N° 4110 - Rapport de M. Patrick Beaudouin sur le projet de loi , après engagement de la procédure accélérée, fixant au 11 novembre la commémoration de tous les morts pour la France (n°4079)



N° 4110

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 décembre 2011.

RAPPORT

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES,

sur le projet de loi (N° 4079), après engagement de la procédure accélérée,
fixant au
11 novembre la commémoration de tous les morts pour la France,

PAR M. Patrick BEAUDOUIN,

Député.

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S O M M A I R E

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Pages

PRINCIPALE MODIFICATION APPORTÉE PAR LA COMMISSION 5

INTRODUCTION 7

I. — LE 11 NOVEMBRE, UNE PLACE À PART DANS LE CALENDRIER COMMÉMORATIF 9

A. LE SOUVENIR DE LA GRANDE GUERRE 9

B. UN SYMBOLE DE NOTRE UNITÉ NATIONALE 10

1. Un calendrier commémoratif encombré 10

2. Une valeur particulière pour les Français 11

II. — UN PROJET DE LOI POUR RENDRE HOMMAGE À TOUS LES MORTS POUR LA FRANCE 13

A. CÉLÉBRER LA CONTINUITÉ DE L’ENGAGEMENT DE NOS SOLDATS 13

1. Entretenir la chaîne du souvenir 13

2. N’oublier aucun conflit 14

3. Renforcer le lien avec la Nation 14

B. PRÉSERVER LA SPÉCIFICITÉ DE CHAQUE CONFLIT 15

EXAMEN DU PROJET DE LOI PAR LA COMMISSION 17

Article 1er : Création d’un hommage à tous les morts pour la France 27

Article 2 (nouveau) : Inscription des noms des morts pour la France sur les monuments aux morts 32

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION 35

ANNEXE 1 : TEXTES DE LOI 37

ANNEXE 2 : PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR 39

ANNEXE 3 : COMMUNIQUÉS DE DIFFÉRENTES ASSOCIATIONS D’ANCIENS COMBATTANTS 40

PRINCIPALE MODIFICATION APPORTÉE PAR LA COMMISSION

La Commission a adopté un amendement, co-signé par plus de 240 députés du groupe UMP et soutenu par ceux du groupe Nouveau Centre, qui rend obligatoire, sur tous les monuments aux morts, l’inscription des noms des militaires morts pour la France.

INTRODUCTION

Le 11 novembre dernier, au cours d’une cérémonie où il a rendu un hommage particulier à tous les soldats morts pour la France durant les douze derniers mois et remis la Croix de la valeur militaire à des unités engagées pendant cette même période, le Président de la République a signifié sa volonté de faire du 11 novembre un jour de mémoire de tous les morts pour la France.

Très vite, 47 associations patriotiques et d’anciens combattants rassemblées dans un comité d’entente présidé par le général Dominique Delort (cf. infra) ont fait part de leur satisfaction de voir une telle idée aboutir.

Ce projet, encouragé par de nombreux parlementaires, s’inscrit dans celui, plus global, de revitalisation des cérémonies commémoratives nationales. Grâce à l’impulsion donnée par le Président de la République depuis 2007, leur physionomie a évolué pour faire de ces rendez-vous mémoriels des temps de réflexion historique et civique majeurs, tournés vers les jeunes générations et marqués par une ouverture internationale. La décentralisation de certaines d’entre elles, comme celle du 8 mai, a ainsi contribué au renouvellement de leur image, suscitant une médiatisation accrue.

La disparition progressive des témoins des conflits mondiaux, l’émergence mémorielle de la nouvelle « génération du feu », la participation d’un public qui n’est plus acteur des faits commémorés et l’utilisation de ces journées nationales comme support d’une transmission des valeurs de la République, ont créé un nouveau contexte.

Le présent projet de loi prend acte de ces évolutions et entend redonner au 11 novembre un éclat particulier, celui de la célébration de tous les soldats qui ont donné leur vie pour leur pays. Comme l’a déclaré le Président de la République, « il est juste et légitime que les soldats engagés en Afrique, au Proche-Orient, en Afghanistan, rejoignent désormais dans la commémoration ceux qui les ont précédés dans le sacrifice au cours du XXe siècle, au service de notre destin et de nos valeurs, pour que vive la République et que vive la France. »

Ce n’est qu’en 1920 que la République, qui fête alors son cinquantenaire, donne à la commémoration de l’armistice sa dimension nationale.

En 1919, la commémoration s’était en effet faite dans une relative discrétion. Si une immense manifestation avait eu lieu le 14 juillet autour de l’Arc de triomphe et sur les Champs Élysées, avec le défilé victorieux des armées alliés précédé de mille mutilés, les autorités n’avaient pas souhaité organiser un hommage officiel aux morts. Celui-ci s’est déroulé dans un cadre familial, le 2 novembre, premier jour des morts depuis la fin de la guerre. Il s’agissait alors de consacrer ce jour aux hommages individuels des mères, veuves et orphelins, dans les cimetières et les nécropoles du front.

Le 11 novembre 1920, la République rend pour la première fois un hommage à un soldat inconnu mort pendant la Grande Guerre, représentant anonyme de la foule héroïque des « Poilus », symbole de ses frères de combat. Évoquée dès 1916 par le président du Souvenir français de Rennes, François Simon, l’idée d’honorer un soldat inconnu fut adoptée en 1918. Le site du Panthéon fut initialement retenu, mais une campagne de presse orienta le choix vers l’Arc de triomphe, adopté en 1920.

Le 11 novembre n’était pas pour autant un jour férié. Les associations d’anciens combattants militèrent pendant encore deux ans pour dédier entièrement ce jour à la commémoration de leurs camarades morts, disparus mais aussi commémorer les sacrifices de tous ceux qui étaient rentrés. Ce n’est que le 24 octobre 1922 que le Parlement vota le caractère chômé et commémoratif de la journée.

La célébration du soldat inconnu

Héros anonyme d’une Nation, représentant du peuple des soldats, « fils de toutes les mères qui n’ont pas retrouvé leur fils » selon le général Weygand, la célébration du soldat inconnu débuta en 1920.

Le 10 novembre, huit cercueils sont placés dans la citadelle de Verdun, haut lieu de la résistance de l’armée française en 1916 et champ de bataille par lequel presque tous les régiments français sont passés selon l’organisation des roulements mise en place par le général Pétain. Le soldat désigné étant tombé malade, le choix définitif du corps fut offert « par hasard » à un jeune soldat de vingt-et-un ans, engagé volontaire, originaire de Normandie, Auguste Thin, du 132e régiment d’infanterie, dont le père avait disparu dans les combats du fort de Vaux et qui fut lui-même gazé en Champagne en 1918. En présence du ministre des pensions André Maginot, en additionnant les trois chiffres de son régiment, le jeune soldat choisit le sixième cercueil.

Les cérémonies du 11 novembre 1920 associent l’ensemble des morts pour la France depuis la Révolution française dans une continuité saisissante. Le cercueil élu fut transféré vers Paris et passa la nuit Place Denfert-Rochereau, en mémoire du défenseur de Belfort lors du conflit de 1870. Le lendemain matin le cortège fit un arrêt au Panthéon pour recevoir les hommages de la Nation lors d’une allocution du Président de la République, Raymond Poincaré, au pied d’un bâtiment qui accueillit en même temps une châsse contenant le cœur de Gambetta. Puis le cortège se rendit vers l’Arc de triomphe traversant Paris devant une foule immense.

Déposé dans une chapelle ardente du monument, le soldat inconnu ne fut inhumé que le 28 janvier 1921. À l’Arc de triomphe, le soldat inconnu rejoint ceux de la Révolution française, ceux du Premier Empire, ceux des conquêtes coloniales, tous soldats citoyens portant au-delà des frontières les valeurs de la France des Droits de l’Homme. Deux années plus tard le 11 novembre 1923, André Maginot, lui-même ancien combattant mutilé, alluma la flamme pour la première fois au son de la marche funèbre de Chopin.

Chaque jour, depuis, le ravivage de la flamme du souvenir est là pour perpétuer cet hommage.

Source : site Internet de l’Élysée.

Les commémorations publiques ou nationales sont aujourd’hui très nombreuses. Elles atteignent le nombre de douze, soit deux fois plus qu’en 1999.

En dix ans, sont ainsi venues d’ajouter aux six déjà existantes (le 14 juillet, le 8 mai, le 11 novembre, la fête nationale de Jeanne d’Arc et du patriotisme, le deuxième dimanche de mai, la journée nationale du souvenir des victimes et héros de la déportation, le dernier dimanche d’avril, et la cérémonie d’hommage à Jean Moulin, le 17 juin) :

– le 10 mai, journée commémorative de l’abolition de l’esclavage (loi du 10 mai 2001) ;

– le 8 juin, la journée nationale d’hommage aux « morts pour la France » en Indochine (décret du 26 mai 2005) ;

– le 18 juin, la journée nationale commémorative de l’appel du général de Gaulle (décret du 10 mars 2003) ;

– le dimanche le plus proche du 16 juillet, la journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l’État français et d’hommage aux « Justes » de France (loi du 10 juillet 2000) ;

– le 25 septembre, la journée nationale d’hommage aux harkis et aux membres des formations supplétives (décret du 31 mars 2003) ;

– le 5 décembre, la journée nationale d’hommage aux morts de la guerre d’Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie (décret du 26 septembre 2003).

Par ailleurs, de nombreuses demandes ne sont pas, pour le moment, satisfaites : d’anciens résistants souhaitent que soit commémoré le 27 mai 1943, date à laquelle s’est réuni pour la première fois le Conseil national de la résistance ; des associations militent pour que le 19 mars 1962, date du cessez-le-feu en Algérie, soit reconnu tandis que d’autres veulent voir le 23 octobre, date anniversaire de l’attentat du Drakkar de 1983, au Liban, où 58 casques bleus français trouvèrent la mort, reconnu comme journée d’hommage à tous les soldats français morts en opérations extérieures.

Or comme le souligne le rapport de la commission de réflexion sur la modernisation des commémorations publiques ((1), cette inflation commémorative va à l’encontre des objectifs initialement prévus, car ces journées ne rassemblent plus. On constate ainsi une désaffection certaine à leur encontre, à l’exception de trois d’entre elles, le 8 mai, le 14 juillet et le 11 novembre, qui trouvent encore un grand écho dans la mémoire collective. Si l’on veut éviter de tomber dans le « clientélisme » ou « communautarisme » mémoriel, il importe de redonner tout son éclat à la cérémonie du 11 novembre, symbole de l’unité de la Nation.

