre d’actions dans le domaine de l’enseignement du français en milieu militaire et dans celui de la formation des élites. En 2009, le Venezuela s’est désisté tardivement pour les 2 places offertes dans le cadre de la session internationale « Amérique latine » de l’Institut des hautes études de la défense nationale.

Dans le cadre de la coopération en matière de sécurité intérieure, la coopération technique a été réorientée en 2008/2009. Les trois principaux axes de coopération définis en concertation avec les autorités concernées sont la lutte contre les grands trafics, notamment celui de stupéfiants, la professionnalisation des effectifs de sécurité et la lutte contre la corruption.

Les réels besoins du Venezuela en équipements, ses importantes capacités économiques et la proximité de son territoire avec des zones d’intérêt français, notamment les Caraïbes et l’Amazonie plaident en faveur, au minimum, du maintien à leur niveau actuel des actions de coopération structurelle de défense.

En matière de coopération opérationnelle, la mission militaire de l’Ambassade de France à Caracas a identifié trois priorités pour l’avenir : la lutte contre le narcotrafic, l’orpaillage illégal et le secours aux populations.

La 7ème réunion d'état-major a permis de valider le plan de coopération pour les années à venir. Les activités avec les forces françaises aux Antilles et en Guyane constituent l’essentiel des actions (12 sur les 17 planifiées).

Un développement des échanges relatifs au narcotrafic a été prévu, avec la proposition française d’une réunion d’état-major au niveau régional, appelé "groupe de travail opérations" entre le COMIA Antilles et la marine bolivarienne au 1er semestre 2011, à l’occasion de l’escale de bâtiments vénézuéliens en Martinique. La France est l’un des rares pays à pouvoir coopérer dans ce domaine avec les forces vénézuéliennes et à amener ces dernières à s’associer à des activités conduites dans un cadre multilatéral.

La place de la France dans les différentes coopérations militaires du Venezuela est loin d’être négligeable. Permettant de développer des actions dans des zones où nos intérêts sont présents, les partenariats déjà noués entre les deux pays gagneraient sans aucun doute à la ratification du présent accord, qui apporte une sécurité juridique plus importante aux activités menées en commun.

II – L’ACCORD DU 2 OCTOBRE 2008 CONFORME AUX STANDARDS EN VIGUEUR

A l’heure actuelle, les coopérations militaires entre la France et le Venezuela sont régies par une multitude d’accords techniques : convention relative au financement des stagiaires vénézuéliens en France signée le 11 novembre 2002, arrangement technique relatif aux missions de ravitaillement en vol mutuel dans le cadre de l’exercice « Croix du Sud 2004 (6) » signé le 8 novembre 2004, et des conventions techniques permettant l’entretien de matériels (coopération technique militaire DAT MIRAGE, signée le 1er novembre 1973, convention concernant l’assistance et la coopération technique dans le domaine du soutien des matériels AMX 13 et AMX 30, signée le 6 novembre 1978).

L’accord signé le 2 octobre 2008, qui fait l’objet du présent projet de loi, permet de répondre aux questions juridiques que soulève la mise en œuvre de coopérations plus avancées entre les deux armées.

L’accord contient l’ensemble des précautions habituellement requises pour ce type d’activités. Ainsi, l’article 16 prévoit expressément que les membres des forces d’un Etat ne peuvent en aucun cas être associées à des opérations de guerre ou des actions de rétablissement de la sécurité intérieure sur le territoire de l’autre Etat.

De la même manière, l’article 13 encadre les procédures en cas d’infractions commises par les membres des forces d’un Etat sur le territoire de l’autre. Si ces dernières surviennent dans l’exercice de leurs fonctions, elles sont jugées par les juridictions de l’Etat d’origine. Dans le cas contraire, elles sont passibles d’une procédure devant les institutions judiciaires de l’ Etat de séjour, ce dernier s’engageant à respecter plusieurs principes garantissant un procès juste, équitable et rapide. Ainsi, l’inculpé a le droit d’être informé des accusations portées contre lui avant le jugement, peut être assisté d’un conseil juridique et d’un interprète, peut communiquer avec un représentant de l’ambassade de son pays d’origine et demander la présence d’un représentant de celle-ci tout au long de la procédure, et peut être confronté à tous les éventuels témoins à charge.

