N° 3392 - Rapport de MM. Michel Havard et Jean-Paul Chanteguet sur la proposition de loi , après engagement de la procédure accélérée,de M. Christian Jacob et plusieurs de ses collègues visant à abroger les permis exclusifs de recherches d'hydrocarbures non conventionnels et à interdire leur exploration et leur exploitation sur le territoire national (3301)




N
° 3392

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 4 mai 2011

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE SUR LA PROPOSITION DE LOI, visant à interdire l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique et à abroger les permis exclusifs de recherches comportant des projets ayant recours à cette technique (n° 3301),

PAR MM. Michel HAVARD et Jean-Paul CHANTEGUET,

Députés.

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Voir le numéro :

Assemblée nationale : 3301

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 7

I.— L’ÉQUILIBRE À TROUVER ENTRE LES ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX, SANITAIRES ET SOCIAUX ET LA PROMESSE D’UNE RÉDUCTION DE LA DÉPENDANCE ÉNERGÉTIQUE 11

A.— L’EXPLOITATION DES HYDROCARBURES LIQUIDES OU GAZEUX NON CONVENTIONNELS : UNE NOUVELLE « RUÉE VERS L’OR » 11

1. Un développement récent grâce à la combinaison de deux techniques devenues abordables 11

a) Les hydrocarbures liquides ou gazeux non conventionnels : une diversité de ressources connues depuis des décennies 11

b) L’élaboration d’une technique d’exploitation économique : la combinaison des forages verticaux et horizontaux suivis de fracturation hydraulique 13

2. À la suite de l’expérience nord-américaine, les hydrocarbures liquides ou gazeux non conventionnels concernent tous les continents 14

a) Les États-Unis et le Canada se sont lancés dans l’aventure non conventionnelle depuis le début des années 2000 14

b) Les pays européens séduits par un rêve de réduction de la dépendance énergétique 15

c) Les autres continents abriteraient des ressources bien supérieures à celles présentes sur le continent européen. 16

B.— LES RISQUES ENVIRONNEMENTAUX ET SANITAIRES INTRINSÈQUES À L’UTILISATION DE LA FRACTURATION HYDRAULIQUE 17

1. Les questions liées à l’eau à tous les stades de la production 17

a) La quantité d’eau utilisée et son acheminement 17

b) La pollution des nappes phréatiques 17

c) Le traitement des eaux usagées 18

2. Le recours aux additifs chimiques et les autres nuisances 19

a) L’emploi d’additifs chimiques dont la dangerosité est reconnue 19

b) Les nuisances marquées lors de la phase initiale de production : noria de camions et emprise au sol 20

c) L’analyse du cycle de vie des puits d’exploitation : des inquiétudes face aux engagements de réduction d’émission de gaz à effets de serre 21

II.— EN FRANCE, LE MANQUE DE TRANSPARENCE DANS L’OCTROI DES TITRES D’EXPLORATION ET D’EXPLOITATION INVITE LE PARLEMENT À SE RESAISIR DE LA DÉFINITION DE LA POLITIQUE ÉNÉRGÉTIQUE 23

A.— LA FRANCE ATTIRE LES PROJETS DES COMPAGNIES PÉTROLIÈRES ET GAZIÈRES DU FAIT DE SON POTENTIEL PARMI LES PLUS IMPORTANTS D’EUROPE 23

1. L’estimation des réserves dans le sous-sol français 23

a) Les hydrocarbures liquides non conventionnels : l’or noir du Bassin parisien 24

b) Les hydrocarbures gazeux non conventionnels : le gisement de Lacq ne serait plus qu’un vague souvenir 24

2. Les titres miniers d’hydrocarbures non conventionnels difficilement identifiables 24

a) Les permis exclusifs de recherches 25

b) Les titres de concession minière 26

B.— LE RENFORCEMENT DE NOTRE DROIT MINIER ET ENVIRONNEMENTAL AU SERVICE DU DÉVELOPPEMENT ÉNERGÉTIQUE 26

1. Une procédure complexe qui appelle une réflexion sur le renouveau de notre droit 26

a) Les ambiguïtés de la législation en vigueur 26

b) Un meilleur encadrement des procédures d’octroi des titres miniers 27

2. Les conditions d’un développement énergétique national 29

a) La transition énergétique : un défi majeur 29

b) La promotion de la connaissance au service d’une politique énergétique stratégique 30

TRAVAUX DE LA COMMISSION 31

I.— DISCUSSION GÉNÉRALE 31

II.— EXAMEN DES ARTICLES 47

Avant l’article 1er 47

Article 1er : Interdiction de l’exploration et de l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels sur le territoire français 47

Après l’article 1er 55

Article 2 : Abrogation des permis exclusifs de recherches accordés 57

Après l’article 2 67

Avant l’article 3 67

Article 3 (articles L. 120-3, L. 122-3-5 et L. 123-1-2 [nouveaux] du code de l’environnement) : Encadrement de la délivrance des titres miniers d’exploration et d’exploitation et association du public 68

Article additionnel après l’article 3 (Article 4 [nouveau]) : Remise d’un rapport annuel au Parlement 72

Après l’article 3 73

Titre 73

TABLEAU COMPARATIF 77

ANNEXE AU TABLEAU COMPARATIF 80

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION 83

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 93

ANNEXES 95

« Les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. À cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l'environnement, le développement économique et le progrès social. »

Article 6 de la Charte de l’environnement

MESDAMES, MESSIEURS,

La transition vers une énergie propre, efficace et renouvelable, constitue l’un des enjeux les plus importants du XXIème siècle. La France a souhaité incarner cette évolution par le Grenelle de l’environnement et la promotion des énergies respectueuses de l’environnement, qui représentent à terme la seule source d’énergie viable pour l’économie et la croissance mondiale. La réalisation de nos objectifs, il faut le reconnaître, sera bien entendu difficile. Est-ce pour cette raison qu’il faut se ruer sur des gisements d’énergies fossiles dès leur découverte, sans se préoccuper des risques environnementaux et sanitaires que leur exploitation génère ?

Il y a encore quelques mois, les hydrocarbures liquides ou gazeux non conventionnels n’intéressaient que les spécialistes. Aujourd’hui, la médiatisation du film Gasland, du réalisateur Josh Fox, et la découverte, presque « par hasard », de l’existence de permis de recherches et de titres d’exploitation de ces ressources sur le territoire national a focalisé l’attention.

Face à l’ampleur de la contestation et à l’inquiétude des élus, le Gouvernement a annoncé, en février 2011, un moratoire sur l’exploration des gaz et huiles de schiste jusqu’à la remise des conclusions d’une mission conjointe du Conseil général de l’industrie, de l’énergie et des technologies (CGIET) et du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD). Le rapport d’étape de cette mission a été rendu public le 21 avril 2011, après sa remise aux ministres en charge du développement durable et de l’énergie.

Évidemment, le Parlement s’est également saisi de la question. Ainsi, le 1er mars dernier, la commission du développement durable de l’Assemblée nationale a confié à MM. François-Michel Gonnot et Philippe Martin une mission d’information relative aux gaz et huiles de schiste. Les rapporteurs ont prévu de présenter leurs conclusions le 8 juin prochain.

Parallèlement, plusieurs de nos collègues ont déposé des propositions de loi relatives à l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels sur le territoire national.

À l’Assemblée nationale, trois propositions de loi ont été déposées :

Ø la proposition de loi de MM. Jean-Marc Ayrault, Jean-Paul Chanteguet et François Brottes et plusieurs de leurs collègues visant à interdire l'exploration et l'exploitation d'hydrocarbures non conventionnels et à abroger les permis exclusifs de recherches de mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux, et tendant à assurer la transparence dans la délivrance des permis de recherches et des concessions (n°3283), déposée le 30 mars 2011 ;

Ø la proposition de loi de M. Christian Jacob et de plusieurs de ses collègues visant à abroger les permis exclusifs de recherches d'hydrocarbures non conventionnels et à interdire leur exploration et leur exploitation sur le territoire national (n°3301), déposée le 31 mars 2011 ;

Ø la proposition de loi de M. Jean-Louis Borloo visant à interdire la recherche et l'exploitation immédiates d'hydrocarbures non conventionnels, et l'encadrement strict de celles-ci (n°3283), déposée le 13 avril 2011.

Par ailleurs, deux propositions de lois ont été déposées au Sénat :

Ø celle de Mme Nicole Bricq, MM. Didier Guillaume, Michel Teston, Simon Sutour, Alain Fauconnier et plusieurs de leurs collègues, visant à interdire l'exploration et l'exploitation des hydrocarbures de schiste (n°377), déposée le 24 mars 2011 ;

Ø celle de M. Michel Houel et plusieurs de ses collègues visant à abroger les permis exclusifs de recherches d'hydrocarbures non conventionnels et à interdire leur exploration et leur exploitation sur le territoire national (n°417), déposée le 7 avril 2011.

Conformément à l’article 48, alinéa 5 de la Constitution du 4 octobre 1958 et à l’article 48 du règlement de l’Assemblée nationale, la proposition de loi n°3283 a été inscrite, à la demande du groupe SRC, à l’ordre du jour du jeudi 12 mai 2011.

Le Gouvernement a engagé la procédure accélérée sur la proposition de loi n°3301, le 8 avril 2011. En conséquence, la proposition de loi n°3301 a été inscrite, par la Conférence des présidents, à l’ordre du jour du mardi 10 mai 2011.

Le 13 avril 2011, la commission du développement durable a nommé deux co-rapporteurs sur la proposition de loi n°3301. Au-delà de nos sensibilités politiques différentes, nous avons conscience de la responsabilité qui nous incombe : celle-ci nous amène à nous assurer du respect de la Charte de l’environnement, qui a inscrit avec force dans la Constitution française l’exigence de protection de l’environnement et l’association des citoyens à la prise de décisions susceptibles de l’affecter.

Vos rapporteurs estiment que nous ne pouvons pas prendre le risque de voir se développer sur le territoire national le recours à des techniques problématiques, et accepter que ne soient portés à l’environnement des dommages irréversibles. La sécurisation des approvisionnements énergétiques est un enjeu majeur, auquel il ne faut pas sacrifier nos valeurs.

I.— L’ÉQUILIBRE À TROUVER ENTRE LES ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX, SANITAIRES ET SOCIAUX ET LA PROMESSE D’UNE RÉDUCTION DE LA DÉPENDANCE ÉNERGÉTIQUE

Alors que les réserves mondiales d’hydrocarbures conventionnels sont localisées dans des zones sensibles (Russie et Moyen-Orient), la perspective de mettre en valeur de nouvelles sources d’énergie fossile, abondantes et mieux réparties entre les continents, affole spécialistes et économistes. Mais face à ce nouvel eldorado, il convient de ne pas précipiter l’emploi de méthodes d’extraction encore largement perfectibles. Alors que le Parlement a fait de la protection de l’environnement une exigence constitutionnelle (1), vos rapporteurs estiment qu’il est nécessaire d’avoir conscience des risques environnementaux et sanitaires intrinsèques à l’exploitation de ces ressources.

En premier lieu, il est nécessaire de préciser, dans un souci de clarté, la notion d’hydrocarbures liquides ou gazeux non conventionnels. Il ne s’agit pas d’une catégorie juridique en droit français, qui ne distingue pas les hydrocarbures conventionnels des hydrocarbures non conventionnels. Néanmoins, au cours de leurs auditions, vos rapporteurs ont constaté que, pour chaque personne auditionnée, l’expression « non conventionnel » recouvrait la même réalité.

Le concept de gaz non conventionnel est apparu au cours des années 1980 aux États-Unis. L’administration américaine a instauré un crédit d’impôt (2) afin de favoriser le développement des gaz non conventionnels. Pour déterminer les ressources susceptibles d’en bénéficier, les autorités américaines se sont référées à un paramètre physique mesurant la résistance du milieu à l’écoulement, et se sont basées sur la perméabilité des réservoirs : si celle-ci est inférieure à un seuil de 0,1 milli darcy, le gaz produit est considéré comme « non conventionnel ».

En France, les services administratifs compétents n’appliquent pas cette définition du fait des différences géologiques des sous-sols français et américain. En revanche, IFP-Énergies nouvelles (3) propose une définition fondée sur le mode d’exploitation : « Les hydrocarbures non conventionnels se caractérisent par l'obligation de stimuler la roche dans laquelle ils sont piégés dès la première phase d'exploitation pour obtenir une production commerciale ».

Ainsi, les hydrocarbures liquides ou gazeux non conventionnels désignent six types de ressources : l’huile de schiste (oil in shale), l’huile de réservoir compact (tight oil), le gaz de schiste (shale gaz), le gaz de réservoir compact (tight gaz), le gaz de houille (le « grisou » : coalbed methane-CBM et coal mine methane-CMM), ainsi que les hydrates de méthane :

– les huiles de schiste sont des hydrocarbures liquides piégés dans la roche-mère suite à son enfouissement profond. Ils sont localisés dans un milieu non poreux et imperméable. Les huiles de réservoir compact sont également localisées dans une roche non poreuse et imperméable difficile d’accès ;

– les gaz non conventionnels sont des gaz naturels majoritairement composés de méthane, créé par la transformation de la roche mère, riche en matière organique, du fait de l’augmentation de la température et de la pression. On en distingue plusieurs types :

o le gaz de réservoir compact est contenu dans des compartiments de très petite taille et peu accessibles, situés dans une roche non poreuse et non perméable ;

o le gaz de houille est un gaz absorbé par le charbon, et peut être produit par l’intermédiaire de simples forages verticaux quand la fracturation naturelle est suffisante pour obtenir un débit significatif de méthane. Dans le cas contraire, il faut stimuler la roche par fracturation hydraulique. Il convient de noter la spécificité du gaz de mine, qui peut être directement pompé dans les anciennes mines de charbon ;

o le gaz de schiste est un gaz emprisonné dans du schiste, roche sédimentaire déposée sous forme d’argile et de limon à une profondeur de 2 000 à 3 000 mètres ;

o les hydrates de méthane sont un mélange d’eau et de méthane susceptible de cristalliser sous certaines conditions de pression et de température. Non exploités à l’heure actuelle, ils se trouvent dans le permafrost des zones arctiques ou en offshore profond.

Certaines de ces ressources sont connues depuis longtemps. Ainsi, le premier puits de gaz foré aux États-Unis fut un puits de gaz de schiste. C’était en 1821. De même du gaz de houille, dont les mineurs étaient familiers. De la mine de charbon, « un léger bouillonnement s'en échappait, un petit bruit, pareil à un sifflement d'oiseau. - Mets ta main, tu sens le vent... C'est du grisou » écrit Émile Zola dans Germinal. Néanmoins, les contraintes techniques empêchaient l’exploitation commerciale de ces réserves, jusqu’à récemment.

La production des ressources emprisonnées dans la roche mère nécessite, dès la première phase de production, une stimulation de la roche. Pour ce faire, il est nécessaire de la fracturer hydrauliquement.

L’opération de production débute par un forage permettant d’atteindre les couches enfermant les ressources à extraire. Afin de couvrir la zone la plus importante possible à partir d’un seul forage vertical, plusieurs forages horizontaux permettent de mailler le sous-sol en étoile. L’amélioration des techniques de drainage permet de réaliser des forages horizontaux susceptibles d’atteindre une longueur de plus de trois kilomètres.

Une fois le puits réalisé, le fluide de fracturation, composé d’eau, de billes de sable et d’additifs chimiques est injecté à très forte pression – plus de 100 bars. Il s’agit de provoquer des fractures pouvant atteindre 200 mètres de part et d’autre du drain horizontal. Les billes de sables permettent de maintenir ces fissures ouvertes et de produire le gaz qui, ainsi libéré, remonte naturellement vers le puits de captage. Les produits chimiques sont notamment utilisés afin de fluidifier l’eau, de prévenir la corrosion du cuvelage, d’éliminer la pollution organique et de faciliter la pénétration du sable. La phase de mise en production du puits (forage et opérations de fracturation hydraulique) dure plusieurs semaines. Par la suite, seuls les équipements utiles à la collecte des hydrocarbures demeurent sur le site pour une durée de dix à quinze ans.

Exemple de site d’extraction du gaz de schiste

Les techniques de forage horizontal et de fracturation hydraulique ne sont pas nouvelles. Selon des estimations, des opérations de fracturation hydraulique auraient eu lieu dans plus d’un million de puits à travers le monde. La fracturation hydraulique est utilisée depuis des décennies pour améliorer la productivité des puits d’extraction d’hydrocarbures conventionnels. Une cinquantaine de fracturations hydrauliques auraient ainsi été opérées en France, dont près d’une trentaine au cours des dix dernières années selon le Bureau exploration-production des hydrocarbures (BEPH). De même, cette technique a été employée en puits horizontal pour la première fois en Allemagne à la fin des années 1990. Mais, comme le souligne le rapport d’étape du CGIET et du CGEDD, « les opérations de fracturation hydraulique étaient très peu rentables jusqu’à la maîtrise par Devon en 2002 de la technologie de forage horizontal ». C’est la mise au point récente de techniques d’exploitations abordables financièrement qui explique l’engouement pour ces ressources énergétiques sur tous les continents.

D’après l’Agence internationale de l’énergie (AIE) (4), les réserves prouvées de gaz représentaient au total, fin 2008, plus de 180 000 milliards de mètres cube (Gm3), soit soixante ans de production actuelle. Or, les diverses estimations des ressources d’hydrocarbures gazeux non conventionnels doublent ou triplent cette durée, déclenchant une nouvelle « ruée vers l’or ».

Les États-Unis ont été le premier pays à produire de manière commerciale des hydrocarbures non conventionnels, et principalement le gaz de schiste. Au début des années 2000, des entreprises pétrolières de taille moyenne ont développé les activités d’exploitation timidement lancées au cours de la décennie précédente. À l’heure actuelle, comme l’indique le rapport du BAPE (5), aux États-Unis, « le gaz de [schiste] est présent dans 48 États et l’industrie est active notamment dans les bassins du Barnett, du Haynesville, du Fayetteville, du Marcellus, du Antrim et du New Albany ».

L’essor de la production a été particulièrement marqué ces dernières années. Ainsi, alors que le gaz de schiste représentait 1% de la consommation énergétique du pays en 2006, il compte pour 17% du total en 2011 selon l’Agence américaine d’information sur l’énergie (6). La production de gaz non conventionnel correspond aujourd’hui à plus de la moitié (54%) de la production de gaz des États-Unis, contre 16% au début des années 1990.

Selon l’administration américaine, la production de gaz de schiste est tellement importante que les États-Unis pourraient être dans une situation de quasi autosuffisance énergétique en 2034. Alors que ce scénario était encore loin d’être envisagé il y a quatre ans, la hausse massive de la production depuis cette date a conduit les autorités américaines à totalement réévaluer la stratégie américaine en matière d’approvisionnement énergétique.

Source : IFP-Énergies nouvelles

Au Canada, la problématique est sensiblement différente. Le territoire renferme des ressources jugées importantes et « les principales zones de mise en valeur du gaz de [schiste] sont les bassins de Horn River et de Montney dans le nord-est de la Colombie-Britannique, le groupe de Colorado en Alberta et en Saskatchewan, le shale d’Utica au Québec et celui de Horton Bluff au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse » (7). La phase d’exploitation a débuté dans certaines parties du territoire mais les proportions ne sont pas comparables au volume de production des États-Unis.

Le 4 février 2011, les conclusions du Conseil de l’Union européenne invitent à l’exploration des hydrocarbures non conventionnels : « afin de renforcer la sécurité de l'approvisionnement de l'Union Européenne, il conviendrait d'évaluer le potentiel dont dispose l'Europe en matière d'extraction et d'utilisation durables de ressources en combustibles fossiles conventionnels et non conventionnels (gaz de schiste et schiste bitumineux) ». Compte tenu de la baisse attendue du niveau de production dans le bassin de la mer du Nord, il s’agit de diversifier les sources d’approvisionnement afin d’éviter toute dépendance exclusive à un producteur particulier.

Au niveau européen, le consortium GASH (8) (Gas shale in Europe) a été créé en 2009. Il vise à établir une cartographie des ressources européennes dans les trois premières années de son existence. L’objectif est également d’étudier l’activité du Barnett Shale, l’une des zones d’exploitation les plus connues aux États-Unis, afin de déterminer les bonnes pratiques et d’identifier les risques corollaires à la production de ces ressources.

Au niveau national, de nombreuses initiatives de recherche ont été lancées en Allemagne, en Grande-Bretagne, en Suède et au Danemark. En Pologne, où le volume de réserves serait l’un des plus importants d’Europe, l’intérêt manifeste pour les gaz de schiste est à rapprocher du désir d’échapper à l’emprise russe sur l’approvisionnement énergétique du pays.

Vos rapporteurs tiennent à souligner que les ressources estimées sur le continent européen sont très faibles au regard des évaluations de l’Agence internationale de l’énergie pour les autres continents. Ainsi, l’Europe abriterait un volume de ressources en gaz non conventionnel à peine supérieur à celui qui serait présent en Afrique subsaharienne. Les ressources en gaz non conventionnel seraient ainsi particulièrement importantes dans la zone de la Communauté des États Indépendants, au Moyen-Orient, en Amérique latine et surtout en Asie pacifique. À ce sujet, la Chine s’est déjà lancée dans la production de gaz de houille (CBM).

L’exploitation des hydrocarbures liquides ou gazeux par des forages suivis de fracturation hydraulique comporte de nombreux risques. Au cours de leurs auditions, vos rapporteurs ont parfois eu le sentiment que les industriels balayaient nombre d’entre eux d’un revers de main. Or il s’agit d’enjeux au contraire essentiels qui relèvent de l’intérêt général et motivent la décision de la représentation nationale d’interdire le recours à cette technologie sur le territoire national. L’eau constitue le premier de ces enjeux, tant elle est essentielle au processus d’extraction, mais d’autres inconvénients ne doivent pas être négligés.

La fracturation hydraulique consiste à injecter dans un puits un fluide à très forte pression afin de fracturer la roche en profondeur pour libérer la ressource qui y est piégée. Le fluide de fracturation est environ composé de 95% d’eau, de 4% de billes de sable et de 1% d’additifs chimiques (9).

La fracturation hydraulique nécessite une quantité d’eau comprise entre 10 000 et 20 000 mètres cube pour un puits de gaz non conventionnel et entre 5 000 et 10 000 mètres cube d’eau pour un puits d’huile de schiste. Selon le rapport du CGIET et du CGEDD, 1 000 à 2 000 mètres cube d’eau seraient nécessaires au forage d’un puits, et 1 500 à 2 000 mètres cube d’eau pour chaque fracturation. Chaque drain fait l’objet de huit à dix fracturations en moyenne (10).

Dans le cas spécifique de la France, vos rapporteurs soulignent que nombre de permis exclusifs de recherches délivrés (voir annexe 2) s’étendent sur des zones annuellement concernées par la sécheresse et les limitations d’eau. Il semble peu acceptable de détourner ainsi l’usage de l’eau pour des activités de fracturation hydraulique.

Si le risque de pollution des nappes lors de la phase de forage est minime, les aquifères sont susceptibles d’être affectés lors des opérations de fracturation hydraulique. On distingue deux moments majeurs « à risque ».

Le premier moment critique est la fracturation à proprement parler. Sous l’effet de la pression, des fissures sont réalisées dans la roche. Si l’opération est mal maîtrisée, ces dernières peuvent s’étendre sur une distance plus longue que celle initialement prévue et constituer un drain vers les aquifères supérieurs ou des couches plus poreuses. Par ailleurs, des failles préexistantes à l’hydro-fracturation et proches du forage peuvent également constituer des drains naturels vers les nappes. Ces liaisons potentielles sont des plus dangereuses dans la mesure où le fluide de fracturation contient des produits chimiques. La remontée de ces derniers vers les aquifères peut entraîner des pollutions irrémédiables des sources d’alimentation en eau. En août 2010, la ville de New York a suspendu l’exploitation des gaz de schiste sur le gisement de Marcellus dans les zones à proximité des nappes phréatiques alimentant la ville, et ce afin d’éviter tout risque de contamination.

