N° 4093 - Rapport de M. Jean-Jacques Guillet sur le projet de loi , adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification de l'accord de passation conjointe de marché en vue de la désignation par adjudication d'une instance de surveillance des enchères (n°4078)




N
° 4092 et N° 4093

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 décembre 2011.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR :

– LE PROJET DE LOI, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de l'accord de passation conjointe de marché en vue de la désignation par adjudication de plates-formes d'enchères communes,

et

– LE PROJET DE LOI, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de l'accord de passation conjointe de marché en vue de la désignation par adjudication d'une instance de surveillance des enchères,

par M. Jean-Jacques  GUILLET

Député

___

ET

ANNEXE : TEXTES DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Voir les numéros :

A – LE REJET D’UNE FISCALITÉ SUR LE CARBONE ET LA MISE EN PLACE D’UN SYSTÈME DE QUOTAS 7

1) L’abandon d’un mécanisme fiscal 7

2) « Marché carbone » ou « finance carbone », une activité en plein développement 8

3) Paradoxe, utilité et fragilité du système de quotas 10

4) Des quotas gratuits aux quotas payants : les trois phases d’allocation 12

B – L’ORGANISATION DU SYSTÈME D’ENCHÈRES 13

II - LES DISPOSITIFS DES DEUX ACCORDS 17

A – LE DISPOSITIF PARTICULIER 17

1) L’objet des deux accords 17

2) Le cas des Etats ne participant pas à la plateforme commune 19

B – LE DISPOSITIF COMMUN 21

CONCLUSION 31

EXAMEN EN COMMISSION 33

ANNEXE – TEXTES DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 35

Mesdames, Messieurs,

La commission des Affaires étrangères est saisie de deux projets de loi visant à permettre à la France de respecter ses obligations de lutte contre le changement climatique à l’échelle européenne : le projet n° 4077 autorisant la ratification de l’accord de passation conjointe de marché en vue de la désignation de plates-formes communes d’enchères de quotas et le projet n° 4078 autorisant la ratification de l’accord de passation conjointe de marché en vue de la désignation par adjudication d’une instance de surveillance des enchères. Ces deux textes dont la rédaction est quasiment analogue peuvent d’autant plus faire l’objet d’un rapport commun qu’ils concernent le même sujet : le système européen d’échanges de quotas de gaz à effet de serre.

Le contexte dans lequel interviennent ces accords est désormais bien connu. Rares sont les personnes qui contestent l’origine anthropique du dérèglement du climat, principalement en raison de l’émission de gaz à effet de serre (GES) issu des activités humaines. Le dernier rapport du Groupe intergouvernemental d’experts sur le climat (GIEC) d’octobre 2011 est extrêmement pessimiste sur la question, qui considère que l’objectif d’une limitation à 2 degrés de la hausse des températures ne sera pas atteint et qu’il en résultera des cyclones plus violents et une élévation du niveau des eaux.

Rappelons, pour mémoire, que les GES comprennent, outre le dioxyde de carbone (CO2), le méthane (CH4), les halocarbures (HFC et PFC), le protoxyde d’azote (N20) et l’hexafluorure de soufre (SF6). S’accumulant à la limite de l’atmosphère terrestre, ils agissent comme une couverture qui conserve la chaleur de la terre, mais année après année, l’activité humaine accentue à la fois l’épaisseur de cette couverture et l’élévation des températures qui en résulte.

Il est clair que les questions environnementales sont désormais partie prenante de la politique internationale. Malheureusement, grand est le contraste entre les intentions affichées et les résultats des sommets internationaux. Pour de multiples raisons, rappelées chaque année dans l’avis budgétaire de notre commission sur les crédits consacrés à l’action internationale de la France en matière d’environnement, aucune des négociations sur la limitation des GES n’a abouti ces dernières années. Le présent rapport prend d’ailleurs place juste après la conférence de Durban, dont les résultats sont en demi-teinte. Alors que de récents rapports scientifiques insistent sur l’accélération du réchauffement climatique, au-delà des perspectives initiales (l’élévation des températures pourrait atteindre 4 à 6 degrés, rendant obsolète l’objectif de 2 degrés), les pays présents en Afrique du Sud se sont accordés sur un compromis a minima, permettant de maintenir le Protocole de Kyoto et de préparer le texte qui lui succèdera. Le compromis n’est sans doute pas à la hauteur de l’enjeu pour l’ensemble de l’humanité. L’Union européenne peut sans doute se satisfaire de voir que les Etats-Unis, la Chine, le Brésil et l’Inde ont accepté l’idée de s’engager formellement vers des objectifs de réduction de leurs émissions et qu’ils vont s’efforcer d’aboutir en 2015 à un accord sur ce point. 195 pays sont désormais prêts à suivre la feuille de route proposée par l’Union européenne. Les 37 pays les plus industrialisés signataires du Protocole de Kyoto ne seront plus les seuls à fournir des efforts puisqu’ils seront rejoints par les pays émergents. Quant au Fonds vert, annoncé en 2010 à la conférence de Cancun, Durban a confirmé sa mise en place, mais il s’agit juste d’une déclaration de principe puisque aucun pays ou instance ne sait comment trouver les 110 milliards de dollars qui doivent l’abonder.

Parallèlement aux négociations sous l’égide de l’ONU, seule l’Union européenne a mis en place à ce jour une politique fondée sur des règles juridiquement contraignantes, mais il lui a fallu composer avec ceux de ses Etats membres qui rejetaient un système de taxation en mettant en place un mécanisme de marché.

L’absence de résultat ne signifie en aucun cas qu’il y a inertie de l’ensemble des pouvoirs publics ou des opérateurs économiques. Le clivage s’établit entre pays qui acceptent de se soumettre à des règles internationales (Union européenne) et pays qui estiment préférable de mettre en place des politiques écologiques à leur rythme, comme les Etats-Unis et la Chine, en pariant plus sur le progrès technologique que sur des obligations issues d’accords internationaux. Pour la première fois dans l’histoire économique, plus de 200 milliards de dollars ont été placés en 2011 sur les énergies renouvelables, soit un montant supérieur aux investissements consacrés aux énergies fossiles, cette somme comprenant aussi bien la création de fonds finançant des opérateurs que des créations d’unités fabricant des panneaux solaires et des éoliennes. Il est significatif que le leader mondial soit la Chine, pays qui doit faire face à des défis écologiques importants.

Les présents projets de loi prennent donc place dans un contexte politique et économique en profonde mutation. Il est clair que la plupart des Etats de la planète amorcent un virage écologique, face aux ravages générés par le modèle énergétique actuel, mais qu’ils préfèrent les mécanismes du marché pour avancer à leur rythme sur cette voie. Une fiscalité écologique a peu de chances de voir le jour, surtout à une période où les Gouvernements hésitent à accroître les charges sur les entreprises. Pour limiter les émissions de GES dans l’Union européenne, il semble évident que le système de quotas perdurera.

Expérimenté depuis 2005, ce système entrera en 2013 dans une nouvelle phase, avec des modalités d’allocations payantes et non plus gratuites. Il convient en conséquence d’établir les procédures qui permettront la sélection des plates formes d’enchères de quotas et d’une instance de surveillance desdites enchères. Tels est l’objet des deux projets de loi.

I – LE SYSTEME DE QUOTAS : UNE ALTERNATIVE A LA FISCALITE SUR LE CARBONE

Le système européen d’échanges de quotas d’émission (SEQ) de gaz à effet de serre a été mis en place pour que l’Union européenne (UE) respecte les obligations prévues par le protocole de Kyoto. Mais il est issu de l’échec de la taxation des émissions de carbone tant à l’échelle mondiale qu’au niveau européen.

Le SEQ peut sans doute être analysé comme un choix par défaut. La volonté de l’UE de se tourner vers une économie plus sobre en énergies fossiles et en émission de carbone ne peut en revanche souffrir de doutes. L’UE constitue d’ores et déjà l’espace qui rejette globalement le moins de carbone alors qu’elle constitue la première puissance économique mondiale. Son objectif de réduction des émissions de CO2 est à 2020, mais elle prépare déjà un nouveau train de mesures à l’horizon de 2030.

A – Le rejet d’une fiscalité sur le carbone et la mise en place d’un système de quotas

Les réflexions sur la mise en place d’une fiscalité écologique ont vu le jour à la fin des années 90 dans différents pays (France, pays scandinaves). La Commission européenne a proposé en 1992 d’instaurer une taxe européenne sur l’énergie et les émissions de carbone. L’opposition très vive des représentants de nombreux secteurs industriels, les divergences entre la France et l’Allemagne (Berlin dépendant fortement de centrales à charbon), l’impossibilité de trouver une position unanime des Etats en matière fiscale ont eu raison de cette première tentative, que la Commission a retirée en 1997.

