N° 3501 - Avis de MM. Gérard Cherpion et Jean-Pierre Door sur le projet de loi de finances rectificative pour 2011 (n°3406)



N° 3501

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 1er juin 2011.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI de finances rectificative pour 2011,

PAR MM. GÉrard CHERPION ET Jean-Pierre DOOR,

Députés.

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Voir le numéro :

Assemblée nationale : 3406

INTRODUCTION 7

I.- BONUS-MALUS FISCAL POUR RENFORCER L’INCITATION AU DÉVELOPPEMENT DE L’ALTERNANCE 9

I.- L’EMPLOI DES JEUNES, UNE SITUATION QUI N’EST PAS SATISFAISANTE 9

A. DES JEUNES PLUS PRÉCAIRES ET PLUS EXPOSÉS AU CHÔMAGE ET À LA CRISE QUE LEURS AÎNÉS 9

B. DES PERFORMANCES FRANÇAISES EN DEÇÀ DE LA MOYENNE EUROPÉENNE 9

C. DES CONSTATS CRITIQUES QUI SONT SANS DOUTE À NUANCER 10

D. MAIS UNE SITUATION STRUCTURELLE QUI ÉVOLUE PEU 13

II.- L’ORGANISATION DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE DES JEUNES EN FRANCE 14

A. DES DISPOSITIFS COMPLÉMENTAIRES 14

B. L’ALTERNANCE SOUS STATUT DE TRAVAIL, UN VRAI « PLUS » POUR L’INSERTION 17

1. L’apprentissage, facteur majeur d’insertion professionnelle des jeunes 17

2. Les contrats en entreprise, et particulièrement ceux en alternance, outil d’insertion privilégié des jeunes et des adultes 20

III.- UNE RELANCE DE L’ALTERNANCE QUI EST DÉJÀ ENGAGÉE 21

A. LES PISTES DÉGAGÉES PAR PLUSIEURS RAPPORTS 22

1. La mission de M. Jean-François Pilliard 22

2. La mission de M. Laurent Hénart 22

3. La mission de M. Henri Proglio 22

4. Les « Ateliers de l’apprentissage et de l’alternance » 23

B. LES MESURES D’URGENCE PRISES SUITE À LA CRISE FINANCIÈRE 23

C. LA LOI PORTANT RÉFORME DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE 24

IV.- LES GRANDES AXES DE RÉFORME PROPOSÉS 25

A. LES ANNONCES DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE 25

B. LES MESURES RÉGLEMENTAIRES 27

C. LA NÉGOCIATION DES PARTENAIRES SOCIAUX 27

1. L’accord sur l’accompagnement des jeunes demandeurs d’emploi dans leur accès à l’emploi 28

2. L’accord sur l’accompagnement des jeunes dans leur accès au logement 28

D. LA PROPOSITION DE LOI POUR LE DÉVELOPPEMENT DE L’ALTERNANCE, LA SÉCURISATION DES PARCOURS PROFESSIONNELS ET LE PARTAGE DE LA VALEUR AJOUTÉE 29

V.- L’ARTICLE 8 DU PROJET DE LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE : UN « BONUS-MALUS » FISCAL POUR DÉVELOPPER L’ALTERNANCE 30

A. L’INCITATION FISCALE : UN PROCÉDÉ QUI PEUT ÊTRE EFFICACE ET EST COMPATIBLE AVEC LE DÉVELOPPEMENT DU DIALOGUE SOCIAL 31

B. LE DISPOSITIF D’INCITATION AU DÉVELOPPEMENT DE L’ALTERNANCE EN VIGUEUR 34

C. UN DÉVELOPPEMENT DES CONTRATS EN ALTERNANCE QUI RESTE SURTOUT LE FAIT DES PETITES ENTREPRISES 35

D. LE DISPOSITIF PROPOSÉ 36

1. Une procédure de cantonnement pour protéger les moyens affectés à l’apprentissage et créer un « bonus-malus » 36

2. Une incitation fiscale modulée et légèrement renforcée 38

II. INDEMNISATION DES VICTIMES DU BENFLUOREX 41

I. LES PROCÉDURES DE DROIT COMMUN NE SONT PAS ADAPTÉES AU CAS DU BENFLUOREX 41

A. DANS LE DROIT COMMUN, PLUSIEURS VOIES D’INDEMNISATION SONT OUVERTES AUX VICTIMES DE PRÉJUDICES IMPUTABLES À DES PRODUITS DE SANTÉ 42

1. Le régime de responsabilité civile applicable 42

a) La responsabilité encourue par le fabricant du produit défectueux 42

b) La responsabilité encourue par les autres acteurs de santé 44

2. Les différentes procédures d’indemnisation ouvertes à la victime 44

a) Le règlement transactionnel direct avec l’exploitant 45

b) La voie juridictionnelle 45

b) La procédure administrative de règlement non-contentieux devant les commissions régionales de conciliation et d’indemnisation 46

B. LA PROCÉDURE NON-CONTENTIEUSE ISSUE DE LA LOI DU 4 MARS 2002 MÉRITE D’ÊTRE ADAPTÉE AUX SPÉCIFICITÉS TECHNIQUES DE L’INDEMNISATION DES VICTIMES DU BENFLUOREX 48

1. L’intérêt d’un dispositif public d’indemnisation transactionnelle pour les victimes du benfluorex 48

2. Les nécessaires adaptations de la procédure issue de la loi du 4 mars 2002 aux spécificités des victimes du benfluorex 49

a) Toute demande d’indemnisation devant une commission régionale est irrecevable si le fait générateur du dommage est antérieur au 5 septembre 2001 49

b) L’entrée de la victime dans le dispositif d’indemnisation devant les commissions régionales est subordonné à certains seuils de gravité de ses dommages 50

c) Le nombre élevé de victimes potentielles du benfluorex induit un risque d’engorgement des commissions régionales 50

d) La technicité des expertises crée un risque de disparités dans le traitement des victimes par les commissions régionales 51

II. LE TEXTE TEND À INSTITUER UN DISPOSITIF D’INDEMNISATION AMIABLE SPÉCIFIQUE POUR LES VICTIMES DU BENFLUOREX 52

A. LE DISPOSITIF PROPOSÉ 52

1. Les missions et l’organisation financière de l’ONIAM 52

2. La procédure administrative d’indemnisation transactionnelle des victimes du benfluorex 53

3. Entrée en vigueur et dispositions transitoires 63

B. LES PROPOSITIONS DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES 64

1. Faciliter l’exercice par les caisses d’assurance maladie de leur recours contre tiers 64

2. Réaffirmer que la procédure devant le collège d’expert respecte le principe du contradictoire 65

3. Confier la présidence du collège d’experts à un magistrat 65

4. Assurer une juste représentation du corps médical dans la procédure devant le collège d’experts 66

5. Garantir aux victimes une indemnisation rapide, quelle que soit l’attitude du responsable des dommages 66

6. Adapter le conseil d’orientation de l’ONIAM pour tenir compte de ses nouvelles compétences 67

TRAVAUX DE LA COMMISSION 69

Article 8 : Instauration d’un « bonus-malus » sur la taxe d’apprentissage et création du compte d’affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage » 69

Article 22 : Indemnisation des victimes du benfluorex 73

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION 83

Principales modifications adoptées par la commission

Parmi les 17 amendements examinés par la Commission des affaires sociales, lors de sa séance du 1er juin 2011, la commission en a retenu neuf, tous sur l’article 22, dont :

– un amendement du rapporteur pour avis précisant que le principe du contradictoire devra être respecté dans la procédure devant le collège d’experts chargé d’émettre un avis sur les demandes d’indemnisation ;

– un amendement du rapporteur pour avis confiant la présidence du collège d’experts à un magistrat ;

– un amendement du rapporteur pour avis précisant que le conseil d’orientation de l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) se réunira en formation élargie pour définir la politique d’indemnisation des victimes du benfluorex, et que ses membres devront présenter des déclarations publiques d’intérêts ;

– un amendement présenté par M. Gérard Bapt précisant que l’exploitant du médicament ne pourra pas opposer le secret industriel au collège d’experts.

INTRODUCTION

La commission des affaires sociales s’est saisie pour avis de deux articles du projet de loi de finances rectificative pour 2011 :

– l’article 8, qui instaure un « bonus-malus » fiscal pour inciter les entreprises de 250 salariés et plus à accroître leur effectif de salariés en formation en alternance ;

– l’article 22, relatif à l’indemnisation des victimes du benfluorex.

Elle a respectivement désigné rapporteurs pour avis sur ces deux articles M. Gérard Cherpion et M. Jean-Pierre Door.

I.- BONUS-MALUS FISCAL POUR RENFORCER L’INCITATION AU DÉVELOPPEMENT DE L’ALTERNANCE

L’article 8 du présent projet de loi s’inscrit dans un ensemble de mesures, de nature législative ou non, qui visent à développer les formations en alternance. En effet, alors que la situation de l’emploi des jeunes n’est pas satisfaisante, l’alternance sous statut de travail constitue l’une des voies les plus efficaces d’insertion dans l’emploi. C’est dans ce contexte que la présente mesure doit être envisagée.

I.- L’EMPLOI DES JEUNES, UNE SITUATION QUI N’EST PAS SATISFAISANTE

Les jeunes sont plus exposés au chômage que les salariés plus âgés, c’est un fait constant et bien connu. En 2009, le taux de chômage moyen (mesuré par l’INSEE) des personnes de moins de 25 ans était de 23,7 %, contre 8,2 % pour celles de 25 à 49 ans et 6,1 % pour celles de plus de 50 ans.

Les jeunes sont également plus exposés aux fluctuations économiques. Suite à l’éclatement de la crise financière durant l’été 2008, le nombre de moins de 25 ans inscrits à Pôle emploi (en catégorie A, B et C, c’est-à-dire immédiatement disponibles et donc tenus de rechercher activement un emploi) a augmenté en un an de presque 30 % (d’août 2008 à août 2009), quand cette augmentation était « seulement » de 19 % pour le nombre des demandeurs d’emploi plus âgés.

Cette situation est naturellement liée à la précarité des statuts d’emploi de nombreux jeunes. En 2009, seulement 70 % des moins de 30 ans occupant un emploi salarié étaient en contrat à durée indéterminée (les autres étant en contrat à durée déterminée, contrat aidé ou intérim), contre 88 % pour l’ensemble des salariés de tous âges.

Plusieurs indicateurs sont classiquement utilisés pour mesurer l’insertion dans l’emploi d’une population :

– le taux d’activité, qui mesure la part des « actifs », y compris les chômeurs recherchant activement un emploi, dans la population totale ;

– le taux de chômage, qui mesure la part de la population active qui est au chômage ;

– le taux d’emploi, qui mesure la part de l’ensemble de la population (et pas seulement de la population active) qui est en emploi ;

– la part de chômage, qui mesure la part de l’ensemble de la population (et pas seulement de la population active) qui est au chômage.

Avec, en 2009, un taux d’emploi des moins de 25 ans de 31,4 % – contre 35,2 % en moyenne communautaire – et un taux de chômage des mêmes de 23,5 % – contre 19,7 % en moyenne communautaire –, la performance de la France dans l’emploi des jeunes apparaît médiocre. Des pays tels que les Pays-Bas, le Danemark et l’Autriche affichent des taux d’emploi des jeunes supérieurs à 50 %.

Taux d’emploi et de chômage des moins de 25 ans dans l’Union européenne en 2009

(par ordre décroissant de taux d’emploi, en %)

Sources : INSEE, Eurostat.

Le rapport récemment produit par le Conseil d’orientation pour l’emploi sur l’emploi des jeunes (1) nuance certes les constats les plus pessimistes portée sur la situation française :

– s’agissant d’un groupe dont une grande partie, légitimement, n’appartient pas à la « population active », car elle poursuit ses études, le concept de « taux de chômage » est discutable ; l’analyse de la « part de chômage » calculée sur l’ensemble de la population relativise certains chiffres ; le taux de chômage des jeunes dépasse 23 % en France, mais leur part de chômage reste inférieure à 10 % (2) ;

– la définition communautaire des jeunes comme étant les 15-24 ans n’est pas nécessairement pertinente par rapport aux problématiques d’emploi dans un contexte d’allongement des études. Parler du degré d’insertion dans l’emploi des jeunes de 15 ans n’a peut-être pas beaucoup de sens. À l’autre borne du groupe « jeunes », les 25 à 30 ans rencontrent des difficultés d’insertion professionnelle qui peuvent conduire à les assimiler aux « jeunes ».

Le graphique ci-dessous, qui prend en compte une population des « jeunes » allant jusqu’à 29 ans et présente, parallèlement aux taux de chômage, les « parts de chômage » parmi les jeunes et parmi l’ensemble des personnes en âge de travailler, conduit en effet à dédramatiser la situation spécifique des jeunes, dont la part de chômage n’apparaît supérieure à celle de l’ensemble des adultes que de deux ou trois points à moyen terme.

Taux de chômage et part de chômage des jeunes de 15 à 29 ans
et de l’ensemble de la population

(en % de la population active, pour le taux de chômage, ou de la population totale, pour la part de chômage)

Champ : France métropolitaine. Source : DARES, « Premières synthèses », n° 2009-39-1, septembre 2009.

À moyen terme, les données statistiques relatives aux « jeunes » rendent compte d’évolutions sociologiques tout autant que de réalités économiques. À cet égard, le graphique ci-dessous, relatif au taux d’activité des jeunes par tranches d’âge et par sexe, est révélateur. En effet, la notion de taux d’activité, qui couvre à la fois les personnes en emploi et celles qui sont au chômage, gomme de ce fait les fluctuations économiques et fait apparaître l’évolution à long terme des choix entre l’insertion dans la vie professionnelle et la poursuite des études (ou d’autres formes d’« inactivité »). C’est sans surprise que l’on constate :

– un taux d’activité toujours très élevé pour les jeunes hommes de 25 à 29 ans et en augmentation régulière pour les jeunes femmes du même âge ;

– une tendance au recul du taux d’activité, liée à l’allongement des études, pour les plus jeunes.

Taux d’activité des jeunes par tranches d’âge et par sexe

(en %)

Champ : France métropolitaine.

Source : DARES, « Analyses », n° 2010-072, octobre 2010.

Le rapport précité relève également que les bonnes performances de certains pays en matière d’emploi des jeunes tiennent pour beaucoup à des différences qu’il qualifie de « structurelles, d’une certaine manière culturelles, fondamentales » :

– « en Allemagne, le taux de chômage relativement faible des jeunes s’explique surtout par le recours beaucoup plus répandu à l’alternance : l’Allemagne compte ainsi près de 1,6 million d’apprentis, soit 11 % des 15-29 ans, contre environ 600 000 jeunes en alternance en France (apprentissage ou professionnalisation), soit seulement 5 % des jeunes Français de 15-29 ans. L’origine de cette différence tient notamment aux spécificités du système scolaire allemand qui prévoit un fléchage précoce vers les filières d’apprentissage dès le collège. Par ailleurs, un grand nombre de métiers accessibles par l’apprentissage en Allemagne sont réglementés ("règlements de formation") et ne sont accessibles que par les voies d’apprentissage, ce qui contribue à la fois à alimenter ces filières mais aussi à les valoriser » ;

– « aux Pays-Bas et au Danemark, le cumul emploi-études est particulièrement répandu » (sur ce point, le rapport observe toutefois que « la question de savoir si le cumul emploi-études est bénéfique ou non à l’insertion professionnelle est controversée… »).

Le fait est que l’occupation ou non, parallèlement à des études, d’un emploi à temps très partiel, aussi minime soit-il, fait varier l’indicateur de taux d’emploi, sans que la situation réelle des jeunes ainsi comptés « en emploi » ou non soit nécessairement très différente. Il en est de même pour ceux qui suivent une formation en alternance, qui sont « en emploi » si leur alternance comporte un contrat de travail, et ne le sont pas lorsqu’ils restent sous statut scolaire.

Le Centre d’analyse stratégique a publié récemment une synthèse sur la formation professionnelle des jeunes (3), qui rappelle qu’« à la différence de l’enseignement secondaire général, l’appareil de formation professionnelle initiale ne s’est pas construit en France en référence à un modèle central. Il résulte d’un processus graduel où les acteurs ont été multiples (entreprises, branches, associations, collectivités locales) et les conceptions souvent opposées. Composé d’une grande variété d’établissements, l’"enseignement technique" ne prend forme qu’à la fin du XIXème siècle (…) ». Ce qu’on peut appeler la formation professionnelle initiale est donc multiforme et repose à la fois sur le système scolaire traditionnel, à travers « l’enseignement professionnel », et sur le développement de formules d’alternance qui comprennent la signature d’un contrat de travail et donc une forte intégration au monde professionnel, puisque les jeunes deviennent réellement des salariés et ont un « patron ». Deux types de contrats de travail en alternance se sont en outre développés : le contrat d’apprentissage et, plus récemment, le contrat dit de qualification, puis de professionnalisation
– lequel, à la différence du contrat d’apprentissage, n’est pas réservé aux jeunes et a été conçu comme un instrument de la formation professionnelle « tout au long de la vie ».

Fin 2007, ces trois voies accueillaient plus de 1 320 000 jeunes : 713 000 dans l’enseignement professionnel, 418 000 en apprentissage et 192 000 en contrat de qualification/professionnalisation. Ces différents dispositifs correspondent à des modes de financement spécifiques, qui sollicitent de manière très différente les trois grandes sources de fonds : l’État, les régions (que les lois de décentralisation ont dotées d’une compétence générale pour la formation professionnelle) et les fonds mutualisés à partir de cotisations des entreprises. En 2007, les lycées professionnels ont mobilisé 8,84 milliards d’euros, dont 70 % en provenance de l’État (salaires des enseignants) et près de 19 % en provenance des régions. La même année, l’apprentissage a mobilisé 4,93 milliards d’euros de ressources publiques ou mutualisées, fournis à 41 % par les régions (prime d’apprentissage aux employeurs, financement des centres de formation), 30 % par l’État (allégement de cotisations et crédit d’impôt pour l’employeur notamment) et 21 % par les entreprises (par le biais de la taxe d’apprentissage). Enfin, les contrats de professionnalisation ont mobilisé 1,21 milliard d’euros de fonds publics ou mutualisés, provenant à 69 % des entreprises (par le biais de la contribution obligatoire due au titre de la professionnalisation) et 31 % de l’État.

Des voies s’élèvent régulièrement pour s’interroger sur la pertinence d’avoir deux types de contrats d’alternance « concurrents ». Les contrats d’apprentissage et de professionnalisation ont des caractéristiques réglementaires et des modes de financement différents, ce qui rendrait délicat un exercice de fusion. Mais le fait est surtout que l’analyse de leurs publics respectifs (d’alternants et d’employeurs) et des formations qu’ils proposent montre qu’ils sont pour le moment plus complémentaires que concurrents, ainsi que le tableau qui suit le montre :

– l’apprentissage s’adresse à un public beaucoup plus jeune (43 % de mineurs à la signature du contrat, contre 4 % pour les contrats de professionnalisation), tandis qu’à partir de 22 ans, le contrat de professionnalisation est la voie d’alternance la plus commune (presque la moitié des signataires de contrat de professionnalisation ont cet âge ou plus) ;

– cette différence d’âge moyen se retrouve logiquement dans la structure des niveaux de diplôme à l’entrée en alternance – nettement plus élevée s’agissant des contrats de professionnalisation –, donc dans celle des diplômes préparés ; elle se retrouve aussi dans l’analyse des situations antérieures des signataires de contrats d’alternance (près de neuf apprentis sur dix sortent directement de l’école ou d’un précédent contrat d’apprentissage, alors que 30 % des personnes en contrat de professionnalisation étaient auparavant au chômage et plus de 15 % salariées) ;

– les secteurs d’activité concernés ne sont pas les mêmes : plus souvent l’industrie, la construction ou certaines activités commerciales ou artisanales comme l’hôtellerie-restauration ou la coiffure pour l’apprentissage ; surtout le tertiaire pour les contrats de professionnalisation ;

– l’apprentissage est très fortement concentré sur les plus petites entreprises (presque trois contrats sur cinq dans celles de moins de dix salariés), la professionnalisation l’est moins.

Caractéristiques comparées des contrats d’apprentissage et de professionnalisation

(entrées 2009, en %)

 

Apprentis

Contrats de professionnalisation

Âge :

   

– 15 ans

10,7

-

– 16-17 ans

32,2

4,2

– 18-21 ans

44,2

47,8

– 22 ans et plus

13

48,1

Niveau de formation à l’entrée :

   

– V bis et VI

34,8

7,7

– V (CAP-BEP)

33,6

23

– IV (bac)

17,5

36,5

– I à III (au moins bac + 2)

14,2

32,8

Situation avant l’entrée :

   

– En scolarité

62,8

32,5

– En contrat d’alternance

26,3

15,9

– Demandeur d’emploi

3,4

29,6

– Salarié

n.d.

15,7

Sexe :

   

– Hommes

67,8

50

– Femmes

32,2

50

Secteur d’activité des employeurs :

   

– Industrie

20,1

11,5

– Construction

21,8

8,4

– Tertiaire, dont :

55,5

79,3

– Commerce

20,4

24,1

– Services aux entreprises

9,1

21,6

– Services aux particuliers (dont hôtellerie-restauration, coiffure…)

18,6

11,2

Taille des entreprises :

   

– 0 à 9 salariés

58,3

41,9

– Plus de 250 salariés

13,4

20

Champ : France entière.

Source : DARES, « Analyses », n° 2010-047, juillet 2010, et n° 2011-010, février 2011.