Le deuxième moment critique est la remontée d’une partie du fluide de fracturation vers la surface. En effet, à la fin de l’opération de fracturation, une partie du fluide utilisé (entre 30% et 80% selon les estimations disponibles) remonte vers la surface. Au cours de cette remontée, une déficience de la protection du forage (porosité du cuvelage et du manchon de ciment) peut permettre à certaines substances de traverser le tubage et de polluer ainsi directement les aquifères ou de rejoindre des couches poreuses et perméables. Les industriels mettent en avant les « règles de l’art » du forage qui écartent toute menace. Néanmoins, vos rapporteurs regrettent cet excès de confiance alors qu’aucun capteur n’est installé le long du tubage. Ainsi que cela leur a été suggéré au cours de leurs auditions, ils soulignent qu’il serait possible d’insérer des capteurs à la place de l’une des couches cimentées de protection, afin d’être immédiatement averti en cas d’alerte.

Dans le cas particulier de la France, des scientifiques de l’Université de Montpellier (11) ont souligné les spécificités hydrogéologiques de la région du Languedoc-Roussillon, où nombre de permis de recherches ont été délivrés. Ils mettent en lumière la complexité des relations entre les aquifères, dont « le mode de recharge et la structure interne favorisent les déplacements de polluants éventuels et la quasi absence d’auto épuration », concluant à une « vulnérabilité aux pollutions reconnue comme élevée et très spécifique ».

Par ailleurs, la pollution des sources d’eau peut engendrer des conséquences économiques importantes dans des régions réputées pour leur eaux thermales, minérales ou de sources. C’est notamment le cas en Lozère, qui abrite la source de l’eau minérale Quézac.

La remontée d’une partie du fluide de fracturation pose la question de son traitement. En effet, si le taux de récupération varie de 30% à 80% selon les puits, il convient de traiter le liquide récupéré à la surface, que celui soit destiné à une réinjection en milieu naturel ou à une réutilisation comme « eau de process », c’est-à-dire pour de nouvelles opérations de fracturation hydraulique.

Lors de l’opération de lessivage au fond du puits de forage, le fluide de fracturation se charge de matériaux qui remontent par la suite à la surface. Parmi ces matériaux se trouvent des métaux lourds comme l’arsenic ou des éléments radioactifs. Il convient de s’assurer des capacités des opérateurs à traiter ce type de substances.

Le fluide de fracturation injecté au fond du puits de forage est notamment composé d’additifs chimiques. Vos rapporteurs tiennent à mettre en garde contre une interprétation rapide des pourcentages affichés : le fluide de fracturation nécessaire à une opération varie de 5 000 à 20 000 mètres cube selon la ressource recherchée. Cela correspond ainsi à un volume de plusieurs dizaines de mètres cube pour un puits.

Source : IFP-Énergies nouvelles

Les additifs chimiques employés peuvent se classer en trois catégories :

– les biocides qui réduisent la prolifération bactérienne dans le fluide et dans le puits ;

– les produits qui favorisent la pénétration du sable dans les fractures ;

– les produits qui augmentent la productivité des puits.

Le 18 avril 2011, la commission de l’énergie et du commerce de la Chambre des Représentants américaine a publié un rapport sur les additifs chimiques utilisés au cours des opérations de fracturation hydraulique (12). Selon les conclusions du rapport, entre 2005 et 2009, les quatorze compagnies pétrolières et gazières auditionnées auraient utilisé 2 500 produits de fracturation hydraulique contenant 750 composés chimiques. Parmi ces produits, « 29 produits sont reconnus comme étant cancérigènes ou susceptibles de l’être, présentent des risques pour la santé humaine et sont considérés comme des polluants à même d’endommager la qualité de l’air ». Le rapport cite notamment l’usage de composés de benzène, toluène, éthylbenzène et xylène, regroupés sous l’acronyme BTEX et dont la dangerosité pour la santé humaine est reconnue.

Lors de la phase initiale de production (forage et fracturation hydraulique), l’emprise au sol est particulièrement marquée. En effet, malgré les progrès techniques permettant la réalisation de forages horizontaux, le nombre de derricks en surface est encore important. En effet, le drain horizontal atteint aujourd’hui une distance maximale de trois kilomètres. Dès lors, en admettant que des forages horizontaux soient creusés de part et d’autre du forage vertical, il est nécessaire de construire des sites de production tous les cinq ou six kilomètres afin de rentabiliser l’exploitation d’un gisement. Or chaque site nécessite une surface de deux hectares afin d’accueillir le derrick et les installations de compression nécessaires à la fracturation hydraulique.

Par ailleurs, si certains industriels ont mis en avant la possibilité d’acheminer l’eau sur les sites de production par voie de canalisation, la solution employée aux États-Unis, et considérée comme la plus simple, est celle de l’acheminement par camions. Dès lors, une noria de camions est attendue sur les routes afin de transporter l’eau vers le site de production. Le rapport du CGIET et du CGEDD souligne ainsi que selon les estimations, « la réalisation d’un puits de recherche (avec un drain horizontal et fracturations), nécessite entre 900 et 1 300 voyages de camion, dont 500 à 600 voyages de camions citernes ». Nuisances pour les riverains, destruction des écosystèmes par le passage répété des poids lourds, élargissement des routes aux frais des collectivités territoriales décentralisées, endommagement des voies d’accès existantes, augmentation de l’érosion par la création de nouvelles pistes : la liste des dommages est longue.

De plus, vos rapporteurs rappellent que la France soutient, depuis 2005, le projet « les Causses et les Cévennes » en vue de l’inscription de ces territoires sur la liste du Patrimoine mondial de l’Unesco au titre des paysages culturels évolutifs vivants. Il semble à vos rapporteurs que la délivrance de permis d’exploration susceptibles d’aboutir à une transformation durable de paysages uniques est en contradiction avec la volonté affichée par la France de soutenir cette candidature. Ce constat est partagé par certains auteurs du rapport du CGIET et du CGEDD, qui considèrent « comme problématique la compatibilité entre la demande de classement et la perspective d’une exploitation de gaz de roche mère ».

Au-delà de la procédure de classement au Patrimoine mondial, le rapport précité souligne également que le permis dit « de Nant », délivré à la société Schuepbach Energy LCC, couvre une partie du cœur du parc national des Cévennes. En ce sens, le rapport indique que « l'octroi des permis de Nant, et dans une moindre mesure, de ceux de Montélimar et de Villeneuve de Berg, peut se trouver en conflit avec la réglementation prévalant dans le Parc national des Cévennes ».

Plus largement, les nuisances, visibles et marquées, impliquées par certaines activités d’exploration et par l’exploitation des hydrocarbures selon la technique de fracturation hydraulique, peuvent avoir des conséquences néfastes majeures sur l’attractivité de territoires dont l’économie repose sur une identité propre (produits du terroir et paysage notamment) et le tourisme.

Une étude d’un professeur (13) de l’université de Cornell, publiée le 11 avril 2011, met en garde contre l’impact de l’exploitation d’hydrocarbures par fracturation hydraulique sur le réchauffement climatique. L’étude rappelle que le gaz naturel est majoritairement du méthane, dont les effets sur le réchauffement climatique sont 105 fois plus importants que ceux du dioxyde de carbone sur une période de vingt ans. Compte tenu de la méthode d’exploitation utilisée, les fuites de gaz sont plus nombreuses que pour les hydrocarbures exploités par simple forage. Ainsi, sur une période de vingt ans, la production de gaz non conventionnel serait plus néfaste que celle de gaz naturel, de pétrole ou de charbon. À ce titre, vos rapporteurs souhaitent rappeler que la France, comme l’ensemble des membres de l’Union européenne, s’est engagée en 2008 à réaliser les objectifs du Plan Climat élaboré par la Commission européenne. Ce plan, plus connu sous le nom du « trois fois vingt » prévoit notamment une réduction de 20% des émissions de gaz à effet de serre en 2020 par rapport au niveau de 1990.

II.— EN FRANCE, LE MANQUE DE TRANSPARENCE DANS L’OCTROI DES TITRES D’EXPLORATION ET D’EXPLOITATION INVITE LE PARLEMENT À SE RESAISIR DE LA DÉFINITION DE LA POLITIQUE ÉNÉRGÉTIQUE

La France est dépendante des importations en hydrocarbures. En effet, la production nationale est très faible et représente à peine 1% à 2% de la consommation. Notre pays est l’un des premiers importateurs mondiaux en volume annuel et le montant des importations de pétrole et de gaz s’élevait à 45 milliards d’euros en 2010 et à 9 milliards pour le seul gaz naturel en 2009. Vos rapporteurs comprennent en ce sens la tentation que représente la découverte soudaine de réserves d’hydrocarbures dans le sous-sol français. Néanmoins, ils considèrent qu’en dépit des estimations annoncées, il convient de revenir sur les autorisations accordées dès lors que leurs titulaires envisagent de recourir à la fracturation hydraulique, et d’engager la modernisation de la législation en vigueur, au service d’une politique énergétique nationale claire et ambitieuse.

L’estimation d’hydrocarbures liquides ou gazeux non conventionnels dans le sous-sol français est complexe. L’Inventaire minier du territoire national, réalisé par le Bureau de recherche géologique et minière (BRGM) pour le compte du ministère de l’Industrie de 1975 à 1991, n’a pas été l’occasion d’identifier les ressources non conventionnelles présentes sur le territoire national. Ainsi, les données avancées sont par définition incertaines, même si, comme le souligne le rapport du CGIET et du CGEDD, « l’intérêt que portent à notre pays les grands opérateurs pétroliers et gaziers et les compagnies nord-américaines spécialisées dans l’exploitation des hydrocarbures de roche mère, ainsi que les investissements qu’ils se proposent de consentir, attestent de l’ampleur du potentiel ».

Le rapport mentionne également une étude de l’Agence américaine d’information sur l’énergie (14), publiée en avril 2011, selon laquelle la France apparaît être le pays d’Europe le plus richement doté après la Pologne, avec un potentiel de 180 Tcf (15), soit 5 Tm3 (16). Mais comme le souligne également le rapport, « tous les gisements techniquement récupérables ne sont pas effectivement exploitables ».

Les hydrocarbures liquides non conventionnels désignent principalement les huiles de schiste dans le Bassin parisien, qui abrite l’essentiel des réserves estimées sur notre territoire. La Seine-et-Marne est particulièrement concernée : il s’agit déjà d’un département producteur de pétrole conventionnel, dont l’exploitation a débuté dans les années 1950. Le pétrole produit représente 20% de la production nationale, mais seulement 0,5% de la consommation du pays.

Or, selon les estimations auxquelles ont eu accès vos rapporteurs, les réserves en huile de schiste pourraient représenter la moitié des réserves prouvées du champ pétrolifère de la Mer du Nord. Le rapport du CGIET et du CGEDD évoque, à partir de comparaisons avec les formations géologiques analogues exploitées en Amérique du Nord, 100 millions de mètres cube de réserves techniquement exploitables dans le bassin parisien, soit l’un des potentiels les plus prometteurs en Europe.

Les régions françaises les plus propices à la présence de réserves exploitables de gaz non conventionnel sont situées dans le sud du pays. Il s’agit principalement de gaz de schiste. Or d’après les informations dont vos rapporteurs ont eu connaissance, les réserves françaises seraient équivalentes à la production de vingt gisements similaires à celui de Lacq, découvert en 1951 et qui a alimenté en gaz le quart sud-ouest de la France durant une trentaine d’années. Aussi, les réserves de gaz de schiste représenteraient cent ans de consommation française de gaz. Le rapport du CGIET et du CGEDD envisage des réserves exploitables dans le sud-est du pays de l’ordre de 500 milliards de mètres cube, en se fondant à nouveau sur des comparaisons géologiques.

Une nouvelle fois, vos rapporteurs soulignent que ces chiffres, très impressionnants de prime abord, ne sont que des estimations. Afin de réduire le volume de nos importations énergétiques, la France accorde régulièrement des permis d’exploration d’hydrocarbures : une quinzaine annuellement en moyenne depuis 35 ans. Pour autant, ces permis sont rarement couronnés de succès.

Le droit français ne distingue pas les hydrocarbures conventionnels des hydrocarbures non conventionnels. Dès lors, les titres miniers s’appliquent à tout type d’hydrocarbures et il s’en suit une difficulté certaine pour identifier ceux relatifs à des hydrocarbures non conventionnels.

À l’origine, la contestation a porté sur trois permis exclusifs de recherches comportant explicitement des projets d’exploration de gaz de schiste. Les trois permis concernés ont été délivrés par arrêtés datés du 1er mars 2010. Il s’agit des permis dits de « Villeneuve de Berg » et de « Nant », délivrés à la société Schuepbach Energy LLC, et du permis dit de « Montélimar », délivré à la société Total. Ces permis couvrent une surface de 9 672km², répartis sur les départements de l’Ardèche, la Drôme, le Vaucluse, le Gard, l’Hérault, l’Aveyron et la Lozère. Ils sont valables pour des durées allant de trois à cinq ans.

Or, il ne s’agit pas des seuls permis exclusifs de recherches comportant des projets d’exploration d’hydrocarbures non conventionnels. À partir des dossiers initiaux de demandes, le Bureau exploration-production des hydrocarbures (BEPH) du ministère de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement a identifié seize permis (17). Au total, vingt-trois départements sont concernés.

Mais au-delà de la liste établie par le BEPH, vos rapporteurs souhaitent que les titulaires de permis exclusifs de recherches informent l’administration d’éventuels projets d’exploration d’hydrocarbures par fracturation hydraulique. En effet, il est apparu à vos rapporteurs au cours de leurs travaux que certains titulaires de permis non listés par le BEPH avaient communiqué sur l’exploration d’hydrocarbures non conventionnels. C’est notamment le cas de la société Celtique Energy Petroleum, dont le site internet mentionne un potentiel en gaz de schiste sur le permis de Pontarlier (18).

L’identification des permis concernés peut également se faire à partir des déclarations d’ouvertures de travaux miniers. Aussi, selon le rapport du CGIET et du CGEDD, dans le Bassin parisien, « deux opérateurs se proposent de réaliser des forages « tests » de production d’huile de roche mère avec fracturation hydraulique à partir d’un puits vertical : Toreador Energy France et Vermillon REP ». Par ailleurs, d’après les auteurs du rapport, un arrêté préfectoral d’octobre 2010 encadre les travaux miniers de la société Toreador pour le forage de trois puits d’exploration sur son permis de recherches dit de « Château-Thierry ». D’autres déclarations de travaux auraient été déposées, conformément à l’article L. 162-10 du nouveau code minier, pour le permis dit de « Mairy ». La société Toreador envisagerait également des projets de forages d’exploration sur la zone du permis dit de « Leudon-en-Brie », de même que la société Vermillon REP, titulaire du permis dit de « Saint-Just-en-Brie ». Néanmoins, la rédaction du rapport est ambiguë, et l’usage de la fracturation hydraulique n’est explicitement mentionné qu’au sujet de ce dernier permis.

Une difficulté similaire existe pour l’identification des titres de concession minière concernés. À l’heure actuelle, il n’existe aucun titre de concession minière sur des projets d’exploitation d’hydrocarbures non conventionnels, mis à part dans le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais, où le groupe European Gaz Limited, dont fait partie Gazonor, exploite le gaz de houille.

Néanmoins, des activités de recherches peuvent être conduites sur le périmètre d’une concession minière par le titulaire du titre correspondant. C’est ainsi que la société Vermillon REP a foré deux puits de recherches d’huile de schiste à partir de la concession dite « de Champotran ». Autrement dit, chaque titulaire d’un titre d’exploitation peut mener des opérations de recherches d’hydrocarbures non conventionnels, et envisager de réaliser des forages suivis de fracturation hydraulique. Près d’une trentaine de titres de concession minière sont actuellement en vigueur dans le bassin parisien…

Par ailleurs, la fracturation hydraulique constitue l’une des techniques visant à améliorer la productivité des puits. Il s’agit de veiller à ce que les titulaires de titres de concession minière ne puissent recourir à cette technique. Si elle présente en l’espèce des caractéristiques différentes, notamment au sujet des volumes injectés et du nombre d’additifs chimiques utilisés (moins d’une dizaine), le principe demeure le même. À charge aux industriels d’investir dans la recherche et le développement afin d’élaborer des technologies innovantes et respectueuses de l’environnement.

En l’état actuel, la législation relative au code minier pose un certain nombre de difficultés (19). Il en est ainsi de l’association du public et de son information des décisions prises susceptibles d’affecter l’environnement. Le code minier souffre ainsi d’une dichotomie entre le régime de déclaration et le régime d’autorisation concernant la procédure d’ouverture de travaux de recherches. Ainsi, « l’autorisation d’ouverture de travaux de recherches ou d’exploitation est accordée par l’autorité administrative compétente après la consultation des communes intéressées et l’accomplissement d’une enquête publique (…) d’une étude d’impact » (20) conformément aux dispositions du code de l’environnement.

Toutefois, le décret n°2006-649 du 2 juin 2006 relatif aux travaux miniers, aux travaux de stockage souterrain et à la police des mines et des stockages souterrains distingue l’ouverture de travaux de recherches de mines « autres que les hydrocarbures liquides ou gazeux  (21)» qu’il soumet à autorisation et « l'ouverture de travaux de recherches de mines lorsque ces travaux n'entrent pas dans le champ d'application des dispositions du 2° de l'article 3 » (22), qu’il soumet à simple déclaration. Le nouveau code minier maintient la distinction entre un régime de déclaration et un régime d’autorisation (23), sans revenir sur la dichotomie établie par le décret du 2 juin 2006.

En somme, la législation en vigueur exonère les compagnies souhaitant engager des travaux de recherches d’hydrocarbures de se soumettre à une autorisation, comme si ceux-ci, impliquant forages éventuellement suivis de fracturation hydraulique, ne présentaient pas particulièrement de dangers graves pour les intérêts mentionnés à l'article L. 161-1 du code minier : « préservation de la sécurité et de la salubrité publiques, (…) des caractéristiques essentielles du milieu environnant, terrestre ou maritime, et plus généralement à la protection des espaces naturels et des paysages, de la faune et de la flore, des équilibres biologiques et des ressources naturelles particulièrement des intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 (24),…du code de l'environnement ».

Au titre de la Convention d’Aarhus (25), que la France a ratifié le 2 juillet 2002, « afin de contribuer à protéger le droit de chacun, dans les générations présentes et futures, de vivre dans un environnement propre à assurer sa santé et son bien être, chaque Partie garantit les droits d’accès à l’information sur l’environnement, de participation du public au processus décisionnel et d’accès à la justice en matière d’environnement conformément aux dispositions de la présente Convention ».

Pourtant, le public est exclu du processus de délivrance des permis exclusifs de recherches. Certes, les arrêtés délivrant ces permis sont publiés au Journal officiel de la République française mais, comme le souligne Christian Huglo, avocat à la cour de Paris, « il est évident aujourd’hui que la délivrance, par l’État, de permis de recherches, est réalisée dans des conditions telles qu’il faut être un expert pour en trouver trace au Journal officiel » (26).

Jusqu’en 1994, les permis exclusifs de recherches étaient néanmoins soumis à une « enquête publique minière » d’une durée de trente jours. De plus, ces permis étaient octroyés par décret en Conseil d’État. Suite aux recommandations du Conseil d’État en la matière, la loi n°94-588 du 15 juillet 1994 modifiant certaines dispositions du code minier a supprimé l’enquête publique qu’imposait alors son article 9, afin d’alléger la procédure à ce stade. Cette exclusion du public participe à un dessaisissement de la prise de décision par le politique, qui abandonne la responsabilité de choix stratégiques et avant tout politiques à l’administration. Celle-ci applique des procédures désuètes inadaptées aux enjeux environnementaux auquel nous sommes confrontés et au désir de transparence des citoyens. Ainsi, d’après les informations obtenues par vos rapporteurs au cours de leurs auditions, la délivrance des permis exclusifs de recherches est le fait de la direction générale de l’énergie et du climat et non pas du ministre, qui délègue son pouvoir en la matière.

Cet abandon est d’autant plus contestable que le code minier prévoit une sorte de continuum entre le titre d’exploration et le titre d’exploitation. L’association des citoyens par le biais d’une enquête publique au moment de l’octroi du titre de concession est ainsi trop tardive puisque en quelque sorte, si la recherche a été fructueuse, « les jeux sont faits ».

Vos rapporteurs sont d’avis qu’il faut renforcer l’association des citoyens à la prise de décision publique dès la délivrance des permis de recherches. Le projet de loi ratifiant l'ordonnance n°2011-91 du 20 janvier 2011 portant codification de la partie législative du code minier, déposé à l’Assemblée nationale le 13 avril 2011, prévoit ainsi que préalablement à la délivrance d’un permis exclusif de recherche, « la ou les demandes retenues font l’objet d’une mise à disposition du public par voie électronique, dans des conditions lui permettant de formuler ses observations ». Le dossier, accompagné d’une note de présentation, est rendu accessible au public pendant une durée minimale de 30 jours francs. Le projet de loi va ainsi dans le sens du renforcement des procédures souhaité par les auteurs de la proposition de loi n°3283 et ceux de la proposition de loi n°3301 déposées respectivement par le groupe SRC et le groupe UMP, même si celles-ci proposent l’organisation d’un débat public, la réalisation d’une étude d’impact et celle d’une enquête publique.

L’impression d’une procédure secrète, réalisée « en catimini » a en effet contribué à l’incompréhension manifestée par les citoyens face à la médiatisation de l’exploration et de l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels sur le territoire national. Le dialogue en amont des projets, la réponse aux interrogations et la prise en compte des inquiétudes locales sont les gages de la réussite de projets portés par une industrie qui souffre d’une présomption de culpabilité. Sur des sujets aussi sensibles dans la société, il est nécessaire que l’État applique des procédures transparentes et soit le garant de l’acceptabilité sociale des projets mis en œuvre tant par des acteurs publics que privés.

Néanmoins, vos rapporteurs doutent de la pertinence d’introduire dès à présent de nouvelles procédures dans le code minier. Nous prendrions alors le risque de mettre en place un dispositif incomplet et insatisfaisant. Une modernisation efficace nécessite entre autres une réflexion aboutie sur la responsabilité pénale des dirigeants de sociétés intervenant dans le domaine minier, la possibilité de consigner une somme imposée à l’exploitant, l’encadrement des expérimentations, le renforcement des attributions de la police des mines, l’instauration du principe du « pollueur-payeur ». Par ailleurs, le cadre législatif et réglementaire applicable aux installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) pourraient inspirer nombre d’évolutions du code minier. Notre réserve nous semble d’autant plus justifiée que plusieurs missions en cours sont susceptibles de s’intéresser à la question.

Au-delà du projet de loi ratifiant l’ordonnance du 20 janvier 2011 portant codification de la partie législative du code minier, le travail du CGIET et du CGEDD permet déjà d’identifier des évolutions souhaitables. Par ailleurs, nos collègues François-Michel Gonnot et Philippe Martin présenteront les conclusions de leur mission d’information le 8 juin prochain. Leur rapport contiendra certainement des propositions de réforme du code minier.

Le 30 juillet 2011, Gérard Mestrallet, président du groupe GFD Suez, déclarait dans le journal Le Monde : « On estimait jusqu’à présent qu’on avait du pétrole pour quarante ans et du gaz pour soixante ans. On se projetait déjà dans une société post-énergies fossiles ». Vos rapporteurs trouveraient regrettable que la perspective de l’exploitation d’une nouvelle énergie fossile soit synonyme d’abandon des politiques en faveur de la transition énergétique.