1) L’abandon d’un mécanisme fiscal

La plupart des facteurs qui expliquent l’échec de 1997 demeurent d’actualité. L’unanimité est toujours requise en matière fiscale. Or, les Etats européens n’utilisent pas les mêmes ressources énergétiques, certains recourant au charbon et au lignite quand d’autres dépendent plus de l’énergie nucléaire, du pétrole et du gaz. De même, tous n’ont pas accompli les mêmes efforts pour bâtir un parc d’énergies renouvelables. L’unanimité sur la taxe carbone est en conséquence impossible à trouver tant son effet sur le prix de l’énergie est sensible pour les industriels et pour les consommateurs.

A l’échelle internationale, le poids des Etats-Unis et de la Chine, qui refusent tout mécanisme contraignant, est tel qu’aucune taxation ne pouvait être envisagée. Le Congrès des Etats-Unis aurait empêché toute ratification d’un accord en ce sens. L’objectif essentiel du Protocole de Kyoto (1997), à savoir réduire les émissions de carbone, ne peut donc être atteint que par un système de marché : l’échanges de quotas d’émission de carbone (1).

La mise en place de ce système à l’échelle européenne résulte du livre vert publié par la Commission européenne en 2000. Le projet de directive a été présenté au Conseil et au Parlement européen en 2001. La directive qui en est issue, n° 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté a été publiée le 13 octobre 2003, pour une entrée en vigueur le 1er janvier 2005.

2) « Marché carbone » ou « finance carbone », une activité en plein développement

A l’instar d’une taxation sur les GES, les systèmes de quotas fonctionnent selon le principe selon lequel le pollueur est le payeur. Ils s’appuient sur quatre principaux mécanismes, qui combinent l’intervention de la puissance publique et les activités de marché :

– un système de mesure : des registres nationaux ou régionaux tiennent la comptabilité des droits d’émissions des GES par les opérateurs industriels ;

– une politique de limitation des volumes émis : celle-ci relève de la puissance publique (région, Etat, Union européenne) qui détermine les plafonds de volumes de gaz pouvant être émis par zone géographique et par industrie, avec des objectifs de réduction dans le temps. Associée aux mécanismes de marchés, cette politique est nommée par les professionnels du secteur « cap and trade » (transactions s’exerçant dans un cadre limité) ;

– un système de contrôle et d’incitation : le marché est contrôlé, les opérateurs acquittant des amendes si leurs émissions dépassent les quotas qui leur ont été attribués. L’octroi de ces quotas obéit pour sa part à l’objectif d’inciter les opérateurs à investir dans des projets respectueux de l’environnement ;

– un système de marché : celui-ci s’organise dans un cadre réglementaire pour acheter et vendre les droits à émettre, créer des produits de couverture pour se protéger des variations de prix ou tirer un profit d’anticipations ; il peut enfin fonctionner de gré à gré. Il a donc toutes les caractéristiques d’un marché financier, avec des investisseurs (souvent de grandes banques), des courtiers et des analystes. L’existence de produits dérivés, l’abondance ou l’absence de liquidités peuvent générer des mouvements spéculatifs, critiqués par les mouvements écologistes pour lesquels des biens publics comme la qualité de l’air –qui est in fine l’objectif politique de ce mécanisme – ne doivent pas dépendre des marchés.

En l’absence de consensus mondial, il existe plusieurs cadres réglementaires pour les marchés de quotas, résumés dans le tableau ci-après :

Cadre réglementaire des marchés de quotas

(schéma simplifié)

Cadre

Participants : industries, pays ou zones régionales

Texte de référence

Principaux marchés

Principaux produits échangés

Protocole de Kyoto

Pays de l’UE : production d’énergie, raffineries de pétrole, fer et acier, pâtes et papiers, matériaux de construction.

Hors UE : 5 secteurs industriels au Japon, en Australie, en Nouvelle-Zélande, en Russie, en Ukraine et au Canada (annexe 1 du Protocole).

Inde, Brésil, Chine (annexe 2 du Protocole).

Protocole de Kyoto.

Système européen d’échange de quotas d’émission.

Protocole de Kyoto.

Protocole de Kyoto

Marchés régulés en Europe : ECX (ICE), EEX (EUREX), Nord Pool, Bluenext (Euronext et Caisse des dépôts / CDC).

Quotas d’émission : contrats au comptant, options.

Crédits d’émission convertibles en quota futur, contrat au comptant, futur, options.

Réglementations régionales

Industries énergétiques de 10 Etats américains et 4 Provinces canadiennes (1)

10 Etats et Provinces de l’Ouest américain et canadien (2)

Industries d’électricité en Nouvelles Galles du Sud (Australie).

8 Etats américains et 1 Province canadienne du Middle West(3)

Regional greenhouse gas initiative (RGGI).

Western climate initiative (WCI).

Greenhouse gas reduction scheme (GGAS).

Midwestern greenhouse gas reduction accord (GGRA).

Marché régulé RGGI

Marché régulé WCI

Marché régulé GGAS.

Marché régulé GGRA.

Quotas RGGI

Quotas WCI

Quotas GGAS.

Quotas GGRA.

Marchés volontaires

Tout pays ou opérateur candidat.

Tout pays ou opérateur candidat.

Chicago climate exchange standard

NIMEX / Green exchange standard

Marché volontaire CCX, Chicago climate exchange future.

Marché volontaire NYMEX

Quotas carbone, instruments financiers, dérivés.

Quotas EUA, dérivés, swaps, spots.

Echanges hors réglementation

Tout pays ou opérateur candidat

Toute industrie

Marchés de gré à gré.

Produits sur mesure

(1) Ensemble des Etats de la Côte Est, depuis la frontière canadienne jusqu au New Jersey, plus le Québec, l’Ile du Prince Edouard, Terre-Neuve et le Nouveau Brunswick.

(2) Arizona, Californie, Montana, Oregon, Utah, Nouveau Mexique, Washington, Colombie britannique, Manitoba et Ontario

(3) Dakota du Sud, Illinois, Indiana, Iowa, Kansas, Michigan, Minnesota, Wisconsin et Manitoba.

Source : Initiative Consulting Group

La fragmentation des réglementations est à l’origine de la multiplicité des marchés de quotas de GES. En l’absence de consensus mondial sur les processus à suivre pour réduire les émissions, certains Etats et collectivités territoriales, comme les Etats fédérés américains, mettent en œuvre leur propre politique pour respecter les objectifs du Protocole de Kyoto, ou plus pragmatiquement, pour implanter des industries et promouvoir des pratiques respectueuses de l’environnement. L’aspect symbolique des politiques d’environnement en est évidemment affecté mais les investissements en faveur des énergies renouvelables se multiplient, notamment aux Etats-Unis où les initiatives des Etats fédérés compensent largement l’immobilisme du Gouvernement fédéral, prisonnier d’un Congrès noyauté par les lobbies anti environnementaux. Ces derniers ont dépensé en 2009 et 2010 plus de 90 millions de dollars pour s’opposer aux projets du Président Obama.

Les systèmes de registre constituent la clé du fonctionnement des marchés. Ils comptabilisent les droits d’émission par pays, par zone géographique et par opérateur industriel. Ils permettent également d’enregistrer les opérations d’attribution et d’échange de droits : attribution initiale, achat, vente, obtention de nouveaux droits… Les trois principales opérations d’échange accomplies par des acteurs, dans le cadre des mécanismes de flexibilité du Protocole de Kyoto, sont :

– le système d’échange (emission trading) : possibilité pour un opérateur de vendre ou d’acheter des quotas à un autre opérateur ;

– le mécanisme de développement propre (clean development mechanism / CDM) : obtention de crédits d’émission de carbone convertibles en quotas, grâce à un investissement dans un projet certifié performant en émission de CO2 ;

– la mise en œuvre conjointe (joint implementation) : même mécanisme que le CDM, permettant à un pays de compenser ses émissions de CO2 grâce à un investissement dans un autre pays permettant la réduction des émissions de CO2.

