N° 4331 - Rapport de M. Élie Aboud sur la proposition de loi , adoptée par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, tendant à modifier la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés (n°4194 rectifié)



N° 4331

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 février 2012.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LA PROPOSITION DE LOI (N° 4194 rect.), ADOPTÉE PAR LE SÉNAT APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE, tendant à modifier la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés,

PAR M. Élie ABOUD,

Député.

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Voir les numéros :

Sénat : 264 rect. (2009-2010), 41, 42 et T.A. 51 (2011-2012).

LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LA COMMISSION DES LOIS 5

INTRODUCTION 7

I.– LONGTEMPS NÉGLIGÉS, LES HARKIS ONT BÉNÉFICIÉ CES DERNIÈRES ANNÉES D’UNE SÉRIE D’INITIATIVES DES POUVOIRS PUBLICS 9

II.– LE DROIT ACTUEL N’OFFRE PAS AUX HARKIS UNE PROTECTION PÉNALE SUFFISANTE 11

III.– LA PROPOSITION DE LOI VISE À SANCTIONNER LES INJURES ET DIFFAMATIONS À L’ENCONTRE DES HARKIS ET AUTRES SUPPLÉTIFS DE L’ARMÉE FRANÇAISE 13

A. LA RÉPRESSION DE L’INJURE ET DE LA DIFFAMATION COMMISES CONTRE LES FORMATIONS SUPPLÉTIVES DE L’ARMÉE FRANÇAISE 14

1. Le texte initial de la proposition de loi 14

2. Le texte issu des travaux du Sénat 14

B. LA POSSIBILITÉ POUR LES ASSOCIATIONS DE DÉFENSE DES INTÉRÊTS ET DE L’HONNEUR DES SUPPLÉTIFS DE SE CONSTITUER PARTIE CIVILE 17

C. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR VOTRE COMMISSION DES LOIS 18

DISCUSSION GÉNÉRALE 21

EXAMEN DE L’ARTICLE UNIQUE 25

Article unique : Sanction de l’injure et de la diffamation publiques contre les membres des formations supplétives de l’armée française 25

Titre 27

TABLEAU COMPARATIF 29

ANNEXE AU TABLEAU COMPARATIF 31

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION 33

LES MODIFICATIONS APPORTÉES
PAR LA COMMISSION DES LOIS

Tout en approuvant le dispositif prévu dans la présente proposition de loi, la commission des Lois est, à l’initiative du rapporteur, revenue sur son insertion dans la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés.

En effet, à la différence de la version initiale de la proposition de loi, le texte adopté par le Sénat le 19 janvier 2012 ne fait plus expressément référence ni aux harkis, ni à l’Algérie, mais s’applique plus largement à l’ensemble des formations supplétives s’étant engagées aux côtés de l’armée française.

La commission des Lois a donc adopté deux amendements de son rapporteur, tendant à supprimer toute référence à la loi de 2005 et, en conséquence, à modifier le titre de la proposition de loi – désormais « relative aux formations supplétives des forces armées ».

MESDAMES, MESSIEURS,

L’année 2012 est celle du cinquantenaire de la fin de la guerre d’Algérie.

Elle doit donc être l’occasion d’exercer notre devoir de mémoire à propos de cette période complexe de notre histoire, sans qu’aucune de ses facettes ne soit oubliée ni éludée. Parmi celles-ci, la tragédie subie par les harkis et par leurs familles mérite de trouver sa juste place.

La présente proposition de loi participe de cette ambition. Due à une initiative de M. Raymond Couderc et de plusieurs de ses collègues sénateurs, adoptée par le Sénat le 19 janvier 2012, cette proposition de loi vise, au-delà même du cas des seuls harkis, à rendre toute leur dignité à l’ensemble des forces supplétives de l’armée française, qui ont souvent été victimes du soutien apporté à notre pays.

À cette fin – et sans naturellement prétendre répondre à l’ensemble des préoccupations soulevées par la situation des supplétifs et de leurs familles –, cette proposition de loi comporte un objet bien déterminé : elle vise à empêcher que les harkis et autres supplétifs puissent être publiquement injuriés ou diffamés sans que, comme cela a trop fréquemment été le cas dans le passé, de tels propos soient pénalement sanctionnés.

I.– LONGTEMPS NÉGLIGÉS, LES HARKIS ONT BÉNÉFICIÉ CES DERNIÈRES ANNÉES D’UNE SÉRIE D’INITIATIVES
DES POUVOIRS PUBLICS

Depuis la fin des années 1980, plusieurs lois successives (1) ont mis en place des mécanismes d’indemnisation, visant à compenser les charges supportées par les anciens membres des forces supplétives et leurs familles, à raison de leur départ d’Algérie et de leur réinstallation en France ou dans un autre État de l’Union européenne.

Dernier texte en date, la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés a procédé à une revalorisation de l’« allocation de reconnaissance » bénéficiant aux anciens membres des formations supplétives et assimilés et à leurs familles. Cette loi permet également de choisir entre un versement en rente ou un versement en capital de l’allocation de reconnaissance.

En outre, le 4 février 2011, le Conseil constitutionnel a, au nom du principe d’égalité, abrogé la condition de nationalité française régissant l’octroi d’une série d’allocations et de rentes attribuées aux harkis, notamment l’allocation de reconnaissance (2).

Plus récemment encore, le 25 janvier 2012, M. Marc Laffineur, secrétaire d’État auprès du ministre de la Défense et des anciens combattants, rappelait devant l’Assemblée nationale que « depuis cinq ans, le Président de la République, le Gouvernement, ont eu à cœur d’œuvrer en faveur des harkis, en concentrant leurs efforts sur la formation et l’insertion professionnelle de leurs enfants (...). Dans le secteur marchand, 5 500 conventions d’emploi, 2 700 aides à la mobilité et 2 400 aides à la création d’entreprise ont été signées pour un coût de 47 millions d’euros. Dans le secteur aidé, les contrats d’accompagnement ont profité à 5 770 enfants de harkis. Un décret de 2009 (3) leur a par ailleurs permis d’accéder aux emplois réservés de la fonction publique (...). Le Gouvernement a poursuivi le dispositif des bourses scolaires et universitaires : 60 000 bourses ont été versées à ce jour pour un montant de 16 millions d’euros. Les orphelins de harkis de nationalité française ont pu bénéficier en 2008 et 2009 d’une allocation de 20 000 euros » (4).

Au-delà des aspects économiques et sociaux, plusieurs initiatives ont permis une reconnaissance morale des sacrifices consentis par les harkis et leurs familles.

