N° 4159 - Rapport de M. Bernard Carayon sur la proposition de loi de M. Bernard Carayon visant à sanctionner la violation du secret des affaires (3985)



N° 4159

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 janvier 2012.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LA PROPOSITION DE LOI (N° 3985) DE M. BERNARD CARAYON visant à sanctionner la violation du secret des affaires,

PAR M. Bernard CARAYON,

Député.

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LES PRINCIPALES MODIFICATIONS APPORTÉES À LA PROPOSITION DE LOI PAR LA COMMISSION DES LOIS 5

INTRODUCTION 6

I. – FACE AU DÉVELOPPEMENT DES ATTEINTES AU SECRET DES AFFAIRES, L’ARSENAL JURIDIQUE FRANÇAIS APPARAÎT INADAPTÉ 8

A. LES VIOLATIONS DU SECRET DES AFFAIRES DES ENTREPRISES SE SONT MULTIPLIÉES 8

B. L’ARSENAL JURIDIQUE FRANÇAIS NE PERMET PAS DE RÉPRIMER EFFICACEMENT CES ATTEINTES AU SECRET DES AFFAIRES 10

1. Une absence de définition du secret des affaires 10

a) Dans les textes législatifs et réglementaires 10

b) Dans la jurisprudence judiciaire et administrative 12

2. Une protection insuffisante du secret des affaires par la justice 14

a) Des infractions pénales inadaptées 14

b) Des actions civiles en réparation du dommage à l’efficacité limitée 18

3. Une protection insuffisante du secret des affaires face à l’instrumentalisation de la justice 19

a) La « loi de blocage » du 28 juillet 1968, un « tigre de papier » face aux procédures américaines de discovery 19

b) Une protection perfectible dans le cadre des procédures judiciaires françaises 25

II. – POUR UN ECONOMIC ESPIONAGE ACT « À LA FRANÇAISE » AFIN DE METTRE UN TERME À CETTE LACUNE DE NOTRE DROIT 27

A. ASSURER UNE PROTECTION DU SECRET DES AFFAIRES ÉQUIVALENTE À CELLE ACCORDÉE PAR LE DROIT INTERNATIONAL ET EUROPÉEN ET PAR NOS PARTENAIRES 27

1. Le secret des affaires bénéficie d’un statut protecteur en droit international et européen 27

a) Un statut protecteur en droit international 27

b) Un statut protecteur en droit européen 28

2. Un niveau élevé de protection dans les législations de nos partenaires 30

a) La loi américaine sur l’espionnage économique 31

b) Les législations de nos partenaires européens 33

B. LA PROPOSITION DE LOI ASSURE UNE PROTECTION EFFICACE ET CIRCONSCRITE DU SECRET DES AFFAIRES 37

1. Une définition précise et circonscrite du secret des affaires 38

2. La création d’un délit de violation du secret des affaires, assorti d’exceptions indispensables 40

3. La révision de la loi de blocage du 26 juillet 1968 41

C. UNE ÉVOLUTION LÉGISLATIVE S’INSCRIVANT DANS UNE STRATÉGIE GLOBALE D’INTELLIGENCE ÉCONOMIQUE 41

D. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LA COMMISSION DES LOIS À LA PROPOSITION DE LOI 43

DISCUSSION GÉNÉRALE 45

EXAMEN DES ARTICLES 51

Article 1er(art. 226-15-1, 226-15-2, 226-15-3,226-15-4 et 226-15-5 [nouveaux] du code pénal) Définition et protection du secret des affaires des entreprises 51

Article 2 (art. L. 363-1 du code des assurances et art. 1 bis, 2 et 3 de la loi n° 68-678 du 26 juillet 1968) Coordination 60

Article 3 (nouveau) (art. 35 de la loi du 29 juillet 1881) Diffamation et condamnation pour recel de violation du secret des affaires 61

TABLEAU COMPARATIF 63

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION 69

LES PRINCIPALES MODIFICATIONS APPORTÉES
À LA PROPOSITION DE LOI PAR LA COMMISSION DES LOIS

—  À l’initiative du rapporteur, la Commission a porté les peines initialement prévues par la proposition de loi, à savoir un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende, à trois ans d’emprisonnement et 375 000 euros d’amende, afin de les harmoniser avec celles réprimant l’abus de confiance, en application de l’article 314-1 du code pénal.

—  La Commission a adopté, à l’initiative du rapporteur, un amendement prévoyant qu’une personne poursuivie en diffamation ne pourra être poursuivie pour recel si elle produit pour sa défense des pièces couvertes par le secret des affaires, afin de prouver sa bonne foi ou la vérité des faits diffamatoires. C’est une extension au secret des affaires de la solution applicable aux secrets de l’enquête ou de l’instruction et au secret professionnel, en application de l’article 35 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-1 du 4 janvier 2010 relative à la protection du secret des sources des journalistes.

MESDAMES, MESSIEURS,

Le secret a mauvaise presse. Dans une société qui a érigé la transparence en vertu cardinale et où la sphère des secrets, qu’ils soient publics ou privés, s’est réduite comme peau de chagrin, une proposition de loi visant à renforcer la protection du secret des affaires en étonnera sans doute certains, prompts à dénoncer tout secret comme liberticide.

Il y a en effet lieu de s’étonner… que la France ne se soit pas dotée d’une telle législation plus tôt ! Dans une économie mondialisée, où le patrimoine des entreprises prend de plus en plus la forme d’informations dématérialisées, vulnérables et faciles à dérober, une protection spécifique des informations économiques stratégiques des entreprises est en effet indispensable. Protéger le secret des affaires, c’est protéger des emplois, des technologies, des investissements, parfois considérables ; c’est garantir notre puissance et notre indépendance dans certains cas, et lutter contre la désindustrialisation, qui n’a pas toujours été la pensée première des pouvoirs publics. Comme le souligne le philosophe Roger Pol-Droit, « sans le secret des affaires, c’en serait fini de l’industrie, des services, de l’économie » (1). La plupart des autres États industrialisés l’ont bien compris, qui se sont dotés de législations protectrices dans ce domaine, que ce soit aux États-Unis ou chez nos partenaires européens. Cette singularité française – peut-on parler d’« exception » ? – doit s’achever. Sans naïveté, ni paranoïa.

La protection des entreprises françaises n’est pas un enjeu partisan : elle est une question d’intérêt national. Les États-Unis l’ont parfaitement compris : l’Espionnage Economic Act de 1996, la législation y protégeant les secrets des affaires, est issue d’une initiative bipartisane, d’un représentant républicain et de deux représentants démocrates, de même que la proposition de loi adoptée par le Judiciary Committee du Sénat américain le 8 décembre 2011 destinée à le renforcer. Il serait heureux qu’il en soit de même dans notre pays. Le soutien apporté à la démarche entreprise ici par notre collègue Jean-Michel Boucheron, ancien président de la commission de la Défense de l’Assemblée nationale, et le vote à l’unanimité du présent texte par la commission des Lois, constituent des signes encourageants, comme l’avait été, en son temps, l’adoption à l’unanimité, le 6 juillet 2005, d’un amendement au projet de loi en faveur des petites et moyennes entreprises, à l’initiative de votre rapporteur, autorisant les fondations reconnues d’utilité publique à recevoir la majorité, ou plus, des actions ou des parts sociales de sociétés industrielles ou commerciales, mettant celles-ci, à l’occasion notamment de successions difficiles, à l’abri des entreprises de rachat ou de démantèlement initiées par des fonds ou des prédateurs industriels étrangers.

Cette protection revêt aujourd’hui une acuité nouvelle, compte tenu du caractère conflictuel des relations commerciales internationales, a fortiori dans un contexte de crise, de développement des technologies de l’information, qui facilitent les captations illégales des informations sensibles, et de mobilité croissante des facteurs de production.

L’enjeu est de se doter des moyens de lutter à armes égales dans la concurrence internationale (2). Un débat s’est ouvert. Un tabou est levé, qui interdisait de parler de guerre économique. La sécurité économique des entreprises ne peut être laissée au seul ressort contractuel : elle exige l’intervention des pouvoirs publics, d’où la nécessité de recourir à la loi, en particulier, à l’arme pénale.

Le secret des affaires relève du patrimoine informationnel de l’entreprise, et appartient, d’une certaine manière, à sa sphère privée. Il est légitime de le protéger : « l’exigence de transparence, lorsqu’elle se généralise à l’excès, n’est plus la quintessence de la démocratie, mais plutôt son antipode » (3).

La présente proposition constitue une première étape dans l’édification d’un droit du secret des affaires – qui sera également jurisprudentiel. Elle constitue le corollaire indispensable du soutien financier aux entreprises via le Fonds stratégique d’investissement (FSI), de la protection de nos systèmes d’information par l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI), et des actions de sensibilisation des entreprises à l’intelligence économique effectuées, notamment, par la délégation interministérielle à l’intelligence économique.

Ce texte est le fruit d’un long travail de réflexion et de maturation, engagé dès 2003 par votre rapporteur, dans deux rapports remis au Premier ministre (4), et dans un rapport au nom de la commission des Finances, en 2004 (5), dans lesquels il était proposé de créer un droit du secret des affaires. Il constitue la quatrième proposition de loi que votre rapporteur dépose sur le sujet, nourrie depuis huit ans par près de 1 500 auditions consacrées à l’intelligence économique. Le Gouvernement, sans doute « aiguillonné » par cette persévérance, a parallèlement initié une réflexion sur l’élaboration d’un droit du secret des affaires, sous l’autorité du haut responsable à l’intelligence économique puis du délégué interministériel à l’intelligence économique. La démarche retenue ici constitue la synthèse de ces réflexions.

Face au développement de l’espionnage industriel et des atteintes au secret des affaires, l’arsenal juridique français apparaît inadapté (I). S’inspirant des législations relatives au secret des affaires de nos principaux partenaires, la présente proposition de loi vise à mettre un terme à cette lacune de notre droit (II).

I. – FACE AU DÉVELOPPEMENT DES ATTEINTES AU SECRET DES AFFAIRES, L’ARSENAL JURIDIQUE FRANÇAIS APPARAÎT INADAPTÉ

Les atteintes au secret des affaires se sont multipliées au cours des dernières années, causant un préjudice économique jugé considérable par les services de l’État, bien que difficile à évaluer, aux entreprises françaises. Face à ces attaques de plus en plus nombreuses, l’arsenal juridique français apparaît inadapté, faute d’une définition précise de la notion et d’une infraction réprimant efficacement ces comportements.

Au cours des années récentes, plusieurs affaires, fortement médiatisées, ont démontré la fragilité des entreprises françaises face aux risques de divulgation de leurs secrets d’affaires, que ce soit par leurs salariés ou par des tiers.

En 2005, par exemple, une étudiante de nationalité chinoise ayant effectué un stage au sein de l’équipementier automobile Valeo, a exporté plusieurs fichiers informatiques confidentiels de ladite société sur son disque dur personnel, en dépit des règles de confidentialité qui avaient été portées à sa connaissance. Elle a fait l’objet d’une condamnation à un an d’emprisonnement (dont dix mois avec sursis) pour abus de confiance par le tribunal de grande instance de Versailles dans son jugement du 18 décembre 2007 (6).

En 2007, un ancien salarié de l’entreprise Michelin, ingénieur de recherche affecté à un centre de recherche classé comme « établissement à régime restrictif » conformément à l’instruction interministérielle n° 486 du 1er mars 1993 sur la protection du patrimoine scientifique et technique dans les échanges internationaux, a collecté un nombre très important de données confidentielles, qu’il a ensuite cherché à vendre à des entreprises étrangères, concurrentes directes de Michelin. L’une de ces entreprises, la société Bridgestone, a averti Michelin. L’ancien salarié « indélicat » a été condamné par le tribunal correctionnel de Clermont-Ferrand, le 21 juin 2010, à deux ans d’emprisonnement avec sursis et à une amende de 5 000 euros, pour abus de confiance (7).

Ces exemples ne constituent que la « partie émergée de l’iceberg ». En effet, des entreprises peuvent être victimes de violations du secret des affaires, à leur insu, sans jamais s’en rendre compte. D’autres, bien que conscientes de l’attaque dont elles ont été victimes, hésitent à déposer plainte, pour éviter de médiatiser l’atteinte dont elles ont fait l’objet et ne pas dégrader leur image de marque.

Selon le délégué interministériel à l’intelligence économique, le nombre d’attaques économiques, au sens large (débauchage d’un cadre, harcèlement juridique, atteinte à l’image, vol de secret industriel, etc.), visant des entreprises françaises, est en forte croissance. Selon son service, 1 000 atteintes économiques ont été recensées en 2010, un quart d’entre elles constituant des violations du secret des affaires. Les cinq secteurs économiques les plus touchés sont, par ordre décroissant : l’aéronautique, la filière de l’énergie nucléaire, les laboratoires de recherche, le secteur automobile, la métallurgie et la sidérurgie. 22 % des entreprises ou laboratoires de recherche visés sont des établissements à caractère restrictif et 13 % d’entre eux appartiennent à un pôle de compétitivité. Les zones les plus touchées sont les régions Île-de-France (18 %), Rhône-Alpes (10 %), Midi-Pyrénées (6 %), Provence-Alpes-Côte d’Azur (5 %), Centre (5 %), Nord-Pas-de-Calais (5 %) et Pays de Loire (5 %). Selon la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), les atteintes au secret des affaires constatées prennent le plus souvent la forme de vol de documents ou de supports contenant des fichiers informatiques sensibles (9,2 % de l’ensemble des atteintes économiques recensées), de piratage informatique avec vols de données (6,7 %), de détournement de savoir-faire ou de données par un stagiaire, étudiant ou salarié étrangers (4,8 %), de débauchage de personnel emportant des données stratégiques (2,1 %) et d’actions contentieuses visant en réalité à obtenir des données sensibles (1,9 %).

Ce phénomène ne touche d’ailleurs pas que la France. Aucune étude fiable ne recensant, à notre connaissance, ces attaques, qu’elles émanent de ressortissants étrangers ou français, ce qui constitue une lacune regrettable, il est difficile d’en prendre la mesure exacte. À défaut, une étude annuelle réalisée par un cabinet de conseil, intitulé le « baromètre du vol et de la perte d’informations » (8), recense les vols et les pertes d’informations, quelle que soit leur origine (vol ou perte de documents, d’ordinateurs, de clés USB ou de disque dur, piratage, malveillance interne, défaillance informatique, etc.). Selon cette étude, plus de 514 millions de personnes dans le monde ont été affectées par des pertes ou des vols d’informations depuis 2007. L’année dernière, en 2010, plus de 15 millions de personnes auraient été victimes de vols ou de pertes d’informations. La même année, plus d’un incident sur quatre (21 %) serait dû à la malveillance interne. Au total, plus de 249 millions de personnes dans le monde auraient été affectées par le piratage d’informations depuis 2007.

Selon une étude réalisée par un autre cabinet de conseil sur la sécurité des systèmes d’information, 61 % des entreprises françaises ont déclaré avoir subi au moins un incident de sécurité en 2011, alors qu’elles étaient 39 % en 2010 (9). Le niveau de confiance des entreprises françaises dans le niveau de sécurité de leur système d’information aurait diminué de 36 points en trois ans : 55 % des 560 entreprises ayant répondu déclarent être totalement ou plutôt confiantes dans leur niveau de sécurité, contre 87 % en 2008. En 2011, 20 % des entreprises auraient subi des pertes financières à la suite d’un incident de sécurité, contre 15 % en 2010 et 8 % en 2008. Cette année, 17 % des entreprises auraient été victimes de vols de propriété intellectuelle (6 % en 2008) et 13 % d’atteintes à leur image de marque (contre 6 % en 2008).

Le préjudice économique causé à une entreprise par l’espionnage économique peut être considérable. À titre d’exemple, le 14 septembre 2011, la justice américaine a condamné un concurrent coréen du groupe DuPont à verser 920 millions de dollars à ce dernier, pour avoir dérobé des informations confidentielles relatives à la fibre d’aramide (commercialisée sous le nom de Kevlar).

La notion de secret des affaires n’est pas absente de l’ordre juridique français, mais elle n’est pas définie. La protection assurée par la justice française est insuffisante, car les infractions pénales existantes s’appliquent difficilement aux attaques visant des informations, en raison de leur caractère immatériel, et les procédures civiles de réparation ne sont pas assez dissuasives. La protection du secret des affaires face à l’utilisation abusive de procédures judiciaires pour obtenir de tels secrets est également défaillante.

L’expression « secret des affaires » est fréquemment employée dans les textes législatifs et réglementaires et par la jurisprudence, judiciaire comme administrative, sans être cependant définie.

L’expression « secret des affaires » figure ainsi dans huit dispositions législatives récentes :

– l’article 4 de la loi n° 2011–852 du 20 juillet 2011 relative à la régulation du système de distribution de la presse (10) ;

– l’article 43 de la loi n° 2010–476 du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne (11) ;

– l’article 1er de la loi n° 2009–1503 du 8 décembre 2009 relative à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires et portant diverses dispositions relatives aux transports (12) ;

– l’article 96 de la loi n° 2008–776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie (13) ;

– l’article 13 de la loi n° 2007–309 du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur (14) ;

– l’article 5 de la loi n° 2005–516 du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales (15) ;

– l’article 16 de la loi n° 2004–669 du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle (16) ;

– l’article 70 de la loi n°2001–420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques (17).

Selon le site Légifrance, l’expression « secret des affaires » est également employée par 6 ordonnances, 51 décrets, 223 arrêtés, 224 décisions et 2 circulaires. Elle est mentionnée notamment dans le code de commerce (18), le code de la consommation (19) et le code des postes et communications électroniques (20), sans qu’aucun de ces textes ne définisse pour autant cette notion. Le seul texte comportant une précision – en procédant de manière négative – relative à la notion de secret des affaires est l’article R. 463-14 du code de commerce, qui indique que les éléments portant sur les ventes, parts de marché, offres ou données similaires de plus de cinq ans sont réputés ne pas mettre en jeu le secret des affaires, sauf dans des cas exceptionnels.

La notion de secret des affaires est également employée fréquemment par la jurisprudence judiciaire et administrative.

Les chambres civiles, commerciale et sociale de la Cour de cassation s’y réfèrent ainsi, dans des contextes aussi variés que l’article 145 du code de procédure civile relatif aux mesures d’instruction in futurum (21), la saisie-contrefaçon (22), le respect du principe du contradictoire (23) ou le droit social (24). La notion est également employée dans de nombreuses décisions du Conseil d’État, au sujet, par exemple, des marchés publics (25), du respect du secret des affaires par les autorités administratives lors de la publication de leurs décisions (26) ou du respect du principe du contradictoire (27).

La jurisprudence de la Cour de cassation et du Conseil d’État ne fournit cependant, là encore, aucune définition de ce que recouvre la notion de secret des affaires.

À notre connaissance, la seule définition du secret des affaires émanant d’une autorité officielle résulte de la pratique de la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) (28).

En effet, le paragraphe II de l’article 6 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public prévoit que les documents administratifs dont la communication porterait atteinte au « secret en matière commerciale et industrielle » ne sont communicables qu’à l’intéressé. Le secret industriel et commercial, notion voisine de celle du secret des affaires, fait ainsi partie des secrets relatifs, opposables aux tiers (par opposition aux secrets absolus, tels que le secret des délibérations du Gouvernement ou le secret défense, qui valent à l’égard de tous). La CADA en a précisé les contours dans un avis n° 20062458 du 15 juin 2006, relatif à une demande d’accès visant des documents relatifs à un marché public. Trois types de mentions sont couverts, selon la CADA, par le secret en matière industrielle et commerciale (29) :

– les mentions protégées par le secret des procédés, qui recouvre le savoir-faire, les techniques de fabrication, telles que la description des matériels utilisés et du personnel employé ou le contenu des activités de recherche-développement (avis n° 20052295 du 9 juin 2005) ;

– les mentions protégées par le secret des informations économiques et financière, catégorie dans laquelle entrent notamment les informations qui ont trait à la situation économique d’une entreprise, à sa santé financière ou à l’état de son crédit, comme, par exemple, son chiffre d’affaires, ses documents comptables, ses effectifs et, généralement, toutes les informations de nature à révéler son niveau d’activité ;

– les mentions protégées par le secret des stratégies commerciales, qui recouvrent les informations sur les prix et les pratiques commerciales, telles que la liste des fournisseurs, le montant des remises consenties, etc.

En 2010, 14,7 % des avis défavorables de la CADA relatives à des demandes d’accès étaient fondés sur l’atteinte au secret industriel et commercial.

La portée juridique ainsi que le champ d’application de la doctrine de la CADA sont cependant limités : ses avis ne constituent pas des actes faisant grief (30) et ne lient pas l’administration, et l’interprétation donnée ne vaut que dans le contexte de la loi du 17 juillet 1978. Les précisions apportées par la CADA au sujet du secret industriel et commercial ne sauraient donc pallier l’absence de définition du secret des affaires en droit français.

Loin d’être absent de notre ordre juridique, le secret des affaires y est donc déjà très présent, mais sans faire l’objet d’une définition précise et claire. Cette absence de définition est, en elle-même, insatisfaisante.