Les marchés des quotas sont donc en constante évolution. Le douzième plan quinquennal de la Chine (2011 – 2016) prévoit ainsi la mise en place d’un système domestique d’échange de GES qui pourrait rapidement devenir le premier du monde le jour où il fonctionnera. La Nouvelle-Zélande a également adopté un tel mécanisme. Ils s’accompagnent de créations d’emplois dans le secteur de la finance, un facteur que la place de Paris ne néglige pas, elle qui ambitionne de jouer un rôle important dans ce secteur.

3) Paradoxe, utilité et fragilité du système de quotas

Le présent rapport n’a pas pour objet de reprendre le débat sur la pertinence du système de quotas, mais il peut être utile d’en rappeler quelques éléments. Ce système a subi de nombreuses critiques, ne serait-ce que parce qu’il ne constitue pas la seule incitation à investir dans les énergies renouvelables ou les économies d’énergie. Un simple calcul de rentabilité peut conduire un opérateur à investir pour diminuer les coûts de son poste énergétique. La Chine n’a pas attendu l’existence de ce système pour investir massivement dans des barrages hydroélectriques et des centrales nucléaires, plutôt que de bâtir de nouvelles centrales à charbon. Les besoins croissants de ses industries et de sa population et la nécessité de sauvegarder un environnement profondément dégradé – notamment les eaux – ont constitué une motivation économique et sociale suffisante.

Le débat tourne traditionnellement autour de l’opposition entre taxation directe et système d’échange. La taxation directe de la tonne de CO2 et autres GES présente l’avantage de déterminer avec certitude son prix, mais elle ne préjuge en rien du volume de gaz émis, les acteurs économiques demeurant libres d’en produire autant qu’ils le souhaitent en fonction de l’activité économique ou de leurs capacités de production. Seule une taxation très forte peut induire un tel effet sur les prix qu’elle rend intéressante l’évolution vers des modes de production et de consommation plus sobres en énergies fossiles.

Un système de quotas peut donc paradoxalement être aussi efficace puisqu’il fixe une limite d’émission. En revanche, comme sur tout marché, il fait peser un risque de cours sur les entreprises, comme cela s’est produit à la fin de 2007.

Le marché d’émissions de GES fonctionne selon une logique de plafond et d’échanges. Le plafond est déterminé par l’autorité publique, qui fixe la quantité maximale de GES pour une période donnée. Les quotas sont ensuite répartis entre les opérateurs économiques, qui doivent les respecter. A défaut, si une entreprise est conduite à émettre davantage de carbone que sa dotation initiale, elle peut se procurer un quota auprès d’une autre entreprise, qui se séparera contre rémunération d’un quota non utilisé.

C’est également l’autorité publique qui assure le suivi du système. En France, le registre national est tenu par la Caisse des dépôts et consignations

Le signal prix, cher aux économistes, s’exerce une première fois sur le marché d’échange, étant fonction de l’offre et de la demande, puis sur le consommateur final, puisque l’entreprise acheteuse de quotas est obligée d’en répercuter le coût dans le prix final du produit ou du service. Là est l’utilité du système de quota, qui peut avoir le même effet qu’une taxation directe en obligeant les acteurs économiques qui sont émetteurs de GES à investir dans des technologies ou des pratiques plus respectueuses de l’environnement pour éviter d’acquérir sans cesse des quotas dont le prix nuit à leur compétitivité.

Comme tout système de marché, celui d’échanges de quotas est fragile. Il a subi de 2006 à 2011 une série d’atteintes qui l’ont placé sous le feu des critiques :

– en avril 2006, il a enregistré une forte chute des prix, à la suite d’une demande des entreprises structurellement inférieure à l’offre de quotas, et en raison de l’impossibilité de thésauriser les quotas de la phase I pour les utiliser en phase II. Or, quand les cours s’effondrent, les entreprises ne sont plus incitées à investir dans des pratiques industrielles sobres en carbone puisque l’acte de polluer présente un coût peu élevé ;

– en 2009, le système a fait l’objet d’une fraude massive à la TVA ;

– en février 2010, les registres nationaux de quotas européens ont fait état d’une tentative de piratage informatique ;

– en mars 2010, le marché a perdu confiance à la suite de l’apparition de crédits internationaux déjà restitués par des entreprises et donc inutilisables, à la suite de la décision du Gouvernement hongrois de remettre sur le marché lesdits crédits ;

– depuis le début de l’année 2011, le prix de la tonne de carbone s’est effondré en Europe, passant de 16 euros en mai sur la place de Paris à 8 euros au mois de décembre. Comme en 2006, le décalage entre l’offre et la demande est patent. Le ralentissement économique a réduit les besoins énergétiques des entreprises et un automne doux a minoré la consommation d’électricité et de fuel. Si le signal prix demeure trop bas, non seulement les investissements européens ne seront pas orientés vers les énergies renouvelables, mais il en sera de même pour les investissements européens dans les pays en développement.

Pour la direction du Trésor, qui a assuré le secrétariat du rapport de M. Michel Prada sur la régulation des marchés du CO2 (2010), « ces chocs ne sont ni de même nature, ni de même ampleur ». Le premier (et le dernier, postérieur à la publication du rapport) tiennent au décalage entre l’offre et la demande et à un manque d’information sur le fonctionnement du marché. Les deux suivants relevaient de la criminalité organisée et le quatrième s’apparentait à l’exploitation d’une faille dans l’organisation du système d’échange par une autorité publique pourtant garante, comme tout Etat, de son bon fonctionnement. Il reste que les pouvoirs publics ne peuvent se permettre de nouvelles défaillances dans un domaine qui concerne un bien public. C’est la raison pour laquelle le passage à la troisième phase du système d’échanges de quotas doit être transparent et compréhensible par tous les opérateurs.

4) Des quotas gratuits aux quotas payants : les trois phases d’allocation

Rappelons que l’Union européenne a mis en place son système d’échanges en trois étapes :

De 2005 à 2007, une phase expérimentale a été mise en œuvre. Son objectif était de préparer l’entrée en vigueur du Protocole de Kyoto. Le plafond a donc été fixé à un niveau peu restrictif, afin de permettre aux administrations et aux opérateurs économiques d’acquérir de l’expérience dans la gestion des quotas. Dans les grandes lignes, le plafond de quotas a correspondu aux objectifs que l’UE s’assignait pour 2012, soit 2,29 milliards de quotas chaque année, à raison de 500 millions pour l’Allemagne et 157 millions pour la France.

Ces quotas ont été alloués à titre gratuit. En raison du manque de données fiables, le système a reposé sur les déclarations volontaires des industriels. Il s’est avéré que l’allocation totale a été surévaluée de 4 % environ.

La seconde phase (2008–2012) a été plus contraignante. L’UE pouvait se fonder sur des données plus exactes et visait surtout à respecter les engagements pris à Kyoto. Les quotas ont été ramenés à 2,08 milliards, à raison de 453,1 millions pour l’Allemagne, 127,7 pour la France et 202,2 pour la Pologne, deuxième émetteur de CO2 le plus important de l’Union. 90 % des quotas ont été gratuitement attribués. Si le solde de quotas payants a été si bas, c’est en raison de la volonté des Etats membres de faire accepter le système par les industriels.

La troisième phase commencera en 2013. Elle se déroulera dans un contexte qui a été marqué par l’échec des conférences de Copenhague (2009) et de Cancun (2010). En l’absence de toute décision contraignante, l’UE est en fait libre de ses objectifs de réduction d’émission de GES. Les négociations, ouvertes lors du premier semestre de 2010, doivent permettre de passer d’un système de gratuité des quotas à un système payant pour les deux tiers d’entre eux.

B – L’organisation du système d’enchères

En application du « paquet énergie-climat » adopté sous présidence française de l’Union européenne, en décembre 2008, le système européen sera profondément modifié lors de son entrée en phase III le 1er janvier 2013. La directive 2003/87/CE a été révisée et modifiée par la directive 2008/101/CE du 19 novembre 2008 et par la directive2009/29/CE du 23 avril 2009. La phase III se caractérisera par :

– l’intégration des activités aériennes et de nouvelles activités, notamment dans le secteur de la chimie ;

– l’extension du périmètre en assujettissant de nouveaux gaz en sus du dioxyde de carbone ;

– enfin, la mise aux enchères de quotas payants alloués par les États membres.

Actuellement, la quasi-totalité des quotas est allouée à titre gratuit. En application de l’article 10 de la directive du 23 avril 2009 précitée, la règle d’attribution en phase III sera la vente aux enchères. Pour éviter certaines délocalisations, 50 % des quotas demeureront d’attribution gratuite. Cette quotité devrait rester stable pendant toute la période 2013-2020, alors que le volume des quotas émis (de l’ordre de 2 milliards en 2013) devrait diminuer de 1,74 % par an sur la période.