Dès le départ, le 11 novembre a pris une valeur particulière aux yeux des Français. Il ne représente pas seulement la fête de l’armistice, qui mit fin aux souffrances des combattants de la Grande Guerre. Il commémore aussi l’aboutissement victorieux de l’engagement de soldats-citoyens et du sacrifice consenti pour une Nation qui représentait non seulement un territoire, mais surtout l’union d’un peuple autour des principes indéfectibles de liberté, d’égalité et de fraternité.

Comme le souligne Joseph Zimet dans son rapport au Président de la République sur le centenaire de la commémoration ((2), « face à la mémoire désunie de la Seconde Guerre mondiale, la Grande Guerre est une mémoire unie, une mémoire qui rassemble plus qu’elle ne divise. Sans doute, les Français ont-ils conservé la mémoire de ce qui fut la plus grande épreuve collective qu’ils eurent à traverser, ensemble, durant quatre années. […] La mémoire contemporaine conserve le souvenir d’un grand élan collectif qui caractérise moins la période de mobilisation, longtemps érigée, à tort, en mythe, que l’incroyable endurance de la société française face à une épreuve sans précédent, à laquelle rien ne la préparait. »

La mobilisation totale de la société française face à l’épreuve de la guerre entraîna, en août 1914, la suspension temporaire des divisions politiques, sociales et mêmes religieuses qui rythmaient alors la vie publique. Ainsi que le rappelle Joseph Zimet dans son rapport précité, « lors des funérailles de Jean Jaurès, le 4 août, auxquelles assiste Maurice Barrès, Léon Jouhaux, secrétaire général de la CGT, improvise un discours sans ambiguïté : « Acculés à la lutte, nous nous levons pour repousser l’envahisseur, pour sauvegarder le patrimoine de civilisation et d’idéologie généreuse que nous a légué l’Histoire. […] Nous serons les soldats de la liberté. »

Le message commémoratif de la Grande Guerre permet, ajoute le rapport de Joseph Zimet, à chaque composante mémorielle de la société française de s’y retrouver : « message de cohésion nationale et d’unité, en souvenir des huit millions de combattants mobilisés durant la Grande Guerre, message de réconciliation et de paix, après le miracle du rapprochement franco-allemand et la construction européenne, message de réconciliation, aussi, pour les « oubliés » de la Grande Guerre : femmes, orphelins, travailleurs étrangers, fusillés « pour l’exemple » de 1914-1915 et mutins de l’année 1917. »

En outre le 11 novembre ne se limite plus au seul souvenir de la Grande Guerre. Il a pris, dès 1940, une valeur spirituelle. Ce jour-là, grâce à la mobilisation de milliers d’étudiants et lycéens convergeant vers l’Arc de triomphe malgré l’interdiction de l’occupant, il devint le symbole de la résistance parisienne qui dit non à l’occupation et non à l’asservissement.

La pérennité du culte qui est rendu, chaque jour, aux pieds de l’Arc de triomphe, établit une filiation directe entre toutes les générations du feu. C’est le même sang, celui d’un même peuple, qui a été, à chaque fois, versé pour la France et ses valeurs. Comme l’a souligné le ministre de la défense et des anciens combattants dans une tribune publiée récemment ((3) « qu’elle survienne à Tagab ou sur la Marne, la mort au combat ne change pas de nature. Les larmes des pères et des mères, des épouses, des fils et des filles d’aujourd’hui sont aussi amères que celles de 1914. »

Ces vies ont été données pour que la France demeure et que la République perdure. Selon les mots du Président de la République « quel que soit le lieu, quel que soit le moment de notre histoire, ce don [de la vie] est sacré et il mérite le même hommage, la même reconnaissance, la même ferveur. La mort au service de la France ne fait pas de différence. Le champ d’honneur est de toutes les guerres et de tous les conflits qui ont impliqué notre pays. »

Cette continuité des générations a déjà trouvé à s’exprimer dans les cérémonies du 11 novembre. Le 11 novembre 1945, un cortège a ainsi accompagné, sous l’Arc de triomphe, quinze cercueils contenant les corps de combattants des trois armées, prisonniers, déportés, symboles des différents théâtres d’opération et lieux de souffrance de la Seconde Guerre mondiale. Le 11 novembre 1954, avant d’être déposés aux Invalides, les drapeaux, étendards et fanions des unités revenues d’Indochine ont défilé aux côtés des glorieux emblèmes de 14-18. On peut également relever que la cérémonie de 1978 fut dédiée aux unités militaires déployées à Kolwezi tandis que celle de 1982 le fut aux légionnaires et aux parachutistes de la Force intérimaire des Nations unies au Liban.

Célébrer les morts d’aujourd’hui comme ceux d’hier permet de les inscrire tous dans notre grand roman national, d’entretenir cette chaîne du souvenir qui nourrit la vision d’un destin commun, à l’inverse de l’inflation commémorative évoquée plus haut, qui fragmente notre mémoire.

Célébrer tous les « morts pour la France » le même jour permet en outre de n’en oublier aucun. Si les anciens d’Algérie ou d’Indochine disposent d’une journée nationale, comment rendre hommage aux soldats, plus de 600, morts en opérations extérieures ? Quelle date retenir alors que nos engagements sont de plus en plus importants ? Avec un 11 novembre revitalisé, on pourra honorer, selon les termes employés par le Président de la République le 11 novembre dernier, « ceux que l’on n’a jamais honorés, ceux que l’on a oubliés, ceux auxquels l’on se contente de dire une fois merci au moment des funérailles mais dont on délaisse ensuite la mémoire parce que l’on préfère oublier les guerres dans lesquelles ils sont tombés. »

Or, souligne-t-il, « le jour où les corps des soldats morts pour la France gagneront leur dernière demeure dans l’indifférence, il n’y aura plus de France. »

Un monument pour les militaires morts en OPEX

Le groupe de travail présidé par le général Bernard Thorette, ancien chef d’état-major de l’armée de terre, a remis cet automne son rapport sur le monument à la mémoire des militaires français tués lors d’opérations extérieures (OPEX).

Depuis 1962 et la fin des événements en Algérie, 616 soldats français ont perdu la vie lors des 228 opérations extérieures menées par la France. Les interventions les plus meurtrières pour les forces françaises restent celles menées au Liban, au Tchad, en ex-Yougoslavie et en Afghanistan.

Selon le rapport, ce monument, sur lequel seront gravés les noms des 616 militaires français morts en OPEX, pourrait être construit sur la place Vauban, dans le VIIe arrondissement de Paris, à l’arrière de l’Hôtel des Invalides. Si votre rapporteur se réjouit naturellement de cette initiative, il regrette que le groupe de travail n’ait pas retenu dans la liste qui sera gravée les noms des 269 soldats du bataillon français de l’ONU, morts pour la France au cours de la guerre de Corée. Cette mise à l’écart est d’autant plus incompréhensible que les conditions d’envoi des soldats français étaient très proches de celles de nos actuelles opérations extérieures : intervention internationale sous mandat de l’ONU et projection sur un territoire étranger.

Alors que les engagements de notre armée sur des théâtres toujours plus nombreux – environ 10 000 soldats engagés en 2011 sur plus de dix théâtres – et toujours plus lointains ne sont pas toujours bien compris de la population française, la rénovation des cérémonies du 11 novembre doit être l’occasion de faire œuvre de pédagogie.

Le jour du 11 novembre pourrait ainsi devenir, en complément du 14 juillet, un jour privilégié de rencontre entre la Nation et son armée. À cet égard, la cérémonie du 11 novembre dernier, qui a vu la décoration, par le Président de la République, d’unités combattantes qui se sont distinguées en Afghanistan, en République de Côte d’Ivoire et en Libye, fut une réussite certaine. La bonne compréhension, par l’ensemble des Français, des missions effectuées aujourd’hui par leur armée est indispensable pour renforcer le lien qui les unit à elle.

Contrairement à ce que craignaient bon nombre de commentateurs et d’associations patriotiques ou d’anciens combattants, le projet de loi ne supprime pas les journées d’hommage aux combattants des autres conflits. Il ne s’agit en aucun cas de créer une journée unique du souvenir, à l’image du Memorial Day américain (cf. infra).

Ni la commémoration de la victoire de 1945, le 8 mai, ni la journée nationale d’hommage aux « morts pour la France » en Indochine, le 8 juin, ni la journée nationale d’hommage aux morts de la guerre d’Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie, le 5 décembre, n’ont vocation à disparaître.

Votre rapporteur est bien conscient de l’attachement des combattants de ces guerres à la perpétuation de leur souvenir. L’UFAC rappelle ainsi dans un communiqué (cf. infra) « l’indispensable travail de mémoire et de reconnaissance » qu’il lui appartient de préserver. La FNAME a fait état de sa crainte de voir noyés dans un grand « tout », « les combattants des opérations extérieures, tant ceux qui servent avec abnégation en Afghanistan, que les 300 000 autres combattants en opération et missions depuis 1963. »

La mémoire de ces conflits doit continuer à être célébrée par ceux qui les ont vécus. Comme l’ont indiqué à votre rapporteur les représentants de l’ARAC, les singularités de chaque conflit doivent être prises en considération et seules des cérémonies spécifiques peuvent permettre d’en faire connaître les caractéristiques essentielles.

Votre rapporteur est néanmoins persuadé qu’une « révolution lente » est désormais en marche et que, les générations s’éteignant, la mémoire de tous ces conflits ne pourra être perpétuée que dans une seule journée nationale d’hommage, rappelant avec éclat et solennité à la Nation le lien fort qui l’unit à son armée.

Le « Memorial Day » américain ou Fête du souvenir

Aux États-Unis, le « Veteran’s Day », Jour des anciens combattants, est célébré le 11 novembre en l’honneur de tous ceux qui ont servi dans les forces armées, que ce soit en période de guerre ou en période de paix. Le « Memorial Day », le Jour du souvenir, rend le dernier lundi de mai un hommage spécifique à ceux qui sont morts pour la patrie. C’est dans la guerre de Sécession de 1861-1865 que la Fête du souvenir a ses origines.

Durant ce conflit qui fit plus de 550 000 victimes, nombreux furent ceux qui commencèrent à placer des fleurs sur la tombe des soldats morts au combat. Plusieurs municipalités du nord des États-Unis continuèrent à marquer ces « jours de décoration » une fois la guerre terminée, mais l’événement décisif se produisit en 1866 à Waterloo.