D’une part, un décret du 31 mars 2003 a institué, le 25 septembre de chaque année, une « journée nationale d’hommage aux harkis et aux autres membres des formations supplétives » (5). À cette date, une cérémonie se déroule ainsi, à Paris, dans la cour d’honneur de l’hôtel national des Invalides, devant une plaque qui leur est dédiée. Une cérémonie d’hommage est également organisée dans chaque département. L’année dernière, a été publiée au Journal officiel du 23 septembre 2011, une promotion dans l’ordre de la Légion d’honneur, de la médaille militaire et de l’ordre national du Mérite spécialement consacrée aux harkis. Le chef de l’État a ainsi présidé une prise d’armes le 25 septembre dernier, au cours de laquelle il a procédé à la remise de ces décorations.

D’autre part, la loi du 23 février 2005 précitée a officiellement reconnu la tragédie de la guerre d’Algérie et, en son article 1er, alinéa 2, prévu que la Nation « reconnaît les souffrances éprouvées et les sacrifices endurés par les rapatriés, les anciens membres des formations supplétives et assimilés, les disparus et les victimes civiles et militaires des événements liés au processus d’indépendance [notamment de l’Algérie] et leur rend, ainsi qu’à leurs familles, solennellement hommage ». L’article 2 de la même loi dispose que « la Nation associe les rapatriés d’Afrique du Nord, les personnes disparues et les populations civiles victimes de massacres ou d’exactions commis durant la guerre d’Algérie et après le 19 mars 1962 en violation des accords d’Évian, ainsi que les victimes civiles des combats de Tunisie et du Maroc, à l’hommage rendu le 5 décembre aux combattants morts pour la France en Afrique du Nord ».

En application de l’article 3 de la même loi, une Fondation pour la mémoire de la guerre d’Algérie, des combats du Maroc et de Tunisie a été mise en place à compter du 19 octobre 2010 (6). Son objet est de collecter, d’authentifier tous les témoignages, ouvrages ou documents se rapportant – notamment – à la guerre d’Algérie et de les tenir à la disposition des chercheurs, des enseignants, des étudiants ou du grand public.

La loi du 23 février 2005 précitée ambitionnait enfin, par son article 5, de réprimer pénalement certaines atteintes portées aux harkis ou à d’autres anciens membres des formations supplétives. La jurisprudence qui en a découlé depuis lors a, cependant, montré les limites de cette innovation – limites qui justifient l’intervention de la présente proposition de loi.

II.– LE DROIT ACTUEL N’OFFRE PAS AUX HARKIS UNE PROTECTION PÉNALE SUFFISANTE

Depuis quelques années, la jurisprudence du juge répressif a révélé plusieurs lacunes dans la protection pénale des harkis.

Tout d’abord, le 29 janvier 2008, la Cour de cassation a rappelé que l’action visant à réprimer une diffamation publique ou une injure publique commise envers un particulier (7) supposait que puisse être identifiée une victime précise (8). En conséquence, des propos potentiellement diffamatoires visant « 100 000 harkis » ne pouvaient faire l’objet de poursuites déclenchées par trois harkis, dès lors que « les propos en cause ne visaient pas des personnes formant un groupe suffisamment restreint pour qu’un soupçon plane sur chacun de ses membres et leur donne le droit de demander réparation du préjudice résultant de l’infraction dénoncée » (9).

Surtout, dans deux arrêts du 31 mars 2009 (10) – dont l’un relatif aux propos tenus le 11 février 2006 par Georges Frêche, alors président du conseil régional du Languedoc-Roussillon (voir l’encadré ci-après) –, la Cour de cassation a jugé que ni les harkis, ni leurs descendants ne constituaient un groupe de personnes entrant dans l’une des catégories « limitativement énumérées » par l’article 32, alinéa 2, et par l’article 33, alinéa 3, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

En effet, ces deux alinéas sanctionnent, respectivement, la diffamation et l’injure publiques commises « envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ». Or, quelques années auparavant, la jurisprudence judiciaire avait déjà établi que la mise en cause publique de harkis, en l’occurrence qualifiés de « traîtres à la patrie », fustigeait en réalité des « Français musulmans non à raison de leur origine religieuse ou ethnique, mais à raison de leur choix politique au moment de la guerre d’Algérie » (11).

En outre, dans ces deux arrêts du 31 mars 2009, la Cour de cassation ajoute que les harkis ne peuvent engager une poursuite sur le fondement de l’interdiction de toute injure et de toute diffamation posée à l’article 5 de la loi du 23 février 2005 précitée, celle-ci n’étant « assortie d’aucune sanction pénale ».

L’article 5 de cette loi dispose en effet :

« Sont interdites :

– toute injure ou diffamation commise envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur qualité vraie ou supposée de harki, d’ancien membre des formations supplétives ou assimilés ;

– toute apologie des crimes commis contre les harkis et les membres des formations supplétives après les accords d’Évian.

L’État assure le respect de ce principe dans le cadre des lois en vigueur ».

M. Christian Kert, auteur de l’amendement à l’origine de cet article, soulignait devant l’Assemblée nationale, le 11 juin 2004, qu’il répondait à « une revendication de longue date de la population harkie qui nous demande d’inscrire dans la loi la condamnation des allégations injurieuses et propos discriminatoires dont elle est souvent victime ». À propos de cet amendement, le ministre délégué aux Anciens combattants, M. Hamlaoui Mékachéra, ajoutait qu’il était indispensable que « les comportements et les propos attentatoires à [l’honneur des harkis] soient expressément interdits et que ceux qui s’y livreraient en subissent les conséquences prévues par l’article 225-1 du code pénal » (12). Cette dernière référence est toutefois assez surprenante, l’article 225-1 du code pénal sanctionnant, non l’injure, la diffamation ou l’apologie de crimes, mais la discrimination.

En réalité, seule une interprétation extensive du dernier alinéa de l’article 5 de la loi du 23 février 2005, selon lequel « l’État assure le respect de ce principe dans le cadre des lois en vigueur », aurait permis de voir dans cette disposition un renvoi implicite à la sanction des injures et diffamations publiques selon les modalités prévues par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Dans les arrêts de 2009 précités, la Cour de cassation a toutefois préféré s’en tenir à une interprétation stricte de la loi pénale, conformément à l’article 111-4 du code pénal. Dans ces conditions, l’article 5 de la loi du 23 février 2005 constitue aujourd’hui un parfait exemple de ce que Jean Foyer, ancien président de notre commission des Lois, nommait un « neutron législatif ».

Au total, comme l’a souligné le professeur Michel Véron, « les harkis ne peuvent donc porter plainte [pour injure ou diffamation] qu’en qualité de citoyen ordinaire dans la mesure où, au regard de textes de portée générale, il a été porté atteinte à leur honneur ou à leur considération, indépendamment de toute référence à leur origine ou à leur passé » (13). C’est à cet état du droit peu satisfaisant que la présente proposition de loi vise à remédier.