Sur un plan financier, la mise aux enchères des quotas payants permettra aux États membres de percevoir des recettes supplémentaires. Pour la France, elles sont évaluées à 500 millions d’euros sur la base du cours actuel (8 euros la tonne). La France émet en effet de l’ordre de 120 millions de tonnes, dont la moitié sera mise aux enchères. Les Etats sont censés consacrer cette somme à des investissements en faveur des énergies renouvelables, mais comme elle sera d’abord versée dans le budget général, rien ne garantit que de tels investissements auront bien lieu.

Part de chaque Etat membre dans la phase III des quotas mis aux enchères

Malte

0,10 %

Autriche

1,36 %

République tchèque

4,57 %

Luxembourg

0,17 %

Hongrie

1,46 %

Roumanie

4,88 %

Lettonie

0,20 %

Slovaquie

1,50 %

France

5,35 %

Slovénie

0,43 %

Finlande

1,63 %

Espagne

8,44 %

Lituanie

0,53 %

Portugal

1,72 %

Italie

9,42 %

Suède

0,87 %

Belgique

2,48 %

Royaume-Uni

10,20 %

Estonie

0,89 %

Chypre

2,96 %

Pologne

12,21 %

Eire

0,92 %

Pays-Bas

3,28 %

Allemagne

19,57 %

Danemark

1,22 %

Grèce

3,39 %

Source : Commission européenne

La France se voit attribuer 5,35 % des quotas européens à mettre aux enchères, soit 9,22 % des quotas mis aux enchères sur la plateforme commune, à laquelle l'Allemagne, le Royaume-Uni et la Pologne ne participeront pas. Afin de faciliter la transition entre la phase II et la phase III, il a été prévu l’organisation d’enchères de quotas de phase III de manière anticipée dès 2012. Il s’agit de permettre aux producteurs d’électricité, qui vendent à terme leur production et achètent de la même façon leurs matières premières, de disposer de quotas en 2012 pour couvrir leurs besoins. En outre, 30 millions de quotas pour le transport aérien seront également mis aux enchères en 2012. En conséquence, une infrastructure européenne de mise aux enchères et une instance de surveillance devront être opérationnelles dès le deuxième semestre de 2012.

C’est en application de l’article 10, paragraphe 4 de la directive d’avril 2009 précitée que la Commission européenne a adopté le règlement n° 1031/2010 du 12 novembre 2010 relatif au calendrier, à la gestion et aux autres aspects de la mise aux enchères des quotas d’émission de gaz à effet de serre. Environ 1 milliard de tonnes seront mis aux enchères dans l’Union européenne en en 2013, à raison de 60 millions pour la France.

Le mécanisme sera le suivant :

– Les quotas seront mis chaque semaine aux enchères. Ces dernières seront effectuées « au 1er tour à prix unique ». Les soumissionnaires apporteront leurs offres durant une période précise d’enchères sans connaître les offres des autres soumissionnaires. A la clôture de la période d’enchère, les volumes des offres sont additionnés à partir de l’offre proposant le prix le plus élevé.

– Le prix de clôture est le prix auquel la somme des volumes des offres est égale ou supérieure au volume des quotas mis aux enchères. Toutes les offres prises en compte sont attribuées au prix de clôture.

Si les enchères ne couvrent pas la totalité du volume des quotas, la séance d’enchères est annulée. Il en sera de même si l’on observe un prix de clôture nettement inférieur au prix prévalant sur le marché secondaire.

– La mise aux enchères a vocation à aboutir à un transfert de propriété des quotas émis par l’Etat à des acteurs privés. Toute transaction donnera donc lieu à une livraison physique de quotas et à un paiement monétaire, comme sur un marché financier.

– Les quotas pourront ensuite, comme c’est le cas actuellement, être utilisés par les adjudicataires, soit pour les restituer aux États en compensation de leurs émissions, soit pour les négocier auprès d’autres entreprises sur le marché secondaire.

– Une instance de surveillance des enchères contrôlera tous les processus d’enchères. Elle sera désignée par les États membres à l’issue d’une procédure conjointe de passation de marché entre la Commission et les États membres pour une durée maximale de 5 ans.

– Rappelons enfin que l’Allemagne, la Grande-Bretagne et la Pologne, qui sont les principaux émetteurs de gaz à effet de serre de l’Union européenne, ont décidé d’utiliser la clause d’option prévue et choisi de conserver des plateformes nationales, en raison de l’expérience qu’elles y ont acquises. Elles souhaitent également maintenir des emplois d’opérateurs de marché sur leurs territoires nationaux. Elles ne sont donc pas des parties à l’accord pour la désignation de plateformes d’enchères communes, mais le règlement européen prévoit néanmoins que le fonctionnement de leurs plateformes sera proche de celui retenu pour la plateforme commune. L’option nationale ne concerne toutefois pas l’instance de surveillance qui a vocation à assurer la surveillance de l’ensemble des plateformes européennes communes comme nationales.

Dès juillet 2012, une plateforme transitoire sera mise en place qui préfigurera la plateforme définitive dont l’entrée en fonction sera en 2013. Cette plateforme transitoire permettra d’allouer une partie des quotas pour 2013 par anticipation et de jauger la validité de l’ensemble du dispositif.

II - LES DISPOSITIFS DES DEUX ACCORDS

Les deux accords ont la particularité de contenir chacun un dispositif particulier, mais d’être constitués très largement d’un dispositif commun.

A – Le dispositif particulier

1) L’objet des deux accords

L’article 1er de chaque accord définit leur objet respectif.

● Le premier accord a pour objet d’établir une procédure pour désigner « une ou plusieurs plateformes d’enchères communes » de quotas. Cette définition appelle plusieurs remarques :

– Une plateforme d’enchères de quotas est une infrastructure de marché, c'est-à-dire une bourse, au sein de laquelle se vendront les quotas d’émission de gaz à effet de serre alloués par les Etats. Plusieurs plateformes existent déjà, en Europe, aujourd’hui : par exemple, Bluenext à Paris, EEW à Leipzig mais aussi ICE-ECX à Londres. Aujourd’hui, ces sociétés interviennent essentiellement sur le « marché secondaire » des quotas car elles accueillent les échanges de quotas déjà émis par les Etats. La plateforme commune objet du présent accord gèrera pour sa part le « marché primaire », c'est-à-dire l’émission de quotas par la puissance publique.

– La plateforme d’enchères sera commune car elle sera sélectionnée conjointement par la Commission européenne et par plusieurs Etats membres et sera utilisée, en commun, par ces derniers. Toutefois, elle ne sera pas unique car, ainsi que l’autorise le règlement relatif à la mise aux enchères de 2010 (2), les Etats membres de l’Union européenne ont la possibilité d’avoir leur propre plateforme d’enchères. L’Allemagne, le Royaume-Uni et la Pologne ont décidé d’utiliser cette faculté d’ « opting out ». Ayant une part de quotas à émettre assez importante dans le volume total de quotas, ces pays ont été moins incités que les autres Etats membres de l’Union européenne à mutualiser les coûts de fonctionnement d’une plateforme d’enchères. En outre, l’Allemagne et le Royaume-Uni avaient déjà décidé d’organiser des enchères de quotas dès la phase II (2008-20102) : il leur est apparu logique de continuer à utiliser leur propre plateforme.

– Enfin, en évoquant « une ou plusieurs plateformes », l’article 1er prend en compte le fait qu’au moins deux plateformes d’enchères communes seront sélectionnées : une plateforme transitoire pour la mise aux enchères de quotas anticipées en 2012 ; une plateforme définitive pour la mise aux enchères des quotas à partir de 2013. En effet, afin de permettre une transition souple entre les phases II (2008-2012) et III (2013-2020) du SEQ (3), la Commission européenne a prévu la vente, de manière anticipée de 120 millions de tonnes de quotas en 2012 dans le but permettre aux producteurs d’électricité qui vendent à terme de disposer de quotas dès cette année pour couvrir leurs besoins (4). La Commission a donc proposé, pour l’organisation de ces enchères anticipées, la sélection d’une plateforme transitoire qui n’aura pas à respecter l’ensemble des dispositions prévues par le règlement de 2010. En outre, la mention « une ou plusieurs plateformes » est nécessaire car la plateforme définitive qui sera sélectionnée le sera pour une durée maximale de cinq ans (5). Ainsi, dans le temps, plusieurs plateformes seront désignées en vertu des règles établies par l’accord dont nous sommes saisis.

