N° 253 tome IV - Avis de M. David Habib sur le projet de loi de finances pour 2013 (n°235)



N
° 253

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 octobre 2012

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES SUR LE PROJET DE
loi de finances pour 2013
(n° 235),

TOME IV

ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT ET AMÉNAGEMENT DURABLES

ÉNERGIE

PAR M. David HABIB,

Député.

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Voir le numéro : 251 (annexes 13 et 15)

SOMMAIRE

___

Pages

I.— PRÉSENTATION DES CRÉDITS BUDGÉTAIRES DE L’ÉNERGIE 5

II.— L’IMPACT DU PRIX DE L’ÉNERGIE SUR LA COMPÉTITIVITÉ DES ENTREPRISES 7

A.— INTRODUCTION : COMMENT LE PRIX DE L’ÉNERGIE EST-IL INTÉGRÉ PAR LES ENTREPRISES ? 7

B.— LE PRIX DE L’ÉNERGIE EST, DANS L’ENSEMBLE, UN FACTEUR PLUTÔT FAVORABLE À LA FRANCE. 8

1. Le prix du gaz naturel : compétitif par rapport aux autres pays européens mais beaucoup plus élevé que le prix du gaz américain. 8

2. Le prix de l’électricité : un facteur favorable au « site France ». 9

C.— LES PERSPECTIVES D’ÉVOLUTION DU PRIX DE L’ÉNERGIE METTENT EN DIFFICULTÉ CERTAINS SECTEURS INDUSTRIELS 10

1. Les difficultés rencontrées par les industries utilisant le gaz naturel comme matière première posent la question de l’exploitation du gaz de schiste sur le sol français. 11

2. Plusieurs phénomènes jettent le doute sur la préservation de l’avantage historique sur le prix de l’électricité. 12

a) Les entreprises portent un message unanime : l’ouverture des marchés et l’évolution incertaine du mix énergétique français accroissent l’incertitude sur l’évolution du prix de l’électricité. 12

b) En comparaison, l’Allemagne assortit ses décisions de développement des énergies renouvelables de mesures de compensations pour l’industrie 13

c) Dans le même temps, les instruments qui permettraient aux électro-intensifs français de se couvrir contre les risques d’évolution brusque des prix sont de moins en moins adaptés. 14

III.— LE MARCHÉ DE LA PRODUCTION ÉLECTRIQUE DE SEMI-BASE ET DE POINTE 17

A.— UNE PERTE DE RENTABILITÉ POUR LES CENTRALES À CHARBON ET À CYCLE COMBINÉ GAZ 18

B.— DES INVESTISSEMENTS GELÉS, DES FERMETURES ENVISAGÉES 18

1. Des centrales à cycle combiné gaz bientôt « mises sous cocon » ? 18

2. Le maintien des centrales à charbon les plus compétitives, la fermeture prochaine des plus anciennes 19

3. Le cas des centrales à charbon détenues par E.ON 19

C.— UNE SITUATION QUI PRÉSAGE DE DÉSÉQUILIBRES FUTURS 20

1. Des difficultés de couverture de la pointe en France à partir de 2016. 20

2. À moyen et long terme se pose la question de l’impact des énergies renouvelables sur la sécurité du réseau et le coût de l’électricité. 21

3. La diminution de la demande d’électricité, la solution miracle ? 22

ANNEXE - COMPARAISON DES PRIX DE L’ÉLECTRICITÉ EN EUROPE
(2ÈME SEMESTRE 2011)
23

TRAVAUX DE LA COMMISSION 25

I.— AUDITION DE MME DELPHINE BATHO, MINISTRE DE L’ÉCOLOGIE, DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’ÉNERGIE 25

II.— EXAMEN DES CRÉDITS 43

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 45

I.— PRÉSENTATION DES CRÉDITS BUDGÉTAIRES DE L’ÉNERGIE

Le programme 174, intitulé « Énergie, climat et après-mines », poursuit trois objectifs :

1. Mettre en œuvre la politique énergétique de la France (Action n° 1). Cette action prévoit un budget de 6,4 M€ (CP) au PLF 2013 stable par rapport à 2012. L’essentiel de ces crédits sont versés à l’Agence nationale de gestion des déchets radioactifs (ANDRA) dans le cadre de l’exercice de ses missions de service public (inventaire national des déchets, collecte des déchets orphelins, décontamination des sites pollués...).

2. La gestion économique et sociale de l’après-mines (action n° 2). Les dépenses de l’après-mines s’élèvent à 595 M€ (CP) : 580 M€ de prestations distribuées aux ayants-droit et 15 M€ de frais de fonctionnement de l’agence nationale pour la garantie des droits des mineurs (ANGDM). Les prestations sont en baisse par rapport à 2012 (- 48 M€) en raison de la diminution du nombre d’ayant-droit pour des raisons démographiques. Elles sont servies à 88 % par l’ANGDM, le reste étant partagé entre la CANSSM (Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines), la Caisse nationale de retraite des industries électriques et gazières (CNIEG), les Mines de potasses d’Alsace (MDPA) et le Fonds d’industrialisation des bassins miniers (FIBM).

3. La lutte contre le changement climatique et l’amélioration de la qualité de l’air (action n° 3). Le budget accordé à l’action n° 3 a été sensiblement augmenté (+ 5 M € par rapport à 2012), s’établissant à 35 M€ environ. Il s’agit principalement de remédier à la situation actuelle, jugée peu satisfaisante, de la pollution de l’air en France tout en poursuivant les engagements en faveur d’une politique publique de lutte contre le réchauffement climatique.

Les décisions de politique énergétique, dont les enjeux financiers sont pourtant extrêmement importants, étant essentiellement extrabudgétaires, le rapporteur a souhaité se concentrer sur deux thèmes : l’impact du prix de l’énergie sur la compétitivité des entreprises et les mécanismes de soutien apportés à celles-ci ; la rentabilité des moyens de production électrique de semi-base et de pointe et leur financement.

Numéro et intitulé de l’action/sous-action

2013

2012

Autorisations d’engagement

Crédits
de paiement

Autorisations d’engagement

Crédits
de paiement

01. Politique de l’énergie

5 520 000

6 411 003

5 716 085

6 488 250

04. Gestion économique et sociale de l’après-mines

589 428 962

594 408 772

634 817 711

642 347 046

05. Lutte contre le changement climatique

85 003 844

85 003 844

29 382 344

29 382 944

06. Soutien

1 947 446

1 947 446

1 947 446

1 947 446

Total

681 900 252

687 771 065

671 863 586

680 165 086

II. — L’IMPACT DU PRIX DE L’ÉNERGIE SUR LA COMPÉTITIVITÉ DES ENTREPRISES

La transmission des prix de l’énergie à l’économie est un mécanisme complexe qui justifie que les décisions de politique énergétique soient précédées d’une analyse précise de leurs effets sur le tissu industriel et sur les ménages français. Au cours des précédentes années, certaines de ces décisions ont été prises sans examiner l’ensemble des conséquences qu’elles auraient sur l’économie. La mise en place de tarifs d’achat attractifs dans la filière du photovoltaïque en est l’exemple le plus marquant : ni la hausse du prix de l’électricité, ni l’incapacité de la filière française du photovoltaïque à répondre à la demande sans structuration préalable n’avaient été anticipées.

Le présent rapport examine plus particulièrement l’impact de la hausse des prix de l’énergie sur la compétitivité des entreprises et souligne l’importance de certaines décisions, en matière d’évolution du mix énergétique notamment, sur l’avenir des emplois industriels sur le territoire français.

Une hausse des prix de l’électricité, du gaz naturel ou des produits pétroliers augmente les coûts de production des entreprises situées sur le territoire national. Soit elles ne peuvent pas répercuter cette hausse sur le prix de leurs produits, ce qui réduit leurs marges et réduit leur capacité d’investissement. Soit elles augmentent leurs prix, ce qui diminue le pouvoir d’achat des ménages français.

Toutefois, deux phénomènes peuvent contrebalancer ces conséquences négatives :

– La compétitivité est une donnée relative : la hausse des prix de l’énergie peut améliorer la compétitivité de l’économie française si celle-ci est moins intensive en énergie (1) ou si les autres pays font face à des hausses plus marquées ;

– La hausse des prix de l’énergie peut entraîner un redéploiement des activités vers des procédés moins consommateurs en énergie et accélérer le développement d’une « économie verte » potentiellement créatrice d’emplois, pour peu que des filières françaises soient à même de répondre à cette demande de nouveaux procédés.

Au sein de l’Union européenne, les prix du gaz naturel convergent progressivement, sous l’influence de l’ouverture des marchés de l’énergie à la concurrence et du développement des infrastructures de transport. Le prix du gaz français se situe dans la moyenne européenne : 9,70 euros/Gj contre 9,40 euros/Gj en moyenne dans l’Union européenne.

PRIX DU GAZ NATUREL POUR LES CONSOMMATEURS INDUSTRIELS SELON LES PAYS EUROPÉENS (EN € PARITÉ DE POUVOIR D’ACHAT/GJ)

Source : Eurostat. : prix hors taxes ; : taxes.

En revanche, les prix du gaz nord-américain et européen divergent de façon spectaculaire depuis le début de l’année 2010. Alors qu’ils étaient d’un niveau équivalent à cette date, ils sont désormais cinq fois plus bas aux États-Unis – soit un écart d’environ 20 €/MWh –, où ils ont été revus à la baisse suite à l’exploitation intensive des gaz de schiste.

La France dispose d’un avantage économique important par rapport à ses voisins dû à deux caractéristiques favorables de son mix électrique.

En premier lieu, le coût de production de l’électricité de base française est faible, ce qui explique que les prix de l’électricité pratiqués soient parmi les plus bas en Europe. En 2011, le prix de l’électricité pour un gros consommateur industriel était de 63 €/MWh en France, contre 103 €/MWh en moyenne dans l’Union européenne (2). Cette différence se retrouve à tous les niveaux de puissance souscrite : tous les industriels bénéficient de prix de l’électricité compétitifs (3).

En second lieu, le prix de l’électricité offerte aux industriels est particulièrement stable comparativement aux prix du marché de gros, comme en témoigne le graphique suivant.