EXTRAIT DE L’ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION DU 31 MARS 2009
(chambre criminelle, n° 07-88021)

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure que Georges Y... a été renvoyé devant la juridiction correctionnelle, sur le fondement des articles 33, alinéa 3, de la loi du 29 juillet 1881, et 5 de la loi du 23 février 2005, pour avoir, le 11 février 2006, tenu les propos suivants à l’égard de représentants de la communauté harkie : "Vous faites partie de ces harkis qui ont vocation à être cocus jusqu’à la fin des temps..." "Vous êtes des sous-hommes ! Vous êtes sans honneur" ;

Attendu que Georges Y... a également été cité directement devant le même tribunal pour injures raciales par trente-sept personnes de la communauté harkie pour les propos suivants : "Vous faites partie des harkis qui ont vocation à être cocus jusqu’à la fin des temps" "Vous êtes des sous-hommes, vous n’avez aucun honneur, dégagez !..." "Allez donc rejoindre vos frères, les gaullistes qui ont laissé massacrer les vôtres, qui ont été égorgés comme des porcs. Allez leur lécher les bottes" ; que les poursuites ont été jointes par les premiers juges qui ont déclaré la prévention établie ;

Attendu que, pour infirmer le jugement, relaxer le prévenu et débouter les parties civiles de leurs demandes, l’arrêt relève, notamment, que l’article 5 de la loi du 23 février 2005, portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés, qui prohibe "toute injure ou diffamation envers une personne ou un groupe de personnes en raison de la qualité vraie ou supposée de harki" a entendu ériger les harkis en groupe protégé par la loi sans toutefois renvoyer aux pénalités prévues par la loi du 29 juillet 1881 ; que les juges en déduisent que les propos litigieux ne tombent pas sous le coup de l’article 33, alinéa 3, de la loi sur la presse ;

Attendu qu’en l’état de ces seuls motifs, la cour d’appel, qui a exactement apprécié le sens et la portée des propos incriminés, a justifié sa décision dès lors que, d’une part, la communauté des harkis ne constitue pas un groupe de personnes entrant dans l’une des catégories limitativement énumérées par l’article 33, alinéa 3, de la loi du 29 juillet 1881, et que, d’autre part, l’interdiction de toute injure envers les harkis posée par l’article 5 de la loi du 23 février 2005 n’est assortie d’aucune sanction pénale ;

D’où il suit que le moyen ne saurait être accueilli (...) [rejet].

III.– LA PROPOSITION DE LOI VISE À SANCTIONNER LES INJURES ET DIFFAMATIONS À L’ENCONTRE DES HARKIS ET AUTRES SUPPLÉTIFS DE L’ARMÉE FRANÇAISE

La présente proposition de loi vise à combler les lacunes de notre droit pénal en matière de protection des harkis et des autres anciens supplétifs de l’armée française. Plus précisément, l’article unique de cette proposition de loi vise, d’une part, à réprimer les injures et diffamations commises envers les supplétifs et, d’autre part, à permettre aux associations œuvrant en leur faveur de se constituer partie civile.

Entre sa version initiale – déposée le 4 février 2010 par M. Raymond Couderc et plusieurs de ses collègues – et le texte finalement adopté par le Sénat le 19 janvier 2012, la proposition de loi a significativement évolué.

Dans sa rédaction initiale, la proposition de loi était conçue comme une « réponse » aux décisions jurisprudentielles précédemment évoquées. Le I du nouvel article 5-1 introduit dans la loi du 23 février 2005 visait donc à ajouter les harkis et les anciens membres des formations supplétives ayant servi en Algérie
– que ces qualités soient vraies ou supposées – parmi les personnes et groupes bénéficiant d’une protection pénale renforcée en cas d’injure ou de diffamations publiques.

Il s’agissait ainsi de soumettre les harkis et les anciens membres des formations supplétives ayant servi en Algérie :

– au deuxième alinéa de l’article 32 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, qui réprime la diffamation publique contre une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée. Ce délit est puni d’un an d’emprisonnement et/ou de 45 000 euros d’amende ;

– au troisième alinéa de l’article 33 de la même loi, qui réprime l’injure publique contre une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée. Ce délit est puni de six mois d’emprisonnement et/ou de 22 500 euros d’amende (14).

Alors que la commission des Lois du Sénat n’avait modifié qu’à la marge les dispositions précitées, la proposition de loi a été totalement réécrite lors de son examen en séance publique, le 19 janvier 2012. Le Sénat a en effet adopté, avec l’avis favorable du Gouvernement, un amendement de M. Raymond Couderc, modifié par un sous-amendement de Mme Sophie Joissains, rapporteur de la commission des Lois, proposant une nouvelle rédaction de l’article unique de la proposition de loi.

Le deuxième alinéa de l’article unique vise à introduire un nouvel article 5-1 dans la loi du 23 février 2005 précitée (15). Le I de cet article 5-1 dispose que, pour l’application de l’article 30 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, « les formations supplétives sont considérées comme faisant partie des forces armées ». Cette assimilation a pour effet d’aligner la répression de l’injure et de la diffamation publiques à l’encontre des formations supplétives sur celle dont bénéficient actuellement les armées.

En effet, l’article 30 de la loi de 1881 punit la diffamation publique envers « les cours, les tribunaux, les armées de terre, de mer ou de l’air, les corps constitués et les administrations publiques » d’une amende de 45 000 euros. Or, en l’état de la jurisprudence, les harkis ne pouvaient bénéficier de ces dispositions, faute pour les supplétifs d’être assimilés à l’armée régulière et faute, « du fait de la disparition des institutions » dont ils dépendaient (16), d’appartenir à un « corps constitué » au sens de l’article 30.

Par ailleurs, le premier alinéa de l’article 33 de la loi de 1881 punit l’injure publique commise « envers les corps ou les personnes désignés par les articles 30 et 31 » de la même loi d’une amende de 12 000 euros. Du fait du renvoi à l’article 30, les membres de formations supplétives bénéficieraient donc également de l’application de cette disposition.

En ciblant les seuls harkis et anciens supplétifs ayant servi en Algérie, le texte adopté par la commission des Lois du Sénat présentait en effet un risque d’atteinte au principe constitutionnel d’égalité devant la loi. Au contraire, le texte adopté en séance publique par le Sénat mentionne les seules « formations supplétives » de l’armée, sans plus comporter :

– ni le terme de « harkis », dans la mesure où les forces supplétives regroupaient non seulement les hommes qui servaient dans les « harkas » proprement dites, mais aussi ceux qui appartenaient aux groupes d’autodéfense, aux éléments de police chargés de la protection des sections administratives spécialisées (« moghazni »), auxquels s’ajoutaient les membres des groupes mobiles de sécurité et les groupes mobiles de protection rurale (17) ;

– ni la référence à l’Algérie, la proposition de loi pouvant ainsi s’appliquer aux formations supplétives ayant, par exemple, servi en Indochine (18).