En l’état actuel du droit, les informations économiques sensibles d’une entreprise sont protégées par un ensemble de textes disparates, aux champs d’application et aux finalités variables, dont l’efficacité et la cohérence sont insuffisantes. Les infractions pénales existantes apparaissent en effet inadaptées, et les actions en réparation sont d’une efficacité limitée. La protection des secrets des affaires des entreprises dans le cadre des procédures judiciaires, étrangères ou françaises, est par ailleurs défaillante.

• Le vol, réprimé par l’article 311–1 du code pénal, est applicable au vol de documents confidentiels, mais pas à celui d’informations confidentielles, en l’absence de soustraction du support matériel de ces informations.

En effet, aux termes de l’article 311–1, « le vol est la soustraction frauduleuse de la chose d’autrui. ». Traditionnellement, il est considéré que seul un bien corporel peut être soustrait et que les biens incorporels, tels qu’une information, ne peuvent faire l’objet d’un vol. Certes, il existe un courant jurisprudentiel admettant qu’un élément immatériel puisse faire l’objet d’un vol : dans les arrêts Bourquin (31) et Antoniolli (32) rendus en 1989, la chambre criminelle de la Cour de cassation a ainsi approuvé les condamnations prononcées pour le vol du « contenu informationnel » de disques informatiques ainsi que de « données comptables et commerciales » constitutives de « biens incorporels » de l’entreprise. Le 4 mars 2008, la chambre criminelle a également rejeté le pourvoi formé contre un arrêt de la cour d’appel de Rennes ayant sanctionné le vol du « contenu informationnel » de fichiers informatiques (33). Ces précédents restent cependant isolés et ne comportent aucune affirmation de principe, la chambre criminelle se contentant de rejeter les pourvois. Leur portée reste débattue par la doctrine (34), certains auteurs insistant notamment sur le fait que, dans toutes ces espèces, il y avait eu manipulation – donc appréhension temporaire – des supports matériels de ces informations.

• L’abus de confiance, défini par l’article 314–1 du code pénal comme « le fait par une personne de détourner, au préjudice d’autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu’elle a acceptés à charge de les rendre, de les représenter ou d’en faire un usage déterminé », ne présente pas la même difficulté : applicable à un « bien quelconque » depuis l’entrée en vigueur du nouveau code pénal le 1er mars 1994, il ne se limite plus au détournement d’un bien corporel (35), comme l’a récemment confirmé la chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt du 16 novembre 2011 (36), au sujet du détournement d’un fichier de clientèle.

C’est d’ailleurs sur le fondement de l’abus de confiance que l’ancien salarié de Michelin, ayant proposé à plusieurs concurrents directs de cette entreprise de leur vendre des données confidentielles, obtenues dans le cadre de ses fonctions au sein de son ancien employeur, a été condamné à deux ans d’emprisonnement avec sursis et à une amende de 5 000 euros par le tribunal correctionnel de Clermont-Ferrand le 21 juin 2010 (37). L’abus de confiance est également le chef d’accusation retenu par le tribunal de grande instance de Versailles dans son jugement du 18 décembre 2007 dans l’affaire « Valeo », ayant entraîné la condamnation à un an d’emprisonnement (dont dix mois avec sursis) de l’ancienne stagiaire chinoise ayant téléchargé sur son disque dur des fichiers confidentiels de l’équipementier automobile (38).

L’abus de confiance ne permet cependant pas de sanctionner efficacement toutes les violations du secret des affaires : en effet, il requiert une remise préalable, laquelle s’inscrit généralement, dans ce contexte, dans une relation contractuelle. En l’absence d’une telle remise des données confidentielles (c’est-à-dire si l’auteur de la violation du secret s’en est emparé), l’infraction d’abus de confiance ne saurait être constituée.

• En application du premier alinéa de l’article 321–1 du code pénal (39), le recel permet de sanctionner la détention illicite d’informations confidentielles d’une entreprise, mais uniquement si cette détention s’accompagne de leur support matériel. En l’absence de détention de ce support, la chambre criminelle a jugé, à plusieurs reprises – dans des affaires concernant fréquemment des journalistes, ce qui a conduit certains commentateurs à relativiser la portée de cette affirmation en dehors de cette hypothèse (40) – qu’une « information échappe aux prévisions de l’article 321-1 du code pénal qui réprime le seul recel d’une chose » (41). Une évolution de la jurisprudence sur ce point n’est cependant pas à exclure. En application du second alinéa de l’article 321-1 du code pénal (42), le recel permet également de sanctionner le profit tiré de l’infraction, donc, en l’espèce, l’utilisation de l’information (43).

C’est sur le fondement du recel que le frère d’un ancien consultant d’une entreprise, qui avait chargé ce dernier de « pirater » les boîtes de messageries de deux dirigeants de ladite société, pour se tenir informé d’une opération financière de rachat, a été condamné à six mois d’emprisonnement par le tribunal de grande instance de Paris le 1er juin 2007 (44).

Le recel reste cependant peu adapté à la répression de l’atteinte à des données confidentielles d’une entreprise, en raison de leur caractère immatériel.

• L’article 226–13 du code pénal sanctionne la violation du secret professionnel. Il prévoit que « la révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. ». Cette infraction est, elle aussi, inadaptée à la lutte contre les atteintes au secret des affaires. En effet, elle ne concerne que les personnes légalement tenues au secret professionnel, soit en application des textes organisant leur profession (avocats, magistrats, policiers, banquiers, professions de santé, etc.), soit de la jurisprudence (experts-comptables, ministres d’un culte, etc.). De plus, elle ne vise que la révélation de faits appris dans l’exercice de leur activité professionnelle. Ce n’est donc que ponctuellement que cette infraction est susceptible de réprimer une atteinte au secret des affaires.

• Depuis la loi n° 88–19 du 5 janvier 1988, dite « loi Godfrain », l’intrusion dans un système informatique est pénalement sanctionnée. Ce délit, qui figurait initialement à l’article 462-2 du code pénal, figure aujourd’hui à l’article 323-1 de ce code, selon lequel « le fait d’accéder ou de se maintenir, frauduleusement, dans tout ou partie d’un système de traitement automatisé de données est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. Lorsqu’il en est résulté soit la suppression ou la modification de données contenues dans le système, soit une altération du fonctionnement de ce système, la peine est de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. ». L’article 323-2 du même code prévoit que le fait d’entraver ou de fausser le fonctionnement d’un système de traitement automatisé des données est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. L’article 323-3 du même code sanctionne le fait d’introduire frauduleusement des données dans un système ou de supprimer ou de modifier frauduleusement les données qu’il contient. Ces dispositions ne sont cependant efficaces qu’en cas d’intrusion avérée dans un système informatique et ne visent pas la détention des informations qu’il contient.

Par ailleurs, dans le domaine informatique, la législation sur la protection des logiciels ne s’étend pas jusqu’à la protection des informations traitées par le logiciel considéré.

• La livraison d’informations à une puissance étrangère, visée par l’article 411-6 à 411-8 du code pénal et, plus généralement, les infractions portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation, réprimées par le titre premier du livre IV du code pénal (articles 410-1 et suivants), sont difficiles à mettre en œuvre pour lutter contre la divulgation de secrets d’affaires. L’atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation n’est en effet pas aisée à établir devant les juridictions dans ce type d’affaires.

Dans l’affaire « Michelin », ayant donné lieu au jugement du tribunal correctionnel de Clermont-Ferrand du 21 juin 2010, précité, ce dernier a ainsi prononcé la relaxe pour les infractions relatives à l’atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation. En effet, il a jugé que le seul classement du centre de recherche concerné en établissement à régime restrictif n’induisait pas nécessairement que des éléments essentiels du potentiel économique de la France, au sens de l’article 410-1 du code pénal, étaient concernés. A également été relevé le fait que le prévenu s’était adressé à trois entreprises étrangères, non pas en raison de leur qualité d’entreprises étrangères, mais de concurrents directs de Michelin.

• Le délit de divulgation d’un secret de fabrique, prévu à l’article L. 1227-1 du code du travail et à l’article L. 621-1 du code de la propriété intellectuelle, ne permet de sanctionner que les salariés et dirigeants de l’entreprise concernée. De plus, la notion de secret de fabrique est plus étroite que celle de secret des affaires. Selon la jurisprudence, elle vise les procédés de fabrication, de préparation, ou de transformation des matières premières en produits finis, offrant un intérêt pratique et commercial et tenu caché aux entreprises concurrentes (45). Un procédé consistant à améliorer certaines couleurs (46) ou un système de fraisage (47) ont ainsi été qualifiés de secrets de fabrique par la jurisprudence. Il n’est pas exigé que le procédé soit breveté (48) ou même brevetable (49). En revanche, des procédés de commercialisation ou de gestion ne sont pas protégés (50). La tentative comme l’infraction consommée sont réprimées. Les peines prévues sont une peine principale de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende, et une peine complémentaire d’interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, des droits civiques, civils et de famille.

Dans l’affaire « Michelin », il peut être relevé que le tribunal correctionnel de Clermont-Ferrand, dans son jugement du 21 juin 2010, a constaté qu’aucune précision concernant le dépôt éventuel d’un brevet sur les informations rassemblées par l’ancien salarié concerné n’avait été apportée et a prononcé la relaxe pour le délit de révélation de secret de fabrique, alors que, ni les textes applicables, ni la jurisprudence antérieure, n’exigent que le procédé en cause soit breveté ou brevetable.

Parallèlement aux sanctions pénales, les entreprises victimes d’une violation du secret des affaires peuvent intenter des actions en réparation. Celles-ci sont fondées sur la notion de concurrence déloyale, qui repose elle-même sur les principes généraux de la responsabilité civile et, en particulier, les articles 1382 et 1383 du code civil, ainsi que, s’agissant de certaines pratiques, sur la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au profit des consommateurs.

Dans ce contexte, la jurisprudence a recours à la notion de « savoir-faire », distincte de celle de secret des affaires. Celui-ci est défini par l’article 1er, sous g), du règlement (UE) n° 330-2010 de la Commission du 20 avril 2010 concernant l’application de l'article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées, selon lequel le savoir-faire est « un ensemble secret, substantiel et identifié d’informations pratiques non brevetées, résultant de l'expérience du fournisseur et testées par celui-ci ; dans ce contexte, «  secret » signifie que le savoir-faire n'est pas généralement connu ou facilement accessible ; « substantiel » se réfère au savoir-faire qui est significatif et utile à l’acheteur aux fins de l’utilisation, de la vente ou de la revente des biens ou des services contractuels ; « identifié » signifie que le savoir-faire est décrit d’une façon suffisamment complète pour permettre de vérifier s’il remplit les conditions de secret et de substantialité ».

L’action en concurrence déloyale peut ainsi être exercée contre un ancien salarié exploitant un savoir-faire acquis à la faveur d’un contrat de travail arrivé à expiration, qu’il l’utilise pour lui-même (51) ou le mette à la disposition d’un employeur concurrent (52). Elle peut aussi être exercée contre le nouvel employeur qui, grâce à cette collusion avec l’ancien salarié d’un concurrent, s’est livré à un « espionnage commercial » (53). L’exploitation de connaissances communiquées au cours de pourparlers contractuels qui n’ont pas abouti peut également donner lieu à une action en concurrence déloyale (54). Le détournement de listes de clients ou de fournisseurs peut aussi donner lieu à l’octroi de dommages et intérêts, sur le fondement de la concurrence déloyale (55).

Ces actions en réparation sont utiles, mais leur efficacité reste limitée. Elles ne peuvent que réparer le préjudice causé par la violation du secret des affaires, a posteriori, une fois celui-ci réalisé, et n’exercent pas véritablement d’effet dissuasif, alors que l’objectif principal recherché par les entreprises est de prévenir un tel préjudice. En pratique, ce préjudice est souvent difficile à évaluer, car il s’agit souvent de la perte d’une chance ou d’un avantage concurrentiel. Bien souvent, le juge saisi est dépourvu des moyens pertinents d’évaluation. En outre, l’insolvabilité du défendeur peut priver, in fine, l’entreprise victime de toute réparation.

Par ailleurs, il convient de souligner que, en application des articles L. 1122-1 et L. 1222-5 du code du travail et de l’article 1134, alinéa 3, du code civil, les salariés d’une entreprise sont tenus – y compris pendant les périodes de suspension de leur contrat de travail – à une obligation de loyauté, laquelle leur interdit notamment de se livrer à des actes de concurrence déloyale (56).

L’article L. 2325-5 du code du travail impose par ailleurs une obligation de discrétion aux membres du comité d’entreprise et aux représentants syndicaux à l’égard des informations revêtant un caractère confidentiel et présentées comme telles par l’employeur. La violation de cette obligation peut entraîner l’octroi de dommages et intérêts et des sanctions disciplinaires, voire un licenciement.

La justice est parfois instrumentalisée par des entreprises indélicates, qui utilisent des procédures judiciaires afin d’accéder à des secrets d’affaires de leurs concurrents. Des difficultés sont apparues, en particulier, dans le cadre des procédures dites de discovery employées par la justice américaine. La loi n° 68-678 du 26 juillet 1968, dite « loi de blocage », s’est révélée inefficace pour protéger les entreprises françaises contre ces pratiques. La « captation judiciaire » de secrets des affaires peut également intervenir dans des procédures judiciaires françaises, celles-ci étant insuffisamment protectrices des informations économiques confidentielles.

La loi n° 68-538 du 28 juillet 1968, dite « loi de blocage », avait pour objectif de faire échec aux procédures de discovery américaines et de protéger les ressortissants français contre le contournement des mécanismes de coopération judiciaire prévus par la Convention de La Haye du 18 mars 1970. Cet objectif n’a pas été atteint, et la loi de blocage s’est révélée, au contraire, une source de difficultés importantes pour les entreprises françaises confrontées à des demandes de renseignements émanant de la justice américaine.

• Origines et dispositif de la loi n° 68-538 du 28 juillet 1968

La loi n° 68-538 du 26 juillet 1968 relative à la communication de documents et renseignements d’ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique à des personnes physiques ou morales étrangères, telle que modifiée par la loi n° 80-538 du 16 juillet 1980, dite « loi de blocage », interdit, sous peine de sanctions, la communication à des autorités étrangères de documents ou de renseignements de nature économique, commerciale, industrielle, financière ou technique, en dehors des cas prévus par les traités internationaux.

Originellement limitée au seul domaine du commerce maritime, la loi du 26 juillet 1968 a vu son objet étendu en 1980, avec pour objectif de protéger les entreprises françaises contre les actions engagées par certaines autorités étrangères cherchant à accéder sans contraintes aux informations, y compris confidentielles, qu’elles détiennent, sans recourir aux procédures de coopération judiciaire prévues à cet effet. En effet, la réforme opérée par la loi du 16 juillet 1980, adoptée, selon les termes de son rapporteur à l’Assemblée nationale, notre regretté collègue Alain Mayoud, dans un « climat de guerre économique » (57), constitue une riposte juridique face à certaines pratiques, jugées abusives, développées par les autorités américaines en matière de collecte de renseignements économiques (58).

La première des dérives dénoncées par les travaux parlementaires de cette loi concernait les prétentions extraterritoriales de certaines législations : le rapporteur du texte, Alain Mayoud, fustigeait ainsi « la volonté des États-Unis d’imposer au reste du monde leur législation » (59). Ces effets extraterritoriaux sont attachés, en particulier, au droit de la concurrence, dont le champ d’application est fondé non sur le lieu de l’établissement ou du siège social, mais en fonction des effets des pratiques anticoncurrentielles sur le territoire américain. Ce phénomène s’est amplifié depuis l’adoption de la loi du 16 juillet 1980, dans le domaine du droit des marchés financiers en particulier, avec l’adoption du Sarbanes-Oxley Act (60) en 2002. La seconde dérive à laquelle la loi du 16 juillet 1980 entendait mettre un terme est le non-respect des mécanismes de coopération judiciaire par certains États dans les domaines civil et commercial. Étaient visés, en particulier, le contournement de la Convention multilatérale de La Haye du 18 mars 1970 sur l’obtention des preuves à l’étranger en matière civile ou commerciale, par le recours aux procédures américaines de discovery, en lieu et place des canaux prévus par cette Convention, à savoir la commission rogatoire internationale, l’obtention de preuves par des agents diplomatiques ou consulaires et l’obtention de preuves par commissaire.

En droit américain, la procédure dite de discovery, ou de pre-trial discovery, est une phase d’investigation et d’instruction préalable au procès civil et commercial, au cours de laquelle chaque partie peut exiger de l’autre qu’elle divulgue tous les éléments de preuve pertinents au litige dont elle dispose, même si elles lui sont contraires, quelles que soient leur localisation et leur forme. Au niveau fédéral, elle est régie par la règle 26 des règles fédérales de la procédure civile (Federal Rules of Civil Procedure). Le champ d’application de cette procédure précontentieuse est très large, dans la mesure où chaque partie peut demander au juge d’exiger la divulgation non seulement d’élément de preuves, mais de tout élément ou toute information susceptible de faciliter la recherche de la preuve. Cette injonction peut être adressée aux parties, mais aussi aux tiers étrangers à la cause. L’acte introductif peut, en outre, être vague et général en ce qui concerne l’allégation des faits en cause. Cette procédure, jugée indispensable dans les pays de common law, fait l’objet de vives critiques dans les pays de tradition romano-germanique. Elle donnerait lieu à une sorte de « pêche à la preuve », non préalablement identifiée, dans des opérations qualifiées par ses détracteurs de « parties de pêches » ou de « tourisme juridique » (61).

Cette hostilité des États de tradition romano-germanique a conduit à introduire, à l’article 23 de la convention de La Haye du 18 mars 1970, une disposition selon laquelle « tout État contractant peut, au moment de la signature, de la ratification ou de l’adhésion, déclarer qu’il n’exécute pas les commissions rogatoires qui ont pour objet une procédure connue dans les États de Common Law sous le nom de "pre-trial discovery of documents" ». La France, lorsqu’elle a ratifié ladite Convention le 7 août 1974, a émis une déclaration en ce sens. Le 19 janvier 1987, elle a assoupli sa position et modifié cette déclaration relative à l’article 23 par une nouvelle déclaration, en précisant que « la déclaration faite par la République française conformément à l’article 23 relatif aux commissions rogatoires qui ont pour objet la procédure de "pre-trial discovery of documents" ne s’applique pas lorsque les documents demandés sont limitativement énumérés dans la commission rogatoire et ont un lien direct et précis avec l’objet du litige ».

En sus de cette réserve, la France a adopté la « loi de blocage » du 16 juillet 1980, étendant le dispositif prévu en matière maritime par la loi du 26 juillet 1968. Cette loi instaure une double interdiction.

Son article 1er interdit, sous réserve des traités et accords internationaux, à toute personne physique de nationalité française ou résident habituellement sur le territoire français et à tout dirigeant, représentant, agent ou préposé d’une personne morale y ayant son siège ou un établissement de communiquer par écrit, oralement ou sous toute autre forme, en quelque lieu que ce soit, à des autorités publiques étrangères, les documents ou les renseignements d’ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique dont la communication est de nature à porter atteinte à la souveraineté, aux intérêts économiques essentiels de la France ou à l’ordre public.

L’article 1erbis interdit quant à lui, sous réserve des traités ou accords internationaux et des lois et règlements en vigueur, à toute personne de demander, de rechercher ou de communiquer, par écrit, oralement ou sous toute autre forme, des documents ou des renseignements d’ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique tendant à la constitution de preuves en vue de procédures judiciaires ou administratives étrangères ou dans le cadre de celles-ci.

Ces interdictions sont assorties de sanctions pénales, l’article 3 de la même loi disposant que « sous réserve des peines plus lourdes prévues par la loi », toute infraction aux articles 1er et 1erbis est punie d’un emprisonnement de six mois et d’une amende de 18 000 euros ou de l’une de ces deux peines seulement.

L’article 2 du texte prévoit que les personnes auxquelles de telles demandes seraient adressées sont tenues d’en informer sans délai le ministre compétent. Le décret n° 81-550 du 12 mai 1981 a précisé qu’il s’agit du ministre des Affaires étrangères. En pratique, les services compétents du ministère des Affaires étrangères indiquent recevoir en moyenne une dizaine de signalements par an.

Des législations de blocage similaires – quoique de portée souvent plus limitée – ont été adoptées par d’autres États, y compris de common law (Australie, Canada, Japon, Pays-Bas, Royaume-Uni et Suède).

• Une loi ineffective et obsolète

La loi de blocage n’a pas atteint l’objectif que lui avait assigné le législateur, qui était de fournir une excuse légale – compte tenu du risque de sanctions pénales encouru – aux entreprises françaises confrontées à des demandes de renseignements excessives émanant de la justice américaine.

En effet, la Cour suprême américaine, dans une décision Aérospatiale rendue le 15 janvier 1987 (62), a jugé que l’existence d’une loi de blocage étrangère ne privait pas une juridiction américaine du pouvoir d’ordonner la communication de documents dans le cadre d’une procédure de discovery et ne constituait pas, en soi, une excuse de nature à justifier le manquement de l’une des parties. Selon la Cour suprême, l’existence d’une telle loi doit toutefois conduire à écarter l’application de sanctions trop lourdes à celui qui l’invoque, dès lors qu’il a été démontré sa bonne foi et que l’application du test de la balance des intérêts en cause (balancing test) le justifie. Ce test prend en considération divers facteurs, parmi lesquels les intérêts nationaux en jeu, la sévérité des sanctions encourues, leur caractère effectif et l’importance des informations requises pour la solution du litige. Le recours à la Convention de La Haye ne constitue donc qu’une option pour les juridictions américaines.