On observera toutefois, sur le moyen terme, une tendance au rapprochement des caractéristiques des bénéficiaires des deux types de contrats, dans la mesure où, comme on le constate sur le graphique ci-après, la montée en charge de l’apprentissage depuis une vingtaine d’années s’est principalement opérée à travers une élévation des niveaux de diplômes à l’entrée (et donc des diplômes préparés).

Entrées annuelles en contrat d’apprentissage par niveau de formation à l’entrée

Champ : France entière

Source : DARES, « Analyses », n° 2011-010, février 2011.

Pour conclure sur cette question de la coexistence entre apprentissage et professionnalisation, la note précitée du Centre d’analyse stratégique relève que leur éventuelle fusion buterait sur « deux "points durs" : le financement (…) et la gouvernance. La simplification du dispositif peut également passer par un rapprochement des modalités des contrats, aussi bien pour harmoniser le statut des jeunes salariés que pour simplifier recherches d’emploi et recrutements ».

Pour ce qui est de l’apprentissage, une analyse du Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Céreq) sur l’insertion à moyen terme des jeunes sortis du système scolaire en 2004, la « génération 2004 » (4), met en lumière une insertion dans l’emploi bien meilleure pour les apprentis que pour les jeunes sortis du système scolaire (au moins s’agissant des types de qualification auxquelles conduit encore principalement l’apprentissage, c’est-à-dire celles auxquelles conduit l’enseignement secondaire). On constate ainsi que ces jeunes, en 2007, soit trois ans après leur sortie du système de formation initiale, occupaient des emplois à durée indéterminée (contrats à durée indéterminée ou fonction publique) à 67 % quand ils étaient issus de l’apprentissage, mais seulement à 52 % quand ils étaient issus de l’enseignement scolaire (lycée professionnel ou technologique) ; ils étaient seulement 7 % à occuper un emploi à temps partiel en étant issus de l’apprentissage, contre près de 20 % en provenant du système scolaire ; le taux de chômage de ceux issus de l’apprentissage, soit moins de 13 %, était moitié plus faible que celui de ceux issus du système scolaire, soit 24 %. Ce type d’écarts se retrouvait alors quelque soit le niveau de qualification atteint (voire le tableau ci-après). Corrélativement, le salaire mensuel médian des jeunes issus de l’apprentissage était, trois ans après leur sortie de formation, plus élevé de 50 euros que celui des ex-lycéens.

Situation en 2007 sur le marché de l’emploi des jeunes sortis en 2004 de formations de niveau secondaire

(en %)

 

Ex-apprentis

Ex-lycéens (enseignement technologique ou professionnel)

Taux de chômage global

dont :

12,7

23,8

– Non qualifiés

20,5

46,3

– Non diplômés CAP/BEP tertiaires

30,4

39

– Non diplômés CAP/BEP industriels

21,8

31,4

– CAP tertiaires

17,2

27,2

– CAP industriels

9,8

28

– BEP tertiaires

14,5

21,7

– BEP industriels

6,9

16,3

– Bac pro. tertiaire

13,8

16,4

– Bac pro. industriel

5,2

8,7

En emploi à durée indéterminée

67,3

51,6

En temps partiel

7,4

19,5

Source : Céreq, « L’insertion des sortants de l’enseignement secondaire », par Jean-Jacques Arrighi, Céline Gasquet et Olivier Joseph, juin 2009.

Les auteurs de cette analyse observent certes que la comparaison est biaisée par un certain nombre de facteurs : la répartition différente entre filières de formation (qui n’offrent pas les mêmes perspectives) des apprentis et des lycéens, les caractéristiques sociologiques de ces deux groupes, le fait que certains contrats d’apprentissage s’assimilent d’emblée à des pré-recrutements… Cependant, ils considèrent que même en rectifiant ces biais, l’apprentissage représenterait toujours un « plus » significatif pour les chances d’insertion, qu’on peut expliquer par l’expérience « professionnelle » acquise par les apprentis durant leur contrat, le réseau de relations qu’ils se sont constitué et leur connaissance du marché du travail dans leur branche d’activité.

Si on compare la situation des apprentis après trois années sur le marché du travail, non plus à celle des seuls ex-lycéens, mais à celle de la moyenne des jeunes, y compris donc ceux sortis de l’enseignement supérieur, on voit que les ex-apprentis restent plutôt favorisés, avec un taux de chômage un peu plus faible que cette moyenne des jeunes, un accès un peu plus élevé à l’emploi à durée indéterminée (67 % contre 63 % pour l’ensemble des jeunes) et moins de temps partiel (7 % contre 13 % pour l’ensemble des jeunes).

Les premiers résultats diffusés par le Céreq sur l’insertion de la « génération 2007 » confirment pleinement le constat sur l’avantage dont bénéficient les jeunes sortis de l’apprentissage en matière d’insertion, à niveau de diplôme égal, et y compris pour les formations supérieures, par rapport aux jeunes restés dans le système scolaire : au bout de trois ans, un taux d’emploi globalement supérieur de dix points, dans le cas des non diplômés ou de ceux ayant un diplôme du niveau de l’enseignement secondaire ; plus de chances d’occuper un emploi à durée indéterminée, avec là aussi dix points d’écart ou plus dans le cas des diplômés ; dans le cas des jeunes sortis de formations du niveau de l’enseignement supérieur, de meilleurs salaires, avec un écart de 175 euros sur le salaire médian.

Situation et conditions d’emploi trois ans après la sortie de formation
(générations 2004 et 2007)

 

Taux d’emploi (en %)

Part des jeunes au chômage (en %)

Taux de chômage (en %)

Part des jeunes en emploi qui sont en CDI ou fonctionnaires (en %)

Salaire mensuel médian (en euros)

Année de sortie de formation initiale

2004

2007

2004

2007

2004

2007

2004

2007

2004

2007

Non diplômés :

                   

– Apprentissage

76

64

17

26

18

29

58

52

1 205

1 200

– Voie scolaire

67

55

21

32

24

36

49

47

1 200

1 250

Diplômés de l’enseignement secondaire :

                   

– Apprentissage

87

83

9

12

9

13

70

66

1 250

1 280

– Voie scolaire

78

72

15

16

16

18

61

52

1 200

1 250

Sortants du supérieur :

                   

– Apprentissage

93

90

4

6

4

6

83

83

1 625

1 775

– Voie scolaire

88

89

7

8

7

8

76

73

1 520

1 600

Source : Céreq - Enquête 2010 auprès de la « génération 2007 » et enquête 2007 auprès de la « génération 2004 ».

Champ : jeunes sortis aux niveaux considérés dans des spécialités proposant l’alternative entre voie scolaire et apprentissage.

Une analyse des services statistiques du ministère du travail (5) apporte quelques éléments complémentaires à partir de l’exploitation de l’enquête sur la « génération 2004 » :

– 86 % des jeunes sortis d’apprentissage en 2004 étaient en emploi trois ans après et 61 % l’étaient dès la sortie de leur formation ; le temps moyen d’accès au premier emploi est d’un peu moins de trois mois après un contrat d’apprentissage, contre un peu plus de quatre mois pour les jeunes de niveau de formation équivalent qui ne sont pas passés par l’apprentissage ;

– la répartition par catégorie socioprofessionnelle des parents des sortants d’apprentissage est relativement proche de celle de l’ensemble des sortants de scolarité en 2004 ; de même, la situation professionnelle des parents des apprentis et des jeunes de niveau équivalent qui ne sont pas passés par l’apprentissage est proche ;

– 37 % des jeunes sortants d’apprentissage déclarent avoir continué à travailler dans la même entreprise à la fin de leur contrat.

L’analyse sociologique ne paraît donc pas expliquer l’avantage apporté par l’apprentissage en termes d’insertion. La qualité des formations dispensées n’est pas non plus en cause, car l’enseignement professionnel scolaire a su se moderniser.

La chance immédiate d’embauche dans l’entreprise où l’apprentissage a été effectué semble en revanche un élément déterminant de l’insertion plus facile des ex-apprentis.

On est aussi en droit de penser que l’alternance en entreprise, en permettant des formations et l’acquisition de compétences parfaitement adaptées aux besoins des entreprises, contribue à mieux satisfaire leurs besoins de main d’œuvre. Alors que de nombreuses offres d’emploi, aujourd’hui, restent non pourvues, l’alternance est sans doute l’instrument le plus efficace pour former les salariés qu’attendent les entreprises et donc créer des emplois.

La comparaison des résultats en termes d’insertion dans l’emploi, non plus de l’enseignement professionnel et de l’apprentissage, mais des contrats d’alternance et des différentes formes de contrats de travail bénéficiant d’aides de l’État au titre de l’insertion des personnes les plus éloignées de l’emploi (« contrats aidés »), permet d’appréhender, au-delà des jeunes, une autre population susceptible de bénéficier de contrats de formation en alternance sous statut de travail, celle des demandeurs d’emploi de plus de 26 ans.

Le tableau ci-dessous récapitule des données extraites d’un même document budgétaire, le « rapport de performances » sur l’exécution des crédits du travail et de l’emploi en 2009.

Taux d’insertion dans l’emploi en 2009 à l’issue de différentes formes de contrats de travail bénéficiant d’aides publiques

À l’issue d’un contrat d’apprentissage (1)

56,8

À l’issue d’un contrat d’un contrat de professionnalisation (chiffres 2007) :

 

– Pour les moins de 26 ans

60

– Pour les 26-45 ans

74

– Pour les plus de 45 ans

73

À l’issue d’un contrat aidé dans le secteur marchand :

 

– Insertion dans l’emploi (2)

63,9

– Insertion dans l’emploi « durable » (3)

54,8

À l’issue d’un contrat aidé dans le secteur non marchand :

 

– Insertion dans l’emploi (2)

39,9

– Insertion dans l’emploi « durable » (3)

26,7

(1) Sept mois après la sortie de CFA, que le diplôme ait été obtenu ou non.

(2) Six mois après la fin du contrat.

(3) Six mois après la fin du contrat, en emploi en CDI, CDD de plus de six mois, de fonctionnaire ou de travailleur indépendant.

Source : rapport annuel de performances de la mission «  Travail et emploi » pour 2009.

Malheureusement, comme on le voit, ces données ne sont pas très homogènes, la notion d’insertion dans l’emploi n’étant pas uniformisée. Sous cette réserve, ces statistiques montrent une insertion professionnelle plus favorable pour les personnes en sortie de contrat en entreprise qu’en sortie de contrat dans le secteur non-marchand. Parmi les contrats en entreprise, les contrats en alternance semblent plutôt efficaces, en particulier les contrats de professionnalisation des personnes de plus de 26 ans, voire 45 ans.

III.- UNE RELANCE DE L’ALTERNANCE QUI EST DÉJÀ ENGAGÉE

La nouvelle politique de l’alternance a été précédée, à l’initiative du Président de la République et du Gouvernement, de nombreux travaux d’expertise. Un certain nombre de mesures ont par ailleurs déjà été prises, soit à titre de réponse à la crise économique, soit dans le cadre de la récente réforme de la formation professionnelle.

Le rapport de la mission confiée à M. Jean-François Pilliard sur la « Promotion de l’accès des publics éloignés de l’emploi au contrat de professionnalisation » a été remis en mai 2009 au Gouvernement. Il met l’accent sur les difficultés du contrat de professionnalisation à s’ouvrir suffisamment aux jeunes sans qualification et aux adultes les plus éloignés de l’emploi et propose plusieurs types de mesures qui seraient de nature à développer cette forme d’alternance : une meilleure communication, notamment sur les spécificités du contrat de professionnalisation, et plus de personnalisation des parcours de formation ; une mobilisation renforcée des acteurs, en particulier de Pôle emploi et des organismes paritaires collecteurs des fonds de la formation professionnelle dans leur nouvelle mission de conseil aux entreprises ; un allègement du coût des contrats de professionnalisation pour les employeurs, ce coût devant se rapprocher de celui des contrats d’apprentissage.

Le rapport de notre collègue Laurent Hénart, « Développer les formations en alternance dans le secteur public », a été remis au Gouvernement en octobre 2009. Partant du constat du très faible développement de l’alternance dans le secteur public, ce rapport fixe un objectif de 100 000 alternants dans ce secteur à un horizon de cinq ans. Pour atteindre cet objectif, plusieurs pistes sont envisagées : l’instauration d’un « bonus-malus » pour inciter les administrations à atteindre un taux de 1 % d’alternants dans leur effectif ; la mise à contribution du fonds national de développement et de modernisation de l’apprentissage (FNDMA) ou encore du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) ; la simplification réglementaire en se rapprochant des règles applicables au secteur privé ; la rénovation du dispositif PACTE qui constitue une voie d’accès en alternance à la fonction publique en parallèle des concours…

Le rapport remis par M. Henri Proglio au Président de la République en novembre 2009, « Promouvoir et développer l’alternance », met en exergue plusieurs axes de mobilisation possibles, notamment :

– l’incitation des entreprises à recourir à l’alternance en valorisant les comportements vertueux, notamment dans les entreprises respectant l’objectif légal actuel de 3 % de l’effectif et augmentant leur effectif d’alternants ;

– l’utilisation des clauses d’insertion des marchés publics ;

– la simplification des procédures, notamment de recrutement des alternants, et la rationalisation de la collecte de la taxe d’apprentissage ;

– l’amélioration des conditions de vie des jeunes alternants ;

– le renforcement de la gouvernance régionale de l’alternance, en particulier dans le cadre des comités de coordination régionaux de l’emploi et de la formation professionnelle (CCREFP) ;

– l’implication accrue de Pôle emploi ;

– la définition d’un cadre légal général de l’alternance ;

– l’harmonisation ou du moins la convergence des règles applicables aux contrats d’apprentissage et de professionnalisation (périodes d’essai, tutorat, rémunération…).

Dans le contexte de la dégradation rapide de l’emploi consécutive à la crise financière de l’été 2008, le Président de la République a annoncé, lors de son discours du 24 avril 2009 à Jouy-le-Moutier, plusieurs mesures d’urgence pour l’emploi des jeunes, visant notamment à renforcer les formules d’alternance.

● L’aide à l’embauche d’apprentis dans les entreprises de onze salariés et plus, ou dispositif « zéro charges », visait à compenser pendant douze mois le coût des cotisations sociales résiduelles (après application de l’exonération permanente de droit commun) versées pour les apprentis par les employeurs de onze salariés et plus (les entreprises dont l’effectif est inférieur à ce seuil ou artisanales étant d’ores et déjà intégralement exonérées de ces cotisations). Cette aide était applicable aux embauches d’apprentis effectuées du 24 avril 2009 au 31 décembre 2010. Selon les statistiques de Pôle emploi, près de 49 000 dossiers ont été acceptés, pour un coût global de 20 millions d’euros (6).

● L’aide à l’embauche d’apprentis supplémentaires dans les entreprises de moins de cinquante salariés, applicable sur la même période, consistait dans le versement d’une prime de 1 800 euros pour chaque embauche supplémentaire d’apprenti par rapport à l’effectif au 23 avril 2009 (ou l’embauche d’un premier apprenti). 76 000 dossiers ont été acceptés par Pôle emploi, pour un coût global de 109 millions d’euros (7).

● L’aide à l’embauche de jeunes en contrat de professionnalisation, également applicable du 24 avril 2009 au 31 décembre 2010, consistait dans le versement d’une prime à l’embauche de 1 000 ou 2 000 euros (selon le niveau de formation du jeune). Presque 92 000 dossiers ont été acceptés, pour un coût global de près de 95 millions d’euros (8).

La loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie comprend un ensemble de mesures en faveur du développement des contrats d’alternance, dont il n’est pas encore possible de faire le bilan car la plupart commencent juste, de fait, à s’appliquer concrètement.

S’agissant des contrats de professionnalisation « adultes » (26 ans et plus), leur accès a été étendu aux bénéficiaires de minima sociaux. Ces contrats, de même que ceux destinés aux jeunes les moins qualifiés, bénéficient d’une prise en charge renforcée.

Pour ce qui est de l’apprentissage, plusieurs mesures visent à améliorer le statut des apprentis, notamment :

– la faculté de continuer à suivre la formation d’un centre de formation d’apprentis après la rupture du contrat d’apprentissage, ce pendant trois mois (en vue de passer le diplôme final) ;

– l’expérimentation de « passerelles » permettant, en cas d’échec au diplôme préparé, d’accéder à un certificat de qualification professionnelle (renvoyée aux branches, cette expérimentation a été engagée dans l’hôtellerie-restauration).

Au titre de la simplification, l’agrément préfectoral préalable à la conclusion de contrats d’apprentissage dans le secteur public a été supprimé, tandis qu’un aménagement réglementaire est engagé sur la question délicate de la réalisation de travaux potentiellement dangereux par les alternants mineurs. Par ailleurs, l’autorisation de travail devra être accordée de plein droit aux étrangers autorisés à séjourner en France quand c’est pour la conclusion d’un contrat d’apprentissage ou de professionnalisation à durée déterminée (étant rappelé que tous les titres de séjour n’autorisent pas à travailler par ailleurs).

La loi et ses textes d’application clarifient également les conditions de ce que l’on appelle généralement le « pré-apprentissage » : le « dispositif d’initiation aux métiers en alternance » (DIMA) autorise les centres de formation d’apprentis à accueillir sous statut scolaire, pour une durée maximale d’un an, des jeunes « ayant atteint l’âge de quinze ans », selon la formulation de la loi, pour une formation en alternance. Les dispositifs préexistants de l’« apprentissage-junior » et des « classes préparatoires à l’apprentissage » ont été supprimés. Cependant, l’application de la loi faite par le Gouvernement (à travers le décret n° 2010-1780 du 31 décembre 2010 et la circulaire du 19 janvier 2011 MEN-DGESCO n° 2011-009) est jugée restrictive par certaines structures intervenant dans la formation en alternance des jeunes : de fait, les mesures d’application réservent (au moins implicitement) le dispositif à des jeunes de juste 15 ans en situation d’échec scolaire au collège ; or, un tel dispositif pourrait aussi être utile à des jeunes
– éventuellement plus âgés et pas en situation d’échec – dans une optique de préparation à l’entrée en apprentissage. En effet, la signature d’un contrat d’apprentissage représente un engagement de longue durée – de plus en plus souvent trois ans, suite à la réforme du bac professionnel – sur une formation très précise (celle conduisant au diplôme visé), engagement qui est donc difficile et mériterait parfois d’être mieux préparé pour éviter les échecs.

Enfin, le législateur a souhaité inciter l’État à conclure des conventions d’objectifs sur le développement de la formation des jeunes par l’alternance avec des entreprises ou des branches professionnelles et poser le principe d’un objectif de 5 % d’alternants dans les effectifs des entreprises.

IV.- LES GRANDES AXES DE RÉFORME PROPOSÉS

Le 1er mars 2011, à Bobigny, le Président de la République a tracé les grandes lignes d’une mobilisation accrue pour l’alternance.

● Cette mobilisation reposerait d’abord sur une réforme de l’affectation de la taxe d’apprentissage, consistant à affecter obligatoirement au financement de l’apprentissage l’intégralité de l’augmentation naturelle du rendement de cette taxe (en relevant progressivement la fraction dite du « quota »).

● Il est ensuite proposé de mettre en place un système de « bonus-malus » pour l’embauche de jeunes en alternance par les grandes entreprises :

– dans les entreprises de 250 salariés et plus, le quantum actuel de 3 % de jeunes en alternance à atteindre dans l’effectif doit être relevé à 4 % et le taux de surtaxe prévu à titre de pénalité, actuellement uniforme, modulé en fonction de l’effort de l’entreprise et accru pour les entreprises les plus éloignées de l’objectif ;

– les entreprises dépassant l’objectif de 4 % bénéficieraient d’un bonus de 400 euros par an et par contrat d’alternance.

● Pour les entreprises de moins de 250 salariés, le Président de la République a évoqué une exonération intégrale de charges sociales pendant six mois pour toute embauche supplémentaire de jeune en alternance (apprentissage ou contrat de professionnalisation).

● Pour ce qui est des contrats de professionnalisation destinés aux demandeurs d’emploi, il a proposé une aide supplémentaire de 2 000 euros par contrat dont le bénéficiaire a 45 ans et plus.

● S’agissant des moyens financiers publics, le Président de la République a précisé l’affectation des 500 millions d’euros réservés pour des investissements en faveur de l’apprentissage dans le cadre du « grand emprunt » : création, extension ou reconversion de centres de formations d’apprentis (CFA) et création de 15 000 places supplémentaires d’hébergement pour les apprentis.

Quant à la nouvelle génération de contrats d’objectifs et de moyens (COM) sur l’apprentissage, ils devront comprendre un engagement à parité de l’État et des régions et viseront en priorité l’investissement, afin de créer de nouvelles places de formation.

● Des mesures d’assouplissement de la réglementation sont également à envisager :

– l’assouplissement de l’ancienneté requise pour être maître d’apprentissage ;

– l’ouverture d’une faculté d’enchaîner deux contrats de professionnalisation successifs pour l’obtention d’une deuxième qualification, supérieure à la première ;

– l’ouverture d’une faculté de signer un contrat en alternance avec deux employeurs, afin de faciliter l’alternance dans les métiers saisonniers.

● Pour valoriser l’apprentissage, les « étudiants des métiers » devraient accéder aux prestations offertes aux étudiants de l’enseignement supérieur (résidences universitaires, restauration, réductions dans les transports et les activités culturelles et de loisirs).

● Le Président de la République souhaite enfin le développement des fonctionnalités du « portail de l’alternance », en vue notamment d’aller vers la saisie en ligne des contrats d’alternance et de la paie, ainsi que l’optimisation de l’action des près de 300 « développeurs de l’apprentissage » présents dans les réseaux consulaires pour diffuser l’information sur l’apprentissage et aider à la conclusion de contrats.