En outre, suivant en cela la jurisprudence de la Cour de cassation précédemment évoquée (19), il a paru préférable au Sénat d’abandonner le parallélisme entre, d’une part, la protection offerte aux supplétifs et, d’autre part, la protection renforcée prévue dans la loi de 1881 à raison de l’ethnie, de la nation, de la race, de la religion, du sexe, de l’orientation sexuelle ou du handicap. Comme l’a souligné M. Raymond Couderc, « on ne peut en effet comparer ces dispositions, justifiées par la prohibitions des discriminations liées à l’état ou à la religion des personnes, avec la nécessité de protéger les supplétifs en raison du choix qu’ils ont fait de soutenir et de défendre la France » (20).

C’est parce que les harkis et autres supplétifs ont combattu ou se sont engagés pour la France qu’ils méritent d’être spécialement protégés contre les injures et diffamations publiques. Pour la répression de l’injure et de la diffamation publiques, le texte adopté par le Sénat revient donc à considérer les formations supplétives comme une composante à part entière de l’armée française régulière, afin qu’ « il soit mieux rendu compte de la réalité de [leur] engagement militaire » (21).

Votre rapporteur signale d’ailleurs qu’une assimilation identique a été effectuée en 1951 en faveur des résistants durant la Seconde guerre mondiale. L’article 28 de la loi n° 51-18 du 5 janvier 1951 (22) dispose ainsi que « les mouvements et réseaux reconnus de résistance » sont considérés comme faisant partie des armées de terre ou de mer au sens de l’article 30 de la loi de 1881 sur la liberté de la presse. La jurisprudence a précisé que cette protection spéciale pouvait s’étendre à la diffamation commise, non seulement envers un mouvement ou un réseau de résistants pris dans sa globalité, mais aussi envers ses membres, pris individuellement, « lorsqu’ils sont atteints à raison de cette qualité ou des actes de leurs fonctions » (23).

Le II de l’article 5-1 de la loi du 23 février 2005 précitée, introduit par les alinéas 3 à 5 de l’article unique de la proposition de loi, vise à permettre aux associations de défense des intérêts et de l’honneur des supplétifs de se constituer partie civile en cas de diffamation ou d’injure publiques.

À l’heure actuelle, la liste des associations susceptibles, sous certaines conditions, de se constituer partie civile en ce qui concerne plusieurs délits de presse – notamment la diffamation et l’injure – résulte des articles 48-1 à 48-6 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Il s’agit des associations dont l’objet est de :

– défendre la mémoire des esclaves et l’honneur de leurs descendants, de combattre le racisme ou d’assister les victimes de discrimination fondée sur leur origine nationale, ethnique, raciale ou religieuse (article 48-1) ;

– défendre les intérêts moraux et l’honneur de la Résistance ou des déportés (article 48-2) ;

– défendre les intérêts moraux et l’honneur des anciens combattants et victimes de guerre et des morts pour la France (article 48-3) ;

– combattre les violences ou les discriminations fondées sur l’orientation sexuelle ou d’assister les victimes de ces discriminations (article 48-4) ;

– combattre les violences ou les discriminations fondées sur le sexe ou d’assister les victimes de ces discriminations (article 48-5) ;

– combattre les violences ou les discriminations fondées sur le handicap ou d’assister les victimes de ces discriminations (article 48-6).

La loi pénale étant d’interprétation stricte, les associations œuvrant en faveur des harkis n’entrent dans aucune de ces catégories, comme l’a par exemple jugé la Cour de cassation le 1er septembre 2005 (24).

La possibilité pour les associations chargées de défendre les intérêts moraux et l’honneur des harkis d’exercer, en cas d’injure ou de diffamation envers ces derniers, les droits reconnus à la partie civile était prévue dans le texte initial de la présente proposition de loi. Cette disposition avait été complétée par la commission des Lois du Sénat, afin de préciser que « quand l’infraction aura été commise envers des personnes considérées individuellement, l’association ne sera recevable dans son action que si ces personnes ne s’y sont pas formellement opposées ».

L’ensemble du dispositif a cependant été modifié en séance publique, en conséquence de l’adoption de l’amendement précité de M. Raymond Couderc, sous-amendé par le rapporteur, Mme Sophie Joissains. La rédaction finalement retenue s’inspire très directement de celle de l’article 48-3 de la loi de 1881, relatif aux associations de défense des anciens combattants et victimes de guerre et des morts pour la France.

Ainsi, toute association, régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, qui se propose par ses statuts de défendre les intérêts moraux et l’honneur de personnes ou de groupes de personnes faisant ou ayant fait partie de formations supplétives de l’armée pourra désormais exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les délits de diffamation et d’injure prévus respectivement à l’article 30 et au premier alinéa de l’article 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, lorsque ces délits ont causé un préjudice direct ou indirect à la mission que l’association remplit.

À l’instar de l’actuel article 48-3 de la même loi, il est par ailleurs précisé :

– que la mise en mouvement de l’action publique ne suppose aucune autorisation administrative préalable. Ne sont ainsi pas applicables les dispositions du 1° de l’article 48, selon lequel « dans le cas d’injure ou de diffamation envers les cours, tribunaux et autres corps indiqués en l’article 30, la poursuite n’aura lieu que sur une délibération prise par eux en assemblée générale et requérant les poursuites, ou, si le corps n’a pas d’assemblée générale, sur la plainte du chef du corps ou du ministre duquel ce corps relève » ;

– qu’en cas de diffamation ou d’injure commises envers des personnes considérées individuellement, l’association n’est recevable dans son action que si elle justifie avoir reçu l’accord de ces personnes ou de leurs ayants droit.

Tout en approuvant pleinement le dispositif prévu dans la présente proposition de loi, votre Commission est, à l’initiative de son rapporteur, revenue sur son insertion dans la loi du 23 février 2005 relative aux rapatriés – conformément d’ailleurs à la version initiale de l’amendement déposé au Sénat par M. Raymond Couderc en vue de la séance publique du 19 janvier dernier.

En effet, le texte finalement adopté par le Sénat ne faisant plus directement référence aux harkis ou à l’Algérie, pour s’appliquer à l’ensemble des forces supplétives ayant combattu aux côtés de l’armée française, son rattachement à la loi du 23 février 2005 ne se justifie plus.

C’est pourquoi, votre Commission a adopté deux amendements de son rapporteur, tendant à supprimer toute référence à la loi de 2005 et, en conséquence, à modifier le titre de la proposition de loi – désormais relative aux formations supplétives des forces armées.

*

* *

DISCUSSION GÉNÉRALE

Au cours de sa séance du mercredi 8 février 2012, la Commission procède à l’examen sur le rapport de M. Élie Aboud de la proposition de loi, adoptée par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, tendant à modifier la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés (n° 4194 rectifié).

Après l’exposé du rapporteur, une discussion générale s’engage.

M. Bernard Derosier. On l’a bien compris, l’initiative de notre collègue sénateur Couderc est une réponse aux propos tenus en 2006 par Georges Frêche.

M. le rapporteur. J’ai évité de le nommer.

M. Bernard Derosier. Pour ma part, j’hésite d’autant moins à le faire que les députés socialistes, à l’époque, avaient exprimé leur désapprobation.