Il s’agit d’un défi majeur. Selon les estimations de l’Agence internationale de l’énergie, compte tenu de la croissance de la consommation mondiale d’énergie, les énergies fossiles représenteront encore entre 63% et 79% de la consommation d’énergie mondiale en 2035. Néanmoins, il faut poursuivre les efforts annoncés par le Grenelle de l’environnement et les engagements européens en vue d’une économie respectueuse de l’environnement.

La loi n°2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique vise « à contribuer à l'indépendance énergétique nationale et garantir la sécurité d'approvisionnement » et « préserver la santé humaine et l'environnement, en particulier en luttant contre l'aggravation de l'effet de serre ». La promotion d’une énergie dont les méthodes d’exploitation présentent de sérieux risques pour l’environnement ne s’inscrit pas dans cette perspective. Elle est également contraire à l’article 6 de la Charte de l’environnement, qui impose la conciliation de la protection et la mise en valeur de l'environnement, du développement économique et du progrès social. Vos rapporteurs doutent de la prise en compte de l’ensemble de ces objectifs.

D’après vos rapporteurs, l’affolement médiatique autour de la question des hydrocarbures non conventionnels depuis plusieurs mois et l’ampleur de la contestation parmi les élus a non seulement mis en lumière l’exigence de moderniser une législation minière devenue obsolète, mais également la nécessité pour le Parlement de favoriser le développement de la connaissance du sous-sol et d’encourager l’innovation vers l’élaboration de techniques d’exploration et d’exploitation propres, maîtrisées et respectueuses de l’environnement.

À ce titre, devrait être sollicitée l’expertise d’organismes publics comme le BRGM, IFP-Énergies nouvelles ou INERIS en vue de l’identification « des meilleures techniques disponibles », conformément à l’article L. 110-1 du code de l’environnement ou de la recherche de nouvelles technologies conciliant efficacité industrielle et conformité à la Charte de l’environnement. Par ailleurs, des programmes spécifiques de recherches en laboratoire devraient être menés. Ainsi, l’École Normale Supérieure de Lyon conduit en ce moment des travaux relatifs aux additifs chimiques employés dans le cadre des activités minières.

Vos rapporteurs ont également accordé une attention particulière à certaines des propositions formulées dans le rapport d’étape du CGIET et du CGEDD. Ainsi de l’association du pôle de compétitivité Avenia, dont les activités sont centrées sur les technologies liées au sous-sol, et qui mène des travaux de recherches sur le développement responsable des énergies fossiles. De même, il apparaît indispensable de « parfaire la connaissance scientifique du fonctionnement des aquifères et de leurs connexions dans les formations karstiques, connaissance indispensable à une gestion optimale de la ressource en eau » s’agissant de la zone Causses-Cévennes.

De manière plus générale, vos rapporteurs considèrent que le Parlement ne peut se priver d’une information régulière quant à l’évolution des techniques d’exploration et d’exploitation des hydrocarbures et la connaissance des sous-sols. Dans cette optique, ils sont favorables à la remise par le Gouvernement d’un rapport annuel sur le sujet à la représentation nationale, qui devra également traiter, en vue de sa modernisation, de la conformité de la législation minière aux prescriptions de la Charte de l’environnement.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.— DISCUSSION GÉNÉRALE

Lors de sa réunion du 4 mai 2011, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné, sur le rapport de MM. Michel Havard et Jean-Paul Chanteguet, la proposition de loi visant à abroger les permis exclusifs de recherches d’hydrocarbures non conventionnels et à interdire leur exploration et leur exploitation sur le territoire national (n° 3301).

M. le président Serge Grouard. Je tiens à souligner la qualité du travail des deux co-rapporteurs de la proposition de loi : leur rapport, particulièrement intéressant, nous propose la présentation la plus objective possible d’un sujet complexe et sur lequel les connaissances sont encore limitées.

M. Michel Havard, rapporteur. La proposition de loi vise un triple objectif. Elle tend d’abord à garantir la protection de l’environnement et la sécurité sanitaire face aux risques engendrés par une technologie qui apparaît encore perfectible et peu conforme aux objectifs de développement durable que nous nous sommes fixés. Ensuite, elle entend répondre à l’inquiétude de nos concitoyens, que nous avons tous ressentie sur le terrain. Enfin, elle constitue une première étape vers la mise en place d’une information du Parlement sur les techniques d’exploration et d’exploitation du sous-sol et la connaissance de nos réserves énergétiques, ouvrant la voie à une réflexion sur la modernisation de notre code minier, au service d’une politique énergétique ambitieuse et conforme à nos engagements.

À l’origine, le débat portait sur l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures liquides ou gazeux non conventionnels. Au cours de nos travaux, nous avons compris que ce n’est pas la nature de l’hydrocarbure qui pose problème, mais la technique d’extraction employée dans certains cas : la fracturation hydraulique, du fait des risques environnementaux et sanitaires qu’elle présente. L’eau constitue le principal de ces problèmes, à tous les stades de la production : par la quantité utilisée – entre 5 000 et 10 000 mètres cubes pour un puits d’huile de schiste, et entre 10 000 et 20 000 pour un puits de gaz de schiste – ; du fait de la pollution des nappes phréatiques à l’occasion de la fracturation et de la remontée d’une partie du fluide de fracturation vers la surface, et du fait du traitement des eaux usagées chargées de métaux lourds. En août 2010, la ville de New York a suspendu l’exploitation des gaz de schiste dans les zones du gisement de Marcellus Shale situées à proximité des nappes phréatiques alimentant la ville, afin d’éviter tout risque de contamination.

La présence d’additifs chimiques dans le fluide de fracturation constitue également un sérieux problème. Certes, ils ne représentent que 0,5 % de la composition du fluide, mais cela correspond tout de même à un volume de plusieurs dizaines de mètres cube par puits. Le rapport sur ce sujet de la commission de l’énergie et du commerce de la Chambre des Représentants américaine, publié le 18 avril, fait état de l’utilisation de benzène, de toluène, d’éthylbenzène et de xylène, les « BTEX », dont la dangerosité pour la santé humaine est reconnue.

Ce n’est pas ici le lieu d’énumérer l’ensemble des risques liés à l’utilisation de la fracturation hydraulique. Je rappellerai simplement qu’à travers le Grenelle de l’Environnement et la Charte de l’environnement, nous avons manifesté un engagement fort en faveur de la protection de notre environnement et de la santé humaine. Dès lors, les risques environnementaux et sanitaires de la fracturation hydraulique justifient son interdiction.

Mais nos auditions nous ont appris que la fracturation hydraulique n’était pas nécessairement utilisée dans l’exploitation d’hydrocarbures dits « non conventionnels » – ainsi Gazonor extrait le gaz de houille par simple pompage dans le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais. À l’inverse elle peut l’être dans l’exploitation d’hydrocarbures dits « conventionnels » : la fracturation hydraulique est alors employée comme technique de stimulation de la roche ou du réservoir, afin d’améliorer la productivité du puits. Dès lors, comment interdire une technique pour un type d’hydrocarbures et l’autoriser pour un autre ? C’est la raison pour laquelle nous vous proposons, dans l’article 1er, de supprimer la référence au caractère « non conventionnel » des hydrocarbures, et d’interdire l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par forage suivi de fracturation hydraulique.

Il y a encore quelques mois, les techniques d’exploration et d’exploitation des hydrocarbures liquides ou gazeux mises en œuvre sur notre territoire étaient méconnues et peu de nos concitoyens, voire peu d’entre nous, avaient connaissance de l’existence de permis exclusifs de recherches si nombreux sur notre territoire. Le succès du film Gasland et la mobilisation des élus, des associations et des riverains ont attiré l’attention des médias, qui ont fortement relayé une contestation devenue quasi nationale. Tel est le contexte auquel nous sommes confrontés. L’émotion est vive et il est de la responsabilité de la représentation nationale d’être à l’écoute de leur inquiétude. Du sud de la France au Bassin parisien, la contestation a rassemblé des personnalités politiques aux sensibilités habituellement opposées, des collectifs citoyens plus ou moins familiers des activités de l’industrie pétrolière ou gazière. Aujourd’hui, nos interlocuteurs, industriels ou associations, nous ont fait part de l’amalgame qui existe entre la fracturation hydraulique et un simple forage, le gaz de schiste et le gaz de mine prélevé dans les anciennes mines exploitées par Charbonnage de France.

Cette réaction de la population et des élus est tout à fait légitime, tant la découverte de ces permis a été brutale, et a surpris nombre d’acteurs, même parmi les plus concernés. L’affaire est bien mal engagée. Il nous incombe de clarifier le débat, et de permettre d’identifier avec précision les points problématiques, afin de garantir à une industrie œuvrant depuis des années sur notre territoire dans des conditions satisfaisantes la poursuite et le développement ses activités, et afin de convaincre nos concitoyens de l’impossibilité pour ces opérateurs d’avoir recours à des technologies présentant des risques pour l’environnement, la santé, l’identité de nos territoires et allant à rencontre de nos valeurs.

Au terme de notre travail, nous sommes d’avis qu’il faut nous concentrer sur l’interdiction de la fracturation hydraulique, et obtenir des titulaires de permis des garanties quant aux techniques qu’ils emploient dans le cadre de leurs activités de recherche. Si l’usage de la fracturation hydraulique a été effectif, ou s’il est essentiel aux travaux d’exploration, nous souhaitons que les permis concernés soient abrogés : tel est l’objet de l’article 2.

Il ne faut pas cependant négliger l’avenir. Les débats auxquels a donné lieu la question des gaz et huiles de schiste au cours de l’année 2011 ont mis en exergue l’existence de plusieurs écueils. D’abord, le Parlement ne dispose pas d’informations satisfaisantes sur la mise en valeur de notre sous-sol, alors qu’il s’agit d’une composante essentielle de la politique énergétique qu’il doit contribuer à élaborer. Ensuite, le cadre législatif et réglementaire des activités minières est obsolète et doit être modernisé d’urgence.

Il est regrettable que le Parlement ne soit pas plus amplement associé à la mise en valeur du sous-sol national. Doit-on rappeler que, selon l’article L. 110-1 du code de l’environnement, les ressources naturelles font partie du patrimoine commun de la nation ? Certes, notre commission a créé, le 1er mars dernier, une mission d’information relative à la question des huiles et gaz de schiste, et ses rapporteurs, François-Michel Gonnot et Philippe Martin, doivent rendre leurs conclusions le 8 juin prochain. Mais, au-delà, nous pensons nécessaire que soit remis tous les ans au Parlement un rapport sur l’évolution des techniques d’exploration et d’exploitation et la connaissance du sous-sol en matière d’hydrocarbures liquides ou gazeux. La France a la chance de compter dans le domaine minier des acteurs de performance mondiale, qu’il s’agisse d’entreprises privées comme Total ou GDF-Suez, ou d’organismes publics, tels que IFP-Énergie Nouvelles, le BRGM ou l’INERIS. Par ailleurs, certaines recherches universitaires, telle celle consacrée aux additifs chimiques par l’ENS-Lyon, intéressent fortement les opérateurs miniers. Le Parlement doit être au fait de l’expertise des acteurs nationaux, ainsi que les initiatives existant au niveau européen, comme le consortium GASH, ou international.

Au-delà, il est nécessaire de réformer notre législation minière. Le code minier est obsolète, même dans sa nouvelle version issue de la codification qui doit être ratifiée par le Parlement. Il ne satisfait pas à l’obligation d’associer le public à la prise de décisions susceptibles d’affecter l’environnement, telle que définie par la Charte de l’environnement et la Convention dite d’Aarhus, ratifiée par la France en 2002. Au-delà de ces engagements nationaux, il ne répond pas au désir légitime de transparence exprimée par la population et par beaucoup d’élus des territoires concernés.

Il est dans l’intérêt de notre développement énergétique de procéder à une réforme d’ampleur du code minier, qu’il nous est impossible de réaliser, faute de temps, par le biais de cette proposition de loi. Les conclusions du rapport du Conseil général de l’industrie, de l’énergie et des technologies (CGIET), et du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), ainsi que celles que nos collègues François-Michel Gonnot et Philippe Martin nous présenteront, contiendront sans nul doute des propositions dans ce domaine. Il sera de la responsabilité du Parlement de s’assurer de l’inscription à l’ordre du jour d’un texte conforme à ces conclusions.

Avec Jean-Paul Chanteguet, nous avons dépassé nos différences de sensibilité politique pour vous proposer aujourd’hui un texte qui respecte les règles en vigueur dans un État de droit, apaise l’émotion légitime qui anime nos territoires et pose les conditions d’une stratégie énergétique. Nous n’en sommes qu’au début du débat, et la discussion doit se poursuivre.

M. Jean-Paul Chanteguet, rapporteur. La situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui me paraît tout à fait exceptionnelle, voire inédite. Ce n’est pas en effet pour l’examen d’un projet de loi, ni d’une proposition de loi déposée par un groupe d’opposition et qui n’a aucune chance d’être adoptée, que le Gouvernement a décidé d’engager la procédure accélérée, mais sur une proposition de loi du groupe majoritaire, sur un sujet qui a receuilli un certain consensus. En effet, il fait l’objet de pas moins de cinq textes, très proches dans leur rédaction, déposés entre le 24 mars et le 13 avril : trois sur le bureau de l’Assemblée, ceux des groupes UMP et SRC et celui de Jean-Louis Borloo ; deux sur celui du Sénat.

Notre commission ne peut pas examiner ce texte sans s’interroger sur ce qui ressemble à un dysfonctionnement de l’appareil de l’État. Les parlementaires de toutes sensibilités ont considéré qu’il revenait au pouvoir politique de faire écho à la forte mobilisation des citoyens et des élus des territoires concernés, et de tenir compte des préoccupations qu’elle exprime.

Si j’ai accepté d’être désigné comme co-rapporteur de ce texte, c’est d’abord parce que le groupe SRC avait inscrit sa proposition de loi à l’ordre du jour du jeudi 12 mai, mais aussi parce que notre volonté est de dégager une position commune qui fasse la synthèse des trois propositions de loi. Enfin, je suis de ceux qui ont pensé très tôt que le Parlement devait abroger les permis exclusifs de recherches et interdire l’exploration et l’exploitation des gaz de schiste.

Avec Michel Havard nous avons auditionné dans l’urgence juristes, politiques et industriels, afin d’appréhender au mieux ce sujet complexe, en étant à l’écoute de ceux qui détiennent savoir et expérience, de ceux qui entreprennent et agissent, tout en gardant, je le crois, le regard du politique dont la responsabilité est aussi de défendre des valeurs comme le droit à l’information et la protection de l’environnement.

Le vent de la contestation qui s’est levé en région parisienne et dans le sud de la France est d’abord né de la dénonciation de l’opacité dans laquelle ont été attribués les permis exclusifs de recherches, mais aussi de la condamnation de la technologie de la fracturation, dont tout indique qu’elle n’est pas une technologie propre et respectueuse de notre environnement. Les risques sont connus et identifiés. Afin de fracturer la roche en profondeur et de libérer la ressource qui y est piégée, on injecte dans le puits un fluide à très forte pression, composé environ de 95 % d’eau, de 4 % de billes de sable et de 1 % d’additifs chimiques. Selon le rapport rendu le 18 avril par la commission de l’énergie et du commerce de la Chambre des Représentants américaine, les quatorze compagnies pétrolières et gazières auditionnées auraient, entre 2005 et 2009, utilisé 2 500 produits de fracturation hydraulique contenant 750 composés chimiques. Parmi ces produits, 29 sont reconnus comme cancérigènes ou susceptibles de l’être, présentent des risques pour la santé humaine et sont considérés comme des polluants susceptibles d’endommager la qualité de l’air.

À cela s’ajoute l’utilisation de très importantes quantités d’eau – entre 10 000 et 20 000 mètres cubes pour un puits de gaz de schiste. De tels prélèvements sur la ressource sont difficilement acceptables, surtout dans des territoires régulièrement frappés par la sécheresse et des limitations de l’usage de l’eau. Si certains industriels ont mis en avant la possibilité d’acheminer l’eau sur les sites de production par des canalisations, la solution utilisée aux États-Unis, et la plus simple, est celle de l’acheminement par camions. Selon les conclusions de la mission conjointe du CGIET et le CGEDD, la réalisation d’un puits de recherche, avec drain horizontal et fracturations, nécessite entre 900 et 1 300 voyages de camions, dont 500 à 600 voyages de camions citernes.

Sont également en cause les risques de pollution des eaux sous l’effet de la pression, les fissures pouvant, si elles sont mal maîtrisées, constituer un drain vers les aquifères supérieurs ou des couches plus poreuses, ou au moment critique de la remontée d’une partie du fluide de fracturation vers la surface : une déficience de la protection du forage permettrait à certaines substances de traverser le tubage et de polluer directement les aquifères. Enfin, le traitement des eaux usagées peut entraîner de graves difficultés, puisque la partie du fluide de fracturation remontée à la surface, soit entre 30 % et 80 %, peut contenir des métaux lourds, comme l’arsenic, ou des éléments radioactifs.

En outre, lors de la phase initiale de production de ces hydrocarbures, l’emprise au sol des équipements et des installations est particulièrement importante, au détriment des paysages et de la biodiversité.

On peut craindre, par ailleurs, une atteinte à l’économie agricole et touristique de ces territoires, à leur identité, telle qu’elle fasse échouer les demandes de classement du bassin de la Dordogne en réserve mondiale de biosphère, et des Causses et des Cévennes au patrimoine mondial de l’humanité.

Certains préfèrent rejeter en bloc toutes ces critiques sous le prétexte que, chez nous, tout serait plus propre et plus sûr qu’aux États-Unis. Ceux-là sont contredits par le ministre chargé de l’énergie, qui a reconnu « l’existence aujourd’hui de risques, incontestablement, qui ne sont pas bien maîtrisés ».

Si un accord a été trouvé sur l’interdiction de l’exploration et de l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux non conventionnels par des forages suivis de fracturation hydraulique de la roche, et l’abrogation des permis exclusifs de recherches, nous nous sommes heurtés à deux obstacles majeurs : d’une part, il n’existe pas de définition juridique des mines d’hydrocarbures non conventionnels ; d’autre part, les permis exclusifs de recherches ne précisent pas le type d’hydrocarbure recherché ni la technique employée. Il nous était donc impossible de fonder une interdiction sur les deux critères retenus dans la version initiale de la proposition de loi. C’est pourquoi nous vous proposerons une nouvelle rédaction de l’article 1er, par laquelle seule la technique de fracturation emportera interdiction.

En réponse à une question d’actualité de Christian Jacob, le Premier ministre a indiqué qu’il était favorable à l’annulation des autorisations qui avaient déjà été délivrées, alors que le Gouvernement ne peut caractériser ces permis exclusifs de recherches. Nous souhaitons que leurs titulaires apportent des garanties quant aux techniques d’exploration ou d’exploitation auxquelles ils ont recours, et qu’ils s’engagent à ne pas recourir à la fracturation hydraulique.

Nous souhaitons enfin supprimer l’article 3, modifiant le code de l’environnement, qui soumettait les procédures d’attribution des concessions de mines et des permis exclusifs de recherches à débat public, enquête publique et étude d’impact. C’est en effet une réforme globale et complète du code minier qu’il faut engager. Au-delà du projet de loi ratifiant l’ordonnance du 20 janvier 2011, portant codification de la partie législative du code minier, il conviendrait d’attendre la remise du rapport de la mission conjointe du CGIET et du CGEDD et de celui de la mission d’information conduite par François-Michel Gonnot et Philippe Martin. Toutefois, nous attendons du Gouvernement qu’il s’engage à inscrire, à l’ordre du jour de Parlement, dans un délai raisonnable, un projet ou une proposition de loi modernisant le code minier.

M. Yanick Paternotte. La proposition de loi de Christian Jacob a le grand mérite de poser le problème au moment opportun, avant que l’émotion ne prenne le pas sur la raison, et la posture sur l’objectivité scientifique. Je regrette cependant qu’on n’ait pas attendu, avant de légiférer, la remise des conclusions de la mission d’information sur les gaz et huiles de schiste créée par notre commission. Elles nous auraient pourtant permis de baliser un peu mieux le terrain.

Les ravages causés par l’exploitation de la bauxite en Nouvelle-Calédonie ou encore les accidents industriels qui ont frappé ces derniers mois le Golfe du Mexique ont montré les risques de l’extraction d’énergie fossile, et surtout la légèreté dont font preuve certains exploitants. Ils doivent nous faire réfléchir à un nouveau développement durable, qui concilierait l’initiative privée, la protection des riverains et la responsabilité du politique.

Au-delà de l’injection d’eau, la technique de la fracturation pose le problème de l’utilisation d’adjuvants chimiques dont l’effet n’est pas neutre – ce n’est pas le docteur en pharmacie que je suis qui vous dira le contraire. Je crois cependant nécessaire de s’entendre sur un compromis qui laisse toute sa place à l’innovation, donc à la recherche, et aux retours d’expérience. Cela suppose plus de transparence et d’information du citoyen, dans la plus grande objectivité possible, et c’est ce qui sera sans doute le plus difficile.

La régulation doit être le maître mot : l’action publique doit réguler l’initiative privée afin que le citoyen se sente protégé. Cela s’impose d’autant plus que l’accès à l’eau constituera l’un des enjeux principaux du XXIe siècle, du fait de l’explosion démographique, de la concentration de la population dans les zones urbaines, voire du réchauffement climatique.

Dans ces conditions, le groupe UMP ne peut que se réjouir de cette proposition de loi, qui semble rassembler les groupes principaux de notre assemblée. Nous sommes persuadés que nos débats permettront au bon sens de triompher.

M. Yves Cochet. Votre appel à distinguer raison et émotion, monsieur Paternotte, est trop général pour valoir argument : il pourrait s’appliquer à tant d’autres choses, et d’abord au niveau le plus éminent de l’État ! Il en va de même de la distinction que vous prônez entre privé et public : ne vaudrait-il pas mieux considérer le sous-sol comme patrimoine commun de la nation, voire de l’humanité, et relevant à ce titre de l’action publique ?

De même, je n’approuve pas la distinction faite par nos rapporteurs entre l’exploitation des gaz de schiste, qui ne serait ni bonne ni mauvaise en soi, et la technique de la fracturation hydraulique, toujours néfaste. Pour moi, l’exploitation de cette ressource est indéfendable, même au nom de notre indépendance énergétique ou de nos intérêts économiques – on évoque le nombre de 3 milliards de barils, certains parlant même de 20, voire de 200 milliards de barils, sans que personne sache ce qu’il en est en réalité. On semble oublier les engagements internationaux de notre pays dans le domaine de la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre, notamment dans l’objectif européen des « 3 × 20 ». Qu’il s’agisse d’hydrocarbures conventionnels ou non, la pollution de l’atmosphère par le carbone est la même, même si la magie du greenwashing nous convainc de la possibilité de recourir à une technique d’extraction propre.

Même sur le plan économique, l’intérêt de cette exploitation n’est pas démontré. Le PDG de la plus grande entreprise américaine d’exploitation de gaz non conventionnel lui-même a émis des doutes sur la viabilité économique à long terme de l’exploitation des gaz de schiste au regard de la courbe de déplétion des gisements. En effet, si la montée en puissance de ces gisements est très rapide, ils s’épuisent au bout d’une dizaine d’années, obligeant à des forages incessants. Ce phénomène n’est pas dû à la nature non conventionnelle des techniques d’exploitation mais aux hydrocarbures eux-mêmes, extraits de la roche mère. Voilà pourquoi je suis opposé à la nouvelle rédaction de l’article 2 proposée par les rapporteurs, qui tend à autoriser l’exploration d’hydrocarbures non conventionnels pourvu qu’on ne recoure pas à l’hydrofracturation.

Je suis, de la même façon, opposé à la suppression de l’article 3, qui constitue une première avancée vers la démocratie.