● Le second accord a pour objet d’établir une procédure pour désigner « une instance unique de surveillance des enchères » au cours desquelles seront vendus les quotas d’émission de gaz à effet de serre sur la plateforme sélectionnée à l’issue du premier accord. Plusieurs précisions doivent être également apportées à cette définition:

– Contrairement à la plateforme, qui sera commune, l’instance de surveillance sera unique. Comme le prévoit le règlement relatif à la mise aux enchères, tous les Etats membres de l’Union européenne doivent participer à l’action commune en vue de la désignation d’une seule instance de surveillance, compétente pour toutes les plates-formes.

– Concrètement, l’instance de surveillance supervisera toutes les séances d’enchères de quotas alloués par les Etats membres de l’Union européenne. Il lui reviendra de faire un état des lieux de l'interaction entre ces enchères et le marché carbone global et d’analyser leurs répercussions en termes de prix de volumes échangés. L’instance de surveillance aura également vocation à contrôler le lien entre les enchères et le fonctionnement du marché secondaire. Par exemple, elle pourra vérifier si les échanges ralentissent à l'approche d’une séance d’enchères. Elle remettra chaque mois un rapport à la Commission européenne et aux États membres, ainsi qu'un rapport annuel consolidé sur le déroulement des enchères, avec une attention particulière sur les questions d'accès équitable et ouvert, de transparence, de formation des prix, ainsi que sur les questions techniques et opérationnelles: les cas de comportement abusif ou d'abus de marché devront également être rapportés. Des versions non confidentielles de ces rapports seront disponibles sur le site internet de la Commission européenne.

– En réponse à une demande de précision de votre Rapporteur, le Gouvernement a indiqué que le recours à une instance de surveillance externe avait été prévu par les textes communautaires relatifs aux enchères en raison de la nature particulière des tâches incombant à celle-ci mais aussi de la nécessité de lui confier une certaine indépendance par rapport à tous les acteurs : la Commission
– qui est organisatrice des enchères –, les Etats membres – qui mettent leurs quotas aux enchères et pour qui l’instance de surveillance rédigera ses rapports –, les soumissionnaires – dont l’instance analysera le comportement – et les plateformes dont elle vérifiera le fonctionnement. Donner une telle compétence à un organisme public n’a pas semblé pertinent dans la mesure où il aurait été lié aux Etats membres, qui eux-mêmes réalisent des recettes à travers la vente de quotas aux enchères et se trouvent donc naturellement en situation de conflit d'intérêt sur le sujet.

– Enfin, l’instance de surveillance n’a pas vocation à remplacer les autorités nationales de marché. Le droit régissant le fonctionnement des marchés s’appliquera au processus d’enchères et les opérations d'initié, l'utilisation d'informations privilégiées ou la tentative de telles opérations seront bien évidemment interdites. Il reviendra d’abord à l'autorité nationale compétente de l'Etat membre où est établie la plateforme (6) d’y veiller, mais les autorités des autres Etats membres veilleront également à ce que ces dispositions s'appliquent aux personnes participant aux enchères.

2) Le cas des Etats ne participant pas à la plateforme commune

Rappelons que tous les Etats membres de l’Union européenne participent à l’action commune en vue de la désignation d’une instance de surveillance des enchères, mais que seuls les Etats qui le souhaitent peuvent recourir aux services de la plateforme commune. L’accord relatif à la désignation de cette dernière contient donc un titre spécifique, le titre V (7), qui concerne les Etats ayant choisi de ne pas y participer. Ce titre est constitué par les articles 34 à 40 de l’accord.

L’article 34 précise que les Etats membres non participants, s’ils ont le statut d’observateur, ont accès aux informations et aux documents de la procédure conjointe de marché et au marché qui en découle de la même manière que les Etats membres participants. S’ils n’ont pas ce statut, ils peuvent avoir accès aux informations et aux documents lorsque cela s’avère nécessaire à des fins de coordination. Dans les deux cas s’applique le « principe du besoin d’en connaître », c'est-à-dire que l’accès d’une personne à l’information est accordé dans le but de pouvoir exécuter une tâche prévue par l’accord et est ne peut être uniquement fonction du poste occupé par cette personne, aussi élevé soit-il dans la hiérarchie.

L’article 35 autorise les Etats membres non participants à nommer un observateur au comité directeur tant que la procédure conjointe de passation de marché n’a pas été lancée et si ces Etats n’ont pas eux même lancé leur propre procédure. Ils peuvent également désigner un observateur au comité de gestion s’ils utilisent la plateforme commune d’enchères. Ces restrictions sont à tout moment contournables, au cas par cas, par la Commission si celle-ci l’estime nécessaire pour assurer une meilleure coordination entre Etats membres.

Aux termes de l’article 36, les Etats membres non participants peuvent utiliser la plateforme d’enchères communes à la double condition qu’ils aient signé un contrat mutatis mutandis identique à celui résultant de la procédure conjointe de passation de marché et que leur adjudicateur – c’est à dire une entité qui représente l’Etat auprès de la plateforme d’enchères (8) – ait également conclu un arrangement avec la plateforme commune.

S’ils ont recours à cette faculté, les Etats membres non participants, « ajoutent leur volume de quotas à ceux mis aux enchères par les Etats membres participants ». Ces nouveaux quotas sont donc mis aux enchères de la même manière que ceux des Etats participants, au cours d’une même fenêtre d’enchères et non lors de fenêtres séparées.

L’article 37 autorise un Etat membre non participant à rejoindre la plateforme commune et à devenir un État membre participant. Dans ce cas, il signe un accord d’adhésion prenant la forme d’un amendement à l’accord de passation conjointe de marché.

L’article 38 dresse la liste des articles de l’accord qui sont applicables aux Etats membres non participants, dans le but, notamment, de permettre à ces derniers de pouvoir utiliser la plateforme communes dans les conditions fixées par l’article 36 de l’accord.

L’article 39 vise à permettre aux Etats membres non participants d’exprimer leur point de vue lorsque le comité directeur envisage d’adopter une décision qui aurait des conséquences sur les coûts qu’ils auraient à supporter, notamment s’ils ont recours au service de la plateforme commune en application de l’article 36.

L’article 40 est relatif à l’entrée en vigueur de l’accord pour les Etats membres non participants. S’il est inhabituel de concevoir une « entrée en vigueur » pour des Etats « non participants », il apparaît que ces derniers peuvent signer et approuver l’accord, lequel entrera alors en vigueur à leur égard.

B – Le dispositif commun

Les articles 2 définissent les principaux termes employés dans chaque accord et n’appellent pas de commentaire particulier.

Les articles 3 rappellent que la procédure conjointe de passation des marchés est définie au premier paragraphe de l’article 125 quater du règlement financier de l’Union européenne (modalités d’exécution). Ce règlement a prééminence en cas de conflit avec le présent accord.

Les articles 4 sont relatifs aux conséquences du mandat que les Etats membres accordent à la Commission de l’Union européenne pour passer un marché en vue de la désignation de plates-formes communes d’enchères de quotas. La Commission agira au nom des Etats pour la passation de marché, y compris l’attribution et la signature du marché consécutif et la gestion de ce dernier. Le marché consécutif se définit comme le marché issu de la procédure de passation conjointe.

Les Etats délèguent également à la Commission le soin d’agir comme leur représentant en cas d’action contentieuse ou demande de modification effectuée dans le cadre du marché consécutif. Deux cas peuvent se présenter :

– lorsqu’il y a conflit entre un Etat et un contractant à l’initiative de ce dernier ;

– lorsque le conflit est à l’initiative d’un Etat membre.

Les articles 5 instituent un comité directeur de passation conjointe de marché. Que ce soit pour la plateforme commune ou pour l’instance de surveillance unique, ce comité a pour mission de traiter les questions relatives à la procédure de sélection, à la gestion du marché qui en découle et aux éventuels manquements, désaccords ou action en justice.

Dans chaque accord, les articles 6 définissent la composition du comité directeur institué par les articles 5. La Commission européenne et les Etats membres participants y désignent chacun un représentant, un suppléant et, le cas échéant, des conseillers chargés de les assister. Représentants et suppléants doivent faire partie du « personnel » des Etats ou de la Commission, ce qui exclue le recours aux consultants externes. Le comité directeur, dont la langue de travail est l’anglais, est présidé par le représentant de la Commission (9).