L’un des résidents du village, Henry Welles, le pharmacien local, eut l’idée de consacrer une journée à l’hommage des soldats morts pendant la guerre de Sécession. John Murray, qui avait été promu général de brigade dans l’armée de l’Union et qui était employé du Comté de Seneca, était l’un de ses clients. Il s’appropria l’idée et fit tout ce qu’il put pour qu’elle fût traduite dans la réalité, et le 5 mai 1866, Waterloo célébrait son premier « Jour de décoration ».

John Murray comptait parmi ses amis le général John Logan, un commandant des forces de l’Union lors de la bataille d’Atlanta, en 1864, également responsable d’une importante organisation fraternelle influente d’anciens combattants de l’Union. Convaincu par John Murray de la nécessité de célébrer une telle fête, John Logan déclara, en 1868, le 30 mai « jour réservé à la couverture de fleurs ou à la décoration appropriée des tombes des camarades morts en défendant leur pays durant les derniers moments de la rébellion et dont le corps repose maintenant dans les cimetières de pratiquement toutes les églises de toutes les villes, de tous les villages et de tous les hameaux de la Nation ».

De nombreuses cérémonies eurent lieu ce jour-là, dont une au Cimetière national d’Arlington, en Virginie, de l’autre côté du fleuve Potomac qui borde Washington, la capitale, que présida le président Ulysses Grant. Après les discours et les hommages, des milliers de personnes – orphelins de guerre, anciens combattants et autres – décorèrent les quelque 20 000 tombes des morts de la guerre du cimetière d’Arlington.

Une trentaine d’années plus tard, pratiquement tous les États avaient officiellement institué le 30 mai en tant que « Jour de décoration ». Après la Première Guerre mondiale, on mit à profit ce jour pour rendre hommage à tous ceux qui étaient morts pour la patrie et, après la Deuxième Guerre mondiale, ce jour devint « Jour du souvenir ». En 1971, le Congrès en fit un jour férié officiel et fixa sa commémoration au dernier lundi de mai.

En 1966, le président Lyndon Johnson proclama Waterloo (New York) lieu officiel de naissance du « Jour du souvenir ».

Source : site Internet de l’ambassade des États-Unis à Paris.

EXAMEN DU PROJET DE LOI PAR LA COMMISSION

La commission examine le présent projet de loi au cours de sa réunion du mardi 20 décembre 2011.

M. Marc Laffineur, secrétaire d’État auprès du ministre de la défense et des anciens combattants. Comme vous l’avez indiqué, monsieur le président, ce projet de loi fait suite au discours prononcé par le Président de la République le 11 novembre dernier. La commémoration du 11 novembre a vocation à évoluer. Le dernier combattant de la Grande Guerre, un soldat australien, est mort cette année. La volonté du dernier poilu français, disparu en 2008, rejoignait celle de beaucoup de nos compatriotes et de la quasi-totalité des associations d’anciens combattants : faire du 11 novembre une journée de commémoration de tous les morts pour la France, civils et militaires. Il ne s’agit, bien entendu, ni d’instaurer un Memorial Day qui se substituerait aux commémorations existantes, ni de hiérarchiser les commémorations. Depuis longtemps, le premier conflit mondial apparaît comme le plus symbolique pour l’ensemble des morts pour la France. Il semble donc naturel de leur rendre hommage le 11 novembre.

M. Patrick Beaudouin, rapporteur. Il s’agit là, vous le savez, d’un sujet qui me tient particulièrement à cœur, ainsi qu’à plusieurs de nos collègues – notamment Françoise Hostalier, qui avait déposé une proposition de loi en ce sens. J’avais moi-même proposé, lors de ma première intervention en séance publique à l’Assemblée nationale, en 2002, de transformer le 11 novembre en « Journée de la mémoire » pour rendre hommage à tous ceux qui ont défendu notre Nation, toutes générations confondues. Je me réjouis donc qu’une telle proposition soit discutée aujourd’hui.

Pour les combattants de la Grande Guerre, le 11 novembre n’était pas seulement la fête de l’armistice mais aussi la commémoration de l’aboutissement victorieux de leur engagement de soldats-citoyens et de l’union d’un peuple autour des principes indéfectibles de liberté, d’égalité et de fraternité.

Dès le départ, le 11 novembre a pris cette valeur spirituelle. Ce fut ainsi le jour choisi, en 1940, place de l’Étoile, par les lycéens et étudiants parisiens, par la jeunesse, pour dire non à l’occupation, non à l’asservissement, et pour entrer en Résistance.

Si tous les anciens de 1914 sont maintenant disparus, le 11 novembre demeure une référence pour nous-mêmes et pour nos enfants.

C’est pourquoi il importe de lui redonner tout son éclat. La signification qu’il pouvait avoir il y a 90 ans – la victoire sur l’Allemagne, la fin d’un conflit brutal et meurtrier, l’espoir que cette guerre serait la « der des der » – ne saurait être la même dans la France de 2011.

Lors des vœux aux forces armées en 2008, le Président de la République avait rappelé sa volonté de définir une politique de mémoire : « La mémoire, ce n’est pas la nostalgie du passé, c’est la préparation de l’avenir. La mémoire, ce n’est pas quelques vieux souvenirs qu’on exhume quelques heures dans l’année. La mémoire, c’est les valeurs qu’on célèbre, qu’on respecte et dont on décrit l’actualité pour les plus jeunes de notre pays. ».

C’est précisément l’objet de ce projet de loi : célébrer ceux qui sont morts pour la France, ceux d’hier, ceux d’aujourd’hui et ceux de demain. Rappeler la force du lien qui unit la Nation à ceux qui se sont sacrifiés pour elle. Quelles que soient les époques, quels que soient les conflits, tous ces soldats se sont battus au nom de nos valeurs républicaines et patriotiques. Il importe donc de les inclure tous dans notre grand roman national et de rappeler la force du lien qui unit entre elles toutes les générations du feu.

Il ne s’agit néanmoins pas, comme on a pu l’entendre ici ou là, de créer une sorte de Memorial Day à la française, journée unique du souvenir. Chaque conflit a ses spécificités et il est légitime qu’il soit rendu un hommage particulier à ceux qui y ont participé. Le projet de loi ne supprime aucune des douze autres commémorations nationales inscrites à notre calendrier comme, par exemple, la journée d’hommage aux morts pour la France en Indochine, le 8 juin, la journée d’hommage aux morts de la guerre d’Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie, le 5 décembre, ou l’hommage rendu aux combattants de la guerre de Corée, le 12 octobre. Chacune de ces commémorations est l’occasion, pour les associations, d’effectuer un travail de transmission en direction de la population qu’il convient de préserver.

J’ai reçu la plupart de ces associations et toutes, à l’exception d’une, ont apporté leur soutien à ce texte. Quarante-sept associations patriotiques et d’anciens combattants, regroupant près d’un million et demi d’adhérents, ont ainsi exprimé le 17 novembre dernier, par un communiqué spécial, leur vive satisfaction. La FNACA, Fédération nationale des anciens combattants en Algérie, Maroc et Tunisie, a également apporté son soutien au projet, puisque les autres commémorations ne sont pas supprimées.

Je crois que, malgré leurs divergences, les associations ont compris que le plus grand risque était que, les générations s’éteignant, il ne reste plus rien de la mémoire de nos combattants et de leurs différents conflits. À trop vouloir segmenter la mémoire de ces conflits, on rend illisible le message que l’on souhaite transmettre. Je tiens à souligner que les associations inscrivent déjà leur action dans la continuité de celle de leurs prédécesseurs, en ravivant chaque jour la flamme du souvenir de l’Arc de Triomphe.

Ce projet de loi solennise cette filiation entre les générations du feu. Relier entre eux tous les combattants qui ont sacrifié leur vie pour défendre les valeurs que nous souhaitons transmettre doit permettre d’offrir une visibilité nouvelle à ces valeurs, qui transcendent les générations. Le soldat tombé au champ d’honneur à Bouaké ou à Kolwezi, le combattant des Balkans ou du Tchad, du Liban, de l’Afghanistan ou de la Libye, doit être honoré aux côtés de l’ancien d’Algérie, d’Indochine, de Corée ou de la Seconde Guerre mondiale.

Même si des associations de la « quatrième génération du feu » demandent à ce qu’une journée de commémoration leur soit désormais consacrée, je pense qu’elles sont également fières que la Nation tout entière leur rende un hommage solennel, le 11 novembre, devant la tombe du soldat inconnu et devant les monuments aux morts de toutes les communes de France.

Je vous invite donc, mes chers collègues, à adopter ce projet de loi.

M. le secrétaire d’État. Le rapporteur a fort bien décrit l’esprit du texte que le Gouvernement a déposé à la demande du Président de la République. Il ne s’agit pas de remplacer quoi que ce soit mais de faire du 11 novembre la journée de tous les morts pour la France.

Mme Françoise Hostalier. Nous devrions voter tous ensemble ce projet de loi dans la mesure où il fait l’unanimité parmi les associations d’anciens combattants, ne supprime aucune autre commémoration et permet d’unir la Nation à tous les morts pour la France.

Cela étant, ne conviendrait-il pas d’insister sur le devoir de mémoire, qui est une des dimensions de cette commémoration ? Comme vous, monsieur le secrétaire d’État, je suis issue d’une région frontalière qui a été le théâtre des deux dernières grandes guerres. Dans chaque village, les commémorations sont des moments forts auxquels on associe de plus en plus souvent les écoles, les conseils municipaux d’enfants et l’ensemble de la population.

Une circulaire ne pourrait-elle venir préciser la façon dont la commémoration du 11 novembre s’articule avec les programmes du ministère de l’éducation nationale ? Cet événement pourrait marquer un temps fort dans un projet pédagogique se déroulant sur l’ensemble de l’année.

M. le secrétaire d’État. Il est très important que les enfants des écoles participent aux journées de commémoration. Notre mémoire est le ciment de la Nation. Ne l’oublions jamais : si nous vivons dans un pays en paix, c’est parce que des millions de personnes se sont sacrifiées pour défendre nos valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité.

Mais la question, me semble-t-il, ne relève pas d’une circulaire. Les contacts passés par les élus ont un grand rôle. Dans beaucoup de communes, la participation des écoles est considérable. Si, parfois, les choses sont un peu plus difficiles, c’est par le dialogue et la concertation que l’on parviendra à une amélioration. Je crois plus à l’adhésion qu’à la contrainte.