Je suis donc opposé à l’adoption de cette proposition de loi dans la rédaction proposée par les rapporteurs.

M. Stéphane Demilly. Les cinq questions que je vais vous poser sont à dessein quelque peu provocantes, notre groupe n’ayant pas sur ce sujet de position intégriste.

Premièrement, pourquoi abroger les permis déjà délivrés à partir du moment où l’emploi de la technique de la fracturation est interdit et fortement sanctionné ? Deuxièmement, quelle est la position des autres pays européens sur le sujet ? Étant donné que la Pologne, qui conduit une politique très volontariste de développement de l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels, doit prendre la tête de l’Union européenne dans quelques mois et que le commissaire européen à l’énergie semble favorable aux gaz de schiste, la France ne risque-t-elle pas de se retrouver isolée ? Troisièmement, ne faut-il pas distinguer la situation du sud de la France du Bassin parisien, où l’on recherche du pétrole depuis plus de cinquante ans ? Quatrièmement, quelle nécessité y avait-il d’engager la procédure accélérée et de légiférer sans même attendre les conclusions de la mission parlementaire ? Il semble qu’en la matière le politique agisse sous la pression médiatique. Cinquièmement, si l’interdiction du recours à la fracturation hydraulique apparaît justifiée au vu de l’état actuel des connaissances scientifiques et du contexte passionnel de ce débat, pourquoi ne pas l’autoriser dans le cadre d’expérimentations réglementées par décret gouvernemental ?

M. Pascal Terrasse. Je voudrais d’abord saluer M. Chanteguet, qui a le premier proposé, avec le groupe socialiste, un texte visant à interdire l’exploitation des gaz de schiste. Son initiative ayant été reprise par le groupe UMP et d’autres élus, nous nous retrouvons aujourd’hui dans la situation exceptionnelle de partager la même ambition.

Les décisions prises par le ministère de l’écologie en mars 2010 méconnaissent totalement les articles 5 et 6 de la Charte de l’environnement, la convention européenne sur l’eau – deux permis ont été délivrés en Ardèche, qui souffre actuellement d’une pénurie d’eau exceptionnelle et alors qu’il s’agit d’un secteur qui se trouve dans un parc naturel régional, en réserve naturelle, et dont une partie va être classée au patrimoine mondial de l’UNESCO, en raison de la grotte Chauvet –, la directive REACH et la convention d’Aarhus, qui impose la participation des populations au processus de décision, car l’information assurée via le site internet du ministère ne saurait en tenir lieu, en dépit des dires de la ministre.

Il ne faudrait pas que les dispositions que nous voterons aujourd’hui soient passibles d’un recours devant le Conseil constitutionnel en vertu du principe de précaution, inscrit à l’article 5 de la Charte de l’environnement. Elles ne doivent pas non plus être contraires à l’article 6 de la Charte, qui pose que « les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable » et concilier « la protection et la mise en valeur de l’environnement, le développement économique et le progrès social ». Or la perforation du sol française est susceptible de mettre en péril le développement économique et social de nos territoires.

M. Claude Gatignol. Le recours à la procédure accélérée ne me semble pas convenir à ce genre de sujet, où l’émotion prédomine sur la raison. L’urgence se justifie d’autant moins que deux missions travaillent en ce moment sur l’exploitation des gaz de schiste : la mission d’information créée par votre commission et la mission conjointe du CGIET et du CGEDD. Celle-ci a d’ailleurs produit un rapport d’étape dont les conclusions vont à l’encontre de la proposition de loi. Une réforme du code minier est également en préparation. Enfin, le Conseil européen s’est prononcé en faveur du développement de la recherche sur l’exploration des huiles et des gaz extraits de la roche mère.

C’est pourquoi je préfère à l’abrogation des permis une simple suspension de ces permis, qui laisserait la porte ouverte à la recherche et à l’exploration – je vous rappelle que IFP-Énergies nouvelles évoque une production possible de 65 à 200 milliards de barils d’huile dans le Bassin parisien. Je vous proposerai, par ailleurs, de créer une commission nationale de suivi et d’évaluation totalement indépendante afin d’assurer l’information du public.

Quant à la fracturation hydraulique, l’interdiction de recourir à cette technique ancienne, inventée, je vous le rappelle, par une société française avant d’être récupérée par les Américains, risque d’entraver le développement de la géothermie profonde. Si les images du film Gasland ont suscité l’émotion à ce sujet, les conclusions de la Colorado Oil and Gas Conservation Commission permettent de relativiser leur portée. Les permis exclusifs de recherches ont été délivrés par le ministère de manière tout à fait responsable. Seules l’innovation et la réglementation nous permettront d’aller vers une sécurité toujours croissante.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Merci aux deux rapporteurs pour leur excellent travail, précis et complet, et pour la volonté de transparence qui en ressort. Le pré-rapport du Conseil général de l’industrie, de l’énergie et des technologies parle de méconnaissance des techniques et d’insuffisance des spécialistes français, et prône la création d’un comité scientifique pour y remédier. C’est dire le flou qui règne en la matière. J’avais proposé avec Pascal Terrasse la création d’une commission d’enquête, mais la proposition de loi de Christian Jacob répond bien à notre souci.

Par ailleurs, il serait intéressant de savoir, en lien avec l’étude juridique faite par Guy Carcassonne à la demande des industriels, combien de parlementaires pourraient souscrire à la saisine du Conseil constitutionnel. Enfin, j’ai saisi la CADA, qui rendra son avis le 12 mai, sur la communicabilité des documents administratifs liés aux gaz de schiste.

M. André Vézinhet. En tant que président du conseil général de l’Hérault, où ont été déposés plusieurs permis – notamment sur la commune de Nant, dont je suis résident – et aussi en tant que vice-président, derrière l’ancien ministre de l’agriculture Jean Puech, de l’association qui soutient le classement au Patrimoine mondial de l’humanité des Causses et des Cévennes, je me sens particulièrement concerné par ce sujet.

La question des gaz de schiste a fait tomber dans les oubliettes celle de la connaissance de nos eaux profondes, et notamment des réseaux hydrogéologiques du karst noyé. Ces eaux encore très méconnues sont considérablement menacées par les méthodes de fracturation, alors qu’elles sont excellentes et immédiatement consommables. On ne peut prendre un pari aussi audacieux, qui pourrait tout détruire, avant d’en avoir une bonne connaissance. Nos rivières disparaissent l’été, mais pas l’eau : elle va s’enfouir dans les entrailles de la terre, où elle constitue des réserves considérables. Par ailleurs, rien ne serait plus incohérent que de vouloir valoriser nos territoires, notamment par cette demande de classement à l’UNESCO que Mme Rama Yade va défendre, tout en décidant d’y chercher des gaz de schiste.

M. Gérard Gaudron. J’ai réalisé le quart ou le tiers de l’ensemble des opérations de géothermie du Bassin parisien, y compris les permis d’exploitation et d’exploration, et le débat me semble parti sur un total malentendu. Une des causes en est le fameux film réalisé aux États-Unis, mais le contexte en France est très différent, notamment en termes de permis. Aux États-Unis, chaque État a sa propre réglementation – il n’y en a même pas du tout en Nouvelle-Angleterre par exemple, ce qui peut aboutir au genre d’images que l’on a vues.

L’interdiction totale n’est pas une bonne solution. Si nos prédécesseurs avaient pensé comme cela, ils n’auraient jamais fait les réserves de gaz souterraines dont nous sommes bien contents de profiter aujourd’hui, ni aucun forage pétrolier – à ce propos, contrairement à ce qui a été dit, il y a bien eu des explorations pétrolières dans le sud de la France. Aboutir, d’un simple problème technique de fracturation hydraulique – que personne ici n’a vu précisément mettre en œuvre –, à une interdiction totale de forage, c’est vraiment marcher sur la tête. La fracturation hydraulique, il s’en fait partout en France, tous les jours, et personne ne s’en offusque !

M. Yanick Paternotte. Sans adjuvants chimiques !

M. Gérard Gaudron. Bien sûr que si !

Si l’on voulait considérer la question d’un point de vue seulement technique, il suffisait d’interdire un certain nombre d’opérations dans le permis d’exploration, dont la fracturation hydraulique. Cela nous aurait laissé le temps d’étudier ensuite le problème plus calmement. Mais réagir de façon aussi abrupte, c’est grave.

M. André Chassaigne. Les députés communistes se félicitent de cette discussion. C’est la première étape du débat beaucoup plus approfondi qui aura lieu à l’issue des rapports en cours d’élaboration. Il est important de substituer l’échange aux anathèmes et aux affirmations électoralistes. Il importe aussi de pouvoir apprécier sans préjugés l’apport de toute source d’énergie, selon une connaissance scientifique en évolution constante.

J’adhère aux arguments des rapporteurs sur l’interdiction de l’exploration et de l’exploitation, en pensant en particulier à leurs conséquences en matière d’emprise au sol, de consommation des ressources en eau et de pollution, les produits chimiques injectés étant susceptibles de migrer vers les nappes phréatiques.

J’insiste aussi sur la nécessité de prendre en compte globalement la question du réchauffement climatique, en tenant compte des objectifs ambitieux fixés à Kyoto. Nous ne pouvons discuter de l’énergie sans tenir compte du réchauffement, et notamment de ses conséquences pour les pays du Sud.

Enfin, il est absolument indispensable d’assurer la maîtrise publique de toutes les sources d’énergie, à tous les niveaux, de la recherche à l’exploitation. La prise en charge de ce bien commun qu’est l’énergie est un service public national – et elle deviendra, je l’espère, à beaucoup plus long terme, universelle.

M. Jean-Pierre Nicolas. Le nombre de participants et la richesse du débat suffiraient à démontrer la nécessité de la proposition de loi de Christian Jacob, qui répond aux trois soucis exprimés par nos rapporteurs : garantir l’État de droit, rassurer nos concitoyens et préserver l’avenir. Or, l’avenir se préserve à plusieurs niveaux : il faut se préoccuper de l’environnement bien sûr, mais également de l’approvisionnement en énergie du territoire national et de la concurrence énergétique, qui est sans doute le défi majeur que nous aurons à relever dans les vingt-cinq prochaines années. Arrêter complètement quelque chose, c’est rendre extrêmement difficile d’y revenir par la suite, parce que l’opinion publique est alertée. La solution du bon sens que préconisent les rapporteurs ne serait-elle donc pas une suspension, en attendant que les diverses missions d’information en cours nous fournissent des éléments tangibles pour prendre des décisions ? Ce serait bien préférable à un arrêt total.

M. Pierre Lang. Je suis partisan d’une suspension temporaire. Dans le bassin houiller mosellan, où l’on a exploité le charbon pendant plus d’un siècle, nous sommes habitués à ce que, quotidiennement, les ingénieurs de l’ancienne DRIRE (Direction régionale de l’industrie, de la recherche et de l’environnement) surveillent la situation et préconisent les mesures de protection nécessaires. Ils ont aussi veillé au cahier des charges des fermetures de mines. Le code minier prévoit que chaque permis exclusif de recherches est instruit par les ingénieurs de la DRIRE, ou plutôt de l’administration qui l’a remplacée, qui prennent en compte tous les dangers et préconisent les mesures adaptées. Ne leur fait-on plus confiance ? Je ne suis pas contre un moratoire sur la fracturation hydraulique, qui est une technique très particulière, le temps d’obtenir les informations nécessaires. Mais ensuite, le législateur n’a pas à se substituer aux ingénieurs. Nous avons un grand corps, compétent ; laissons-le faire son travail !

M. Martial Saddier. Je soutiens la proposition de loi et je félicite les deux rapporteurs.

L’exposé des motifs et l’article 1er font référence à l’article 5 de la Charte de l’environnement. En tant que rapporteur pour avis de cette Charte, il me semblerait opportun de faire aussi référence à ses articles 2 et 3. En effet, si débat juridique il devait y avoir sur la constitutionnalité de cette proposition de loi, il pourrait porter notamment sur le terme « irréversible » de l’article 5 de la Charte – vous vous souvenez des interminables débats qui ont eu lieu sur cette affaire. En revanche, je ne pense pas qu’il puisse y avoir de débat lié aux articles 2 et 3 de la Charte.

M. Jean-Marie Sermier. J’ai cosigné la proposition de loi pour lancer le débat. Le département du Jura est en effet très concerné par les permis exclusifs de recherches, sans compter un relief karstique compliqué. Mais il y a un malaise. Comme nous avions déjà 64 millions de sélectionneurs de football en France, il y aura bientôt 64 millions de spécialistes de l’exploration des hydrocarbures ! J’ai rencontré dans ma circonscription nombre de gens très effrayés par la question, alors qu’ils n’en connaissent ni les tenants ni les aboutissants. Il faut donc bien éclaircir les choses concernant les techniques de fracturation et l’utilisation des produits chimiques, et parvenir à une définition – non pas par la loi, mais par le débat. Mais ensuite, il faut faire confiance à nos ingénieurs pour nous donner les éléments de décision, afin de ne pas passer à côté d’éventuelles chances d’extraire du gaz de schiste.

M. Christian Jacob. Sur ce sujet, nous avons besoin d’information et de transparence. Ce que je propose, dans ce texte, c’est d’arrêter les choses tant que nous n’avons pas toute la connaissance nécessaire. L’article additionnel proposé par nos deux rapporteurs est frappé au coin du bon sens : il vise à ce que le Parlement soit informé au fur et à mesure des nouvelles technologies.

Une mission interministérielle que j’ai rencontrée avec l’ensemble des élus locaux de ma circonscription est en cours. Ses ingénieurs nous ont dit être pour l’instant bien incapables de répondre à un certain nombre de questions, concernant par exemple le comportement à cinq ou dix ans des adjuvants, qui sont eux-mêmes pourtant parfaitement homologués, ou l’éventualité que les produits injectés dans les failles n’entrent en contact à un moment ou un autre avec les nappes phréatiques. Ils nous ont assuré avoir besoin de bien plus de trois mois pour se prononcer. C’est pourquoi le Premier ministre a accepté, à notre demande, de prolonger la mission. Il est donc temps d’arrêter les opérations et d’abroger les permis, en attendant que le Parlement puisse être informé des nouvelles technologies. Nous saurons faire évoluer les textes au fur et à mesure de nos connaissances. Mais nous ne pouvons rester dans l’ambiguïté actuelle.

Voilà dans quel esprit j’ai préparé cette proposition de loi : il ne s’agit pas d’obscurantisme, mais au contraire de transparence et d’information.

M. Michel Havard, rapporteur. Pour ce qui est de la nécessité de garder la porte ouverte à l’innovation et à la recherche, il est bien entendu que les travaux en cours continueront. Ce texte n’interdit ni aux chercheurs, ni aux parlementaires, ni aux fonctionnaires de travailler ! Je pense même que nos débats encourageront la poursuite, voire l’accélération des recherches. J’espère qu’elles aboutiront rapidement à des éléments objectifs, de façon à apaiser la discussion. C’est le bon sens. Il est par ailleurs exact que notre connaissance du sous-sol est mauvaise. Là encore, il faut continuer à la développer, notamment par les forages conventionnels, et le débat aura un effet très positif en ce sens.

On m’a demandé les raisons d’une abrogation des permis si la technique est interdite : la clarté du message. L’affaire s’est engagée dans un mauvais cadre juridique. On ne peut conserver les choses en l’état : il faut tout remettre à zéro. C’est le sens de l’intervention du Premier ministre et du Président de la République. Comment imaginer qu’une exploitation soit autorisée contre l’avis des populations ou qu’un élu supporte sur son territoire une opération sans que personne ne soit associé à la décision ? Même les industriels savent que ce n’est pas leur intérêt, parce qu’il n’y a pas d’issue positive possible. Les beaux arguments théoriques ne valent que jusqu’au jour où quelqu’un veut installer un puits à côté de chez vous ! Il faut donc que les choses soient claires. Le cadre juridique dans lequel les permis ont été délivrés n’est pas adapté – ni en matière de transparence et d’information, ni sur le plan de l’association des territoires, ni même au regard du fait que le territoire soit le principal bénéficiaire de l’éventuelle richesse créée. Il faut repartir sur des bases plus conformes à l’État de droit.

Pour ce qui est des expérimentations : qui pilote ? Combien en faut-il ? Qui paye ? Quelle est place de l’élu ? Quid de l’information du citoyen ? Ces questions n’ont pas de réponse. Je ne suis pas sûr que renvoyer à un décret en Conseil d’État soit la bonne solution. En revanche, j’en suis sûr, la question est suffisamment importante pour que le Parlement définisse les conditions de l’expérimentation. Philippe Martin et François-Michel Gonnot sont en train de travailler sur ces sujets, laissons-leur le temps de faire des propositions. Mais la recherche scientifique doit être pilotée par nos acteurs publics, qui sont parmi les meilleurs spécialistes du monde et qui pourront accompagner de manière objective toutes ses phases. Sinon, l’expérimentation sera une porte ouverte à toute sorte d’évolutions que nous ne maîtriserons pas.

Enfin, la géothermie n’est aucunement concernée par ce texte, qui ne porte que sur l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures.

Nous avons un grand besoin d’information et de connaissance. C’est le sens des missions confiées à nos deux collègues membres de notre commission et à Arnaud Gossement, ou encore le projet de loi de ratification de l’ordonnance sur la codification de la réforme du code minier. Cette proposition de loi vise un équilibre, respectueux de l’État de droit, qui empêche de recourir à une pratique dont nous ne maîtrisons pas les conséquences sur l’environnement et sur les territoires. Il faut d’abord interdire la fracturation hydraulique dans les permis, et donc l’exploitation de gaz ou d’huile de schiste, et ensuite ouvrir un débat qui soit le plus large possible. Mais ce débat doit trouver sa conclusion au Parlement, y compris sur un certain nombre d’aspects techniques parce que, derrière la technique, se trouvent l’information et l’association des élus et des territoires et que nous ne pouvons nous défausser de notre responsabilité en la matière sur qui que ce soit d’autre.

M. Jean-Paul Chanteguet, rapporteur. Pour ce qui est du commissaire européen à l’énergie, il est plutôt favorable à l’exploration et à l’exploitation des huiles et gaz de schiste. Il serait donc utile que les parlementaires européens vérifient leur compatibilité avec la directive cadre sur l’eau ou la directive sur les eaux souterraines. Je rappelle que la politique énergétique est une compétence nationale. À ce jour, les Pays-Bas et la Pologne sont favorables à l’exploration et l’exploitation et le Royaume-Uni a refusé un moratoire. En Allemagne, ce sont les Länder qui décideront. Au niveau mondial, ont décrété un moratoire l’État de New York, la province de Québec et l’Afrique du Sud.

Pour ce qui est de l’abrogation, vous avez tous constaté que les permis exclusifs avaient été, en particulier dans le sud de notre pays, délivrés dans la plus grande opacité. La ministre de l’écologie a même proposé, dans le projet de loi de ratification de l’ordonnance sur la codification du code minier, de soumettre leur attribution à consultation publique, montrant par là qu’il y a un véritable problème. Puisqu’il n’y a pas eu transparence, il faut remettre les compteurs à zéro. C’est pourquoi l’abrogation, quand elle est justifiée, nous paraît indispensable, y compris en termes de lisibilité politique, sans quoi les mouvements qui ont eu lieu dans le sud risquent de s’amplifier.

Quant aux ingénieurs de l’ex-DRIRE, ils n’émettent pas d’avis pour ce qui concerne l’ouverture de travaux, soumis à simple déclaration.

Ce dossier est difficile. Je comprends la position d’Yves Cochet sur l’interdiction de l’exploration et de l’exploitation des huiles et gaz de schiste. En tant que rapporteur, la mienne a évolué, l’objectif étant de trouver une proposition commune avec Michel Havard qui pourrait être largement adoptée par l’Assemblée. Mais il est vrai que le bilan carbone des gaz de schiste semble particulièrement négatif. C’est une donnée qu’il ne faut surtout pas négliger au regard des objectifs que nous avons décidés aux niveaux national et international.

Enfin, si le manque de transparence nous a poussés à une certaine fermeté, nous avons vite été confrontés au problème de la différence entre hydrocarbures conventionnels et non conventionnels, et au fait que les permis exclusifs de recherches ne précisent pas le type d’hydrocarbure visé ni la technologie employée. C’est pourquoi nous vous proposerons de ne plus parler que des « hydrocarbures liquides ou gazeux », sans autre précision. Nous avons en effet découvert que Gazonor ne se sert pas de la fracturation hydraulique pour certains gisements non conventionnels alors que d’autres entreprises y recourent pour des substances conventionnelles.

Nos propositions ont donc une cohérence à la fois politique et juridique.

M. le président Serge Grouard. Merci à nos deux rapporteurs.

Nous en arrivons à la discussion des articles. Sur les 45 amendements déposés, aucun n’a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution.

II.— EXAMEN DES ARTICLES

Avant l’article 1er

La Commission est saisie de l’amendement CD 30 de M. André Chassaigne, portant article additionnel avant l’article 1er.

M. André Chassaigne. Le concept de patrimoine commun a émergé en droit international dans le droit de la mer. Notre code de l’environnement a d’abord déclaré patrimoine commun de la nation les espaces, ressources et milieux naturels, les sites et paysages, la qualité de l’air, les espèces animales et végétales, la diversité et les équilibres biologiques auxquels ils participent. Puis nous y avons ajouté l’eau. Je propose aujourd’hui d’y joindre les hydrocarbures non conventionnels. Nous aurions ainsi un fondement pour la réparation des atteintes à l’environnement.

M. Jean-Paul Chanteguet, rapporteur. Comme vous l’avez dit, l’article L. 110-1 du code de l’environnement précise déjà que les ressources naturelles font partie du patrimoine commun de la nation. En outre, en ne visant que les hydrocarbures non conventionnels, vous excluez les autres hydrocarbures du patrimoine commun de la nation.

M. André Chassaigne. Je retire cet amendement.

L’amendement CD 30 est retiré.

Article 1er

Interdiction de l’exploration et de l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels sur le territoire français

I. Texte initial de la proposition de loi

Dans la rédaction initiale de la proposition de loi, l’article 1er pose une interdiction générale de « l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux non conventionnels par des forages verticaux comme par des forages horizontaux suivis de fracturation hydraulique de la roche ».

● Les hydrocarbures liquides ou gazeux non conventionnels sont des ressources de gaz et de pétrole restées piégées dans la roche mère qu’il n’est pas possible d’exploiter selon les techniques classiques, utilisées pour l’exploitation des réservoirs de pétrole, de gaz ou mixtes. On distingue les hydrocarbures non conventionnels liquides et gazeux : la première catégorie désigne essentiellement les huiles de schiste (oil in shale) et les huiles de réservoir compact (tight oil) ; la seconde catégorie regroupe les gaz de schiste (shale gaz), les gaz de réservoir compact (tight gaz) et les gaz de houille (le « grisou » : coalbed methane-CBM et le coal mine methane-CMM), ainsi que les hydrates de méthane.

L’existence de ces hydrocarbures est connue depuis des décennies. Néanmoins, leur emprisonnement dans la roche mère a d’abord empêché leur exploitation du fait du coût élevé des moyens d’extraction. Le perfectionnement et la combinaison de deux techniques utilisées depuis des années par l’industrie pétrolière ont permis le développement de l’exploitation d’hydrocarbures liquides ou gazeux non conventionnels en Amérique du nord : les forages horizontaux et la fracturation hydraulique. Le percement d’un forage horizontal permet de multiplier les points de contact entre le tube de réception de la ressource et la formation géologique productrice, et de diminuer le nombre de forages verticaux. La fracturation hydraulique permet d’accroître la capacité productive de chaque puits en y injectant un mélange d’eau, de billes de sable et d’additifs chimiques à très forte pression, afin de fracturer artificiellement la roche et de favoriser ainsi la remontée de la ressource vers la surface.