Plusieurs des mesures annoncées par le Président de la République peuvent trouver une traduction purement réglementaire. De fait, plusieurs décrets ont été pris ou sont en cours de finalisation.

● Le décret n° 2011-523 du 16 mai 2011 crée une aide pour toute embauche supplémentaire d’un jeune de moins de 26 ans en contrat d’apprentissage ou de professionnalisation par une entreprise de moins de 250 salariés entre le 1er mars (rétroactivement) et le 31 décembre 2011. Destinée en pratique à neutraliser les charges sociales résiduelles pendant un an, elle ne s’appliquera pas aux contrats ouvrant déjà droit à une exonération intégrale de charges sociales patronales (contrats d’apprentissage dans les entreprises soit comportant moins de onze salariés, soit artisanales) et aura une formule de calcul adaptée à chaque contrat. En pratique, le montant de l’aide sera compris entre 321 et 963 euros par contrat d’apprentissage et entre 1 081 et 1 835 euros par contrat de professionnalisation. Des personnes auditionnées par votre rapporteur pour avis ont regretté la complexité du dispositif, qui imposera notamment, pour vérifier le caractère supplémentaire des embauches d’alternants, un calcul et une déclaration rétroactifs des effectifs de jeunes en alternance.

● Le décret n° 2011-524 du 16 mai 2011 institue une aide de l’État de 2 000 euros pour les embauches, en contrat de professionnalisation, de demandeurs d’emploi de 45 ans et plus réalisées à compter du 1er mars 2011.

● Un projet de décret prévoit de porter progressivement, de 2011 à 2015, de 52 % à 59 % la part de la taxe d’apprentissage qui doit strictement être affectée à l’apprentissage (à travers des versements aux organismes collecteurs de la taxe d’apprentissage-OCTA et des concours directs aux centres de formation d’apprentis), dite « quota », ce qui réduirait d’autant la fraction dont l’affectation par les entreprises est libre, dite « barème ». Cela permettrait à terme de mobiliser jusqu’à 400 millions d’euros supplémentaires par an pour l’apprentissage.

● Un autre projet réduit l’ancienneté exigée pour être maître d’apprentissage (le maître d’apprentissage étant dans l’entreprise le tuteur de l’apprenti, directement responsable de sa formation) de cinq à trois ans (et de trois à deux ans quand l’intéressé est titulaire d’un diplôme ou d’un titre professionnel au moins équivalent à celui préparé par l’apprenti et dans le même domaine).

Le 7 avril 2011, les partenaires sociaux sont parvenus à un accord national interprofessionnel (ANI) sur l’accompagnement des jeunes demandeurs d’emploi dans leur accès à l’emploi. Cet accord prévoit notamment, sur 2011 et 2012 :

– l’offre d’un accompagnement individuel renforcé à 90 000 jeunes ayant des difficultés d’accès à l’emploi : 20 000 « décrocheurs » sortis sans aucune qualification du système de formation initiale, qui seront accompagnés par les missions locales ; 20 000 jeunes ayant un diplôme ou une qualification reconnue et rencontrant cependant des difficultés récurrentes pour accéder à un emploi durable, qui seront accompagnés par Pôle emploi (ou par des opérateurs privés de placement) ; enfin, 50 000 jeunes ayant intégré l’enseignement supérieur, mais rencontrant des difficultés à s’insérer professionnellement, qui seront accompagnés par l’Association pour l’emploi des cadres (APEC) ;

– un financement de ces mesures à hauteur de 100 millions d’euros, provenant du fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (60 millions d’euros) et des réserves de l’APEC (40 millions d’euros) ;

– des engagements quant à l’accès des jeunes de moins de 30 ans à certains dispositifs de droit commun, afin que 30 000 d’entre eux bénéficient d’une préparation opérationnelle à l’emploi (POE) ou d’une action de formation préalable au recrutement (AFPR), ces mesures étant prescrites par Pôle emploi, et que 20 000 bénéficient d’actions de lutte contre l’illettrisme ;

– un assouplissement, pour les jeunes, des conditions d’ancienneté dans l’emploi auxquelles est subordonné l’accès au congé individuel de formation destiné aux ex-titulaires de contrats à durée déterminée (CIF-CDD).

Un accord national interprofessionnel sur l’accompagnement des jeunes dans leur accès au logement a été conclu le 29 avril 2011. Cet accord repose principalement sur une mobilisation d’« Action logement », c’est-à-dire des fonds provenant de la participation des employeurs à l’effort de construction (ou « 1 % logement »). Plusieurs objectifs sont assignés à Action logement :

– financer la production de 15 000 logements ou hébergements supplémentaires, de petite surface, par an pendant trois ans à compter de 2012 ;

– mettre l’accent sur la réhabilitation des résidences hôtelières à vocation sociale ;

– accroître ses attributions de logements aux actifs, y compris en alternance, de moins de 30 ans, lesquels ont bénéficié, en 2009, d’environ 27 000 logements et hébergements attribués par les organismes collecteurs du 1 % sur leurs droits de réservations (environ 40 % du total des ménages qu’ils logent) ; il s’agirait d’atteindre un objectif annuel de 35 000 attributions à des jeunes en 2014 ;

– réserver 50 % de ses aides aux jeunes de moins de 30 ans, y compris en alternance, et concevoir une offre de service en matière d’accompagnement des jeunes au démarrage de leur parcours résidentiel ;

– créer un fonds de garantie destiné à sécuriser les bailleurs s’engageant dans la colocation dans le parc social, qui couvrirait deux mois de loyers en cas de départ précipité d’un colocataire, avec un objectif de 10 000 logements en colocation par an.

L’accord envisage enfin la création, avec les acteurs publics concernés, d’un portail internet consacré au logement des jeunes.

MM. Bernard Perrut et Jean-Charles Taugourdeau ont déposé avec votre rapporteur pour avis une proposition de loi (n° 3369) qui sera examinée prochainement par l’Assemblée nationale. Le développement de l’alternance constitue l’objet du titre Ier de cette proposition, qui comprend six articles visant à donner corps au programme de mobilisation souhaité par le Président de la République.

● L’article 1er institue par la loi une carte d’« étudiant des métiers », afin de revaloriser le statut des apprentis. Ce dispositif va beaucoup plus loin que la carte d’apprenti qui existe déjà, en posant la règle selon laquelle les apprentis doivent accéder à des avantages identiques à ceux des étudiants de l’enseignement supérieur.

● L’article 2 donne une existence légale à un service dématérialisé gratuit pour favoriser le développement de l’alternance. L’outil, qui pourra naturellement être développé à partir de l’existant, comme le « portail de l’alternance », devra faciliter la prise de contact entre alternants et employeurs,  mais aussi développer les démarches de saisie en ligne, en particulier pour la paie.

● L’article 3 permet à deux employeurs d’embaucher conjointement un apprenti pour l’exercice d’une activité saisonnière et organise le fonctionnement de cette relation de travail tripartite.

● L’article 4 assouplit la réglementation, en autorisant le renouvellement d’un contrat de professionnalisation à durée déterminée chez le même employeur, dès lors que la qualification préparée permet d’améliorer ou de compléter celle déjà acquise.

● L’article 5 supprime le contrôle, par les services déconcentrés de l’État, de la validité de l’enregistrement des contrats d’apprentissage effectué par les chambres consulaires, car celles-ci sont déjà tenues de vérifier le respect dans les contrats de l’ensemble des dispositions légales. Cet article habilite également les services régionaux de contrôle de la formation professionnelle à exercer un contrôle sur les déclarations des entreprises au titre de la contribution supplémentaire à l’apprentissage (cf. article 6 infra).

● Enfin, l’article 6 de la proposition de loi correspond à une partie du dispositif de l’article 8 du présent projet de loi de finances rectificative, à savoir la modification du barème de la contribution supplémentaire à l’apprentissage, sachant qu’en revanche la création d’un compte spécial du Trésor ne pouvait en tout état de cause figurer que dans une loi de finances, en application de l’article 19 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

Cette impossibilité juridique d’inscrire tout le dispositif souhaité dans un texte de loi « ordinaire » et le principe du « monopole fiscal » des lois de finances et de financement de la sécurité sociale (figurant dans le projet de loi constitutionnelle relatif à l’équilibre des finances publiques que l’Assemblée nationale a adopté en première lecture le 10 mai 2011) justifient l’option finalement retenue d’insérer dans le projet de loi de finances rectificative les dispositions relatives à l’incitation fiscale à l’alternance par un mécanisme de « bonus-malus ».

V.- L’ARTICLE 8 DU PROJET DE LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE : UN « BONUS-MALUS » FISCAL POUR DÉVELOPPER L’ALTERNANCE

L’article 8 du présent projet de loi de finances rectificative porte de 3 % à 4 % (de l’effectif global) l’objectif d’emploi d’alternants dans les entreprises de 250 salariés et plus. Pour ce faire, la contribution qui existe pour les entreprises n’atteignant pas cet objectif est un peu accrue et son taux désormais modulé.

Par ailleurs, un dispositif d’affectation de recettes garantira que le surplus de ressources ainsi dégagé ira bien à des aides au développement de l’alternance dans les entreprises de la même taille, dans une optique de « bonus-malus ».

Au-delà des seuls calculs financiers qu’il sollicite, ce dispositif d’incitation fiscale a pour objet de créer une dynamique, qui doit amener les entreprises à considérer qu’il est important pour elles et pour leur image d’accueillir au moins 4 % d’alternants. Ce dispositif doit et peut intervenir en complément – et non pas en concurrence – des engagements contractuels que des branches ou des grandes entreprises prennent ou pourraient prendre dans ce domaine.

L’expérience du « quota » d’emploi de 6 % de travailleurs handicapés qui existe depuis 1987 ou plus récemment celle de la pénalité créée pour l’emploi des salariés âgés (seniors) montrent que les instruments « fiscaux » de cette nature peuvent être efficaces, et ce d’autant qu’ils ne sollicitent pas seulement des calculs financiers à court terme, mais impulsent des dynamiques et font changer durablement les comportements. Ces expériences montrent aussi que l’instrument « fiscal » n’est pas incompatible avec le développement de démarches contractuelles et du dialogue social, bien que cette incompatibilité soit souvent affichée.

L’expérience de la politique d’insertion dans l’emploi des personnes handicapées, laquelle est la seule politique d’incitation fiscale à atteindre un certain « quota » d’emploi qui soit suffisamment ancienne pour en tirer des enseignements assez complets, montre que ce type de mesures a une réelle efficacité : l’instauration en 1987 d’une pénalisation financière des entreprises n’employant pas 6 % de personnes handicapées, puis le renforcement et l’élargissement de ce système en 2005, ont eu un impact significatif sur l’emploi des personnes handicapées – tout en favorisant le dialogue social, car la conclusion d’accords collectifs sur l’insertion des travailleurs handicapés est l’un des modes de réalisation de l’obligation d’emploi. Les éléments de bilan dont on dispose sont développés dans l’encadré ci-après. Pour n’en retenir que trois, il en ressort que la modification de la législation en 2005 a permis :

– une augmentation du nombre d’entreprises couvertes par un accord collectif portant sur l’emploi des personnes handicapées de 15 % entre 2005 et 2006 ;

– des progrès significatifs dans le secteur public (que la loi de 2005 a assujetti pour la première fois à une pénalité financière pour insuffisance d’emploi de personnes handicapées), avec, de fin 2004 à fin 2006, une augmentation de 22 000 du nombre de travailleurs handicapés dans les trois fonctions publiques, soit + 13,4 % ;

– une diminution de 78 %, depuis 2005, du nombre d’entreprises n’employant aucun travailleur handicapé, suite à l’instauration d’une pénalité financière dissuasive pour les entreprises ne faisant aucun effort d’emploi des personnes handicapées et se contentant de verser la contribution financière obligatoire.

Les résultats de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés

On rappelle que la loi du 10 juillet 1987 a imposé aux employeurs d’au moins vingt salariés l’obligation d’employer directement au moins 6 % de personnes handicapées (et catégories assimilées) dans leur effectif, sauf à verser une pénalité financière à l’Association de gestion du fonds de développement pour l’insertion professionnelle des handicapés (AGEFIPH), à passer des accords de sous-traitance avec des structures employant spécifiquement des personnes handicapées (ces trois options étant combinables) ou à négocier un accord collectif ad hoc qui doit être agréé. L’AGEFIPH emploie les ressources conséquentes qu’elle tire du recouvrement des contributions des entreprises au financement d’aides diverses à l’insertion des travailleurs handicapés, dont bénéficient les entreprises qui font des efforts en la matière, et c’est donc bien un système de « bonus-malus ».

Le bilan de cette loi a été discuté : certes le taux d’emploi de personnes handicapées dans les établissements assujettis à l’obligation d’emploi est passé de 3,6 % en 1989 à 4,5 % en 2005, mais ce progrès modéré de l’emploi « en milieu de travail ordinaire » des personne handicapées n’a pas été suffisant pour résorber le niveau de chômage très élevé de cette population et l’objectif de 6 % n’a pas été atteint. Par ailleurs, des progrès étaient aussi relevés dans les petites entreprises non assujetties et les fonctions publiques, également non soumises à la contrainte financière, ce qui conduit à penser que d’autres facteurs
– notamment, l’évolution générale de l’image du handicap dans la société – ont également joué dans l’amélioration partielle de l’emploi des personnes handicapées.

La loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées est ensuite venue renforcer significativement l’obligation d’emploi : la fourchette du montant (variable selon la taille de l’entreprise) de la contribution à l’AGEFIPH est passée de 300 à 500 fois le SMIC horaire à 400 à 600 fois ce montant ; surtout, un montant majoré, porté à 1 500 SMIC horaires, a été institué pour les entreprises qui n’auraient employé aucun travailleur handicapé, passé aucun contrat de sous-traitance avec une entreprise adaptée ou un organisme du secteur protégé, ni conclu un accord concernant l’insertion professionnelle des travailleurs handicapés, pendant une période supérieure à trois ans. Par ailleurs, le mode de décompte des bénéficiaires de l’obligation d’emploi a été modifié dans un sens moins favorable aux entreprises tandis qu’il était mis fin à l’exemption d’obligation d’emploi qui s’appliquait à des « emplois exigeant des conditions d’aptitude particulières » que les personnes handicapées n’étaient pas censées être en mesure d’occuper. Enfin, la loi a étendu aux employeurs publics le système de pénalisation financière du non-respect du seuil de 6 % de travailleurs handicapés.

Les premiers éléments de bilan dont on dispose montrent que ces mesures vigoureuses ont eu un effet réel sur les comportements. Le Gouvernement a déposé en février 2009 un rapport « relatif au bilan et aux orientations de la politique du handicap », qui prend acte de plusieurs évolutions favorables :

– une augmentation des embauches de travailleurs handicapés : 19 300 en 2006, contre 15 600 en 2005 ;

– une augmentation du nombre d’entreprises couvertes par un accord collectif portant sur l’emploi des personnes handicapées de 15 % entre 2005 et 2006 ;

– des progrès significatifs dans le secteur public désormais assujetti à une pénalité financière, avec, de fin 2004 à fin 2006, une augmentation de 22 000 du nombre de travailleurs handicapés dans les trois fonctions publiques, soit + 13,4 % (et + 0,43 point de taux d’emploi).

Une analyse des services statistiques du ministère du travail (9) montre dès 2007, par rapport à 2006, une évolution substantielle des comportements des entreprises : parmi les établissements assujettis à l’obligation d’emploi (vingt salariés et plus), la proportion de ceux se contentant de verser une contribution à l’AGEFIPH sans aucun autre effort – menacés au bout de trois ans de se voir infliger la pénalité majorée de 1 500 fois le SMIC horaire – était en un an tombée de 35,2 % à 28,5 %, tandis que l’on passait de 53,2 % à 56,1 % d’établissements réalisant pour tout ou partie l’obligation d’emploi par l’emploi direct de travailleurs handicapés. Plus récemment, en février 2011, la secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, Mme Marianne Montchamp, a indiqué que le nombre d’entreprises n’employant aucun travailleur handicapé a diminué de 78 % depuis 2005.

L’analyse de l’évolution des ressources de l’AGEFIPH est également intéressante, puisqu’elles sont directement corrélées aux comportements des entreprises en matière d’emploi des personnes handicapées, l’objectif étant donc que ces ressources baissent. Or, après avoir très fortement augmenté suite à la loi de 2005, pour atteindre un plafond en 2007, ces ressources ont commencé à diminuer en 2008, puis 2009, ce qui semble donc rendre compte d’une adaptation rapide des entreprises à la nouvelle donne fiscale.

Plus récemment, la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009 a instauré, à compter de 2010, une pénalité financière, égale à 1 % de la masse salariale, pour les entreprises d’au moins cinquante salariés qui ne seraient pas couvertes par un accord collectif (d’entreprise ou, pour les entreprises de moins de 300 salariés, de branche étendu) ou un plan d’action (fixé unilatéralement par l’employeur) relatif à l’emploi des salariés âgés (seniors). Ces accords ou plans doivent répondre à certaines prescriptions : fixation d’un objectif chiffré de maintien dans l’emploi ou de recrutement de salariés âgés ; définition de mesures favorables à l’emploi des salariés âgés dans trois domaines d’action au moins choisis parmi six domaines prédéfinis ; définition de modalités de suivi.

Les services statistiques du ministère chargé du travail ont recensé (10), entre juin 2009 et septembre 2010, le dépôt auprès de l’administration de 34 200 textes constitutifs d’accords collectif (29 % des textes) ou de plans d’action (71 % des textes) relatifs à l’emploi des seniors. Une fois éliminés les doublons, cela correspondrait à 27 750 textes relevant d’entités économiques différentes (entreprises, groupes, unités économiques et sociales). Plus de 36 000 entreprises, employant près de 7,3 millions de salariés, seraient potentiellement couvertes. Sur la base des données disponibles au 1er octobre 2010 et sous diverses réserves, au moins 80 % des salariés des entreprises de cinquante salariés et plus seraient couverts par un texte relatif à l’emploi des seniors.

Il est sans doute trop tôt pour évaluer l’impact effectif de cette politique. Mais il est au moins clair que la menace de pénalités financières a entraîné une mobilisation rapide des entreprises. Celles-ci, ayant le choix entre la conclusion d’accords collectifs ou la définition unilatérale de plans d’action, ont su trouver, dans des délais brefs, un accord avec les représentants des salariés trois fois sur dix.

La loi, en utilisant à bon escient l’instrument fiscal, peut donc inciter efficacement au dialogue social. Et il convient de garder en mémoire que cet instrument fiscal, en affichant des objectifs à atteindre pour les entreprises, vise à faire évoluer les comportements par le biais de calculs d’intérêt financier à court terme, mais aussi en mobilisant leur responsabilité sociale.

La loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances a instauré une majoration de 0,1 % de la taxe d’apprentissage pour les entreprises de 250 salariés et plus n’atteignant pas un certain quantum de jeunes de moins de 26 ans en contrat de professionnalisation ou d’apprentissage dans leur effectif. Elle a prévu un relèvement progressif du quantum d’alternants à atteindre : 1 % des effectifs de l’entreprise en 2006, 2 % en 2007 et 3 % à partir de 2008.

La loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008 a ensuite légèrement aménagé ce dispositif en prévoyant la prise en compte de l’ensemble des salariés (jeunes ou non) en contrat de professionnalisation ou d’apprentissage.

La loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie a apporté à son tour plusieurs modifications. Elle a affecté la majoration de taxe d’apprentissage, désormais dénommée « contribution supplémentaire à l’apprentissage », au fonds national de développement et de modernisation de l’apprentissage (FNDMA) ; son produit était auparavant réparti uniformément sur l’ensemble des fractions de la taxe d’apprentissage. Elle a également aménagé le champ des personnes prises en compte dans le quantum à atteindre : outre les salariés en contrat de professionnalisation et d’apprentissage, il convient de décompter les jeunes accomplissant un volontariat international en entreprise et ceux bénéficiant d'une convention industrielle de formation par la recherche (CIFRE).

Le rendement actuel de la contribution supplémentaire est évalué, dans les évaluations annexées au présent projet de loi, à 67 millions d’euros. 80 % environ des entreprises de plus de 250 salariés y seraient assujetties.

On rappelle que le FNDMA, auquel elle revient, est par ailleurs alimenté par l’affectation obligatoire d’une fraction du produit global de la taxe d’apprentissage (prélevée sur le « quota »), dont le taux est fixé à 22 % (article D. 6241-9 du code du travail). En 2009, les ressources du fonds à ce titre auraient atteint 437 millions d’euros (11). S’y ajoute donc désormais le produit de la contribution supplémentaire.

Les moyens du fonds sont divisés en deux sections : 42 % sont affectés à une section de péréquation, qui a pour vocation de compenser les disparités de la taxe d’apprentissage perçue directement par les centres de formation d’apprentis et sections d’apprentissage de chaque région ; 58 % le sont à une seconde section destinée essentiellement au financement des contrats d’objectifs et de moyens pour le développement de l’apprentissage (COM), mis en place en 2005 afin d’accroître les effectifs de jeunes en apprentissage. La montée en puissance de ces contrats a conduit à mobiliser en leur faveur 315 millions d’euros en 2009 sur cette seconde section (contre 117 millions en 2005, 197 millions en 2006, 245 millions en 2007 et 260 millions en 2008).

L’affectation de la contribution supplémentaire au FNDMA a donc permis d’accompagner l’accroissement de l’effort d’investissement pour le développement de l’apprentissage.

Il est difficile de mesurer l’impact qu’a pu avoir l’instauration, encore récente, de la contribution supplémentaire sur les comportements des entreprises de plus de 250 salariés qui y sont assujetties.