M. le rapporteur. De nombreux organismes mènent une action pédagogique pour que notre histoire irrigue la Nation, en particulier dans le monde de l’enseignement. Je pense en particulier à la direction de la mémoire, du patrimoine et des archives (DMPA) du ministère de la défense et des anciens combattants, à l’établissement de communication et de production audiovisuelle de la défense (ECPAD) ou au service historique de la défense (SHD). Les collectivités territoriales, souvent marquées dans leur chair par un événement historique, ont qui un musée, qui un chemin de la mémoire, etc. Les élus et les professeurs d’histoire et de géographie forment une chaîne. Ils doivent se mobiliser à l’occasion des grandes dates, afin d’en tirer les éléments nécessaires de pédagogie et de transmission des valeurs. On peut citer le Mémorial de la paix, en Normandie, ainsi que la célébration, en 2004, du soixantième anniversaire du Débarquement. Plus récemment, la commémoration de l’appel du 18 juin a donné lieu à une forte mobilisation pour promouvoir la connaissance de cet événement et de son contexte.

Mme Françoise Briand. Je me félicite de ce projet de loi et je le voterai de tout cœur.

Les parents du colonel Heluin, que le président Teissier et une délégation de notre Commission ont rencontré en Afghanistan, vivent dans ma circonscription. Après m’être entretenue avec eux, j’avais suggéré que l’on érige à Paris un monument en hommage aux morts en opérations extérieures et que leurs noms puissent être inscrits sur les monuments aux morts des communes de France. Le président Teissier s’étant montré favorable, j’avais travaillé à une proposition de loi en ce sens et en avais parlé au ministre. Par la suite, Patrick Beaudouin a déposé sa propre proposition de loi relative à l’inscription des noms des « Morts pour la France » sur les monuments aux morts, que j’ai bien entendu cosignée. Je regrette que ce texte se transforme en amendement signé par le groupe UMP. Il me semble important que nos idées aboutissent mais il est dommage que la disposition se trouve désormais incluse dans ce projet de loi.

M. le secrétaire d’État. Le ministère de la défense approuve cette initiative et fait siennes les conclusions du rapport qu’il a demandé au général Thorette sur la possibilité d’ériger un monument commémorant tous les morts en opérations extérieures. Nous avons obtenu l’autorisation du maire de Paris et le projet est en cours de réalisation aux Invalides.

Par ailleurs, le Gouvernement donnera un avis favorable à l’amendement présenté par M. Philippe Meunier. Si les maires ont déjà la possibilité d’inscrire les noms des morts en opérations extérieures sur les monuments aux morts, ils n’en ont pas l’obligation. Or je crois que c’est notre devoir vis-à-vis de la mémoire et vis-à-vis des familles. Même si les décès sont beaucoup moins nombreux que dans les guerres du passé, un mort pour la France a toujours la même valeur et nous avons la même responsabilité à son égard.

M. le rapporteur. Françoise Briand avait en effet travaillé sur le sujet et transmis ses suggestions au ministère de la défense. Parallèlement, Philippe Meunier avait déposé une proposition de loi, et j’avais moi-même proposé un texte. Bref, il existait à l’évidence un besoin. J’espère que la disposition à laquelle nous avons tous travaillé aboutira à l’occasion de ce projet de loi.

M. Jacques Desallangre. Depuis vingt ans, la France est engagée sur de nombreux théâtres hors du territoire national. Trop de soldats sont morts et leur sacrifice impose la reconnaissance de la Nation. Mais ces engagements multiples n’ont pas la même portée historique et humaine que les deux grands conflits mondiaux. Si un hommage spécifique doit être rendu à ces soldats, cela ne peut se faire au prix de la confusion et de la perte de la mémoire d’une guerre dont il n’y a plus aujourd’hui de témoin vivant. Le souvenir des conflits doit-il s’effacer avec la disparition des combattants ?

L’histoire est ce que le présent veut retenir du passé. Devons-nous, parce que le dernier poilu est mort en 2008, oublier la spécificité de cette guerre qui fut la plus meurtrière pour la France ? 1,7 million de nos citoyens sont morts durant ce conflit, soit plus de 10 % de la population active masculine. Presque toutes les familles ont vécu la souffrance de perdre au moins l’un des leurs. La Grande Guerre est donc bien spécifique par l’ampleur des pertes. La mémoire des victimes ne justifie-t-elle pas une date qui leur soit propre ?

Cette guerre est aussi historique par le nombre d’États qui furent engagés – vingt-deux –, par les 19 millions de morts et les 21 millions de blessés qu’elle a faits, par les plus de 60 millions de soldats qui y ont combattu. Ce fut la première guerre de cette ampleur.

Elle a par ailleurs redessiné la carte du monde et profondément influencé l’histoire géopolitique du XXe siècle. Des empires ont disparu, des blocs se sont constitués, la Société des nations fut créée. Comment penser le présent et envisager l’avenir si nous oublions progressivement d’où nous venons ? En ne distinguant plus les choses, en confondant les conflits, on s’interdit d’apprendre de notre histoire.

Pourquoi choisir le 11 novembre ? Ne pourrait-on fixer, pour cette co-commémoration, une autre date dont la portée symbolique ne serait pas aussi spécifiquement liée à la Première Guerre mondiale ?

M. le secrétaire d’État. Je comprends votre préoccupation et je tiens à vous rassurer. Il n’est absolument pas question d’oublier la guerre de 1914-1918. Le Président de la République a tenu des propos très clairs à ce sujet : nous continuons, bien entendu, à commémorer cette guerre. Le projet de loi s’ajoute à la loi de 1922 qui a fait du 11 novembre le jour de commémoration de la victoire et de la paix ; il n’en retranche rien. J’y suis d’autant plus attaché que mon père a combattu d’un bout à l’autre de la Grande Guerre. S’il existait le moindre soupçon d’une altération de cette commémoration, je serais le premier à m’en offusquer ! On voit partout en France, au nombre de noms inscrits sur les monuments aux morts, la saignée que ce conflit a représenté pour notre Nation. Personne ne peut l’oublier et personne ne l’oubliera.

M. le rapporteur. L’oubli est en effet exclu. Depuis la loi de 1922, on constate une continuité dans le temps et dans l’histoire. J’ai déjà évoqué le 11 novembre 1940. Immédiatement après la Seconde Guerre mondiale, les anciens combattants de ce conflit ont demandé aux anciens poilus s’ils pouvaient mettre les noms de leurs morts aux côtés de ceux de la Première Guerre mondiale. Il en a été de même pour les morts d’Indochine, de Corée, d’Algérie. Tous les soirs, les associations d’anciens combattants de différents conflits viennent se recueillir devant la tombe du soldat inconnu de la guerre de 14-18. Elles inscrivent ainsi dans le temps la défense de nos valeurs sans rien enlever à la spécificité de la Grand Guerre. Il s’agit là du lien de chair et de sang qui fait l’histoire de notre pays. Le sacrifice du soldat tombé en Afghanistan est de même nature que celui du soldat tombé à la bataille de la Marne ou à Verdun.

Je suis pour ma part président d’une association d’anciens combattants de Corée. Nous continuerons, jusqu’au dernier, à penser à ceux qui sont tombés dans ce conflit.

M. Nicolas Dhuicq. Le premier conflit mondial est, en quelque sorte, la matrice de toutes les difficultés du XXe siècle, surtout si l’on pense aux conséquences du traité de Versailles. N’étant pas sûr que l’Histoire ait un sens, je considère que le terme de « devoir de mémoire » est peu adapté pour les jeunes générations. Je lui préfère celui de « mémoire vivante » : la mémoire est un processus vivant qui doit être nourri et cultivé sans cesse, et la mémoire d’un fait n’est jamais le fait tel qu’il s’est produit dans la réalité.

Au Royaume-Uni, les présentateurs de télévision portent le coquelicot à la boutonnière lors du Remembrance Day. Je compte déposer un amendement tendant à demander que les parlementaires portent le bleuet de France lors de la dernière séance de questions au Gouvernement avant les commémorations du 11 novembre.

M. le secrétaire d’État. Le devoir de mémoire n’empêche pas la mémoire d’être vivante. Je ne crois pas qu’il y ait incompatibilité.

S’agissant du port du bleuet dans l’hémicycle, je me garderai de toute remarque car la question relève du règlement intérieur de l’Assemblée nationale. À l’heure actuelle, me semble-t-il, il est interdit de porter des signes distinctifs dans l’hémicycle de l’Assemblée comme dans celui du Sénat.

M. Nicolas Dhuicq. Cela se pratique pourtant en de nombreuses occasions !

M. Jean-Claude Viollet. À tort.

M. Philippe Vitel, président. C’est à la discrétion des parlementaires. Je doute qu’il faille légiférer sur ce point.

M. le rapporteur. Le port du bleuet est en effet à la discrétion des parlementaires. Nous étions nombreux à le porter lors des derniers débats budgétaires sur les missions « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » et « Défense ». Toujours dans l’intention de développer cette culture de mémoire au plus profond de notre pays, j’ai obtenu que l’équipe de France de football, qui jouait le 11 novembre dernier au stade de France contre l’équipe des États-Unis, porte le bleuet, tandis que nos amis américains portaient leur yellow ribbon traditionnel.

M. Jean-Claude Viollet. Le texte du discours prononcé par le Président de la République le 11 novembre dernier nous a été adressé dans une somptueuse édition. Les précédents discours ont-ils fait l’objet de pareille publication ? Si tel est le cas, pourrions-nous en disposer ?

L’utilité de l’engagement de la procédure accélérée sur un tel texte, qui ne devrait être mis en œuvre qu’au prochain 11 novembre, ne saute pas aux yeux, mais nous avons une certaine habitude de cette méthode…

Dans le discours du Président comme dans l’étude d’impact qui accompagne le projet, le propos principal paraît être l’hommage de la Nation aux morts et aux blessés en opérations extérieures. En effet, aucune cérémonie nationale ne prévoit actuellement cet hommage. Le Président a rappelé à juste titre que les opérations extérieures ont fait 158 morts depuis dix ans, dont 24 en Afghanistan pour la seule année 2011, et 1 500 blessés. Cela justifie l’hommage de la Nation et je me réjouis qu’un mémorial spécifique soit en cours de réalisation.