En l’absence de données précises sur les ressources du sous-sol français, les structures souhaitant exploiter les hydrocarbures non conventionnels liquides ou gazeux selon cette technique doivent en préalable mener des opérations avancées d’exploration. Or celles-ci impliquent la réalisation expérimentale de forages verticaux ou horizontaux et l’usage éventuel d’une fracturation hydraulique afin de tester les potentialités d’extraction sur chaque zone de recherche.

● En l’état actuel des connaissances, ces techniques d’exploration ou d’exploitation présentent un certain nombre de risques d’un point de vue environnemental et sanitaire : pollution des nappes phréatiques, intensification de l’érosion, utilisation de produits cancérigènes ou susceptibles de l’être, …. C’est pourquoi l’article 1er fonde l’interdiction de leur utilisation sur l’article 5 de la Charte de l’environnement, qui définit le principe de précaution :

« Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en oeuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage. »

La Charte de l’environnement a acquis valeur constitutionnelle par la loi n°2005-205 du 1er mars 2005 adoptée par le Parlement réuni en Congrès, conformément aux dispositions de l’article 89 de la Constitution du 4 octobre 1958. En l’espèce, les techniques d’exploitation visées par l’article 1er de la proposition de loi sont susceptibles de générer un dommage « grave et irréversible » pour l’environnement, par exemple en matière de pollution des nappes phréatiques. Alors que les techniques d’exploitation visées par l’article 1er de la proposition de loi sont les seules actuellement connues pour exploiter les ressources enfermées dans les roches-mères, leur interdiction est conforme à l’exigence constitutionnelle de « parer à la réalisation du dommage ».

Par ailleurs, l’article 1er ne vise que la combinaison de ces deux techniques. Ainsi, l’exploitation du gaz de mine (CMM) dans les anciennes mines de charbon du bassin minier du Nord Pas-de-Calais selon une simple technique de récupération par pompage n’est pas concernée par l’interdiction énoncée. De même, l’exploration sans fracture hydraulique, ou l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures liquides ou gazeux non conventionnels selon d’autres techniques échappent à l’interdiction prévue par cet article.

II. Texte de la commission

À l’issue de l’examen par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, le 4 mai 2011, l’article 1er est ainsi rédigé : « En application du principe de précaution prévu à l'article 5 de la Charte de l'environnement et du principe de prévention prévu à l'article L. 110-1 du code de l'environnement, l'exploration et l'exploitation des mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux par des forages suivis de fracturation hydraulique de la roche, sont interdites sur le territoire national ». Cette nouvelle rédaction appelle plusieurs commentaires :

● D’abord, au-delà du principe de précaution, l’interdiction générale posée par l’article 1er se fonde sur le principe de prévention. Selon le II.2 de l’article L. 110-1 du code de l’environnement, la protection et la gestion des espaces, ressources et milieux naturels doivent notamment respecter « le principe d'action préventive et de correction, par priorité à la source, des atteintes à l'environnement, en utilisant les meilleures techniques disponibles à un coût économiquement acceptable ». Ce principe est également défini comme celui « selon lequel il est nécessaire d'éviter ou de réduire les dommages liés aux risques avérés d'atteinte à l'environnement, en agissant en priorité à la source et en recourant aux meilleures techniques disponibles ».

Il apparaît en effet que la technique visée à l’article 1er présente deux types distincts de risques : les risques potentiels (pollution des nappes phréatiques, pollution de l’air, risques sanitaires, bilan carbone notamment) et les risques avérés (quantité de d’eau utilisée, nuisances marquées lors de la phase initiale de production et leurs conséquences sur les écosystèmes, l’érosion et la biodiversité). Alors que le fondement sur le principe de précaution justifie de prévenir le recours à une technique comportant des risques potentiels, la référence au principe de prévention explique l’interdiction d’une technologie présentant « des risques avérés ». De même, l’interdiction des forages suivis de fracturation hydraulique dès la phase de l’exploration correspond à l’exigence d’agir « en priorité à la source ».

● Ensuite, le texte de la commission ne distingue plus le type de forage concerné. Au cours des travaux de la commission, il est apparu que l’amélioration des techniques permet aujourd’hui de réaliser des forages horizontaux, verticaux et obliques. Or, il est possible de procéder à des opérations de fracturation hydraulique dans tout type de forage. Dès lors, la simple mention du type de forage suffit à la compréhension de la loi.

● Enfin, le texte issu des travaux de la commission ne spécifie pas le type d’hydrocarbure visé par l’interdiction. En effet, il n’existe pas de définition juridique du « non conventionnel » en droit français. Par ailleurs, la fracturation hydraulique peut-être pratiquée dans tout type de puits :

Ø Pour les gisements d’hydrocarbures dits non conventionnels, il est nécessaire de stimuler la roche mère dans laquelle ils sont piégés dès la première phase de production. La fracturation est alors obligatoirement utilisée dans tous les cas.

Ø Pour les gisements d’hydrocarbures dits conventionnels, la fracturation hydraulique est l’une des techniques employées pour améliorer la productivité des puits.

Il semble difficile d’un point de vue juridique d’interdire une pratique pour un type d’hydrocarbure et de l’autoriser pour un autre.

D’une manière générale, la suppression de la mention de la qualité des forages et du caractère non conventionnel des hydrocarbures visés répond à « l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi », précisé par la décision n° 2006-540 DC du 27 juillet 2006 du Conseil constitutionnel. Selon la jurisprudence du juge constitutionnel, l’objectif d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi impose au législateur « d’adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques ». La rédaction de l’article 1er issu des travaux en commission va dans ce sens.

*

* *

La Commission examine l’amendement CD 40 de M. Claude Gatignol.

M. Claude Gatignol. Cet amendement se réfère au principe de précaution de l’article 5 de la Charte de l’environnement. Plutôt que d’interdire la fracturation hydraulique, ce qui ne va pas dans le sens de la modération souhaitée, il prévoit d’en suspendre l’usage pendant un an à compter de la publication de la loi – ce qui laisse largement espérer dix-huit mois en tout. Cet amendement va de pair avec celui qui propose la création d’une commission nationale de suivi et d’évaluation : ce que je recherche, moi aussi, c’est la transparence et l’information du public le plus large, en particulier local. J’ajoute que plus d’un million de puits bénéficient des techniques mises au point dans les années 1960 par des sociétés françaises, et qu’en France les produits utilisés pour la fracturation hydraulique font l’objet d’une liste positive. Voilà pourquoi la suspension est préférable à l’abrogation.

M. Michel Havard, rapporteur. Avis défavorable. D’abord, l’abrogation est un acte juridique plus clairement défini que la suspension. Ensuite, le Gouvernement a annoncé en février un moratoire jusqu’à la remise des conclusions du Conseil général de l’industrie, de l’énergie et des technologies et du Conseil général de l’environnement et du développement durable.

La présente proposition de loi poursuit un but différent. En effet, si certains risques sont mal connus, d’autres sont clairement identifiés, concernant par exemple la quantité d’eau utilisée, les risques de pollution lors de la remontée des effluents, les nuisances de la phase initiale de production, les conséquences sur les écosystèmes ou la destruction de paysages… Je suis d’ailleurs très sensible à l’argument de Pascal Terrasse sur la perte de potentiel économique liée à l’activité touristique pour certains territoires. Bref, tous ces inconvénients sont inhérents à la technique de la fracturation hydraulique – qui n’a d’ailleurs été utilisée que dans une trentaine d’opérations sur les dix dernières années, dont un certain nombre à titre expérimental. Cette technique doit être interdite, et non suspendue.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CD 27 des rapporteurs.

M. Jean-Paul Chanteguet, rapporteur. Le texte fait déjà référence au principe de précaution. Nous souhaitons y ajouter le principe de prévention. L’article L. 110-1 du code de l’environnement mentionne le principe d’action préventive et de correction, par priorité à la source, des atteintes à l'environnement, en utilisant les meilleures techniques disponibles à un coût économiquement acceptable. Le Journal officiel du 12 avril 2009 le définit comme le principe qui impose d’éviter ou de réduire les dommages liés aux risques avérés d’atteinte à l’environnement, en agissant en priorité à la source. Considérant qu’un risque avéré existe, nous proposons donc d’invoquer ce principe de prévention et d’agir à la source en interdisant le recours à la fracturation hydraulique.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CD 28 des rapporteurs.

M. Michel Havard, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer les mots « non conventionnels ». La fracturation hydraulique est utilisée dans tous types de puits, conventionnels ou non. Dans le cas des gisements d’hydrocarbures non conventionnels, où il est nécessaire de stimuler la roche mère dès la première phase de production, elle est utilisée obligatoirement. Pour les hydrocarbures conventionnels en revanche, ce n’est que l’une des techniques employées pour améliorer la productivité du puits. Mais elle présente les mêmes caractéristiques et les mêmes risques dans les deux cas. Il n’y a pas de raison de ne viser que les hydrocarbures non conventionnels.

La Commission adopte l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CD 17 de Mme Christiane Taubira.

Mme Christiane Taubira. Il s’agit d’inclure les forages « en eaux profondes », c’est-à-dire les gisements potentiels offshore. En Guyane, un permis a été attribué en mai 2001 par le ministère de l’industrie, alors même que la loi du 13 décembre 2000 transférait cette compétence au conseil régional. Le décret d’application n’ayant pas été publié, l’État l’a conservée.

M. Michel Havard, rapporteur. Avis défavorable. L’enjeu du texte est d’interdire l’emploi de la fracturation hydraulique dans les mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux. Cela ne concerne pas les projets en eaux profondes, où la fracturation hydraulique, déjà compliquée à terre, n’a jamais été utilisée et risque peu de l’être.

Mme Geneviève Gaillard. Ce ne serait pas la première loi par laquelle on ajouterait une disposition pour faire face à une situation d’urgence.

Je soutiens l’amendement. D’abord, si nous voulons mener à bien la mutation énergétique qui est nécessaire, il faut arrêter de faire tout et n’importe quoi – de rechercher des huiles et des gaz non conventionnels et d’aller trop profondément dans notre sous-sol. Ensuite, on sait déjà que les forages en eaux très profondes ont un impact important sur la biodiversité marine que nous voulons pourtant préserver, sans même parler de l’importance de la recherche dans ce domaine.

Cet amendement fait donc entrer en jeu le principe de précaution, mais aussi celui de prévention, car l’on connaît déjà un certain nombre de conséquences de ce type de forages. Il ne faut pas les sous-estimer. Enfin, du seul point de vue de notre crédibilité, nous ne pouvons pas passer notre temps à prôner la limitation des gaz à effet de serre et la protection de la biodiversité en faisant tout le contraire !

M. Yves Cochet. Considérez-vous, après l’adoption de l’amendement visant à supprimer les termes « non conventionnels », que ce sont dès lors tous les types de forages suivis de fracturation hydraulique qui sont interdits, y compris en eaux profondes ? Si tel est le cas, l’amendement de Mme Taubira est sans objet puisque la précision souhaitée est incluse dans le texte. Si tel n’est pas le cas, il faut voter l’amendement CD 17 puisque l’atteinte des eaux profondes ou très profondes – ultra deep – serait dommageable, non seulement pour la biodiversité, mais aussi pour la géologie marines. Aujourd’hui, des trépans en diamant artificiel permettent de fracturer une couche de sel épaisse de un ou deux kilomètres ! Et je ne parle ni de BP Deepwater Horizon, ni des marées noires !

Mme Chantal Berthelot. Rien n’empêchera le développement des connaissances techniques, mais nous sommes en l’occurrence confrontés à un problème de prévention et de précaution. L’abrogation de ces permis me semble nécessaire avant que nous ne parvenions à une maîtrise parfaite des tenants et des aboutissants de ce type de forage offshore. En Guyane, nous disposons d’une importante ressource halieutique – sur laquelle M. Fasquelle a réalisé une étude – qui doit être préservée. Notre commission, elle aussi, doit faire preuve de cohérence !

M. Michel Havard, rapporteur. Outre que la rédaction de cet amendement est imprécise, celui-ci fait référence aux problèmes de l’exploitation offshore et de l’outre-mer qui dépassent le cadre strict de ce texte. En tant que rapporteurs, nous nous sommes efforcés de nous concentrer sur ces enjeux premiers que représente l’extraction du gaz et des huiles par fracturation hydraulique. Je vous propose de réexaminer ces questions dans le cadre du débat parlementaire qui aura lieu dans un an, lorsque nous disposerons d’une connaissance plus précise des enjeux liés aux forages profonds ou à l’exploitation offshore.

Avis défavorable, donc.

Mme Christiane Taubira. Quand il s’agit des questions liées à l’outre-mer, nous sommes habitués aux arguments dilatoires : le véhicule législatif n’est jamais le bon et il urgent d’attendre. À ce rythme – les exemples abondent – il peut s’écouler dix ou quinze ans avant de prendre des décisions. Nous préoccupons-nous des risques que comportent certaines techniques de forage ? Considérons-nous que les citoyens français sont égaux, où qu’ils résident, et qu’ils doivent également bénéficier des principes de précaution et de prévention dès lors que nous n’avons qu’une connaissance limitée des risques ?

Mme Geneviève Gaillard. Avec de tels arguments, monsieur le rapporteur, nous n’avancerons jamais dans la résolution des problèmes fondamentaux que sont la préservation et la reconquête de la biodiversité. Nous pouvons multiplier rapports, auditions et incantations, le statu quo demeurera. Je persiste à considérer que des forages de cette nature, quelles que soient les techniques utilisées, ont un impact très fort sur la biodiversité marine et les ressources halieutiques. Or nous sommes en train de détruire de telles richesses !

De plus, la sécurisation des approvisionnements énergétiques est un enjeu important, mais on ne peut défendre une stratégie différente de celle que nous connaissons tout en continuant à chercher du pétrole et du gaz.

M. Yves Cochet. La commission du développement durable ne peut qu’être particulièrement sensible aux propos de Mme Gaillard. La biodiversité, marine ou terrestre, constitue en effet une richesse, y compris sur le plan national. Si les paysages, l’environnement, le tourisme et l’économie peuvent être gravement affectés par des puits onshore, c’est également le cas dans le cadre d’exploitations offshore. En raison de la tectonique des plaques, les mêmes plateaux continentaux se retrouvent en Afrique et en Amérique du Sud. Prospections onshore et offshore, EFL Gabon peut en témoigner, révèlent la présence des mêmes produits.

La suppression des mots « non conventionnels » implique-t-elle l’interdiction de tous les types de forage avec la fracturation hydraulique, y compris offshore ?

M. Michel Havard, rapporteur. Oui : l’interdiction concerne la fracturation hydraulique dans son ensemble, mais tel n’est pas le problème. Nous traitons aujourd’hui d’un thème particulier qui a d’ailleurs été l’occasion d’évoquer la réforme du code minier. Introduire une disposition concernant l’exploitation offshore ne serait pas de bonne politique. Donnons-nous un peu de temps : nous aurons l’occasion de reparler de ces sujets dès le 8 juin prochain à l’occasion de la remise du rapport « Gonnot-Martin ».

M. le président Serge Grouard. Je suis évidemment sensible à la préservation de la biodiversité mais je suis d’accord avec les rapporteurs : nous nous situons en l’occurrence en dehors du champ de la proposition de loi. Par ailleurs, comme l’a dit M. Havard, la réforme du code minier se profile et elle donnera l’occasion de réfléchir à la solution du problème.

M. François-Michel Gonnot. L’article  1er dispose que la fracturation hydraulique est interdite sur le territoire national – lequel comprend les zones onshore et les 12 miles marins, mais qu’entendent donc Mme Taubira et les signataires de l’amendement CD 17 par « eaux profondes » ? Se situent-elles au-delà des 12 miles, dans la bande des 200 miles ? Dans ce cas, nous serions confrontés à un autre problème juridique puisque nous sortirions du territoire national.

Quoi qu’il en soit, l’article 1er me semble pouvoir satisfaire les auteurs de l’amendement dans la limite des 12 miles nationaux.

M. le président Serge Grouard. Cette remarque me paraît très juste !

La Commission rejette l’amendement CD 17.

Elle examine ensuite l’amendement CD 29 des rapporteurs.

M. Jean-Paul Chanteguet, rapporteur. Il s’agit de préciser simplement que les forages sont visés en eux-mêmes, qu’ils soient pratiqués de façon verticale, horizontale ou oblique.

M. Yves Cochet. Là, nous sommes d’accord !

La Commission adopte l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CD 18 de Mme Christiane Taubira.

Mme Christiane Taubira. Après « sur le territoire national », nous proposons d’ajouter les mots « terrestre et marin ».

M. Michel Havard, rapporteur. Avis défavorable : cette précision est superfétatoire.

Mme Christiane Taubira.  Je retire l’amendement.

L’amendement CD 18 est retiré.

La Commission en vient à l’amendement CD 3 de M. Gérard Gaudron.

M. Gérard Gaudron. Il s’agit de compléter l’article 1er en indiquant que l’interdiction ne peut être effective que si des conclusions scientifiques définitives sur la dangerosité de l’exploration et de l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux non conventionnels sont produites.

M. Michel Havard, rapporteur. Avis défavorable : l’amendement ne respecte pas le principe constitutionnel de précaution.

M. Gérard Gaudron. Je le retire.

L’amendement CD 3 est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CD 1 de Mme Geneviève Gaillard.

Mme Geneviève Gaillard.  Cet amendement a déjà été défendu.

M. Michel Havard, rapporteur. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article  1erainsi modifié.

Après l’article 1er

La Commission est saisie de l’amendement CD 41 de M. Claude Gatignol.

M. Claude Gatignol. Nous souhaitons que soit créée une commission nationale de suivi et d’évaluation des impacts et des éventuels risques associés aux techniques d’exploration et d’exploitation du sous-sol.

En l’occurrence, je me suis inspiré de ce qui a été fait dans d’autres domaines, avec le Haut comité pour la transparence et l’information sur la sûreté nucléaire et le Haut comité des biotechnologies. Nous proposons, de surcroît, que la commission nationale soit dotée de pouvoirs d’investigation et de validation.

Certains semblent découvrir les problèmes liés aux technologies qui nous préoccupent, alors que celles-ci existent depuis les années 1960 et que l’on dénombre plus de un million de puits dans le monde – lesquels fonctionnent correctement, même si le mauvais travail de certaines personnes a pu provoquer des dégâts.

En ce qui concerne l’utilisation de l’eau, je rappelle que 10 000 mètres cubes représentent ce qui est nécessaire pour arroser trois hectares de maïs. Dans le cadre de la fracturation hydraulique, de tels volumes servent de support à une émulsion : l’eau peut être recyclée et réutilisée. S’agissant des additifs, je propose que la commission nationale définisse une liste des produits autorisés et interdits, sachant d’ailleurs que certains d’entre eux sont utilisés dans le cadre de forages agricoles. La présence de bactéricides est en particulier nécessaire pour purifier l’eau et éliminer toute présence d’hydrogène sulfuré.

Enfin, concernant le sujet de la recherche – dont je souhaite le développement –, je précise qu’il s’agit d’explorer une couche géologique bien particulière, le Lias, sur laquelle nous possédons des certitudes techniques, tout comme nous savons que la découverte de gisements promis par l’Institut français du pétrole et des Énergies nouvelles ne manquerait pas d’avoir d’heureuses conséquences économiques.

M. Michel Havard, rapporteur. Il s’agit d’une bonne idée, mais l’amendement « arrive » un peu trop tôt. Nous avons besoin de temps afin de connaître les résultats des différentes missions en cours et, notamment, de celle de MM. Gonnot et Martin. Ce type de structure pourrait être créée dans un cadre législatif plus global.

De plus, l’amendement sera partiellement satisfait par l’article  additionnel à venir visant la remise d’un rapport au Parlement. Parce que le sujet que nous traitons est trop important, nous devons limiter au maximum les renvois à des décrets en Conseil d’État : la représentation nationale doit être informée et ne pas se dessaisir de la question.

Je vous demande donc, monsieur Gatignol, de bien vouloir retirer l’amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. Jean-Paul Chanteguet, rapporteur. Permettez-moi d’ajouter une précision importante. Comme le souligne le pré-rapport du CGIET et du CGEDD, les taux de récupération des gaz de roche mère varient de 20 % à 40 % quand ceux des huiles varient de 1 % à 2 %. Comparons ces statistiques aux nuisances engendrées par l’exploitation de telles ressources et notamment le volume d’eau nécessaire.

M. Claude Gatignol. Que les responsables d’exploitation ne sachent pas pourquoi - parfois ils découvrent des gisements d’huile pure à 100 % - prouve que nous avons besoin de faire des recherches approfondies ! Les puits déviés mis au point par Elf permettaient de forer quelques dizaines de mètres ; le dernier réalisé récemment par Total atteint 11,7 kilomètres. Les possibilités de recherche, d’exploration et d’exploitation sont donc bien différentes.

M. le rapporteur Chanteguet a raison de rappeler ce passage du pré-rapport, que je connais également. J’ai évoqué une émulsion au cours de laquelle interviennent les agents tensio-actifs : c’est en effet à partir de l’eau remontée sous une forme émulsive que l’huile ou le gaz sont extraits. Je répète que plus de un million de puits fonctionnent de la sorte et qu’une telle technique est utilisée depuis quarante ans.

M. Yanick Paternotte. Sur le fond, la création d’une nouvelle commission alors que nous disposons d’un office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) – où nos collègues réalisent un excellent travail – ne me semble pas pertinente.

Sur la forme, je suis d’accord avec M. le rapporteur Havard : un tel dispositif serait prématuré et contre-productif eu égard à la mission parlementaire en cours.

M. Pascal Terrasse. En effet, des missions sont en cours, dont celle diligentée par le CGIET et le CGEDD, dont nous attendons les conclusions. À ce propos, j’ai eu l’occasion de faire remarquer que cette dernière est composée de membres de services ayant préalablement instruits les permis alors que, dans n’importe quelle démocratie – anglo-saxonne en particulier –, cela serait impossible. En ce qui me concerne, je fais confiance à la mission « Gonnot-Martin ». Peut-être serait-il de surcroît judicieux, à son terme, de solliciter l’OPECST – dont nous connaissons la qualité des parlementaires.

La Commission rejette l’amendement CD 41.

Article 2

Abrogation des permis exclusifs de recherches accordés

I. Texte initial de la proposition de loi

Dans sa rédaction initiale, l’article 2 vise l’abrogation « des permis exclusifs de recherches de mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux non conventionnels ».

● L’exploration des ressources du sous-sol classées dans la catégorie des mines est précisément réglementée. Seul l’État peut concéder un droit d’explorer en délivrant, dans le cas des hydrocarbures notamment, un permis exclusif de recherche.

Le permis exclusif de recherches est défini par le chapitre II du code minier : selon l’article L. 122-1, « le permis exclusif de recherches de substances concessibles confère à son titulaire l'exclusivité du droit d'effectuer tous travaux de recherches dans le périmètre qu'il définit et de disposer librement des produits extraits à l'occasion des recherches et des essais. »

Conformément à l’article L. 122-3 du même code, le permis de recherche est attribué, « après mise en concurrence, par l'autorité administrative compétente pour une durée initiale maximale de cinq ans. L'instruction de la demande ne comporte pas d'enquête publique ». L’article L. 122-2 du même code précise que « nul ne peut obtenir un permis exclusif de recherches s’il ne possède pas les capacités techniques et financières nécessaires pour mener à bien les travaux de recherches et pour assumer les obligations mentionnées dans des décrets pris pour préserver les intérêts mentionnés à l’article L. 161-1 et aux articles L. 161-1 et L. 163-3 à L. 163-9. Un décret en Conseil d’État définit les critères d’appréciation de ces capacités, les conditions d’attribution de ces titres ainsi que la procédure d’instruction des demandes. »

En pratique, la procédure comporte deux phases. D’abord, à l’échelon local, la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) compétente est saisie des demandes d’attribution et publie un rapport. Ensuite, à l’échelon national, le Bureau exploration-production des hydrocarbures (BEPH) étudie, au niveau ministériel, le dossier de demande de permis d’un point de vue technique, économique et financier. Puis le Conseil général de l’industrie, de l’énergie et des technologies (CGIET) présente son propre rapport. Enfin, le permis exclusif de recherches est attribué par un arrêté signé du ministre chargé des mines pour une durée de trois à cinq ans, renouvelable deux fois.