Depuis cette décision Aérospatiale, plusieurs juridictions fédérales ont jugé que les entreprises françaises, parties à une procédure judiciaire aux États-Unis, ne pouvaient établir qu’elles faisaient face à un risque réel de poursuites pénales en application de la loi de blocage de 1968 et que l’expérience des tribunaux américains démontrait que les risques que les sanctions prévues par la loi française soient prononcées, étaient trop faibles pour faire obstacle à l’application des règles fédérales américaines de procédure civile (63). En d’autres termes, la menace constituée par la loi de blocage n’est pas jugée crédible par les juridictions américaines pour faire obstacle à la mise en œuvre d’une procédure de discovery et imposer le recours à la Convention de La Haye. Plusieurs lois de blocage d’autres États ont également été mises en échec pour les mêmes motifs (64).

Au Royaume-Uni également, la loi de blocage française a été jugée ineffective : dans une décision du 31 mars 1993, la High Court de Londres a considéré que la loi de blocage était restée lettre morte en France et qu’elle ne devait donc pas pouvoir être opposée par un défendeur français pour échapper à son obligation de révéler et produire les documents en sa possession conformément à la lex fori (65) anglaise (66).

Le constat opéré par les juridictions américaines et britanniques n’est pas dénué de tout fondement : plus de 30 ans après la réforme de 1980, une seule condamnation pénale a été prononcée en application de l’article 3 de la loi de blocage. Cette condamnation, relativement modeste (10 000 euros d’amende à l’encontre de l’avocat concerné, correspondant d’un cabinet américain) a été confirmée par la chambre criminelle de la Cour de cassation, dans un arrêt du 12 décembre 2007 (67). Ce précédent – quoique remarqué par les praticiens, y compris outre-Atlantique (68) – reste isolé et de portée limitée (il s’agit d’un arrêt de rejet d’un pourvoi, non publié). Une juridiction américaine, devant laquelle cette seule et unique condamnation pénale a été invoquée par une entreprise française, a d’ailleurs rejeté cet argument, en raison du caractère spécifique des circonstances factuelles ayant donné lieu à l’arrêt de la Cour de cassation (69).

Outre ce précédent, l’article 1erbis de la loi de blocage a été appliqué –sans donner lieu à des condamnations – par les juridictions françaises à seulement trois reprises. Dans une première affaire, jugée en 1993, le président du tribunal de commerce de Nanterre a rejeté une demande de communication de documents et d’archives émanant d’un ancien chef d’État étranger, afin de pouvoir se défendre devant une commission parlementaire constituée au Liban (70). Dans une deuxième affaire, la cour d’appel de Versailles a confirmé le refus d’ordonner la communication de documents économiques par la société Renault à une société étrangère en se fondant notamment sur la loi de blocage (71). La Cour de cassation, en rejetant le pourvoi, a cependant jugé que le motif tiré de la loi de blocage était surabondant (72). Enfin, dans un jugement en date du 20 juillet 2005, le tribunal de commerce de Paris a jugé que l’ordonnance d’un juge américain enjoignant à un établissement financier français de communiquer des documents était contraire à l’ordre public économique et financier, puisqu’elle se heurtait notamment à l’article 1erbis de la loi de blocage (73).

L’application de la loi de blocage est donc restée pour le moins limitée. Elle est d’ailleurs restée à l’écart du processus de codification.

En définitive, la loi de blocage s’est révélée constituer un bouclier totalement inefficace à l’égard des procédures de discovery. Elle place les entreprises françaises, confrontées à une demande de communication de renseignements émanant de la justice américaine, dans une situation délicate. Si elles refusent d’opérer la transmission demandée, en raison de l’interdiction résultant de la loi de blocage, elles s’exposent à des sanctions importantes aux États-Unis (74). Les règles fédérales de procédure civile prévoient en effet que le demandeur peut saisir le juge afin que celui-ci sanctionne un refus de se soumettre aux demandes de production de témoignage ou de documents. Le juge peut prononcer des sanctions pécuniaires ou des sanctions ayant une incidence sur l’issue du litige (faits allégués considérés comme établis, interdiction faite au défendeur de plaisir sur une partie du litige, voire jugement par défaut). Le manquement peut également être sanctionné sur le fondement du contempt of court (équivalent de l’outrage à magistrat) et entraîner des amendes, voire une peine pouvant aller jusqu’à l’emprisonnement. À l’inverse, si elles communiquent les renseignements demandés, les entreprises concernées s’exposent, en France, aux sanctions pénales prévues par la loi de blocage.

Les entreprises françaises se trouvent ainsi prises « entre le marteau et l’enclume » : elles risquent des sanctions pénales en France si elles communiquent les renseignements requis, et des sanctions aux États-Unis si elle s’y refusent. Cette situation ne peut être jugée satisfaisante.

À ces difficultés s’ajoutent, en outre, les conséquences potentiellement négatives de la loi n° 68-678 du 26 juillet 1968 sur la possibilité pour les ressortissants français d’engager une action en justice devant la justice américaine, qui ont été soulignées par deux questions écrites de notre collègue Alain Bocquet (75) et de notre collègue sénateur Jean-Claude Danglot (76).

Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile, « s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ». Ces mesures d’instruction, dites in futurum, permettent aux parties de s’assurer une meilleure connaissance des éléments du conflit et sont également de nature, parfois, à éviter ou prévenir un procès. Elles peuvent cependant aussi constituer un moyen de s’approprier abusivement, par la voie judiciaire, des informations économiques confidentielles d’un concurrent.

Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, le secret des affaires ne constitue pas en lui-même un obstacle à l’application des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile, dès lors que les mesures ordonnées procèdent d’un motif légitime et sont nécessaires à la protection des droits de la partie qui les a sollicitées (77). Il résulte de cette jurisprudence que le moyen tiré d’un risque de violation du secret des affaires ne constitue pas un obstacle autonome à la mise en œuvre d’une mesure d’instruction in futurum. Ce n’est qu’une donnée que le juge doit intégrer dans son appréciation de la légitimité du motif invoqué (78).

Le rapport du groupe de travail interministériel sur le secret des affaires(79) présidé par M. Claude Mathon, avocat général à la Cour de cassation, considérant cette protection du secret des affaires insuffisante dans le cadre de la procédure civile, recommandait de mettre en place un mécanisme protecteur, s’inspirant de celui applicable aux procédures relevant de l’Autorité de la concurrence.

En effet, en matière de contrôle des pratiques anticoncurrentielles, la nécessité de protéger le secret des affaires est prise en compte par l’article L. 463-4 du code de commerce, dont l’alinéa premier dispose que : « Sauf dans les cas où la communication ou la consultation de ces documents est nécessaire à l'exercice des droits de la défense d’une partie mise en cause, le rapporteur général de l'Autorité de la concurrence peut refuser à une partie la communication ou la consultation de pièces ou de certains éléments contenus dans ces pièces mettant en jeu le secret des affaires d’autres personnes. Dans ce cas, une version non confidentielle et un résumé des pièces ou éléments en cause lui sont accessibles. » Le décret n° 2009-142 du 10 février 2009 pris en application de l’article L. 463-4 du code de commerce et relatif à la protection du secret des affaires devant l’Autorité de la concurrence précise les modalités d’application de cette disposition, aux articles R. 463-13 à R. 463-15-1 du même code.

Dans ces procédures, la conciliation entre les droits de la défense et la protection du secret des affaires est assurée, en cas de demande de confidentialité émise par le saisissant, le mis en cause, les autorités de régulation ou des tiers à la procédure, par la communication de versions non confidentielles et de résumés, établis par le demandeur, dont les données confidentielles ont été omises. Les décisions statuant sur les demandes sont prises par le rapporteur général ou le rapporteur général adjoint. Lors des débats oraux, la confidentialité est également préservée, le président de séance pouvant inviter une ou plusieurs parties à sortir de la salle durant le temps de l’intervention de la personne qui fait état, devant le collège de l’Autorité et le commissaire du Gouvernement, d’informations protégées. Lors de la notification ou de la publication des décisions de l’Autorité, plusieurs versions, confidentielles et non confidentielles, sont établies, si nécessaire.

Ce mécanisme s’inspire de celui pratiqué dans les procédures devant la Cour de justice de l’Union européenne, et tout particulièrement devant le Tribunal de l’Union européenne, à l’égard toutefois des seules parties intervenantes, en application de l’article 93, paragraphe 3, du règlement de procédure de la Cour et de l’article 116, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal.

Une telle réforme des règles applicables en matière de procédure civile et, sans doute, pénale et de contentieux administratif, soulève des enjeux délicats au regard des principes du contradictoire et de l’égalité des armes (80). Elle requiert par conséquent un travail préalable de réflexion et de consultation approfondi.

La nécessité de protéger les secrets des affaires est également prise en compte dans certaines procédures particulières. En matière de marchés publics, le III de l’article 80 du code des marchés publics dispose, par exemple, que « le pouvoir adjudicateur ne peut communiquer les renseignements dont la divulgation : a) Serait contraire à la loi, en particulier violerait le secret industriel et commercial […] c) Pourrait nuire à une concurrence loyale entre les opérateurs économiques. ». Le Conseil d’État a jugé, sur le fondement de cette disposition, que le fait pour un agent public de communiquer à une entreprise dont la candidature avait été rejetée, le rapport d’analyse des offres présenté devant la commission d’appel d’offres, constituait une faute, dans la mesure où ce document contenait des indications détaillées, qui n’avaient pas été occultées, relatives aux montants et aux détails des offres qui n’avaient pas été retenues ainsi qu’aux notes et appréciations portées sur chacune d’entre elles (81).

II. – POUR UN ECONOMIC ESPIONAGE ACT « À LA FRANÇAISE » AFIN DE METTRE UN TERME À CETTE LACUNE DE NOTRE DROIT

La présente proposition de loi vise à mettre un terme à cette lacune de notre droit, afin d’assurer une protection efficace du secret des affaires des entreprises françaises. Elle s’inspire des normes internationales et européennes applicables en la matière et des législations protectrices existant chez nos principaux partenaires. La démarche suivie s’inscrit dans une stratégie globale d’intelligence économique, visant à renforcer la compétitivité – voire l’indépendance – des entreprises françaises et à garantir leur sécurité économique.

Le droit international impose à la France, en application de l’article 39 de l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelles liés au commerce du 15 avril 1994, d’assurer une protection effective aux secrets des affaires. Le droit de l’Union européenne garantit également un niveau de protection élevé au secret des affaires. Les législations de nos principaux partenaires – l’Economic Espionage Act aux États-Unis en particulier – sont également bien plus protectrices que le droit français dans ce domaine.

Le droit international comme le droit européen assurent un niveau de protection élevé aux secrets des affaires des entreprises.

L’article 39 de l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle liés au commerce, dit accord ADPIC, qui constitue l’annexe 1 C de l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce (OMC) signé à Marrakech le 15 avril 1994, oblige les États parties à assurer une protection effective des « renseignements non divulgués », qui correspondent aux secrets d’affaires.

Le deuxième paragraphe de cette disposition définit ces renseignements en ces termes : « 2. Les personnes physiques et morales auront la possibilité d’empêcher que des renseignements licitement sous leur contrôle ne soient divulgués à des tiers ou acquis ou utilisés par eux sans leur consentement et d’une manière contraire aux usages commerciaux honnêtes, sous réserve que ces renseignements :

    a) soient secrets en ce sens que, dans leur globalité ou dans la configuration et l’assemblage exacts de leurs éléments, ils ne sont pas généralement connus de personnes appartenant aux milieux qui s’occupent normalement du genre de renseignements en question ou ne leur sont pas aisément accessibles ;

    b) aient une valeur commerciale parce qu’ils sont secrets ; et

    c) aient fait l’objet, de la part de la personne qui en a licitement le contrôle, de dispositions raisonnables, compte tenu des circonstances, destinées à les garder secrets. »

La définition retenue par cet instrument international combine ainsi trois critères : les renseignements concernés ne présentent pas un caractère public, ont une valeur commerciale et ont fait l’objet de mesures de protection destinées à les garder secrets. La définition des informations protégées relevant du secret des affaires retenue dans la présente proposition s’inspire de cette définition internationale.

La France est partie à cet accord, de même que l’Union européenne. Assurer une protection effective des secrets d’affaires constitue donc une obligation de droit international public, à laquelle l’adoption de la présente proposition de loi permettrait de se conformer. Cette adoption est d’autant plus nécessaire que l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle liés au commerce, comme l’ensemble des règles de l’OMC, ne bénéficie pas, selon la jurisprudence, de l’effet direct et qu’il n’est pas de nature à créer pour les particuliers des droits dont ceux-ci peuvent se prévaloir dans les ordres juridiques internes des parties contractantes (82).

Le secret des affaires est efficacement protégé par les textes et la jurisprudence de l’Union européenne.

Le traité sur l’Union européenne et le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne n’emploient pas l’expression « secret des affaires », mais l’article 339 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) [ex article 287 CE] dispose que : « Les membres des institutions de l’Union, les membres des comités ainsi que les fonctionnaires et agents de l’Union sont tenus, même après la cessation de leurs fonctions, de ne pas divulguer les informations qui, par leur nature, sont couvertes par le secret professionnel, et notamment les renseignements relatifs aux entreprises et concernant leurs relations commerciales ou les éléments de leur prix de revient. ». La Cour de justice de l’Union européenne s’est fondée sur cette disposition pour juger que la Commission était tenue d’assurer le respect du secret des affaires (83), lequel est donc inclus, en droit de l’Union européenne, dans le secret professionnel.

La Cour a également érigé la protection du secret des affaires en un principe général du droit communautaire, doté de la même valeur juridique que les traités, dans son arrêt du 24 juin 1986, AKZO Chemie/Commission (53/85, Rec. p. 1965, point 28). Elle a ainsi consacré un « principe général du droit des entreprises à la protection de leurs secrets d’affaires » dont l’article 339 TFUE constitue l’expression (84). Sur ce fondement, la Cour a notamment jugé que la Commission, afin de se conformer à l’obligation de respecter le secret professionnel édicté à l’article 339 [ex article 287 CE] pouvait exclure de la publication au Journal officiel d’une décision individuelle les données qu’elle considérait comme couvertes par le secret des affaires (85).

Par ailleurs, la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, dotée de la même valeur juridique que les traités en vertu de l’article 6, paragraphe 1, du traité sur l’Union européenne, dispose, en son article 41, paragraphe 2, sous b), que le droit d’accès de toute personne au dossier qui la concerne doit s’opérer « dans le respect des intérêts légitimes de la confidentialité et du secret professionnel et des affaires ».

Le secret des affaires bénéficie ainsi d’une protection au niveau le plus élevé du droit de l’Union européenne, celui du droit primaire. Il est aussi protégé par le droit dérivé, c’est-à-dire par les actes adoptés par les institutions de l’Union européenne. En droit de la concurrence, en particulier, les textes applicables assurent le respect du secret des affaires par la Commission et les tiers dans le cadre du contrôle des pratiques anticoncurrentielles (voir, par exemple, les articles 14, paragraphe 6, 27, paragraphes 2 et 4, et 30, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité). En matière d’accès aux documents, l’article 4, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission prévoit que les institutions refusent l’accès à un document lorsque sa divulgation porterait atteinte à la protection des intérêts commerciaux d’une personne physique ou morale, y compris en ce qui concerne la propriété intellectuelle.

Par ailleurs, la jurisprudence européenne fournit une définition précise du secret des affaires. Le Tribunal de première instance des Communautés européennes dans son arrêt du 18 septembre 1996, Postbank c. Commission (T-353/94, Rec. p. II-921, point 87), a ainsi jugé que « les secrets d’affaires sont des informations dont non seulement la divulgation au public mais également la simple transmission à un sujet de droit différent de celui qui a fourni l’information peut gravement léser les intérêts de celui-ci ». Pour être protégés, il est également nécessaire que ces secrets d’affaires « ne soient connus que par un nombre restreint de personnes » et que « les intérêts susceptibles d’être lésés par la divulgation de l’information soient objectivement dignes de protection » (arrêt du Tribunal du 8 novembre 2011, Idromacchine e.a./Commission, T-88/09, point 45).

Enfin, la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne assure le respect du secret des affaires dans le cadre des procédures juridictionnelles. Devant les juridictions européennes, les parties peuvent demander à ce que des pièces secrètes ou confidentielles ne soient pas communiquées à une partie intervenante, en application de l’article 93, paragraphe 3, du règlement de procédure de la Cour et de l’article 116, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal. En cas de contestation de la confidentialité par la partie intervenante, la jurisprudence admet que les « secrets d’affaire d’ordre commercial, concurrentiel, financier ou comptable » sont des informations « par nature secrètes » (86). Dans cette hypothèse, pour chaque pièce ou information visée, le souci légitime de la partie ayant demandé la confidentialité d’éviter que ne soit portée une atteinte sérieuse à ses intérêts est mis en balance avec le souci tout aussi légitime des parties intervenantes de disposer des informations nécessaires à l’exercice de leurs droits procéduraux (87). S’agissant des procédures devant les juridictions nationales, la Cour a jugé qu’elles devaient pouvoir disposer de l’ensemble des informations requises pour être à même de se prononcer en toute connaissance de cause, y compris les informations confidentielles, mais que la protection de ces informations ainsi que des secrets d’affaires devait être garantie et adaptée de manière à concilier celle-ci avec les exigences d’une protection juridique effective et le respect des droits de la défense des parties au litige (88).

Les législations de nos partenaires, qu’il s’agisse de pays tiers à l’Union européenne tels que les États-Unis ou d’autres États membres, sont bien plus protectrices que la législation française. Cet écart de protection est susceptible de constituer un désavantage concurrentiel, au détriment des entreprises françaises.

Les États-Unis se sont dotés d’une législation très efficace en matière de protection du secret des affaires, avec l’adoption de l’Economic Espionage Act, aussi appelé « EEA » (89), le 11 octobre 1996, sous la présidence de Bill Clinton.

Jusqu’à l’adoption de cette loi, les textes permettant de réprimer la violation de secrets d’affaires au niveau fédéral étaient limités. Seule une loi, le « Trade Secrets Act » du 25 juin 1948, y était expressément consacrée, et elle ne visait que la divulgation de secrets d’affaires par des employés fédéraux, en ayant eu connaissance dans le cadre de leurs fonctions. Les condamnations étaient extrêmement rares (deux répertoriées de 1948 à 1996). En dehors de cette hypothèse, les poursuites, au niveau fédéral, ne pouvaient se fonder que sur des textes inadaptés, tels que l’Interstate Transportation of Stolen Property Act (loi sur le transport interétatique de biens volés) de 1934, difficilement applicable au vol de secrets, compte tenu de leur nature incorporelle (90). La situation était, à cet égard, proche de celle existant en France actuellement.

Parallèlement, des lois protégeant le secret des affaires existaient – et existent toujours – au sein d’une quarantaine d’États fédérés (45 en 2011). Ces législations s’inspirent de l’Uniform Trade Secrets Act (UTSA), rédigé en 1979 et modifiée en 1985 par un organisme chargé de proposer aux États des lois uniformes, la commission du droit uniforme (Uniform Law Commission). Les sanctions civiles prévues apparaissent cependant insuffisantes, les entreprises victimes hésitant à engager une action civile, soit en raison d’un manque de moyens d’investigation, soit parce qu’elles doutent qu’il soit possible de faire exécuter le jugement par la suite. Seuls certains États ont des législations pénales réprimant la violation du secret des affaires, et dans la plupart des cas celle-ci est considérée comme une infraction mineure (misdemeanor), peu poursuivie par les procureurs des États (91).

En 1996, sur l’initiative des représentants Bill McCollum, Lee H. Hamilton et Charles E. Schumer, le Congrès a décidé de renforcer la législation américaine en raison, d’une part, de cette faiblesse de l’arsenal juridique américain et, d’autre part, de l’impact croissant des violations du secret des affaires sur l’économie américaine. Selon un rapport de 1995 de l’Office de la science et de la technologie de la Maison-Blanche (White House Office of Science and Technology), l’espionnage économique coûterait ainsi environ 100 milliards de dollars par an aux entreprises américaines (92).

La section 1831(a) du titre 18 du code des États-Unis (United States Code), insérée par la loi américaine sur l’espionnage économique, précitée, sanctionne l’espionnage économique au profit d’un gouvernement, d’une organisation ou d’un agent étrangers.