Ce qu’on constate en tout état de cause, c’est que l’alternance reste essentiellement le fait des plus petites entreprises, comme on le voit sur le tableau ci-après :

– celles de moins de dix salariés, qui représentent à peu près le quart de l’emploi global, ont accueilli en 2009 trois apprentis et deux contrats de professionnalisation sur cinq ;

– à l’autre bout du spectre, l’investissement dans l’alternance des structures de plus de 200 salariés n’est pas négligeable, puisque leur part dans l’ensemble des contrats de professionnalisation est sensiblement égale à leur part dans l’emploi global, cette part étant en revanche un peu plus faible pour les contrats d’apprentissage ;

– c’est en fait dans la classe des 50-200 salariés – les « grosses PME » – que l’alternance est la moins présente, avec, pour près de 24 % de l’emploi global, seulement 7 % de l’ensemble des apprentis et 13 % de l’ensemble des contrats de professionnalisation.

Structure de l’emploi selon la taille de l’établissement employeur en 2009

(en %)

 

Ensemble des salariés (affiliés à l’assurance chômage)

Apprentis (embauchés en 2009)

Contrats de professionnalisation (embauchés en 2009)

Jusqu’à 4 salariés

12,4

40

28

5 à 9 salariés

12,4

18,3

13,9

10 à 49 salariés

29

19,8

22,4

50 à 199 salariés

23,7

7,4

13,3

Plus de 200 salariés

22,5

14,5

22,3

Total

100

100

100

Sources : DARES, « Analyses », n° 2010-047, juillet 2010, et n° 2011-010, février 2011 ; Unistatis (assurance chômage).

Ces constats laissent à penser qu’il y a place pour un renforcement de l’incitation financière à l’alternance tant dans les grandes entreprises que dans celles de plus petite taille, notamment de taille moyenne, même si d’autres instruments doivent aussi, de toute évidence, être sollicités, notamment en matière d’accompagnement des employeurs dans leur démarche de recours à l’alternance.

Pour ce qui est des entreprises de moins de 250 salariés, cette incitation est l’objet du décret n° 2011-523 du 16 mai 2011 qui a été présenté supra, lequel crée une aide financière pour les embauches supplémentaires de jeunes en contrat d’apprentissage ou de professionnalisation (sauf contrats d’apprentissage dans les entreprises soit comportant moins de onze salariés, soit artisanales) ; le montant de cette aide est compris entre 321 et 963 euros par contrat d’apprentissage et entre 1 081 et 1 835 euros par contrat de professionnalisation.

Le présent article 8 a, quant à lui, pour objet de renforcer l’incitation à l’alternance dans les entreprises de plus de 250 salariés, dans une logique de « bonus-malus ».

Le présent article 8 prévoit en premier lieu, c’est l’objet de ses paragraphes I et II (alinéas 1 à 14), l’institution d’un nouveau compte d’affectation spéciale intitulé : « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage ».

On rappelle qu’un compte d’affectation spéciale s’inscrit dans le budget de l’État, selon l’article 21 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, pour retracer, « dans les conditions prévues par une loi de finances, des opérations budgétaires financées au moyen de recettes particulières qui sont, par nature, en relation directe avec les dépenses concernées ». Ce texte prévoit par ailleurs des dispositions pour protéger les comptes d’affectation spéciale contre la tentation, toujours présente, de prélèvements au profit du budget général, tout en garantissant leur équilibre : « sauf dérogation expresse prévue par une loi de finances, aucun versement au profit du budget général, d’un budget annexe ou d’un compte spécial ne peut être effectué à partir d’un compte d’affectation spéciale. En cours d’année, le total des dépenses engagées ou ordonnancées au titre d’un compte d’affectation spéciale ne peut excéder le total des recettes constatées, sauf pendant les trois mois suivant sa création. Durant cette dernière période, le découvert ne peut être supérieur à un montant fixé par la loi de finances créant le compte. Si, en cours d'année, les recettes effectives sont supérieures aux évaluations des lois de finances, des crédits supplémentaires peuvent être ouverts (…). Les autorisations d’engagement et les crédits de paiement disponibles en fin d’année sont reportés sur l’année suivante (…) ».

La création d’un compte d’affectation spéciale apparaît donc comme un moyen efficace de sanctuariser les moyens destinés à l’apprentissage. Le nouveau compte prendra la suite de l’actuel fonds national de développement et de modernisation de l’apprentissage (FNDMA) : il reprendra le solde de ce fonds (paragraphe II-alinéa 13), ainsi que ses ressources et ses attributions actuelles.

En effet, comme le FNDMA aujourd’hui, le nouveau compte d’affectation sera alimenté par une fraction de la taxe d’apprentissage (actuellement 22 % de celle-ci), la contribution supplémentaire à l’apprentissage et les fonds reversés à titre de sanction, suite à des contrôles, par les organismes collecteurs ou affectataires de la taxe d’apprentissage. D’éventuels fonds de concours sont également mentionnés.

En dépenses, le nouveau compte, comme l’actuel FNDMA, apportera des financements complémentaires de péréquation aux centres de formation d’apprentis (CFA) et financera les contrats d’objectifs et de moyens (COM), ainsi que d’éventuelles actions nationales de communication et de promotion de l’apprentissage. Il serait souhaitable que la substitution du nouveau dispositif au FNDMA, même s’il en reprend les rubriques de charges existantes, s’accompagne d’une remise à plat des règles de péréquation entre CFA, afin notamment qu’il soit tenu compte, dans l’évaluation de leurs ressources réelles, de l’avantage que représente pour certains la mise à disposition de locaux, de matériels ou d’enseignants.

Par rapport au FNDMA, il est proposé d’ajouter, dans les rubriques de dépenses du nouveau compte, le versement, aux entreprises de 250 salariés et plus qui dépasseront le seuil de 4 % d’alternants (posé par la modification de l’article 230 H du code général des impôts : voir infra), d’aides à l’emploi en alternance, dans des conditions fixées par décret (alinéa 11). Il s’agit là de la base légale du système de « bonus » annoncé par le Président de la République dans son discours du 1er mars 2011 à Bobigny, bonus qui pourrait représenter 400 euros annuels par contrat d’alternance supplémentaire au-delà du seuil des 4 % et jusqu’à un objectif de 6 %.

Conformément aux dispositions organiques rappelées supra, le nouveau compte d’affectation spéciale ne pourra être en découvert que durant ses trois premiers mois d’existence, dans la limite de 320 millions d’euros (alinéa 14).

Le paragraphe III du présent article (alinéas 15 à 28) modifie le régime de la contribution supplémentaire à l’apprentissage des entreprises de 250 salariés et plus qui a été décrite supra.

Il s’agit de rendre ce dispositif plus incitatif, en relevant de 3 % à 4 % l’objectif d’alternants dans l’effectif des entreprises et en accroissant le taux de la contribution pour celles qui restent les plus éloignées de cet objectif (moins de 1 % d’alternants dans l’effectif).

Il s’agit aussi de rendre plus équitable le dispositif, en prévoyant une modulation du taux de la contribution : à un taux unique de 0,1 % (sur la masse salariale), il est proposé de substituer un taux progressif (de 0,05 % à 0,3 %) selon l’éloignement des redevables par rapport à l’objectif de 4 % d’alternants et leur taille. Le tableau ci-après récapitule la réforme proposée.

La contribution supplémentaire à l’apprentissage : avant et après réforme

Taux d’alternants dans les entreprises

Taux de la contribution : régime actuel

Taux de la contribution : projet de loi

Au moins 4 % d’alternants

-

-

3 % à moins de 4 % d’alternants

-

0,05 %

1 % à moins de 3 % d’alternants

0,1 %

0,1 %

Moins de 1 % d’alternants :

 

– Jusqu’à 2 000 salariés

0,2 %

– Plus de 2 000 salariés

0,3 %

Selon les évaluations annexées au présent projet de loi, le rendement supplémentaire consécutif, la première année, aux modifications proposées serait limité – 5 à 10 millions d’euros – car le plus grand nombre des entreprises affichent des taux d’alternants compris entre 1 % et 3 % et ne connaîtront donc pas de changement de situation. Mais le but de la présente mesure n’est pas à proprement parler financier ; en relevant de 3 % à 4 % l’objectif à atteindre en termes de taux d’alternants, il s’agit de créer une dynamique, sachant que l’engagement des entreprises peut être influencé par les considérations financières immédiates, mais aussi et surtout par leur volonté de développement économique, leur sens de la responsabilité sociale et le souci de leur image.

La fin du paragraphe III et les paragraphes IV et V (alinéas 27 à 33) correspondent à des mesures de coordination.

Le paragraphe VI (alinéa 34) dispose que les nouveaux taux de la contribution supplémentaire sont applicables dès 2012, sur les rémunérations et compte tenu des effectifs d’alternants de 2011.

II. INDEMNISATION DES VICTIMES DU BENFLUOREX

L’article 22 du présent projet de loi tend à instituer une procédure d’indemnisation spéciale, simple et gratuite, pour les victimes de dommages résultant de la prise de benfluorex.

Votre rapporteur pour avis ne reviendra pas ici sur les caractéristiques et les dangers de cette substance, qui constitue le principe actif d’un médicament exploité entre 1976 et 2009 par les Laboratoires Servier sous le nom commercial de Mediator®. En effet, il consacrera en juin un rapport d’information sur ce sujet au nom de la mission d’information sur le Mediator® et la pharmacovigilance créée le 12 janvier dernier par la Commission des affaires sociales, dont notre collègue Gérard Bapt est le président. On rappellera seulement qu’il est établi que le benfluorex provoque des valvulopathies et de l’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP), maladie rare et mortelle.

Ainsi, avoir pris du benfluorex peut entraîner de lourds préjudices. Pour faciliter l’indemnisation des victimes, le présent article tend à créer une procédure administrative d’indemnisation transactionnelle inspirée du dispositif public d’indemnisation non-contentieuse des accidents médicaux de droit commun.

I. LES PROCÉDURES DE DROIT COMMUN NE SONT PAS ADAPTÉES AU CAS DU BENFLUOREX

Comme toute victime d’un dommage résultant d’un risque sanitaire, les victimes du benfluorex peuvent rechercher la responsabilité du fabricant du médicament et des autres acteurs de santé concernés pour obtenir réparation de leurs préjudices. Le régime de responsabilité applicable dépend de l’acteur de santé en cause ; ainsi, la responsabilité du fabricant d’un produit défectueux est engagée sans faute, alors que la responsabilité civile des professionnels et établissements de santé n’est engagée qu’en cas de faute. Mais quel que soit le régime de responsabilité applicable, la victime peut choisir de demander réparation de ses dommages soit par voie judiciaire, soit par voie transactionnelle.

Toutefois, dans tout litige de ce type, choisir la procédure contentieuse expose la victime à des délais et à des frais qui compliquent son indemnisation. C’est pour éviter aux victimes ces frais et ces délais que la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé a institué un dispositif public d’indemnisation non-contentieuse, organisé autour de commissions régionales de concertation et d’indemnisation (CRCI). Si cette procédure s’est avérée efficace dans la plupart des cas, elle n’est pas parfaitement adaptée au traitement d’un grand nombre de litiges impliquant un seul et même médicament tel que le benfluorex.

 Un régime de responsabilité sans faute, dérogatoire du droit commun

Les articles 1386-1 à 1386-18 du code civil instituent un régime spécial de responsabilité du fait des produits défectueux : la responsabilité du fabricant est engagée de plein droit, même en l’absence de faute, au titre des dommages qui résultent d’une atteinte à la personne causée par un défaut de son produit.

L’article 1386-3 du même code donne une définition très extensive de la catégorie de « produit », qui inclut les médicaments. L’article 1386-4 définit le caractère défectueux d’un produit comme le fait de ne pas offrir « la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre », c'est-à-dire qu’il présente un caractère anormalement dangereux. À cet égard, on soulignera que le fait de bénéficier d’une autorisation de mise sur le marché n’exonère pas son exploitant de sa responsabilité : en effet, l’article 1386-10 dispose que « le producteur peut être responsable du défaut alors même que le produit a été fabriqué dans le respect des règles de l’art ou de normes existantes ou qu’il a fait l’objet d’une autorisation administrative ».

L’article 1386-9 précise les conditions de preuve que doit satisfaire la victime pour obtenir réparation de ses dommages : celle-ci doit apporter la preuve de son dommage, du défaut du produit et du lien de causalité entre l’un et l’autre.

Dès lors que ces éléments de preuve sont réunis, le fabricant est responsable de plein droit des dommages, sauf à ce qu’il puisse invoquer la faute de la victime ou l’une au moins des deux causes d’exonération suivantes :

– que « le défaut est dû à la conformité du produit avec des règles impératives d’ordre législatif ou réglementaire » ;

– que l’état des connaissances scientifiques et techniques, au moment où il a mis le produit en circulation, n’a pas permis de déceler l’existence du défaut.

Ce régime de responsabilité est dérogatoire au droit commun de la responsabilité civile. Il déroge aussi au régime de responsabilité institué par la loi précitée du 4 mars 2002, qui subordonne à la commission d’une faute l’engagement de la responsabilité des professionnels, établissements et autres acteurs de santé.

 La détermination du régime applicable à chaque victime

Le régime actuel de responsabilité sans faute du fait des produits défectueux institué par les articles 1386-1 à 1386-18 du code civil n’est pas applicable à l’ensemble des victimes du benfluorex :

– soit en raison des délais encadrant l’introduction de l’action en réparation sur le fondement de ce régime ;

– soit pour des raisons tenant au régime de responsabilité applicable à la date de mise en circulation des lots de médicaments concernés.

L’introduction de l’action en réparation sur le fondement des articles 1386-1 à 1386-18 du code civil est en effet enserrée par deux délais très stricts :

– selon l’article 1386-16, l’action ne peut plus être introduite dix ans après la mise en circulation du produit. La notion de « mise en circulation » est définie par l’article 1386-5, qui dispose qu’« un produit est mis en circulation lorsque le producteur s'en est dessaisi volontairement » et qu’« un produit ne fait l'objet que d'une seule mise en circulation ». D’après les précisions fournies à votre rapporteur par le cabinet du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, pour le cas de produits fabriqués en série, ces dispositions sont interprétées par la première chambre civile de la Cour de Cassation comme signifiant qu’il y a autant de mise en circulation du produit que de commercialisation de lots de produits ;

– en application de l’article 1386-17, l’action doit être introduite dans les trois ans à compter de la date à laquelle la victime a et, ou aurait dû avoir, connaissance du dommage, du défaut et de l’identité du producteur.

Ainsi, en dehors de ces délais, la victime ne peut plus introduire d’action en indemnisation sur le fondement du régime de responsabilité sans faute du fait des produits défectueux.

Par ailleurs, les règles de responsabilité applicables aux producteurs de médicaments défectueux ont évolué pendant la durée de la commercialisation du Mediator®. En conséquence, le régime applicable à chaque victime du benfluorex dépend de la date de mise en circulation des lots de médicament concernés.

En effet, le régime actuel décrit supra a été institué par la loi n° 98-389 du 19 mai 1998 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux, qui a transposé en droit français la directive communautaire 85/374/CEE du Conseil, du 25 juillet 1985, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux. L’article 21 de la loi du 19 mai 1998 dispose que ce régime est applicable « aux produits dont la mise en circulation est postérieure à la date d'entrée en vigueur de [cette] loi, même s'ils ont fait l'objet d'un contrat antérieur », c'est-à-dire qu’il s’applique aux litiges relatifs à des lots de Mediator® commercialisés entre le 20 mai 1998, date d’entrée en vigueur de la loi, et le 30 novembre 2009, date de suspension de son autorisation de mise sur le marché.

Toutefois, la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes imposait aux juridictions françaises d’appliquer les apports essentiels de la directive précitée pour les contentieux impliquant des lots commercialisés à compter de la date à laquelle cette directive aurait du être transposée, fixée au 31 juillet 1988. Ainsi, pour la réparation des dommages causés par des lots de médicaments commercialisés entre cette date et le 20 mai 1998, les tribunaux appliquent le droit commun de la responsabilité civile fondé sur les articles 1147 et 1382 du code civil, tout en l’interprétant « à la lumière » des dispositions de la directive (12), ce qui dispense notamment les victimes d’apporter la preuve d’une faute du fabricant du médicament.

Quant aux contentieux liés à des lots de Mediator® commercialisés avant le 31 juillet 1988, ils se voient appliquer les règles classiques de responsabilité, établies par l’article 1147 du code civil pour la responsabilité contractuelle, et par l’article 1382 du même code pour la responsabilité civile.

Il est loisible à toute victime du benfluorex de rechercher devant les tribunaux la responsabilité des professionnels et des établissements de santé, notamment des prescripteurs du médicament, dans ses préjudices.

Toutefois, le régime de responsabilité applicable ne l’incite pas à rechercher la responsabilité du prescripteur plutôt que celle du fabricant du médicament. En effet, à la différence de ce qui est prévu par le code civil en matière de responsabilité sans faute du fait de produits défectueux, l’article L. 1142-1 du code de la santé publique, issu de la loi précitée du 4 mars 2002, fait obligation à la victime de prouver la faute du professionnel de santé – et en l’absence de faute, ne lui permet d’obtenir réparation au titre de la solidarité nationale que si ses préjudices sont d’une particulière gravité (cf. infra).

Comme dans tout litige tendant à l’indemnisation d’un accident médical, il est loisible à la victime de dommages imputables au benfluorex de transiger directement avec le responsable de ses dommages ou son assureur.

Comme le note notre collègue Guénhaël Huet dans un récent rapport (13), cette voie peut présenter l’avantage d’une relative rapidité, mais elle a l’inconvénient majeur de reposer sur une négociation déséquilibrée, entre deux parties aux moyens juridiques et financiers très différents. Cette inégalité des armes serait particulièrement nette dans le cas des victimes du Mediator®, qui a pour principal exploitant un laboratoire de dimension internationale.

Elle risque donc de conduire à ce que les victimes acceptent des offres d’indemnisation insuffisantes au regard des préjudices qu’elles ont subi.

Les victimes du benfluorex ont la possibilité d’introduire devant le juge compétent une action en réparation contre l’exploitant du médicament qui a causé leurs dommages.

D’après les déclarations faites à votre rapporteur par MM. Claude Lienhard et Frédéric Bibal, représentants de l’Association nationale des avocats de victimes de dommages corporels (ANADAVI), le montant des indemnités allouées en réparation des dommages est généralement plus élevé dans le cadre du règlement contentieux de ces litiges que de leur règlement amiable.

La procédure contentieuse présente cependant trois inconvénients principaux pour les victimes :

– elle est coûteuse, car les victimes doivent se faire assister d’un avocat et prendre à leur charge les frais d’expertise, au moins dans un premier temps ;

– elle est relativement lente : d’après les statistiques fournies à votre rapporteur par le cabinet du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, la durée moyenne d’une procédure contentieuse de premier ressort atteint plus de deux ans devant les juridictions civiles, délai auquel peuvent s’ajouter la durée des recours en appel et en cassation ;

– elle n’est pas de nature à apaiser les conflits : à titre d’exemple, le rapport précité de notre collègue Guénhaël Huet souligne que les mises en causes juridictionnelles tendant à l’indemnisation des infections nosocomiales étaient « particulièrement pénibles pour les professionnels de santé et s’accompagnaient généralement d’un fort ressentiment entre les soignants et les soignés »

Comme pour tous les litiges tendant à l’indemnisation d’accidents médicaux, la victime d’un dommage imputable à un médicament peut, en l’état du droit, saisir une commission régionale de conciliation et d’indemnisation (CRCI).

Ces commissions ont été instituées par la loi précitée du 4 mars 2002, qui a opéré une « déjudiciarisation » du traitement de ces litiges, afin d’en accélérer et d’en pacifier le règlement et de pallier les inconvénients des deux voies d’indemnisation susmentionnées.

Ces commissions sont ainsi investies d’une double mission :

– d’une part, elles sont chargées par les articles L. 1142-5 et L. 1142-7 du code de la santé publique d’une mission de conciliation, au bénéfice de toutes les victimes, quelle que soit la gravité de leurs préjudices ;

– d’autre part, en application de l’article L. 1142-8 du même code, elles sont compétentes pour engager une procédure de règlement amiable des litiges lorsque les dommages répondent à certains critères de gravité (cf. infra).

Dans le second cas, les commissions rendent un « avis sur les circonstances, les causes et l’étendue des dommages, ainsi que sur le régime d’indemnisation applicable », au vu duquel l’assureur du responsable fautif – ou, en l’absence de faute, l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) – présente une offre d’indemnisation tendant à la réparation intégrale des préjudices subis par la victime. L’acceptation de l’offre par la victime vaut alors règlement transactionnel du litige.

Ainsi, la CRCI constituent une sorte de « guichet unique » dans la réparation des dommages, dans la mesure où elle est compétente pour traiter les demandes des victimes quel que soit le régime juridique applicable à leur cas :

– soit au titre de la responsabilité civile en cas de faute d’un professionnel, d’un établissement ou d’un autre acteur de santé, suivant une procédure fixée par les articles L. 1142-14 et L. 1142-15 du code de la santé publique ;

– soit, en l’absence de faute, au titre de la solidarité nationale, suivant les dispositions du II de l’article L. 1142-1 et de l’article L. 1142-17 du même code.

En application des articles L. 1142-6 et R. 1142-5 de ce code, chaque CRCI est présidée par un magistrat et composée de façon à mettre en présence toutes les catégories de personnes intéressées par la réparation des dommages (cf. l’encadré ci-après), ce qui en fait un véritable lieu de concertation.