ÉVOLUTION COMPARÉE DES PRIX DE FOURNITURE
ET DE MARCHÉ DE GROS FRANÇAIS

(hors transport, en euros courants)

Source : Direction générale de l’énergie et du climat

L’électricité française est produite à 86 % – 74 % pour le nucléaire, 12 % pour l’hydraulique – par des modes de production fortement capitalistiques, dont le coût variable pèse peu sur le coût total.

Pour la plupart des activités industrielles, le prix de l’énergie n’est qu’un paramètre parmi d’autres, dont l’effet sur la marge des entreprises est résiduel. En revanche, certains secteurs, dits « énergo-intensifs », y sont particulièrement sensibles. Quatre secteurs industriels représentent les deux tiers du total de la consommation d’énergie industrielle. Il s’agit de la chimie (26 %), de la sidérurgie (16 %), de l’agro-alimentaire (14 %) et du papier et carton (10 %).

Répartition par secteurs de la consommation d’énergie de l’industrie française en 2009 (%)

Source : Enquêtes EACEI (INSEE et SSP), calculs SOeS. Syndicat français de l’industrie cimentière (Sfic) pour l’industrie des chaux et ciments.

Le gaz naturel et l’électricité sont, de loin, les produits énergétiques les plus consommés par l’industrie française, ainsi que l’illustre le graphique suivant :

CONSOMMATION ÉNERGÉTIQUE INDUSTRIELLE PAR TYPE D’ÉNERGIE EN 2009 (EN KTEP)

Source : Enquêtes EACEI (INSEE et SSP), calculs SOeS. Syndicat français de l’industrie cimentière (Sfic) pour l’industrie des chaux et ciments.

Le gaz naturel, consommé à la fois comme source d’énergie et comme matière première dans certains procédés, constitue la principale ressource énergétique utilisée par l’industrie française. Bénéficier d’un prix du gaz compétitif est donc un enjeu particulièrement important pour l’industrie française, notamment pour le secteur de la chimie, qui représente le tiers du gaz consommé par l’industrie française dont 40 % en tant que matière première.

Au cours des auditions organisées dans le cadre du présent avis, votre rapporteur a souhaité savoir si l’augmentation du « spread » des prix entre les zones nord-américaine et européenne produisait des effets tangibles sur l’activité industrielle française. Des signaux concordants semblent l’attester. La consommation de gaz naturel en tant que matière première connaît une baisse de 42 % depuis 2000 (de 30 TWh à 17 TWh).

Alors que certaines entreprises françaises constatent une baisse significative de leurs ventes depuis 2010, dans le même temps, les entreprises américaines, elles, connaissent un boom de leurs exportations (+ 28 % entre 2009 et 2010). La diminution des performances des entreprises françaises de chimie sur leur marché semble donc directement liée à la hausse relative des prix du gaz européen par rapport aux prix pratiqués aux États-Unis.

Nous sommes face à un enjeu économique majeur. L’industrie chimique emploie 150 000 personnes en France, pour un chiffre d’affaires de 87 Md€. Le secteur de la chimie, des parfums et des cosmétiques a dégagé un excédent commercial de 4,5 Md € au 1er semestre 2012, soit la deuxième meilleure performance de l’industrie française.

La question de l’exploitation des ressources en gaz de schiste du sous-sol français est donc économiquement centrale. S’il ne s’agit pas de remettre en cause, dans ce rapport, la loi et les déclarations du Président de la République, il nous faut, dans le futur débat sur la transition énergétique, aborder la question de la compétitivité de l’industrie française par rapport à l’industrie nord-américaine au regard de ce qui apparaît aujourd’hui comme un avantage très significatif.

Depuis l’origine, l’ouverture européenne des marchés est largement soutenue par les entreprises allemandes, qui y voient la possibilité d’effacer le différentiel de compétitivité au niveau des prix de l’électricité avec les industriels français. Elle a pour effet d’harmoniser les prix dans l’ensemble des pays qui sont interconnectés.

À l’effet de l’ouverture à la concurrence s’ajoutent les incertitudes sur le mix énergétique. Suite au développement exponentiel des énergies renouvelables, à l’accident de Fukushima et à la nouvelle donne gazière que constituent les gaz de schiste, le contexte énergétique s’est profondément modifié. Ces éléments privent les entreprises de toute visibilité. Elles ne peuvent plus anticiper un prix de l’électricité stable et n’ont aucune assurance du maintien de la compétitivité de la France en la matière.

La mise aux enchères des quotas de CO2 par les États européens dans le cadre du système ETS (Emission Trading System), dès la première tonne de CO2 émise et à compter du 1er janvier 2013, constitue un facteur d’incertitude supplémentaire. Les industries électro-intensives seront impactées d’une part par les coûts directs liés à leurs propres émissions, d’autre part par les coûts indirects liés aux émissions des producteurs d’énergie. En effet, ceux-ci répercutent ce surcoût à leurs clients dans le prix de l’électricité, contrairement à la plupart des industries électro-intensives dont les productions se négocient sur un marché mondial.

Lorsque l’on compare les situations allemande et française, le déficit de compétitivité du secteur allemand de la production électrique est atténué par des mesures de compensation à destination des entreprises. Comme dans de nombreux autres secteurs, l’Allemagne fait, une nouvelle fois, le choix de protéger son industrie et ses emplois, via les mesures suivantes :

– les industriels dont la consommation est supérieure à 10 GWh/an sont exonérés de tarif de transport ; cette exemption est compensée par une taxe payée par tous les consommateurs finaux et dont le montant est plus élevé pour les petits consommateurs (4,70 €/MWh en 2012 pour les consommations inférieures à 100 MWh contre 0,50 €/MWh pour les consommations au-delà de 100 MWh).

– l’équivalent allemand de la CSPE est plafonné à 0,50 €/MWh (contre 10,50 €/MWh en France) ;

– l’Allemagne a décidé de provisionner les recettes des enchères de quotas CO2, à hauteur de 350 millions d’euros pour 2013, pour soutenir son industrie électro-intensive (4).

– enfin, il est envisagé de mettre en place un mécanisme de rémunération de l’effacement industriel, sur le modèle des tarifs d’achat.

COMPARAISON DU PRIX DE L’ÉLECTRICITÉ POUR LES INDUSTRIELS
EN FRANCE ET EN ALLEMAGNE

e/MWh

Commentaire

 

Allemagne

Fr
ARENH

Fr Exeltium

 

Énergie

48,5

42,3

47

- Allemagne : prix marché Allemagne 2013 coté depuis 01 juin 2012
(Cal-13 Ge)
- France : fourniture via l’ARENH à prix ARENH + 0.3 €/MWh de marge commerciale

Transport

-

6

6

- Allemagne : exemption 7 000 h

- France : Turpe 4 = prix pour utilisateur 7 500 h (moyenne HTB1-HTB2)

Taxes/CSPE

0,5

1

1

- Allemagne = EEG plafonnée à 0.5 €/MWh et exemption KWG

- France = plafonnement CSPE (600 k€) + TICFE - exemptée à 80 % = 1 €

Interruptibilité*

De -2,5 à-7

-

-

L’Allemagne travaille actuellement à la mise en place d’un mécanisme de rémunération de l’interruptibillté industrielle pour un démarrage au 01/01/2013

Compensation CO2 indirect

-5

-

-

Les EU guidelines laissent la possibilité aux États membres de compenser le C02 intégré dans le prix de l’électricité
(85 % * 0,76 tC02/MWh * 8 €/ton CO2)

Total

37 à 41,5

49,3

54

 

Source : UNIDEN

Ainsi, l’industrie allemande bénéficie d’une sorte d’« assurance » contre les décisions de politique énergétique qui auraient pour effet d’augmenter le prix de l’électricité. L’ensemble de ces dispositifs pèse sur les ménages, mais permet de préserver l’emploi.

Avec la loi NOME, les tarifs réglementés de vente pour les grandes et moyennes entreprises, seront supprimés au plus tard le 31 décembre 2015. Pour satisfaire les exigences posées par le droit communautaire, elles seront contraintes de se fournir sur le marché, sans disposer de solutions alternatives.

Certaines entreprises électro-intensives bénéficient de contrats de long terme avec le fournisseur historique. Ces contrats dits « historiques » permettaient à ces entreprises de s’assurer un prix de l’électricité stable et bon marché. C’est dans ce cadre que s’est développée l’industrie de l’aluminium dans la vallée de la Maurienne par exemple, adossée à une production hydroélectrique locale particulièrement bon marché. De tels contrats sont désormais en voie d’extinction, là encore pour respecter la réglementation européenne. Les industriels des pays hors de l’Union européenne, eux, continuent de s’approvisionner sur la base de contrats de long terme, qui sont particulièrement adaptés à leur activité.

Pour contourner l’impossibilité de conclure des contrats de long terme, les entreprises électro-intensives ont décidé de mettre en place un projet alternatif, « Exeltium ». En contrepartie d’un investissement en propre, au côté d’EDF, dans le développement du futur parc nucléaire français, elles ont accès, sur le long terme, à un prix de l’électricité compétitif garanti. Alors que la levée du financement de cet investissement s’est faite dans des conditions particulièrement coûteuses – du fait de la crise financière –, les industriels électro-intensifs français constatent aujourd’hui que le prix de l’électricité fournie par Exeltium est proche des prix de marché (de 47 à 50 €/MWh). Leurs concurrents qui n’ont pas fait l’effort d’apporter du capital peuvent se fournir, via l’ARENH (accès régulé à l’électricité nucléaire historique), à un prix inférieur, qui reflète les coûts d’un parc nucléaire historique déjà amorti.

En conclusion, les entreprises françaises sont contraintes de se reporter sur l’ARENH, qui est, actuellement, le seul moyen de bénéficier de prix de l’électricité compétitifs. Mais elles n’ont aucune assurance quant au prix futur de l’ARENH. La conséquence de ce phénomène est très défavorable à la compétitivité du « site France » : alors qu’auparavant, elles savaient qu’elles pouvaient compter sur un prix de l’électricité durablement compétitif, aujourd’hui, en l’absence de certitude, ce prix ne peut plus constituer un facteur décisif de leur installation ou de leur maintien sur le territoire français.