Il est vrai qu’il y a deux ans, M. Couderc conduisait la liste d’opposition à Georges Frêche, ce qui pouvait représenter une motivation supplémentaire pour déposer cette proposition de loi. Et compte tenu du moment où elle est examinée – quelques jours avant la fin de la session parlementaire, et à la veille d’une élection présidentielle qui plonge nos collègues de la majorité dans une véritable angoisse existentielle –, on peut parler de texte d’opportunité.

Mais c’est aussi un texte qui se justifie, et c’est pourquoi les sénateurs, après quelques modifications, l’ont adopté à l’unanimité.

Nous nous préparions nous-mêmes à le voter en termes identiques, de façon à le rendre définitif. Or notre rapporteur a déposé deux amendements, ouvrant la voie à une navette parlementaire. N’est-ce pas faire peser un risque sur l’adoption de la proposition de loi ? Quand pouvons-nous espérer une adoption définitive ?

Par ailleurs, je rappelle que les harkis et fils de harkis sont confrontés à bien d’autres problèmes qu’il conviendrait sans doute d’évoquer aussi.

Mme Brigitte Barèges. La France a reconnu les militaires qui ont versé leur sang pour elle, ainsi que ceux qui, aux heures les plus sombres de son histoire, se sont engagés dans la Résistance. Mais elle n’a pas reconnu les forces supplétives, qui ont pourtant joué un rôle indispensable. Il était donc temps que les harkis, en particulier, se voient reconnaître le même statut que les forces armées.

Par ailleurs, après la polémique déclenchée par les propos de Georges Frêche, traitant les harkis de « sous-hommes », la chambre criminelle de la Cour de cassation avait jugé l’infraction non punissable, au nom d’un principe constant du droit pénal : nullum crimen sine lege, on ne peut incriminer sans texte de loi.

Cette proposition a donc l’intérêt de combler un vide juridique, en qualifiant pénalement les injures portées à l’égard des forces supplétives. Cela étant, le mot « harki » ne figure pas dans le texte, ce qui me paraît regrettable. Si nous voulons éviter un nouvel écueil sur le plan pénal, la loi doit se montrer plus précise.

M. Éric Diard. Je me félicite de cette initiative destinée, en effet, à combler un vide juridique. Il était temps d’assimiler les forces supplétives à l’armée régulière : en attendant aussi longtemps pour exprimer une telle reconnaissance, la droite comme la gauche ont manqué à leurs devoirs.

Par ailleurs, je tiens à rappeler que lors de l’affaire Georges Frêche, des harkis avaient planté une tente devant le siège du Parti socialiste, rue de Solférino. Ils y sont restés plusieurs mois, de jour comme de nuit, pendant l’hiver, sans jamais y être reçus.

Mme Maryse Joissains-Masini. Seul un vide juridique a permis à Georges Frêche d’échapper à une condamnation. Aucun parlementaire, en effet, n’aurait pu prévoir la décision de la Cour de cassation du 31 mars 2009 lorsque la loi du 23 février 2005 a été adoptée.

Il est vrai que cette proposition de loi aurait pu être examinée plus tôt, mais l’essentiel est que nous l’adoptions dans l’enthousiasme.

Récemment, une jeune fille scolarisée dans un collège d’Aix-en-Provence a été maltraitée par des personnes originaires de l’autre rive de la Méditerranée et qualifiée de « traître » parce qu’elle est fille de harkis. De tels faits sont une réalité, et il est temps d’y mettre fin.

Après l’avoir examinée sur le rapport de Sophie Joissains, le Sénat a adopté cette proposition de loi à la quasi-unanimité. Il serait dommage que l’Assemblée nationale n’en fasse pas autant.

M. Christian Vanneste. Je me réjouis de voir M. Derosier prendre de la distance à l’égard des déclarations insupportables et inexcusables de Georges Frêche. Mais je constate qu’une fois de plus, il fait un procès d’intention à la majorité en lui prêtant des intentions électoralistes. Dès 2005, en dehors de toute préoccupation électorale, j’avais rappelé dans un texte la place éminente des troupes issues de l’outre-mer dans l’armée française. La proposition de loi que nous examinons est le prolongement de cette réflexion : si elle est adoptée, une injure proférée à l’encontre des harkis sera considérée comme une injure faite à des membres de l’armée française.

Les harkis se sont vus dénier ce titre pendant cinquante ans. Aujourd’hui, ils ont le droit d’être considérés non seulement comme des Français à part entière, mais comme des Français particulièrement honorables, étant Français par le sang versé. C’est pourquoi le retard pris pour leur adresser notre reconnaissance doit être compensé par une très grande sévérité de la justice. Il est regrettable qu’elle ne puisse aujourd’hui punir ceux qui se permettent d’insulter ces personnes, qui ont souffert plus que d’autres et ont un titre plus grand que d’autres à la possession de la nationalité française.

M. Michel Hunault. Cette proposition de loi fait l’unanimité. Mais notre collègue Derosier pose une vraie question : si elle est modifiée par des amendements, serons-nous en mesure de l’adopter définitivement avant la fin de la législature ?

M. Philippe Gosselin. La France a une dette envers ceux qui ont fait le choix de notre pays et ont risqué ainsi leur vie à un moment particulièrement difficile. Après cinquante ans, il n’est que temps de payer cette dette, et cette proposition de loi en est un moyen. Elle est aussi une façon de rendre leur honneur à ceux qui, comme l’a dit M. Vanneste, sont Français par le sang versé – la plus belle façon d’acquérir, non seulement la reconnaissance de la Nation, mais aussi la nationalité.

M. Noël Mamère. Il paraît difficile de nier le caractère électoraliste de cette proposition de loi : elle est examinée à un moment précis et est destinée à attirer une partie de l’électorat.

Par ailleurs, je trouve dangereux d’affirmer que les harkis seraient plus français que d’autres et qu’ils le seraient devenus par le sang.

M. Philippe Gosselin. Le sang versé ! C’est la façon la plus éclatante de tout donner à son pays !

M. Noël Mamère. Traditionnellement, dans notre pays, le sol prime sur le sang en matière de nationalité.

Certains jeunes gens, dont les parents n’ont pas versé leur sang pour la France, mais pour l’indépendance de leur pays, …

M. Philippe Gosselin. Vous ne pouvez pas les mettre sur le même plan : les premiers ont fait le choix courageux de la France !

M. Noël Mamère. …ont énormément de difficultés à se faire reconnaître comme Français, alors qu’ils sont nés sur notre sol et ont la nationalité française. Je le rappelle aux membres de la commission des Lois : on acquiert la citoyenneté par le sol, non par le sang.

M. Olivier Dussopt. Les propos de Bernard Derosier, que les députés socialistes partagent sans réserve, allaient dans le sens d’un vote unanime et apaisé. Je regrette donc de voir d’autres intervenants relancer le débat sur certains sujets – comme celui de la nationalité – éloignés du cœur de la proposition de loi, dont l’objectif est la réparation.