Mais le texte va plus loin. Alors que l’étude d’impact évoque toutes les générations du feu, il fait mention de « tous les morts pour la France », militaires et civils. Cela ne me gêne nullement, mais nous devons bien examiner ce que cela recouvre et quelle pourra être la mise en œuvre du texte.

De plus, on nous assure qu’aucune commémoration n’est supprimée mais l’étude d’impact en dénombre neuf et notre rapporteur douze… En l’occurrence, ni l’exposé des motifs ni le texte ne mentionnent le maintien de l’ensemble des commémorations. Comme ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, il vaut mieux que cela soit inscrit dans la loi. Nous déposerons donc des amendements destinés à lever toute ambiguïté quant à ce maintien. Il faudra passer en revue les commémorations concernées – comme le rapporteur, par exemple, j’estime que l’on ne fait pas suffisamment mémoire de la guerre de Corée – et rendre le texte plus précis.

Il ne s’agit pas de remettre en cause la parole du Président de la République ou du Gouvernement. Mais nous faisons la loi. Certaines commémorations ont été instituées par décret, ce qui n’a pas la même portée qu’une mesure législative. Puisqu’il s’agit de commémorer tous les morts pour la France, autant procéder à un tour d’horizon global.

Pour reprendre l’analyse de Nicolas Dhuicq, la mémoire vivante suppose un travail de mémoire que nous devons encourager non seulement entre toutes les générations du feu, mais aussi entre toutes les dates et tous les lieux de conflit. Dans nos territoires, nous menons notamment des actions en direction du public scolaire au sujet de la Seconde Guerre mondiale, de la Résistance, de la Libération, de la Déportation. Au-delà des journées de commémoration, ce travail permet de faire prendre conscience aux élèves que, là où ils habitent ou tout à côté, habitaient des héros ordinaires : des personnes semblables à eux, à leurs parents, et qui, à un moment donné, ont consenti au risque et parfois se sont engagées jusqu’au sacrifice suprême au nom de nos valeurs. Nous devons nous employer à maintenir cette mémoire vivante au plus près des lieux : c’est la meilleure manière de passer le flambeau aux nouvelles générations.

Bref, il n’y a de ma part aucune opposition frontale au texte. Je ne fais qu’appliquer le principe de précaution : autant faire œuvre législative de la façon la plus efficace possible. Même en procédure accélérée, nous pouvons faire un chronomètre convenable sans rater de porte et sans risquer la disqualification !

M. le secrétaire d’État. Je ne peux que vous encourager à poursuivre vos excellentes lectures, monsieur Viollet !

Je relève que vous n’êtes pas opposé à ce projet dont vous soulignez vous-même l’importance. Un soldat mort pour la France est toujours un soldat mort pour la France. Les opérations extérieures se déroulent dans de nombreuses régions du monde. La commémoration que nous instituons permettra de n’oublier aucun combattant.

Par ailleurs, la notion de « mort pour la France » a une définition légale et il est normal que le texte concerne également les civils.

M. Philippe Folliot. Monsieur le secrétaire d’État, je vous avais exprimé le 15 novembre dernier, lors des questions au Gouvernement, tout l’intérêt que le groupe Nouveau Centre porte à ce projet.

Que fallait-il choisir : un texte court et consensuel, ou un texte plus long et détaillé, qui risquait de ne pas l’être ? Nous sommes en faveur de la première solution, afin que le débat soit plus l’occasion de se rassembler que de se diviser. Un hommage rendu à tous les morts pour la France, quel que soit le lieu, le conflit, l’époque, doit faire l’unanimité.

On l’a souligné à juste titre, nous ne réussirons que si nous parvenons à rassembler les jeunes autour de ces commémorations. Si celles-ci ne réunissent plus que des personnes d’âge avancé, nous serons passés à côté de quelque chose d’important. Les journées commémoratives doivent être un élément supplémentaire du lien armée-jeunesse-Nation. Dans une proposition de loi, j’avais d’ailleurs suggéré que tous les établissements scolaires de France consacrent, dans les deux semaines qui précèdent le 11 novembre, une demi-journée à la visite de lieux de mémoire, à la rencontre d’associations d’anciens combattants, ou encore à la projection de films. Ce temps serait à la discrétion des professeurs d’histoire et permettrait une sensibilisation spécifique. Je souhaite, à cet égard, saluer le travail remarquable qu’accomplit l’association Le Souvenir français dans nos villes et nos départements.

Monsieur le secrétaire d’État, quelles discussions pourriez-vous engager avec votre collègue de l’éducation nationale pour associer pleinement la jeunesse à la commémoration du 11 novembre ?

M. le secrétaire d’État. Ma préférence va également à un texte court et incisif, monsieur Folliot.

Pour ce qui est de la mobilisation des jeunes, j’aimerais que l’on puisse expliquer dans les classes, à l’occasion du 11 novembre, la signification du symbole le plus fort de notre République, le drapeau bleu, blanc et rouge, ainsi que celle du drapeau européen.

Le ministère de la défense et des anciens combattants mène déjà de nombreuses actions en direction de la jeunesse. En partenariat avec l’éducation nationale, nous organisons chaque année le concours national de la résistance et de la déportation, auquel participent des milliers d’élèves. Leurs écrits, souvent remarquables, se voient attribuer des prix régionaux, puis un prix national.

Vous soulignez à juste titre le rôle du Souvenir français, auquel certaines associations remettent leur drapeau lorsque le nombre de contemporains de l’événement commémoré vient à s’amenuiser.

Notre ministère finance également des voyages scolaires dans des lieux de mémoire, par exemple dans les camps de concentration. Toutes ces initiatives nécessitent une très large concertation où élus locaux et enseignants ont un grand rôle.

M. Guillaume Garot. Je ne crois pas que l’idée de commémorer l’ensemble des morts pour la France à une seule date recueille, comme l’affirment le secrétaire d’État et certains collègues, un large assentiment dans les départements et les communes. J’ai constaté au contraire beaucoup de trouble et de questionnements, en particulier au sein des associations patriotiques.

En dépit des éclaircissements apportés depuis lors, je partage l’avis de Jean-Claude Viollet : l’article unique du projet de loi ne précise rien. L’efficacité voudrait que l’on entre dans le détail et que l’on rassure nos concitoyens en rappelant que chaque conflit a sa spécificité et qu’il faut honorer les morts de chaque conflit. Ce faisant, on redonnera du sens à l’Histoire.

Mais je souscris à l’idée d’instaurer un hommage aux morts en opérations extérieures. Leur mémoire, jusqu’à présent, a été insuffisamment honorée et n’a pas fait l’objet d’une approche nationale.

M. le secrétaire d’État. Même si je comprends le sens de vos remarques, monsieur Garot, l’immense majorité des associations approuve le texte. La seule qui ait exprimé quelques inquiétudes l’a fait, par la voix de son président, après le 11 novembre ; avant cette date, lorsque j’ai consulté l’ensemble des associations, aucune voix discordante ne s’était fait entendre.

Le président de ladite association, que j’ai aussitôt rencontré, a bien compris qu’aucune commémoration n’était supprimée : le discours du Président de la République est très clair sur ce point. Vous pouvez donc être totalement rassuré.

M. Guillaume Garot. Ce n’est pas moi qu’il faut rassurer !

M. le rapporteur. L’ensemble des associations, au niveau national, ont accepté le texte tel qu’il est rédigé. L’une d’entre elles, la FNACA, avait fait part de ses doutes en publiant le communiqué de presse de l’UFAC dans son journal ; mais son secrétaire général m’a indiqué, lors de son audition, que le texte ne posait plus de problème dès lors qu’il ne remettait pas en cause les autres commémorations. Une seule association, qui souhaite voir prise en compte une dimension plus philosophique, n’a pas apporté son soutien.

M. le président Philippe Vitel. Ce texte, dont la concision fait la force, a recueilli l’assentiment unanime des associations de ma ville de Toulon, où la Maison du combattant compte 11 000 inscrits.

M. Christophe Guilloteau. Le fait que ce texte soit, pour notre Commission, le dernier de la législature est à mes yeux un symbole fort. Beaucoup d’associations, dont quelques collègues s’étaient fait l’écho, défendaient une telle initiative depuis des années.

Élu depuis presque trente ans, je vois le nombre de participants aux cérémonies du 11 novembre diminuer au fil du temps. Faire de cette date l’occasion d’une commémoration plus générale me semble donc une bonne idée ; les associations de mon département du Rhône, où le souvenir de la résistance est encore très vif, l’approuvent d’ailleurs unanimement. Les amendements permettront par ailleurs d’enrichir le texte.

J’aimerais aussi que, dans les chefs-lieux de canton, les gendarmes assistent plus souvent aux cérémonies, même quand elles ont lieu le week-end. En tant que militaires, ils sont tout particulièrement requis par le devoir de mémoire : une circulaire en ce sens pourrait être utile.

Ce projet de loi concernera presque tous les villages de France, la Première Guerre mondiale ayant fait 1,7 million de morts et 600 000 veuves. Le devoir de mémoire concerne donc toutes les familles françaises, qu’il s’agisse, d’ailleurs, de la Grande Guerre ou de tous les autres conflits. Terminer la législature avec ce texte me rend fier d’appartenir à notre Commission.

M. le président Philippe Vitel. Merci, monsieur Guilloteau. Les gendarmes, qui ont beaucoup de travail, assistent souvent aux cérémonies de commémoration des morts pour la France, et nous leur en sommes particulièrement reconnaissants.

*

La Commission en vient à l’examen de l’article unique.

Article 1er

Création d’un hommage à tous les morts pour la France

Cet article crée un hommage à tous les morts pour la France le 11 novembre. Depuis la loi du 24 octobre 1922, le 11 novembre, jour anniversaire de l’armistice de 1918, est un jour férié, qui célèbre la commémoration de la victoire et de la paix.

L’article ne crée pas une journée unique du souvenir ayant vocation à se substituer aux cérémonies commémoratives existantes, comme celle du 8 juin en hommage aux « morts pour la France » d’Indochine, ou celle du 5 décembre, en hommage aux morts de la guerre d’Algérie ou des combats au Maroc et en Tunisie. Il ne modifie aucun des textes qui régissent les commémorations existantes.

Le choix, par Gouvernement, de déposer un projet de loi « autonome », plutôt que de compléter la loi du 24 octobre 1922, traduit sa volonté de ne pas remettre en cause le calendrier commémoratif actuel.