Aux termes de cette disposition : « Quiconque, sachant sciemment que l’infraction profitera à un gouvernement, une organisation ou un agent étrangers,

(1) vole, ou sans autorisation s’approprie, soustrait, emporte ou dissimule, ou par fraude, ruse ou tromperie, obtient un secret commercial,

(2) sans autorisation, copie, reproduit par croquis ou dessins, photographie, transfère ou télécharge, modifie, détruit, photocopie, transmet, livre, envoie, expédie, communique ou transfère un secret commercial,

(3) reçoit, achète, détient un secret commercial sachant qu’il a été volé, obtenu ou détourné sans autorisation,

(4) tente de commettre l’une des infractions prévues aux paragraphes (1) à (3), ou

(5) conspire avec une ou plusieurs autres personnes en vue de commettre, l’une des infractions décrites aux paragraphes (1) à (3), et une ou plusieurs de ces personnes commet un acte en vue de mettre en œuvre cette conspiration,

se verra infliger, sous réserve de la sous-section (b), une amende d’un montant maximum de 500 000 dollars ou une peine d’emprisonnement de 15 ans au maximum, ou les deux. »

La sous-section (b) de cette section prévoit que les personnes morales commettant une telle infraction se verront infliger une amende ne pouvant excéder dix millions de dollars.

La section 1832 du titre 18 du même code réprime le vol ou le détournement des secrets commerciaux dans le but d’en tirer profit, indépendamment du fait que l’infraction bénéficie à un gouvernement, une organisation ou un agent étrangers. Dans cette hypothèse, les peines prévues sont moins importantes (amende et peine d’emprisonnement d’un maximum de dix ans, ou les deux, pour les personnes physiques, et amende d’un montant maximum de cinq millions de dollars pour les personnes morales).

La section 1836 du titre 18 du même code prévoit que l’Attorney General peut, dans une action civile, obtenir une injonction de réparation appropriée contre toute violation du secret commercial.

La section 1839 du titre 18 du code des États-Unis précise, au titre des définitions, que le terme « secret commercial » englobe toute forme et tout type d’information financière, commerciale, scientifique, technique, économique ou industrielle, y compris les modèles, plans, compilations, formules, études, prototypes, méthodes, techniques, procédés, procédures, programmes ou codes, qu’elle soit matérielle ou immatérielle, qu’elle soit ou non stockée, compilée ou mémorisée physiquement, électroniquement, graphiquement, photographiquement ou par écrit, dès lors que le propriétaire de ces information a pris des mesures raisonnables pour les garder secrètes et que l’information a une valeur économique propre, réelle ou potentielle, du fait qu’elle n’est pas généralement connue du public et qu’elle ne pourrait être facilement connue par des moyens appropriés.

Préoccupés par le développement de l’espionnage industriel et le préjudice économique subi de ce fait par les entreprises américaines, les États-Unis envisagent de renforcer les sanctions prévues par l’Espionage Economic Act. Le 8 décembre 2011, le Judiciary Committee du Sénat américain a ainsi adopté l’Economic Espionage Penalty Enhancement Act (93). Cette proposition de loi, issue d’une initiative bipartisane, prévoit de porter la peine d’emprisonnement prévue par la section 1831(a) du titre 18 du code des États-Unis de 15 à 20 ans, en cas d’espionnage au profit d’un gouvernement, d’une organisation ou d’un agent étrangers. Le texte impose également à la United States Sentencing Commission de durcir les lignes directrices fédérales sur la détermination de la peine applicables à cette infraction.

Par ailleurs, le 5 octobre 2011, deux sénateurs américains, M. Chris Coons et M. Herb Kohl ont déposé un amendement afin de permettre aux particuliers d’introduire une action civile devant les juridictions fédérales pour violation du secret des affaires. En l’état du droit, seul l’Attorney General peut introduire une action civile devant une juridiction fédérale pour cette infraction. Cet amendement, qui a été déposé sur un projet de loi ayant un objet différent, visant à autoriser l’administration américaine à imposer des taxes compensatoires sur les produits importés de pays sous-évaluant leur monnaie (Currency Exchange Rate Oversight Reform Act), n’a pas été adopté par le Sénat.

Les législations de nos partenaires de l’Union européenne sont également, pour la plupart, plus protectrices du secret des affaires que le droit français.

En Allemagne, trois infractions relatives au secret des affaires sont définies et réprimées par la loi allemande sur la concurrence déloyale, dite « UWG » (Gesetz gegen den unlauteren Wettbewerb(94) : la communication non autorisée de secrets d’affaires par les salariés de l’entreprise concernée, le vol de secrets d’affaires et l’exploitation de documents ou d’instructions couverts le secret des affaires.

La communication non autorisée de secrets d’affaires, mentionnée au paragraphe 17, section 1 de la loi UWG et introduite en 1969, vise toute communication non autorisée du secret des affaires ou d’industrie, qui a été confié à un individu ou lui est devenu accessible en raison de la relation de travail de salarié, travailleur ou apprenti d’une entreprise, pendant la durée de la relation de travail, à toute personne pour les besoins de la concurrence, pour le profit personnel, pour le bénéfice d’un tiers ou avec l’intention de causer un préjudice au propriétaire de l’entreprise.

Le vol de secrets des affaires ou d’industrie, visé par le paragraphe 17, section 2, de l’UWG et introduit en 1986, est le fait d’obtenir, se procurer ou communiquer à autrui un secret des affaires ou d’industrie, sans autorisation, à travers l’utilisation des moyens techniques, la copie du secret, le vol d’un support sur lequel le secret est exprimé, ou l’acquisition par tout autre moyen, pour les besoins de la concurrence, son profit personnel ou le bénéfice d’un tiers ou avec l’intention de causer un préjudice au propriétaire de l’entreprise.

L’exploitation de documents ou d’instructions couverts par le secret des affaires, réprimé par le paragraphe 18 de l’UWG, consiste à exploiter ou communiquer à autrui, sans autorisation, des documents ou instruments de nature technique, en particulier les dessins, les modèles, les marques, les éléments ou les méthodes qui ont été confiées durant les relations d’affaires, pour les besoins de la concurrence ou pour son profit personnel.

Constitue également une infraction le fait d’inciter autrui à une infraction au sens du paragraphe 17 ou du paragraphe 18 de l’UWG.

Les infractions au secret des affaires du paragraphe 17 de l’UWG sont passibles d’une peine d’emprisonnement de trois ans maximum et d’une amende, et, dans des cas sévères, d’un maximum de cinq ans d’emprisonnement, et à défaut d’une amende. Les infractions prévues au paragraphe 18 de l’UWG sont passibles d’une peine d’emprisonnement de deux ans maximum et d’une amende. En outre, le détenteur d’un secret des affaires peut agir en réparation, sur le fondement du code civil allemand et de l’UWG.

L’UWG ne définissant pas la notion de secret des affaires ou d’industries, la jurisprudence a dû combler cette lacune. La Cour constitutionnelle allemande a adopté la définition suivante : « Les secrets d’affaires sont toutes les informations, circonstances et activités en relation avec une entreprise, qui ne sont accessibles qu’à un nombre limité de personnes, et dont le propriétaire a un intérêt légitime à ce qu’il ne soit pas propagé à l’extérieur de ce groupe. Fondamentalement, relèvent du secret des affaires la connaissance technique au sens large et la connaissance d’informations de nature commerciale (chiffre d’affaires, résultats, livres comptables, fichier de clientèle, sources d’approvisionnement, termes, stratégies commerciales, documents concernant la solvabilité, applications de la propriété industrielle et autres projets de recherche et développement, etc.) qui définissent significativement la situation financière de l’entreprise » (95).

La Cour administrative fédérale a retenu une définition légèrement différente de celle de la Cour constitutionnelle, exigeant qu’une entreprise « ait manifesté dans tous les cas » que l’information est secrète (96).

En Autriche, la violation de secrets d’affaires est réprimée par la loi contre la concurrence déloyale (dite « UWG »), en particulier ses sections 11, 12 et 13, et par les sections 122 à 124 du code pénal autrichien (StGB) (97).

La section 11 de l’UWG sanctionne la divulgation non autorisée de toute affaire ou tout secret d’affaires par tout individu qui, en tant que salarié d’une entreprise, s’est vu confier ce secret ou à qui il a été rendu accessible du fait de son emploi. La même sanction s’applique à tout individu qui, sans autorisation et à des fins de concurrence, utilise ou divulgue à une autre personne tout affaire ou tout secret d’affaires qui ne serait pas connu par cette autre personne sans une information ou sans sa propre action jugée illégale ou contraire à l’ordre public. Par ailleurs, la section 12, paragraphe 1, de l’UWG réprime le fait pour tout individu, d’utiliser ou de divulguer, sans autorisation et à des fins de concurrence, à un autre individu tout dossier ou tout procédé technique qui lui est confié dans les affaires. La violation des sections 11 et 12 de l’UWG est sanctionnée par une amende ou une peine d’emprisonnement d’un maximum de trois mois.

Le code pénal autrichien protège les entreprises contre la révélation ou la divulgation de secret d’affaires par les agents gouvernementaux qui sont dépositaires de données confidentielles dans l’exercice de leurs fonctions (section 122 du StGB), contre l’espionnage industriel (section 123 du StGB), la trahison économique sous forme d’espionnage industriel (section 124 du StBG) et l’espionnage industriel au sein d’un service de renseignement au détriment de l’Autriche (section 256 du StBG). Les sanctions prévues vont de l’amende à une peine d’emprisonnement d’un maximum de trois ans.

À l’instar de ce que l’on observe en Allemagne, ni l’UWG, ni le code pénal autrichien ne définissent le secret des affaires. La jurisprudence et la doctrine ont précisé qu’il s’agit d’informations, de nature commerciale, technique, scientifique, financière, légale ou liées aux ressources humaines, connues seulement par un nombre restreint et déterminé de personnes, et qui sont difficiles d’accès ou inaccessible aux tiers. L’entreprise concernée doit avoir manifesté son intention de garder ces informations confidentielles.

En droit italien, la protection du secret des affaires a été renforcée en 1996, afin de tenir compter de l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle liés au commerce (ADPIC) (98).

Avant 1996, cette protection était assurée uniquement sur le fondement du droit de la concurrence déloyale, en particulier de l’article 2598 (3) du code civil, selon lequel « commet une action de concurrence déloyale toute personne qui utilise directement ou indirectement tout moyen qui n’est pas en conformité avec les principes de la bienséance professionnelle et susceptible de causer un dommage aux affaires d’un tiers ». Selon la jurisprudence, la violation d’un secret des affaires est un acte de concurrence déloyale, incluant tout les comportements professionnels visant à s’approprier une information qu’un autre entrepreneur souhaite garder secrète. Sont sanctionnées les divulgations opérées notamment par un salarié ou un consultant d’une entreprise concurrente, par un espionnage industriel ou par un ancien salarié envers son ancien employeur. Les recours pouvant être intentés par l’entreprise en cas d’appropriation d’un secret des affaires sont ceux énoncés pour la concurrence déloyale dans le code civil. Le juge peut ordonner la cessation de l’activité interdite et des mesures visant à limiter les conséquences économiques négatives en découlant pour le propriétaire du secret. Le plaignant peut également demander l’octroi de dommages et intérêts, prenant en compte les pertes subies et le manque à gagner.

La ratification de l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle liés au commerce (ADPIC) a entraîné une modification législative, avec l’adoption de l’article 6 bis de la Legge Invenzioni. Cette disposition, modifiée, a été intégrée aux articles 98 et 99 du code de la propriété industrielle italien en 2005. L’article 98 de ce code dispose que « constitue un objet de protection l’infirmation d’affaires et l’expérience technico-industrielle, et aussi l’information commerciale, qui est sous le contrôle légitime du propriétaire », et l’article 99 du même code prévoit que « alors que les dispositions de l’article 2598, n° 3, du code civil italien restent valables, il est interdit de révéler à un tiers ou d’obtenir ou d’utiliser l’information […] ». La protection accordée au titre de la concurrence déloyale reste applicable, mais la violation du secret des affaires constitue également, désormais, la violation d’un droit exécutoire vis-à-vis de tout individu. En d’autres termes, la protection a été étendue contre toute partie tierce, et pas seulement un concurrent. Des mesures de sécurité pour empêcher l’accès à l’information protégée doivent être formellement adoptées et communiquées aux employés et aux consultants en même temps que la liste des informations susceptibles d’être traitées comme secrètes ou leurs critères d’identification.

La Cour suprême de cassation italienne a défini le secret des affaires, comme incluant toutes les informations concernant la production de biens, les méthodes pour faire fonctionner un processus de fabrication ou pour appliquer une technologie, ainsi que les informations relatives aux activités commerciales, telles que la liste des fournisseurs ou des clients, les politiques de prix ou le système d’organisation interne (99).

La présente proposition de loi est l’aboutissement d’un long processus de réflexion et de maturation, associant l’initiative parlementaire à l’expertise gouvernementale et celle des acteurs intéressés.

Dès juin 2003, votre rapporteur, dans un rapport remis au Premier ministre, avait proposé de créer un droit du secret des affaires, sur le modèle de l’Espionage Economic Act américain (100). Cette recommandation avait été renouvelée dans un second rapport, en 2004, au nom de la commission des Finances (101), accompagnée d’une proposition de loi, déposée le 13 mai 2004 (102). Sous la treizième législature, votre rapporteur a déposé une proposition similaire, co-signée cette fois par 144 de nos collègues, le 17 juin 2009 (103), puis une deuxième proposition, co-signée par 133 de nos collègues, le 13 janvier 2011 (104), non sans avoir, entre-temps, déposé un amendement, co-signé par 111 de nos collègues, au projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI 2), le 1er octobre 2010. Ces initiatives ont été suivies, le 22 novembre 2011, par le dépôt de la présente proposition.

Parallèlement, sans doute « aiguillonné » par cette persévérance et par le soutien démontré par le nombre de co-signataires de ces propositions parlementaires, le Gouvernement a engagé une réflexion sur l’élaboration d’un droit du secret des affaires. Un groupe de travail a, dans un premier temps, été constitué, sous la présidence de M. Claude Mathon, avocat général à la Cour de cassation, afin de formuler des propositions visant à renforcer la protection du secret des affaires. Il a remis son rapport au haut responsable chargé de l’intelligence économique, le 17 avril 2009 (105). Un nouveau travail de réflexion, associant des représentants des administrations (ministères chargés de l’économie, de la défense, de l’intérieur, de la justice et de l’écologie) et des entreprises (Mouvement des entreprises de France, Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises, Association française des entreprises privées, Assemblée françaises des Chambres de commerce et d’industrie, Club des directeurs de sécurité d’entreprise, Syndicat français de l’intelligence économique), a été mené en 2010 et 2011 sous l’égide de la délégation interministérielle à l’intelligence économique, afin de préparer un dispositif législatif et réglementaire de protection des informations économiques stratégiques des entreprises. L’expertise juridique du Conseil d’État a également été sollicitée, le Gouvernement lui ayant adressé une demande d’avis sur les grands principes devant gouverner l’établissement d’une telle législation. La rédaction de la proposition de loi, menée en concertation avec le Gouvernement en ce qui concerne les articles relatifs au secret des affaires, a naturellement tenu compte de ces travaux préparatoires.

La démarche suivie répond à un besoin exprimé par les entreprises et se fonde sur un constat qu’elles partagent : selon une consultation opérée par le ministère de l’Économie, des finances et de l’industrie en juillet 2011, portant sur un échantillon constitué de 22 entreprises du CAC 40 et de 20 petites et moyennes entreprises, 100 % des entreprises ayant répondu considèrent que l’introduction d’un dispositif de protection du secret des affaires répond à un besoin et à un risque identifiés (106).

Le texte comporte trois volets. Il fixe une définition précise et circonscrite du secret des affaires. Ce premier volet « pédagogique » et préventif est complété par un volet dissuasif et répressif, avec la création du délit de violation du secret des affaires. Enfin, la proposition réforme la « loi de blocage » du 26 juillet 1968, afin de refonder le dispositif et de lui redonner une crédibilité à l’égard des juridictions étrangères.

Ce premier volet pédagogique et préventif vise à améliorer la prise de conscience, par les entreprises, des menaces existantes et à les inciter – sans obligation – à entreprendre une démarche visant à protéger leurs informations stratégiques, en les identifiant formellement et en y apposant une mention « secret des affaires ».

La définition qu’il est proposé d’inscrire à l’article 226-15-1 du code pénal est précise et circonscrite. Elle repose sur la combinaison de cinq critères cumulatifs :

– les biens susceptibles d’être couverts par le secret des affaires, qui incluent, quel que soit leur support, « les procédés, objets, documents, données ou fichiers » ;

– la nature des informations, qui peut être « commerciale, industrielle, financière, scientifique, technique ou stratégique » ;

– leur caractère confidentiel, ces informations « ne présentant pas un caractère public » ;

– l’atteinte aux intérêts de l’entreprise concernée, car « la divulgation non autorisée serait de nature à compromettre gravement les intérêts de cette entreprise, en portant atteinte à son potentiel scientifique ou technique, à ses positions stratégiques, à ses intérêts commerciaux ou financiers ou à sa capacité concurrentielle » ;

– les mesures de protection spécifiques dont ces informations ont fait l’objet, qui sont « destinées à informer de leur caractère confidentiel et à garantir celui-ci ». Ces mesures de protection seront définies par décret en Conseil d’État. Elles devraient inclure, par exemple, l’établissement d’une liste des personnes autorisées à prendre connaissance des informations protégées, mentionnant la date de leur qualification, un stockage des documents papier dans des coffres ou des lieux sécurisés et la mise en place de dispositifs de cryptage et de codes d’accès. Ces mesures seront obligatoirement prises après une information du personnel et devront, une fois adoptées, être portées à sa connaissance.

Cette définition reprend les critères prévus par l’article 39, paragraphe 2, de l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle liés au commerce (ADPIC), qui exige que les « renseignements non divulgués » soient secrets, parce que non connus des personnes appartenant aux milieux qui s’occupent normalement du genre de renseignement en question et non aisément accessibles, et qu’ils aient fait l’objet de dispositions raisonnables destinées à les garder secrets. Elle est cependant plus étroite, puisqu’elle combine ces critères avec celui tiré de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, selon laquelle les secrets d’affaires sont des informations dont la divulgation peut léser gravement les intérêts du propriétaire de l’information.

Cette définition étroite, et la précision des termes employés – qui correspondent, d’après les informations transmises à votre rapporteur, aux recommandations formulées par le Conseil d’État – sont justifiées par les conséquences pénales attachées à la qualification de secret des affaires, avec la création d’un délit de violation dudit secret. Le principe constitutionnel de légalité des délits et des peines impose en effet de retenir une définition précise de la notion, puisqu’elle constituera l’un des éléments constitutifs de l’infraction créée.

Le champ des informations protégées ne dépendra en aucune manière d’une décision discrétionnaire de l’entreprise. En effet, ce ne sont pas l’apposition d’un quelconque cachet « secret des affaires » et l’application des mesures de protection spécifiques prévues qui permettront aux informations concernées de relever du dispositif : in fine, ce sera au juge pénal, et à lui seul, de déterminer si les informations ayant fait l’objet de mesures de protection remplissent effectivement les critères fixés par la loi. La loi pénale étant d’interprétation stricte, en application de l’article 111-4 du code pénal, tout « gonflement » artificiel des données relevant du secret des affaires serait mis en échec par le juge et se retournerait, en définitive, contre l’entreprise y ayant procédé.

Le dispositif se distingue nettement, sur ce point, de celui existant en matière de secret de la défense nationale : en matière de secret des affaires, seul le juge sera compétent pour déterminer si les informations en cause relèvent du secret des affaires et si celui-ci n’a pas été invoqué à tort par l’entreprise. À cet égard, les mesures de protection spécifiques, bien qu’essentielles, ne sont qu’un critère secondaire par rapport au critère principal et objectif constitué par l’atteinte grave aux intérêts de l’entreprise, dont la définition sera placée sous le contrôle du juge.

Le second volet de la proposition de loi est répressif et consiste en la création d’un délit de violation du secret des affaires. Si, malgré les précautions prises, des informations stratégiques étaient divulguées, des sanctions pénales pourraient donc être infligées à l’encontre des auteurs et des bénéficiaires de cette atteinte au secret des affaires.

La voie pénale a été retenue en raison de ses vertus pédagogique, dissuasive et, évidemment, répressive. La création d’une nouvelle infraction s’est imposée, plutôt que l’aménagement de la multitude d’infractions existantes afin de les adapter au caractère immatériel des secrets d’affaires, dans un souci de lisibilité et de clarté.

L’infraction prévue, qui serait insérée à l’article 226-15-2 du code pénal, est, elle aussi, précise et circonscrite. Seule la révélation non autorisée par l’entreprise ou son représentant à une personne non autorisée est réprimée : ni la tentative, ni le recueil, ni l’utilisation à son profit (qui n’implique pas nécessairement une divulgation) ne sont incriminées. Seules les personnes dépositaires de l’information protégée relevant du secret des affaires, ou une personne ayant eu connaissance de cette information et des mesures de protection qui l’entourent, peuvent être auteurs de l’infraction. Une personne n’ayant pas eu connaissance des mesures de protection dont l’information faisait l’objet ne pourra être sanctionnée : l’infraction est un délit intentionnel, commis par une personne se sachant tenue au secret et révélant sciemment l’information.

L’infraction est punie d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende, comme en cas de violation du secret professionnel.

L’entreprise victime sera toujours en mesure de réclamer, parallèlement, des dommages et intérêts dans le cadre d’une action civile.