Le caractère vif de certains propos rappelle combien il peut être dangereux de légiférer sur les questions de mémoire. Heureusement, tel n’est pas le cas aujourd’hui.

Enfin, au-delà des supplétifs de l’armée française, qui ont servi notamment en Afrique du Nord au moment de la décolonisation, nous devons rendre le même hommage à tous ceux que la France a fait venir en métropole ou en Europe pour y combattre – comme les tirailleurs sénégalais – et qui sont parfois morts sur un continent qui n’était pas le leur.

Mme Valérie Boyer. N’étant pas membre de cette commission, je ne pourrai pas prendre part au vote, mais je tiens à apporter mon soutien à cette proposition de loi, et pas seulement en tant que fille de rapatriés ou en tant qu’élue de Marseille.

L’adoption de ce texte permettra en effet de réparer l’injustice commise à l’égard de personnes qui ont consacré leur sang, leur honneur, leur engagement, leur courage, leur fidélité à la France, et qui continuent à le faire en dépit d’une douloureuse histoire. Cette proposition de loi nous grandit autant qu’elle contribue à laver leur honneur : nous pouvons donc en être fiers.

M. le rapporteur. Je constate que ce texte fait l’unanimité. Les divergences exprimées concernent des questions certes importantes – la nationalité, la citoyenneté –, mais qui ne sont pas à l’ordre du jour.

Je répondrai à M. Derosier que la correction technique proposée par mes amendements devrait être facilement acceptée par le Sénat. Je vous le promets : le texte sera adopté définitivement avant la fin de la session.

Mme Barèges a regretté l’absence du mot « harki » dans le texte de l’article unique, mais c’est à la demande d’associations défendant les harkis elles-mêmes que l’expression « formations supplétives de l’armée » a été préférée. Il s’agit de respecter le principe de généralité de la norme législative et d’éviter toute inégalité devant la loi.

La Commission en vient à l’examen de l’article unique de la proposition de loi.

EXAMEN DE L’ARTICLE UNIQUE

Article unique

Sanction de l’injure et de la diffamation publiques contre les membres des formations supplétives de l’armée française

Dans sa rédaction issue des travaux du Sénat en séance publique le 19 janvier 2012 (25), cet article vise, d’une part, à réprimer pénalement l’injure et la diffamation publiques envers les membres des formations supplétives de l’armée française et, d’autre part, à permettre aux associations de défense de ces derniers d’exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne ces deux infractions.

Tel que voté au Sénat, ce dispositif constituait un nouvel article 5-1 inséré dans la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés. Toutefois, sur proposition de votre rapporteur, votre Commission a supprimé cette insertion dans la loi de 2005, préférant y substituer un dispositif législatif autonome (26).

● Le du présent article prévoit que, pour l’application de l’article 30 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, les formations supplétives sont considérées comme faisant partie des forces armées.

Cette assimilation a pour effet, d’une part, de rendre pénalement répréhensible la diffamation publique à l’encontre des membres des formations supplétives. En effet, l’article 30 précité dispose que « la diffamation commise par l’un des moyens énoncés en l’article 23 envers les cours, les tribunaux, les armées de terre, de mer ou de l’air, les corps constitués et les administrations publiques, sera punie d’une amende de 45 000 euros ».

Votre rapporteur rappelle que la diffamation est définie, à l’article 29 de la loi de 1881 sur la liberté de la presse, comme « toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé ». En application de l’article 23 de la même loi, la diffamation est considérée comme publique et, dès lors, réprimée par cette même loi (27), lorsqu’elle résulte :

– de discours, de cris ou de menaces proférés dans des lieux ou réunions publics ;

– d’écrits, d’imprimés, de dessins, de gravures, de peintures, d’emblèmes, d’images ou de tout autre support de l’écrit, de la parole ou de l’image vendus ou distribués, mis en vente ou exposés dans des lieux ou réunions publics ;

– de placards ou d’affiches exposés au regard du public ;

– de tout moyen de communication au public par voie électronique.

L’assimilation des forces supplétives à l’armée régulière a, d’autre part, pour conséquence de rendre punissable l’injure publique commise à leur encontre. En effet, le premier alinéa de l’article 33 de la loi de 1881 dispose que l’injure commise, par les mêmes moyens que ceux prévus à l’article 23 (28), envers les corps ou les personnes désignés par les articles 30 et 31, est punie d’une amende de 12 000 euros.

L’injure est définie, à l’article 29 de la même loi, comme « toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait ».

En dehors de ces deux infractions désormais susceptibles de s’appliquer aux harkis et autres membres des formations supplétives visés en tant que groupe, votre rapporteur souligne que la présente proposition de loi laissera subsister la possibilité pour les anciens supplétifs d’exercer une action en diffamation ou injure publiques en tant que simples particuliers, sur le fondement du premier alinéa de l’article 32 et du deuxième alinéa de l’article 33 de la loi de 1881 – délits punis, dans les deux cas, de 12 000 euros d’amende. Toutefois, ainsi qu’on l’a déjà signalé, une telle action suppose que la victime de l’infraction puisse être précisément identifiée ou, à tout le moins, qu’elle appartienne à un groupe suffisamment restreint pour que chacun de ses membres puisse se sentir visé par la diffamation ou l’injure.

● Le II du présent article vise à permettre aux associations de défense des anciens supplétifs de se constituer partie civile en cas de diffamation ou d’injure publiques.

La rédaction retenue reprend celle de l’actuel article 48-3 de la loi de 1881 sur la liberté de la presse, qui concerne les associations de défense des anciens combattants et victimes de guerre et des morts pour la France.

En conséquence, toute association, régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, qui se propose par ses statuts de défendre les intérêts moraux et l’honneur de personnes ou de groupes de personnes faisant ou ayant fait partie de formations supplétives de l’armée pourra exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les délits de diffamation et d’injure prévus, respectivement, à l’article 30 et au premier alinéa de l’article 33 de la loi de 1881, lorsque ces délits ont causé un préjudice direct ou indirect à la mission que l’association remplit.

Aucune autorisation administrative préalable n’est nécessaire (29). En revanche, lorsque la diffamation ou l’injure vise « des personnes considérées individuellement », l’action de l’association n’est recevable qu’à la condition d’avoir reçu l’accord de ces personnes ou de leurs ayants droit.

● Enfin, votre rapporteur signale que, pour l’application du nouveau dispositif inséré par le présent article, le délai de prescription de l’action publique et de l’action civile est de trois mois, à compter du premier acte de publication de l’injure ou de la diffamation – conformément à l’article 65 de la loi de 1881 précitée.

*

* *

La Commission adopte l’amendement CL 2 du rapporteur.

Elle adopte ensuite l’article unique modifié.

Titre

La Commission examine l’amendement CL 1 du rapporteur.

M. le rapporteur. En conséquence de l’adoption de l’article unique modifié, je propose d’intituler le texte : « Proposition de loi relative aux formations supplétives des forces armées ».