Le texte a pour objet de créer un hommage qui permette d’associer tous ceux qui sont morts au cours des différents engagements armés de la France, y compris les plus récents, sans en oublier aucun.

Comme le précise l’étude d’impact du projet de loi, la formulation retenue, « tous les morts pour la France », permet d’englober dans ce périmètre l’ensemble des civils qui ont fait le sacrifice de leur vie pour la France. Le périmètre ainsi retenu est plus vaste que s’il avait été fait mention de « militaires morts pour la France », ce qui aurait exclu l’ensemble des résistants, ou de « soldats morts pour la France », qui aurait exclu certains civils.

L’article L. 488 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre fixe les conditions nécessaires pour porter la mention « Mort pour la France » sur un acte de décès. Il doit ainsi s’agir :

« 1° D’un militaire des armées de terre, de mer ou de l’air tué à l’ennemi ou mort de blessures de guerre ;

« 2° D’un militaire mort de maladie contractée en service commandé en temps de guerre ;

« 3° D’un militaire mort d’accident survenu en service, ou à l’occasion du service en temps de guerre ;

« 4° D’un marin du commerce, victime d’événements de guerre ;

« 5° De tout médecin, ministre du culte, infirmier ou infirmière des hôpitaux militaires et des formations sanitaires, ainsi que de toute personne ayant succombé à des maladies contractées au cours de soins donnés aux malades et blessés de l’armée en temps de guerre ;

« 6° De toute personne décédée en combattant pour la libération de la France ou en accomplissant des actes de résistance ;

« 7° De toute personne exécutée à la suite d’une condamnation résultant de mesures d’exception prises par l’autorité de fait se disant gouvernement de l’État français, notamment par application des actes dits lois des 24 avril 1941, 7 septembre 1941, 7 août 1942, 8 septembre 1942, 5 juin 1943 et 20 janvier 1944, en raison de leur attitude pour la cause de la libération ;

« 8° De tout otage, tout prisonnier de guerre, toute personne requise par l’ennemi, tout déporté, exécutés par l’ennemi ou décédés en pays ennemi ou occupé par l’ennemi des suites de blessures, de mauvais traitements, de maladies contractées ou aggravées ou d’accidents du travail survenus du fait de leur captivité ou de leur déportation ;

« 9° De toute personne décédée à la suite d’actes de violence constituant une suite directe de faits de guerre ;

« 10° De tout militaire décédé dans les conditions visées aux 1er, 2e et 3alinéas après avoir été incorporé de force ou après s’être engagé sous l’empire de la contrainte ou la menace de représailles dans les armées ennemies ;

« 11° De tout réfractaire décédé des suites d’accident, maladie ou blessure consécutifs à sa position hors la loi et pour le service du pays.

[…]

« 12° De tout membre des forces armées françaises, de la gendarmerie, de la garde mobile, des compagnies républicaines de sécurité, du service d’ordre, ou des éléments, engagés ou requis, tombé en service commandé à l’occasion des mesures de maintien de l’ordre sur les territoires de l’ancienne Union française situés hors de la métropole et dans les États anciennement protégés par la France. »

*

La Commission est saisie de l’amendement DF 1 de M. Yvan Lachaud.

M. Pascal Brindeau. Sans méconnaître la force d’un texte bref, il nous semble utile, notamment pour répondre aux interrogations de certaines associations, de préciser que la nouvelle cérémonie n’a pas vocation à se substituer aux autres : ce qui va sans dire va mieux encore en le disant.

Au surplus, le texte donne au 11 novembre une portée nouvelle, puisque, à cette date, seront commémorés non seulement les morts de la Première Guerre mondiale, mais aussi ceux des autres conflits : il est bon de le souligner dans la loi.

M. le président Philippe Vitel. Puis-je considérer, monsieur Brindeau, que vous avez aussi défendu l’amendement DF 2 ?

M. Pascal Brindeau. Oui, monsieur le président.

M. le rapporteur. Avis défavorable aux deux amendements. La puissance et la qualité de ce texte résident dans sa concision. Sa formulation ne souffre d’aucune ambiguïté : « Le 11 novembre […], il est rendu hommage à tous les morts pour la France ». En détaillant la liste de ces morts, nous risquerions d’en oublier, ce qui irait à l’encontre des objectifs poursuivis. J’ajoute que l’expression « mort pour la France » est définie par le code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre : elle permet de viser, non seulement les soldats et les combattants, mais aussi les résistants et, plus généralement, les civils.

L’amendement DF 2 est également inutile, dans la mesure où le texte, contrairement à ce que prévoyaient certaines propositions de loi, ne supprime pas les autres journées de commémoration. Le fait que le Gouvernement ait déposé un texte autonome, et non une modification de la loi du 24 octobre 1922 – laquelle célèbre la fin de la Première Guerre mondiale et définit le jour férié –, marque bien cette intention.

M. Jean-Claude Viollet. Je suis sensible à ces deux amendements, qui répondent à mes interrogations. L’expression « mort pour la France » inclut dans son périmètre, comme le rapporteur vient de le rappeler, certaines catégories de civils. Mais, de mon point de vue, ce n’est pas du tout le sens du discours du Président de la République ! De surcroît, les inscriptions sur nos monuments aux morts sont plus restrictives.

L’amendement DF 2 permet lui aussi de clarifier la portée du texte. M. le rapporteur affirme que celui-ci ne change rien à la loi de 1922 ; mais, que je sache, cette loi est antérieure à celle qui, par exemple, commémore les persécutions antisémites ! Il convient donc de préciser que les autres commémorations demeurent et, ce faisant, d’en établir la liste – puisque l’on hésite entre neuf et douze. Nous devons fixer clairement ce que j’appellerai des « points de mémoire » de notre histoire : la brièveté ne me semble pas, ici, une vertu. Aussi voterai-je ces deux amendements.

Mme Françoise Hostalier. Je comprends votre raisonnement, monsieur Viollet, mais de telles précisions empêcheraient de commémorer d’autres conflits, comme celui d’Afghanistan, le jour où celui-ci prendra fin. Il faudrait alors une nouvelle loi. Tel qu’il est rédigé, le texte permet de rendre hommage à tous les morts pour la France : ceux des conflits passés, mais aussi à venir, s’il devait malheureusement y en avoir d’autres.

M. Pascal Brindeau. Dans mon esprit, madame Hostalier, il ne s’agit nullement d’établir une liste limitative, mais de rappeler que l’ensemble des générations du feu sont concernées, y compris celles qui ont participé aux opérations extérieures, selon le souhait du Président de la République, qui en avait d’ailleurs fait un point fort de son discours. Certes, l’expression « mort pour la France » vise aussi ces soldats ; mais il serait utile de le graver dans le marbre de la loi.

Mme Michèle Alliot-Marie. Plus la loi est courte, plus elle est forte. Cela ne signifie pas, au demeurant, que l’on ne doive l’éclairer ; en l’occurrence, les propos de M. le rapporteur et de M. le secrétaire d’État permettront de lever les doutes, s’il en subsiste.

À vouloir être trop précises, les lois deviennent trop longues, partant inintelligibles. Pourquoi pas imaginer une formulation plus claire, mais les listes entraînent toujours des erreurs ou des omissions.

Il me semble, d’ailleurs, que nous sommes tous d’accord sur le fond. La liste des commémorations ou des signes ne relève pas de la loi, à laquelle nous intégrons trop souvent des dispositions d’ordre réglementaire.

M. le secrétaire d’État. Pour être clair et percutant, il ne faut pas être trop long. De plus, l’expression « [quelle que] soit la génération du feu » me semble ambiguë, puisqu’elle suppose que l’on pourrait supprimer les autres journées de commémoration : elle irait donc à l’inverse de l’objectif des deux amendements.

Comme l’a suggéré Mme Alliot-Marie, le compte rendu des débats parlementaires fait foi. L’intention du Gouvernement est donc très claire : il ne s’agit en aucun cas de supprimer les autres journées commémoratives, mais de commémorer, le 11 novembre, l’ensemble des morts pour la France.

La Commission rejette successivement les amendements DF 1 et DF 2.

Puis elle adopte l’article unique sans modification.

*

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements DF 3 de M. Philippe Meunier et DF 4 de M. Yvan Lachaud, portant articles additionnels après l’article unique.

M. Philippe Meunier. L’amendement DF 3, cosigné par 241 députés du groupe UMP, vise à préciser que, « lorsqu’un militaire de l’armée française est décédé au cours d’une guerre ou d’opérations assimilées à des campagnes de guerre ou que son décès est consécutif à un fait de guerre […], l’inscription de son nom, sur le monument aux morts de sa commune de naissance ou de dernière domiciliation ou sur une stèle placée dans l’environnement immédiat de ce monument, est obligatoire ».

M. le rapporteur, M. Guilloteau et moi avons déposé deux propositions de loi en ce sens, mais faire adopter cette disposition par voie d’amendement ne me pose aucun problème : le plus important est de d’honorer au plus vite, sur les monuments de nos communes, les soldats morts pour la France.

M. Pascal Brindeau. Notre amendement, qui a le même objet, vise explicitement nos soldats décédés en opérations extérieures ; il pourrait sembler un peu contradictoire de l’adopter sans avoir voté notre amendement tendant à apporter cette précision dans l’article unique. Les débats en séance permettront peut-être de clarifier les choses.

M. le rapporteur. Je veux d’abord répondre à une interrogation formulée par M. Viollet. Il existe bien douze commémorations : si neuf sont organisées par la Direction de la mémoire, du patrimoine et des archives (DMPA) du ministère de la défense et des anciens combattants, il faut également prendre en compte celle du 14 juillet, organisé par la Présidence de la République, celle du 10 mai, journée commémorative de l’abolition de l’esclavage organisée par le ministère de la culture, et celle du 17 juin, qui célèbre la mémoire de Jean Moulin.

Les députés de la majorité ont souhaité voir inscrits, sur les monuments ou stèles des communes françaises, les noms des soldats morts pour la France. Cette disposition complète avec force le discours du Président de la République. Je propose à M. Brindeau de retirer son amendement pour cosigner, avec ses collègues du Nouveau Centre, celui du groupe UMP, qui me semble plus précis.

M. le secrétaire d’État. Je suis également favorable à cet amendement. Les maires ont déjà la possibilité d’inscrire les noms des soldats morts pour la France – y compris en opérations extérieures – sur les monuments de leur commune. Mais il me semble justifié de les y obliger par la loi : quel que soit le théâtre d’opérations, un soldat tombe toujours pour la France. Les familles sont d’ailleurs très attachées à cette inscription.