La composition des commissions régionales de conciliation et d’indemnisation (CRCI)

En application des articles L. 1142-6 et R. 1142-5 du code de la santé publique, chaque commission régionale est présidée par un magistrat de l’ordre administratif ou de l’ordre judiciaire, en activité ou honoraire et comprend les membres suivants :

1° six représentants des usagers proposés par les associations agréées ;

2° trois représentants des professionnels de santé désignés après avis des syndicats représentatifs, parmi lesquels :

– deux représentants des praticiens libéraux, dont un médecin ;

– un praticien hospitalier ;

3° trois représentants des institutions et établissements publics et privés de santé, désignés après avis des principales fédérations concernées, dont :

– un responsable d'établissement public de santé ;

– un responsable d'établissement privé à but non lucratif ;

– un responsable d'établissement privé à but lucratif.

4° le président du conseil d'administration et le directeur de l’ONIAM ou leurs représentants ;

5° deux représentants des entreprises qui pratiquent l’assurance de responsabilité civile médicale ;

6° quatre personnalités qualifiées dans le domaine de la réparation des préjudices corporels.

Vingt-trois CRCI ont été créées. Elles ont le statut de commissions administratives sans personnalité juridique, et leurs moyens de fonctionnement leur sont fournis par l’ONIAM, institué par la loi du 4 mars 2002 précitée pour indemniser les victimes d’accidents médicaux soit au titre de la solidarité nationale en cas d’aléa thérapeutique, soit par substitution au responsable du dommage en cas d’accident pour faute.

En tout état de cause, la saisine d’une CRCI est toujours facultative, et ne prive aucunement la victime de son droit de demander réparation de ses préjudices devant un tribunal. En effet, cette saisine ne constitue pas un préalable obligatoire à l’introduction d’une action devant une juridiction. L’article L. 1142-7 du code de la santé publique organise d’ailleurs l’articulation entre la procédure non-contentieuse devant les CRCI et la procédure contentieuse :

– afin d’éviter qu’un seul et même préjudice fasse d’objet d’une double indemnisation, cet article fait obligation à la victime d’informer la commission régionale des procédures juridictionnelles en cours relatives aux mêmes faits et, inversement, d’informer le juge de la saisine de la commission ;

– afin que la saisine d’une CRCI ne défavorise pas la victime, cette saisine suspend les délais de prescription et de recours contentieux jusqu’au terme de la procédure transactionnelle.

La création des CRCI a permis de « déjudiciariser » l’indemnisation des accidents médicaux : on a en effet constaté un transfert massif des litiges vers les CRCI depuis la loi du 4 mars 2002. Le rapport 2010 de l’observatoire des risques médicaux indique d’ailleurs que pour la période 2006–2010, 70 % des litiges ont été réglés par voie amiable, parmi lesquels 80 % ont fait l’objet d’un avis d’une CRCI. M. Dominique Martin, directeur de l’ONIAM, a estimé devant votre rapporteur que ces éléments témoignaient du « franc succès » du dispositif public d’indemnisation transactionnel créé par la loi du 4 mars 2002, dont témoigne la croissance rapide du nombre d’entrées dans le dispositif (cf. tableau ci-après).

Nombre d’entrées dans le dispositif d’indemnisation

 

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

Dossiers

1907

3553

2728

2736

3446

3561

3615

4117

Moyenne mensuelle

 

296

227

228

287

297

301

343

Source : rapport d’activité de l’ONIAM pour 2010

Mme Marie-Annick Lambert, administratrice du Collectif interassociatif sur la santé (CISS) a également fait valoir devant votre rapporteur pour avis que ce dispositif a permis l’indemnisation de victimes qui, sans une procédure simple comme celle des CRCI, auraient renoncé à demander réparation de leur dommage, découragées par la complexité, la lenteur ou le coût d’une procédure judiciaire.

Il faut souligner que la procédure devant la CRCI est organisée de façon à assurer à la victime une indemnisation rapide, sans attendre que la répartition des responsabilités soit définitivement établie. En effet, l’article L. 1142-14 prévoit la possibilité pour l’assureur de la personne considérée comme responsable par la CRCI d’accepter de transiger avec la victime, avant de se retourner à titre subrogatoire contre les personnes qu’il tient pour responsables du dommage, ou contre l’ONIAM le cas échéant. Surtout, l’article L. 1142-15 prévoit qu’en cas de silence ou de refus explicite de l’assureur de faire une offre d’indemnisation, ainsi qu’en cas de défaut d’assurance, la victime est indemnisée par l’ONIAM, avec charge pour celui-ci de se retourner ensuite contre le responsable des dommages.

Au vu du bilan des CRCI, il parait souhaitable que les victimes du benfluorex puissent bénéficier, comme toutes les victimes d’accidents médicaux, d’un dispositif public d’indemnisation non-contentieuse. Surtout, l’intervention de la collectivité publique dans leur indemnisation est d’autant plus nécessaire, que même après plusieurs mois de discussions, les Laboratoires Servier n’avaient pas proposé de système permettant d’indemniser les victimes dans des conditions jugées satisfaisantes par le Gouvernement et les associations de victimes.

L’article 101 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé a prévu expressément que le dispositif d’indemnisation institué par cette loi ne s’applique qu’aux accidents médicaux, affections iatrogènes et infections nosocomiales consécutifs à des activités de prévention, de diagnostic ou de soins réalisées à compter du 5 septembre 2001.

Or le Mediator® a été mis en circulation en 1976. Selon les estimations de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), on peut estimer à plus de 144 millions le nombre de boîtes de Mediator® vendues entre 1976 et 2009, dont environ 88 millions avant 2001. Une part importante des victimes du benfluorex a ainsi pris ce traitement avant le 5 septembre 2001, ce qui rendrait leurs demandes d’indemnisation irrecevables devant les CRCI.

Outre que l’application des règles actuelles de recevabilité des demandes devant les CRCI priverait certaines victimes d’un dispositif d’indemnisation qui a fait la preuve de son efficacité, elle induirait une inégalité difficilement justifiable entre les victimes du benfluorex en fonction de la date à laquelle elles ont été exposées à cette substance.

Les articles L. 1142-8 et D. 1142-1 du code de la santé publique disposent que la CRCI n’émet un avis sur le dossier d’une victime que lorsque les dommages subis présente un caractère de gravité défini par les critères suivants :

– un taux d’atteinte temporaire permanente à l’intégrité physique ou psychique au moins égal à 24 % ;

– ou un arrêt temporaire des activités professionnelles d’au moins six mois consécutifs ou six mois non consécutifs sur une période de douze mois.

L’article D. 1142-1 précise qu’« à titre exceptionnel », le caractère de gravité peut être reconnu lorsque la victime est déclarée définitivement inapte à exercer l'activité professionnelle qu'elle exerçait avant la survenue de l'accident, ou lorsque l'accident occasionne des « troubles particulièrement graves, y compris d'ordre économique, dans ses conditions d'existence ».

Toutefois, les CRCI évaluent le taux d’incapacité de la victime en appliquant un barème, établi par le décret n° 2003-314 du 4 avril 2003, qui fixe pour les maladies de l’appareil cardiovasculaire dont sont atteintes les victimes du benfluorex des taux d’incapacité qui peuvent être inférieurs à 24 %. Tel est notamment le cas pour la plupart des valvulopathies de grade 1 et 2, ainsi que pour certains valvulopathies de grade supérieur lorsqu’elles ont été opérées avec succès. Ainsi, l’application des seuils de compétence des CRCI conduirait à ne pas reconnaître la gravité des dommages subis par un grand nombre de victimes du benfluorex, et de ce fait, à les exclure du dispositif d’indemnisation amiable.

Ces victimes ne pourraient alors saisir les CRCI que d’une simple demande de conciliation, mission que les commissions peuvent déléguer à des conciliateurs extérieurs. Or l’analyse de l’activité des CRCI fait apparaître une nette référence des victimes pour la procédure d’indemnisation, plutôt que pour la procédure de conciliation : selon le rapport d’activité de l’ONIAM pour 2010, les CRCI ont reçu 4 117 demandes d’indemnisation en 2010, contre seulement 249 demandes de conciliation.

Les services compétents du ministère du travail, de l’emploi et de la santé ont indiqué à votre rapporteur pour avis qu’ils ne disposaient pas de prévisions précises quant au nombre de demandes d’indemnisation qui pourraient être déposées par des victimes du benfluorex. Ils indiquent cependant que parmi les 5 millions de personnes qui, en France, ont pris du benfluorex entre 1976 et 2009, 2,9 millions en ont pris pendant plus de trois mois.

Ainsi, le nombre de dossiers d’indemnisation déposés par les victimes du benfluorex pourrait représenter une surcharge d’activité considérable pour les CRCI au regard de leur niveau d’activité actuel. Selon l’ONIAM, les commissions ont en effet tenu 225 réunions en 2010 et traité 4 117 demandes d’indemnisation. Or, la croissance régulière du nombre de dossiers soumis aux CRCI – en hausse de 14 % en 2010 – a eu pour conséquence un allongement significatif des délais d’instruction, qui dépasse le délai maximal fixé à six mois par l’article L. 1142-8 comme le montre le tableau ci-après.

Délai moyen d’instruction des dossiers déposés au CRCI

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

5,3

7,5

9,7

8,5

7,4

8,3

8,5

Source : rapport d’activité de l’ONIAM pour 2010

L’évaluation préalable jointe au projet de loi indique qu’en conséquence, « le risque serait extrêmement fort que les CRCI se trouvent dans l’incapacité de procéder à un règlement rapide » des dossiers relatifs au benfluorex.

En outre, la complexité des litiges liés au Mediator® rend nécessaire le recrutement de personnels spécialisés. L’évaluation préalable précitée indique que sur les 5 millions d’euros de crédits ouverts au sein de la mission « Santé » pour la mise en place du dispositif d’indemnisation amiable de ces litiges, un million d’euros est consacré à des dépenses de personnels, notamment au recrutement de dix agents en équivalents temps-plein – il s’agira d’un juriste chargé du pilotage de trois groupes, eux-mêmes composés de deux indemnisateurs et d’un assistant.

Or, le fonctionnement des vingt-trois CRCI existantes repose sur des moyens administratifs répartis en sept secrétariats interrégionaux. Il parait difficile de disperser en sept structures les moyens supplémentaires alloués pour l’indemnisation des victimes du benfluorex. Ainsi, une procédure plus centralisée que celle des CRCI permettra de mutualiser certaines compétences techniques.

Comme le souligne l’évaluation préalable précitée, il ne s’est encore jamais présenté d’autre cas de défaut d’un médicament susceptible d’avoir causé des dommages corporels à un grand nombre de personnes, y compris des cas très graves, pendant une aussi longue période. Il s’agit donc d’une question médico-légale nouvelle, qui doit être traitée suivant des orientations établies par des personnes disposant à la fois :

– d’une vue d’ensemble des différents cas, afin d’éviter que des cas similaires fassent l’objet d’avis divergents ;

– d’un niveau d’expertise élevé, y compris s’agissant des dommages moins graves que ceux qui entrent dans le champ de compétence des CRCI (taux d’incapacité supérieur à 24 %).

Comme le souligne l’évaluation préalable du présent article, il n’est pas garanti que les experts choisis au niveau régional dans le ressort de chaque CRCI aient à la fois une telle vue d’ensemble et un degré d’expertise suffisant. Il faut par exemple un niveau d’expertise élevé pour apprécier l’imputabilité des dommages au benfluorex, élément clé de la procédure, qui permet l’engagement de la responsabilité de l’exploitant du médicament.

Ainsi, il serait dans l’intérêt des victimes du benfluorex de pouvoir bénéficier d’un dispositif public d’indemnisation amiable de leurs dommages, mais le dispositif existant n’est pas adapté à leurs litiges. Le projet de loi propose d’instituer un dispositif ad hoc, inspiré du dispositif actuel.

II. LE TEXTE TEND À INSTITUER UN DISPOSITIF D’INDEMNISATION AMIABLE SPÉCIFIQUE POUR LES VICTIMES DU BENFLUOREX

Pour permettre à toutes les victimes du benfluorex, sans distinction d’ancienneté du fait générateur de leur dommage ou de gravité de celui-ci, d’accéder à un dispositif public d’indemnisation non-contentieuse, deux options sont envisageables :

– la première consisterait à déroger à certaines règles de recevabilité des demandes ou d’organisation de l’instruction des dossiers devant les CRCI ;

– la seconde consiste à instituer un dispositif administratif spécifique d’indemnisation amiable, parallèle aux CRCI.

Le Gouvernement a opté pour la seconde option, et a confié à l’ONIAM la gestion du nouveau dispositif d’indemnisation. D’après les explications fournies au rapporteur par le cabinet du ministre, ce choix s’explique notamment par la crainte qu’une dérogation aux critères de recevabilité des demandes dans la procédure de droit commun ne crée de la confusion pour les victimes et, à terme, ne déstabilise un dispositif qui donne largement satisfaction.

À des fins de coordination avec le III du présent article, qui étend les missions de l’ONIAM dans le cadre du nouveau dispositif d’indemnisation, le I propose de modifier l’article L. 1142-22 du code de la santé publique, qui définit le statut et les missions de l’ONIAM (cf. encadré ci-dessous).

Missions et statut actuels de l’ONIAM

L’Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) est défini comme un établissement public à caractère administratif de l'Etat placé sous la tutelle du ministre chargé de la santé.

Aux termes de l’article L. 1422-22 du code de la santé publique, il a pour mission :

– d’indemniser au titre de la solidarité nationale les victimes de dommages résultant pour tout ou partie d’un aléa thérapeutique

– de se substituer au responsable fautif d’un dommage ou à son assureur lorsque celui-ci refuse d’indemniser la victime malgré l’avis d’une commission régionale de conciliation et d’indemnisation (CRCI), l’office pouvant se retourner ensuite contre le responsable ou son assureur ;

– d’indemniser les victimes de dommages résultant d’une vaccination obligatoire ;

– d’indemniser les victimes de contaminations par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) ou le virus de l’hépatite C (VHC) ayant pour origine une transfusion sanguine ou un produit dérivé du sang ;

– d’indemniser les victimes de dommages résultant de mesures sanitaires d’urgence ;

– d’intervenir dans l'indemnisation des victimes de contamination par l'hormone de croissance extractive par la voie contentieuse.

Il prévoit néanmoins que l’office est chargé de « faciliter le règlement amiable des litiges » relatifs aux dommages causés par l’administration de benfluorex. Cette formulation reprend celle de l’article L. 1142-5 du code de la santé publique, qui charge les CRCI de « faciliter » le règlement des litiges tendant à l’indemnisation des dommages corporels.

Le choix du terme « faciliter » est cohérent avec une orientation fondamentale du présent article, qui ne prévoit l’indemnisation des victimes par l’ONIAM qu’à titre subsidiaire. Comme l’explique l’évaluation préalable, le mécanisme proposé « a pour but de jouer principalement un rôle de facilitateur d’indemnisation » et non, en principe, de se substituer aux responsables. C’est seulement à titre subsidiaire, dans les cas où le responsable lui-même refusera explicitement ou implicitement de faire une offre d’indemnisation, ou fera une offre manifestement insuffisante, que l’ONIAM se substituera à lui pour indemniser la victime rapidement, avant de se retourner contre le responsable.

Le II procède à des modifications de coordination à l’article L. 1142-23 du code de la santé publique, qui énumère les ressources et les charges de l’office.

Le III tend à instituer une procédure non-contentieuse d’indemnisation des dommages imputables à cette substance, dont le régime est fixé par les articles L. 1142-24-1 à L. 1142-24-7 du code de la santé publique.

 L’objet du nouveau dispositif d’indemnisation non-contentieuse

Le texte proposé pour l’article L. 1142-24-1 du code de la santé publique précise deux caractéristiques du nouveau dispositif :

– son objet est d’assurer la réparation « intégrale » des préjudices imputables au benfluorex ;

– il peut être suivi « sans préjudice des actions qui peuvent être exercées conformément au droit commun ». Ainsi, à l’instar de ce qui est prévu aujourd’hui dans le cadre de la procédure d’indemnisation devant les CRCI, la victime pourra suivre concurremment plusieurs procédures d’indemnisation, notamment en saisissant les tribunaux du litige qu’elle soumet également à l’ONIAM. D’ailleurs, la procédure devant l’office suspendra les délais de prescription et de recours contentieux, et la victime aura l’obligation d’informer le juge et l’office des différentes actions qu’elle introduit en vue de la réparation des mêmes dommages.

 Les critères de recevabilité des demandes d’indemnisation

Le texte proposé pour l’article L. 1142-24-2 du code de la santé publique fixe les conditions dans lesquelles la victime peut saisir l’ONIAM, et subordonne la recevabilité des demandes à deux conditions principales :

– la demande doit être introduite par la victime elle-même, son représentant légal, ou ses ayants droit lorsqu’elle est décédée. Cette disposition a pour effet de réserver le nouveau dispositif d’indemnisation aux victimes directes du benfluorex, à l’exclusion des victimes indirectes que pourraient être, par exemple, les membres de la famille de la victime directe ;

– surtout, la victime doit impérativement justifier d’un « déficit fonctionnel » imputable au benfluorex : la demande d’une victime dont les dommages relèveraient d’autres chefs de préjudice, comme le préjudice de souffrances endurées, ne serait pas recevable.

Si la notion de « déficit fonctionnel » n’a pas de définition légale précise, elle est définie par la nomenclature de référence pour la définition des différents chefs de préjudice, proposée par M. Jean-Pierre Dintilhac en juillet 2005 (14), qui distingue le déficit fonctionnel « temporaire » et « permanent » et en donne les définitions présentées dans l’encadré ci-après.

Définitions du déficit fonctionnel temporaire et du déficit fonctionnel permanent

● Déficit fonctionnel temporaire (avant consolidation des dommages) :

Ce poste de préjudice cherche à indemniser l’invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique, c’est à dire jusqu’à sa consolidation. Cette invalidité par nature temporaire est dégagée de toute incidence sur la rémunération professionnelle de la victime, laquelle est d’ailleurs déjà réparée au titre du poste « Pertes de gains professionnels actuels ».

A l’inverse, elle va traduire l’incapacité fonctionnelle totale ou partielle que va subir la victime jusqu’à sa consolidation. Elle correspond aux périodes d’hospitalisation de la victime, mais aussi à la « perte de qualité de vie et à celle des joies usuelles de la vie courante » que rencontre la victime pendant la maladie traumatique (séparation de la victime de son environnement familial et amical durant les hospitalisations, privation temporaire des activités privées ou des agréments auxquels se livre habituellement ou spécifiquement la victime, préjudice sexuel pendant la maladie traumatique, etc.).

● Déficit fonctionnel permanent (après consolidation des dommages) :

Ce poste de préjudice cherche à indemniser un préjudice extra-patrimonial découlant d’une incapacité constatée médicalement qui établit que le dommage subi a une incidence sur les fonctions du corps humain de la victime.

Il s’agit ici de réparer les incidences du dommage qui touchent exclusivement à la sphère personnelle de la victime. Il convient d’indemniser, à ce titre, non seulement les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime, mais aussi la douleur permanente qu’elle ressent, la perte de la qualité de vie et les troubles dans les conditions d’existence qu’elle rencontre au quotidien après sa consolidation.

Ce poste peut être défini, selon la Commission européenne à la suite des travaux de Trèves de juin 2000, comme correspondant à « la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel, ou intellectuel résultant de l’atteinte à l’intégrité anatomo-physiologique médicalement constatable donc appréciable par un examen clinique approprié complété par l’étude des examens complémentaires produits, à laquelle s’ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, normalement liées à l’atteinte séquellaire décrite ainsi que les conséquences habituellement et objectivement liées à cette atteinte dans la vie de tous les jours ».

En outre, ce poste de préjudice doit réparer la perte d’autonomie personnelle que vit la victime dans ses activités journalières, ainsi que tous les déficits fonctionnels spécifiques qui demeurent même après la consolidation.

Source : Nomenclature proposée par le rapport remis en juillet 2005 par le groupe de travail chargé d’élaborer une nomenclature des préjudices corporels dirigé par Jean-Pierre Dintilhac, alors président de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation.

L’exigence d’un déficit fonctionnel pour entrer dans le dispositif d’indemnisation géré par l’ONIAM pourrait être vue comme établissant implicitement une condition de gravité du dommage, voire un seuil de gravité du dommage, comme il en existe dans la procédure devant les CRCI.

Elle s’explique principalement par le souci d’assurer aux victimes ayant subi des préjudices importants une indemnisation rapide, en limitant le risque d’engorgement du nouveau dispositif par des dossiers de demandes présentant des préjudices moins importants.

On fera aussi observer que cette disposition constitue une simple condition d’éligibilité au dispositif d’indemnisation amiable, et non une limitation des chefs de préjudice susceptibles d’être indemnisés. Ainsi, sous réserve de justifier d’un déficit fonctionnel, la victime pourra obtenir la réparation intégrale de ses préjudices, c'est-à-dire l’indemnisation de l’ensemble de ses dommages, à quelque chef de préjudice qu’ils se rapportent.

Le texte précise par ailleurs que pour être complet, le dossier de demande d’indemnisation devra comporter :

– le nom du ou des médicaments pris par la victime ;

– les informations relatives à sa qualité d’assuré social et aux « prestations reçues ou à recevoir des autres tiers payeurs du chef de dommage qu’elle a subi », ce qui renvoie notamment aux dépenses prises en charge par l’assurance maladie pour les soins nécessités par les complications liées au benfluorex, comme les

– les « éléments de nature à établir l’administration de benfluorex ».