La Commission adopte l’amendement.

Elle adopte ensuite, à l’unanimité des votants et après que M. Noël
Mamère a fait connaître son abstention, l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

*

* *

En conséquence, la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter la proposition de loi relative aux formations supplétives des forces armées, dans le texte figurant dans le document joint au présent rapport.

TABLEAU COMPARATIF

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Texte en vigueur

___

Texte adopté par le Sénat

___

Texte adopté par la Commission

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Proposition de loi tendant à modifier la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés

Proposition de loi relative aux formations supplétives des forces armées

(amendement CL1)

 

Article unique

Article unique

Loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse

Après l’article 5 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés, il est inséré un article 5-1 ainsi rédigé :

Alinéa supprimé

Art. 30. – Cf. annexe.

« Art. 5-1. – I. – Pour l’application de l’article 30 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, les formations supplétives sont considérées comme faisant partie des forces armées.

I. – Pour …

(amendement CL2)

 

« II. – Toute association, régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, qui se propose par ses statuts de défendre les intérêts moraux et l’honneur de personnes ou de groupes de personnes faisant ou ayant fait partie de formations supplétives de l’armée peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les délits de diffamation ou d’injure prévus par la loi précitée qui ont causé un préjudice direct ou indirect à la mission qu’elle remplit.

(Alinéa sans modification)

Art. 30, 33 et 48. – Cf. annexe.

« En cas de diffamation ou d’injure prévues par l’article 30 et le premier alinéa de l’article 33 de la même loi, les dispositions du 1° de l’article 48 de cette loi ne sont pas applicables.

(Alinéa sans modification)

 

« En cas de diffamation ou d’injure commises envers des personnes considérées individuellement, l’association n’est recevable dans son action que si elle justifie avoir reçu l’accord de ces personnes ou de leurs ayants droit. »

(Alinéa sans modification)

ANNEXE AU TABLEAU COMPARATIF

Loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse

Art. 30. – La diffamation commise par l’un des moyens énoncés en l’article 23 envers les cours, les tribunaux, les armées de terre, de mer ou de l’air, les corps constitués et les administrations publiques, sera punie d’une amende de 45 000 €.

Art. 33. – L’injure commise par les mêmes moyens envers les corps ou les personnes désignés par les articles 30 et 31 de la présente loi sera punie d’une amende de 12 000 €.

L’injure commise de la même manière envers les particuliers, lorsqu’elle n’aura pas été précédée de provocations, sera punie d’une amende de 12 000 €.

Sera punie de six mois d’emprisonnement et de 22 500 € d’amende l’injure commise, dans les conditions prévues à l’alinéa précédent, envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.

Sera punie des peines prévues à l’alinéa précédent l’injure commise dans les mêmes conditions envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou de leur handicap.

En cas de condamnation pour l’un des faits prévus par les deux alinéas précédents, le tribunal pourra en outre ordonner :

1° L’affichage ou la diffusion de la décision prononcée dans les conditions prévues par l’article 131-35 du code pénal.

Art. 48. – 1° Dans le cas d’injure ou de diffamation envers les cours, tribunaux et autres corps indiqués en l’article 30, la poursuite n’aura lieu que sur une délibération prise par eux en assemblée générale et requérant les poursuites, ou, si le corps n’a pas d’assemblée générale, sur la plainte du chef du corps ou du ministre duquel ce corps relève ;

bis Dans les cas d’injure et de diffamation envers un membre du Gouvernement, la poursuite aura lieu sur sa demande adressée au ministre de la justice ;

2° Dans le cas d’injure ou de diffamation envers un ou plusieurs membres de l’une ou de l’autre Chambre, la poursuite n’aura lieu que sur la plainte de la personne ou des personnes intéressées ;

3° Dans le cas d’injure ou de diffamation envers les fonctionnaires publics, les dépositaires ou agents de l’autorité publique autres que les ministres et envers les citoyens chargés d’un service ou d’un mandat public, la poursuite aura lieu, soit sur leur plainte, soit d’office sur la plainte du ministre dont ils relèvent ;

4° Dans le cas de diffamation envers un juré ou un témoin, délit prévu par l’article 31, la poursuite n’aura lieu que sur la plainte du juré ou du témoin qui se prétendra diffamé ;

5° Dans le cas d’offense envers les chefs d’État ou d’outrage envers les agents diplomatiques étrangers, la poursuite aura lieu sur leur demande adressée au ministre des affaires étrangères et par celui-ci au ministre de la justice ;

6° Dans le cas de diffamation envers les particuliers prévu par l’article 32 et dans le cas d’injure prévu par l’article 33, paragraphe 2, la poursuite n’aura lieu que sur la plainte de la personne diffamée ou injuriée. Toutefois, la poursuite, pourra être exercée d’office par le ministère public lorsque la diffamation ou l’injure aura été commise envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée. La poursuite pourra également être exercée d’office par le ministère public lorsque la diffamation ou l’injure aura été commise envers un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou de leur handicap ; il en sera de même lorsque ces diffamations ou injures auront été commises envers des personnes considérées individuellement, à la condition que celles-ci aient donné leur accord ;

7° Dans le cas de diffusion de l’image d’une personne menottée ou entravée prévue par l’article 35 ter, la poursuite n’aura lieu que sur la plainte de la personne intéressée ;

8° Dans le cas d’atteinte à la dignité de la victime prévue par l’article 35 quater, la poursuite n’aura lieu que sur la plainte de la victime.

En outre, dans les cas prévus par les 2°, 3°, 4°, 5°, 6°, 7° et 8° ci-dessus, ainsi que dans les cas prévus aux articles 13 et 39 quinquies de la présente loi, la poursuite pourra être exercée à la requête de la partie lésée.

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

Amendement CL1 présenté par M. Aboud, rapporteur :

Titre

Rédiger ainsi le titre de la proposition de loi :

« Proposition de loi relative aux formations supplétives des forces armées. »

Amendement CL2 présenté par M. Aboud, rapporteur :

Article unique

I. – Supprimer l’alinéa 1.

II. – Au début de l’alinéa 2, supprimer la référence : « Art. 5-1 ».

© Assemblée nationale

1 () Loi n° 87-549 du 16 juillet 1987 relative au règlement de l’indemnisation des rapatriés ; loi n° 94-488 du 11 juin 1994 relative aux rapatriés anciens membres des formations supplétives et assimilés ou victimes de la captivité en Algérie ; loi de finances rectificative pour 1999 n° 99-1173 du 30 décembre 1999 ; loi de finances rectificative pour 2002 n° 2002-1576 du 30 décembre 2002 ; loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés.

2 () Conseil constitutionnel, décision n° 2010-93 QPC du 4 février 2011, Comité Harkis et Vérité

3 () Il s’agit du décret n° 2009-629 du 5 juin 2009 relatif aux emplois réservés et au contentieux des soins gratuits, mettant en œuvre la loi n° 2008-492 du 26 mai 2008 relative aux emplois réservés et portant dispositions diverses relatives à la défense.