● L’abrogation consiste en une sortie en vigueur d’un acte administratif mettant fin à son existence à l’avenir, sans remettre en cause les effets indirects produits antérieurement lors de son application. Elle met donc fin simplement à l’application de l’acte.

L’abrogation des permis exclusifs de recherche va dans le sens de la volonté du Gouvernement. Ainsi, lors de la séance du mercredi 13 avril 2011, le Premier ministre reconnaissait que « les autorisations données l’ont été dans des conditions qui ne sont pas satisfaisantes ». Le Premier ministre ajoutait considérer « qu’il faut tout remettre à plat et donc annuler les autorisations déjà données ».

Depuis 1938 (27), le Conseil d’État reconnaît la possibilité d’engager la responsabilité de l’État du fait des lois sous certaines conditions, dont le caractère anormal et spécial du préjudice invoqué.

● Juridiquement, il n’existe pas de permis exclusifs de recherches de mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux non conventionnels mais seulement des permis exclusifs de recherches de mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux. Néanmoins, compte tenu des informations fournies par les demandeurs au BEPH, seize permis comportent des projets de recherches pour des hydrocarbures non conventionnels : ces permis couvrent des zones dans vingt-trois départements. Par ailleurs, quarante-cinq demandes d’obtention de permis exclusifs de recherches comportant des projets pour des hydrocarbures non conventionnels sont en cours d’instruction. Toutefois, l’identification exhaustive des permis concernée est complexe. En effet, certains titulaires de permis exclusifs de recherches d’hydrocarbures liquides ou gazeux n’ont pas explicitement mentionné leur volonté de rechercher des hydrocarbures non conventionnels dans le dossier de demande initiale. Dès lors, nombre de titulaires de permis ne figurant pas sur la liste établie par le BEPH sont susceptibles de procéder à des opérations d’exploration sur les hydrocarbures non conventionnels.

II. Texte de la commission

Les travaux de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire ont conduit à l’adoption d’une nouvelle rédaction instaurant un dispositif qui se décline en deux temps.

● Le premier alinéa de l’article 2 prévoit la remise, par les titulaires de permis exclusifs de recherches, d’un « rapport précisant les techniques employées dans le cadre de leurs activités de recherches », et ce « dans un délai de deux mois à compter de la publication de la présente loi ». Il s’agit de permettre à l’autorité administrative qui a délivré les permis, à savoir le ministre chargé des mines et à travers lui le Bureau exploration-production des hydrocarbures aujourd’hui, d’obtenir des informations complémentaires sur la nature des activités de recherche des titulaires de permis.

En effet, les arrêtés accordant un permis exclusif de recherches de mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux ne mentionnent pas les techniques employées dans le cadre des activités de recherches (voir annexe 3). Ils font seulement état de l’identité du titulaire, de la superficie et la localisation de la zone couverte par le permis, de sa durée de validité et de l’engagement financier indiqué dans le dossier initial de demande. Ce dernier ne mentionne d’ailleurs pas nécessairement le programme technique et les technologies employées dans le cadre des travaux de recherche. La nouvelle rédaction satisfait la nécessité de permettre à l’administration d’obtenir des informations complémentaires à ce sujet. Par ailleurs, elle tient compte de la nouvelle rédaction de l’article 1er dans la mesure où tous les titulaires de permis exclusifs de recherches de mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux sont concernés par cette obligation.

● Le second alinéa de l’article 2 vise l’abrogation de permis exclusifs de recherches selon deux modalités : soit « le titulaire du permis n’a pas remis le rapport prescrit » au 1er alinéa de l’article ; soit « le rapport mentionne le recours, effectif ou éventuel, à des forages suivis de fracturation hydraulique de la roche ». En ce sens, la nouvelle rédaction de l’article poursuit l’objectif initial d’abrogation des permis comportant des projets présentant des risques sanitaires et environnementaux. Les travaux de la commission ont permis de préciser la nature des permis visés. Plutôt que de se référer à une définition sans fondement juridique de « permis exclusifs de recherches de mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux non conventionnels », la nouvelle rédaction se concentre sur l’emploi d’une technique reconnue comme problématique. À l’inverse, c’est uniquement cette technologie que la loi doit viser, tant pour le conventionnel que le non conventionnel. L’exploration et l’exploitation des hydrocarbures liquides ou gazeux par d’autres techniques ne sont pas concernées par une abrogation, dès lors que le rapport remis à l’administration satisfait aux conditions définies par l’article 2.

*

* *

La Commission est saisie de l’amendement CD 26 rectifié des rapporteurs.

M. Michel Havard, rapporteur. La version initiale de la proposition de loi visait l’abrogation des permis exclusifs de recherches de mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux non conventionnels. Or, le droit français ne distingue pas le caractère conventionnel du caractère non conventionnel des hydrocarbures, et seuls des permis exclusifs de recherches de mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux sont délivrés.

Au cours de nos travaux, nous avons constaté l’impossibilité de dresser une liste exhaustive des permis exclusifs de recherches de mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux non conventionnels, les arrêtés de délivrance contenant peu d’informations. Comme le soulignait Jean-Paul Chanteguet, il s’agit de permis « muets » qui autorisent la prospection de tout type d’hydrocarbures selon toute technique conforme au code minier – d’où la nécessité de réformer ce dernier.

Le Bureau exploration-production des hydrocarbures (BEPH) a listé une quinzaine de permis existants comportant des projets sur des hydrocarbures dits « non conventionnels ». Mais cette liste n’est pas satisfaisante puisqu’elle inclut des permis pour lesquels la fracturation hydraulique n’est pas utilisée, alors que d’autres, qui peuvent l’utiliser, y échappent – je songe, notamment, au permis de Pontarlier. Les dossiers de demandes ne sont qu’indicatifs, le type d’hydrocarbure recherché n’étant pas nécessairement mentionné, non plus que les techniques de prospection employées. Je le répète : ce n’est pas le caractère conventionnel ou non conventionnel qui pose des problèmes, mais bien l’emploi d’une technique présentant de sérieuses menaces pour l’environnement. Il convient donc d’agir prudemment en instaurant un dispositif juridique qui permettra d’atteindre nos objectifs.

Cet amendement vise précisément à mettre en place un tel dispositif en deux temps : dans le premier, il sera demandé aux titulaires de permis de fournir, dans un délai de deux mois suivant la publication de la loi, à l’autorité administrative qui a délivré le permis, un rapport précisant les techniques utilisées dans le cadre de leurs activités de recherches ; dans le second, si ce rapport n’est pas remis ou s’il fait mention du recours effectif ou éventuel à la technique de fracturation hydraulique, le permis sera abrogé. L’exploration du sous-sol national par des techniques autres que cette dernière ne présente pas les mêmes risques sanitaires et environnementaux.

M. Yves Cochet. Je suis opposé à cette nouvelle rédaction de l’article 2.

Tout d’abord, le Parlement n’est pas le seul à se soucier de l’intérêt général : sans que soit mis à mal, bien entendu, le principe de la séparation des pouvoirs, c’est également le cas du pouvoir exécutif. En l’occurrence, les points de vue divergent parfois entre les ministères chargés de l’écologie et de l’économie. Ainsi, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet a-t-elle fait savoir publiquement, à plusieurs reprises et assez fermement, notamment lors de débats dans notre Assemblée, son opposition à de tels permis. Elle s’est même déclarée favorable à leur abrogation !

De plus, la reformulation de l’article  2 étant assez opaque comparativement à la limpidité pédagogique, rhétorique et juridique du texte initial, des citoyens et des militants ne manqueront pas de se demander ce que cela cache. Certains ne se gêneront pas pour dire, y compris dans les médias, que l’on n’y comprend plus rien.

En outre, les titulaires de permis sauront trouver une autre dénomination pour justifier leurs explorations et l’on se moque pas mal, monsieur Gatignol, de savoir si la technique existe ou non depuis longtemps – les premiers puits de pétrole ne sont pas apparus à Titusville, en Pennsylvanie, mais à Pechelbronn au XVIIIe siècle – dès lors que c’est Halliburton qui donne le « la » en matière de fracturation hydraulique. Ils évoqueront, par exemple, des « techniques de forages dirigés avec des moyens de pression suffisants pour retirer la substance ».

Enfin, il est probable que la rédaction de l’amendement provoquera des recours devant les tribunaux. Avec mon ami José Bové mais, également, avec de grandes associations de défense de l’environnement, nos avocats sont prêts à en déposer contre la façon dont les permis ont été attribués en 2010 et contre une reformulation qui favorisera une certaine opacité juridique.

La version initiale avait le mérite de la clarté et soulignait notre volonté d’annuler des permis pour des hydrocarbures « non conventionnels » dont personne ne veut. Je comprends mieux, dans ces conditions, votre volonté d’abandonner la formule « non conventionnels ». Pourquoi n’inscrivez-vous donc pas dans l’article  2 la liste de la quinzaine de permis dont vous parliez ? C’est ce que nous voulons !

J’aurais pu déposer un amendement listant les permis non conventionnels à abroger…

M. Michel Havard, rapporteur. L’appellation « permis non conventionnels » n’existe pas.

M. Yves Cochet.  Alors, laissez le texte tel qu’il est !

M. André Chassaigne. Je suis d’accord avec M. Cochet. Il est bien évident que l’adoption d’un amendement visant à interdire la délivrance de permis à des sociétés privées implique l’abrogation des permis qui ont été délivrés sans aucune condition.

M. Pascal Terrasse. M. Cochet a raison. L’article  2 initial a le grand mérite d’être extrêmement simple et lisible, à l’exemple des lois promulguées dans les pays anglo-saxons. Sachons, parfois, nous en inspirer ! Il s’agit d’abroger les trois permis délivrés en mars 2010. En la matière, nous pouvons reprendre in extenso les propos qu’a tenus Mme Kosciusko-Morizet, sur France Inter, il y a trois semaines.

M. Christian Jacob. À mes yeux, la rédaction des rapporteurs est plus équilibrée que celle que j’avais formulée initialement : si les titulaires de permis utilisent la fracturation hydraulique, leur permis sera abrogé ; s’ils ne veulent pas faire état de la technique utilisée, il en sera de même. N’étant plus membre de la commission, je ne participerai pas au vote mais je suis favorable à l’amendement.

Mme Geneviève Gaillard. Je suis d’accord avec MM. Cochet et Terrasse. Outre que la nouvelle rédaction contribue à amoindrir la portée des textes, je n’accorde pas une grande confiance à la parole des multinationales qui effectueront les forages. Comment parviendrons-nous à apprécier ce qui se cache derrière des termes auxquels nous ne comprendrons rien ? Je suis favorable au maintien de la rédaction actuelle de l’article 2.

M. Germinal Peiro. La modification introduite par les rapporteurs est censée sécuriser juridiquement le dispositif. Or, si j’étais avocat, c’est elle que je choisirais ! Les acteurs du secteur argueront qu’ils ne pratiquent pas la fracturation hydraulique et il sera, dès lors, impossible d’abroger les permis, et les contentieux, quant à eux, se multiplieront.

M. Jean-Paul Chanteguet, rapporteur. Nous nous sommes également posé toutes ces questions. Si nous sommes parvenus à la rédaction figurant dans notre amendement, c’est que nous nous sommes heurtés au fait que les permis exclusifs de recherches sont muets, comme en témoigne l’arrêté du 1er mars 2010 « accordant un permis exclusif de recherches de mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux dit Permis du Bassin d’Alès à la société Mouvoil SA ». S’agit-il de gaz de schiste, d’huile de schiste, de gaz de houille ou de mine ? Nous n’en savons rien ! Quelle technologie sera utilisée ? Nous n’en savons rien !

Nous avons demandé aux représentants des ministres de nous donner la liste des permis exclusifs que nous devons abroger : ils sont pour le moment incapables de nous la fournir – j’espère que cela ne sera plus le cas lors du débat en séance publique.

Face à cette insécurité juridique, nous n’avons pas trouvé d’autre solution que de proposer une nouvelle rédaction, laquelle, je le reconnais, n’est pas parfaite.

Nous avons rencontré les responsables de Gazonor, société qui dispose d’un permis exclusif de recherches concernant le gaz de houille : considéré comme non conventionnel, celui-ci fait partie de la quinzaine de permis évoquée. Or les responsables nous ont certifié qu’ils n’utiliseraient pas la fracturation hydraulique. Dans ces conditions, compte tenu de l’article 1er, le permis ne pourrait être abrogé.

J’ajoute que nous n’avons pas été l’objet de pressions pour remettre en cause la rédaction initiale. Je le répète : nous ne savons pas ce que les permis contiennent effectivement. Les trois permis délivrés dans le sud de la France concernent le gaz de schiste, mais nous n’avons aucune preuve juridique pour affirmer qu’il en est effectivement ainsi. Le titulaire du permis de Pontarlier, sur son site internet, communique quant à lui sur la recherche de gaz de schiste : or ce permis n’est pas listé par le BEPH !

Voilà le genre de difficultés auxquelles nous nous sommes heurtés.

M. Michel Havard, rapporteur. Monsieur Peiro, la véritable insécurité juridique résulterait de la rédaction initiale. La seconde a le mérite de la limiter au maximum avec pour seul objectif – que suffit d’ailleurs à assurer l’article 1er – d’être sûr et certain que, dans le cadre juridique actuel, l’exploitation du gaz de schiste dans les trois cas de permis qui ont été cités sera impossible puisqu’il sera impossible de ne pas utiliser la fracturation hydraulique. Si les responsables prétendent le contraire, ils auront un permis dont ils ne pourront rien faire.

M. Yanick Paternotte. Une telle situation a-t-elle conduit les rapporteurs à amorcer quelques réflexions quant à la future réforme du code minier ? La situation dans laquelle nous sommes s’expliquant en raison de protocoles qui n’explicitent ni le but ni les méthodes adoptables, la modification de ce dernier permettrait-elle d’échapper à ces insécurités juridiques ?

M. Michel Havard, rapporteur. C’est précisément ce à quoi doit tendre la mission Gonnot-Martin, dont nous disposerons des conclusions le 8 juin.

M. Yves Cochet. Un tel amendement aura pour effet de mobiliser à nouveau nos concitoyens : vous serez les témoins des manifestations qui ne manqueront pas de se dérouler en Seine-et-Marne ou ailleurs.

Je propose que la liste dont Mme Kosciusko-Morizet a fait état soit reprise.

M. Michel Havard, rapporteur. Ceux qui la contesteront en justice gagneront.

M. Yves Cochet. Non ! La ministre a fait valoir un certain nombre d’arguments liés à l’environnement et à la santé publique qui justifient l’abrogation d’une disposition. Je propose donc d’ajouter à la première rédaction de l’article  2 l’abrogation des permis de Nant et Villeneuve de Berg accordés le 1er mars 2010 à Schuepbach Energy LLC – alliés de GDF Suez – pour la recherche dans les départements de l’Ardèche, du Gard, de l’Hérault, de l’Aveyron et de la Lozère, le permis de Montélimar accordé à Total Gaz Shell Europe pour les départements de l’Ardèche, de la Drôme, du Vaucluse, du Gard et de l’Hérault, ainsi que les permis de recherches et autorisations de travaux octroyés à Toreador Energy France associée à Hess Oil France dans les départements de Seine-et-Marne, de l’Aisne, de l’Aube, de la Marne, et à Vermillon REP pour le département de la Seine-et-Marne.

Plusieurs députés. Une telle liste n’est pas du domaine de la loi !

M. Yanick Paternotte.  Cela relève d’une circulaire !

M. Yves Cochet. Si le Premier ministre prend un décret ainsi rédigé, je suis preneur ! Si tel n’est pas le cas, inscrivons cette liste dans la loi !

M. François-Michel Gonnot. Avec les rapporteurs, Philippe Martin et moi avons essayé de cerner au mieux ce difficile problème juridique.

En l’occurrence, nous accomplissons un acte un peu complexe juridiquement. D’abord, nous légiférons dans un domaine réglementaire. De plus, un permis délivré par la puissance administrative ouvre des droits, lesquels ne peuvent être supprimés sans indemnisation. La proposition de loi ne prévoyant pas un tel système, elle souffre d’une évidente faiblesse. Dès lors, le recours juridictionnel sera inévitable, mais le problème sera moins lié à l’intervention de certains de nos collègues auprès du Conseil constitutionnel afin de vérifier la constitutionnalité de la loi qu’au recours à la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) par un certain nombre de titulaires de permis. À cela s’ajoute que l’abrogation n’est pas justifiée juridiquement. Nous sommes donc confrontés à un risque de « retoquage » de la loi extrêmement élevé, les titulaires de permis étant alors rétablis dans leurs droits. Je vous laisse imaginer la situation dans laquelle le législateur risque de se trouver.

Si la rédaction des rapporteurs peut être critiquée, elle présente très peu de risques juridiques. Cela dit, interdire la fracturation hydraulique au nom des principes de précaution et de prévention ne tient pas sur le plan du droit : il est en effet impossible de l’interdire pour les hydrocarbures et de l’autoriser pour la géothermie. Je vous mets donc en garde car un recours au Conseil constitutionnel est possible sur ce seul point.

M. Pascal Terrasse. Nous sommes au cœur du problème. Les rapporteurs pourraient me convaincre sur le plan juridique, mais à condition que soient ajoutés, après les mots « fracturation hydraulique », les mots « utilisant des amalgames chimiques et recourant à une consommation d’eau excessive ». D’autres méthodes de recherche de gaz de schiste existent en effet – Total travaille d’ailleurs en ce sens –, et il ne faudrait pas qu’une entreprise récuse les termes « fracturation hydraulique » tout en continuant de recourir à cette technique.

M. Jean-Paul Chanteguet, rapporteur. La précision souhaitée par M. Terrasse serait redondante dès lors que nous savons fort bien ce qu’implique la fracturation hydraulique.

M. François-Michel Gonnot. La précision de M. Terrasse permettrait de supprimer le risque juridique lié à la confusion de l’utilisation de la fracturation hydraulique en géothermie et pour la recherche d’hydrocarbures, laquelle pourrait être considérée comme discriminatoire. Si la stimulation de la roche ne soulève pas de problème dès lors qu’elle n’utilise ni eau ni produits chimiques, il n’en est pas de même dans le cas contraire, avec l’emploi de produits mal identifiés pour lesquels nous ne disposons pas d’études de risques, et l’utilisation d’une grande quantité d’eau, bien que cette eau ne soit utilisée qu’une fois et, en général, en circuit fermé. Sans doute conviendra-t-il de retravailler la formulation avec les rapporteurs mais, comme le souligne M. Terrasse, c’est bien la fracturation hydraulique avec ajout de produits chimiques qui pose aujourd’hui problème.

M. Jean-Paul Chanteguet, rapporteur. L’article  1er est très précis en mentionnant la fracturation hydraulique ainsi que les hydrocarbures, la géothermie étant, quant à elle, exclue.

M. François-Michel Gonnot. Mais nous ne précisons pas la raison pour laquelle l’interdiction ne vaut pas dans ce dernier cas, et c’est là que réside le risque juridique. Si la fracturation hydraulique est condamnable, elle doit l’être globalement, et si nous opérons une distinction pour les produits pétroliers, nous devons la justifier. En l’occurrence, cela passe par l’adjonction rédactionnelle, si j’ose dire, des adjuvants chimiques.

M. Jean-Paul Chanteguet, rapporteur. La quantité d’eau est également en cause, de même que l’impact environnemental.

M. François-Michel Gonnot. Cela est également valable pour la géothermie.

M. André Chassaigne. J’ai été sensible aux arguments qui ont été avancés, mais j’insiste sur le fait que l’adoption de l’amendement des rapporteurs anéantira tout ce que cette proposition de loi représente, tant pour l’opinion publique que pour les médias et les populations qui sont sur le terrain. Il faut mesurer les conséquences de l’octroi de ce « fonds de commerce », même si l’intérêt juridique de la nouvelle rédaction est probable, sans être toutefois certain.

M. Yanick Paternotte. Ces affirmations et ces sous-entendus sont inacceptables ! Outre que la nouvelle rédaction sécurise juridiquement le dispositif, elle tend à cibler les anciens permis – je précise qu’il s’agit de rendre la loi rétroactive – et la fin du dernier alinéa reprend la rédaction initiale de l’article.

C’est un mensonge que de prétendre que nous allons « ameuter les foules » parce que les permis ne seront pas abrogés ! Ce procès d’intention n’est pas acceptable !

M. Christian Jacob. La première rédaction – dont je suis à l’origine – avait le mérite d’être politiquement très claire. Néanmoins, je suis sensible aux arguments juridiques de MM. Chanteguet, Havard et Gonnot : nous devons veiller à avoir un cadre juridique aussi sécurisé que possible, ce à quoi tend la nouvelle rédaction. Que tel ou tel veuille en profiter pour en retirer un bénéfice électoral, soit, mais nous en avons vu d’autres ! Tels qu’ils sont formulés, les permis ne permettent pas de connaître la technique utilisée ; ce ne sera plus le cas si l’amendement est adopté. L’article  1er, de surcroît, est très clair.

Peut-être pourrons-nous préciser encore davantage le dispositif dans le cadre de l’examen des amendements lors de la réunion au titre de l’article 88 du Règlement.

M. le président Serge Grouard. Comme l’a dit M. Jacob, l’article  1er est très clair en posant une interdiction sur tout le territoire national. L’article  2 renforce, quant à lui, la sécurité juridique et la mention de la précision apportée par M. Gonnot pourrait être étudiée dans le cadre de l’article 88 du Règlement...

M. Michel Havard, rapporteur. Ainsi que la proposition de M. Terrasse, bien entendu !

La première rédaction aurait entraîné des problèmes juridiques et une QPC aurait pu faire annuler le texte. Autant la précision juridique peut atténuer le message politique, autant un message politique juridiquement mal traduit aurait « tué » la proposition de loi. Nous avons tenu à ce que l’exploitation du gaz de schiste dans les territoires concernés soit impossible dans les conditions actuelles. Nous vous proposons la meilleure rédaction que nous ayons trouvée. Sans doute peut-elle être améliorée, mais j’attire votre attention sur deux points : l’objectif que nous nous étions fixé est atteint par ce texte, lequel doit être impérativement sécurisé juridiquement car en cas d’annulation, nous serons confrontés à un grave problème politique, et ceux qui verseront de l’huile sur le feu ne feront que conforter ceux qu’ils croient menacer.

M. Jean-Paul Chanteguet, rapporteur. Je suis opposé à toute précision de la notion de fracturation hydraulique. Faut-il faire état de la liste et du nombre des produits ? Faut-il donner la quantité d’eau utilisée au maximum et au minimum ? S’engager dans cette voie serait une véritable erreur !

La Commission adopte l’amendement CD 26 rectifié.

En conséquence, l’article  2 est ainsi rédigé et les amendements CD 39 de M. Claude Gatignol, CD 25 de repli des rapporteurs, CD 2 de Mme Geneviève Gaillard et CD 31 de M. André Chassaigne n’ont plus d’objet.

Après l’article 2

La Commission examine l’amendement CD 4 de M. Gérard Gaudron.

M. Gérard Gaudron. Cet amendement vise à garantir que les conclusions de la mission conjointe du CGIET et du CGEDD seront connues avant que n’intervienne l’interdiction des permis de recherches.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur Michel Havard, la Commission rejette l’amendement.

L’amendement CD 35 de M. Claude Gatignol n’a plus d’objet.