Par ailleurs, la proposition prévoit trois faits justificatifs, et deux situations dans lesquelles le secret des affaires est inopposable (article 226-15-3 du code pénal). Le premier fait justificatif a trait à l’ordre ou la permission de la loi : dans ce cas de figure, les dispositions de l’article 226-15-2 du code pénal ne seront pas applicables. Cette précision reprend la règle énoncée, de manière générale, par l’article 122-4 du code pénal. Le secret des affaires ne saurait donc faire obstacle, par exemple, aux instances représentatives du personnel dans l’exercice de leur droit d’accès aux documents de l’entreprise prévu par les lois et règlements. Le deuxième fait justificatif est lié à la dénonciation de faits susceptibles de constituer des infractions. Dans ce cas de figure, la personne concernée est déliée du secret des affaires. Le troisième fait justificatif vise l’hypothèse dans laquelle le juge ordonne ou autorise la production d’une pièce couverte par le secret des affaires en vue de l’exercice de ses droits par une partie, sauf motif légitime opposé par une partie.

En outre, le secret des affaires n’est opposable ni à la justice, ni à une autorité administrative (telle que les services de police ou des autorités administratives indépendantes comme l’Autorité de la concurrence ou l’Autorité des marchés financiers), dans l’exercice de sa mission de surveillance, de contrôle ou de sanction.

Le troisième volet de la présente proposition consiste à réformer l’article 1erbis de la loi de blocage du 26 juillet 1968, afin de lui redonner sa crédibilité, en l’adossant au nouveau dispositif prévu.

La réforme proposée correspond à une recommandation du rapport du groupe de travail présidé par M. Claude Mathon, avocat général à la Cour de cassation, qui préconisait, une fois que le secret des affaires aura reçu une définition législative, de procéder à l’adaptation de la loi de blocage, pour la centrer sur les documents et informations relevant du secret des affaires (107).

Ainsi rénovée, la loi de blocage devrait retrouver une efficacité auprès des juridictions étrangères, car elle ne protégerait plus toutes les informations, mais uniquement celles qui sont protégées pour un motif légitime, le secret des affaires. En refondant le dispositif, le législateur en réaffirmerait également clairement l’importance pour les autorités françaises, et sa vocation à être appliqué, à la différence de l’article 1erbis de la loi de blocage.

L’évolution législative proposée s’inscrit dans une stratégie globale d’intelligence économique, destinée à renforcer la compétitivité des entreprises françaises et l’indépendance de notre pays dans les secteurs stratégiques, dont votre rapporteur, après en avoir défini le contenu dans ses rapports au Premier ministre, souligne l’urgente mise en place depuis de nombreuses années (108). Les objectifs fondamentaux de cette stratégie ont été définis par une circulaire récente du Premier ministre, du 15 septembre 2011. L’intelligence économique, selon ce texte, « consiste à collecter, analyser, valoriser, diffuser et protéger l’information économique stratégique, afin de renforcer la compétitivité d’un État, d’une entreprise ou d’un établissement de recherche ».

Les objectifs de l’action de l’État dans ce domaine s’organisent autour de trois axes : assurer une veille stratégique facilitant la prise de décision des acteurs publics en matière économique ; soutenir la compétitivité des entreprises et la capacité de transfert des technologie des établissements de recherche en priorité au profit des entreprises françaises et européennes ; garantir la sécurité économique des entreprises et établissements de recherche. La politique suivie dans ce domaine est proposée par la délégation interministérielle à l’intelligence économique, et ses orientations sont fixées par le comité directeur de l’intelligence économique.

C’est dans ce cadre que le ministre chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique, M. Éric Besson, a annoncé, le 21 septembre 2011, la création, du label « Intelligence économique », à l’attention des 71 pôles de compétitivité. Ces pôles, qui ont déjà concentré six milliards d’euros de financements publics et privés, et permis de financer plus de 2 300 projet de recherche et développement, sont au cœur des innovations de demain et constituent un enjeu stratégique. À travers ce label, les pôles seraient incités à mettre en place des formations à l’intelligence économique, à développer pour les salariés exerçant les activités les plus sensibles des « certificats de sécurité économique », et à renforcer leurs systèmes d’information. La vulnérabilité de ces pôles, véritables « pots de miel » de compétences et de technologies, est notoire depuis longtemps. Leur protection est une urgence absolue.

D’une manière plus générale, il est essentiel d’informer et de sensibiliser les entreprises qui peuvent être victimes de pratiques d’espionnage industriel. Une grande partie de ces incidents pourraient, en effet, être évitée en prenant des précautions simples (sensibiliser son personnel, protéger sa propriété intellectuelle et son système informatique, identifier les informations sensibles, etc.). Les chargés de mission à l’intelligence économique du service de coordination à l’intelligence économique (SCIE) des ministères économique et financiers mènent d’ores et déjà de telles actions de sensibilisation et de conseil sur le terrain, qui doit s’intensifier.

Par ailleurs, il est fondamental de conduire une action de sensibilisation des magistrats, à l’instar d’ailleurs des élèves des grandes écoles de l’État (ENA, X), des écoles de commerce et d’ingénieurs, et des étudiants des facultés de droit et des instituts d’études politiques, aux enjeux de la protection du secret des affaires et, plus largement, de l’intelligence économique. C’est, comme le souligne M. Claude Mathon, ce qu’a entrepris – et doit poursuivre – l’École nationale de la magistrature (ENM), que ce soit au stade de la formation initiale des auditeurs de justice lors de leur scolarité à Bordeaux, ou au stade de la formation continue obligatoire des magistrats déjà en fonction (109). Cette action de sensibilisation devrait favoriser l’apparition d’une culture de l’intelligence économique et une attention accrue à la protection des secrets des affaires au sein de la magistrature. Elle ne peut être, votre rapporteur le souligne, limitée aux magistrats, car elle constitue le socle d’une lecture rénovée et pragmatique de la mondialisation et de la conflictualité des relations commerciales et monétaires internationales (110).

L’adoption de la présente proposition de loi n’est donc qu’une étape, certes essentielle, mais appelée à être suivie par d’autres avancées. Elle constituerait la première pierre d’un édifice qui reste à bâtir, afin de renforcer la sécurité économique de nos entreprises et leur permettre de lutter à armes égales dans la compétition mondiale.

La commission des Lois a approuvé, à l’unanimité, la proposition de loi, tout en lui apportant quelques modifications, à l’initiative de votre rapporteur.

Elle a relevé les peines prévues par les articles 226-15-2 et 226-15-4 [nouveaux] du code pénal, qui étaient initialement d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amendes, à trois ans et 375 000 euros d’amende, afin de les harmoniser avec celles réprimant l’abus de confiance, qui est, en l’état du droit, l’infraction la plus souvent utilisée pour sanctionner les comportements relevant de l’espionnage économique.

Par ailleurs, la Commission a ajouté le secret des affaires à la liste des secrets figurant au dernier alinéa de l’article 35 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Cette modification permettra à toute personne poursuivie pour diffamation de produire pour sa défense des pièces couvertes par le secret des affaires, afin de prouver sa bonne foi ou la vérité des faits diffamatoires, sans courir le risque d’être condamnée pour recel. Il s’agit d’une extension au secret des affaires de la solution retenue pour le secret de l’enquête ou de l’instruction et le secret professionnel par la loi n° 2010-10 du 4 janvier 2010 relative à la protection du secret des sources des journalistes.

DISCUSSION GÉNÉRALE

Au cours de séance du mercredi 11 janvier 2012, la Commission examine la proposition de loi visant à sanctionner la violation du secret des affaires (n° 3985).

Après l’exposé du rapporteur, une discussion générale s’engage.

M. Jean-Jacques Urvoas. Votre initiative, monsieur le rapporteur, est pertinente : la protection des entreprises françaises n’est pas un enjeu partisan mais d’intérêt national, et notre pays accuse, en ce domaine, un retard qu’il est temps de combler.

Je ferai cependant deux remarques. La première concerne la difficulté d’établir le diagnostic. Par définition, certaines entreprises peuvent être victimes d’une violation de leur secret sans le savoir ; d’autres peuvent préférer ne pas porter plainte afin d’éviter une publicité fâcheuse. Dans ces conditions, les chiffres mentionnés dans votre projet de rapport – 1 000 atteintes recensées en 2010 par le délégué interministériel à l’intelligence économique – ne sauraient être que de simples indications, d’autant qu’ils proviennent, pour l’essentiel, de la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI). Or celle-ci ne s’intéressant qu’aux ingérences étrangères, nous n’avons aucune donnée sur les attaques intra-nationales, puisque aucun service n’est dévolu à cette mission. Il s’agit d’une carence de notre dispositif de renseignement. C’est là l’une des conséquences dommageables de la précipitation avec laquelle fut adoptée la réforme précipitée qui entraîna la fusion d’une partie de la direction centrale des renseignements généraux avec la direction de la surveillance du territoire (DST) au sein de la DCRI. Le Parlement avait d’ailleurs été totalement exclu de cette réforme décidée entre le mois de septembre 2007 et le 1er juillet 2008. Comme on l’a vu récemment avec Renault, on imagine difficilement une entreprise confier de tels dossiers à des policiers ignorants en la matière.

Vous proposez par ailleurs de réformer la loi de 1968, car vous la jugez ineffective et obsolète. Au regard de votre diagnostic, on ne peut que partager cette analyse. Les arcanes du droit américain me sont inconnus, mais il s’agit, si j’ai bien compris, de permettre à nos entreprises de ne pas répondre à des demandes de renseignements excessives en leur fournissant une excuse légale. Comme vous l’avez rappelé, les sanctions sont théoriques, puisqu’une seule condamnation pénale a été prononcée sur la base de cette loi depuis sa modification en 1980. Il n’y a aucune raison de ne pas vous suivre quant à la nécessité de mieux protéger le secret des affaires, ce qui est prévu à l’article 1er de la proposition. La définition que vous proposez est plus étroite que celle qui figure dans l’accord international d’avril 1994 relatif à la propriété intellectuelle, mais elle reprend les recommandations du Conseil d’État. Par conséquent, nous y sommes plutôt favorables.

En revanche, nous sommes plus dubitatifs sur l’abrogation de l’article 1er bis de la loi de  1968. Vous reprenez, avec cette disposition, une préconisation du rapport du groupe de travail de 2009 présidé par M. Claude Mathon, avocat général à la Cour de cassation. Reste que, comme pour la loi de 1968, l’efficacité du dispositif dépendra de l’attitude des juridictions étrangères, principalement américaines. Or, en l’état actuel de nos informations, la nouvelle rédaction ne nous semble pas pallier l’absence de doctrine de l’État français. Nous n’en discernons donc pas les éventuels avantages. Quels sont, sur ce point, les sentiments de la Chancellerie et du délégué interministériel à l’intelligence économique ?

M. Jean-Michel Clément. Il est utile de conceptualiser la notion de secret des affaires dans notre droit. Dans les pays anglo-saxons, le protectionnisme économique passe aussi par le droit, lequel, faute d’une législation pertinente en France, se retourne contre nos entreprises en les obligeant à dévoiler leurs secrets. J’ajoute que la dématérialisation des relations d’affaires augmente les risques. Cette proposition de loi est donc une heureuse initiative, d’autant qu’en consacrant une vision plus économique que financière de l’entreprise, elle s’avère particulièrement opportune dans le contexte de la crise.

Cependant, si de tels dispositifs seront bien appréhendés par les grands groupes, on peut nourrir quelques inquiétudes pour les PME, qui sont souvent innovantes et compétitives à l’exportation et ce, dans des domaines parfois sensibles. Je crains, à cet égard, qu’elles n’aient pas forcément les moyens de profiter des mesures proposées.

Votre rapport indique que la notion que nous sommes invités à définir sera utilement complétée par la jurisprudence. Certes, le juge est lui aussi créateur de droit ; mais il serait dommage que cette jurisprudence naisse des difficultés d’appréhension du texte par les PME. À ces quelques réserves près, je suis favorable à votre proposition de loi.

M. Jérôme Lambert. Il ne faut pas faire d’angélisme : les questions dont nous débattons sont souvent au cœur de la vie des affaires. Nous devons donc donner à nos entreprises les moyens de mieux se protéger contre les mauvaises pratiques, dans un contexte très concurrentiel.

Cela étant, aux termes de l’article 226-15-1 du code pénal, vous exigez des « mesures de protection spécifiques » qui soient largement divulguées au sein de l’entreprise. Or, par définition, la meilleure façon de protéger une information sensible est de ne pas la rendre publique. Aussi cette idée de « mesures de protection spécifiques, prises après une information préalable du personnel » est peut-être contradictoire dans les termes. Le risque se situe bien souvent dans l’entreprise même et il convient donc de la convaincre de la nécessité de se protéger, en amont même de la loi.

Enfin, un texte comme celui-ci n’est utile que si l’on ne supprime pas, dans le même temps, des milliers d’emplois dans la police et la gendarmerie, lesquelles œuvrent beaucoup dans le domaine de l’intelligence économique. Les suppressions de postes dans la gendarmerie atteindront ainsi 1 300 équivalents temps plein en 2012 ! Comment, dans ces conditions, demander à ces forces d’en faire plus ?

Mme Maryse Joissains-Masini. Je partage l’analyse de M. Urvoas. J’ajouterai cependant deux remarques.

En premier lieu, l’article 1er dispose que l’indiscrétion doit être « de nature à compromettre gravement les intérêts de [l’]entreprise ». L’adverbe « gravement » n’introduit-il pas une part de subjectivité qui risque d’entraîner des difficultés lors des procès ? Le supprimer faciliterait sans doute l’application du texte.

Par ailleurs, les peines encourues – un an d’emprisonnement dans la version initiale, trois si l’amendement CL 5 est adopté – vous semblent-elles vraiment dissuasives, en comparaison des quinze ans d’emprisonnement prévus par la législation américaine ? Je me demande si le risque d’un emprisonnement de trois ans – qui seront de surcroît ramenés à un an et demi, compte tenu des remises de peine – est suffisant, non seulement pour dissuader de voler certains secrets industriels, mais aussi au regard de l’étendue des pertes encourues par une entreprise dont les secrets professionnels sont divulgués.

M. le président Jean-Luc Warsmann. Je souhaite, avant de lui donner la parole, féliciter notre rapporteur pour son initiative et pour la qualité du travail qu’il effectue depuis plusieurs années. Le renforcement de la protection juridique des entreprises françaises est évidemment un puissant enjeu d’intérêt général, pour lequel il reste d’ailleurs beaucoup à faire.

Il est certainement possible, de ce point de vue, d’améliorer encore les dispositions relatives à la loi de 1968 ; mais rassemblons-nous, aujourd’hui, pour saluer la qualité de ce travail en souhaitant qu’il se poursuive.

M. le rapporteur. Je me réjouis que nos collègues socialistes partagent nos analyses sur la conflictualité des relations commerciales et sur la nécessité de donner à nos entreprises les moyens de lutter à armes égales avec des concurrents qui, en utilisant le droit, se comportent parfois de façon déloyale. C’est tout le sens de la politique d’intelligence économique menée depuis 2004.

M. Urvoas a souligné, à juste titre, la difficulté du diagnostic. Mais cette difficulté renvoie à celle, plus générale, du chiffre noir de la délinquance. Je vous renvoie néanmoins à mon rapport, qui évoque une étude de KPMG selon laquelle plus de 15 millions de personnes dans le monde auraient été victimes de vols ou de pertes d’informations en 2010, et plus de 249 millions de piratage d’informations depuis 2007.

Selon une étude réalisée par un autre cabinet de conseil, 61 % des entreprises françaises ont déclaré avoir subi au moins un incident de sécurité en 2011, contre 39 % en 2010. En 2011, 17 % des entreprises auraient par ailleurs été victimes de vol de propriété intellectuelle, contre 6 % en 2008, et 13 % d’atteinte à leur image de marque, contre 6 % en 2008.

Ces chiffres, aussi imprécis soient-ils, témoignent de l’intensité de la guerre économique à laquelle se livrent les entreprises et les États : je vous renvoie, sur ce point, aux ouvrages très éclairants de l’universitaire Christian Harbulot.

Il est vrai, monsieur Urvoas, que nous n’avons pas de données statistiques sur les pratiques de concurrence déloyale entre les entreprises françaises. Mais comment distinguer, dans le droit, ces pratiques selon la nationalité des entreprises ? C’est la DCRI, au travers de sa sous-direction de la protection du patrimoine industriel et scientifique français, qui est compétente pour ces missions ; je vois mal comment un autre service pourrait s’en charger.

La loi de 1968, modifiée en 1980 après avoir été adoptée dans un contexte de conflit commercial et diplomatique avec les États-Unis, est beaucoup trop large puisqu’elle sanctionne la communication de tout renseignement, quelle qu’en soit la nature ; c’est d’ailleurs, disons-le clairement, ce qui la met à la merci d’une question prioritaire de constitutionnalité.

Dans le cadre des procédures américaines de discovery, préalables aux procès, nos entreprises font parfois l’objet d’investigations dont le caractère est proprement scandaleux : les juridictions étrangères, notamment américaines, profitent du droit pour obtenir d’elles des informations qui n’ont souvent aucun rapport avec les motifs de la saisine.

Il est donc indispensable de préciser la notion de « secret des affaires » dans notre droit ; faute de quoi, la loi de 1968 resterait menacée constitutionnellement. La proposition de loi a pour objet de remédier à ce problème dans le respect du principe de la légalité des délits et des peines. La Chancellerie est réservée, car elle estime que l’on ne peut obliger les entreprises à passer par le canal de la protection du secret des affaires pour bénéficier de la loi de 1968 modifiée. Cela me semble un très mauvais argument, car le but du dispositif est précisément d’inciter les entreprises à consentir de réels efforts pour mieux protéger leurs informations : c’est à ce prix qu’il sera efficace pour celles qui y recourront.

De surcroît, les entreprises sont prises entre le marteau et l’enclume : soit elles refusent de déférer, sous peine de sanctions extrêmement lourdes dans les pays concernés, à des demandes parfois infondées des juridictions étrangères, soit elles s’exposent à des sanctions pénales en France.

La Chancellerie s’appuie sur l’avis du MEDEF ; pour ma part, je me fais l’interprète, non seulement des très nombreux responsables d’entreprise que j’ai rencontrés depuis des années, mais aussi de l’intérêt de l’État, puisqu’il s’agit de résoudre un problème qui ne peut l’être dans un cadre contractuel.

Le secrétaire général du Quai d’Orsay, lui, est favorable à ce texte, et le coordinateur national du renseignement à l’Élysée, M. Ange Mancini, lui a apporté un soutien très marqué.

M. Clément a souligné l’utilité d’une conceptualisation : c’est exactement le terme qui convient. Le droit est une arme comme les autres, et la France a trop longtemps déserté le champ de bataille des normes juridiques, voire des règles professionnelles. Depuis des années, je milite en faveur d’une stratégie publique de normalisation et de certification afin d’identifier les enjeux stratégiques pour nos entreprises, dont les représentants, comme les services de l’État, sont trop peu présents au sein des lieux de production de ces normes et règles.

M. Clément, que je remercie chaleureusement pour son soutien au texte, a aussi souligné la dématérialisation des échanges, phénomène qui, parce qu’il concerne aussi bien les secrets que l’ensemble des informations, doit faire l’objet d’une réponse adaptée.

Il faut sans doute distinguer entre les PME et les grands groupes, encore que ceux-ci ne soient pas toujours exempts de naïveté, comme j’ai pu le constater, y compris chez ceux qui évoluent dans des secteurs stratégiques, tels que l’énergie. S’agissant des PME, le texte vise bien entendu les plus sensibles ou stratégiques d’entre elles, même si, depuis quelques années, le nombre de PME exposées va croissant. À cet égard, il est urgent que les pôles de compétitivité adoptent une vraie stratégie en matière d’intelligence économique et de protection des travaux qui y sont réalisés, puisqu’ils rassemblent les meilleurs talents scientifiques, industriels et administratifs.

S’il ne faut, en matière de secret des affaires, n’être ni naïf ni paranoïaque, il faut à coup sûr, monsieur Lambert, se garder de tout angélisme. Les entreprises qui appartiennent à des secteurs stratégiques connaissent les difficultés de communiquer sur des informations sensibles, et des procédures spécifiques existent déjà. Reste que l’intérêt du présent texte est d’associer dissuasion et pédagogie – au bénéfice, d’ailleurs, de toutes les entreprises, quelle que soit leur taille ou leur spécialité –, mais aussi d’offrir un nouveau support aux magistrats, notamment aux plus jeunes d’entre eux. Les élèves de l’École nationale de la magistrature sont d’ailleurs sensibilisés, en particulier par l’avocat général Claude Mathon, à la politique menée en matière d’intelligence économique.

M. Lambert a aussi souligné le rôle de la gendarmerie nationale, même si celui-ci est plutôt de rassembler les informations portées à la connaissance des services de police spécialisés. Il revient cependant à la DCRI, et à elle seule, de coordonner le travail en la matière.