Selon les précisions fournies au rapporteur pour avis par le cabinet du ministre, il pourrait s’agir des ordonnances prescrivant le médicament. Pour le cas (probable) où les victimes n’auraient pas conservé ces ordonnances, elles pourront soumettre au collège d’expert placé près de l’ONIAM (cf. infra) tout élément permettant d’établir qu’elles ont pris du benfluorex. D’ailleurs, selon l’office, en matière de matérialité des transfusions en VHC, la jurisprudence autorise la preuve de l'administration par un faisceau d'indices précis et concordants.

Ainsi, les victimes pourraient par exemple demander à leur médecin d’attester qu’il leur a prescrit du Mediator®. En outre, les bases de données des caisses d’assurance maladie recensant les remboursements de médicaments pour chaque assuré pourraient fournir des éléments de preuve. De même, la présidente du Conseil national de l’ordre des pharmaciens, Mme Isabelle Adenot, a rappelé devant votre rapporteur que les pharmaciens d’officine ont l’obligation de tenir un ordonnancier indiquant, pour chaque médicament délivré, le nom du patient et celui du prescripteur ; elle a ajouté que souvent, les pharmaciens conservent ces ordonnanciers plus longtemps que le délai réglementaire, fixé à dix ans.

 Les personnes pouvant être appelées dans la cause

Le texte proposé énumère les personnes qui peuvent être appelées en la cause, c'est-à-dire auxquelles la procédure administrative d’indemnisation non-contentieuse peut être rendue « opposable ». Il s’agit :

– systématiquement, du ou des exploitants du médicament (en pratique, le plus souvent, les Laboratoires Servier) ;

– facultativement, de toute autre personne soumise par l’article L 1142-2 du code de la santé publique à une obligation d’assurance « destinée à les garantir pour leur responsabilité civile ou administrative susceptible d’être engagée en raison de dommages subis par des tiers et résultant d’atteintes à la personne ».

Ainsi, tous les acteurs de santé sont susceptibles d’être appelés dans la cause : les professionnels de santé exerçant à titre libéral, les établissements de santé, services de santé et organismes dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins, toute autre personne morale, autre que l'Etat, exerçant des activités de prévention, de diagnostic ou de soins ainsi que les producteurs, exploitants et fournisseurs de produits de santé. Il pourrait s’agir, par exemple, du médecin qui a prescrit du Mediator® ou du pharmacien qui en a délivré.

Le texte précise que la mise en cause de ces acteurs de santé autres que l’exploitant du médicament en cause est laissée à l’initiative :

– soit de la victime ;

– soit de l’exploitant du médicament.

Il ressort des auditions auxquelles votre rapporteur pour avis a procédé que cette disposition, qui ouvre la possibilité de rechercher la responsabilité d’autres acteurs de santé que l’exploitant du médicament, suscite de vives inquiétudes parmi les médecins et les pharmaciens. Selon les estimations citées par un récent article du Quotidien du médecin (15), sept omnipraticiens sur dix ont prescrit du Mediator® dans les années 2000.

Pour votre rapporteur, ces inquiétudes ne sont pas fondées, sauf pour des cas très marginaux de praticiens qui auraient prescrit du benfluorex de façon manifestement très abusive, le plus souvent en association avec des diurétiques et des extraits d’hormones thyroïdiennes. Devant votre rapporteur pour avis, le président de la section « Santé publique » du Conseil national de l’ordre des médecins, M. Patrick Romestaing, a d’ailleurs jugé que de tels cas seraient très peu nombreux, et qu’il serait légitime que leur responsabilité soit engagée.

En revanche, en dehors de ces cas exceptionnels, l’ordre des médecins considère que les médecins qui ont prescrit du Mediator® ne peuvent pas être vus comme ayant commis une faute dès lors qu’ils n’étaient pas informés de la toxicité du produit ; or, en application du régime de responsabilité issu de la loi du 4 mars 2002 précitée, dont les dispositions sont codifiées à l’article L. 1142-1 du code de la santé publique, leur responsabilité ne peut être engagée qu’en cas de faute.

De même, la présidente de l’ordre des pharmaciens a démontré devant votre rapporteur que le pharmacien ayant l’obligation légale de délivrer des médicaments faisant l’objet d’une prescription médicale dès lors que ladite prescription ne comporte ni contre-indication manifeste, ni erreur évidente de dosage, la délivrance de benfluorex ne peut être regardée comme une faute du pharmacien, seule susceptible d’engager sa responsabilité civile en application de ce même article L. 1142-1.

Néanmoins, le Gouvernement justifie son choix de prévoir la possibilité pour la victime et pour l’exploitant du benfluorex d’appeler dans la cause les autres acteurs de santé par trois séries de raisons :

– la procédure applicable devant la CRCI permettant de mettre en cause l’ensemble des acteurs de santé, il serait contraire au principe constitutionnel d’égalité de traitement, établi par l’article 1er de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, que les victimes exclues du recours aux CRCI ne puissent pas disposer de la même faculté dans le cadre du dispositif d’indemnisation spécifique au benfluorex ;

– le respect des droits de la défense impose de réserver au principal mis en cause, à savoir l’exploitant du médicament, la faculté de rendre la procédure opposable aux autres acteurs de santé ;

– l’appel des prescripteurs en la cause permet de mener la procédure amiable, notamment les expertises, au contradictoire de l’ensemble des acteurs concernés. En effet, selon les informations fournies à votre rapporteur par le cabinet du ministre, dans les litiges liés à l’Isoméride®, l’exploitant du médicament aurait cherché à se disculper en contestant l’indication des prescriptions : il serait donc préférable que la discussion sur ce point soit menée de façon contradictoire entre les parties.

Votre rapporteur pour avis souligne d’ailleurs que dans le dispositif proposé, l’exploitant du benfluorex et les autres acteurs de santé ne sont pas mis sur le même plan. En effet, la mise en cause de l’exploitant est systématique, alors que celle des autres acteurs de santé ne l’est pas. Cette différence est cohérente avec l’existence d’un régime spécial de responsabilité sans faute du fait des produits défectueux (cf. supra), plus simple à engager que la responsabilité pour faute des autres acteurs de santé définie par la loi du 4 mars 2002.

Enfin, votre rapporteur pour avis rappelle que l’entrée dans la procédure n’implique pas automatiquement la participation à l’indemnisation, dès lors qu’il appartiendra au comité d’expert de déterminer les responsabilités sur la base desquelles seront fondées les demandes d’indemnisation.

 Les missions du collège d’experts

Le texte proposé pour l’article L. 1142-24-3 du code de la santé publique précise la composition et les règles de fonctionnement du « collège d’experts » qui, dans le dispositif proposé, tient auprès de l’ONIAM un rôle analogue à celui des CRCI dans la procédure de droit commun.

Ce collège sera « placé auprès de l’Office », et aura pour mission de rendre un avis sur les dommages de la victime et les responsabilités engagées. À cette fin, le texte lui donne compétence pour procéder à « toute investigation utile » et pour diligenter des expertises, sans que le secret professionnel lui soit opposable. Comme pour les autres cas dans lesquels l’ONIAM diligente des expertises, les experts désignés par le collège seront choisis :

– sur la liste nationale des experts en accidents médicaux prévue à l'article L. 1142-10 du code de la santé publique ;

– sur une liste d’experts judiciaires ;

– ou, à titre exceptionnel, en dehors de ces listes.

Les compétences du collège correspondent ainsi à celles que les articles L. 1142-8 et L. 1142-9 du code de la santé publique attribuent aux CRCI dans la procédure de droit commun.

 La composition du collège d’experts

La composition du collège d’experts diffère de celle des CRCI. Le projet de loi fixe les principes régissant la composition du collège d’experts, pour laquelle il renvoie à un décret en Conseil d’État. Il en confie la présidence à un médecin et donne une liste non limitative de ses membres :

– une « personne compétente dans le domaine de la réparation du dommage corporel ». Dans la procédure de droit commun, les CRCI comprennent des « personnalités qualifiées dans le domaine de la réparation des préjudices corporels » qui, selon les précisions fournies à votre rapporteur par le cabinet du ministre, sont le plus souvent des médecins légistes ou des professeurs de droit ;

– des médecins « proposés par des associations de personnes malades et d’usagers du système de santé » agréées au niveau national, comme le Collectif interassociatif sur la santé (CISS) ou la Fédération nationale des accidentés du travail et handicapés (FNATH, devenue Association des accidentés de la vie) ;

– des médecins proposés par « le ou les exploitants concernés ou leurs assureurs » : en pratique, il s’agira des Laboratoires Servier ;

– des médecins proposés par l’ONIAM.

La composition de ce collège met ainsi en présence des représentants des différentes catégories d’acteurs concernés, à l’image de ce qui est prévu par l’article L. 1142-6 du code de la santé publique pour les CRCI, qui comprennent des représentants des malades et usagers du système de santé, des professionnels et établissements de santé, des entreprises d’assurance et de l’ONIAM.

D’après les précisions fournies à votre rapporteur pour avis, le collège d’experts ne compterait que six membres, contre vingt pour les CRCI :

– un médecin, son président ;

– un juriste ;

– un médecin compétent dans la réparation du dommage corporel ;

– un médecin proposé par les associations agréées de patients et d’usagers du système de santé ;

– un médecin proposé par les exploitants et leurs assureurs ;

– un médecin désigné par l’office.

Chacune de ces personnes serait nommée par arrêté du ministre chargé de la santé, et aurait un suppléant. L’effectif réduit du collège, ainsi que la faculté de suppléance de ses membres, visent à éviter que le fonctionnement du collège soit perturbé par l’indisponibilité de certains de ses membres, ce risque étant d’autant plus fort que le collège sera conduit à se réunir fréquemment pour examiner l’ensemble des dossiers.

 L’avis du collège d’experts sur la demande d’indemnisation

Le texte proposé pour l’article L. 1124-24-4 du code de la santé publique charge le collège d’experts, lorsque la demande de la victime est recevable, d’émettre un avis portant sur cinq éléments :

– les « circonstances » des dommages, ce qui suppose un rappel descriptif des faits ayant conduit au préjudice ;

– les « causes » des dommages, ce qui renvoie à l’appréciation du régime d’imputabilité du dommage au benfluorex. Les signatures cliniques particulières que comportent les échographies pulmonaires ou cardiaques des patients, rapprochées de l’âge du patient et de la durée d’exposition au benfluorex, pourraient ainsi être retenues comme établissant cette imputabilité ;

– la « nature » du dommage, c'est-à-dire les différentes catégories de dommages, patrimoniaux ou extrapatrimoniaux, de la victime directe ou des victimes indirectes éventuelles ;

– l’« étendue » des dommages, c'est-à-dire le quantum de préjudice réparable, poste par poste ;

– « la responsabilité du ou des exploitants du médicament » et, « le cas échéant », des autres acteurs de santé.

La rédaction proposée pour cet article L. 1124-24-4 reprend largement celle de l’article L. 1142-8 du même code relative aux avis émis par les CRCI, à la seule différence que le collège d’expert n’aura pas à traiter du régime d’indemnisation spécifique des aléas thérapeutiques.

Les informations fournies au rapporteur pour avis par le directeur de l’ONIAM et par le cabinet du ministre indiquent que le collège d’experts appréciera l’étendue des dommages suivant le barème réglementaire de l’ONIAM.

Le CISS et la FNATH, ainsi que l’Association nationales des avocats de victimes de dommages corporels (ANADAVI) ont plaidé devant votre rapporteur en faveur d’une revalorisation de ce barème ou, à défaut, d’un barème spécifique aux victimes du benfluorex, au motif que le barème actuel serait désavantageux pour les victimes.

Selon le directeur de l’ONIAM, M. Dominique Martin, le barème de l’ONIAM serait moins critiquable que la table réglementaire de capitalisation des rentes. En effet, comme l’explique notre collègue Geneviève Levy dans un récent rapport (16), la table actuelle, établie par décret en 1986, repose sur des paramètres de taux d’intérêt et d’espérance de vie désormais obsolètes, au point de sous-estimer de près de 49 % le capital versé en conversion d’une rente. Or, cette table reste appliquée par l’ONIAM, alors que les juridictions en ont écarté l’application. Votre rapporteur tient donc pour souhaitable une révision rapide des règles de capitalisation des rentes.

S’agissant de l’imputabilité des dommages au benfluorex et de la répartition éventuelle des responsabilités, l’appréciation du collège d’expert sera guidée par des lignes directrices de la politique d’indemnisation de l’office, qui seront soumise à la validation de son conseil d’orientation. En application de l’article R. 1142-47 du code de la santé publique, ce conseil réunit des représentants des administrations centrales de l’État, des personnalités qualifiées et des représentants des associations de patients agréées.

Les représentants de ces associations entendus par votre rapporteur pour avis ont d’ailleurs jugé utile que la composition de ce conseil soit élargie à certaines associations représentant spécifiquement les victimes du benfluorex, ainsi qu’à un représentant des professionnels de santé spécialisés dans le traitement des valvulopathies. Ils font valoir qu’une telle mesure serait cohérente avec le traitement spécifique réservé par le projet de loi aux demandes d’indemnisation des victimes du benfluorex.

 La présentation d’une offre d’indemnisation par le responsable

A l’instar de ce qui est prévu par l’article L. 1142-14 du code de la santé publique pour la procédure devant les CRCI, le texte proposé pour l’article L. 1142-24-5 oblige les personnes « considérées comme responsables » par le collège d’expert à faire à la victime une offre d’indemnisation « visant à la réparation intégrale des préjudices subis ».

Le régime de cette offre est défini par référence aux règles applicables devant les CRCI, à deux principales différences près :

– le délai de présentation de l’offre est plus court dans le nouveau dispositif que dans le droit commun : trois mois au lieu de quatre ;

– la pénalité encourue par le responsable qui présente une « offre manifestement insuffisante » est plus lourde dans le nouveau dispositif que dans le droit commun : 30 % de l’indemnité fixée par le juge au lieu de 15 %.

La victime qui reçoit une offre manifestement insuffisante a, en effet, le choix entre deux options : soit saisir le juge compétent pour procéder au règlement judiciaire du litige, soit demander à l’ONIAM de se substituer au responsable.

 La substitution de l’ONIAM au responsable en cas de refus de présentation d’une offre d’indemnisation ou d’offre manifestement insuffisante

Afin d’assurer à la victime une indemnisation rapide même lorsque le responsable ne lui présente pas d’offre satisfaisante, le texte proposé pour l’article L. 1142-24-5 du code de la santé publique charge l’ONIAM de se substituer à la personne considérée comme responsable des dommages dans trois cas :

– si le responsable refuse explicitement de présenter une offre ;

– s’il le refuse implicitement, en gardant le silence plus de trois mois ;

– s’il présente une offre manifestement insuffisante.

Dans le droit commun, l’article L. 1142-15 prévoit la substitution de l’office au responsable des dommages dans les deux premiers cas, et non dans le troisième. Toutefois, l’ONIAM s’est fixé pour règle de se substituer aux assureurs qui présentent une offre manifestement insuffisante, considérant qu’elle est susceptible d’être qualifiée de refus déguisé, dans deux situations :

– quand l’offre émise par l’assureur est forfaitaire et dérisoire au regard de la gravité du dommage retenue par la CRCI ;

– quand l’offre ne correspond pas à l’avis de la CRCI dans la liste des préjudices, dans le quantum des préjudices, dans la part de responsabilité de l’acteur concerné, ou dans la part d’imputabilité du dommage.

Par ailleurs, dans le droit commun, l’ONIAM est aussi chargé de se substituer au responsable en cas de défaut d’assurance – soit que l’intéressé ne soit pas assuré, soit que sa couverture d’assurance soit épuisée. Ce mécanisme n’est pas repris dans le nouveau dispositif. Selon les explications fournies à votre rapporteur pour avis par le cabinet du ministre, cette différence se justifie par le fait que le fait générateur des dommages liés au benfluorex est, dans de très nombreux cas, antérieur à l’entrée en vigueur de l’obligation d’assurance que la loi du 4 mars 2002 a prévu pour tous les acteurs de santé.

Le régime de l’offre présentée par l’ONIAM se substituant au responsable est défini par référence au droit commun. On notera toutefois que le texte proposé ne précise pas le délai dans lequel l’ONIAM devra formuler son offre. Selon les informations fournies à votre rapporteur pour avis par le cabinet de la ministre, ce délai pourrait être fixé à trois mois par décret. On notera toutefois que pour la procédure de droit commun, les délais enserrant la présentation des offres d’indemnisation sont fixés par la loi.

Enfin, comme dans le droit commun, lorsque l’ONIAM se sera substitué au responsable, il sera subrogé dans les droits de la victime contre lui et pourra demander au juge saisi de son action subrogatoire d’infliger au responsable une pénalité égale à 30 % au plus de l’indemnité fixée par le juge.

Cette pénalité devrait constituer pour les personnes responsables de dommages liés au benfluorex une incitation puissante à présenter des offres d’indemnisation suffisantes.

 Le non-cumul des indemnités

Reprenant une formulation habituelle en matière de réparation des dommages corporels, le texte proposé pour l’article L. 1142-24-7 du code de la santé publique interdit le cumul des indemnités versées dans le cadre du dispositif d’indemnisation des victimes du benfluorex avec les indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d’autres débiteurs du chef des mêmes préjudices.

Le IV du présent article fixe la date d’entrée en vigueur de cet article au premier jour du mois suivant la publication du décret d’application de cet article, et au plus tard au 1er septembre 2011.

Pour permettre aux victimes ayant déjà engagé des procédures visant à la réparation de dommages imputables au benfluorex de bénéficier du nouveau dispositif public d’indemnisation, il prévoit qu’à cette date :

– les CRCI seront dessaisies des dossiers relatifs au benfluorex qui leur auront été soumis ;

– les victimes qui ont intenté une action en justice pourront saisir l’ONIAM d’une demande de règlement amiable.

Selon les renseignements fournis à votre rapporteur pour avis par le cabinet du ministre, au 20 mai 2011, on recense 1 349 actions judiciaires engagées contre les Laboratoires Servier à des fins d’indemnisation.

En application de l’article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, les caisses d’assurance maladie peuvent exercer un recours subrogatoire contre les tiers responsables de préjudices qu’elles ont pris en charge. Ces caisses sont ainsi subrogées dans les droits de leurs assurés pour les montants qu’elles ont pris en charge, et présentent leur créance directement aux tiers responsables. Lorsque le responsable et la victime ne parviennent pas à un accord amiable, la caisse est partie à l’instance judiciaire.

Selon les estimations fournies à votre rapporteur pour avis par la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), les prestations d’assurance maladie susceptibles de faire l’objet d’un recours contre tiers représentent environ 400 millions d’euros pour le seul régime général. Il s’agit notamment de dépenses d’hospitalisations pour valvulopathie, de médicaments, d’indemnités journalières et de transports.

Toutefois, une caisse d’assurance maladie ne peut exercer effectivement de recours contre tiers que si elle dispose d’informations complètes sur les litiges :

– elle doit être avertie de l’ouverture de la procédure ;

– elle doit être informée de la nature des dommages et des soins délivrés pour chiffrer sa créance ;

– elle a besoin de connaître les conclusions du collège d’experts quant à l’imputabilité du préjudice, pour présenter ses créances à bon escient ;

– elle doit savoir quel est l’aboutissement de la procédure amiable, pour présenter sa créance directement au responsable en cas de règlement transactionnel, ou se joindre à la procédure contentieuse en cas d’échec de la procédure non-contentieuse.

Compte tenu de l’importance des sommes en jeu, il est utile de garantir une information complète et rapide des caisses sur le déroulement des procédures amiables d’indemnisation des victimes du benfluorex.

En tout état de cause, l’exercice de ces recours contre tiers ne lèse nullement les victimes : leur indemnisation n’en est pas réduite, et les informations à caractère personnel les concernant ne sont traitées que par le service médical de l’assurance maladie.

L’article L. 1142-12 du code de la santé publique prévoit que dans le cadre de la procédure d’indemnisation amiable de droit commun, le collège d’experts ou, à défaut, l’expert désigné par la CRCI « s'assure du caractère contradictoire des opérations d'expertise ».

Or, aucune disposition du présent article ne prévoit expressément le caractère contradictoire de la procédure devant le collège d’experts placé auprès de l’ONIAM.

Pourtant, une telle disposition serait de nature à protéger l’ensemble des parties éventuellement appelées à la cause. Elle contribuerait également à rendre moins contestable l’avis du collège d’experts placé auprès de l’ONIAM, notamment pour le cas où la procédure amiable échouerait et où le litige serait porté devant le juge.

Il semble donc utile de préciser le caractère contradictoire de la procédure devant le collège d’experts de l’ONIAM, pourvu que cette précision n’interdise pas au collège de mettre en place une procédure écrite, gage d’efficacité dans le traitement de certains dossiers.

Le texte propose de confier la présidence du collège d’experts à un médecin, alors que l’article L. 1142-6 du code de la santé publique confie la présidence de chaque CRCI à « un magistrat de l'ordre administratif ou un magistrat de l'ordre judiciaire, en activité ou honoraire ».

Plusieurs personnes entendues par votre rapporteur pour avis se sont étonnées de ce que la présidence du comité d’expert ne sois pas confiée à un magistrat, à l’image de ce qui est prévu pour les CRCI, dès lors qu’il entre dans les missions du collège d’experts d’émettre un avis sur des questions de responsabilité.