Lorsqu’elle aura approuvé les deux accords, la France aura vocation à être représentée par la direction générale du Trésor au comité directeur de passation conjointe de marché relatif à la plateforme commune et par la direction générale de l’énergie et du climat au comité directeur du marché concernant l’instance de surveillance.

Un statut d’observateur pourra être accordé aux Etats signataires des accords mais qui ne les ont pas encore approuvés. Tel est le cas, aujourd’hui de l’Espagne, de la Finlande mais aussi de la France qui, tant qu’elles n’ont pas achevé la procédure d’approbation, n’ont pas voix délibérative aux deux comités directeurs. Or, les deux accords étant entrés en vigueur le 23 novembre dernier, un des deux comités directeur – celui sur la plateforme commune – a déjà commencé ses travaux.

Dans le cas de l’accord concernant la désignation d’une plateforme d’enchères communes, le statut d’observateur pourra également être accordé aux Etats membres non participants.

Les articles 7 instituent un comité de gestion des marchés « chargé de superviser la gestion du marché consécutif avec le cocontractant ». A ce titre, il rapporte aux comités directeurs institués par les articles 5. Par rapport au comité de gestion du marché relatif à la plateforme d’enchères communes, celui concernant l’instance de surveillance est doté d’une compétence supplémentaire : examiner les versions non confidentielles des rapports que lui adressera cette instance avant leur publication sur le site web de la Commission européenne.

La composition du comité de gestion de chaque marché est déterminée par les articles 8 des deux accords. La Commission européenne peut y désigner un maximum de cinq représentants et de cinq suppléants. Les Etats membres, collectivement, en font de même. Le comité de gestion est présidé par un des représentants de la Commission ou son suppléant. Il est probable que les personnes qui siégeront au comité de gestion auront une activité professionnelle les conduisant à disposer d’une bonne connaissance du marché du carbone et du fonctionnement des enchères en particulier. Comme pour le comité directeur, la langue de travail de ce comité devrait être l’anglais.

Les articles 9 fixent la procédure de désignation des représentants des Etats membres au sein du comité de gestion :

– chaque Etat membre peut présenter un candidat ou, s’il ne le fait pas, soutenir la candidature présentée par un autre Etat ;

– la Commission européenne retient un maximum de dix candidatures. Elle accepte d’abord deux candidatures d’Etats membres non participants à la passation conjointe de marché relatif à la plateforme commune puis huit autres candidatures présentées par les Etats participants. La priorité va aux candidats qui ont reçu le plus de soutiens de la part des autres Etats ;

– le comité directeur de passation conjointe du marché évalue les candidatures présentées et retenues par la Commission. Il peut demander des informations supplémentaires sur les personnes candidates ou faire passer des entretiens ;

– une fois que le comité directeur a approuvé ces candidatures, la Commission peut désigner les 5 membres titulaires et les 5 suppléants.

La durée du mandat des membres du comité de gestion est comprise entre deux et trois ans. Cette durée n’est pas fixe afin de laisser une certaine flexibilité pour garantir un fonctionnement efficace du comité. Ils sont nommés ad personam, c'est-à-dire que « dans l’exercice de leurs fonctions, ils défendent l’intérêt collectif ». Par conséquent, ils ne peuvent accepter aucune instruction de quiconque. Enfin, en cas de conflit d’intérêt, ils sont appelés à démissionner. Une telle situation interviendrait, par exemple, s’il apparaissait qu’un candidat ou un membre du comité de gestion qui possède par ailleurs des intérêts financiers dans la sélection d’un soumissionnaire.

Il convient de relever que l’article 9 de l’accord relatif à la sélection d’une plateforme commune autorise les Etats non participants à désigner des représentants au comité de gestion. Cette faculté a pour objectif de permettre une meilleure coordination du fonctionnement de la plateforme commune avec les plateformes nationales des Etats non participants, et ce, dans un souci de cohérence et d’harmonisation des pratiques sur un marché, par nature, européen.

Les articles 10 précisent que la Commission européenne peut désigner un ou deux comités d’évaluation « en vue d’évaluer les demandes de participation ou les offres » (10). Une telle faculté a été laissée à la Commission car elle n’emporte pas d’enjeux particuliers dans la mesure où la décision ne devrait être prise que pour des raisons de gestion administrative de la procédure d’évaluation. Dans le cas où la Commission choisirait de créer deux comités, le l’un aurait pour objet « la sélection des demandes de participation ou des offres sur la base des critères d’exclusion et de sélection » et l’autre aurait pour mission d’évaluer les « offres sur la base des critères d’attribution ».

Le comité d’évaluation – ou chaque comité si la Commission en désigne deux – est composé de dix personnes au maximum (cinq désignées par la Commission européenne et cinq par les Etats membres) et est présidé par un de ses membres nommé par la Commission européenne.

Les articles 11 décrivent la procédure de nomination des membres du comité d’évaluation. Elle est similaire à celle prévue pour désigner les membres du comité de gestion des marchés.

Les articles 12 sont relatifs au rôle de la Commission dans la procédure conjointe de passation de marché. Il lui appartient notamment de déterminer la forme du marché, qui peut consister en un ou plusieurs marchés publics ou en un ou plusieurs contrats-cadres tels que définis par le règlement financier de l’Union européenne, ainsi que de choisir la procédure (ouverte, restreinte, concours, procédure négociée ou dialogue compétitif) de passation dudit marché.

En vertu de la procédure prévue aux articles 12 précités, la Commission agit pour le compte de l’Union européenne tout au long de la procédure de passation conjointe de marché, et pour le compte des Etats membres en cas de recours contentieux ou de demande reconventionnelle. Elle joue également le rôle de point de contact des parties contractantes

Il lui appartient enfin de présider les travaux du comité directeur de passation conjointe de marché et des autres comités créés par le présent accord.

Les articles 13 définissent la procédure applicable au sein du comité directeur de passation conjointe des marchés, qui se déroule lorsque l’approbation d’une proposition de la Commission est requise ou lorsque celle-ci sollicite un avis. Les Etats membres du comité doivent s’efforcer d’agir et de décider par consensus. A défaut, il est procédé au vote, toute décision exigeant une majorité qualifiée. Si deux votes consécutifs aboutissent à une minorité de blocage contre la proposition de la commission, celle-ci est considérée comme approuvée à l’issue du second vote sauf si une majorité qualifiée s’exprime à son encontre. S’il s’agit en revanche pour le comité directeur de donner un avis sur une proposition de la Commission, la majorité simple suffit.

Les articles 14 sont relatifs à la procédure au sein du comité de gestion des marchés. Le rôle de ce comité est général. Il est en relation d’une part avec le contractant à qui il demande des rapports et des précisions sur son activité, d’autre part avec le comité directeur de passation des marchés auquel il fournit des informations sur le contractant ou l’exécution de tout marché.

Il est également l’interlocuteur des parties contractantes en cas de difficulté ou d’irrégularité dans l’exécution d’un marché consécutif.

Les articles 15 qui concernent l’ouverture des demandes de participation ou des offres, n’appellent pas de commentaire particulier.

Les articles 16 précisent les modalités pratiques d’organisation des réunions des comités institués par les articles précédents. Ces réunions sont convoquées par la Commission européenne et se tiennent à Bruxelles, dans les locaux de celle-ci. La convocation et les documents ayant trait à l’ordre du jour de la réunion doivent être envoyés, dans la mesure du possible, au moins deux semaines avant la date prévue pour la réunion. Par ailleurs, la Commission européenne ne rembourse ni les frais de déplacement, ni d’hébergement ni de séjour des personnes désignées par un Etat membre et siégeant aux divers comités.

Aux termes de l’article 17 de chaque accord, le contenu du dossier d’appel d’offres, le cahier des charges – y compris les critères d’exclusion et de sélection – ainsi que le ou les modèles de contrat sont déterminés par la Commission européenne après avis du comité directeur de passation conjointe du marché.

Les deux accords étant déjà entrés en vigueur, les travaux d’élaboration du cahier des charges pour la désignation de la plateforme d’enchères communes ont commencé mais la France – qui n’a pas achevé la procédure d’approbation de l’accord – n’y participe qu’avec le statut d’observateur. Votre Rapporteur ne peut que déplorer cette situation eu égard à l’enjeu que représente cette phase de la procédure au cours de laquelle s’esquisse les contours de la future plateforme commune.

Les articles 18 n’appellent pas de commentaire particulier, étant relatifs à la procédure au sein du comité d’évaluation. Les articles 19 et 20 précisent pour leur part les modalités par lesquelles la Commission ne retient pas un candidat ou un soumissionnaire.