Le mot « gravement », madame Joissains-Masini, est directement issu de la jurisprudence européenne ; c’est celui qui figure, par exemple, dans un arrêt du tribunal de première instance des Communautés européennes de 1996. Ce terme permet de préciser l’incrimination, d’en souligner le caractère pédagogique et de la rendre plus conforme à notre droit constitutionnel, ce qui me semble être un impératif.

S’agissant du quantum des peines, l’échelle est très différente aux États-Unis et en France ; je n’ouvrirai donc pas ce débat. En ce domaine, le mieux est l’ennemi du bien, et je me permets de solliciter votre confiance : au terme de mes auditions, il m’est apparu que le relèvement des seuils – d’un à trois ans d’emprisonnement, et de 15 000 à 375 000 euros d’amende – était suffisamment dissuasif, ce qui n’était évidemment pas le cas des peines prononcées dans les affaires Michelin et Valeo.

La Commission en vient à l’examen des articles.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

(art. 226-15-1, 226-15-2, 226-15-3,226-15-4 et 226-15-5 [nouveaux] du code pénal)


Définition et protection du secret des affaires des entreprises

Cet article comporte trois volets. Il vise, en premier lieu, à définir quelles sont les informations protégées relevant du secret des affaires. Il crée, ensuite, un délit de violation du secret des affaires des entreprises. Le troisième volet est la réforme de la loi n° 68-678 du 26 juillet 1968 relative à la communication de documents et renseignements d’ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique à des personnes physiques ou morales étrangères, dite « loi de blocage ».

Le nouveau dispositif s’insérera dans la section IV du chapitre VI du titre II du du livre II du code pénal, relative aux atteintes au secret. Il constituera le 3e paragraphe de cette section, qui en comporte déjà deux, la première consacrée à l’atteinte au secret professionnel, la seconde à l’atteinte au secret des correspondances.

Ce premier volet du texte a pour objectif d’inciter les entreprises à identifier les informations économiques protégées relevant du secret des affaires et à mettre en place des mesures de protection spécifiques desdites informations. Le recours à ce dispositif est basé sur le volontariat ; certaines entreprises pourront donc faire le choix de ne pas en faire usage.

La définition qu’il est proposé d’inscrire à l’article 226-15-1 du code pénal est précise et circonscrite. Elle a un double contenu, objectif et formel, et repose sur la combinaison de cinq critères cumulatifs.

• Le contenu objectif a trait aux biens susceptibles d’être couverts par le secret des affaires, à la nature des informations, à leur caractère secret et aux effets éventuels de leur révélation.

S’agissant des biens susceptibles d’être couverts par le secret des affaires, sont visés, quel que soit leur support, « les procédés, objets, documents, données ou fichiers ». Comme pour le secret de la défense nationale, une liste des biens susceptibles d’être couverts par le secret des affaires est insérée dans le code pénal. Ces biens peuvent être matériels ou immatériels. Cette liste est plus resserrée que celle figurant à l’article 413-9 du même code pour le secret de la défense nationale (qui vise « les procédés, objets, documents, informations, réseaux informatiques, données informatisées ou fichiers ») ou à l’article 411-6 de ce code pour la livraison d’informations à une puissance étrangère. Certains de ces éléments apparaissent en effet redondants (les documents sont inclus dans la catégorie des objets) ou inadaptés, en l’espèce (« réseaux informatiques »). La notion de procédés inclut notamment les procédés de fabrication, de préparation et de transformation (par ailleurs protégés par le délit de divulgation d’un secret de fabrique, prévu à l’article L. 1227-1 du code du travail et à l’article L. 621-1 du code de la propriété intellectuelle) et permet, plus largement, de prendre en compte les éléments d’ordre scientifique (111). Les objets et documents permettent d’inclure, par exemple, des écrits, dessins, plans, relevés, photographies, reproductions de toute nature, procès-verbaux ou comptes-rendus, listes de personnels ou des organigrammes. Les données et fichiers visent notamment les données et fichiers informatiques.

La nature des informations, qui constitue le deuxième critère, peut être « commerciale, industrielle, financière, scientifique, technique ou stratégique ». Les savoir-faire, les innovations, le plan stratégique d’une entreprise, son fichier clients, un projet d’acquisition, un contrat de partenariat majeur, pourraient ainsi, par exemple, être protégés.

Le troisième critère est relatif au caractère confidentiel des informations concernées, celles-ci « ne présentant pas un caractère public ». Des informations déjà connues du public ne pourront donc évidemment être protégées.

Le quatrième élément constitutif du contenu objectif de la notion d’informations protégés relevant du secret des affaires est l’atteinte grave aux intérêts de l’entreprise concernée, car « la divulgation non autorisée serait de nature à compromettre gravement les intérêts de cette entreprise, en portant atteinte à son potentiel scientifique ou technique, à ses positions stratégiques, à ses intérêts commerciaux ou financiers ou à sa capacité concurrentielle ». Les termes employés correspondent strictement, d’après les informations transmises à votre rapporteur, aux recommandations du Conseil d’État, saisi par le Gouvernement sur cette question. L’énumération couvre précisément les éléments stratégiques pour une entreprise, dont la compromission serait de nature à l’affaiblir, voire à menacer sa survie. C’est au juge pénal, et non à l’entreprise, qu’il appartiendra, in fine, de définir la portée exacte de ces termes, à partir d’une appréciation in concreto, en fonction des cas qui lui seront soumis.

• Le contenu formel est lié aux mesures de protection spécifiques dont ces informations ont fait l’objet, qui sont « destinées à informer de leur caractère confidentiel et à garantir celui-ci ». Le deuxième alinéa de l’article 226-15-1 du code pénal précise que ces mesures seront prises après une information préalable du personnel par le représentant légal de l’entreprise ou par toute personne qu’il aura préalablement désignée par écrit. Il indique également qu’elles seront déterminées par décret en Conseil d’État, ce qui constitue une garantie supplémentaire, indispensable dès lors que le contenu et les modalités de ces mesures de protection font partie de l’un des éléments constitutifs d’une infraction pénale.

Concrètement, ces mesures, qui seront à définir dans ledit décret d’application, devraient inclure, par exemple, l’établissement d’une liste des personnes autorisées à prendre connaissance des informations protégées, mentionnant la date de leur qualification, un stockage des documents papier dans des coffres ou des lieux sécurisés et la mise en place de dispositifs de cryptage et de codes d’accès. Le pouvoir réglementaire devra veiller à ce qu’elles ne constituent pas une charge excessive pour les entreprises concernées, en particulier les PME.

La définition proposée s’inspire des critères prévus par l’article 39, paragraphe 2, de l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle liés au commerce (ADPIC) annexé à l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce signé à Marrakech le 15 avril 1994, qui exige que les « renseignements non divulgués » soient secrets, c’est-à-dire non « connus des personnes appartenant aux milieux qui s’occupent normalement du genre de renseignement en question ou ne leur sont pas aisément accessibles », et qu’ils aient fait « l’objet, de la part de la personne qui en a licitement le contrôle, de dispositions raisonnables, compte tenu des circonstances, destinées à les garder secrets ». Elle est cependant nettement plus étroite que la définition figurant dans l’accord ADPIC, notamment parce qu’elle combine les critères retenus par ce traité avec celui tiré de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, selon laquelle les secrets d’affaires sont des informations dont la divulgation peut léser gravement les intérêts du propriétaire de l’information (112).

Ce caractère strict est justifié par les conséquences pénales qui sont attachées à cette définition, avec la création d’un délit de violation du secret des affaires.

Par ailleurs, il convient de préciser que la définition du secret des affaires retenue ici n’a vocation à s’appliquer que dans le cadre du dispositif pénal mis en place. Une information pourra toujours être considérée comme relevant du secret des affaires par l’Autorité de la concurrence lorsqu’elle met en œuvre le dispositif résultant de l’article L. 463-4 du code de commerce et du décret n° 2009-142 du 10 février 2009, par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes dans le cadre des article L. 5-6 et L. 36-8 du code des postes et communications, ou par les commissions placées auprès de l’Institut national de la consommation, dans le cadre des articles L. 534-9 et L. 534-10 du code de la consommation, par exemple, même si elle ne remplit pas les conditions fixées par l’article 226-15-1 [nouveau] du code pénal et si, en particulier, elle provient d’une entreprise n’ayant pas mis en place les mesures de protection spécifiques prévues. La définition donnée devrait également ne pas avoir de conséquence directe sur la notion de secret industriel et commercial prévue par le II de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978, dont les contours ont été définis par de nombreuses décisions de la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA).

L’article 226-15-2 [nouveau] du code pénal institue le délit de révélation d’information protégée relevant du secret des affaires d’une entreprise. L’article 226-15-3 [nouveau] prévoit une série de faits justificatifs et de cas de non opposabilité, dans lesquels le délit institué ne sera pas applicable, afin de tenir compte des obligations auxquelles les entreprises et les personnes physiques sont par ailleurs soumises.

L’élément matériel consiste dans la révélation d’une information protégée relevant du secret des affaires, sans autorisation de l’entreprise ou de son représentant. La révélation d’un secret est une notion déjà employée dans le code pénal, notamment au sujet du secret professionnel. La jurisprudence développée au titre de l’article 226-13 du code pénal sur cette notion devrait être transposable, mutatis mutandis, à la révélation du secret des affaires des entreprises. Selon cette jurisprudence, le mode de révélation est indifférent : la révélation peut être écrite ou orale (113) et faite à une seule personne ou à un groupe de personnes. La tentative n’étant pas incriminée, il faut, pour être punissable, que la révélation soit consommée.

Seule la révélation non autorisée par l’entreprise ou son représentant à une personne non autorisée est réprimée : ni la tentative, ni le recueil, ni l’utilisation à son profit (qui n’implique pas nécessairement une divulgation) ne sont incriminées, ce qui renforce encore la précision de l’infraction.

Les personnes susceptibles de commettre l’infraction sont les personnes dépositaires de l’information protégée, d’une part, et les personnes ayant eu connaissance de l’information et des mesures de protection qui l’entourent. Une personne ayant eu connaissance de l’information, mais ignorant qu’il s’agit d’une information ayant fait l’objet de mesures de protection spécifiques, ne pourra donc être sanctionnée.

Du point de vue de l’élément moral, il s’agit en effet d’une infraction intentionnelle, commise par une personne se sachant tenue au secret et révélant sciemment l’information, sans y avoir été autorisée. Elle ne peut donc être commise par imprudence. L’intention de nuire n’est pas requise par le texte, pas plus que la réalisation du préjudice : la révélation doit être « de nature à compromettre gravement » les intérêts de l’entreprise, ce qui n’impose pas que le préjudice se soit concrétisé.

Par ailleurs, il convient de souligner que ce n’est pas l’entreprise qui définira le champ de l’infraction, en mettant en place des mesures de protection et en déterminant à quelles informations celles-ci sont applicables. En effet, lesdites mesures de protection ne suffiront en aucun cas à conférer la nature d’information protégée à l’information en cause. Il n’en sera ainsi que si toutes les conditions objectives fixées par l’article 226-15-1 sont remplies, et ce sera au juge pénal, et à lui seul, d’en décider in fine. Les mesures de protection ne constituent qu’un critère additionnel, certes indispensable, mais secondaire, comme l’indique l’emploi des termes « en conséquence », par rapport au critère principal constitué par l’atteinte grave aux intérêts de l’entreprise, dont les contours seront déterminés – strictement en application de l’article 111-4 du code pénal (114) – par le juge pénal. Toute utilisation abusive du dispositif, afin de protéger des informations ne relevant pas du secret des affaires, serait donc mise en échec. Il n’y a donc pas lieu de craindre que l’entreprise puisse discrétionnairement et sans aucune limite disposer du droit de créer des informations protégées.

La précision de l’ensemble de ce dispositif vise à répondre aux impératifs constitutionnels, liés au principe de légalité des délits et des peines, qui impose au législateur « d’adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques » « afin de prémunir les sujets de droit contre une interprétation contraire à la Constitution ou contre le risque d’arbitraire » (115). Comme l’a confirmé à votre rapporteur M. le Professeur Didier Rebut, dans une contribution écrite, la définition du délit ainsi créé « semble suffisamment précise pour être en conformité avec le principe constitutionnel de la légalité et avec l’exigence de précision des infractions dont il est le fondement », notamment parce qu’il n’y « pas lieu de craindre que l’entreprise puisse discrétionnairement et sans aucune limite disposer du droit de créer des informations protégées ».

L’infraction était punie, dans la version initiale de la proposition de loi, d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. Ce choix résultait de la volonté d’aligner les peines prévues sur celles applicables à la violation du secret professionnel, en application de l’article 226-13 du code pénal.

La quasi totalité des praticiens auditionnés par votre rapporteur ont cependant observé que ces peines sont sensiblement inférieures à celles prévues en cas d’abus de confiance (trois ans d’emprisonnement et 375 000 euros d’amende), qui constitue l’infraction la plus souvent utilisée, en l’état du droit, pour réprimer les faits relevant de l’espionnage industriel, ou de divulgation d’un secret de fabrique (deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende). Ils ont souligné que les peines initialement prévues étaient insuffisamment dissuasives par rapport à la gravité des faits et aux peines prévues pour les infractions comparables. Ils ont également fait valoir que, s’agissant d’une infraction susceptible, en pratique, d’être fréquemment commise par ou pour le compte d’une personne morale, le montant de l’amende de 15 000 euros initialement prévue, même quintuplée en application de l’article 131-38 du code pénal, ne serait pas à la hauteur des enjeux.

La Commission, convaincue par ces arguments, a décidé, à l’initiative de votre rapporteur, d’harmoniser les peines prévues par l’article 226-15-2 [nouveau] du code pénal avec celles réprimant l’abus de confiance, soit trois ans d’emprisonnement et 375 000 euros d’amendes.

Il convient de souligner que cette infraction nouvelle ne sera pas exclusive du recours aux infractions existant actuellement, recensées dans le présent rapport, si leurs éléments constitutifs sont réunis, conformément aux règles relatives au concours d’infractions.

L’entreprise victime pourra également réclamer, parallèlement, des dommages et intérêts dans le cadre d’une action civile.

Il est proposé de prévoir, à l’article 226-15-3 [nouveau] du code pénal, trois faits justificatifs et deux situations dans lesquelles le secret des affaires sera inopposable.

• Faits justificatifs

Le premier fait justificatif, qui figure au premier alinéa, première phrase de l’article 226-15-3, a trait à l’ordre ou la permission de la loi. Dans ce cas de figure, les dispositions de l’article 226-15-2 du code pénal ne seront pas applicables. Cette précision reprend la règle énoncée, de manière générale, par l’article 122-4 du code pénal. Le secret des affaires ne saurait donc faire obstacle, par exemple, aux instances représentatives du personnel dans l’exercice de leur droit d’accès aux documents de l’entreprise prévu par les lois et règlements.

Le deuxième fait justificatif figure au 3° du même article et a trait à la dénonciation de faits susceptibles de constituer des infractions. Dans ce cas de figure, la personne concernée est déliée du secret des affaires. La dénonciation constitue d’ailleurs une obligation légale, s’agissant d’un crime dont il est encore possible de prévenir ou de limiter les effets, en application de l’article 434-1 du code pénal. La solution retenue est, sur ce point, différente du régime prévu en matière de secret professionnel : le dernier alinéa de l’article 431-1 du même code dispose en effet que les personnes tenues au secret professionnel sont exceptées de l’application du premier alinéa dudit article, et ce n’est que dans certaines situations précisément définies que l’article 226-14 du même code délie ces personnes de l’interdiction de révéler un secret professionnel. Il a semblé préférable de retenir ici une exception à caractère général. Un salarié ou un journaliste qui aurait connaissance d’un fait susceptible de constituer une infraction au code de la santé publique, par exemple, ne pourrait donc en aucun cas se voir condamné pour avoir opéré un signalement aux autorités compétentes, même si ce fait constitue une information protégée par le secret des affaires.

Le troisième fait justificatif figure au 2° du même article. Il vise l’hypothèse dans laquelle le juge ordonne ou autorise la production d’une pièce couverte par le secret des affaires en vue de l’exercice de ses droits par une partie, sauf motif légitime opposé par une partie. Cette disposition permet de prendre en compte la nécessité de l’exercice des droits de la défense, et vise aussi l’hypothèse dans laquelle un demandeur solliciterait une pièce pour exercer ses droits (il pourrait s’agir, par exemple, d’un salarié victime d’un accident du travail qui aurait besoin d’une pièce couverte par le secret des affaires pour établir une faute inexcusable de l’employeur). Le caractère légitime du motif opposé, le cas échéant, par une partie sera apprécié par le juge, comme c’est le cas lors de la mise en œuvre, par exemple, de l’article 141 du code de procédure civile (116).

Le dernier alinéa du même article précise que le signalement aux autorités compétentes effectué dans les conditions prévues au présent article ne peut faire l’objet d’aucune sanction disciplinaire, reprenant la formulation retenue au dernier alinéa de l’article 226-14 du code pénal en matière de secret professionnel.

• Non-opposabilités

En outre, le secret des affaires n’est opposable ni à la justice, ni à une autorité administrative dans l’exercice de sa mission de surveillance, de contrôle ou de sanction.

La première de ces non-opposabilités est prévue au 1° de l’article 226-15-3 [nouveau] du code pénal, qui rend inopposable les dispositions instituant le délit de violation du secret des affaires « à l’autorité judiciaire agissant dans le cadre de poursuites pénales » (ce qui vise, en pratique, le parquet) ainsi « qu’à toute autorité juridictionnelle ». La notion d’« autorité juridictionnelle » doit être par ailleurs entendue au sens de l’article 256 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, tel qu’interprété par la Cour de justice de l’Union européenne, ce qui exclut, par exemple, les tribunaux arbitraux (117).

La seconde de ces non-opposabilités est prévue au 4°, qui rend inopposable le secret des affaires « aux autorités compétentes dans l’exercice de leur mission de contrôle, de surveillance ou de sanction ». Sont notamment visées les services de police, de douane ou de renseignement et les autorités administratives indépendantes telles que l’Autorité de la concurrence ou l’Autorité des marchés financiers.

Dans les deux cas, seules les autorités judiciaires et administratives françaises sont évidemment visées.

Tirant les leçons de l’échec de la loi du 26 juillet 1968, la réforme proposée vise à recentrer le dispositif sur les seules informations relevant du secret des affaires, afin de lui redonner une crédibilité à l’égard des juridictions étrangères.

La loi n° 68-678 du 26 juillet 1968 relative à la communication de documents et renseignements d’ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique à des personnes physiques ou morales étrangères, dite « loi de blocage », telle que modifiée par la loi n° 80-538 du 16 juillet 1980, est une loi obsolète et inefficace. Comme rappelé dans la partie présentant la proposition de loi, cette loi, qui avait pour objet de fournir une excuse légale aux entreprises françaises confrontées à des demandes d’informations émanant d’autorités étrangères et d’obliger ces dernières à faire usage des canaux de coopération judiciaire prévus par la Convention de La Haye du 18 mars 1970, n’a pas rempli l’objectif qui lui était assigné.

Les juridictions étrangères, américaines (118) et britanniques(119) en particulier, ont jugé que le risque de condamnation pénale invoqué par les justiciables français n’était pas réel. Cette loi n’a en effet donné lieu, en plus de 30 ans, qu’à une seule condamnation pénale (120) et semble oubliée du législateur lui-même, qui l’a laissée à l’écart de l’entreprise de codification.

D’un point de vue textuel, son champ d’application est trop large et insuffisamment précis, car elle interdit la communication de tout renseignement d’ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique tendant à la constitution de preuves en vue de procédures judiciaires ou administratives ou dans le cadre de celles-ci.

C’est pour ces raisons qu’il est proposé de refonder la « loi de blocage », en ce qui concerne son article 1erbis. Cet article serait abrogé et remplacé par une disposition nouvelle, assez proche de la rédaction actuelle, mais recentrée sur les seules informations protégées relevant du secret des affaires d’une entreprise.

Cette rénovation redonnerait une crédibilité à ce dispositif à un double titre. Elle démontrerait, en premier lieu, l’importance que les pouvoirs publics attachent à ce dispositif, et leur volonté qu’il ne reste pas lettre morte. La réduction du champ d’application permettrait, en second lieu, de déjouer l’objection selon laquelle le dispositif serait disproportionné, en ne protégeant que les informations qui méritent d’être protégée, en vertu d’un motif légitime, le secret des affaires. Ce dispositif réformé s’adosserait à la nouvelle définition des informations relevant du secret des affaires et au délit de révélation d’un secret des affaires, formant un édifice législatif cohérent, lisible et crédible, sans rompre totalement avec le dispositif initial de la « loi de blocage », dont les autres articles – en particulier son article 1er interdisant la communication de renseignements « de nature à porter atteinte à la souveraineté, à la sécurité, aux intérêts économiques essentiels de la France ou à l’ordre public » – resteraient d’ailleurs en vigueur.

L’approche retenue correspond à celle préconisée par le rapport du groupe de travail présidé par M. Claude Mathon, avocat général à la Cour de cassation.