Le futur débat sur la transition énergétique devra avoir pour objet de :

– fixer un cadre clair d’évolution du mix énergétique français

– déterminer les modalités de financement des énergies renouvelables et les répartir entre les différents secteurs économiques.

C’est à ces seules conditions que la France pourra maintenir son avantage comparatif en matière de prix de l’électricité.

III.— LE MARCHÉ DE LA PRODUCTION ÉLECTRIQUE
DE SEMI-BASE ET DE POINTE

Les moyens de production électrique de semi-base et de pointe sont l’ensemble des moyens de production qui permettent de compléter la production dite « fatale » (hydroélectricité au fil de l’eau), la production renouvelable prioritaire sur le réseau et l’électricité nucléaire. Ils sont mobilisés en fonction de la demande et contribuent à la gestion de la consommation de pointe – dont on sait qu’elle constitue un problème en France –, des aléas de la production nucléaire et de l’intermittence de la production des énergies renouvelables.

Le parc français est constitué de centrales à cycle combiné gaz (CCG) pour la production de semi-base et de centrales au fioul et de turbines à combustion (TAC) pour la production de pointe. Ces moyens de production représentent une puissance installée de 30,3 GW au 1er janvier 2012 :

PUISSANCE INSTALLÉE DES MOYENS DE PRODUCTION D’ÉLECTRICITÉ DE SEMI-BASE ET DE POINTE EN FRANCE

Type d’installation

Puissance installée (GW)

Charbon

6,9

CCG

4,5

Moyens de production de pointe (fioul, TAC) et d’effacement

10,2

Thermique décentralisé non ENR (dont cogénération)

7,4

Thermique décentralisé ENR

1,3

Total

30,3

Source : RTE, Bilan prévisionnel de l’équilibre offre-demande d’électricité en France, ed° 2012.

La rentabilité de ces centrales dépend de deux facteurs : le nombre d’heures de fonctionnement et le prix de l’électricité sur le marché au moment de leur fonctionnement. Aujourd’hui, la combinaison de ces deux facteurs ne produit pas une rémunération suffisante aux capacités de pointes. Les conditions actuelles du marché de l’électricité menacent l’équilibre économique de ces centrales.

À court terme, plusieurs centrales semblent condamnées. À moyen et long terme, c’est l’équilibre et la sécurité du système électrique qui sont menacés. Votre rapporteur a souhaité rencontrer les acteurs du secteur afin de répondre aux deux questions suivantes : d’une part, peut-on envisager une reprise des sites en difficulté, afin de préserver les emplois locaux ? d’autre part, quelles seront les conséquences, à moyen et long terme, du déficit d’investissement actuel dans les capacités de production de semi-base et de pointe ?

Trois facteurs sont à l’origine de surcapacités importantes sur le marché français et européen de l’électricité :

– l’amélioration du coefficient de disponibilité du parc nucléaire français ;

– le repli de la consommation industrielle suite à la crise ; le secteur industriel a perdu sa place de premier consommateur d’électricité, dépassé par le secteur tertiaire et par le résidentiel ; alors que la consommation industrielle était de 138 TWh en 2000, elle était de 121 TWh en 2010.

– le développement des énergies renouvelables dans l’ensemble de l’Europe, qui s’est effectué indépendamment de l’évolution de la demande, la rémunération des investissements étant garantie par des tarifs d’achat. Les capacités photovoltaïques et éoliennes atteignent 105 GW en Europe en 2010, soit une multiplication par dix par rapport à 2000.

Cette situation de surcapacité entraîne une diminution du prix de gros de l’électricité : le prix spot moyen était de 69 €/MWh en 2008, contre 49 €/MWh en 2011. Il s’agit d’un véritable effondrement qui remet en cause le modèle économique de nombreux actifs installés. Les périodes durant lesquelles le prix est assez élevé pour couvrir à la fois les coûts fixes et les coûts de combustibles sont insuffisantes. En conséquence, de nombreuses centrales ne fonctionnent qu’une petite partie de l’année. Les CCG, par exemple, ont vu leur utilisation diminuer à 3 000 heures par an, alors que leur seuil de rentabilité se situe davantage entre 4 000 et 6 000 heures par an.

Entre 2011 et 2012, la production des centrales à cycle combiné gaz a sensiblement diminué. La marge obtenue, par différence de prix de vente de l’électricité sur le marché de gros et des coûts de combustible, est inférieure aux coûts fixes opérationnels.

Cette situation est particulièrement critique pour des unités nouvellement mises en service et non amorties, pour lesquelles les investissements réalisés récemment ne peuvent plus être couverts, même partiellement. GDF Suez a ainsi réalisé environ 1 milliard d’euros d’investissements au cours des dernières années, qui ne pourront pas être rentabilisés à court, voire à moyen terme. Selon les acteurs du marché, il n’existe aucune piste de redressement jusqu’en 2015. De nombreux projets, pour lesquels des investissements locaux importants avaient été réalisés, sont aujourd’hui gelés. La mise sous cocon de certaines unités fait partie des options sérieusement envisagées.

Le cas des centrales à charbon est plus complexe. Elles bénéficient d’un prix du CO2 particulièrement bas, de l’ordre de 7 €/tonne, ce qui les rend plus compétitives que les centrales à cycle combiné gaz. Mais les perspectives d’évolution sont défavorables :

– le prix du charbon est passé de 80 $/tonne au début 2012 à 110 $/tonne mi-2012 ;

– avec la mise en œuvre du PNAQ III (plan national d’allocation des quotas d’émission des gaz à effet de serre) à partir du 1er janvier 2013, ces centrales ne bénéficieront plus de quotas de CO2 gratuit et devront les acheter sur le marché ; le supplément de coût de production pourrait atteindre 21 €/MWh (5) (soit 43 % du coût de production constaté en 2012 de 48 €/MWh) ;

– s’ajoutent les contraintes réglementaires imposées par la directive GIC (grandes installations de combustion) 2001/80/CE ; le régime dérogatoire accordé pour un fonctionnement réduit s’achève en 2015 ; à partir du 1er janvier 2016, toute installation qui ne respecte pas les seuils d’émission de dioxyde de soufre (SOX) et de dioxyde d’azote (NOX) devra être mise en conformité.

L’ensemble de ces facteurs conduisent les deux opérateurs de centrale à charbon en France, E.ON et EDF, à suivre la même stratégie : la fermeture, d’ici le 1er janvier 2016, des centrales à charbon les plus anciennes, d’une puissance de 250 MW, mises en service entre 1959 et 1973. Leur mise aux normes, qui nécessite des investissements de l’ordre de 400 M€ par site, ne serait pas rentabilisée. En revanche, les tranches de 600 MW, les plus récentes seraient maintenues.

E.ON possède 7 tranches charbon héritées de la SNET : 3 tranches de 250 MW, 2 tranches de 600 MW et 2 tranches utilisant la technologie de « lit fluidisé circulant » (LFC). Le groupe projette de restructurer son activité de production d’électricité en France et de fermer 5 de ces 7 tranches en 2015, ne conservant que les centrales de 600 MW.

L’entreprise Sparkling Capital a formulé une offre de reprise de deux tranches de 250 MW et d’une tranche LFC. E.ON verserait une contribution à Sparkling équivalente au coût social et environnemental de fermeture des sites et du déficit d’exploitation sur les années 2013 et 2014. Pour E.ON, l’opération serait financièrement neutre par rapport à la situation programmée, la fermeture du site. Quant à Sparkling, elle utiliserait cette contribution, en plus d’un investissement d’un partenaire américain, Wamar, pour mettre les centrales en conformité avec la directive GIC. Ces dernières pourraient donc continuer à fonctionner après 2015.

Il demeure deux problèmes à surmonter : E.ON et Sparkling capital ne sont pas d’accord sur l’estimation du coût environnemental de la fermeture ; il existe des incertitudes sur la solidité du partenariat de Wamar. Toutefois, une telle reprise permettrait de sauvegarder 560 emplois.

C’est pourquoi votre rapporteur souhaite que le gouvernement étudie avec attention l’offre proposée par Sparkling capital et son associé Wamar et, si possible, puisse agir en tant que médiateur entre Sparkling et E.ON pour le calcul du coût environnemental de la fermeture des sites.

Dans l’édition 2012 de son bilan prévisionnel de l’équilibre offre-demande d’électricité, RTE a repoussé la date à laquelle la France connaîtra des difficultés à couvrir sa demande de pointe. Néanmoins, à partir de 2016, la puissance manquante pour respecter le critère fixé par RTE de sécurité du réseau s’élèvera à 1,2 GW (6). Selon RTE, « ces horizons de non-respect du critère de défaillance sont compatibles avec le déploiement de certaines offres (…) ou le maintien des groupes de production aujourd’hui en service mais qui ont besoin d’une rénovation approfondie pour continuer à fonctionner au-delà de 2016 (...), à condition que leur rentabilité et le respect des contraintes environnementales soient assurés ». RTE signale tous les ans, dans les différentes éditions de son bilan annuel, les risques de puissance manquante à horizon de quatre à cinq ans. Elles s’expliquent par la volonté des investisseurs d’éviter le surinvestissement. Mais il existe un risque bien réel que cette puissance ne soit pas disponible à échéance, si les opérateurs décident de « mettre sous cocon » certaines de leurs centrales, ou bien si la demande venait à évoluer plus rapidement que prévu.

Le mécanisme de capacité a été introduit par la loi NOME pour régler les problèmes de rentabilité des investissements dans les moyens de pointe. Son efficacité pour résoudre le problème des capacités manquantes est suspendue à deux inconnues :

– le délai de mise en œuvre ; dans l’hypothèse où un décret d’application instaurant le mécanisme de capacité serait pris rapidement, dans combien de temps le mécanisme de marché mis en œuvre fonctionnera-t-il ?

– les modalités de mise en œuvre : il sera particulièrement difficile pour le pouvoir réglementaire de bien calibrer le dispositif pour le rendre ni trop laxiste ni trop contraignant. L’exemple du marché des quotas de CO2 doit servir de jurisprudence : du fait de volumes de quotas distribués trop importants, ce marché n’a produit aucun effet tangible.