Les articles 21, qui prévoient que la Commission désigne l’attributaire du marché consécutif seulement après avoir recueilli l’approbation du comité directeur, appellent deux remarques :

– en premier lieu, la Commission décide « pour son propre compte et au nom des Etats membres ». Cette formulation est quelque peu surprenante car la Commission n'agit pas à proprement parler pour son propre compte mais au nom de l'Union européenne. Toutefois, à la demande de votre Rapporteur, le ministère des affaires étrangères et européennes a précisé que cela ne portait pas à conséquence car il était bien précisé, au début de chaque accord, que la Commission agissait au nom de l'Union européenne ;

– en second lieu, si la Commission s’écarte des recommandations formulées par le ou les comités d’évaluation prévus par l’article 10, elle doit en exposer les raisons.

Les articles 22, relatifs à la notification de la décision d’attribution aux soumissionnaires ou aux candidats, n’appellent pas de commentaire particulier.

Les articles 23 concernent la signature du marché consécutif et son entrée en vigueur. Ils prévoient que ce marché est signé par la commission pour son propre compte et au nom des Etats membres. Si ce marché diffère substantiellement du modèle de contrat pertinent, il faut l’approbation préalable du comité directeur de passation conjointe des marchés.

Les articles 24 confèrent à la Commission le rôle de pivot entre l’ensemble des parties au marché – contractants, opérateurs économiques, candidats et soumissionnaires – pour toute question de procédure pendant la phase de passation. La Commission doit toutefois fixer préalablement les règles de contact avant le lancement de la procédure.

Les articles 25 donnent pouvoir à la Commission de renoncer à la passation d’un marché pour des motifs précis ou d’annuler la procédure d’attribution avant la signature du marché consécutif, sous réserve de l’avis préalable du comité directeur de passation conjointe de marché.

Les dispositions des articles 26 s’appliquent spécifiquement si la passation conjointe du marché est réalisée au moyen d’une procédure négociée. En droit communautaire, les procédures négociées sont les procédures dans lesquelles les pouvoirs adjudicateurs consultent les opérateurs économiques de leur choix et négocient les conditions du marché avec un ou plusieurs d'entre eux (11). Elles peuvent être avec ou sans publication d’un avis au Journal officiel de l’Union européenne et les articles 26 des accords prévoient tous les cas de figures possibles. L’approbation du comité directeur sera requise aux étapes importantes de la procédure, notamment la constitution de la liste de présélection des candidats (12) ou de celle des soumissionnaires à éliminer (13). Les négociations seront menées par le ou les comités d’évaluation visés à l’article 10.

Les articles 27 régissent la passation conjointe du marché si celle-ci est réalisée au moyen d’une procédure de dialogue compétitif, c'est-à-dire « une procédure, à laquelle tout opérateur économique peut demander à participer et dans laquelle le pouvoir adjudicateur conduit un dialogue avec les candidats admis à cette procédure, en vue de développer une ou plusieurs solutions aptes à répondre à ses besoins et sur la base de laquelle ou desquelles les candidats sélectionnés seront invités à remettre une offre » (14). Le dialogue compétitif est généralement choisi lorsqu’un marché est particulièrement complexe. Les articles 27 disposent qu’en cas de recours à cette procédure, le dialogue, à l’image de ce qui est prévu pour la procédure négociée par les articles 26, est mené par le ou les comités d’évaluation et l’approbation du comité directeur de passation conjointe du marché est requise aux différentes étapes.

Les articles 28 posent un principe d’échange mutuel d’informations entre les parties contractantes et n’appelle pas de commentaire particulier.

Les articles 29, relatifs au secret professionnel applicable aux personnes physiques impliquées dans la procédure de passation de marché, n’appellent pas de commentaire particulier. Il en est de même pour les articles 30, qui concernent d’éventuels conflits d’intérêt et pour les articles 31, sur l’usage d’informations ou de documents à d’autres fins que celles afférentes au présent accord.

L’article 41 de l’accord relatif à la plateforme d’enchères communes et l’article 34 de l’accord relatif à l’instance de surveillance enjoignent aux Etats membres de prendre toutes les mesures pour assurer l’exécution des accords et doivent s’abstenir de toute action mettant en péril le SEQ.

L’article 42 de l’accord relatif à la plate-forme d’enchères et l’article 35 de l’accord relatif à l’instance de surveillance transposent dans les accords les usages de place financière, en proposant que tout conflit (manquement à l’accord, divergence d’interprétation) soit résolu directement entre les parties ou au sein du comité directeur avant, en cas d’échec des discussions, toute saisine de la Cour de justice de l’Union européenne. L’article 43 de l’accord relatif à la plate-forme d’enchères et l’article 36 de l’accord relatif à l’instance de surveillance prévoient en effet la compétence exclusive de la Cour en cas de différends, cette dernière pouvant être saisie par la Commission ou les Etats membres.

L’article 44 de l’accord relatif à la plateforme d’enchères communes et l’article 37 de l’accord relatif à l’instance de surveillance ont un double objet. D’une part, ils précisent que les deux accords sont régis par le droit de l’Union européenne et que le droit applicable à chaque contrat sera déterminé par le contrat lui-même. D’autre part, ils prévoient l’ « autonomie des dispositions contractuelles », c'est-à-dire que si une disposition d’un accord vient à ne plus pouvoir s’appliquer – parce que déclarée illégale par exemple –, les autres dispositions de l’accord n’en sont pas affectées.

L’article 45 de l’accord relatif à la plateforme d’enchères communes et l’article 38 de l’accord relatif à l’instance de surveillance sont relatifs à la responsabilité non contractuelle et aux actions en réparation. Ils rappellent la soumission de la Commission européenne à l’article 340 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, lequel dispose qu’ « en matière de responsabilité non contractuelle, l'Union doit réparer, conformément aux principes généraux communs aux droits des États membres, les dommages causés par ses institutions ou par ses agents dans l'exercice de leurs fonctions ». En outre, ce même article 45 prévoit que les Etats membres sont tenus d’indemniser la Commission du coût de réparation de tout dommage non causé par elle, y compris les coûts connexes de toute action en justice. Si le ou les Etats membres fautifs ne peuvent être identifiés, la part à payer par chaque État sur le montant total dû à la Commission est alors fonction de sa part du volume total de quotas mis aux enchères durant la ou les années où le dommage a été causé. Un État membre peut être exclu du calcul s’il parvient à prouver qu’il n'a pas pu avoir causé le dommage, même partiellement. Ainsi, ce renversement de charge de la preuve, qui peut conduire un Etat membre à devoir indemniser la Commission alors même que rien ne le lie à un dommage, créé un régime de responsabilité dérogatoire du droit commun. En application de l’article 53 de la Constitution, il est donc nécessaire que le Parlement soit saisi des deux accords.

L’article 46 de l’accord relatif à la plateforme d’enchères communes et l’article 39 de l’accord relatif à l’instance de surveillance sont relatifs aux modalités de paiement et de prix et n’appellent pas de commentaires particuliers. Il en est de même de l’article 47 de l’accord relatif à la plateforme d’enchères communes et l’article 40 de l’accord relatif à l’instance de surveillance, relatifs aux modalités d’interprétation de l’accord et à ses annexes.

L’article 48 de l’accord relatif à la plateforme d’enchères communes et l’article 41 de l’accord relatif à l’instance de surveillance concernent les modifications de l’accord. Proposées par les parties contractantes, elles nécessitent l’approbation unanime des membres du comité directeur de passation conjointe du marché.

L’article 49 de l’accord relatif à la plateforme d’enchères communes et l’article 42 de l’accord relatif à l’instance de surveillance sont relatifs à leur durée et à leur résiliation. Ces derniers s’appliquent aussi longtemps que sont en vigueur les dispositions portant sur la plateforme commune et sur l’instance de surveillance contenues dans le règlement de la Commission relative à la mise aux enchères (15). En outre, les Etats membres du comité directeur peuvent demander, à la majorité qualifiée, à la Commission d’élaborer une proposition tendant à remplacer les accord ou à les résilier. Enfin, ceux-ci ne peuvent être résiliés que si les parties contractantes en conviennent à l’unanimité et par écrit.

L’article 50 de l’accord relatif à la plateforme d’enchères communes et l’article 43 de l’accord relatif à l’instance de surveillance fixe les critères par lesquels les avis liés au présents accords sont considérés comme valables. Il revient au comité directeur de passation conjointe de marché et au comité de gestion des marchés de les déterminer.