Deux arguments plaident en faveur de la présence d’un magistrat parmi les membres du collège d’experts :

– d’une part, l’appréciation des questions de responsabilité civile ou administrative nécessite de hautes compétences juridiques, que garantit l’appartenance à la magistrature ;

– d’autre part, la présence d’un magistrat donne davantage de crédibilité à l’appréciation des responsabilités par le collège d’experts, ce qui est de nature à éviter que cette appréciation soit remise en cause par les tribunaux si l’exploitant la contestait devant une juridiction, par exemple en vue d’en faire porter une part à l’ONIAM ou aux professionnels de santé. En effet, en application du renvoi opéré par l’alinéa 27 au huitième alinéa de l’article L. 1142-14, l’exploitant qui a transigé avec la victime dispose d’une action subrogatoire contre les tiers qu’il considère comme responsables ou co-responsables du dommage, voire contre l’ONIAM s’il estime que le dommage résulte d’un aléa thérapeutique.

Votre rapporteur pour avis relève que paradoxalement, le texte prévoit la possibilité pour la victime et pour l’exploitant du benfluorex de mettre en cause d’autres acteurs de santé, notamment les médecins qui ont prescrit du Mediator® sans pouvoir en connaître la toxicité, sans que le corps médical désigne un représentant parmi les membres du comité d’experts. D’ailleurs, il est prévu qu’un membre de ce collège représente le ou les exploitants du médicament, alors que les autres acteurs de santé susceptibles d’être appelés en la cause ne sont pas représentés au sein de ce collège.

Cette situation est d’autant plus paradoxale que les CRCI, devant lesquelles la responsabilité des professionnels de santé peut être engagée, comprennent au moins deux médecins.

Devant votre rapporteur, le président de la section « Santé publique » du Conseil national de l’ordre des médecins, M. Patrick Romestaing, a d’ailleurs estimé qu’il pourrait être bon que les médecins soient représentés au sein de ce comité d’experts, par exemple par leur ordre.

Une telle solution serait d’autant plus pertinente que l’ordre est garant de la déontologie médicale.

La procédure d’indemnisation amiable des victimes du benfluorex qu’il est proposé d’instituer est enserrée dans des délais plus stricts que la procédure de droit commun.

En effet, si l’avis du collège d’expert devra être rendu dans les mêmes délais que celui de la CRCI – c'est-à-dire six mois –, l’offre d’indemnisation devra être présentée sous trois mois aux victimes du benfluorex, contre quatre mois dans le droit commun. De plus, l’exposé des motifs de cet article indique que lorsque l’ONIAM se substituera au responsable de dommages imputables au benfluorex, il devra présenter une offre d’indemnisation sous trois mois.

Toutefois, ce délai n’est pas expressément fixé par le texte, alors qu’il est établi par la loi dans la procédure de droit commun.

Aussi, pour garantir aux victimes une réparation rapide de leurs dommages en dépit du refus du responsable de présenter une offre d’indemnisation satisfaisante, il parait utile de préciser dans la loi le délai dans lequel l’ONIAM devra intervenir.

Dans le cadre fixé par la loi et ses décrets d’application, c’est à l’ONIAM qu’il reviendra de définir sa politique d’indemnisation des victimes du benfluorex, comme il le fait d’ores et déjà pour l’indemnisation des dommages qui relèvent actuellement de sa compétence.

À cette fin, les articles L. 3111-9 et L. 3122-1 du code de la santé publique ont placé auprès de l’office un conseil d’orientation « composé notamment de représentants des associations concernées ». Selon l’article R. 1142-51 du même code, ce conseil a pour mission de proposer au conseil d’administration de l’ONIAM « les orientations de la politique de l’office » concernant :

– « les principes applicables pour l’instruction des dossiers et de répartition des préjudices » ;

– les règles relatives à la réalisation des expertises.

En matière d’indemnisation des victimes du benfluorex, la définition de la politique de l’office constitue un enjeu particulièrement important, dans la mesure où il faudra préciser les principes applicables pour l’appréciation de l’imputabilité des dommages au benfluorex.

C’est pourquoi il parait utile :

– d’abord, d’entendre la compétence du conseil d’orientation de l’ONIAM à l’indemnisation des victimes du benfluorex ;

– ensuite, de prévoir une adaptation de la composition du collège lorsqu’il délibère de questions relatives au benfluorex : il pourrait utilement intégrer des représentants des victimes du Mediator®, ainsi que des médecins spécialistes des valvulopathies et de l’hypertension artérielle pulmonaire ;

– enfin, d’instaurer un mécanisme de déclaration publique d’intérêts pour les membres du conseil d’orientation et du collège d’experts de l’ONIAM.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission des affaires sociales examine pour avis, sur le rapport de MM. Gérard Cherpion et Jean-Pierre Door, les articles 8 et 22 du projet de loi de finances rectificative pour 2011 au cours de sa séance du mercredi 1er juin 2011.

Article 8 : Instauration d’un « bonus-malus » sur la taxe d’apprentissage et création du compte d’affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage »

Un débat a suivi l’exposé de M. Gérard Cherpion, rapporteur pour avis.

M. Bernard Perrut. Nous connaissons les engagements du Président de la République en matière d’apprentissage. La situation de l’emploi des jeunes et les performances françaises en la matière, inférieures à la moyenne européenne, exigent que nous prenions les mesures qui s’imposent afin de développer l’alternance et l’offre de formation et de mieux accompagner les entreprises.

En tant que rapporteur de la mission « Travail et emploi », j’ai souligné que le plan d’urgence pour l’emploi, s’il est une arme contre la crise, ne peut porter ses fruits que s’il est prolongé par des mesures à moyen et long terme.

Chaque année, les entreprises de moins de 50 salariés enregistrent près de 80 % des entrées en apprentissage. Les entreprises les plus importantes, en particulier celles de plus de 250 salariés, participent peu à l’effort en direction des jeunes. L’instauration d’un « bonus-malus » rendra le système davantage incitatif et beaucoup plus transparent, puisque les recettes et les dépenses seront portées par un compte d’affectation spéciale. Le Parlement sera mieux informé, lui qui jusqu’à présent n’avait aucun regard sur les moyens mis en œuvre par l’État pour promouvoir l’alternance.

Le malus sera certes revu à la hausse, mais il sera modulé en fonction des efforts accomplis par l’entreprise. Quant à celles qui dépasseront les obligations légales, elles bénéficieront d’un bonus – dont les modalités seront fixées par décret.

Je souhaite que cette incitation ne soit pas envisagée uniquement sous l’angle de la quantité, mais aussi sous celui de la qualité : cela implique que nous disposions de centres de formation adaptés, susceptibles de dispenser les formations correspondant aux métiers de demain. Les chambres de commerce et d’industrie, mais aussi les chambres des métiers, souvent en lien avec des missions locales, ont déjà engagé des actions importantes en faveur de l’apprentissage.

M. Jean-Patrick Gille. Si j’ai bien compris, le débat sur le développement de l’apprentissage aura lieu la semaine prochaine, celui de ce matin ne portant que sur son financement. Mais, est-il vraiment nécessaire de complexifier davantage un dispositif déjà extraordinairement complexe ?

Vous proposez de porter le quota d’alternants de 3 à 4 % de l’effectif global de l’entreprise, mais nous nous interrogeons toujours quant à l’efficacité d’un tel mécanisme. Qui plus est, le « bonus-malus » ne visera que les entreprises de plus de 250 salariés, qui ne représentent que 10 % des apprentis. Il faut bien comprendre que l’accueil d’apprentis nécessite une adaptation de l’organisation du travail des entreprises. Il ne suffit pas de fixer des obligations dans la loi pour qu’elles s’impliquent davantage.

Le mécanisme actuel est injuste, car que l’entreprise soit à 0,2 % ou à 2,9 %, elle paiera la même contribution supplémentaire. Proposer un barème plus fin est donc un progrès. Mais, j’ai rencontré les représentants d’une grande entreprise nationale qui, pourtant fortement engagée dans l’alternance, ne parvenait pas à atteindre tout à fait le quota de 3 % : ils ont jugé plus simple de payer la contribution supplémentaire que de mettre en place le dispositif nécessaire pour passer quelques contrats en alternance supplémentaires. C’est, me semble-t-il, la limite des dispositifs de cette nature.

Pouvez-vous, monsieur le rapporteur, m’apporter quelques précisions techniques concernant le Fonds national de développement et de modernisation de l’apprentissage (FNDMA), que l’on supprime pour le recréer sous une autre forme ? L’apprentissage représentant globalement 7 milliards d’euros, dont 1,2 milliard provenant de la taxe d’apprentissage, ne convient-il pas de relativiser la portée financière de la mesure que vous nous proposez, qui ne représente finalement que 10 millions d’euros ?

Le quota de 4 % prend en compte à la fois les contrats d’apprentissage et les contrats de professionnalisation. Le bonus de 400 euros concerne-t-il également les deux contrats ?

Sur quoi repose par ailleurs l’estimation de 135 000 alternants supplémentaires qui seraient obtenus grâce à cette mesure ?

Le président Méhaignerie est conscient de la nécessité de la négociation entre les partenaires sociaux. Celle-ci a été précipitée. Elle s’est terminée hier sans qu’un accord ait été signé, mais il semble qu’ils pourraient s’accorder sur un dispositif prévoyant une négociation au sein de chaque branche, celle-ci s’engageant sur un objectif d’emploi d’apprentis. S’ils n’y parviennent qu’après le 3 juin, sera-t-il trop tard pour en tenir compte ?

Mme Martine Billard. Une fois de plus, on nous demande de légiférer dans la précipitation et en ajoutant un nouveau texte à ceux qui existent déjà !

De nouveaux dispositifs ont déjà été institués en dehors du cadre de la loi de finances et nous allons être une nouvelle fois contraints de modifier la loi. Les partenaires sociaux sont exaspérés par cette façon d’agir, d’autant que nous débattons à quelques jours seulement de la fin des négociations. En outre, cet article modifie le code du travail, alors que la majorité s’était engagée à ne pas le faire sans en informer au préalable les partenaires sociaux.

Cela dit, monsieur le président, je retire les amendements AS 1 et AS 2.

M. le président Pierre Méhaignerie. J’ai fait en sorte que nous examinions ces articles le plus tard possible pour laisser aux négociations contractuelles le temps de déboucher sur un accord, mais si nous voulons que certaines dispositions législatives soient appliquées avant le 1er septembre, il faut que la proposition de loi soit adoptée avant le 14 juillet. Cela dit, je partage l’idée selon laquelle il faut préférer le contrat à la loi.

M. Dominique Dord. Alors que chacun s’accorde sur la nécessité de l’alternance et sur la pertinence des dispositifs, rien n’a évolué depuis vingt ans : il faut toujours utiliser la contrainte pour inciter les entreprises à recourir à l’alternance !

Ce texte va naturellement dans le bon sens. Toutefois si le malus est défini avec précision, les entreprises qui dépasseront le seuil de 4 % se verront-elles attribuer un vrai bonus, et comment sera-t-il calculé ?

M. Michel Issindou. Même s’il rapporte peu, le principe « bonus-malus » pourrait inciter certaines entreprises à aller au-delà de leurs obligations.

Non, monsieur le rapporteur, l’apprentissage n’est pas la panacée en matière d’emploi des jeunes. Il peut certes avancer l’âge de l’insertion professionnelle, mais en aucun cas il ne créera des emplois.

M. Paul Janneteau. Je suis généralement défavorable aux politiques de quotas, que je juge négatives, voire dévalorisantes pour celles et ceux qui en bénéficient, mais force est de constater qu’elles permettent de régler un certain nombre de difficultés et de faire évoluer les comportements. Si nous voulons que les choses avancent, il faut des mesures coercitives.

Il convient, en effet, d’accroître le nombre des jeunes alternants. Tout d’abord, parce que l’alternance est une formation d’excellence – il suffit d’observer ce qui se passe chez nos voisins, par exemple en Allemagne où 80 % des ingénieurs travaillant chez Mercedes ont suivi une formation en alternance. Ensuite, parce que, dans l’immense majorité des cas, la formation en alternance débouche sur un emploi durable. Un certain nombre de structures éducatives y ont recours, y compris depuis peu dans le cadre de quelques masters, ce qui montre à quel point elle est appréciée, tant par les formateurs que par les étudiants.

Parce que je ne puis me résoudre à vivre dans un pays où 25 % des jeunes sont au chômage, je soutiens cet article.

Mme Marie-Christine Dalloz. On peut continuer à se lamenter, comme nos collègues socialistes, sur l’emploi des jeunes et leur difficulté à trouver un premier emploi. Mais, on peut aussi améliorer ces deux aspects de l’emploi des jeunes que sont le contrat d’apprentissage et le contrat de professionnalisation. C’est ce que propose la majorité.

S’il est vrai que l’incitation pure et simple n’a pas donné les résultats que nous escomptions, la disposition prévue ici permettra d’insuffler une nouvelle dynamique à l’apprentissage. Mais, il faut aller plus loin et réhabiliter son image dans notre pays. Malgré quelques exemples de réussite de jeunes ayant choisi la professionnalisation, l’Éducation nationale se montre très timide, voire réticente. Il est urgent de vaincre ce tabou.

M. le Président Pierre Méhaignerie. Du chemin a déjà été parcouru pour réhabiliter l’apprentissage, mais les enseignants et les familles craignent encore qu’il limite l’horizon professionnel des jeunes. Aussi, j’aimerais que le rapporteur nous indique ce qui a été fait dans les autres pays pour jeter des ponts entre l’apprentissage et l’enseignement supérieur – écoles d’ingénieurs et universités. Je sais que les Allemands ont fait beaucoup en ce sens.

M. Gérard Cherpion, rapporteur pour avis. L’apprentissage est, en effet, une voie d’excellence parmi d’autres, et il le sera d’autant plus qu’il permettra aux apprentis de réintégrer l’enseignement supérieur. L’Allemagne nous montre un certain nombre de pistes. Malheureusement, la passerelle créée par Philippe Séguin en 1987 n’a jamais été vraiment utilisée et il est rare de voir un apprenti devenir ingénieur.

Je ne suis pas non plus favorable aux quotas, mais force est de constater que le nombre d’entrées annuelles en apprentissage est passé de 125 000 en 1992 à près de 300 000 aujourd’hui.

Il est exact que le système de « bonus-malus » comporte des seuils, mais ce texte permettra de les lisser. Ainsi, une petite entreprise approchant le seuil de 2 % d’apprentis ne sera pas pénalisée car le système prendra en compte l’effort qu’elle aura accompli.

Quant au bonus, il est de nature réglementaire, je ne peux donc pas vous dire quelles en seront les modalités.

M. Jean-Patrick Gille. S’appliquera-t-il aux contrats de professionnalisation ?

M. Gérard Cherpion, rapporteur pour avis. Je ne suis pas en mesure de vous répondre, mais le décret du 16 mai 2011 relatif à l’aide à l’embauche d’une personne supplémentaire en alternance concernant à la fois les contrats d’apprentissage et les contrats de professionnalisation, j’imagine que le bonus s’appliquera également aux deux.

D’après mes informations, les partenaires sociaux s’apprêtent à signer un accord. Le protocole mis en place par l’Assemblée nationale pour obliger le Parlement à consulter les partenaires sociaux sur les propositions de loi a bien été respecté, d’ailleurs tous les partenaires sociaux ont répondu au courrier.

Les amendements AS 2 et AS 1 sont retirés.

La Commission donne un avis favorable à l’adoption de l’article 8.

Article 22 : Indemnisation des victimes du benfluorex

Un débat a suivi l’exposé de M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour avis.

M. Gérard Bapt. Le groupe SRC rejoint les intentions exprimées par le rapporteur : la justice pour les victimes du Mediator®, médicament toxique ; une indemnisation rapide ; l’organisation d’un mécanisme centralisé assurant une même indemnisation pour des dommages équivalents, laquelle serait plus difficile à obtenir dans le cadre d’une procédure décentralisée ; la pénalisation, enfin, des laboratoires Servier, premiers responsables, s’ils refusent de donner suite à la proposition émise par le collège des experts. L’avocat des laboratoires Servier a agité la menace d’une question préalable de constitutionnalité contre la disposition prévoyant une pénalité pouvant atteindre 30 %. Mais, je pense qu’elle n’aurait peu de chance de prospérer au vu de la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Les amendements du rapporteur rejoignent aussi nos préoccupations, comme celles des associations de victimes. Toutefois, monsieur le président, je ne comprends pas pourquoi certains de mes amendements ont été jugés irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution. Quelle est par exemple l’incidence budgétaire de ma proposition de remplacer les mots « causés par l’administration » par les mots « liés à la prescription », d’autant que le mot « administration » est réservé à l’injection d’un produit ou à des cas très particuliers de substances vénéneuses» ?

M. le président Pierre Méhaignerie. Je n’ai fait qu’appliquer les décisions que le président Jérôme Cahuzac a prises sur des amendements identiques déposés devant la commission des finances.

M. Gérard Bapt. C’est donc à ce dernier que je demanderai des explications.

Je tiens toutefois à présenter l’intention qui avait présidé à mes amendements.

Il s’agissait tout d’abord de lier la question de l’Isoméride, c’est-à-dire de la dexflenfluramine, à celle du Mediator®, c’est-à-dire du benfluorex : souvent, en effet, la prise de Mediator® a succédé à celle de l’Isoméride après son retrait du marché. De plus, des victimes de l’Isoméride, dont le diagnostic a été fait plus tardivement, n’entrent dans le cadre de la mise en place des CRCI qu’à compter de septembre 2001 : pour certains ayants droit, la procédure pourrait être facilitée, d’autant que les laboratoires Servier n’ont été condamnés, après sept à huit ans de procédure, que dans trois affaires liées à l’Isoméride. De tels délais font renoncer de nombreuses victimes. Il est regrettable que le cas de l’Isoméride n’ait pas été aussi bien argumenté que celui du Mediator®.

Je suis, par ailleurs, en désaccord avec le collègue, membre de la mission d’information, qui a affirmé que l’État devrait payer tant que la décision de justice concernant la responsabilité des laboratoires Servier, notamment pour tromperie aggravée, ne serait pas rendue.

M. Jean-Luc Préel. L’article 22 est nécessaire, car il est indispensable de prévoir un fonds d’indemnisation des victimes du Mediator® permettant à la fois une indemnisation rapide et la prise en compte des patients ayant consommé le produit avant septembre 2001, l’ONIAM ne pouvant traiter que des dossiers postérieurs à cette date.

Sur ce drame de santé publique qu’est le Mediator®, la mission que préside Gérard Bapt et dont Jean-Pierre Door est le rapporteur, rendra prochainement ses conclusions : elle a permis de révéler des dysfonctionnements majeurs, voire caricaturaux, dans la chaîne du médicament. Nous devons rétablir la confiance dans le médicament, d’autant que, tout médicament efficace ayant des effets pervers, il convient de prendre en considération le rapport entre les bénéfices et les risques.

La chaîne du médicament est, en principe, très encadrée en France, afin d’assurer le suivi sanitaire : commission d’autorisation de mise sur le marché, rôle des experts, commission de la transparence et pharmacovigilance. Mais, je le répète, dans le cas du Mediator®, les dysfonctionnements dans cette chaîne sont avérés.

Les complications les plus importantes sont des cas d’hypertension artérielle pulmonaire et de valvulopathie, ayant entraîné des décès dont le nombre est encore approximatif. Les responsables doivent indemniser rapidement les victimes.

Il est logique de confier à l’ONIAM, dont c’est la mission, le rôle central en la matière et de demander à un collège d’experts nationaux de se prononcer sur l’imputabilité et la proposition d’indemnisation qui devra reposer, je le souhaite du moins, sur un référentiel unique.

En cas d’offre insuffisante des responsables, l’ONIAM indemnisera et se retournera contre les responsables, le juge étant autorisé à fixer une pénalité pouvant atteindre 30 % de l’indemnité qu’il alloue. Cette indemnisation n’empêchera pas par ailleurs les poursuites au pénal.

En dehors du problème que pose le nombre des personnes concernées – 5 millions de consommateurs, dont 3 millions durant plus de trois mois – plusieurs autres restent en suspens, qui tiennent à l’imputabilité : autant elle était facile à prouver dans le cas de l’amiante – il suffisait d’avoir travaillé dans une entreprise utilisant l’amiante  et le mésothéliome est une complication très particulière dans laquelle on retrouve des fibres d’amiante –, autant il sera difficile de prouver la prise de Mediator® pour un malade qui ne possède plus ses ordonnances et qui a consommé le médicament il y a plus de trente ans. Les caisses d’assurance maladie ne conservent les données que pendant les deux années précédant l’année en cours et il n’est pas certain que les pharmaciens puissent remonter beaucoup plus loin. Comment les experts pourront-ils confirmer la prise de Mediator® ?

Autre problème lié à l’imputabilité, il faut prouver que la complication est liée au Mediator®. Certes, l’hypertension artérielle pulmonaire et les fuites valvulaires sont des complications liées à ce médicament mais, comme l’a souligné Gérard Bapt, les patients ont pu également prendre de l’Isoméride ou d’autres médicaments. L’imputabilité sera difficile, là encore, à prouver.

La responsabilité des laboratoires Servier pose une autre difficulté. Sans aucun doute, Servier est le principal responsable. Le rapport de l’IGAS indique qu’il a « roulé tout le monde dans la farine » depuis la sortie du médicament, s’agissant notamment de la molécule, qui est un dérivé des amphétaminiques, et dont le métabolisme est très proche de la molécule présente dans l’Isoméride. De plus, le Mediator® semble avoir été prescrit comme coupe-faim, notamment en Italie, alors que le laboratoire affirme que tel n’était pas le cas en France.

Il faut également prendre en considération la nature des prescriptions – certains évoquent entre 20 % et 80 % de surprescriptions – et le rôle, à cet égard, des visiteurs médicaux.

Songeons également au fait que la France n’a pas retiré ce médicament à la suite de l’Italie et de l’Espagne : Servier semble avoir tout fait pour retarder les études complémentaires.