4 () Débats Assemblée nationale, séance du 25 janvier 2012.

5 () Décret du 31 mars 2003 instituant une journée nationale d’hommage aux harkis et autres membres des formations supplétives.

6 () Fondation reconnue d’utilité publique par un décret du 3 août 2010.

7 () Action fondée sur le premier alinéa de l’article 32 (diffamation) ou le deuxième alinéa de l’article 33 (injure) de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, dans les conditions prévues au 6° de l’article 48 de la même loi.

8 () Sur la caractérisation de la publicité de l’injure ou de la diffamation, voir infra le commentaire de l’article unique de la présente proposition de loi.

9 () Cour de cassation, chambre criminelle, 29 janvier 2008, n° 06-86.474.

10 () Cour de cassation, chambre criminelle, 31 mars 2009, n° 07-86.892 et n° 07-88.021. Cette jurisprudence a été réaffirmée par la chambre criminelle dans un arrêt du 23 juin 2009, n° 08-85.651.

11 () Cour de cassation, chambre criminelle, 12 septembre 2000, n° 99-82.281. Une telle interprétation a pu être critiquée : pour le professeur Jean-Christophe Saint-Pau, « s’il est (...) certain que cette communauté [des harkis] se caractérise par un choix politique, il reste que ce choix fut exprimé par des personnes de la même "origine" et qu’il se traduisit par "l’appartenance" à la France et "la non-appartenance" à l’Algérie, c’est-à-dire à une "nation" » (« L’injure raciale envers un groupe de harkis n’est pas punissable », Revue juridique Personnes et Famille, juin 2009, n° 6, p. 16).

12 () Débats Assemblée nationale, deuxième séance du 11 juin 2004.

13 () « Diffamation ou injure à l’encontre des harkis », revue Droit pénal, juin 2009, n° 6, comm. 77.

14 () En matière de diffamation comme d’injure, les mêmes peines sont prévues lorsque sont visés des personnes ou des groupes de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou de leur handicap (troisième alinéa de l’article 32 et quatrième alinéa de l’article 33 de la même loi).

15 () Cette insertion du nouveau dispositif dans la loi du 23 février 2005 résulte du sous-amendement précité de Mme Sophie Joissains.

16 () Cour d’appel de Montpellier, 3e chambre, 23 mars 2006, arrêt implicitement confirmé sur ce point par la Cour de cassation, chambre criminelle, 29 janvier 2008, n° 06-86.874.

17 () Les forces supplétives comptaient « les harkas, formations composées de journaliers, équipées par l’armée et encadrées par un officier militaire français, qui sont les plus connues et dont a été tirée l’appellation générale de "harkis". Pendant les années les plus dures de la guerre, ces harkas comptaient environ 60 000 hommes. Mais les formations supplétives étaient également composées des groupes d’autodéfense, composées de 62 000 hommes bénévoles en juillet 1961, ou encore des groupes mobiles de police rurale (GMPR devenus groupes mobiles de sécurité), de statut civil mais d’organisation militaire, dont l’objet était surtout la protection des zones rurales et forestières. En 1962, les effectifs de ces derniers, appelés "goumiers", s’élevaient à 3 400 hommes environ. Enfin, et pour ne citer que les formations les plus importantes, on peut mentionner les 20 000 moghaznis, éléments de police chargés de la protection des sections administratives spécialisées. Au total, les forces supplétives comptaient de 150 000 à 160 000 hommes le 19 mars 1962, date du cessez-le-feu, selon le rapport à l’ONU du contrôleur général aux armées » (Mme Claire Landais, commissaire du gouvernement, conclusions sur CE, 30 mai 2007, Union nationale laïque des anciens supplétifs, AJDA, 2007, p. 1408).

18 () On comptait environ 50 000 supplétifs à la fin de la guerre d’Indochine, en 1954.

19 () Cour de cassation, chambre criminelle, 12 septembre 2000, n° 99-82.281 (voir supra, II).

20 () Selon l’exposé de l’objet de l’amendement adopté en séance publique le 19 janvier 2012.

21 () M. Raymond Couderc, Débats Sénat, séance du 19 janvier 2012.

22 () Loi portant amnistie, instituant un régime de libération anticipée, limitant les effets de la dégradation nationale et réprimant les activités antinationales.

23 () Cour de cassation, chambre criminelle, 27 juin 2000, n° 99-81.622 : « il résulte des dispositions combinées des articles 28 de la loi du 5 janvier 1951, 30 et 31 de la loi du 29 juillet 1881 que d’une part, la protection contre les diffamations prévues par ces derniers textes est accordée à certains mouvements reconnus de la Résistance assimilés à l’armée régulière et que d’autre part, cette protection s’étend aux chefs et aux membres de ces formations lorsqu’ils sont atteints à raison de cette qualité ou des actes de leurs fonctions » (voir également, dans le même sens : Cour de cassation, chambre criminelle, 4 octobre 1989, n° 88-83.363). À la différence de l’article 30, qui concerne des organismes, l’article 31 de la loi de 1881 réprime la diffamation publique commise envers certaines personnes physiques : « sera punie de la même peine, la diffamation commise par les mêmes moyens, à raison de leurs fonctions ou de leur qualité, envers un ou plusieurs membres du ministère, un ou plusieurs membres de l’une ou de l’autre Chambre, un fonctionnaire public, un dépositaire ou agent de l’autorité publique, un ministre de l’un des cultes salariés par l’État, un citoyen chargé d’un service ou d’un mandat public temporaire ou permanent, un juré ou un témoin, à raison de sa déposition ».

24 () Cour de cassation, chambre criminelle, 1er septembre 2005, n° 04-86.757 : l’association « Générations Mémoire Harkis » ne saurait mettre en mouvement l’action publique du chef d’apologie des crimes de guerre dès lors qu’en vertu des dispositions combinées de l’article 48-2 de la loi de 1881 précitée et 2-5 du code de procédure pénale, seule une association se proposant, par ses statuts, de défendre les intérêts moraux et l’honneur de la Résistance et des déportés peut intenter une telle action.

25 () Sur la version initiale de la proposition de loi, voir supra, III, A, 1.

26 () Voir supra, III, C.

27 () Par opposition à la diffamation non publique, prévue à l’article R. 621-1 du code pénal.

28 () Par opposition à l’injure non publique, prévue à l’article R. 621-2 du code pénal.

29 () Ne sont ainsi pas applicables les dispositions du 1° de l’article 48, selon lequel « dans le cas d’injure ou de diffamation envers les cours, tribunaux et autres corps indiqués en l’article 30, la poursuite n’aura lieu que sur une délibération prise par eux en assemblée générale et requérant les poursuites, ou, si le corps n’a pas d’assemblée générale, sur la plainte du chef du corps ou du ministre duquel ce corps relève ».