M. le président Philippe Vitel. Monsieur Brindeau, acceptez-vous de retirer votre amendement pour vous rallier, avec l’ensemble du groupe Nouveau Centre, à l’amendement DF 3 ?

M. Pascal Brindeau. Oui, monsieur le président.

L’amendement DF 4 est retiré.

La Commission adopte l’amendement DF 3.

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* *

Article 2 (nouveau)

Inscription des noms des morts pour la France sur les monuments aux morts

Issu de l’adoption, par la Commission, d’un amendement de M. Philippe Meunier, soutenu par 240 députés du groupe UMP, cet article a pour objet de rendre obligatoire l’inscription des noms des militaires morts pour la France sur les monuments aux morts. Cet amendement résulte des travaux entrepris à la suite du dépôt, par M. Philippe Meunier et votre rapporteur, de deux propositions de loi à l’objet similaire (4).

Au lendemain de la Première Guerre mondiale, le Parlement avait adopté la loi du 25 octobre 1919, « relative à la commémoration et la glorification des morts pour la France au cours de la Grande Guerre » pour encourager les communes, avec le soutien de l’État, à « glorifier les héros morts pour la Patrie ».

Aux quelques monuments à la gloire des morts de la guerre de 1870-71 sont alors rapidement venus s’ajouter, dans la quasi-totalité des villes et villages de France, plus de 30 000 monuments à la mémoire des 1,4 million de morts et disparus de la Grande Guerre.

Si les noms des victimes de la Seconde Guerre mondiale ont naturellement trouvé leur place sur ces monuments, la pratique est plus variable pour ce qui concerne les morts des conflits qui ont suivi – Corée, Indochine, guerre d’Algérie et combats au Maroc et en Tunisie, opérations extérieures.

Plusieurs communes ont érigé des monuments à la mémoire des combattants tués au cours de ces conflits tandis que d’autres ont ajouté leurs noms sur leurs monuments dédiés à la mémoire de la Première Guerre mondiale. D’autres, enfin, n’ont rien fait.

À défaut de précision législative, il n’existe en effet aucune obligation d’inscription des noms des morts pour la France sur les monuments aux morts. Aussi, la plupart des soldats tués en opérations extérieures depuis plus d’un demi-siècle ne disposent d’aucune stèle à leur mémoire, en attendant l’érection d’un monument qui leur sera prochainement dédié à Paris (cf. supra).

Cet article vient combler cette lacune en rendant obligatoire l’inscription sur les monuments aux morts de leur commune de naissance ou de dernière domiciliation les noms des soldats morts pour la France. Il s’agit ainsi de n’oublier aucun de ceux qui, quel que soit le conflit et quelle que soit l’époque, ont sacrifié leur vie pour notre pays.

La demande d’inscription pourra être effectuée par la famille, les autorités militaires, les élus, l’Office national des anciens combattants ainsi que par les associations d’anciens combattants ou patriotiques, comme le Souvenir français. Il s’agit là de permettre à chacun d’effectuer le travail de mémoire nécessaire pour qu’aucun nom ne soit oublié. La demande d’inscription ne sera naturellement soumise à aucune condition de délai.

Il appartiendra ensuite à chaque commune d’inscrire le nom sur son monument aux morts, ou sur une stèle à sa proximité immédiate, pour établir la filiation entre toutes les générations du feu.

Rien ne s’opposera à ce que le nom soit inscrit deux fois : dans la commune de naissance et dans la dernière commune de domiciliation, qui est, pour les soldats tués en opérations extérieures, celle de leur unité.

*

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La Commission adopte l’ensemble du projet de loi ainsi modifié.

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

Amendement DF 1 présenté par MM. Brindeau, Lachaud et les députés du groupe Nouveau Centre :

Article unique

Compléter cet article par les mots : « quelle que soit la génération du feu dont ils sont issus et le théâtre d’opération sur lequel ils sont intervenus, y compris les opérations extérieures. »

Amendement DF 2 présenté par MM. Brindeau, Lachaud et les députés du groupe Nouveau Centre :

Article unique

Compléter cet article par l’alinéa suivant :

« Cet hommage est rendu par toute la Nation dans le cadre de notre devoir de mémoire comme pour toutes les autres journées de commémoration qui demeurent. »

Amendement DF 3 présenté par MM. Meunier, Guilloteau, Jacob, Teissier, Beaudouin, Mme Françoise Briand, MM. Aboud, Albarello, Mme Alliot-Marie, MM. Almont, Auclair, Mme Aurillac, MM. Baguet, Balkany, Bardet, Mmes Barèges, Bassot, MM. Benisti, Bernard, Bernier, Bignon, Binetruy, Blanc, Bodin, Boënnec, Bonnot, Bosse, Bouchet, Bourg-Broc, Mme Bourragué, MM. Loïc Bouvard, Michel Bouvard, Mmes Boyer, Branget, MM. Philippe Briand, Brochand, Mme Brunel, MM. Bussereau, Caillaud, Calméjane, Carayon, Carré, Mme Ceccaldi-Raynaud, MM. Censi, Chartier, Cherpion, Christ, Cinieri, Ciotti, Colombier, Mme Colot, MM. Cosyns, Cornut-Gentille, Cousin, Couve, Mme Dalloz, MM. Dassault, Daubresse, Debré, Decool, Deflesselles, Degauchy, Delatte, Dellagnola, Mme Delong, MM. Deniaud, Depierre, Descoeur, Dhuicq, Diard, Dieffenbacher, Dord, Domergue, Door, Dosne, Mmes Dubois, Dumoulin, MM. Dupont, Durieu, Estrosi, Fasquelle, Favennec, Ferrand, Ferry, Fidelin, Flajolet, Flory, Forissier, Mme Fort, MM. Francina, Fromion, Gandolfi-Scheit, Garraud, Gatignol, Gaudron, Gaultier, Gérard, Geoffroy, Gest, Ginesta, Giran, Giscard dEstaing, Goasguen, Gonnot, Gonzales, Gorges, Gosselin, Goujon, Grall, Grand, Mme Grommerch, M. Grosperrin, Mmes Grosskost, Gruny, MM. Guédon, Guibal, Guillet, Hamel, Havard, Heinrich, Herbillon, Mme Hostalier, MM. Houillon, Huyghe, Mme Irles, MM. Jacquat, Jeanneteau, Jégo, Mme Joissains-Masini, MM. Joulaud, Joyandet, Kert, Kossowski, Labaune, Mme Labrette-Menager, MM. Lamblin, Jean-François Lamour, Mme Marguerite Lamour, M. Lancelin, Mme de la Raudière, MM. Lasbordes, de la Verpillière, Lazaro, Lefranc, Lefrand, Le Fur, Jacques Le Guen, Lejeune, Le Mener, Lequiller, Mme Levy, M. Lorgeoux, Mme Louis-Carabin, MM. Luca, Mach, Malherbe, Mallié, Mancel, Mme Marin, M. Mariton, Mme Marland-Militello, MM. Marleix, Marlin, Philippe-Armand Martin, Martin-Lalande, Mme Martinez, MM. Marty, Mathis, Maurer, Ménard, Meslot, Mignon, Morange, Morel A lHuissier, Morenvillier, Morrisset, Mothron, Mourrut, Moyne-Bressand, Muselier, Myard, Nesme, Nicolas, Mme de Panafieu, MM. Pancher, Paternotte, Mme Pavy, MM. Perrut, Pinte, Piron, Plagnol, Mme Poletti, M. Poniatowski, Mmes Pons, Primas, MM. Proriol, Quentin, Raison, Regnault, Remiller, Reitzer, Reynes, Richard, Riester, Roatta, de Rocca Serra, Mme Roig, MM. Rolland, Rossi, Roubaud, Saddier, Salen, Scellier, Schneider, Schosteck, Sermier, Sire, Soisson, Spagnou, Straumann, Suguenot, Mme Tabarot, MM. Taugourdeau, Terrot, Thomas, Mme Thoraval, MM. Tian, Trassy-Paillogues, Ueberschlag, Vandewalle, Vanneste, Mmes Vasseur, Vautrin, MM. Verchère, Vialatte, Vitel, Gérard Voisin, Michel Voisin, Woerth, Mme Zimmermann, M. Zumkeller :

Après l’article unique

Insérer l’article suivant :

« Lorsqu’un militaire de l’armée française est décédé au cours d’une guerre ou d’opérations assimilées à des campagnes de guerre ou que son décès est consécutif à un fait de guerre, et que la mention « Mort pour la France » a été portée sur son acte de décès dans les conditions prévues à l’article L. 488 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre, l’inscription de son nom sur le monument aux morts de sa commune de naissance ou de dernière domiciliation ou sur une stèle placée dans l’environnement immédiat de ce monument est obligatoire.

« La demande d’inscription est adressée au maire de la commune choisie par la famille ou, à défaut, par les autorités militaires, les élus nationaux, les élus locaux, l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre par l’intermédiaire de ses services départementaux ou les associations d’anciens combattants et patriotiques ayant intérêt à agir. »

Amendement DF 4 présenté par MM. Brindeau, Lachaud et les députés du groupe Nouveau Centre :

Après l’article unique

Insérer l’article suivant :

« Chaque monument aux morts reprend les noms de tous les morts pour la France, quelle que soit la génération du feu dont ils sont issus et le théâtre d’opération sur lequel ils sont intervenus, y compris les opérations extérieures. »

ANNEXE 1 : TEXTES DE LOI

Loi du 24 octobre 1922 fixant au 11 novembre la commémoration de la victoire et de la paix

Art. 1er – La république française célèbre annuellement la commémoration de la victoire et de la Paix.

Art. 2. – Cette fête sera célébrée le 11 novembre, jour anniversaire de l’armistice. Le 11 novembre sera jour férié.

Art. 3. – La loi du 13 juillet 1905 concernant les fêtes légales ne sera pas applicable à la fête du 11 novembre.

Art. 4. – La loi du 9 novembre 1921 est abrogée.

Loi du 25 octobre 1919 relative à la commémoration et à la Glorification pour la France au cours de la grande guerre

Art. 1er – Les noms des combattants des armées de terre et de mer ayant servi sous les plis du drapeau français et Morts pour la France, au cours de la guerre 1914-1918, seront inscrits sur les registres déposés au Panthéon.