Le subventionnement massif des énergies renouvelables déplace les équilibres économiques et réduit l’espace économique pour les moyens de production qui permettent le bouclage du système électrique. Mais l’intermittence de ces énergies pose un problème majeur : seuls 6 à 7 % de la capacité éolienne installée peuvent être mobilisés au moins 90 % du temps (7). De plus, une augmentation des capacités éoliennes ou photovoltaïques installées n’est pas de nature à accroître la fiabilité du système.

Il est donc nécessaire de développer des capacités de « back-up », c’est-à-dire des capacités de production rapidement mobilisables pour faire face à un arrêt soudain de production photovoltaïque ou éolienne dû à des phénomènes climatiques. Les CCG constituent les moyens de back-up les plus adaptés, mais l’on a vu que les conditions de marché ne leur permettaient pas de fonctionner. Une telle situation pourrait obliger les autorités publiques à mettre en place des appels d’offre pour rémunérer ces capacités de back-up.

Avec une électricité nucléaire revendue via le mécanisme de l’ARENH, une électricité éolienne et photovoltaïque achetée via les contrats d’achat, et des capacités thermiques soumises à appel d’offre, nous toucherions les limites du système : comment encore parler de marché de l’électricité !

La direction générale de l’énergie a indiqué à votre rapporteur que la Commission européenne, consciente de l’évolution déséquilibrée du système électrique européen, avait lancé une réflexion sur le sujet. Elle examine plusieurs solutions, comme une refonte du système de subventions aux énergies renouvelables. Les tarifs d’achat pourraient par exemple intégrer une incitation à produire aux moments où la demande d’électricité est plus importante.

Votre Rapporteur invite le gouvernement à peser dans la discussion au niveau européen, pour ne pas se voir imposer des décisions qui auraient un impact négatif sur l’économie française.

Les problèmes de tension sur le marché de l’électricité pourraient être durablement éloignés par la mise en œuvre d’une politique de réduction de la consommation d’électricité. C’est dans ce cadre que la proposition de loi de M. François Brottes (8) prend toute son importance. Elle propose de s’attaquer en priorité au secteur du résidentiel-tertiaire, dont la part dans la consommation électrique est en hausse constante (de 60 % en 2000 à 68 % en 2010). La création d’un bonus-malus sur les consommations domestiques ainsi que la mise en place d’un système de valorisation de l’effacement diffus permettent de créer une véritable économie du « Négawatt » : les particuliers seront rémunérés pour leurs efforts d’économie d’énergie.

Les gisements d’économies d’énergie sont également importants chez les consommateurs industriels. Energy Pool, premier acteur européen en modulation d’électricité, estime ce gisement à 6 GW, soit l’équivalent de la capacité installée de 6 réacteurs nucléaires. Cette solution présente également un avantage pour les entreprises, qui ont la possibilité de valoriser économiquement leur effacement de puissance.

ANNEXE

COMPARAISON DES PRIX DE L’ÉLECTRICITÉ EN EUROPE
(2ÈME SEMESTRE 2011)

(En €/MWh HTVA)

 

France

Belgique

Allemagne

Espagne

Italie

Pays-Bas

Royaume-Uni

Moyenne

Résidentiel (TTC)
2500 < Conso < 5 000 MWh

142

212

253

209

208

184

158

212

Professionnel

Conso < 20 MWh

131

176

212

202

257

193

147

206

Industriel
20 < Conso < 500 MWh

99

144

145

146

187

118

120

148

Industriel
500 < Conso < 2GWh

81

115

124

116

167

94

104

126

Industriel
2GWh < Conso < 20 GWh

70

102

114

94

140

84

93

111

Industriel
20 GWh < Conso < 70 GWh

63

90

109

81

136

72

86

103

Source : EDF – Département Tarifs – D’après les données Eurostat S2 2011

Le prix hors France a été obtenu en soustrayant le prix France (pondéré par la consommation France) du prix Zone Euro.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.— AUDITION DE MME DELPHINE BATHO, MINISTRE DE L’ÉCOLOGIE, DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’ÉNERGIE

Au cours de sa réunion du 24 octobre 2012, la commission a auditionné Mme Delphine Batho, ministre de l’Écologie, du développement durable et de l’énergie sur les crédits de son ministère dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2013 (n° 235) 

M. le président François Brottes. Notre Commission, qui prête toujours une attention particulière au volet énergie du projet de budget, aura également à examiner, dans les semaines qui viennent, trois propositions de loi émanant du groupe UDI, relatives respectivement au prix du gaz, au surendettement et au développement du numérique. Nous serons saisis pour avis du projet de loi sur la banque publique d’investissement. Et nous serons sans doute amenés à rediscuter du logement, comme du bonus-malus énergétique.

Notre collègue Marc Le Fur vient d’évoquer, dans une question d’actualité posée au Gouvernement, le comportement un peu brouillon de la majorité pour l’élaboration des tarifs de l’énergie. Vouloir nous donner ainsi des leçons me semble d’autant plus déplacé que le Conseil d’État vient d’annuler les tarifs de l’électricité pour 2009 et pour 2010 au motif qu’ils ne lui paraissaient pas objectivement fondés.

Vous avez, madame la ministre, au nom du Président de la République et du Gouvernement, engagé l’important chantier de la transition énergétique, qui concerne à la fois la production et les économies d’énergie, la relance des énergies renouvelables, le stockage de l’électricité, l’information et la responsabilisation des consommateurs, la diversification du « mix » énergétique, la solidarité avec les pays voisins puisque leurs choix ont des incidences sur notre propre approche, enfin la précarité énergétique.

Votre projet de budget s’inscrit dans cette trajectoire et prend acte de la nécessité de modifier sensiblement une donne qui pourrait nous conduire dans le mur, y compris sur le plan des tarifs du gaz et de l’électricité suite à la gestion du dossier par le gouvernement précédent.

Mme Delphine Batho, ministre de l’écologie, du développement et de l’énergie. Sur les quelque 687 millions d’euros de crédits de paiement inscrits au programme 174, « Énergie, climat et après-mines », près de 595 millions correspondent aux seules dépenses de l’après-mines. Le budget accorde néanmoins une priorité à l’amélioration de la qualité de l’air.

Le cadre budgétaire général traduit la volonté de stabiliser les effectifs de la fonction publique, certains ministères étant plus sollicités que d’autres à cet effet. Le ministère de l’écologie a fait reconnaître l’importance de sa contribution antérieure à la révision générale des politiques publiques (RGPP), ce qui a conduit le Premier ministre à lui imposer une diminution des effectifs pour 2013 de seulement 1,5 %, au lieu de 2,5 %. Cette décision tient également compte des objectifs affichés lors de la conférence environnementale et dans le cadre du débat national sur la transition énergétique, qui comporte trois axes majeurs : la politique de sobriété énergétique ; le développement des énergies renouvelables, qui exige quelques mesures d’urgence ; et la lutte contre la précarité énergétique, qui touche aujourd’hui huit millions de Français dans l’attente de la proposition de loi visant à leur permettre de surmonter leurs difficultés.

La préparation du débat national sur la transition énergétique est déjà engagée. J’installerai, le 19 ou le 20 novembre prochain, le comité de pilotage prévu par la conférence environnementale. Le Parlement, notamment à travers ses commissions compétentes, sera directement associé au processus. Le Conseil économique, social et environnemental a mené des travaux sur la transition énergétique, qui déboucheront au début du mois de janvier prochain. Toutes ces contributions convergeront à l’occasion de cet important rendez-vous national. Il s’agit de définir la politique de l’énergie non seulement pour le présent quinquennat, mais aussi à l’horizon 2025.

Le Gouvernement a pris acte de l’arrêt du Conseil d’État de ce jour sur les tarifs de l’électricité. L’annulation de la décision prise par le précédent gouvernement se fonde sur les incohérences constatées entre un décret et un arrêté insuffisamment précis. Selon les analyses de la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) et de la Direction des affaires juridiques de mon ministère, un nouvel arrêté devra fusionner les tarifs professionnels, clients domestiques, collectifs et agricoles avec les tarifs des clients professionnels, des services publics non communaux, communaux et intercommunaux. Son incidence devrait donc être faible pour les consommateurs concernés, car ces tarifs étaient déjà très proches les uns des autres. Selon EDF, environ 2,6 millions de sites seraient concernés par la fusion des grilles tarifaires. Si tous les clients placés au tarif le plus désavantageux devaient être rétroactivement placés au plus avantageux, il en coûterait au maximum 18 millions d’euros de reversements. Pour le consommateur final, la facture annuelle rectifiée ne changerait que de quelques euros. Les entreprises locales de distribution devront, elles aussi, rembourser leurs clients. Telle est l’hypothèse la plus probable à ce jour.

M. David Habib, rapporteur pour avis. Les 687 millions de crédits de paiement du programme 174 sont dédiés, pour 86 %, à la gestion sociale de l’après-mines. Mais je note aussi les efforts du Gouvernement en faveur de la qualité de l’air, conformément à la volonté exprimée par les plus hautes autorités de l’État.

Dans le cadre de mes travaux de rapporteur budgétaire, j’ai mis l’accent sur deux thèmes que l’actualité, comme le souci d’une gestion à long terme, m’ont invité à examiner : en premier lieu, l’impact du prix de l’énergie sur la compétitivité des entreprises et la prise en compte de la problématique industrielle dans la définition d’une politique énergétique ; en second lieu, la rentabilité des moyens de production électrique de semi-base et de pointe ainsi que l’incidence, à moyen et à long terme, de l’arrêt des investissements dans les centrales à gaz et à charbon. Les débats en la matière s’inscrivent aussi au plan européen.

Pendant des décennies, les acteurs économiques français ont bénéficié d’une situation énergétique privilégiée. Nous pouvions en effet compter sur un prix de marché du gaz et sur des tarifs électriques inférieurs à ceux des autres pays européens. Aujourd’hui, les choses changent. Outre-Atlantique, le recours aux gaz de schiste aboutit à un différentiel de coût de un à cinq, en défaveur de nos industries fortement consommatrices de gaz, notamment le secteur de la chimie, essentiel à notre commerce extérieur.

La politique allemande en matière d’électricité procure des avantages significatifs aux industriels électro-intensifs, sur le transport comme sur le prix.