Il convient de souligner que l’objectif poursuivi par cette réforme n’est, en aucune manière, de faire obstacle à la transmission d’informations à des autorités judiciaires ou administratives étrangères ou, plus généralement, à la coopération judiciaire et administrative, mais d’inciter les autorités concernées à emprunter les canaux spécifiquement prévus à cette fin, comme l’indiquent les termes « sous réserve des traités ou accords internationaux et des lois et règlements en vigueur ». Ces canaux sont, à titre principal :

– en matière judiciaire, la Convention de La Haye du 18 mars 1970 sur l’obtention des preuves à l’étranger en matière civile et commerciale (en application de laquelle la France exécute, depuis la modification, le 19 janvier 1987, de sa déclaration au titre de l’article 23 de cette convention, les commissions rogatoires qui ont pour objet la procédure de pre-trial discovery of documents dès lors que les documents demandés « sont limitativement énumérés dans la commission rogatoire et ont un lien direct et précis avec l’objet du litige ») et les articles 733 à 748 du code de procédure civile ;

– en matière administrative, les accords de coopération conclus par certaines autorités administratives françaises avec les autorités étrangères exerçant des compétences analogues, sur le fondement de dispositions législatives telles que les articles L. 621-15 (121) et L. 632-16 (122) du code monétaire et financier ou L. 821-5-2 du code de commerce (123), sous réserve de réciprocité et pour autant que les informations communiquées bénéficient de garanties de secret professionnel au moins équivalentes à celles auxquelles sont soumises les autorités françaises.

Par ailleurs, le dispositif mis en place ne saurait évidemment faire obstacle à l’application des instruments adoptés dans le cadre de l’espace judiciaire européen visant à faciliter l’obtention de preuves, tels que le règlement (CE) n° 1206/2001 du 28 mai 2001 relatif à la coopération entre les juridictions des États membres dans le domaine de l’obtention des preuves en matière civile ou commerciale et la décision-cadre 2008/978/JAI du Conseil du 18 décembre 2008 relative au mandat européen d'obtention de preuves visant à recueillir des objets, des documents ou des données en vue de leur utilisation dans le cadre de procédures pénales.

Les peines actuellement prévues pour la violation de l’article 1erbis de la loi n° 68-678 du 26 juillet 1968 sont, en application de l’article 3 de la même loi, un emprisonnement de six mois et une amende de 18 000 euros, ou l’une de ces deux peines seulement, « sous réserve des peines plus lourdes prévues par la loi ». Afin d’assurer la cohérence de l’ensemble du dispositif, la proposition de loi retient d’appliquer, en cas de violation de l’article 226-15-4 [nouveau] du code pénal, des peines identiques à celles prévues par l’article 226-15-2 [nouveau] du même code pour la violation du secret des affaires. Ces peines, initialement d’un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende, ont donc été portées à trois ans et 375 000 euros par la Commission, à l’initiative de votre rapporteur.

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Article 1er(art. 226-15-1, 226-15-2, 226-15-3,226-15-4 et 226-15-5 [nouveaux] du code pénal) : Définition et protection du secret des affaires des entreprises

La Commission adopte successivement plusieurs amendements du rapporteur : CL 2, de rectification d’une erreur matérielle, CL 3, rédactionnel, CL 5, relevant les sanctions encourues, et CL 4, rédactionnel.

Puis elle adopte l’article 1ermodifié.

Article 2

(art. L. 363-1 du code des assurances et art. 1 bis, 2 et 3 de la loi n° 68-678 du 26 juillet 1968)


Coordination

En conséquence de la reprise, sous une forme recentrée sur les seules informations économiques protégées relevant du secret des affaires, à l’article 226-15-4 [nouveau] du code pénal, de l’article 1erbis de la loi n° 68-678 du 26 juillet 1968 opérée par l’article 1er de la présente proposition, cet article abroge, en son I, 1°, l’article 1erbis.

Par voie de conséquence, les 2° et 3° de son premier paragraphe suppriment les références à l’article 1erbis figurant aux articles 2 et 3 de la loi du 26 juillet 1968.

Le deuxième paragraphe de cet article, ajouté par la Commission à l’initiative de votre rapporteur, remplace la référence à l’article 1erbis figurant à l’article L. 363-1 du code des assurances par une référence à l’article 226-15-4 du code pénal.

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La Commission adopte l’amendement de coordination CL 6 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 2 modifié.

Article 3 (nouveau)

(art. 35 de la loi du 29 juillet 1881)


Diffamation et condamnation pour recel de violation du secret des affaires

Cet article, issu d’un amendement déposé par votre rapporteur, vise à ajouter le secret des affaires à la liste des secrets figurant au dernier alinéa de l’article 35 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

Cet alinéa, introduit par le V de l’article 1er de la loi n° 2010-1 du 4 janvier 2010 relative à la protection du secret des sources des journalistes, prévoit qu’une personne poursuivie pour diffamation ne pourra être poursuivie pour recel si elle produit pour sa défense des pièces couvertes par le secret de l’enquête ou de l’instruction ou tout autre secret professionnel, afin de prouver sa bonne foi ou la vérité des faits diffamatoires.

Le présent article ajoute le secret des affaires aux secrets déjà mentionnés par cette disposition, afin d’assurer la cohérence du dispositif prévu par la proposition de loi avec la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, dans sa rédaction issue de la loi du 4 janvier 2010 relative à la protection du secret des sources des journalistes. Il s’agit, en pratique, de faire primer les droits de la défense d’un journaliste sur le principe du secret des affaires.

La solution retenue consacre et prolonge la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 11 février 2003 (124), confirmée le 19 janvier 2010 (125), selon laquelle « le droit à un procès équitable et la liberté d’expression justifient que la personne poursuivie du chef de diffamation soit admise à produire, pour les nécessités de sa défense, les pièces d’une information en cours de nature à établir sa bonne foi ou la vérité des faits diffamatoires. ».

Elle est également conforme à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, selon laquelle « il convient d’apprécier avec la plus grande prudence, dans une société démocratique, la nécessité de punir pour recel du violation du secret de l’instruction ou de secret professionnel des journalistes qui participent à un débat public d’une telle importance exerçant leur mission de « chiens de garde » de la démocratie » (126).

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* *

La Commission adopte l’amendement CL 1 du rapporteur, qui vise à permettre à une personne poursuivie pour diffamation de produire pour sa défense une pièce couverte par le secret des affaires afin de prouver sa bonne foi ou la vérité des faits diffamatoires, sans risquer d’être condamnée pour recel de violation du secret des affaires.

Puis elle adopte à l’unanimité l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

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En conséquence, la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter la proposition de loi visant à sanctionner la violation du secret des affaires, dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

TABLEAU COMPARATIF

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Texte en vigueur

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Texte de la proposition de loi

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Texte adopté par la Commission

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Proposition de loi visant à sanctionner la violation du secret des affaires

Proposition de loi visant à sanctionner la violation du secret des affaires

 

Article 1er

Article 1er

 

La section 4 du chapitre IV du titre II du livre II du code pénal est complétée par un paragraphe 3 ainsi rédigé :

La section 4 du chapitre VI du …

(amendement CL2)

 

« Paragraphe 3

(Alinéa sans modification)

 

« De l’atteinte au secret des affaires des entreprises

(Alinéa sans modification)

 

« Art. 226-15-1. – Constituent des informations protégées relevant du secret des affaires d’une entreprise, quel que soit leur support, les procédés, objets, documents, données ou fichiers, de nature commerciale, industrielle, financière, scientifique, technique ou stratégique, ne présentant pas un caractère public, dont la divulgation non autorisée serait de nature à compromettre gravement les intérêts de cette entreprise en portant atteinte à son potentiel scientifique et technique, à ses positions stratégiques, à ses intérêts commerciaux ou financiers ou à sa capacité concurrentielle, et qui ont, en conséquence, fait l’objet de mesures de protection spécifiques destinées à informer de leur caractère confidentiel et à garantir celui-ci.

« Art. 226-15-1. – (Alinéa sans modification)

 

« Ces mesures de protection spécifiques, prises après une information préalable du personnel par le représentant légal de l’entreprise ou par toute personne qu’il aura préalablement désignée par écrit et destinées à garantir la confidentialité des informations, sont déterminées par décret en Conseil d’État.

… écrit, sont …

(amendement CL3)

 

« Art. 226-15-2. – Le fait de révéler à une personne non autorisée à en avoir connaissance, sans autorisation de l’entreprise ou de son représentant, une information protégée relevant du secret des affaires de l’entreprise, pour toute personne qui en est dépositaire ou qui a eu connaissance de cette information et des mesures de protection qui l’entourent, est puni d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. 

« Art. 226-15-2. – 

… peine de trois ans d’emprisonnement et de 375 000 euros …

(amendement CL5)

 

« Art. 226-15-3. – L’article 226-15-2 n’est pas applicable dans les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret. En outre, il n’est pas applicable :

« Art. 226-15-3. – (Alinéa sans modification)

 

« 1° à l’autorité judiciaire agissant dans le cadre de poursuites pénales ainsi qu’à toute autorité juridictionnelle ;

« 1° (Sans modification)

 

« 2° lorsque le juge ordonne ou autorise la production d’une pièce couverte par le secret des affaires en vue de l’exercice de ses droits par une partie, sauf motif légitime opposé par une partie ;

« 2° (Sans modification)

 

« 3° à celui qui informe ou signale aux autorités compétentes des faits susceptibles de constituer des infractions ou des manquements dont il a eu connaissance ;

« 3° 

… manquements aux lois et règlements en vigueur dont …

(amendement CL4)

 

« 4° aux autorités compétentes dans l’exercice de leur mission de contrôle, de surveillance ou de sanction.

« 4° (Sans modification)

 

« Le signalement aux autorités compétentes effectué dans les conditions prévues au présent article ne peut faire l’objet d’aucune sanction disciplinaire.

(Alinéa sans modification)

 

« Art. 226-15-4. – Sous réserve des traités ou accords internationaux et des lois et règlements en vigueur, il est interdit à toute personne de demander, de rechercher ou de communiquer, par écrit, oralement ou sous toute autre forme, des informations à caractère économique protégées relevant du secret des affaires tendant à la constitution de preuves en vue de procédures judiciaires ou administratives étrangères ou dans le cadre de celles-ci.

« Art. 226-15-4. – (Sans modification)

 

« Art. 226-15-5. – Sans préjudice des peines plus lourdes prévues par la loi, toute infraction aux dispositions de l’article 226-15-4 sera punie d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. »

« Art. 226-15-5. – 

… peine de trois ans d’emprisonnement et de 375 000 euros …

(amendement CL5)

 

Article 2

Article 2

Loi n° 68-678 du 26 juillet 1968 relative à la communication de documents et renseignements d’ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique à des personnes physiques ou morales étrangères

La loi n° 68-678 du 26 juillet 1968 relative à la communication de documents et renseignements d’ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique à des personnes physiques ou morales étrangères est ainsi modifié :

I. – (Alinéa sans modification)

Art. 1er bis. – Sous réserve des traités ou accords internationaux et des lois et règlements en vigueur, il est interdit à toute personne de demander, de rechercher ou de communiquer, par écrit, oralement ou sous toute autre forme, des documents ou renseignements d’ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique tendant à la constitution de preuves en vue de procédures judiciaires ou administratives étrangères ou dans le cadre de celles-ci.

1° L’article 1 bis est abrogé ;

1° (Sans modification)

Art. 2. – Les personnes visées aux articles 1er et 1er bis sont tenues d’informer sans délai le ministre compétent lorsqu’elles se trouvent saisies de toute demande concernant de telles communications.

2° À l’article 2, les mots : « aux articles 1er et 1er bis » sont remplacés par les mots : « à l’article 1er » ;

2° (Sans modification)

Art. 3. – Sans préjudice des peines plus lourdes prévues par la loi, toute infraction aux dispositions des articles 1er et 1er bis de la présente loi sera punie d’un emprisonnement de six mois et d’une amende de 18 000 € ou de l’une de ces deux peines seulement

3° À l’article 3, les mots : « des articles 1er et 1er bis » sont remplacés par les mots : « de l’article 1er ».

3° (Sans modification)

Code des assurances

   

Art. L. 363-1. – En vue d’exercer le contrôle des entreprises d’assurance et de réassurance communautaires et par dérogation aux dispositions de l’article 1er bis de la loi n° 68-678 du 26 juillet 1968 relative à la communication de documents et renseignements d’ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique à des personnes physiques ou morales, les autorités de contrôle de l’État d’origine des entreprises peuvent exiger d’elles et de leurs succursales établies en France communication de toutes informations utiles à l’exercice de ce contrôle.

 

II (nouveau). – Au premier alinéa de l’article L. 363-1 du code des assurances, les mots : « aux dispositions de l’article 1er bis de la loi n° 68-678 du 26 juillet 1968 relative à la communication de documents et renseignements d’ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique à des personnes physiques ou morales » sont remplacés par la référence : « à l’article 226-15-4 du code pénal ».

(amendement CL6)

Sous la seule réserve d’en avoir préalablement informé l’Autorité de contrôle prudentiel, les autorités de contrôle de l’État d’origine des entreprises peuvent procéder, par elles-mêmes ou par l’intermédiaire de personnes qu’elles mandatent à cet effet, à des contrôles sur place des succursales établies sur le territoire de la République française des entreprises d’assurance communautaires.

   

Code pénal

Art. 226-15-4. – Cf. supra art. 1er.

   

Loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse

 

Article 3 (nouveau)

Art. 35. – La vérité du fait diffamatoire, mais seulement quand il est relatif aux fonctions, pourra être établie par les voies ordinaires, dans le cas d’imputations contre les corps constitués, les armées de terre, de mer ou de l’air, les administrations publiques et contre toutes les personnes énumérées dans l’article 31.

   

La vérité des imputations diffamatoires et injurieuses pourra être également établie contre les directeurs ou administrateurs de toute entreprise industrielle, commerciale ou financière, dont les titres financiers sont admis aux négociations sur un marché réglementé ou offerts au public sur un système multilatéral de négociation ou au crédit.

   

La vérité des faits diffamatoires peut toujours être prouvée, sauf :

   

a) Lorsque l’imputation concerne la vie privée de la personne ;

   

b) (Abrogé)

   

c) Lorsque l’imputation se réfère à un fait constituant une infraction amnistiée ou prescrite, ou qui a donné lieu à une condamnation effacée par la réhabilitation ou la révision.

   

Les deux alinéas a et b qui précèdent ne s’appliquent pas lorsque les faits sont prévus et réprimés par les articles 222-23 à 222-32 et 227-22 à 227-27 du code pénal et ont été commis contre un mineur.

   

Dans les cas prévus aux deux paragraphes précédents, la preuve contraire est réservée. Si la preuve du fait diffamatoire est rapportée, le prévenu sera renvoyé des fins de la plainte.

   

Dans toute autre circonstance et envers toute autre personne non qualifiée, lorsque le fait imputé est l’objet de poursuites commencées à la requête du ministère public, ou d’une plainte de la part du prévenu, il sera, durant l’instruction qui devra avoir lieu, sursis à la poursuite et au jugement du délit de diffamation.

   

Le prévenu peut produire pour les nécessités de sa défense, sans que cette production puisse donner lieu à des poursuites pour recel, des éléments provenant d’une violation du secret de l’enquête ou de l’instruction ou de tout autre secret professionnel s’ils sont de nature à établir sa bonne foi ou la vérité des faits diffamatoires.

 

Au dernier alinéa de l’article 35 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, les mots : « ou de tout autre secret professionnel » sont remplacés par les mots : « , de tout autre secret professionnel ou du secret des affaires ».

(amendement CL1)

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

Amendement CL1 présenté par M. Carayon, rapporteur :

Après l’article 2

Insérer l’article suivant :

« Au dernier alinéa de l’article 35 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, les mots : “ou de tout autre secret professionnel” sont remplacés par les mots : “, de tout autre secret professionnel ou du secret des affaires”. »

Amendement CL2 présenté par M. Carayon, rapporteur :

Article 1er

À l’alinéa 1, substituer à la référence : « chapitre IV » la référence : « chapitre VI ».

Amendement CL3 présenté par M. Carayon, rapporteur :

Article 1er

À l’alinéa 5, supprimer les mots : « et destinées à garantir la confidentialité des informations ».

Amendement CL4 présenté par M. Carayon, rapporteur :

Article 1er

À l’alinéa 10, après le mot : « manquements », insérer les mots : « aux lois et règlements en vigueur ».

Amendement CL5 présenté par M. Carayon, rapporteur :

Article 1er

Aux alinéas 6 et 14, substituer aux mots : « d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende », les mots : « de trois ans d’emprisonnement et de 375 000 € d’amende ».

Amendement CL6 présenté par M. Carayon, rapporteur :

Article 2

Compléter cet article par le paragraphe suivant :

« II. – Au premier alinéa de l’article L. 363-1 du code des assurances, les mots : “aux dispositions de l’article 1er bis de la loi n° 68-678 du 26 juillet 1968 relative à la communication de documents et renseignements d’ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique à des personnes physiques ou morales” sont remplacés par la référence : “à l’article 226-15-4 du code pénal”. »

PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR

• Délégation interministérielle à l’intelligence économique

— M. Olivier BUQUEN, délégué interministériel à l’intelligence économique

— M. Gilles GRAY, adjoint au délégué, chef du pôle sécurité économique et affaires intérieures

— M. Olivier BARRAT, adjoint au délégué, chef du pôle international

— Mme Clémence TRIFFAUT, chargée de mission

• Ministère de l’Économie, des finances et de l’industrie

Cabinet économie 

— M. Arnaud PECKER, conseiller

— Mme Agnès de FRESSENEL, conseillère parlementaire

— M. Maxence DELORME, conseiller juridique

Cabinet industrie

— M. Michael FRIBOURG, conseiller spécial

Direction des affaires juridiques

— M. Jean-Paul BESSON, sous-directeur droit privé et droit pénal

— M. Philippe BRUEY, chef du bureau du droit pénal et de la protection juridique

— Mme Karine MAILLARD, adjointe au chef du bureau du droit des entreprises et de l’immatériel

• Ministère de la Justice et des libertés

Cabinet du ministre de la Justice et des libertés

— M. Vincent MONTRIEUX, conseiller pénal

Direction des affaires criminelles et des grâces

— Mme Maryvonne CAILLIBOTTE, directrice des affaires criminelles et des grâces

— M. Jérôme SIMON, magistrat au bureau du droit économique de la direction des affaires criminelles et des grâces

Direction des affaires civiles et du Sceau

— M. Laurent VALLÉE, directeur des affaires civiles et du Sceau

— M. Ronan GUERLOT, chef du bureau du droit commercial, direction des affaires civiles et du sceau

— M. Guillaume MEUNIER, adjoint au chef du bureau du droit commercial

• Ministère des Affaires étrangères et européennes

— Mme Edwige BELLIARD, directrice des affaires juridiques

— M. Géraud SAJUST de BERGUES, sous-directeur du droit de l’Union européenne et du droit international économique

• Magistrat

— M. Claude MATHON, avocat général à la Cour de cassation

• Universitaire

— M. Didier REBUT, professeur de droit pénal à l’Université Panthéon-Assas (Paris II)

• Avocats

— Me Olivier BOULON

— Me Thibault du MANOIR de JUAYE

— Me Olivier de MAISON ROUGE

— Me Pierre SERVAN-SCHREIBER, président de la commission ad hoc du Club des juristes sur la loi de blocage

• Entreprises

— M. André DIETZ, directeur juridique France du groupe Michelin

— M. Christian SCHRICKE, conseiller d’État, conseiller du PDG et secrétaire général de la Société générale

• Association française des entreprises privées (AFEP)

— M. François SOULMAGNON, directeur

— Mme Odile de BROSSE, directrice du service juridique

• Mouvement des entreprises de France (MEDEF)

— M. Dominique LAMOUREUX, directeur éthique et responsabilité d’entreprise chez Thalès

— Mme Joëlle SIMON, directrice des affaires juridiques

— Mme Ophélie DUJARRIC, chargée de mission à la direction des affaires publiques

— M. Emmanuel MONTANIÉ, directeur adjoint de la direction des affaires internationales

• Assemblée des chambres françaises de commerce et d’industrie (ACFCI)

— M. Philippe CLERC, directeur de l’intelligence économique, de l’innovation et des TIC

• Syndicat de la Presse Quotidienne Nationale

— M. Denis BOUCHEZ, directeur

• Association des journalistes économiques et financiers

— M. Serge MARTI, président

— Mme Françoise CROUÏGNEAU, vice-présidente

© Assemblée nationale

1 () Roger-Pol Droit, « Dangereuse transparence », Les Échos, 26 octobre 2011.

2 () M. Bernard Carayon. À armes égales. Rapport remis au Premier ministre en septembre 2006, La Documentation française.

3 () Guy Carcassonne, « Le trouble de la transparence », Pouvoirs, n° 97, p. 23.

4 () Intelligence économique, compétitivité et cohésion sociale. Rapport remis au Premier ministre en juin 2003, La Documentation française, et À armes égales, op. cit.

5 () Rapport d’information n° 1664 de la commission des finances, de l’économie générale et du plan, sur la stratégie de sécurité économique nationale, 9 juin 2004.

6 () TGI Versailles, 18 décembre 2007, 6e ch.. corr., n° 0511965021, L. c/ Valéo, Communication Commerce électronique n° 4, avril 2008, comm. 62, E. A. Caprioli.