La Commission est saisie de l’amendement CD 37 de M. Claude Gatignol.

M. Claude Gatignol. Cet amendement vise à préserver le développement de la géothermie.

M. Yanick Paternotte.  Il est satisfait par l’article 1er, qui exclut la géothermie du champ de la loi.

M. Claude Gatignol. Je retire l’amendement.

L’amendement CD 37 est retiré.

L’amendement CD 42 de M. Claude Gatignol n’a plus d’objet.

La Commission examine l’amendement CD 38 de M. Claude Gatignol.

M. Claude Gatignol. Nous proposons de dispenser d’autorisation les installations géothermiques à basse température.

M. Michel Havard, rapporteur. Je suis défavorable à cette disposition, qui risque d’être considérée comme un cavalier législatif. Il vaut mieux renvoyer cette précision à la future réforme du code minier.

La Commission rejette l’amendement.

Avant l’article 3

La Commission examine les amendements CD 32 et CD 33 de M. André Chassaigne, portant articles additionnels avant l’article 3 et pouvant faire l’objet d’une discussion commune.

M. André Chassaigne. L’amendement CD 32 vise à garantir que le Parlement sera effectivement informé du bilan carbone de la filière et de ses impacts sociaux.

M. Jean-Paul Chanteguet, rapporteur. Le rapport du conseil général de l’environnement contient déjà un bilan carbone, même s’il se réduit à quelques lignes. De plus, vos amendements sont satisfaits par l’amendement CD 34, que nous examinerons ultérieurement.

M. André Chassaigne. Je retire les deux amendements.

Les amendements CD 32 et CD 33 sont retirés.

Article 3

(articles L. 120-3, L. 122-3-5 et L. 123-1-2 [nouveaux] du code de l’environnement)

Encadrement de la délivrance des titres miniers d’exploration et d’exploitation et association du public

I. Texte initial de la proposition de loi

Dans sa rédaction initiale, l’article 3 insère trois nouveaux articles dans le code de l’environnement, qui visent à renforcer les procédures de délivrance de permis exclusifs de recherches et d’octroi de concessions minières. Il est ainsi conforme au souhait de la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, qui reconnaissait le 13 avril 2011 à l’Assemblée nationale « le caractère quelque peu antique du code minier, dont les procédures de consultation sont moins que minimales au stades des permis d’explorations ».

D’une part, il prévoit une participation des citoyens et la réalisation d’une étude d’impact préalablement à ces opérations. D’autre part, il étend l’obligation d’une enquête publique prévue avant l’octroi d’une concession minière à la délivrance d’un permis exclusif de recherches.

● L’alinéa 2 insère un nouvel article L. 120-3 après l’article L. 120-2 du code de l’environnement (au chapitre 1er du titre II du livre I) afin de conditionner au respect de la procédure prévue au présent chapitre respectivement la délivrance du permis exclusif de recherches et l’octroi de la concession de mines tels qu’ils sont prévus par le code minier (28). Il s’agit ainsi de s’assurer de « la participation du public à l’élaboration des projets d’aménagement ou d’équipement ayant une incidence importante sur l’environnement ou l’aménagement du territoire », visée à l’article L. 120-1 du code de l’environnement

Les alinéas 3 et 4 introduisent un dispositif d’information des citoyens soit par le biais d’une publication de la décision et du recueil de leurs observations, soit par la saisine d’un organe consultatif comportant des représentants des catégories de personnes concernées par la décision en cause, et éventuellement par l’organisation d’un débat public sous l’autorité de la Commission nationale du débat public. Cette dernière veille, par ailleurs, au respect des dispositions relatives à la participation du public du code de l’environnement.

● L’alinéa 5 insère un nouvel article L. 122-3-5 après l’article L. 122-3-6 du code de l’environnement (à la section 1 du chapitre II du titre II du livre I) afin de conditionner au respect de la procédure prévue au présent chapitre respectivement la délivrance du permis exclusif de recherches et l’octroi de la concession de mines tels qu’ils sont prévus par le code minier (29).

La section concernée du code de l’environnement prévoit la réalisation d’études d’impact des projets de travaux, d’ouvrages et d’aménagements publics et privés susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement ou la santé humaine. Conformément à l’article L. 122-3 du code de l’environnement, une étude d’impact « comprend au minimum une description du projet une analyse de l’état initial de la zone susceptible d’être affectée et de son environnement, l’étude des effets du projet sur l’environnement ou la santé humaine, y compris les effets cumulés avec d'autres projets connus, les mesures proportionnées envisagées pour éviter, réduire et, lorsque c'est possible, compenser les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine ainsi qu'une présentation des principales modalités de suivi de ces mesures et du suivi de leurs effets sur l'environnement ou la santé humaine ». Par ailleurs, l’étude d’impact doit être mise à disposition du public, dont les observations et propositions sont prises en considération par le pétitionnaire ou le maître d’ouvrage et l’autorité compétente pour prendre la décision. (30)

● Les alinéas 6 et 7 introduisent la nécessité d’une étude d’impact préalablement à la délivrance du permis exclusif de recherches et de l’octroi de la concession de mines :

– concernant la phase d’exploration, l’alinéa 6 impose que l’étude d’impact présente des éléments d’analyse pour chaque temps des opérations : études préliminaires, recueil de données sismiques, ouverture de travaux d’exploration. Alors que la procédure actuelle ne prévoit qu’une notice d’impact, il s’agit de contraindre le demandeur à fournir, dès la phase de recherche, des éléments détaillés sur les conséquences des projets qu’il entend mener et d’adapter le droit existant aux nouvelles exigences de la population d’être associées à la prise de décision de l’autorité administrative ;

– concernant la phase d’exploration, l’alinéa 7 impose sa remise à l’autorité administrative avant la décision d’octroi de la concession de mine, et non plus avant la seule demande d’autorisation de travaux d’exploitation.

● Enfin, l’alinéa 8 insère un nouvel article L. 123-1-2 après l’article L. 123-1 du code de l’environnement (à la section 1 du chapitre III du titre II du livre I). L’alinéa 9 précise la portée de ce nouvel article : « le permis exclusif de recherches prévu aux articles L. 122-1 et suivants du code minier ne peut être accordé que s’il est précédé d’une enquête publique soumises aux prescriptions du présent chapitre ».

L’article L. 123-1 du code de l’environnement précise que « la réalisation d’aménagement, d’ouvrages ou de travaux exécutés par des personnes publiques ou privées et précédée d’une enquête publique (…) lorsqu’en raison de leur nature, de leur consistance ou du caractère des zones concernées, ces opérations sont susceptibles d’affecter l’environnement ». Il s’agit en fait de rétablir un dispositif supprimé par la loi n°94-588 du 15 juillet 1994 modifiant certaines dispositions du code minier et l'article L. 711-12 du code du travail. Jusqu’à cette date, le permis exclusif de recherches était délivré par décret en Conseil d’État après une procédure d’enquête publique. L’allégement de la procédure avait été décidée suites aux recommandations du Conseil d’État, qui la jugeait trop complexe et insatisfaisante à ce stade de l’instruction des demandes de permis.

II. Texte de la commission

À l’issue de l’examen de la proposition de loi par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale, l’article 3 a été supprimé.

La commission était favorable à l’orientation générale de cet article, qui en prévoyant une meilleure association du public à la prise de décisions susceptibles d’affecter l’environnement, était conforme à l’article 7 de la Charte de l’environnement, selon lequel « toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement » et à la Convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement ratifiée par la France en 2002.

Néanmoins, la commission considère que la réforme du code minier est un enjeu majeur qui nécessite un travail de fond. Il est dans l’intérêt de la qualité de la production législative de ne pas instaurer de nouveaux dispositifs incomplets et insatisfaisants alors que de nombreuses réflexions sont en cours sur la modernisation du code minier.

D’abord, le projet de loi ratifiant l'ordonnance n°2011-91 du 20 janvier 2011 portant codification de la partie législative du Code minier a été déposé à l’Assemblée nationale le 13 avril 2011. Il prévoit notamment « une mise à disposition du public par voie électronique » des dossiers de demande de permis et la possibilité pour les citoyens de formuler des observations.

Par ailleurs, deux missions s’intéressent actuellement à la réforme du code minier : il s’agit de celle confiée par le Gouvernement au Conseil général de l’industrie, de l'énergie et des technologies (CGIET) et au Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) et de la mission d’information relative aux gaz et huiles de schiste, créée le 1er mars dernier par la commission du développement durable de l’Assemblée nationale.

Dans sa version initiale, l’article 3 n’épuisait pas la question de la modernisation du code minier. De multiples évolutions sont nécessaires, au-delà de l’association du public à la prise de décision et la clarification des procédures de délivrance de permis exclusifs de recherches et d’octroi de titres de concession. Elles concernent par exemple le régime de responsabilité pénale des dirigeants d’entreprises minières, la possibilité de consignation d’une somme imposée à l’exploitant, l’encadrement des expérimentations, la mise en conformité du code minier à la Charte de l’environnement. Le cadre législatif et réglementaire applicable aux installations classées (ICPE) pourrait inspirer nombre d’évolutions du code minier.

*

* *

La Commission examine deux amendements identiques, CD 24 des rapporteurs et CD 36 de M. Claude Gatignol, tendant à supprimer l’article 3.

M. Jean-Paul Chanteguet, rapporteur. L’obsolescence du code minier impose une refonte globale. C’est l’avis de tous. Il est nécessaire que soit inscrit à l’ordre du jour de notre Assemblée au plus tôt, et au plus tard avant les vacances, soit un projet de loi, soit une proposition de loi reprenant les conclusions de la mission d’information de notre commission et de la mission conjointe du CGIET et du CGEDD, conclusions qui seront bientôt remises. Le Gouvernement a déposé – je le rappelle – un projet de ratification de l’ordonnance du 20 janvier 2011 portant codification de la partie législative du code minier. Par souci de cohérence et de lisibilité, nous proposons de supprimer l’article 3.

M. Claude Gatignol. C’est là une proposition sage, dont je me félicite qu’elle soit partagée par tous, en dépit de quelques dissensions initiales. Je rappelle que le Gouvernement considérait comme légitimes tous les projets d’extraction du gaz et de l’huile de la roche mère.

M. Pascal Terrasse. Je me félicite que les deux co-rapporteurs renvoient toute modification du code minier à la réforme générale de celui-ci. Les modifications prévues par l’ordonnance évoquée par M. Chanteguet ne sont pas neutres, et nous devrions d’ores et déjà commencer à travailler sur les trente pages de modifications, qui vont transformer structurellement le code minier. C’est une exigence de transparence démocratique !

M. François-Michel Gonnot. Étant donné que le code minier contient un grand nombre de dispositions d’ordre réglementaire, il est important que le Gouvernement fasse part de ses intentions dans ce domaine, et associe pleinement les deux commissions compétentes de l’Assemblée aux modifications prévues par l’ordonnance.

La Commission adopte les deux amendements.

En conséquence, l’article 3 est supprimé et les amendements CD 11 à CD 16 et CD 6 à CD 10 des rapporteurs, ainsi que l’amendement CD 20 rectifié de M. Yves Cochet n’ont plus d’objet.

Article additionnel après l’article 3

Article 4 (nouveau)

Remise d’un rapport annuel au Parlement

À l’issue des travaux de la commission, un nouvel article a été introduit dans la proposition de loi. Il prévoit la remise par le Gouvernement d’un rapport annuel au Parlement « sur l’évolution des techniques d’exploration et d’exploitation et la connaissance du sous-sol français, européen et international en matière d’hydrocarbures liquides ou gazeux, et sur la conformité du cadre législatif et réglementaire à la Charte de l’environnement dans le domaine minier ».

À l’heure actuelle, plusieurs travaux en cours (mission confiée au Conseil général de l’industrie, de l'énergie et des technologies et au Conseil général de l’environnement et du développement durable ; mission d’information de l’Assemblée nationale sur les gaz et huiles de schiste) doivent apporter à la représentation nationale une connaissance plus précise des techniques d’exploration et d’exploitation minière existantes, de leur procédure et de leurs impacts sur l’environnement.

Par ailleurs, des instituts de recherches comme le BRGM, INERIS ou IFP-Énergies nouvelles ou les laboratoires des universités françaises sont susceptibles de mener des travaux de recherches sur la question de l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures liquides ou gazeux. De plus, au niveau européen, un consortium réunissant des acteurs publics et privés, le GASH (Gas Shale in Europe) mène des études visant à parfaire la connaissance du sous-sol européen. Au niveau international, l’Agence internationale de l’énergie, l’administration américaine et des instances canadiennes poursuivent des études qui devraient apporter de nouveaux éléments sur les conséquences environnementales et sanitaires des techniques employées actuellement pour l’extraction des hydrocarbures et les progrès réalisés.

Parallèlement, la modernisation du cadre législatif et réglementaire en vigueur dans le domaine minier est essentielle. Celui-ci doit se conformer aux prescriptions de la Charte de l’environnement, du droit communautaire, mais également des engagements internationaux de la France. Cela concerne aussi bien la protection de l’environnement, la maîtrise des risques sanitaires et sociaux que l’association du public à la prise de décisions susceptibles d’affecter l’environnement.

Le nouvel article pose ainsi comme postulat que le Parlement ne peut se priver d’une information essentielle à la satisfaction de l’article 6 de la Charte de l’environnement, selon lequel « les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. À cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l'environnement, le développement économique et le progrès social ».

*

* *

La Commission examine les amendements CD 34 des rapporteurs et CD 5 de M. Gérard Gaudron, pouvant faire l’objet d’une discussion commune.

M. Michel Havard rapporteur. C’est devant la représentation nationale, que le débat sur l’exploitation des hydrocarbures devra avoir lieu, et c’est pourquoi nous souhaitons que le Gouvernement remette annuellement au Parlement un rapport couvrant l’ensemble des aspects de la question. Quant à l’amendement CD 5, il est satisfait par le nôtre.

M. Gérard Gaudron. Je retire l’amendement CD 5.

L’amendement CD 5 est retiré.

La Commission adopte l’amendement CD 34.

Après l’article 3

Elle est ensuite saisie de l’amendement CD 19 de Mme Christine Taubira.

Mme Christiane Taubira. On va assurément m’objecter que cet amendement est un « cavalier », mais il s’agit surtout d’appeler au débat. Il vise à modifier le cadre fiscal des concessions d’hydrocarbures liquides et gazeux sises dans la zone économique exclusive au large de la Guyane et de la Martinique, en instituant une redevance spécifique au bénéfice de ces collectivités. Depuis des années, je propose cette mesure et, chaque fois, il m’est répondu que ce n’est ni le bon texte ni le bon moment.

M. Michel Havard, rapporteur. Quant au fond, je suis favorable à l’adoption d’un dispositif fiscal en faveur des collectivités. Mais cette réforme doit être globale et applicable à toutes les collectivités, de tous les niveaux, métropolitaines ou ultramarines : il n’est pas normal que ceux qui sont le plus affectés par ces exploitations soient ceux qui en tirent le moins profit. Malheureusement, cette disposition serait ici un « cavalier », comme vous l’avez vous-même pressenti, madame Taubira. En revanche, la future réforme du code minier sera l’occasion idéale pour le redéposer.

M. Jean-Paul Chanteguet, rapporteur. Madame Taubira, pour ma part, je vous suggère de présenter cet amendement en séance publique, afin de provoquer un débat avec la ministre et d’obtenir une réponse de sa part.

Mme Christiane Taubira. Je retire l’amendement.

L’amendement CD 19 est retiré.

M. le président Serge Grouard. Nous ne pouvons pas débattre de l’amendement CD 21 de M. Yves Cochet, qui doit être considéré comme irrecevable au titre de l’article 127, alinéa 4, du Règlement, car il y a une procédure particulière pour les dispositions organiques.

M. Yves Cochet. Effectivement. Dans ces conditions, je le retire et le redéposerai pour le débat en séance publique dans une rédaction conforme à notre Règlement.

L’amendement est retiré.

Les amendements identiques CD 22 de M. Yves Cochet et CD 23 de M. Martial Saddier sont également retirés par leurs auteurs.

*

Titre

La Commission est saisie de l’amendement CD 45 des rapporteurs.

M. Michel Havard, rapporteur. Il s’agit de rédiger le titre de la proposition de loi en précisant, eu égard aux dispositions adoptées, que celle-ci vise « à interdire l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique et à abroger les permis exclusifs de recherches comportant des projets ayant recours à cette technique ».

M. François-Michel Gonnot. N’eût-il pas été plus clair de préciser que la proposition de loi vise à « interdire le recours à la fracturation hydraulique dans l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures et à abroger les permis exclusifs de recherche comportant des projets ayant recours à cette technique » ?

Mme Christiane Taubira. La portée du texte s’en trouverait réduite !

M. Jean-Paul Chanteguet, rapporteur. En effet ! Je ne suis pas d’accord avec cette proposition !

M. Michel Havard, rapporteur. Je suis également réservé.

La Commission adopte l’amendement, et le titre de la proposition de loi est ainsi rédigé.

Puis elle adopte l’ensemble de la proposition de loi ainsi modifiée.

TABLEAU COMPARATIF

___

Texte en vigueur

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Texte de la proposition de loi

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Propositions de la Commission

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Proposition de loi visant à abroger les permis exclusifs de recherches d’hydrocarbures non conventionnels et à interdire leur exploration et leur exploitation sur le territoire national

Proposition de loi visant à interdire l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique et à abroger les permis exclusifs de recherches comportant des projets ayant recours à cette technique

(amendement n° CD 45)

 

Article 1er

Article 1er

Constitution

Charte de l’environnement de 2004

Art. 5 - Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en oeuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage.

En application du principe de précaution prévu à l’article 5 de la Charte de l’environnement, l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux non conventionnels, par des forages verticaux comme par des forages horizontaux suivis de fracturation hydraulique de la roche, sont interdites sur le territoire national.

En application du principe de précaution prévu à l’article 5 de la Charte de l’environnement et du principe de prévention prévu à l’article L. 110-1 du code de l’environnement, l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux, par des forages suivis de fracturation hydraulique de la roche, sont interdites sur le territoire national.

(amendements n° CD 27,
CD 28 et CD 29)

 

Article 2

Article 2

 

Les permis exclusifs de recherches de mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux non conventionnels sont abrogés.

I. - Dans un délai de deux mois à compter de la publication de la présente loi, les titulaires de permis exclusifs de recherches de mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux remettent à l’autorité administrative qui a délivré les permis un rapport précisant les techniques employées dans le cadre de leurs activités de recherches.

   

II. - Si le titulaire du permis n’a pas remis le rapport prescrit au I du présent article ou si le rapport mentionne le recours, effectif ou éventuel, à des forages suivis de fracturation hydraulique de la roche, les permis exclusifs de recherches concernés sont abrogés.

(amendement n° CD 26 rect.)

 

Article 3

Article 3

(Supprimé)

 

Le titre II du livre Ier du code de l’environnement est ainsi modifié :

 

Code de l’environnement

Livre Ier : Dispositions communes

Titre Ier : Principes généraux

Titre II : Information et participation des citoyens

Chapitre Ier : Participation du public à l'élaboration des projets d'aménagement ou d'équipement ayant une incidence importante sur l'environnement ou l'aménagement du territoire

1° Après l’article L. 120-2, il est inséré un article L. 120-3 ainsi rédigé :

 

Cf. annexe au TC

« Art L. 120-3. – I. – Le respect de la procédure prévue par le présent chapitre conditionne la délivrance du permis exclusif de recherches prévu aux articles L. 122-1 et suivants du code minier.

 
 

« II. – Le respect de la procédure prévue par le présent chapitre conditionne l’octroi de la concession de mines prévue aux articles L. 132-1 et suivants du même code. » ;

 

Chapitre II : Évaluation environnementale

Section 1 : Études d'impact des projets de travaux, d'ouvrages et d'aménagements

2° La section 1 du chapitre II est complétée par un article L. 122-3-6 ainsi rédigé :

 

Cf. annexe au TC

« Art. L. 122-3-6. – I. – Le respect de la procédure prévue par la présente section conditionne la délivrance du permis exclusif de recherches prévu aux articles L. 122-1 et suivants du code minier.

 

Cf. annexe au TC

« II. – Le respect de la procédure prévue par la présente section conditionne l’octroi de la concession de mines prévue aux articles L. 132-1 et suivants du code minier. » ;

 

Chapitre III : Enquêtes publiques relatives aux opérations susceptibles d'affecter l'environnement

Section 1 : Champ d'application et objet de l'enquête publique

3° Après l’article L. 123-1, il est inséré un article L. 123-1-2 ainsi
rédigé :

 
 

« Art. L. 123-1-2. – Le permis exclusif de recherches prévu aux articles L. 122-1 et suivants du code minier ne peut être accordé que s’il est précédé d’une enquête publique soumise aux prescriptions du présent chapitre. »

(amendements n° CD 24 et CD 36)

   

Article 4 (nouveau)

   

Le Gouvernement remet annuellement un rapport au Parlement sur l’évolution des techniques d’exploration et d’exploitation et la connaissance du sous-sol français, européen et international en matière d’hydrocarbures liquides ou gazeux, et sur la conformité du cadre législatif et réglementaire à la Charte de l’environnement dans le domaine minier.

(amendement n° CD 34)

ANNEXE AU TABLEAU COMPARATIF

Code minier

Livre Ier : Le régime légal des mines

Titre II : La recherche

Chapitre II : Le permis exclusif de recherches

Section 1 : Dispositions générales

Art. L.122-1. - Le permis exclusif de recherches de substances concessibles confère à son titulaire l'exclusivité du droit d'effectuer tous travaux de recherches dans le périmètre qu'il définit et de disposer librement des produits extraits à l'occasion des recherches et des essais.

Art. L.122-2. - Nul ne peut obtenir un permis exclusif de recherches s'il ne possède les capacités techniques et financières nécessaires pour mener à bien les travaux de recherches et pour assumer les obligations mentionnées dans des décrets pris pour préserver les intérêts mentionnés à l'article L. 161-1 et aux articles L. 161-1 et L. 163-1 à L. 163-9. Un décret en Conseil d'État définit les critères d'appréciation de ces capacités, les conditions d'attribution de ces titres ainsi que la procédure d'instruction des demandes.

Art. L.122-3. - Le permis exclusif de recherches est accordé, après mise en concurrence, par l'autorité administrative compétente pour une durée initiale maximale de cinq ans. L'instruction de la demande ne comporte pas d'enquête publique.

Titre III : L’exploitation

Chapitre II : Les concessions

Section 1 : Octroi des concessions

Art. L.132-1. - Nul ne peut obtenir une concession de mines s'il ne possède les capacités techniques et financières nécessaires pour mener à bien les travaux d'exploitation et assumer les obligations mentionnées dans des décrets pris pour préserver les intérêts mentionnés à l'article L. 161-1 et aux articles L. 161-1, L. 161-2 et L. 163-1 à L. 163-9. Un décret en Conseil d'État définit les critères d'appréciation de ces capacités, les conditions d'attribution des titres ainsi que la procédure d'instruction des demandes.

Art. L. 132-2. - La concession est accordée par décret en Conseil d'État sous réserve de l'engagement pris par le demandeur de respecter des conditions générales complétées, le cas échéant, par des conditions spécifiques faisant l'objet d'un cahier des charges. Les conditions générales et, le cas échéant, spécifiques de la concession, sont définies par décret en Conseil d'État et préalablement portées à la connaissance du demandeur.

Art. L. 132-3. - La concession est accordée après une enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement.

Art. L. 132-4. - La concession est accordée après une mise en concurrence sauf dans les cas où la concession est octroyée sur le fondement de l'article L. 132-6. Les demandes de concession suscitées par l'appel à concurrence sont soumises à l'enquête publique prévue à l'article L. 132-3.

Art. L.132-5. - Une concession peut être accordée conjointement à plusieurs sociétés commerciales.