Dans ces conditions, sans revenir sur les choix déjà faits, la question de l’exploitation du gaz de schiste contenu dans le sous-sol français doit être abordée sous l’angle industriel et d’un point de vue économique. Dans le futur débat sur la transition énergétique, le thème de la compétitivité de l’industrie française par rapport à l’industrie nord-américaine sera-t-il abordé en fonction des risques pesant sur le maintien de certaines activités en France et en Europe ?

Le prix de l’électricité, avantage historique traditionnel et durable pour les entreprises françaises, suscite quelques inquiétudes de leur part. Que deviendra-t-il au cours des prochaines années ? L’ouverture des marchés et l’évolution incertaine du mix énergétique européen accroissent les incertitudes pour les électro-intensifs. En traitera-t-on aussi au cours du débat sur la transition énergétique ? L’Union européenne doit-elle s’efforcer de faire converger les politiques dans ce domaine afin d’éviter certaines situations privilégiées pour les industriels d’outre-Rhin ?

La seconde partie de mon travail a porté sur les conditions actuelles du marché de l’électricité, qui ne permettent pas d’assurer la rentabilité des centrales à charbon et des centrales à cycle combiné gaz. Cela a entraîné le gel des investissements prévus. EDF et E.ON ont décidé de ne conserver que leurs tranches de 600 MW, les plus compétitives, et de fermer les tranches de 200 MW, les plus anciennes. Dans ce contexte, l’entreprise Sparkling Capital a proposé à E.ON de reprendre trois de ses centrales, de 250 MW, dont la fermeture est programmée pour 2015. Mais leurs discussions ne parviennent pas à un accord sur l’estimation du coût environnemental et fermeture des sites. Madame la ministre, considérez-vous comme sérieuse l’offre de Sparkling Capital et de son partenaire financier américain ? Peut-on envisager que le Gouvernement intervienne comme médiateur entre les deux groupes industriels ?

Comptez-vous publier prochainement le décret relatif au marché de capacité prévu par la loi NOME ? Il devrait rappeler à certains opérateurs leurs responsabilités en matière de production électrique.

Du fait de leur fonctionnement intermittent, les installations éoliennes et photovoltaïques doivent s’accompagner d’une capacité de « back-up », c’est-à-dire de production de réserves rapidement mobilisables pour faire face à un arrêt soudain de la production de base provoqué par des événements climatiques. Les cycles combinés gaz constituent les moyens de « back-up » les mieux adaptés, mais leur fonctionnement n’est pas rentable aux actuelles conditions du marché. Une telle situation pourrait obliger les autorités publiques à mettre en place des appels d’offre pour rémunérer les capacités de « back-up ». Avec une électricité nucléaire revendue via le mécanisme de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH), une électricité éolienne et photovoltaïque achetée par la voie des contrats d’achat et des capacités thermiques soumises à appel d’offres, nous atteindrions les limites du système : comment encore parler de marché de l’électricité !

La direction générale de l’énergie nous a indiqué que la Commission européenne, consciente de l’évolution déséquilibrée du système électrique européen, avait lancé une réflexion sur l’intégration des énergies renouvelables dans le marché intérieur. Plusieurs solutions seraient envisagées : les tarifs d’achat pourraient comporter une incitation à produire au moment où la demande d’électricité est la plus importante. Comment le Gouvernement compte-t-il peser dans ces domaines et éviter ainsi que ne s’imposent, au niveau européen, des décisions ayant un impact négatif sur notre économie nationale ?

Sous la précédente législature, l’Union européenne a procédé à certains choix relatifs à la fiscalité du carbone, privilégiant une taxe modique, qui ont notoirement avantagé l’industrie allemande au détriment de l’industrie française. Ce qui explique que des unités de production soient menacées chez nous alors que seize centrales à charbon sont programmées en Allemagne. Le précédent gouvernement ne s’en était pas ému. Nous en payons aujourd’hui les conséquences.

Après cinq années de flottement, il est urgent qu’une ligne directrice s’exprime, en direction des opérateurs comme de l’ensemble des acteurs industriels de notre pays.

M. le président François Brottes. Peut-être faut-il aussi rappeler la responsabilité des industriels en matière d’effacement. Mais je félicite notre rapporteur d’avoir insisté sur les relations entre énergie et compétitivité, une notion dont on parle parfois à tort et à travers mais qui est au cœur de nos préoccupations.

Mme la ministre. Le rapporteur a eu raison de souligner ce lien entre énergie et compétitivité hors coût, qui fait l’objet de travaux au sein du Gouvernement : un premier séminaire s’est tenu récemment sur ce thème lundi dernier et un deuxième sera organisé prochainement.

Le Président de la République a fixé plusieurs orientations au débat sur la transition énergétique.

La première réside dans la lutte contre le réchauffement climatique. Les perspectives les plus récentes tablent sur le dépassement du seuil des 2° de réchauffement, considéré comme critique par le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) qui prépare un nouveau rapport à ce sujet. Nous ferons part de nos inquiétudes lors de la prochaine conférence des Nations Unies sur les changements climatiques qui se tiendra à Doha début décembre.

Les autres orientations visent la sécurité d’approvisionnement et la maîtrise du coût de l’énergie, aussi bien pour les ménages que pour les entreprises.

Le Gouvernement est en train de revoir le mécanisme de fixation des prix du gaz et dispose pour cela de plusieurs leviers juridiques possibles, législatif, réglementaire et contractuel, l’État étant lié à GDF Suez par des conventions de service public. Il faudra aussi comparer le prix du gaz en France et dans les autres pays européens afin de tirer le meilleur parti du marché sans remettre en cause la sécurité des approvisionnements.

Le Président de la République a rappelé sa position sur les risques environnementaux que comporte la technique d’exploitation du gaz de schiste qu’est la fracturation hydraulique.

Alors que le coût de production de l’électricité est plus bas en France qu’en Allemagne – 42 euros contre 48 euros – les mécanismes mis en place en Allemagne renversent la différence, qui s’établit à 12 euros, au profit des électro-intensifs. Mais cet avantage est financé par les ménages. Nous en discuterons lors du débat sur la transition énergétique.

Au cours des dernières années, l’approche européenne des questions énergétiques s’est bornée à la question de l’ouverture à la concurrence dans le cadre du marché intérieur, remettant notamment en cause les tarifs réglementés. Nous souhaitons désormais éviter une aggravation de la logique de libéralisation et de déréglementation.

Je constate aussi que mes collègues européens ont aujourd’hui les mêmes préoccupations : le coût de l’énergie, la sécurité d’approvisionnement, le déficit de la balance commerciale et l’intégration aux réseaux des énergies renouvelables. En découle la nécessité de disposer d’un réseau européen de l’énergie. C’est pourquoi, dans son discours à la conférence environnementale, le Président de la République a évoqué la nécessité de fixer l’horizon d’une Europe de l’énergie dont le contenu politique ne saurait se résumer à l’ouverture à la concurrence. Cette nouvelle approche renouerait aussi avec le premier fondement du projet européen, la Communauté du charbon et de l’acier (CECA).

Nous discuterons également de ces sujets dans le cadre franco-allemand, notamment à l’occasion de l’anniversaire du Traité de l’Élysée. Nous en avons déjà débattu lors du sommet franco-espagnol.

Le décret sur le mécanisme de capacité sera signé vers la mi-novembre. Il s’agit d’une étape importante et attendue. La France a pris de l’avance avec ce dispositif obligeant les fournisseurs à disposer de capacités d’effacement et de production justement rémunérées.

Les discussions entre Sparkling Capital et E.ON sont suivies par le ministre chargé du redressement productif, avec lequel nous travaillons étroitement. Mais à ce stade, le dossier de reprise ne semble pas satisfaisant.

Le scénario évoqué par le rapporteur concernant les énergies éolienne et photovoltaïque repose sur l’idée que le développement des énergies renouvelables doit être contrebalancé par la mise en place de capacités thermiques. Dans un certain nombre de régions, celles-ci vont se développer, notamment dans le cadre du pacte électrique breton. La transition énergétique, visant à rééquilibrer les différentes sources d’énergie, dont le nucléaire dont nous avons besoin, ne doit pas impliquer un plus grand recours aux énergies fossiles, en raison notamment du réchauffement climatique. Disposer d’une énergie « décarbonée », renouvelable ou nucléaire, constitue pour moi le cœur du modèle français.

M. Antoine Herth. Je remercie Mme la ministre de ses précisions sur les conséquences de l’arrêt du Conseil d’État, essentiellement techniques. Cela doit nous inciter à mieux surveiller l’action du Gouvernement.

La majeure partie des crédits du programme 174 étant affectée à l’après-mines, cela aurait justifié que cette dernière expression soit placée en première position dans l’intitulé du programme. Cela dit, le rapport de M. David Habib est excellent et présente, pour la première fois, en des termes dépassionnés, les éléments du débat que nous devons avoir sur la transition énergétique. Il relève notamment que, selon le réseau de transport d’électricité (RTE), « le problème de puissance manquante se posera à partir de 2016, à un niveau raisonnable de 1,2 GW », soit un peu moins que la puissance de la centrale de Fessenheim, que l’on veut justement débrancher cette année-là.

Je m’interroge donc sur le calendrier de la transition énergétique. Passer d’un modèle à un autre peut ne pas soulever de désaccord sur l’objectif final, mais la conduite de toute action politique dépend surtout du chemin que l’on parcourt, et la façon dont on franchit les embûches parsemant celui-ci est déterminante pour la réussite globale du projet.

Tout récemment, M. André-Claude Lacoste, président de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a posé en termes similaires la question de la fermeture d’un certain nombre de centrales et celle, consécutive, des solutions alternatives pour garantir l’approvisionnement énergétique de la France.

Vous avez indiqué, madame la ministre, que vous entendiez inscrire votre action dans le cadre européen. Tant mieux ! Mais nous serons d’autant plus forts dans une négociation européenne que nous aurons réussi à nous approcher d’un consensus national sur la question de la transition énergétique.

Par ailleurs, le bonus-malus automobile est calibré par le projet de budget à 50 millions d’euros. Pourra-t-on maintenir cette enveloppe compte tenu du nouveau barème ?