Art. 2. – Sur ces registres figureront, en outre, les noms des non combattants qui auront succombé à la suite d’actes de violence commis par l’ennemi, soit dans l’exercice de fonctions publiques, soit dans l’accomplissement de leur devoir de citoyen.

Art. 3. – L’État remettra à chaque commune un livre d’or sur lequel seront inscrits les noms des combattants des armées de terre et de mer, Morts pour la France, nés ou résidant dans la commune.

Ce livre d’or sera déposé dans une des salles de la commune et tenu à la disposition des habitants de la commune.

Pour les Français nés ou résidant à l’étranger, le livre d’or sera déposé au consulat dont la juridiction s’étend sur la commune où est né, ou a résidé le combattant mort pour la Patrie.

Art. 4. – Un monument national commémoratif des héros de la Grande Guerre, tombés au champ d’honneur, sera élevé à Paris ou dans les environs immédiats de la capitale.

Art. 5. – Des subventions seront accordées par l’État aux communes, en proportion de l’effort et des sacrifices qu’elles feront en vue de glorifier les héros morts pour la Patrie.

La loi de finances ouvrant le crédit sur lequel les subventions seront imputées réglera les conditions de leur attribution.

Art. 6. – Tous les ans le 1er ou le 2 novembre, une cérémonie sera consacrée dans chaque commune à la mémoire et à la glorification des héros morts pour la Patrie. Elle sera organisée par la municipalité avec le concours des autorités civiles et militaires.

ANNEXE 2 : PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR

(par ordre chronologique)

– M. Jacques Goujat, président de l’Union française des associations de combattants et de victimes de guerre (UFAC) ;

– M. le général Robert Bresse, président de la Fondation de la France libre ;

– M. Laurent Attar-Bayrou, président de la Fédération nationale des anciens des missions extérieures (FNAME) ;

– M. Jean Balazuc, président délégué, et M. Michel Berthelin, secrétaire général de la Fédération nationale André Maginot ;

– M. le contrôleur général des armées Gérard Delbauffe, président du Souvenir français ;

– M. le général Henri Pinard Legry, président de l’Association de soutien à l’armée française ;

– M. le général Jean Kervizic, président de l’Union nationale des combattants (UNC) ;

– M. André Cognard, secrétaire général de la Fédération nationale des anciens combattants en Algérie – Maroc – Tunisie (FNACA) ;

– M. Raphael Vahé, président, et M. Paul Markidès, vice-président de l’Association républicaine des anciens combattants et victimes de guerre (ARAC) ;

– M. Roger Quintard, secrétaire général de l’Association nationale des anciens des forces françaises de l’ONU et du bataillon de Corée.

ANNEXE 3 : COMMUNIQUÉS DE DIFFÉRENTES ASSOCIATIONS D’ANCIENS COMBATTANTS

Le Président de la République a annoncé à tous les Français que le gouvernement allait proposer à la représentation nationale un projet de loi aux termes duquel la Nation rendrait désormais hommage à tous les « Morts pour la France » le 11 novembre, jour qui demeurera à jamais celui de la célébration de la Victoire et de la Paix qui a suivi l’immense sacrifice des Poilus de la guerre de 14-18.

Les 47 associations patriotiques et d’anciens combattants du Comité d’entente élargi, qui représentent sensiblement près d’un million et demi d’adhérents, expriment leur très vive satisfaction de voir aboutir un projet porté depuis un an auprès des parlementaires et de l’exécutif. Anciens combattants de toutes les générations et de tous les conflits, « gueules cassées » et grands blessés de toutes les guerres, civils entretenant le Souvenir, anciens de l’outre-mer, étrangers de la Légion, officiers, sous-officiers, gendarmes, soldats, marins, aviateurs, d’active et de réserve, décorés ou anonymes, tous fortement représentés par nos associations, souhaitent vivement la traduction en loi de la décision du Président de la République.

Très conscientes qu’aucune commémoration ne sera supprimée, les associations estiment inapproprié le terme de « Memorial Day » employé actuellement par certains. Le « Memorial Day » est la traduction de l’hommage unique aux morts au combat dans les pays qui n’ont que deux commémorations nationales dans l’année, ce qui n’est pas le cas en France.

Les 47 associations soutiennent le vote d’une loi définissant la célébration du 11 novembre comme la loi du 24 octobre 1922 avait défini la célébration, par la République, de la Victoire et de la Paix le jour anniversaire de l’armistice de 1918.

Elles espèrent qu’un consensus se dégagera rapidement au Parlement. Comment en effet refuser à tous les « Morts pour la France », de tous les conflits, dont, bien évidemment ceux des opérations extérieures menées depuis 50 ans, cet hommage national !

Puisse aujourd’hui « l’ancien combattant de 20 ans », de retour d’Afghanistan, honorer ses camarades aux côtés de l’ancien combattant d’Algérie, d’Indochine, de Corée, de la Deuxième Guerre mondiale !

Puisse demain la mémoire de « tous les Morts pour la France » ne pas s’estomper !

Enfin puisse leur engagement pour la défense de la Patrie, celle de la Liberté et tout simplement pour l’exécution des missions reçues de la République, rester à l’avenir un exemple pour les jeunes générations de Français !

-Union Nationale des Combattants (UNC) ;

-Union des Aveugles de Guerre (UAG) ;

-UBFT « Les Gueules Cassées » ;

-Fédération Nationale des Anciens Combattants résidant hors de France (FACS) ;

-Le Souvenir Français ;

-Société d’Entraide des Membres de la Légion d’Honneur (SEMLH) ;

-Fédération Nationale André Maginot (FNAM) ;

-Association des anciens de l’École Polytechnique (AX) ;

-Association amicale des élèves et anciens élèves de l’École Spéciale Militaire de Saint-Cyr, La Saint-Cyrienne ;

-Association des anciens élèves de l’École Navale (AEN) ;

-Association des anciens élèves de l’École de l’Air (AEA) ;

-Société d’entraide des élèves et anciens élèves de l’école des officiers de la Gendarmerie Nationale (Le Trèfle) ;

-L’Épaulette, Association d’officiers ;

-Association Nationale des Croix de Guerre et Valeur Militaire (ANCVGM) ;

-Association des Combattants de l’Union Française (ACUF) ;

-Amicale des Anciens Combattants Indochinois ;

-Association des Anciens Enfants de Troupe (AET) ;

-Association Nationale des Anciens et amis de l’Indochine et du souvenir indochinois (ANAI) ;

-Les Anciens du Prytanée ;

-Association Nationale des Commissaires de la Marine (ANCM) ;

-Association Nationale des Officiers de Carrière en Retraite (ANOCR) ;

-Association Nationale des Cadres de Cherchell Officiers de Réserve et Élèves (ANCCORE) ;

-Association Nationale des Réservistes de l’Infanterie (ANORI) ;

-Association Nationale des Sous-Officiers de Réserve de l’Armée de l’Air (ANSORAA) ;

-Association Nationale Maréchal Lyautey ;

-Association Nationale des Anciens Prisonniers et internés déportés d’Indochine (ANAPI) ;

-Les Amis de Saint-Cyr et Coëtquidan ;

-Les Anciens Officiers de Vaisseau dans les carrières Civiles (AOVC) ;

-Association de Soutien à l’Armée Française (ASAF) ;

-Cercle d’Étude et de Réflexion sur la Défense (CERD) ;

-Confédération Nationale des Retraités Militaires et de leurs Veuves (CNRM) ;

-Fédération Nationale des Amicales de Chasseurs à pied, alpins et mécanisés (FNAC) ;

-Fédération Nationale de l’Artillerie (FNA) ;

-Fédération Nationale des Anciens d’Outre-mer et Anciens Combattants des Troupes de Marine (FNAOM/ACTDM) ;

-La Fraternelle Militaire ;

-Fédération des Sociétés d’Anciens de la Légion Étrangère (FSALE) ;

-Association de l’enseignement militaire supérieur scientifique et académique (MINERVE) ;

-Promotion Victoire Coëtquidan 1945 ;

-Société Nationale des Anciens et des Amis de la Gendarmerie (SNAAG) ;

-Union Nationale de Coordination des Associations Militaires (UNCAM) ;

-Union Nationale des Associations de l’Aviation Légère de l’Armée de Terre (UNAALAT) ;

-Union Nationale de l’Arme Blindée Cavalerie et Chars (UNABCC) ;

-Union Nationale des Anciens Combattants d’Indochine, des TOE et d’AFN (UNACITA) ;

-Union Nationale des Officiers de Réserve (UNOR) ;

-Union Nationale des Parachutistes (UNP) ;

-Union des Troupes de Montagne (UTM) ;

-Association nationale des participants aux opérations extérieures (ANOPEX).



L’ARAC pour sa part approuve les positions prises par l’UFAC en la matière, repoussant toutes les propositions qui n’ont pas d’autres objectifs que d’aboutir à l’instauration d’une journée nationale du souvenir, incompatible avec la symbolique de chacune des grandes dates de notre histoire contemporaine. Ainsi lors de chaque manifestation patriotique, des grands témoins qui vécurent les tourments et les combats, les témoins de témoins comme l’a souhaité Lucie Aubrac, contribuent à l’indispensable travail de mémoire pour l’information auprès des générations nouvelles leur permettant de mieux comprendre le présent. Pratiquement, toutes les familles de France quelles que soient leurs origines géographiques, ont été meurtries par la guerre de 1914-1918, mais aussi par toutes les autres guerres qui ont suivi. Elles témoignent elles-mêmes d’une manière ou d’une autre de l’impact de ces drames sur les vies des leurs et sur leur propre vie.

(1 ) Rapport de la commission de réflexion sur la modernisation des commémorations publiques, sous la présidence d’André Kaspi, novembre 2008.

(2 ) Commémorer la Grande Guerre (2014-2020) : propositions pour un centenaire international, rapport au Président de la République de Joseph Zimet, septembre 2011.

(3 ) Le Figaro, 11 novembre 2011.

4 () Proposition de loi n° 3743 de M. Philippe Meunier et plusieurs de ses collègues visant à l’inscription obligatoire des noms des soldats « Morts pour la France » dans les conflits et opérations extérieures sur les monuments aux morts de leurs communes de naissance et de domiciliation, 21 septembre 2011 ;

Proposition de loi n° 3841 de M. Patrick Beaudouin et plusieurs de ses collègues relative à l’inscription des noms des « Morts pour la France » sur les monuments aux morts, 18 octobre 2011.