Toutefois, comment faire porter à Servier seul la responsabilité et donc l’intégralité de l’indemnisation, alors que la mission a clairement démontré un dysfonctionnement grave des agences, notamment au moment de l’autorisation de mise sur le marché ? Comment se fait-il que les experts n’aient pas alors remarqué que la molécule était proche des amphétamines, ce qui aurait, sans aucun doute, interdit toute mise sur le marché ? Le rôle des experts dans les commissions est de la responsabilité des agences : était-il normal qu’ils ne se retirent pas lors des votes ? Il s’agit là d’un vrai problème, comme le fait que le médicament n’ait pas été retiré du marché après que le professeur Girard, directeur de la santé, l’eut retiré des préparations officinales. Est-il également normal – je l’ai rappelé – que l’agence ne se soit pas émue de son retrait en Espagne et en Italie ou qu’elle soit restée indifférente à dix-sept signalements ? Comment nier, dans ces conditions, toute part de responsabilité des agences dans la poursuite de la prise du médicament, donc dans le nombre des complications ?

Que Servier ait une part de responsabilité ne saurait dédouaner les agences, donc l’État. Avoir laissé un tel médicament sur le marché durant trente ans sans avoir réagi me paraît assez étonnant. Tout imputer à Servier serait injuste. Une répartition 50-50 de l’indemnisation serait-elle juste ? Je ne me prononcerai pas. Il serait en tout cas normal qu’elle soit partagée.

Je noterai, enfin, que la pénalité de 30 % est justifiée pour inciter le laboratoire à faire des propositions satisfaisantes. Toutefois, peut-on passer du taux de 15 %, que prévoit le droit actuel, à 30 %, sans l’étendre à tous les cas ? La question est posée.

Mme Catherine Lemorton. Monsieur Préel, le Mediator® étant un produit soumis à inscription dans un ordonnancier écrit – l’informatique n’avait pas encore envahi les officines –, que les pharmaciens sont contraints de conserver, la traçabilité des patients est assurée.

L’article 22 est assimilable à une mesure d’exception en raison de l’importance du drame de Mediator®. Il conviendra toutefois d’améliorer l’indemnisation des patients ayant subi des aléas thérapeutiques. Un document n’est jamais anodin : il ne faut pas laisser sur le bord de la route des personnes qui ont pu souffrir de la prise de quinolone, sont atteintes du syndrome de Lyell ou de Stevens-Johnson, ainsi que les victimes potentielles du vaccin de l’hépatite B.

À cet égard, je tiens à rappeler que, depuis le 1er février 2008, deux laboratoires sont mis en examen pour tromperie aggravée sur la balance bénéfices-risques du vaccin de l’hépatite B, Sanofi Pasteur Aventis et GlaxoSmithKline : or, à l’heure où je vous parle, personne ne sait où en est la procédure judiciaire et les victimes atteintes de maladie auto-immunes, comme la sclérose en plaques, attendent toujours de recevoir une réponse.

J’ai assisté hier à la restitution des Assises du médicament à la Pitié-Salpêtrière : si l’indemnisation des malades qui ont subi des aléas thérapeutiques ne concerne pas directement l’article 22 du projet de loi de finances rectificatif, cette question devra toutefois être prise en considération dans le projet de loi de réforme du pilotage national du système de santé. Ne nous limitons pas à une loi d’exception ! Ne nous satisfaisons pas d’une émotion passagère !

M. Simon Renucci. Ce sujet pose des questions relatives à la fois à la chaîne du médicament, à sa consommation, aux prescriptions et aux aléas thérapeutiques, puisqu’il n’y a pas de vie en collectivité ni de consommation sans risques.

Il convient tout d’abord d’établir la cohorte exacte des victimes réelles du Mediator® – le mot imputabilité a été employé – en fonction de la nature et de la durée du traitement et de la prise effective du médicament. Il convient ensuite de définir l’imputabilité liée aux complications propres du Mediator® en fonction de différents critères : monothérapie, terrain propre du patient, réaction à la polymédicamentation.

C’est un sujet délicat qui a provoqué une forte crise de confiance. Il est difficile d’imaginer que l’indemnisation se fera rapidement : aussi, méfions-nous des effets d’annonce. La méthode doit consister à prendre des décisions, voire des décrets, modifiant la prescription, la consommation, le suivi et l’évaluation des médicaments. Rétablissons la confiance dans la réparation et cessons de crier à chaque fois à la responsabilité de l’État.

Ce sont les laboratoires Servier qui sont responsables. Ceux qui ont fait des études médicales savent aussi que ce laboratoire a fourni en grande quantité des documents dans lesquels les étudiants se sont instruits. Pour être honnête et juste, il faut tout prendre en considération.

M. Jean Bardet. La mission sur le Mediator®, dont je suis membre, a surtout permis de révéler des non-dits.

Ainsi, parmi les personnes auditionnées, certaines disent qu’elles savaient tout de la nocivité du Mediator® : ces « chevaliers blancs » ne l’auraient jamais prescrit ! D’autres en revanche, notamment les administratifs – je rejoindrai Jean-Luc Préel à leur sujet –, disent qu’elles ne savaient rien en dépit de leurs responsabilités et n’ont appris que par la presse, en 2009, que le Mediator® était dangereux. Ils n’auraient jamais lu aucun rapport ni eu connaissance d’aucune remontée en ce sens !

Le premier problème est celui du nombre des victimes, sur lequel règne le plus grand flou, comme Jean-Pierre Door l’a rappelé : le nombre évoqué oscille, en effet, entre 350 et 2 000, voire plus si on suit le professeur Even.

Le deuxième est celui de la responsabilité de Servier : il faut déterminer dans quelle mesure le laboratoire a menti.

Le troisième est celui de la responsabilité de l’administration, qui a donné l’autorisation de mise sur le marché du Mediator®. Servier a peut-être menti, mais comment se fait-il que les enquêtes complémentaires demandées par les administrations concernées n’aient pas été effectuées ou que leur suivi n’ait pas été assuré ?

Je suis médecin : il ne faut pas non plus occulter la responsabilité des médecins prescripteurs. L’autorisation de mise sur le marché avait autorisé le Mediator® pour certaines indications. Or, ces dernières semblent avoir été dépassées, d’aucuns affirment à 80 %. Quelle est, là aussi, la responsabilité de Servier ? Ses représentants médicaux ont-ils, par voie orale, mensongèrement présenté le Mediator® comme un coupe-faim ? Il appartiendra à la justice de l’établir.

Dans l’état actuel des choses, les questions demeurent plus nombreuses que les réponses.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour avis. Il faut évidemment rétablir la confiance dans le médicament. Toutefois, l’article 22 du projet de loi de finances rectificative a une portée différente.

Jean-Luc Préel a évoqué l’imputabilité. C’est au collège d’experts, prévu à l’article 22, qu’il appartiendra de la déterminer en fonction des informations dont il disposera.

S’agissant de la responsabilité des autorités et des agences, il reviendra aux juges de l’établir sur les indications fournies, notamment, par les rapports des missions d’information.

En ce qui concerne le taux de pénalité de 30 %, il vise à dissuader l’exploitant de refuser des transactions rapides.

Il faudra sans doute apporter des améliorations à la loi Kouchner du 4 mars 2002, madame Lemorton, mais pas dans le cadre de ce collectif budgétaire. Attendons plutôt le projet de loi de réforme du pilotage national du système de santé.

J’indique à Simon Renucci que le Gouvernement n’a jamais dit qu’il exonérait l’État et l’AFSSAPS de toute responsabilité. Au juge de répondre !

La mission d’information sur le Mediator® et la pharmacovigilance dont vous êtes membre, cher Jean Bardet, n’achèvera ses travaux qu’à la fin du mois de juin. Elle n’a donc pas encore rendu ses conclusions. Dans le cadre du collectif budgétaire, il s’agit de parer au plus pressé – à savoir indemniser le plus rapidement possible les personnes, déjà au nombre de 1 400, qui ont saisi la justice.

M. Jean-Luc Préel. L’imputabilité reste un vrai problème. L’ONIAM va faire une proposition d’indemnisation et se retournera contre les responsables en cas d’absence de paiement. Mais qui seront ces responsables ? Au sens du texte, il ne peut s’agir que de Servier, car l’ONIAM ne se retournera pas contre l’État, quand bien même les responsabilités sont partagées. Par ailleurs, tant que les juges n’auront pas tranché, l’ONIAM ne pourra pas se retourner contre Servier. Comment résoudre ce problème ?

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour avis. L’article 22 confie au conseil d’orientation de l’ONIAM, qui réunit des personnalités diverses – associations, experts – le soin de définir les documents à fournir, les responsabilités, les liens de causalité… Faisons-lui confiance ! Une fois que le principe de l’indemnisation de la victime sera acquis, l’ONIAM se tournera vers Servier.

M. Jean-Luc Préel. Pourquoi seulement vers Servier ?

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour avis. Laissez le collège d’experts se prononcer ! Il appartiendra ensuite à la solidarité nationale d’indemniser, puis l’ONIAM se retournera contre les responsables. Les tribunaux auront certes déjà été saisis dans l’année qui vient, mais l’indemnisation doit intervenir en moins de douze mois – contre quatorze à quinze, sinon plus, devant les CRCI.

M. Gérard Bapt. Je m’étonne que l’État n’ait pas porté plainte et laisse la CNAMTS agir seule. M. Mattei, ancien ministre, a tout de même émis l’hypothèse de la corruption devant la mission d’information… S’il estime avoir été trompé, l’État pourrait donc porter plainte contre X et se constituer partie civile.

M. le président Pierre Méhaignerie. Nous en venons aux amendements.

La Commission examine l’amendement AS 3 de M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. L’ONIAM ne remplit pas une mission de bons offices ou de facilitation : il doit régler le litige. Cet amendement vise donc à remplacer le terme « faciliter » par le terme « procéder au ».

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour avis.  Avis défavorable. La loi Kouchner charge expressément les CRCI de « faciliter le règlement des litiges ». Le projet de loi ne fait que reprendre cette expression.

La Commission rejette l’amendement AS 3.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS 15 de M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. Je l’ai déjà dit, l’État est en partie responsable des complications dont les patients ont été victimes. Cet amendement vise donc à permettre à l’ONIAM de se retourner contre les agences sanitaires.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour avis. Je suis défavorable à cet amendement pour plusieurs raisons. L’ONIAM est un établissement public. Il ne peut donc pas engager de procédure judiciaire contre un autre établissement public – en l’occurrence, l’AFSSAPS. Il ne peut d’autre part se retourner que contre les personnes appelées dans la cause, et la loi Kouchner a limité cette possibilité aux acteurs de santé, en excluant les agences sanitaires. Ce n’est pas dans le cadre du collectif budgétaire que nous allons la modifier.

M. Jean Bardet. Je suis d’accord avec l’esprit de cet amendement, mais compte tenu des observations du rapporteur, je m’abstiendrai.

Mme Catherine Lemorton. On conçoit en effet difficilement que l’État puisse se retourner contre lui-même, mais Jean-Luc Préel soulève un vrai problème : les agences sanitaires n’ont pas fait leur travail. Pour reprendre les propos un peu provocateurs d’une journaliste, un laboratoire aurait presque pu mettre de la mort-aux-rats dans des gélules…

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour avis. Je rappelle que les victimes ont la possibilité de poursuivre ces agences sanitaires en justice – et nous savons qu’elles le feront. Il n’en reste pas moins que l’article 22 s’inscrit dans le cadre de la loi Kouchner.

La Commission rejette l’amendement AS 15.

Puis elle examine l’amendement AS 16 de M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour avis.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour avis. Cet amendement prévoit que l’ONIAM informe les organismes de sécurité sociale d’affiliation des requérants des demandes d’indemnisation qu’il reçoit.

La Commission adopte l’amendement AS 16.

Elle examine ensuite l’amendement AS 17 de M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour avis.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour avis. Il s’agit d’adapter la composition du conseil d’orientation de l’ONIAM, lorsqu’il délibère de l’indemnisation des victimes du benfluorex, pour y intégrer des représentants des associations de victimes, mais aussi un médecin spécialiste du traitement des valvulopathies ou de l’hypertension artérielle pulmonaire.

Je propose également d’obliger les membres du conseil d’orientation et du collège d’experts de rendre publique une déclaration d’intérêts, afin de renforcer la transparence du dispositif.

La Commission adopte l’amendement AS 17.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS 18 de M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour avis.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour avis. Il s’agit de prévoir expressément le caractère contradictoire de la procédure devant le collège d’experts de l’ONIAM.

La Commission adopte l’amendement AS 18.

Elle examine ensuite l’amendement AS 9 de M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Il s’agit d’éviter que le collège d’experts ne se voit opposer – comme c’est trop souvent le cas – la notion de secret industriel lorsqu’il procède à une investigation.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour avis. Avis favorable : l’information du collège d’experts doit être la plus complète possible.

La Commission adopte l’amendement AS 9.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements AS 10 de M. Gérard Bapt et AS 19 de M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour avis.

M. Gérard Bapt. Afin de conforter la crédibilité de ses avis, notamment dans l’hypothèse d’une procédure judiciaire suite à un refus d’indemnisation, nous proposons que la présidence du collège d’experts soit assurée par un magistrat de la Cour de cassation.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour avis. Puis-je vous suggérer de retirer cet amendement au profit du mien, qui élargit le recrutement à tous les magistrats de l’ordre administratif ou judiciaire ? Nous risquons, en effet, de rencontrer des difficultés si nous limitons celui-ci aux seuls magistrats de la Cour de cassation. Du reste, un juge est toujours un juge !

M. Gérard Bapt. Pour peu que le choix de ce magistrat lui assure toujours l’autorité suffisante, je veux bien retirer mon amendement…

L’amendement AS 10 est retiré.

La Commission adopte l’amendement AS 19.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements AS 11 de M. Gérard Bapt et AS 20 de M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour avis.

M. Gérard Bapt. L’alinéa 22 prévoit que la composition du collège d’experts relève d’un décret en Conseil d’État. Il serait donc préférable que l’alinéa 21 n’en traite pas.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour avis. Autrement dit, vous proposez de renvoyer au décret toute la composition du collège. J’y suis défavorable. Je vous propose pour ma part d’intégrer à ce collège un représentant du conseil national de l’Ordre des médecins, garant de la déontologie médicale.

La Commission rejette l’amendement AS 11.

Puis elle adopte l’amendement AS 20.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS 21 de M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour avis.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour avis. Dans la continuité de l’amendement AS 16, je propose d’assurer une information des organismes de sécurité sociale tout au long de la procédure d’indemnisation.

La Commission adopte l’amendement AS 21.

Puis elle examine l’amendement AS 13 de M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. N’ayant pas été entendu, le laboratoire Servier a estimé que le rapport de l’IGAS n’était pas contradictoire. Pour que cet argument ne puisse pas être opposé à l’avis du collège d’experts, cet amendement consacre le principe du contradictoire dans la procédure d’expertise.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour avis. Avis défavorable, il est satisfait par l’adoption de l’amendement AS 18.

L’amendement AS 13 est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement AS 22 de M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour avis.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à faciliter le recours contre tiers des organismes de sécurité sociale.

La Commission adopte l’amendement AS 22.

Elle examine ensuite l’amendement AS 14 de M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Nous proposons de supprimer ce qui relève d’une clause contractuelle classique dans le droit des assurances. Les contrats d’assurance prévoient en effet toujours des plafonds de garantie.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour avis. Je suis défavorable à cet amendement qui me semble contre-productif. Il est nécessaire que la loi précise que cette référence aux plafonds de garantie ne concerne que les assureurs. Il ne faudrait pas que l’exploitant puisse, lui aussi, s’abriter derrière ces plafonds.

M. Gérard Bapt. Je maintiens l’amendement, sous réserve de vérifications d’ici la discussion en séance publique. Les assureurs que nous avons reçus n’étaient en effet pas unanimes sur ce point.

La Commission rejette l’amendement AS 14.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS 23 de M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour avis.

M. Jean-Pierre Door. Cet amendement vise à raccourcir le délai imparti à l’ONIAM pour présenter l’offre d’indemnisation. La procédure serait ainsi limitée à douze mois, contre quatorze pour les procédures classiques et plusieurs années pour les procédures judiciaires.

La Commission adopte l’amendement AS 23.

M. Gérard Bapt. Sur cet article, les commissaires du groupe SRC s’abstiendront.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 22 modifié.

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

Amendement n° AS 1 présenté par Mme Martine Billard, M. Roland Muzeau et Mme Jacqueline Fraysse

Article 8

I. –  À l’alinéa 11, substituer au nombre : « 250 », les mots : « moins de 50 salariés ».

II. – À l’alinéa 18, substituer au nombre : « 250 », le nombre : « 100 ».

Amendement n° AS 2 présenté par Mme Martine Billard, M. Roland Muzeau et Mme Jacqueline Fraysse

Article 8

Supprimer l’alinéa 11.

Amendement n° AS 3 présenté par M. Gérard Bapt et les députés membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche

Article 22

À l’alinéa 4, substituer aux mots : « de faciliter », les mots : « de procéder au ».

Amendement n° AS 9 présenté par M. Gérard Bapt et les députés membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche

Article 22

À l’alinéa 20, après les mots : « secret professionnel », insérer les mots : « ou industriel ».

Amendement n° AS 10 présenté par M. Gérard Bapt et les députés membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche

Article 22

À l’alinéa 21, substituer aux mots : « par un médecin », les mots : « par un magistrat nommé parmi les président de chambre ou les conseillers à la Cour de cassation, en activité ou honoraires. »

Amendement n° AS 11 présenté par M. Gérard Bapt et les députés membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche

Article 22

À l’alinéa 21, après le mot : « médecin », supprimer la fin de l’alinéa.

Amendement n° AS 13 présenté par M. Gérard Bapt et les députés membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche

Article 22

Après l’alinéa 23, insérer l’alinéa suivant :

« Lors de la procédure d'expertise, le demandeur comme le ou les personnes dont la responsabilité est mise en cause peuvent être assistés de toute personne de leur choix. L'avis du collège est pris dans le respect du principe du contradictoire. ».

Amendement n° AS 14 présenté par M. Gérard Bapt et les députés membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche

Article 22

À l’alinéa 27, supprimer les mots : «  dans la limite, pour les assureurs, des plafonds de garantie des contrats d'assurance ».

Amendement n° AS 15 présenté par M. Jean-Luc Préel

Article 22

Après l’alinéa 4, insérer l’alinéa suivant :

« L’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales peut se retourner vers les responsables, laboratoires ou les agences sanitaires pour les litiges relatifs aux dommages causés par l'administration du benfluorex. ».

Amendement n° AS 16 présenté par M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour avis

Article 22

Après l’alinéa 18, insérer l’alinéa suivant :

« Dès qu’il reçoit une demande, l’office en informe les organismes de sécurité sociale auxquels l’auteur de la demande est affilié. »

Amendement n° AS 17 présenté par M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour avis

Article 22

Après l’alinéa 19, insérer les trois alinéas suivants :

« Art. L. 1142-24-2-1. – Le conseil d’orientation mentionné aux articles L. 3111-9 et L. 3122-1 exerce auprès du conseil d’administration de l’office, s’agissant des dommages mentionnés au troisième alinéa de l’article L. 1142-22, les mêmes attributions que pour les questions relatives à l’indemnisation des préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite C ou par le virus d'immunodéficience humaine causée par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang, des préjudices directement imputables à une vaccination obligatoire réalisée en application de l'article L. 3111-4 et des préjudices imputables à une activité de prévention, de diagnostic ou de soins réalisée en application de mesures prises conformément aux articles L. 3131-1 ou L. 3134-1.

« Lorsque le conseil d’orientation est saisi de questions relatives à l’indemnisation des dommages mentionnés au troisième alinéa de l’article L. 1142-22, sa composition est adaptée à ces questions, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’État.

« Les membres du conseil d’orientation, ainsi que ceux du collège d’experts mentionné à l’article L. 1142-24-3 adressent au directeur de l’office, à l’occasion de leur nomination, une déclaration mentionnant leurs liens, directs ou indirects, avec les entreprises, établissements ou organismes dont l’activité entre dans le champ de compétence de l’office. Cette déclaration est actualisée à leur initiative dès qu’une modification intervient concernant ces liens ou que de nouveaux liens sont noués. Elle est rendue publique. ».

Amendement n° AS 18 présenté par M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour avis

Article 22

À l’alinéa 20, après le mot : « demande », insérer les mots : « dans le respect du principe du contradictoire ».

Amendement n° AS 19 présenté par M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour avis

Article 22

À l’alinéa 21, après les mots : « présidé par », substituer aux mots : « un médecin », les mots : « un magistrat de l'ordre administratif ou un magistrat de l'ordre judiciaire, en activité ou honoraire ».

Amendement n° AS 20 présenté par M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour avis

Article 22

À l’alinéa 21, après le mot : « proposés », insérer les mots : « par le conseil national de l’ordre des médecins, ».

Amendement n° AS 21 présenté par M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour avis

Article 22

À l’alinéa 22, après les mots : « suivie devant lui », insérer les mots : « et les modalités d’information des organismes de sécurité sociale auxquels la victime est affiliée »

Amendement n° AS 22 présenté par M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour avis

Article 22

Compléter l’alinéa 25 par les mots : « , notamment les organismes de sécurité sociale auxquels est affiliée la victime. »

Amendement n° AS 23 présenté par M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour avis

Article 22

Au début de l’alinéa 30, insérer les mots : « Dans un délai de trois mois suivant l’échéance du délai mentionné à l’article L. 1142-24-5 ou, le cas échéant, suivant le refus explicite ou l’offre manifestement insuffisante mentionnés au premier alinéa, ».

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