Enfin, l’article 15 fixe des principes de répartition des charges de l’indemnisation d’éventuels dommages dus aux activités de coopérations parfaitement conformes à ceux existant prévus par les autres accords. Ainsi, l’Etat d’origine de la personne à laquelle la faute est imputable – seule une faute lourde ou intentionnelle autorise l’ouverture d’un recours en responsabilité – n’est redevable de l’éventuelle indemnisation que dans les cas où le dommage lui est entièrement imputable. Dans le cas contraire la charge est répartie à parts égales entre les deux Etats.

Les autres stipulations de l’accord permettent de fixer les règles relatives à l’organisation des activités communes, comme le précise l’article 1er. Définies par l’article 2, ces activités concernent exclusivement des exercices et des actions de formation.

Afin de permettre ces différentes activités, les articles 3 à 5 prévoient des régimes spécifiques pour l’entrée sur le territoire des personnels et des matériels destinés à la coopération militaire, ainsi que la possibilité d’utiliser les véhicules routiers.

Les articles 6 et 7 indiquent que les règles relatives au port de l’uniforme et à l’usage des armes sont conformes aux règles en vigueur dans l’Etat de séjour. L’article 8 autorise des échanges de personnels, et l’article 9 prévoit que les parties sont responsables du soutien logistique. Les articles 10 et 11 prévoient que les personnels engagés dans des activités de coopération ont droit aux mêmes soins que ceux prodigués par l’Etat de séjour pour ses forces ; en revanche, les manquements à la discipline ne peuvent être sanctionnés que par les autorités de l’Etat d’origine.

L’article 12 indique que l’Etat de séjour est responsable de la sécurité des installations utilisées dans le cadre de la coopération, l’Etat d’origine restant responsable de la sécurité de ses personnels et matériels. L’article 14 fixe un principe de coopération pour les enquêtes en cas d’éventuels accidents, l’article 17 fixant les règles en cas de décès, reconnu par les autorités de l’Etat de séjour, habilitées à effectuer une éventuelle autopsie avant remise du corps à l’Etat d’origine sur demande des institutions judiciaires de l’une ou l’autre partie.

Dans l’attente d’un accord concernant le traitement des informations classifiées, l’article 18 prévoit que les Etats s’engagent à ne pas diffuser les informations classifiées que l’autre partie aurait pu leur remettre dans le cadre des activités communes. Les règles applicables à ces informations sont celles de l’Etat de séjour.

Les articles 19 et 20 prévoient que les différends relatifs à l’application de l’accord, qui peut être amendé, sont réglés à l’amiable entre les parties. Les dispositions finales, regroupées dans l’article 21, fixe à cinq ans renouvelables tacitement la période de validité de l’accord.

CONCLUSION

Au-delà des discours, le Venezuela poursuit une politique étrangère conditionnée par les impératifs géopolitiques autant qu’idéologiques. Partiellement isolé du fait de sa relation complexe avec les Etats-Unis, le pays se tourne vers d’autres puissances, au premier rang desquels la Chine, pour essayer de réorganiser un appareil militaire que les réformes récentes ont affecté.

La France partage plusieurs intérêts stratégiques avec le Venezuela, notamment dans la zone Caraïbes et en Amazonie. Les forces de sécurité vénézuéliennes pourraient être mobilisées dans le cadre de la lutte contre le trafic de drogue ou l’orpaillage illégal. Toutefois, à l’heure actuelle, leur matériel semble défaillant et la formation très imparfaite.