L’article 51 de l’accord relatif à la plateforme d’enchères communes et l’article 44 de l’accord relatif à l’instance de surveillance sont relatifs à la signature et à l’entrée en vigueur des accords. Ces derniers sont « établis et exécutés » en langues espagnole, allemande, grecque, anglaise, française et italienne, versions linguistiques reconnues « authentiques » par l'annexe IV de l’accord. Ces articles indiquent également que la Commission européenne fait office de dépositaire de toutes ces versions et que l’accord entre en vigueur dans les Etats membres participants (16) quatorze jours après la date à laquelle :

– la Commission européenne a reçu de chaque Etat membre participant un exemplaire signé du présent accord dans toutes les versions linguistiques faisant foi ;

– la Commission a signé un exemplaire dans chacune des versions linguistiques faisant foi ;

– et le neuvième État membre participant a transmis à la Commission la confirmation de l’accomplissement des procédures nationales pour l’approbation de l’accord ou de l’absence de nécessité de telles procédures.

Ces conditions ayant rapidement été remplies, les deux accords sont entrés en vigueur le 23 novembre dernier (17). Quant à la France, la Finlande et l’Espagne, pourtant signataires, elles n’avaient pas finalisé leur processus d’approbation et ne pouvait dès lors participer avec voix délibérative aux travaux des comités directeurs créé par l’article 5 de chaque accord.

L’article 52 de l’accord relatif à la plateforme d’enchères communes et l’article 45 de l’accord relatif à l’instance de surveillance, relatifs aux mesures transitoires, disposent que les Etats membres pour lesquels les accords ne sont pas entrés en vigueur peuvent participer aux réunions du comité directeur en tant qu’observateurs. Ils doivent, pour cela, signer un accord dont le modèle est joint à l’annexe III de l’accord.

L’article 53 de l’accord relatif à la plateforme d’enchères communes et l’article 46 de l’accord relatif à l’instance de surveillance, qui concernent la publication des accords au Journal officiel de l’Union européenne, n’appellent pas de commentaire particulier.

CONCLUSION

La nature technique des deux projets d’accord dont a été saisie notre commission des Affaires étrangères ne doit pas masquer leur importance : il s’agit d’assurer la transparence sur la future plate-forme d’enchères de quotas de GES, alors que plusieurs incidents et tentatives de fraude ont, un temps, jeté la suspicion sur le seul mécanisme dont l’Union européenne dispose pour limiter les rejets de ces gaz dans l’atmosphère.

Ces deux textes sont utiles. Votre Rapporteur regrette seulement que le Gouvernement les ait déposés au début du mois de décembre alors que leur ratification par notre pays doit intervenir avant la fin de l’année. Il aurait été utile, pour livrer une analyse plus approfondie, de pouvoir consulter plusieurs interlocuteurs, comme les acteurs de place. Ces accords sont néanmoins suffisamment clairs dans leur objet pour que votre Rapporteur recommande leur adoption.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission examine les deux présents projets de loi au cours de sa réunion du mercredi 14 décembre à 17 heures.

Après l’exposé du rapporteur, un débat a lieu.

M. Jean-Paul Lecoq. Je suis maire dans une région qui possède une raffinerie, des usines chimiques et je vois les rejets de ces industries. J'ai discuté avec les pétroliers et j’observe une tentation de fermer les raffineries en France pour les rouvrir sur la rive Sud de la Méditerranée, puisque la quantité de produits pétroliers utilisée est supérieure à ce que l’on produit dans notre pays. La loi de 1928 ne semble malheureusement plus d’actualité. Elle nous protégeait car elle imposait que tous les produits pétroliers utilisés sur le sol français soient raffinés en France.

Le droit à polluer et les quotas représentent une contrainte économique, qui peut engendrer une tentation de délocalisation. Y a-t-il une évaluation des conséquences de la mise en oeuvre de cet accord sur le tissu industriel français ? On voit la dimension libérale de ce permis de polluer mais n'y a-t-il pas un contrôle un peu plus planificateur, qui serait utile en parallèle de ce dispositif ?

M. Jean-Jacques Guillet, rapporteur. Il n'y a pas d'estimation des conséquences économiques en termes de délocalisations dans l'étude d'impact fournie par le Gouvernement. Il y a une estimation des conséquences politiques et des conséquences financières, notamment le coût et le profit pour les Etats, mais cela ne répond pas à votre question. Il y a un risque mais une fiscalité carbone présenterait le même risque. Le système d'échanges de quotas se substitue à une fiscalité carbone mais ce n'est pas un obstacle aux délocalisations.

Mme Martine Aurillac. Je voudrais demander au Rapporteur s'il y a déjà des processus de ratification engagés dans les autres pays européens.

M. Jean-Jacques Guillet, rapporteur. Oui, nous sommes parmi les derniers. C'est pourquoi il faut adopter le texte avant la fin de l'année, sinon, nous ne serions qu'observateurs. La France ne peut se permettre d’être simplement observatrice d’un accord de ce type. L'Espagne et la Finlande, qui n’est pas un gros émetteur, doivent également encore le ratifier.

M. Christian Bataille. Notre collègue a grand mérite d'avoir démêlé les fils de cette « usine à gaz », pour employer une métaphore énergétique, qu’est le marché des droits à polluer. Dans le même esprit que notre collègue Jean-Paul Lecoq, je voudrais souligner le fait que ce principe s'inscrivait au départ dans une volonté de moralisation et de limitation de la pollution. Or il a été détourné de son intention initiale et il est devenu, sur le marché libéral, un instrument pour peser sur l'industrie, dans le mauvais sens.

Je vous donne une illustration pour vous montrer que l'Europe riche et opulente, c'est-à-dire l'Allemagne, dépouille une Europe plus pauvre et nécessiteuse de son droit au développement industriel. Je me suis rendu dans la région du Bade-Wurtemberg en Allemagne. Le ministre Vert de ce Land était fier de fermer les centrales nucléaires et de les remplacer par des centrales au charbon. Je lui ai demandé comment il allait pouvoir les construire. Il m'a dit que le Land allait racheter les droits à polluer en Roumanie et en Slovaquie. L’Allemagne opulente, le Bade-Wurtemberg étant la région la plus riche d’Allemagne, peut s’autoriser tous les caprices et changer la nature de ses centrales sur le dos de pays démunis proches, peut-être sur le nôtre puisque vous avez dit que nous avons des excédents. Ce n’est pas un bon principe car cela va créer des déséquilibres en Europe. Le droit au développement industriel doit être réparti de manière équitable entre tous les pays. Les déséquilibres créés vont profiter à l'Europe qui a de l'argent au détriment de ceux qui vont les vendre pour avoir le droit d’exister.

M. le président Axel Poniatowski. On ne peut qu'être de votre avis. Imaginez ce qui se passerait en France si on était amené petit à petit à fermer nos centrales nucléaires !

M. Jean-Jacques Guillet, rapporteur. Je suis entièrement d’accord avec ces observations et je confirme ce que je disais sur les délocalisations. Il ne faut pas oublier que plus le cours de la tonne de carbone est bas, plus c'est intéressant pour des pollueurs comme l'Allemagne. Si le Bade-Wurtemberg remplace les centrales nucléaires par des centrales thermiques, il profite du cours actuel du carbone, qui est très avantageux à moins de huit euros. S'il remonte à vingt-quatre euros comme c'était le cas à l’origine, c'est nettement moins intéressant et cela pourrait donc inciter les Etats à évoluer. Même si l’on peut contester et reconnaître les effets pervers du système, et je trouve qu’une fiscalité carbone serait plus simple, nous avons intérêt à ce que le système actuel fonctionne avec les cours les plus élevés possibles. Leur niveau dépend de la santé économique de nos pays respectifs.

Suivant les conclusions du rapporteur, la commission adopte les projets de loi (no 4077 et n° 4078).

*

La commission vous demande donc d’adopter, dans les conditions prévues à l’article 128 du Règlement, les deux présents projets de loi.

ANNEXE

TEXTES DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée la ratification de l'accord de passation conjointe de marché en vue de la désignation par adjudication de plates-formes d'enchères communes, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée la ratification de l'accord de passation conjointe de marché en vue de la désignation par adjudication d'une instance de surveillance des enchères, et dont le texte est annexé à la présente loi.

NB : Le texte des accords figure respectivement en annexe aux projets de loi (n° 4077 et n° 4078).

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