Comme pour les autres ministères, j’examine la gestion des personnels. Celui de l’écologie a plutôt mieux négocié que d’autres le virage des départs à la retraite et des recrutements. On dénombre cependant plus de 600 suppressions d’emplois. Comment allez-vous en absorber l’incidence ?

Enfin, les malheurs rencontrés par le bonus-malus au Sénat ne me réjouissent pas, mais ils montrent que nous avions raison de dénoncer un passage en force sur des sujets aussi importants.

M. Yves Blein. Je tiens, moi aussi, à saluer la qualité du travail de notre rapporteur, particulièrement celle de son analyse de l’évolution des sources d’énergie au regard des questions industrielles.

Où en sommes-nous, madame la ministre, des projets d’exploitation du gisement pétrolier au large de la Guyane, découvert il y a un an ? On nous présentait alors ce gisement comme un nouvel Eldorado avec des réserves équivalentes à celles du Ghana, soit environ 100 000 barils par jour. Mais quelques inquiétudes étaient apparues quant à la préservation de l’environnement. L’idée d’une réforme du code minier a-t-elle progressé ? La concertation avec les populations locales et l’attention portée au milieu naturel, pour légitimes qu’elles soient, ne doivent pas entraver l’exploitation d’une richesse peut-être essentielle pour notre économie.

La biomasse et, accessoirement la filière bois, présentent un intérêt stratégique incontestable et pour la première, un volume significatif. Elles sont sobres et ne sont pas soumises aux fluctuations des cours internationaux. Comment voyez-vous leur avenir ?

Quelle est votre opinion sur les biocarburants de deuxième et de troisième génération, sachant que ceux de première génération produisent des effets collatéraux dommageables, comme la diminution des terres arables, la déforestation et l’atteinte à la compétitivité des prix agricoles ?

Comment, enfin, envisagez-vous de donner de la consistance au concept de communauté européenne de l’énergie, lancé par le Président de la République autour de la notion de diplomatie environnementale ? Les industriels se parlent assez peu : Alstom,-Areva et Siemens ne partagent guère les mêmes objectifs ; EDF a cédé, en 2010, sa participation dans EnBW, l’électricien allemand. Les stratégies semblent bien différentes de part et d’autre du Rhin. Au-delà des questions de distribution, quelles convergences pourraient être trouvées avec l’Allemagne en matière de production ? Faut-il rapprocher des acteurs industriels ou rechercher d’autres formules ?

M. Jean-Paul Tuaiva. La Polynésie peut représenter, dans le Pacifique, un modèle de transition énergétique, selon la ligne définie par le Président de la République.

Notre collectivité, éloignée des principaux centres d’approvisionnement en hydrocarbures, ne bénéficie pas de la péréquation nationale comme les départements d’outre-mer et supporte ainsi un prix de l’électricité presque trois fois plus élevé que celui de la métropole et de certaines collectivités ultramarines.

Pourtant, la Polynésie française possède de nombreux atouts. Un partenariat avec l’État lui permettrait d’évoluer vers une plus grande autonomie énergétique selon trois axes principaux. Elle pourrait, d’abord, constituer un laboratoire exceptionnel en vue du déploiement de sites de production énergétique mixtes : pour le photovoltaïque, nous avons du soleil toute l’année ; pour l’éolien, des alizés favorables ; pour l’hydraulique, des courants d’eau puissants et, pour les énergies thermiques des mers, nous avons des plateaux récifaux idéaux. Notre territoire comprend 118 îles réparties sur une surface aussi vaste que l’Europe.

Ensuite, la mise en œuvre d’un urbanisme énergétique sobre et respectueux de l’environnement passe par l’application des normes de type haute qualité environnementale (HQE) pour les bâtiments, ainsi que par la formation professionnelle aux nouvelles techniques de construction et aux technologies innovantes pour la gestion des consommations.

En outre, la Polynésie française constituerait, pour l’accompagnement d’une politique de transports propres, un site exceptionnel propice à la généralisation des véhicules hybrides ou électriques.

Enfin, la mise en œuvre de l’ensemble de ces actions représente un bassin d’emplois pour les années à venir, mais nécessite un appui technique et financier de l’État. La politique de transition énergétique plaide donc en faveur de l’inscription d’une enveloppe financière pluriannuelle, soit dans le budget de l’outre-mer, soit dans celui de l’écologie.

M. André Chassaigne. L’analyse de David Habib est intéressante, mais son approche est essentiellement libérale dans la mesure où il considère l’énergie sous le seul angle de la compétitivité en évacuant les questions de fond comme l’exigence d’une maîtrise publique des coûts. En outre, on ne peut opposer le coût de l’énergie pour les industriels et son coût pour les ménages, dont nous devons préserver le pouvoir d’achat.

Par ailleurs, toute réflexion sur l’énergie doit nécessairement prendre en compte son coût environnemental, économique et social. J’apprécie votre approche, madame la ministre, concernant la lutte contre le réchauffement climatique, car les gaz à effets de serre menacent à court terme la planète et en particulier les peuples du Sud.

Parmi tous les leviers d’action qui sont à notre disposition, la sobriété et l’efficacité énergétique sont prioritaires – un tel sujet ne peut être traité de façon précitée, à l’emporte-pièce ; il exige un débat de fond –, mais nous ne pouvons faire l’impasse sur le soutien à l’énergie décarbonée et la mise en place d’un service public de l’énergie.

Globalement, les crédits de la mission pour 2013 enregistrent une baisse de 5 % pour les autorisations d’engagement et de 3,72 % pour les crédits de paiement. Quant au programme 174, il manque de rigueur. Ne pensez-vous pas, madame la ministre, qu’il faudrait revoir son découpage ?

Enfin, les crédits attribués à votre ministère ne sont pas adaptés à l’urgence de la situation et aux enjeux de l’énergie. Faute de moyens financiers, vous ne pourrez pas conduire une action efficace et mettre en place un service public de la sobriété et de la performance énergétique. Certes, des dispositifs ont été mis en place – soutiens et missions divers, schémas régionaux de cohérence écologique, schémas air, climat, énergie, plans territoriaux –, mais ils exigent une planification écologique et des moyens que le contexte de rigueur budgétaire n’a pas permis de vous allouer.

Mme Brigitte Allain. La compétitivité économique ne peut être que durable et respectueuse de l’écologie. Elle ne peut donc passer ni par l’énergie atomique – on n’a jamais voulu chiffrer le coût du démantèlement à venir des centrales nucléaires –, ni par les énergies fossiles, dont le gaz de schiste, qui sont épuisables et dont l’extraction est toujours polluante, ni par les agrocarburants de première génération qui concurrencent les productions alimentaires et ne sont pas intéressants sur les plans écologique et économique.

La compétitivité passera donc par les énergies renouvelables, car celles-ci sont inépuisables, qu’il s’agisse de l’eau, du vent, du soleil ou de la biomasse. Quand nous donnerons-nous donc les moyens d’une véritable recherche en matière d’énergies renouvelables ?

La méthanisation, procédé issu de la décomposition de la biomasse, est une source d’énergie intéressante, mais elle entre en concurrence avec les productions agricoles alimentaires. Si nous voulons éviter cette concurrence, nous devons l’encadrer de façon très précise et vérifier qu’elle utilise uniquement les déjections animales et les produits annexes. Le ministre de l’agriculture a suggéré hier d’orienter la production de la biomasse vers des installations à la fois collectives et proches des utilisateurs. Cette proposition est très intéressante.

Il semble qu’au cours des dernières années, les textes aient porté préjudice à la filière de la biomasse issue des industries de première transformation du bois et du recyclage. Quel est l’avenir de cette filière de production de chaleur ?

En résumé, quels moyens sommes-nous prêts à engager pour évoluer vers une transition énergétique durable ?

Mme la ministre. Monsieur Herth, les premiers éléments de l’analyse réalisée par RTE montrent que les investissements programmés permettront d’assurer la sécurité d’approvisionnement électrique de la plaque alsacienne, étant entendu que 2016 sera l’année de l’ouverture de l’EPR et de la fermeture de Fessenheim.

Vous évoquez un consensus national autour de la transition énergétique, je ne peux que m’en réjouir. Il ne tient qu’à vous de rejoindre l’engagement de la nation.

En matière de bonus-malus automobile, les chiffres annoncés – 450 millions d’euros pour le bonus et 400 millions pour le malus – sont issus des prévisions de la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) et de la Direction générale du Trésor sur la base des immatriculations prévisibles dans chacune des tranches et de l’évolution du marché due à l’impact des nouvelles dispositions. Il est clair que le malus doit financer le bonus – je partage la position du ministre du budget sur ce point.

Je tiens à saluer ici le travail accompli par les agents de la DGEC qui, dans leur ensemble, en dépit de la RGPP et des nombreuses réorganisations qu’elle a entraînées, exercent remarquablement leur mission de service public.

S’agissant de la proposition de loi de François Brottes, le Gouvernement était tout à fait ouvert à lui apporter des améliorations, mais le débat parlementaire a tourné court.

En ce qui concerne les gisements en Guyane, une commission de suivi a été mise en place avec tous les acteurs concernés – élus locaux, associations de protection de l’environnement. Ce processus suit son cours.

Quant à la réforme du code minier, le groupe de travail de Thierry Tuot, conseiller d’État, se réunit pour la quatrième fois. À ma demande, il prendra rapidement contact avec les parlementaires.

Cette réforme repose sur quatre priorités : la mise en conformité avec la Charte de l’environnement ; la question des bénéfices que l’État et les collectivités territoriales sont en droit d’attendre de l’exploitation des ressources minières sachant que, dans le modèle français datant de Napoléon, les richesses du sous-sol appartiennent à l’État et non au propriétaire du terrain ; le respect des particularités des outre-mer ; enfin, la question de la responsabilité environnementale des entreprises auxquelles nous demanderons des garanties.

S’agissant des biocarburants de première et de deuxième génération, je vous renvoie aux décisions récentes de la Commission européenne lié au problème du CASI – changement d’affectation des sols indirect. Lors de la Conférence environnementale, le Gouvernement a revu à la baisse la défiscalisation s’appliquant aux biocarburants de première génération. Les biocarburants de deuxième et de troisième génération font actuellement l’objet de recherches dans les établissements publics comme l’IFP Énergies nouvelles et le Commissariat à l’énergie atomique (CEA), sans oublier les recherches en cours sur les algues.