Art. L. 132-6. - Sans préjudice des dispositions de l'article L. 142-4, pendant la durée de validité d'un permis exclusif de recherches, son titulaire peut seul obtenir une concession portant, à l'intérieur du périmètre de ce permis, sur des substances mentionnées par celui-ci. Le titulaire d'un permis exclusif de recherches a droit, s'il en fait la demande avant l'expiration de ce permis, à l'octroi de concessions sur les gisements exploitables découverts à l'intérieur du périmètre de ce permis pendant la validité de celui-ci.

Art. L. 132-7. Lorsqu'un inventeur n'obtient pas la concession d'une mine, le décret en Conseil d'État accordant celle-ci fixe, après qu'il a été invité à présenter ses observations, l'indemnité qui lui est due par le concessionnaire.

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

Amendement CD 01 présenté par Mmes et MM. Geneviève Gaillard, Philippe Plisson, Maxime Bono, Philippe Tourtelier, Christophe Bouillon, Christophe Caresche, Marie-Line Reynaud, Catherine Quéré, Claude Darciaux, Philippe Duron, Bernard Lesterlin, Chantal Berthelot, Germinal Peiro, Dominique Orliac, Michel Destot, Frédérique Massat, Christiane Taubira, Pascal Terrasse, Henri Nayrou, Aurélie Filippetti, Jean-Louis Bianco, Arnaud Montebourg et les membres du groupe socialiste, radical et citoyen :

Article premier

Compléter cet article par l’alinéa suivant :

« L’exploration et l’exploitation de gisements d’hydrocarbures en eaux profondes sont interdites sur le territoire national. »

Amendement CD 02 présenté par Mmes et MM. Geneviève Gaillard, Philippe Plisson, Maxime Bono, Philippe Tourtelier, Christophe Bouillon, Christophe Caresche, Marie-Line Reynaud, Catherine Quéré, Claude Darciaux, Philippe Duron, Bernard Lesterlin, Chantal Berthelot, Germinal Peiro, Dominique Orliac, Michel Destot, Frédérique Massat, Christiane Taubira, Pascal Terrasse, Henri Nayrou, Aurélie Filippetti, Jean-Louis Bianco, Arnaud Montebourg et les membres du groupe socialiste, radical et citoyen :

Article 2

Compléter cet article par les mots suivants :

« avec effet rétroactif ».

Amendement CD 03 présenté par M. Gérard Gaudron :

Article premier

Compléter cet article par la phrase suivante :

«  Cette interdiction ne peut être effective qu'à la condition de conclusions scientifiques définitives sur la dangerosité de l'exploration et de l'exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux non conventionnels. »

Amendement CD 04 présenté par M. Gérard Gaudron :

Article additionnel après l'article 2

« Cette interdiction ne peut être effective qu'à compter de la remise des conclusions de la mission conjointe du Conseil général de l’industrie, de l’énergie et des technologies (CGIET) et du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD). »

Amendement CD 05 présenté par M. Gérard Gaudron :

Article additionnel après l'article 3

« Au plus tard le 1er janvier 2012, le Gouvernement transmet au Parlement un rapport sur les modalités d'application de la présente proposition de loi et sur l'état des lieux de la recherche d'hydrocarbures liquides ou gazeux non conventionnels dans notre pays. »

Amendement CD 06 présenté par MM. Michel Havard et Jean-Paul Chanteguet, rapporteurs :

Article 3

À l’alinéa 6, substituer aux mots : « Le respect de la procédure », les mots : « L’étude d’impact ».

Amendement CD 07 présenté par MM. Michel Havard et Jean-Paul Chanteguet, rapporteurs :

Article 3

À l’alinéa 6, substituer aux mots : « prévu aux articles L. 122-1 et suivants », les mots : « mentionné à la section 1 du chapitre II du titre II du livre Ier ».

Amendement CD 08 présenté par MM. Michel Havard et Jean-Paul Chanteguet, rapporteurs :

Article 3

À l’alinéa 7, substituer aux mots : « Le respect de la procédure », les mots : « L’étude d’impact ».

Amendement CD 09 présenté par MM. Michel Havard et Jean-Paul Chanteguet, rapporteurs :

Article 3

À l’alinéa 7, substituer aux mots : « prévue aux articles L. 132-1 et suivants », les mots : « mentionnée à la section 1 du chapitre II du titre III du livre Ier ».

Amendement CD 10 présenté par MM. Michel Havard et Jean-Paul Chanteguet, rapporteurs :

Article 3

À l’alinéa 9, substituer aux mots : « prévu aux articles L. 122-1 et suivants », les mots : « mentionné à la section 1 du chapitre II du titre II du livre Ier ».

Amendement CD 11 présenté par MM. Michel Havard et Jean-Paul Chanteguet, rapporteurs :

Article 3

À l’alinéa 3, substituer aux mots : « Le respect de la procédure », les mots : « La participation du public ».

Amendement CD 12 présenté par MM. Michel Havard et Jean-Paul Chanteguet, rapporteurs :

Article 3

À l’alinéa 3, substituer aux mots : « par le », le mot : « au ».

Amendement CD 13 présenté par MM. Michel Havard et Jean-Paul Chanteguet, rapporteurs :

Article 3

À l’alinéa 3, substituer aux mots : « prévu aux articles L. 122-1 et suivants », les mots : « mentionné à la section 1 du chapitre II du titre II du livre Ier ».

Amendement CD 14 présenté par MM. Michel Havard et Jean-Paul Chanteguet, rapporteurs :

Article 3

À l’alinéa 4, substituer aux mots : « Le respect de la procédure », les mots : « La participation du public ».

Amendement CD 15 présenté par MM. Michel Havard et Jean-Paul Chanteguet, rapporteurs :

Article 3

À l’alinéa 4, substituer aux mots : « par le », le mot : « au ».

Amendement CD 16 présenté par MM. Michel Havard et Jean-Paul Chanteguet, rapporteurs :

Article 3

À l’alinéa 4, substituer aux mots : « prévue aux articles L. 132-1 et suivants », les mots : « mentionnée à la section 1 du chapitre II du titre III du livre Ier ».

Amendement CD 17 rect. présenté par Mme Christiane Taubira et les membres du groupe socialiste, radical et citoyen :

Article premier

Après la première occurrence du mot : « forages », insérer les mots : « en eaux profondes ou par des forages ».

Amendement CD 18 présenté par Mme Christiane Taubira et les membres du groupe socialiste, radical et citoyen :

Article premier

Compléter cet article par les mots: « terrestre et marin ».

Amendement CD 19 présenté par Mme Christiane Taubira et les membres du groupe socialiste, radical et citoyen :

Article additionnel après l’article 3

« Après l’article 31-1 du code minier, il est inséré un article 31-2 ainsi rédigé :

« Art. 31-2. – Pour la zone économique exclusive ou le plateau continental français au large des régions d’Outre-mer, une redevance spécifique, due par les titulaires de concessions de mines hydrocarbures liquides ou gazeux, est établie au bénéfice de la région d’Outre-mer concernée.

« Le barème de la redevance spécifique est, à compter du 1er janvier 2008, établi selon les tranches de production annuelle prévues à l’article 31, le taux applicable à chaque tranche étant toutefois fixé par le conseil régional, dans la limite des taux prévus audit article. »

Amendement CD 20 rect. présenté par M. Yves Cochet :

Article 3

I. – Après l'alinéa 9, insérer l'alinéa suivant :

« Art. L. 123-1-3.– Le permis exclusif de recherches prévu aux articles L. 122-1 et suivants du code minier ne peut être accordé que s’il est précédé d’un référendum local tel que prévu aux articles LO1112-1 et suivants du code général des collectivités territoriales. »

II. – En conséquence, rédiger ainsi l'alinéa 8 :

« III. – Après l'article L. 123-1, sont insérés un article L. 123-1-2 et un article L. 123-1-3 ainsi rédigés : »

Amendement CD 21 présenté par M. Yves Cochet :

Article additionnel après l’article 3

L’article LO. 1112-2 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Tout projet de travaux relevant des articles L. 120 et suivant du code de l’environnement fait obligatoirement l’objet d’un référendum local, à charge à l’exécutif à proposer à l’assemblée délibérante les modalités d’organisation du référendum tel que prévues aux articles LO.1112-3, LO.1112-4 et LO.1112-5. »

Amendement CD 22 présenté par M. Yves Cochet :

Article additionnel après l’article 3

À l’article L. 112-1 du code minier, après les mots : « sous forme thermique », sont insérés les mots : « à une température supérieure à 20 ° C ».

Amendement CD 23 présenté par M. Martial Saddier :

Article additionnel après l’article 3

À l’article L. 112-1 du code minier, après les mots : « sous forme thermique », sont insérés les mots : « à une température supérieure à 20° C».

Amendement CD 24 présenté par MM. Michel Havard et Jean-Paul Chanteguet, rapporteurs :

Article 3

Supprimer cet article.

Amendement CD 25 présenté par MM. Michel Havard et Jean-Paul Chanteguet, rapporteurs :

Article 2

Après le mot « gazeux », rédiger ainsi la fin de l’alinéa unique :

« pour lesquels le titulaire n'aura pas prouvé, dans un délai de deux mois à compter de la promulgation de la présente loi, que ses activités de recherches ne nécessitent pas de recourir à des forages suivis de fracturation hydraulique de la roche, sont abrogés ».

Amendement CD 26 rect. présenté par MM. Michel Havard et Jean-Paul Chanteguet, rapporteurs :

Article 2

Rédiger ainsi cet article :

«1°- Dans un délai de deux mois à compter de la publication de la présente loi, les titulaires de permis exclusifs de recherches de mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux remettent à l’autorité administrative qui a délivré les permis un rapport précisant les techniques employées dans le cadre de leurs activités de recherches.

2°- Si le titulaire du permis n’a pas remis le rapport prescrit au 1° du présent article ou si le rapport mentionne le recours, effectif ou éventuel, à des forages suivis de fracturation hydraulique de la roche, les permis exclusifs de recherches concernés sont abrogés. ».

Amendement CD 27 présenté par MM. Michel Havard et Jean-Paul Chanteguet, rapporteurs :

Article premier

Après les mots : « Charte de l’environnement », insérer les mots : « et du principe de prévention prévu à l’article L. 110-1 du code de l’environnement ».

Amendement CD 28 présenté par MM. Michel Havard et Jean-Paul Chanteguet, rapporteurs :

Article premier

Supprimer les mots : « non conventionnels ».

Amendement CD 29 présenté par MM. Michel Havard et Jean-Paul Chanteguet, rapporteurs :

Article premier

Supprimer les mots : « verticaux comme par des forages horizontaux ».

Amendement CD 30 présenté par MM. André Chassaigne et Daniel Paul :

Article additionnel avant l’article 1

« Les ressources d’hydrocarbures liquides ou gazeux non conventionnelles présentes sur le territoire national sont reconnues comme patrimoine commun de la Nation. »

Amendement CD 31 présenté par MM. André Chassaigne et Daniel Paul :

Article 2

Compléter cet article par l’alinéa suivant :

« Les ressources d’hydrocarbures liquides ou gazeux non conventionnelles présentes sur le territoire national sont reconnues comme patrimoine commun de la Nation. Aucun permis exclusif de recherche de mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux non conventionnels ne pourra être délivré à une société privée. »

Amendement CD 32 présenté par MM. André Chassaigne et Daniel Paul :

Article additionnel avant l’article 3

« Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 31 décembre 2011, un rapport présentant un bilan environnemental, sanitaire et social de l’exploration et de l’exploitation des hydrocarbures liquides ou gazeux non conventionnels. Ce rapport proposera notamment une évaluation du bilan carbone de l’ensemble de la filière d’exploration et d’exploitation dans les conditions techniques actuelles, une revue exhaustive des impacts sanitaires et environnementaux connus sur les sites d’exploitations d’autres pays, ainsi que les impacts sociaux pour les populations présentes à proximité des sites d’exploration et d’exploitation. »

Amendement CD 33 présenté par MM. André Chassaigne et Daniel Paul :

Article additionnel avant l’article 3

« Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 31 décembre 2011, un rapport présentant des propositions d’évolution du régime minier rendues indispensables pour tenir compte notamment des principes constitutionnels inscrits dans la Charte de l’Environnement. »

Amendement CD 34 présenté par MM. Michel Havard et Jean-Paul Chanteguet, rapporteurs :

Article additionnel après l’article 3

« Le Gouvernement remet annuellement un rapport au Parlement sur l’évolution des techniques d’exploration et d’exploitation et la connaissance du sous-sol français, européen et international en matière d’hydrocarbures liquides ou gazeux, et sur la conformité du cadre législatif et réglementaire à la Charte de l’environnement dans le domaine minier. »

Amendement CD 35 présenté par Mmes et MM. Claude Gatignol, Jacqueline Irles, Muriel Marland-Militello, Jean-Pierre Nicolas, Bernard Carayon, Patrice Calméjane, Jean-Pierre Decool, Anne Grommerch et Renaud Muselier :

Article additionnel après l’article 2

« La transparence de l’information portera sur les différentes étapes de l’exploration et de l’exploitation.

La liste des produits utilisés sera validée par la Commission Nationale de Suivi et d’Évaluation, dans le respect des brevets industriels. »

Amendement CD 36 présenté par Mmes et MM. Claude Gatignol, Jacqueline Irles, Muriel Marland-Militello, Jean-Pierre Nicolas, Bernard Carayon, Patrice Calméjane, Jean-Pierre Decool, Anne Grommerch et Renaud Muselier :

Article 3

Supprimer cet article.

Amendement CD 37 présenté par Mmes et MM. Claude Gatignol, Jacqueline Irles, Muriel Marland-Militello, Jean-Pierre Nicolas, Bernard Carayon, Patrice Calméjane, Jean-Pierre Decool, Anne Grommerch et Renaud Muselier :

Article additionnel après l’article 2

« Les suspensions de forage prévues à l’article 1er ne s’appliquent pas aux technologies utilisées par la géothermie pour exploiter les gîtes géothermiques. »

Amendement CD 38 présenté par Mmes et MM. Claude Gatignol, Jacqueline Irles, Muriel Marland-Militello, Jean-Pierre Nicolas, Bernard Carayon, Patrice Calméjane, Jean-Pierre Decool, Anne Grommerch et Renaud Muselier :

Article additionnel après l’article 2

À l’article L.112-1 du code minier, après les mots : « sous forme thermique », sont insérés les mots : « à une température supérieure à 20° Celsius ».

Amendement CD 39 présenté par Mmes et MM. Claude Gatignol, Jacqueline Irles, Muriel Marland-Militello, Jean-Pierre Nicolas, Bernard Carayon, Patrice Calméjane, Jean-Pierre Decool, Anne Grommerch et Renaud Muselier :

Article 2

Rédiger ainsi cet article :

« La suspension définie à l’article 1er de la présente loi s’applique aux titres miniers accordés antérieurement à son entrée en vigueur. »

Amendement CD 40 présenté par Mmes et MM. Claude Gatignol, Jacqueline Irles, Muriel Marland-Militello, Jean-Pierre Nicolas, Bernard Carayon, Patrice Calméjane, Jean-Pierre Decool, Anne Grommerch et Renaud Muselier :

Article premier

Rédiger ainsi cet article :

« En application du principe de précaution prévu à l’article 5 de la Charte de l’Environnement, l’emploi de la technique de la fracturation hydraulique dans l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides et gazeux est suspendue sur le territoire national pendant une durée de un an à compter de la publication de la présente loi sauf à titre expérimental et dans le cadre des travaux menés par la Commission Nationale d’évaluation et de suivi, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. »

Amendement CD 41 présenté par Mmes et MM. Claude Gatignol, Jacqueline Irles, Muriel Marland-Militello, Jean-Pierre Nicolas, Bernard Carayon, Patrice Calméjane, Jean-Pierre Decool, Anne Grommerch et Renaud Muselier :

Article additionnel après l’article premier

« Il est créé une commission nationale de suivi et d’évaluation des impacts et des éventuels risques associés aux techniques d’exploration et d’exploitation du sous sol.

Elle pourra notamment proposer aux autorités compétentes tout projet d’expérimentation de techniques existantes et de techniques nouvelles et elle en assurera le suivi.

La composition, les missions et les modalités de fonctionnement de cette commission sont fixées par décret en Conseil d’État. »

Amendement CD 42 présenté par Mmes et MM. Claude Gatignol, Jacqueline Irles, Muriel Marland-Militello, Jean-Pierre Nicolas, Bernard Carayon, Patrice Calméjane, Jean-Pierre Decool, Anne Grommerch et Renaud Muselier :

Article additionnel après l’article 2

« À l’issue de la période définie à l’article 1er de la présente loi, la Commission Nationale de suivi et d’évaluation présentera un bilan détaillé des évolutions des techniques existantes ou nouvelles en matière d’exploration et d’exploitation du sous sol pour l’extraction des hydrocarbures liquides et gazeux. 

Sur la base de ce rapport, le Parlement déterminera les dispositions à retenir pour l’avenir. »

Amendement CD 43 présenté par Mme Martine Billard :

Article 3

Compléter cet article par les deux alinéas suivants :

« IV. – Il est créé un article L. 123-1-3 ainsi rédigé :

Le permis exclusif de recherches prévu aux articles L. 122-1 et suivant du code minier ne peut être accordé que s’il est précédé d’un référendum local tel que prévu aux articles LO1112-1 et suivants du code général des collectivités territoriales. »

Amendement CD 45 présenté par MM. Michel Havard et Jean-Paul Chanteguet, rapporteurs :

Rédiger ainsi le titre de la proposition de loi :

« visant à interdire l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique et à abroger les permis exclusifs de recherches comportant des projets ayant recours à cette technique. »

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

- M. Philippe Billet, professeur agrégé de droit public à l’Université de Lyon 3, président de la Société française pour le droit de l’environnement ;

- M. Olivier Appert, président de IFP-Énergies nouvelles, Mme Karine Ragil, responsable des relations institutionnelles ;

- M. Pierre-Marie Abadie, directeur de l'Énergie, M. Philippe Geiger, sous-directeur de la sécurité d'approvisionnement et des nouveaux produits énergétiques, Mme Carole Mercier, chef de bureau exploration – production des hydrocarbures (BEPH)

- M. José Bové, député européen ;

- M. Bruno Courme, directeur-général de Total Gas Shale Europe, M. Jean-François Pagès, directeur opérations de Total Gas Shale Europe, Mme Isabelle Mouratille, juriste à la direction juridique « exploration et production », M. François Tribot Laspière, adjoint au directeur des affaires publiques ;

- M. Jean-François Cirelli, vice-président de GDF-Suez, M. Patrick Hamou, directeur de projet « nouveaux actifs à développer », Mme Valérie Alain, directeur des relations institutionnelles ;

- M. Rémy Caulier, vice président Europe et directeur France de Halliburton, M. Stuart Kemp, directeur juridique, M. Mike Watts, directeur des affaires publiques, M. Steve Ackerman, directeur commercial, M. Jean-Philippe Daniel, conseiller ;

- M. Gérard Medaisko, géologue, représentant de l’Amicale des foreurs et des métiers du pétrole ;

- M. Julien Moulin, président de European Gas Limited, M. Nicolas Ricquart, directeur de Gazonor ;

- M. Mark Katrosh, président de Hess Oil France ; M. Julien Balkany, vice-président de Toreador Energy France ; M. Mathieu Slama, conseiller en communication.

A N N E X E S

– Annexe 1 : Lien vers la carte des titres miniers d’hydrocarbures sur le territoire national au 1er janvier 2011

– Annexe 2 : Liste des permis exclusifs de recherches en cours de validité, hors Outre-Mer, au 1er janvier 2011 (BEPH)

– Annexe 3 : Exemple d’un arrêté accordant un permis exclusif de recherches de mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux

ANNEXE 1

Lien vers la carte des titres miniers d’hydrocarbures sur le territoire national au 1er janvier 2011 :

http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/france_tm_01_2011.pdf

ANNEXE 2

Liste des permis exclusifs de recherches en cours de validité, hors Outre-Mer,
au 1er janvier 2011 (BEPH)

Légende :

M= 1ère période / N= 2ème période / P= 3ème période

* = sous réserve de l’approbation du renouvellement sollicité

ANNEXE 3

Exemple d’un arrêté accordant un permis exclusif de recherches de mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux

© Assemblée nationale

1 () Loi constitutionnelle n° 2005-205 du 1er mars 2005 relative à la Charte de l'environnement.

2 () The Crude Oil Windfall Profits Tax Act, Section 29. 1980.

3 () IFP-Énergies nouvelles : Établissement public à caractère industriel et commercial de recherche dans le domaine de l’énergie, de l’environnement et des transports.

4 () Agence internationale de l’énergie, World Energy Outlook 2009.

5 () Bureau d’audiences publiques sur l’environnement, rapport 273, Développement durable de l’industrie des gaz de schiste au Québec, février 2011.

6 () US Energy Information Administration (EIA).

7 () Bureau d’audiences publiques sur l’environnement, rapport 273, Développement durable de l’industrie des gaz de schiste au Québec, février 2011.

8 () Consortium regroupant notamment Total, GDF Suez, IFP-Énergies nouvelles, Vermilion REP, Schlumberger, Exxon Mobil, Repsol, Statoil…

9 () Les proportions varient selon les puits et selon les données délivrées par les instituts de recherche et les opérateurs. Les chiffres indiqués ici sont une moyenne.

10 () Sur la base d’un drain de 1 000 mètres.

11 () Université Montpellier 2, laboratoires Géosciences Montpellier, Hydroscience Montpellier, Observatoire de recherche Méditerranéen de l’Environnement, « Gaz de schiste » : les questions qui se posent, 2011.

12 () Chemicals used in hydraulic fracturing. United States House of Representatives, Committee on energy and commerce, minority staff, April 2011.

13 () Cornell University, Robert Howarth, Climatic Change Letter, Methane and the greenhouse-gas footprint of natural gas from shale formations.

14 () US Energy Information Administration (EIA).

15 () Tcf : trillion cubic feet / Tm3 : mille milliards de mètres cube.

16 () Pologne 187Tcf, Allemagne 8Tcf, Pays-Bas 17Tcf, Norvège 83Tcf, Suède 41Tcf.

17 () Permis dits de Saint-Just-en-Brie, de Gaz de Gardanne, de Bleue Lorraine, de Bleue Lorraine Sud, de Lons le Saunier, de Mairy, de Nogent-sur-Seine, de Leudon-en-Brie, de Moselle, de Lorraine, de Château Thierry, du Valenciennois, de Sud Midi, et ceux précités dits de Nant, de Villeneuve de Berg, de Montélimar.

18 () http://www.celtiqueenergie.com/operations/france/jura/index.html

19 () Voir Philippe Billet, Le nouveau code minier et l'exploitation du gaz de schiste : JCP Administrations - Collectivités territoriales 2011, n° 2168.

20 () Nouveau code minier, art. L. 162-4.

21 () Décret n°2006-649 du 2 juin 2006, art. 3, 2°.

22 () Décret n°2006-649 du 2 juin 2006, art. 4, 1°.

23 () Nouveau code minier, art. L. 162-10.

24 () Gestion de la ressource en eau.

25 () Convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement dite d’Aarhus, 1998.

26 () Revue mensuelle Lexisnexis Jurisclasseur, Environnement et développement durable, avril 2011.

27 () Conseil d’État, 14 janvier 1938, Société anonyme des produits laitiers « La Fleurette ».

28 () Délivrance du permis exclusif de recherches : articles L. 122-1 et suivants du code minier/ Octroi de la concession de mines : articles L. 132-1 et suivants du code minier

29 () Délivrance du permis exclusif de recherches : articles L. 122-1 et suivants du code minier/ Octroi de la concession de mines : articles L. 132-1 et suivants du code minier.

30 () Article L. 122-1-1 du code de l’environnement.