Souhaitant relancer sa coopération sur les points spécifiques qui intéressent sa sécurité, la France a signé avec le Venezuela, le 2 octobre 2008, le présent accord permettant de sécuriser le statut juridique des forces engagées dans les activités communes. Cet accord est doté de toutes les garanties traditionnelles que la coopération militaire entre nos deux pays ne puisse être détournée de son objectif, celui d’assurer une meilleure formation pour les armées des deux Etats.

Dans la mesure où cet accord exclut expressément la participation des forces françaises à une opération militaire vénézuélienne, dans ou hors de ses frontières, et du fait du cadre très précis déjà prévu pour le développement de notre coopération militaire avec ce pays, sa ratification, qui permet d’apporter des garanties supplémentaires aux personnels français présents au Venezuela pour des activités de formation, va dans le sens de nos intérêts.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission examine le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 22 décembre 2010.

Après l’exposé du Rapporteur, un débat a lieu.

M. Jean-Pierrre Kucheida. Concernant cet accord avec le Venezuela, je comprends que la coopération porte principalement sur des marchés d’armement. Je m’interroge sur la présence de l’orpaillage illégal parmi les domaines de coopération visés par l’accord car il me semblait que cela concernait plus la Guyane. Enfin, j’ai été choqué par l’évocation d’une permission que nous auraient accordée les Etats-Unis pour signer cet accord.

M. le président Axel Poniatowski. La question de l’orpaillage sera débattue prochainement dans le cadre de l’examen d’un accord avec le Brésil dans le domaine de la lutte contre l’exploitation aurifère illégale.

M. Jean-Michel Ferrand, rapporteur. L’orpaillage fait partie, avec le narco-trafic et le secours aux populations, des priorités identifiées par les deux parties. Par ailleurs, je n’ai pas parlé d’une autorisation des Etats-Unis mais j’ai mentionné leur absence de réaction à l’égard de cet accord qui ne met pas en jeu des questions de sécurité essentielles pour eux.

M. Jean-Paul Dupré. Quels sont les échanges commerciaux entre la France et le Venezuela ? Ce pays entretient-il des relations de bon voisinage avec les pays riverains ?

M. Jean-Michel Ferrand, rapporteur. L’accord présente un intérêt pour la vente de matériel militaire à des forces dont les équipements sont obsolètes. La France est le quinzième client et le 17ème fournisseur au Venezuela. Les exportations s’élèvent à 300 millions d’euros, les importations à 235 millions d’euros.

M. Robert Lecou. Je suis surpris par la signature d’un accord de cette nature avec un pays si lointain. J’entends que les armements sont au coeur de cet accord mais celui-ci prévoit-il également un échange d’hommes ?

M. Jean-Michel Ferrand, rapporteur. Nous comptons un certain nombre de militaires français sur place. L’accord prévoit notamment la formation en France de militaires vénézuéliens à laquelle est alloué le modeste budget que j’évoquais précédemment.

M. Hervé de Charette. Je m’étonne du délai, inhabituellement bref de la part du Quai d’Orsay, pour la ratification de cet accord. Cette précipitation ne me paraît pas de très bon aloi envers un pays qui ne mérite pas une telle considération. Je ne voterai donc pas ce texte présenté de façon prématurée.

M. Jean-Michel Ferrand, rapporteur. Je rappelle que les négociations ont commencé en 2003. La ratification par le Venezuela est intervenue en février 2009.

M. le président Axel Poniatowski. Les délais me semblent normaux. Ce n’est pas une mauvaise chose que d’aller un peu plus vite que la pratique habituelle !

Suivant les conclusions du rapporteur, la commission adopte sans modification le projet de loi (n 2710).

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* *

La Commission vous demande donc d’adopter, dans les conditions prévues à l’article 128 du Règlement, le présent projet de loi dans le texte figurant en annexe du présent rapport.

ANNEXE

TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République bolivarienne du Venezuela relatif au statut de leurs forces armées dans le cadre de la coopération militaire, signé à Paris le 2 octobre 2008, et dont le texte est annexé à la présente loi.

NB : Le texte de figure en annexe au projet de loi (n° 2710).

© Assemblée nationale