Concernant la Communauté européenne de l’énergie et les convergences avec l’Allemagne, nous devons en effet rechercher des convergences en matière d’énergies renouvelables car celles-ci constituent un enjeu industriel. L’économie verte fait actuellement l’objet d’une compétition mondiale, en particulier les technologies d’efficacité énergétique et les énergies renouvelables. La Commission européenne a ainsi lancé des procédures pour concurrence déloyale dans le domaine de la production de panneaux photovoltaïques. L’économie verte est désormais un enjeu industriel que nous devons prendre à bras-le-corps et ce sera l’un des objectifs de la Communauté européenne de l’énergie.

J’en viens à la Polynésie française et à son ambition de devenir un modèle dans la zone du Pacifique. J’ai récemment rencontré Jacky Bryant, ministre de l’environnement, de l’énergie et des mines du Gouvernement de la Polynésie française, pour évoquer avec lui ces questions. Sachez, monsieur le député, que le débat national sur la transition énergétique sera décentralisé de façon à ce que tous les territoires, en métropole comme outre-mer, adaptent le processus à leurs problématiques propres. Les territoires outre-mer disposent d’un important potentiel en matière d’énergies renouvelables intermittentes – l’éolien et le photovoltaïque – et non intermittentes – la méthanisation, la biomasse et les énergies marines.

La maîtrise publique de l’énergie, monsieur Chassaigne, doit être comprise à l’échelle européenne. Toutefois il est clair que nous n’entendons pas remettre en cause les tarifs réglementés de l’électricité.

La baisse des crédits du programme 174 s’explique par la diminution du nombre des ayants droit de l’Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs (ANGDM). En revanche, les crédits dédiés à la qualité de l’air augmentent de 18 % et ceux alloués à la politique énergétique sont stables.

Pour ce qui est de revoir l’architecture du programme 174, nous sommes prêts à en étudier la possibilité.

Divers financements extrabudgétaires contribuent à la politique de l’énergie et de la transition énergétique : la Banque publique d’investissement, en direction des PME, ou encore le budget de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) pour les opérations de rénovation thermique des logements.

S’agissant de la méthanisation, je partage pleinement les propos de Stéphane Le Foll sur le bien-fondé de grouper les installations et de réfléchir au format le plus pertinent. Moi qui suis attachée à un territoire rural, je souhaite que la méthanisation vienne en complément du revenu des exploitations agricoles sans devenir leur production principale, conformément à nos souhaits en matière de modèle agricole. Je crois beaucoup au développement de la méthanisation et je regrette le retard qu’a pris la France dans ce domaine. Mais nous avons aujourd’hui dans notre pays des PME capables de développer l’ensemble du process de méthanisation.

Quant à la biomasse, la question de l’approvisionnement m’a amenée à maintenir le fonds Chaleur au niveau où il se trouve. La biomasse constitue 50 % de l’énergie renouvelable actuellement produite en France. Nous voyons se développer dans les territoires ruraux des réseaux de chaleur extrêmement performants, mais les installations plus importantes posent des problèmes de gestion durable de la ressource en bois. Le bilan des grands appels d’offre nous montre que la biomasse est plus pertinente pour la production de chaleur que pour la cogénération. Je crois beaucoup à l’avenir de la biomasse dans le cadre d’un plan filière bois global et je ferai en sorte, avec mes collègues Stéphane Le Foll et Arnaud Montebourg, que le développement de l’énergie bois s’inscrive dans une logique d’ensemble prenant en compte les différents débouchés du bois dont l’ameublement, la construction et l’utilisation des sous-produits pour la biomasse.

S’agissant des coûts de démantèlement, EDF les fixait en 2010 à 306 euros par kilowatt – c’est le bas de la fourchette internationale. Suite au rapport de la Cour des comptes, j’ai demandé des audits sur le coût des démantèlements et nous veillerons à ce qu’ils soient réalisés dans les meilleurs délais.

M. le président François Brottes. La question de l’approvisionnement est aussi fondamentale pour l’exploitation de la biomasse.

M. le rapporteur pour avis. Monsieur Chassaigne, si vous vous penchez plus attentivement sur mon rapport, vous y lirez que j’y dénonce un soit-disant marché de l’électricité qui n’a d’électricité que le nom et que j’invite les pouvoirs publics à intervenir dans la discussion européenne. Je suis en effet très attaché à l’idée d’une politique publique en la matière.

Mme Frédérique Massat. Je vous remercie, madame la ministre, de nous présenter un budget qui, dans le contexte contraint que nous connaissons, préserve les priorités affichées par la Conférence environnementale. Peut-être est-ce un budget de transition, qui sera conforté l’année prochaine lorsque le débat national sur l’énergie aura eu lieu.

La sobriété énergétique et la maîtrise de la demande ont été saluées sur tous les bancs, mais elles ne pourront s’enclencher que si nous changeons les comportements et les mentalités de nos concitoyens – c’est le sens de la proposition de loi de François Brottes.

L’efficacité réelle des certificats d’économie d’énergie a été mise en doute par le Conseil supérieur de l’énergie. Existe-t-il d’autres outils, tout aussi efficaces mais moins coûteux ?

Je suis favorable au dispositif de bonus-malus, mais la « dieselisation » excessive de notre parc automobile a un impact réel sur la qualité de l’air. Il faudrait donc trouver un dispositif susceptible de développer le parc des véhicules moins polluants du point de vue de leurs rejets tant de CO2 que de particules fines.

M. Éric Straumann. Notre collègue Hervé Mariton vous a interrogée hier, madame la ministre, au sujet de la fermeture de la centrale de Fessenheim qui n’interviendra pas avant 2016, comme l’a indiqué le président de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). La fermeture de cette centrale suscite une incompréhension en Alsace, car on ne parle pas de celle de Tricastin, qui n’a été inaugurée que deux ans plus tard. Vous nous présentez l’ouverture de l’EPR comme une forme de compensation. Mais en Alsace, en périodes de pointe, nous importons d’Allemagne une électricité issue de centrales à charbon, dont vous connaissez tous l’impact. Certes, l’Alsace sera toujours autonome sur le plan de l’électricité, mais je vous rappelle que nous avons des engagements à l’égard des Suisses et des Allemands qui ont participé à la construction de notre centrale. Combien vont-ils nous réclamer si nous rompons cet engagement ? J’ai entendu dire qu’il fallait près de 500 millions d’euros de gaz par an pour compenser la fermeture de la centrale de Fessenheim. Pouvez-vous confirmer ce chiffre ?

Mme Béatrice Santais. Madame la ministre, je vous sollicite sur un sujet qui m’est particulièrement cher en tant que maire de la commune de Montmélian, leader depuis une trentaine d’années en matière d’énergie solaire thermique. Nous réalisons actuellement une étude d’urbanisme, avec l’aide de l’Institut national de l’énergie solaire (INES), pour la création d’un écoquartier de 800 logements qui seront chauffés grâce à un réseau de chaleur solaire. Cette réalisation, si elle aboutit, sera une première mondiale.

Ma question porte sur le secteur photovoltaïque. Je ne reviens pas sur le moratoire qui a mis fin au tarif de rachat avantageux, ce qui a eu pour conséquence immédiate la suppression d’un grand nombre d’emplois. L’État n’avait pas les moyens de suivre le rythme des installations puisqu’en 2010 leur nombre était plus important que celui prévu par le Grenelle de l’environnement pour 2020. Cette décision, compréhensible bien que précipitée, est en contradiction avec notre volonté de diversifier le mix énergétique français et de promouvoir la croissance verte.

Vous avez, le 1er octobre dernier, évoqué des pistes susceptibles de donner une nouvelle impulsion à la filière : lancement d’un nouvel appel d’offres pour les installations supérieures à 250 kilowatts, revalorisation du prix d’achat de l’énergie produite. Ces décisions ont été très favorablement accueillies par les professionnels, les acteurs de la filière et les territoires. Quel est le calendrier prévisionnel de la mise en œuvre de ces mesures ?

Mme Pascale Got. La question énergétique sera-t-elle partie intégrante de la prochaine étape de la décentralisation ?

Dans nos territoires, les projets de développement d’énergies renouvelables sont bloqués. Allez-vous encourager, une bonne fois pour toutes, madame la ministre, la production énergétique territoriale ?

Nous entendons parler, ici ou là, d’une réévaluation du prix de rachat de l’électricité et d’une simplification des démarches relatives aux zones d’implantation des éoliennes. Qu’en est-il de cette « énergie administrative » ?

Mme Marie-Lou Marcel. Ma question concerne la diminution des crédits alloués au BRGM.

Ma circonscription est située sur un secteur minier dont le plan de prévention des risques naturels (PPRN) n’a pas encore été délimité, mais qui comprend des zones d’interdiction et d’autorisation urbanistiques. La circulaire de janvier 2012 est appliquée à partir d’une carte des aléas qui n’a jamais été discutée avec les élus. Cela donne lieu à des situations paradoxales. C’est ainsi qu’un lotissement, situé sur une commune qui avait obtenu un permis de construire, se retrouve, selon la carte d’aléas, pour moitié en zone inconstructible. La commune, qui a déjà investi 400 000 euros, ne pourra procéder à des investigations complémentaires. Sur une autre commune, c’est un collège privé qui a été cédé à un office public HLM pour construire des logements sociaux. Ces deux projets nécessitent des sondages complémentaires. Le BRGM a naturellement effectué des études, mais, faute de moyens, il ne peut aller plus loin. Ces communes se voient infliger la double peine, car si l’État intervient dans les zones urbanisées, en revanche, dans les zones à urbaniser, une telle intervention incombe à l’aménageur, en l’occurrence aux collectivités locales qui n’ont pas forcément les moyens nécessaires pour effectuer les sondages.

M. Frédéric Roig. J’attire votre attention, madame la ministre, sur la difficulté de développer les énergies renouvelables dans les territoires ruraux. Il existe en France une cinquantaine de parcs naturels, régionaux ou nationaux, une quinzaine de sites inscrits au Patrimoine mondial de l’Unesco, et une vingtaine de sites relevant de l’opération « grands sites ». La mise en place sur ces territoires de dispositifs d’accompagnement à la production de biomasse leur permettrait de participer totalement à la transition énergétique.