7 () TGI Clermont-Ferrand, ch. corr., 21 juin 2010, Droit pénal 2010, comm.. 116, par M. Véron ; Communication Commerce électronique n° 3, mars 2011, comm. 31, E. A. Capprioli ; O. de Maison Rouge, « L’affaire Michelin fera-t-elle jurisprudence en matière d’espionnage industriel ? », IElovepme.com, 5 mai 2010 ; Actes du colloque de la Fondation Prometheus, La protection juridique des informations à caractère économique. Enjeux et perspectives. Assemblée nationale, 18 octobre 2010.

8 () KMPG, Baromètre du vol et de la perte d’information, novembre 2010.

9 () PWC, Tendances et enjeux de la sécurité de l’information, 14e édition, 2 novembre 2011.

10 () Elle a inséré un article 18-7 au sein de la loi n° 47-585 du 2 avril 1947 relative au statut des entreprises de groupage et de distribution des journaux et publications périodiques, dont le second alinéa est ainsi rédigé : « Les résultats d’une consultation sont rendus publics par le Conseil supérieur des messageries de presse, à l’exclusion des informations couvertes par le secret des affaires. »

11 () Le deuxième alinéa du III de cet article dispose que « [L]es conditions de communication à un tiers d’une pièce mettant en jeu le secret des affaires sont définies par le décret en Conseil d’État prévu à l’article 45. »

12 () Cet article a complété le huitième alinéa de l’article 5 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d’orientation des transports intérieurs par trois phrases ainsi rédigées : « Pour l’exercice de ces missions, l’État et les autres personnes publiques précédemment mentionnées ont accès aux informations relatives au trafic ferroviaire et aux données économiques nécessaires à la conduite d’études et de recherches de nature à faciliter la réalisation des objectifs assignés au système de transports. Lorsque la divulgation de ces informations est susceptible de porter atteinte au secret des affaires, leur détenteur peut demander que leur diffusion à ces personnes publiques soit assurée par le ministre chargé des transports. Dans ce cas, celui-ci désigne les services habilités à procéder à cette diffusion, en précise les conditions et modalités garantissant le respect de ce secret et arrête la nature des informations pouvant être rendues publiques. » 

13 () Cette disposition a introduit l’article L. 430-10 dans le code de commerce, qui dispose que : « Lorsqu’ils interrogent des tiers au sujet de l’opération, de ses effets et des engagements proposés par les parties, et rendent publique leur décision dans des conditions fixées par décret, l’Autorité de la concurrence et le ministre chargé de l’économie tiennent compte de l’intérêt légitime des parties qui procèdent à la notification ou des personnes citées à ce que leurs secrets d’affaires ne soient pas divulgués ».

14 () Cet article a ajouté trois alinéas à l’article 134 de la loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle, dont le dernier dispose que : « L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes peut être saisie par les communes ou leurs groupements et les distributeurs de services des difficultés rencontrées pour la mise en conformité mentionnée au premier alinéa. Dans les quatre mois suivant cette saisine, l’autorité peut rendre publiques les conclusions de la médiation, sous réserve du secret des affaires. » 

15 () Cet article a introduit un article L. 5-6 dans le code des postes et des communications électroniques, dont le troisième alinéa prévoit que l’Autorité de régulation des communications et des postes « peut refuser la communication des pièces mettant en jeu le secret des affaires. Ces pièces sont alors retirées du dossier. »

16 () Cet article a complété l’article L. 36-8 du code des postes et des communications électroniques, par l’alinéa suivant : « L’Autorité de régulation des télécommunications peut refuser la communication de pièces mettant en jeu le secret des affaires. Ces pièces sont alors retirées du dossier. » .

17 () Cet article a ainsi rédigé l’article L. 463-4 du code de commerce : « Le président du Conseil de la concurrence, ou un vice-président délégué par lui, peut refuser la communication de pièces mettant en jeu le secret des affaires, sauf dans les cas où la communication ou la consultation de ces documents est nécessaire à la procédure ou à l’exercice des droits des parties. Les pièces considérées sont retirées du dossier ou certaines de leurs mentions sont occultées. ». Depuis, la rédaction de cette disposition a été modifiée par l’ordonnance n° 2004-1173 du 4 novembre 2004 puis par l’ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008.

18 () Articles L. 463-4, L. 430-10, R. 430-7, R. 463-13 à R. 463-15-1, R. 811-48, R. 811-51, R.822-43, R. 822-49, D. 430-8.

19 () Articles L. 534-9 et L. 534-10.

20 () Articles L. 5-6, L. 36-8, R. 1-2-7, R. 20-44-9-10, R. 20-44-9-12, D.98-6 et D. 295.

21 () 2e Civ., 7 janvier 1999, Bull. 1999, II, n° 4 ; 2e Civ., 25 mai 2000, pourvoi n° 97-17.768 ; 2e Civ., 8 février 2006, Bull. 2006, II, n° 44 ; Com., 8 décembre 2009, pourvoi n° 08-21.225. Les mesures d’instruction « in futurum » (ou « à futur ») visent à conserver ou établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, sous réserve de l’existence d’un motif légitime..

22 () Civ. 1ère, 8 décembre 1998, pourvoi n° 96-16508.

23 () Com., 9 juillet 1996, Bull. 1996, IV, n° 214.

24 () Soc., 15 mars 2000, pourvoi n° 98-46096.

25 () CE, Assemblée, 5 mars 2003, Union nationale des services publics industriels et commerciaux et autres, 233372.

26 () CE, 9 mai 2001, Société Chep France, n° 231320 ; CE, 12 octobre 2010, Bouygues Télécom ; Vivendi et SFR, 332393 ; CE, 23 avril 2003, France Télécom, 233063.

27 () CE, 13 février 2006, Société Fiducial Informatique, 279180.

28 () Par ailleurs, l’Autorité de la concurrence a rendu de nombreuses décisions relatives au secret des affaires, dans le cadre de la mise en œuvre du dispositif de protection de ces secrets prévu aux articles L. 463-4 et R. 463-13 à 463-15-1 du code de commerce, mais ces décisions ne sont pas publiées.

29 () Direction des affaires juridiques du ministère de l’Économie, des finances et de l’industrie et CADA, La communication des documents administratifs en matière de marchés publics, 3 juillet 2009.

30 () CE, 27 avril 1983, Zanone.

31 () Crim., 12 janvier 1989, Bull. crim. n° 14 ; Revue de science criminelle, 1990, p. 346, obs. P. Bouzat.

32 () Crim., 1er mars 1989, Bull. crim. n° 100 ; Dalloz 1990, Somm. 330, obs. P. Bouzat.

33 () Crim., 4 mars 2008, n° 07-84.002, Dalloz 2008, p. 2213, obs. S. Detraz.

34 () Voir notamment Ph. Conte, Droit pénal spécial, Litec, 2007, n° 527 ; J. Huet, « Vol de fichiers informatiques », Communication Commerce électronique, n° 12, décembre 2008, étude 25 ; M.-P. Lucas de Layssac, « Vol », Répertoire pénal Dalloz, 2005, n° 35 et s. ; M.-L. Rassat, Droit pénal spécial, Dalloz, 2011, n° 101 et s. ; M. Véron, Droit pénal spécial, Sirey, n° 378.

35 () Crim., 14 novembre 2000, Bull. crim. n° 338, Dalloz 2001, 1423, note de Lamy. La chambre criminelle, rompant avec la jurisprudence antérieure (Crim. 9 mars 1987, JCP, 1988. II. 20913, note Devèze) a jugé que le détournement d’un numéro de carte bancaire et d’une autorisation de prélèvement est constitutif d’un abus de confiance. Il en va de même, par exemple, d’un « projet » établi par un salarié à la demande de son employeur : Crim., 22 septembre 2004, Bull. n° 218.

36 () Crim., 16 novembre 2011, n° 10-87.866.

37 () TGI Clermont-Ferrand, ch. corr., 21 juin 2010, op. cit. p. 4, note 2.

38 () TGI Versailles, 18 décembre 2007, 6e ch. corr., n° 0511965021, L. c/ Valéo, Communication Commerce électronique n° 4, avril 2008, comm. 62, E. A. Caprioli.

39 () « Le recel est le fait de dissimuler, de détenir ou de transmettre une chose, ou de faire office d’intermédiaire afin de la transmettre, en sachant que cette chose provient d’un crime ou d’un délit. »

40 () M.-L. Rassat, Droit pénal spécial, op. cit., n° 227 ; S. Detraz, JCP G, n° 51, 2010, 1273. 

41 () Crim., 3 avril 1995, Bull. crim. n° 142 ; Crim., 12 juin 2007, n° 06.87.361.

42 () « Constitue également un recel le fait, en connaissance de cause, de bénéficier, par tout moyen, du produit d’un crime ou d’un délit. »

43 () Crim., 26 octobre 2005, Bull. crim. n° 326 ; Crim., 20 octobre 2010, n° 09-88.387.

44 () TGI Paris, 12e chambre, 1er juin 2007, O. et Cie c/Trinh Nghia. T. et Trung T., Communication Commerce électronique, n° 3, mars 2008, comm. 46, E. A. Caprioli.

45 () J. L. Capdeville, « Le délit de violation du secret de fabrique », AJ Pénal 2011, p. 459.

46 () T. com. Seine, 28 juin 1873, Ann. Propr. Ind. 1874, p. 181.

47 () Bordeaux, 7 juin 1983, JCP G 1983. II. 20087.

48 () Crim., 10 janvier 1862, Ann. Propr. Indu. 1862, p. 221.

49 () Montpellier, 26 mai 2005, Juris-Data n° 2005-291997.

50 () Crim., 30 décembre 1931, Gaz. Pal. 1932. 1. 333.

51 () Com., 8 janvier 1979, Bull. civ. IV, n° 6 ; CA Paris, 4e ch., 21 juin 1989, RD propr. Ind. 1990, n° 28, p. 52.

52 () Com., 19 décembre 2000, n° 98-22.596 ; CA Paris, 4e ch., 27 septembre 2000, Dalloz 2001, p. 1309, obs. Y. Auguet.

53 () Com., 12 décembre 1995, n° 94-14.003 ; CA Paris, 4e ch., 15 janvier 1997, LPA, 10 avril 1998, p. 13, obs. X. Daverat..

54 () Com., 3 octobre 1978, n° 77-10.915, Bull. civ. IV, n° 28 ; Com., 3 juin 1986, n° 84-16.971, Bull. civ. IV, n° 110.

55 () Voir Lamy Droit économique, 2012, n° 2646 et la jurisprudence citée.

56 () Soc., 30 mars 2005, n° 03-16167 ; Soc., 22 octobre 2008, n° 07-41.792 et 01-42.020.

57 () Rapport n° 1814 de M. Alain Mayoud au nom de la commission de la Production et des échanges de l’Assemblée nationale, 19 juin 1980, p. 26.

58 () Voir D. Barlow, « La loi du 26 juillet 1968 relative à la communication de documents et renseignements d’ordre économique : un état des lieux », JCP Entreprise et affaires, n° 43, 25 octobre 2007, 2330.

59 () Rapport n° 1814 de M. Alain Mayoud, précité, p. 5.

60 () Public Law 107-204, 107th Congress, Act to protect investors by improving the accuracy and reliability of corporate disclosures made pursuant to securities laws, and other purposes, 30 juillet 2002.

61 () N. Meyer Fabre, L’obtention de preuves à l’étranger. Travaux du comité français de droit international privé. Années 2002-2004. Éditions Pédone, 2005 ; rapport n° 1814 de M. Alain Mayoud, précité, p. 10.

62 () Société nationale industrielle aérospatiale v. United States District Court, 482 U.S. 522 (1987).

63 () Adidas (Canada) Ltd v. SS Seatrain Bennington, WL 423 (S.D.N.Y., 30 mai 1984), et In re Vivendi Universal, WL 3378115 (S.D.N.Y., 16 novembre 2006). Contra : In re Perrier Bottled Water Litigation, 138 F.R.D. 348 (D. Conn. 1991).

64 () First American, 154 F.3d (loi britannique), et Remington Prods. Inc. v. N. Am. Philips Corp., 107 F.R.D. 642 (D. Conn. 1985) (loi néerlandaise).

65 () La «  loi du for » est la loi du juge saisi, où se situe l’action.

66 () Queen’s Bench Division, Partenreederi M/S "Heidberg" v. Grosvenor Grain and Feed Company Ltd, 31 mars 1993.

67 () Cass. crim., 12 décembre 2007, MAAF, n° 07-83.228.

68 () M. J. Gottridge, T. Rouhette, « France Puts Some Muscle Behind Its Blocking Statute », New York Law Journal, 29 avril 2008, vol. 239, n° 82.

69 () Strauss v. Crédit Lyonnais, S.A., 249, F.R.D. 429 (Eastern District of New York, 2008).

70 () TGI Nanterre, réf ., 22 décembre 1993, JurisData n° 1993-050136.

71 () CA Versailles, 16 mai 2001, JCP E 2007, 2330.

72 () Cass. 2e Civ., 20 novembre 2003, n° 01-15.633.

73 () T. com. Paris, 20 juillet 2005, Jurisdata n° 2005-288978.

74 () M. Danis, « Sanction de la communication illicite de renseignements à une autorité judiciaire étrangère », JCP E, n° 35, août 2008, 2016.

75 () Question écrite n° 112179, réponse du ministère de la Justice et des libertés publiée au JO AN du 4 octobre 2011, p. 10611.

76 () Question écrite n° 19296, réponse du ministère de la Justice et des libertés publiée au JO Sénat du 6 octobre 2011, p. 2572.

77 () 2e Civ., 7 janvier 1999, Bull. 1999, II, n° 4, pourvoi n° 95-21.934 ; 2e Civ., 25 mai 2000, pourvoi n° 97-17.768 ; 2e Civ., 8 février 2006, Bull. 2006, II, n° 44, pourvoi n° 05-14.198.

78 () 2e Civ., 14 mars 1984 [deux espèces], Bull. 1984, II, n° 49, pourvois n°82-16.076 et 82-16.876 ; Com., 5 janvier 1988, Bull. 1988, IV, n° 7, pourvoi n° 86-15.322.

79 () Mission du Haut responsable chargé de l’intelligence économique, rapport du groupe de travail présidé par M. Claude Mathon, avocat général à la Cour de cassation, La protection du secret des affaires : enjeux et propositions, 17 avril 2009.

80 () Voir, en ce sens, D. de Béchillon, « Principe du contradictoire et protection du secret des affaires », RFDA, nov.-déc. 2011, p. 1107.

81 () CE, 4 juillet 2005, M. X, n° 269177.

82 () Arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne du 14 décembre 2000, Dior e.a., C-300/98 et C-392/98, Rec. p. I-11307, points 44 et 46, et du 13 septembre 2001, Schieving-Nijstad e.a., C-89/99, Rec. p. I-5851, point 53.

83 () Arrêt du 1er juillet 2008, Chronopost et La Poste/UFEX e.a., C-341/06 P et C-342/06 P, Rec. p. I-4777, point 109.

84 () Arrêt de la Cour du 19 mai 1994, SEP/Commission, C-36/92, Rec. p. I-1911, point 36.

85 () CJCE, 13 mars 1985, Pays-Bas et Leeuwarder Papierwarenfabriek BV/Commission, 296 et 318/82, Rec. p. 809, point 28.

86 () Voir, par exemple, ordonnance du Tribunal du 12 juillet 2011, UOP/Commission, T-198/09.

87 () Ordonnance UOP/Commission, précitée, point 22 et la jurisprudence citée.

88 () Voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 13 juillet 2006, Mobistar, C-438/04, Rec. p. I-6675, point 43, et du 14 février 2008, Varec, C-450/06, Rec. p. I-581, point 50.

89 () 18 U.S.C. §§ 1831-1839, Public Law 104-294, 110 Stat. 3488, H.R. 3723.

90 () Rapport n° 104-788 de M. McCollum sur la loi sur l’espionnage économique de 1996, Committe on the Judiciary, Chambre des représentants, 16 septembre 1996, p. 6.

91 () Rapport n° 104-788 de M. McCollum, op. cit., p. 7.

92 () Cité par M. Louis J. Freeh, directeur du FBI, lors de son audition par le Select Committee on Intelligence et le Select Committee on the Judiciary du Sénat américain, le 28 février 1996.

93 () S. 678.

94 () Les informations suivantes proviennent d’une étude réalisée par A. Solansky, « La protection du secret des affaires en Allemagne », Cahiers de droit de l’entreprise, n° 5, septembre 2008, article 49.

95 () Cour constitutionnelle fédérale, 14 mars 2006, Deutsche Telekom AG.

96 () Cour administrative fédérale, 4 janvier 2005 (6 B 59.04).

97 () Les informations suivantes proviennent d’une étude réalisée par M. Kasper, « Le secret des affaires en Autriche », Cahiers de droit de l’entreprise n° 5, septembre 2008, article 47.

98 () Les informations suivantes proviennent d’une étude réalisée par G. Fagnano, « La protection du secret des affaires en Italie », Cahiers de droit de l’entreprise, n° 5, septembre 2008, article 46.

99 () C. cass. italienne, section 1ère, 20 janvier 1992, n° 659.

100 () Intelligence économique, compétitivité et cohésion sociale, rapport remis au Premier ministre en juin 2003, La Documentation française, proposition n° 18, p. 49.

101 () Rapport d’information n° 1664 de M. Bernard Carayon au nom de la commission des Finances, de l’économie générale et du plan, sur la stratégie de sécurité économique nationale, 9 juin 2004, p. 33-34.

102 () Proposition de loi n° 1611 relative à la protection des informations économiques

103 () Proposition de loi n° 1754 relative à la protection des informations économiques.

104 () Proposition de loi n° 3103 relative à la protection des informations économiques.

105 () Mission du Haut responsable chargé de l’intelligence économique, rapport du groupe de travail présidé par M. Claude Mathon, avocat général à la Cour de cassation, La protection du secret des affaires : enjeux et propositions, 17 avril 2009.

106 () 90 % des directeurs des ressources humaines consultés ont répondu « tout à fait d’accord » et 10 % « plutôt d’accord » à la question suivante : « L’introduction d’une protection de type « confidentiel entreprise » répond-elle à un besoin/risque concret identifié dans votre entreprise ? ».

107 () Rapport précité, p. 32.

108 () Intelligence économique, compétitivité et cohésion sociale, rapport remis au Premier ministre en juin 2003, op. cit..

109 () Claude Mathon, « Intelligence économique, secret des affaires et formation des magistrats », L’ENA hors les murs, n° 416, dossier spécial « L’intelligence économique adulte », novembre 2011.

110 () C. Harbulot. La main invisible des puissances. Les Européens face à la guerre économique. Ellipses, 2007.

111 () S’agissant du secret de la défense nationale, la technique de fabrication d’un carburant nouveau a ainsi été considérée comme couverte par le secret de la défense nationale.

112 () Arrêts du Tribunal de l’Union européenne du 18 septembre 1996, Postbank c. Commission, T-353/94, Rec. p. II-921, point 87, et du 8 novembre 2011, Idromacchine e.a./Commission, T-88/09, point 45.

113 () CA Paris, 15 mai 2001, Juris-Data n° 148683.

114 () « La loi pénale est d’interprétation stricte. »

115 () Décisions n° 2003-475 DC du 24 juillet 2003, Loi portant réforme de l’élection des sénateurs, cons. 20 ; n° 2004-500 DC du 29 juillet 2004, Loi organique relative à l’autonomie financière des collectivités territoriales, cons. 13 ; n° 2011-625 DC du 10 mars 2011, Loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, cons. 75.

116 () Dans ce cadre, le motif légitime le plus fréquemment retenu par la jurisprudence est le respect de la vie privée des personnes et le secret professionnel (Civ. 1ère, 21 juillet 1987, Gaz. Pal. 1988. 1. 322, note Renard ; Civ. 2e, 29 mars 1989, D. 1990.45, note Robine ; Civ. 1ère, 6 novembre 1990, D. 1991, 353, note Prévault).

117 () Arrêt de la Cour du 23 mars 1982, Nordsee/Reederei Mond, 102/81, Rec. p. 01095.

118 () Cour suprême, Société nationale industrielle aérospatiale v. United States District Court, 482 U.S. 522 (1987) ; Adidas (Canada) Ltd v. SS Seatrain Bennington, WL 423 (S.D.N.Y., 30 mai 1984), et In re Vivendi Universal, WL 3378115 (S.D.N.Y., 16 novembre 2006)

119 () Queen’s Bench Division, Partenreederi M/S "Heidberg" v. Grosvenor Grain and Feed Company Ltd, 31 mars 1993.

120 () Cass. crim., 12 décembre 2007, MAAF, n° 07-83.228.

121 () Disposition applicable à l’Autorité de contrôle prudentiel.

122 () Disposition applicable à l’Autorité des marchés financiers.

123 () Disposition applicable au Haut conseil du commissariat aux comptes.

124 () Bull. crim. 2003, no 29, pourvois no 01-86.696 et 01-86.685.

125 () Crim., 19 janvier 2010, Bull. crim. 2010, n° 12, pourvoi n° 09-84.408.

126 () Affaire Dupuis c. France, 7 juin 2007, req. n° 1914/02.