Mme Annick Le Loch. J’ai sans doute lu trop rapidement le rapport de David Habib, mais j’y ai vu des commentaires qui m’interpellent concernant la perte de rentabilité des centrales à charbon et des cycles combinés au gaz qui auraient vu leur utilisation diminuer de 3 000 heures par an. Je lis que de nombreux projets, pour lesquels des investissements locaux importants avaient été réalisés, sont aujourd’hui gelés. Madame la ministre, que devient, dans ces conditions, le projet en cours dans le département du Finistère ?

Mme Josette Pons. Mon collègue Philippe Armand Martin, qui s’est absenté, m’a chargée de vous demander s’il était dans les intentions du Gouvernement de mettre en œuvre un bonus écologique pour soutenir la vente des véhicules agricoles électriques.

Je souhaite, quant à moi, revenir sur l’exploitation des gaz de schiste. Notre collègue David Habib signale dans son rapport que « la question de l’exploitation des ressources en gaz de schiste du sous-sol français est économiquement centrale » et évoque pour l’exemple la compétitivité de l’industrie nord-américaine. Avons-nous une réelle connaissance du volume des gisements de gaz de schiste contenus dans le sous-sol français ? Sommes-nous en mesure de les exploiter ? Existe-t-il d’autres techniques d’exploitation que la fracturation hydraulique, qui semble être un désastre pour les nappes phréatiques ?

Mme Marie-Noëlle Battistel. Dans les Alpes, l’hydroélectricité est la plus importante source d’énergie renouvelable et génère à elle seule plus de 90 % de la production d’électricité. Dans le cadre de la transition énergétique, sa faible émission de gaz à effets de serre devrait nous inciter à développer sa production.

L’hydroélectricité présente un intérêt stratégique pour les régions alpines. Le renouvellement des concessions des barrages hydroélectriques devrait être lancé au cours du deuxième semestre 2012. Quelles sont les intentions du Gouvernement en matière de mise en concurrence de ces ouvrages ? Quel en est le calendrier officiel ? Nous gagnerions à ne pas précipiter le processus et à envisager l’hydroélectricité comme un élément du mix énergétique et de la maîtrise publique de l’énergie. Qu’en pensez-vous ?

Quelles sont les intentions du Gouvernement en ce qui concerne l’effacement de la consommation, qui permet aux entreprises de réduire significativement le coût résiduel du poste énergie ?

M. le président François Brottes. Je m’associe pleinement, ma chère collègue, à la façon dont vous avez formulé la première question.

Mme Corinne Erhel. Vous avez raison, madame la ministre, l’énergie marine constitue un potentiel remarquable pour notre pays compte tenu de l’importance de sa façade maritime.

L’énergie hydrolienne est très prometteuse. Des démonstrateurs sont actuellement testés, dont l’un au large de Paimpol Bréhat. Étant totalement immergés, ils n’ont aucun impact visuel. En outre, ils fonctionnent en continu et en double flux. Les premiers tests ayant donné des résultats extrêmement prometteurs, il convient d’encourager leur développement.

La feuille de route sur la transition énergétique prévoit le financement de nouveaux démonstrateurs à compter de 2013. Pouvez-vous nous donner des précisions sur ce point ? Nous essayons de constituer une filière hydrolienne en Bretagne, avec des acteurs industriels et des PME à la pointe sur ces technologies. Que pensez-vous de l’avenir de cette filière ?

M. le président François Brottes. Votre proposition, ma chère collègue, vient en complément de celle du ministre de l’agriculture concernant la méthanisation des algues.

M. Dominique Potier. Ma circonscription compte deux industries électro-intensives, ainsi que dix PME qui ont réalisé des progrès considérables en matière d’économies d’énergie au niveau des process, de l’isolation et de la cogénération. Comment favoriser le maintien des industries électro-intensives en France tout en encourageant les efforts de l’industrie capable d’optimiser l’énergie ? Selon quelle méthode : prix différenciés, accompagnement des perspectives baptisées « écologie industrielle » ou « économie circulaire » ?

M. Razzy Hammadi. L’annulation de l’arrêté du 13 août 2009 sur les tarifs réglementés de vente d’électricité a entraîné notamment celle des tarifs bleu et jaune, considérés comme illégaux en raison de l’absence de critère transparent ou permettant l’égalité de traitement. Sur le fond, cela nous amène, comme l’indiquent les requérants, à rechercher une progressivité des tarifs. M. Chassaigne parlait d’un dispositif précipité : pourtant, la proposition de loi de François Brottes a anticipé une situation qui pourrait être aujourd’hui beaucoup plus grave, les raisons ayant conduit à l’annulation des tarifs de 2009 pouvant valoir pour 2010, 2011 et 2012. À la suite de la décision du Conseil d’État, les tarifs des usagers seront recalculés de façon rétroactive pour la période allant de juin 2009 à août 2010 et nous avons trois mois pour ouvrir ce chantier tarifaire. Si la proposition de loi nous fait gagner quelques semaines, qu’est-il prévu pour répondre dans l’immédiat à cette décision ?

Selon les derniers chiffres d’ERDF, il semble que sur les neuf premiers mois de l’année, moins de 500 mégawatts (MW) d’éolien terrestre aient été raccordés au réseau alors qu’il en faudrait 1 400 par an pour satisfaire l’objectif de 19 000 MW pour 2020. De même, le solaire photovoltaïque décroît de 47 % au deuxième trimestre. L’urgence de la situation appelle des mesures quasi immédiates : quelles sont les intentions du Gouvernement à cet égard ?

Par ailleurs, s’agissant de la décision du tribunal administratif de Paris du 7 juin 2012, nous avons été interpellés par un certain nombre de syndicats et de territoires sur la volonté de spécialisation de la relation client d’ERDF et de GRDF, qui va à l’encontre de la loi de 1946 et de l’engagement de 2004 : qu’est-il prévu dans ce domaine ?

Enfin, les questions de la concurrence et de la stratégie non coopérative de certains États sont-elles posées dans le cadre européen en ce qui concerne le gaz, notamment pour les infrastructures – je pense en particulier aux projets South Stream et Nabucco ?

Mme la ministre. Madame Massat, nous allons entrer dans la troisième période des certificats d’économie d’énergie. Comme beaucoup d’opérateurs, je ne suis pas satisfaite du système actuel, qui est compliqué et bureaucratique. Ces certificats ne semblent pas jouer le rôle de levier qui devrait être le leur en matière de sobriété énergétique. J’engage actuellement une réflexion pour savoir dans quelle mesure il serait possible de les mobiliser pour aller vers le système de tiers investisseur qui servira à financer les travaux de rénovation thermiquE.ON pourrait, avec les mêmes moyens financiers, avoir un système bien plus efficace.

S’agissant du diesel et des particules, la Conférence environnementale pour la transition écologique a prévu d’examiner la question de la fiscalité globale des carburants. Faire reposer le bonus-malus sur le CO2 résulte en effet d’un choix. À cet égard, les technologies ont évolué : le problème le plus important aujourd’hui est celui des véhicules anciens, antérieurs à 1997 ou 2000, qui émettent beaucoup de particules.

En ce qui concerne la centrale de Fessenheim, l’Autorité de sûreté nucléaire est indépendante – le Gouvernement y est très attaché. Je comprends parfaitement que le président de l’ASN indique que la sûreté n’est pas une variable d’ajustement de la politique de l’énergie. Les décisions de l’ASN s’imposent à l’État et aux opérateurs et c’est très bien ainsi. M. Lacoste a pour habitude de rappeler que l’ASN, seule, peut décider de la fermeture d’une centrale pour des raisons de sûreté et le Gouvernement pour toutes les autres raisons : celle de Fessenheim sera donc fermée parce que c’est la plus ancienne. Une disposition sera prévue à cet effet dans la loi de programmation sur la transition énergétique. Quant au chiffre de 500 millions d’euros, je ne sais à quoi il correspond.

Quant au solaire thermique, je pense que la France a eu tort de l’abandonner – cela renvoie à la question du stockage de l’énergie, qui est importante.

Concernant le photovoltaïque, pour les grandes installations, un nouvel appel d’offres va être lancé et le cahier des charges est en préparation au sein de la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC). Pour les installations moyennes, la série d’appels d’offres automatiques trimestriels lancée en 2011 va se poursuivre, mais nous allons revoir le cahier des charges, car je souhaite que l’on y intègre une dimension industrielle de valeur ajoutée créée en France, même si ce travail est ardu. Pour les petites installations, le projet d’arrêté sera prochainement transmis au Conseil supérieur de l’énergie et à la Commission de régulation de l’énergie (CRE). Il est prévu notamment un système de bonification reposant sur l’origine des panneaux.

Madame Got, la question de la décentralisation, en particulier en matière d’énergie renouvelable, est importante. C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité donner au débat national sur la transition énergétique une dimension décentralisée : on pourra ainsi débattre dans les collectivités territoriales non seulement du modèle national, mais aussi du modèle local de production et de consommation énergétiques – comme cela a été fait intelligemment en Bretagne avec le pacte électrique ou dans le cadre d’une conférence régionale de l’énergiE.ON pourrait envisager un modèle où chacun serait à la fois consommateur et producteur d’énergie.

En ce qui concerne l’éolien, les mesures proposées par le Gouvernement dans le cadre de la proposition de loi de François Brottes visent à remédier à un empilement administratif source de contentieux, en particulier avec la procédure des zones de développement éolien (ZDE), qui s’ajoute aux schémas régionaux éoliens – lesquels sont le bon outil de planification stratégique pour intégrer notamment la protection des paysages et des sites remarquables. En revanche, la procédure relative aux installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) est satisfaisante, dans la mesure où elle est bien connue et cadrée au regard de l’enquête publique et de la consultation des élus locaux.

Madame Marcel, le BRGM est un établissement particulièrement utile, qui fait un travail remarquable sur toutes les questions minières et de géologie. Nous avons décidé une quasi-stabilité de ses effectifs et un budget de 34 millions d’euros pour le département prévention et sécurité minière. Nous sommes confrontés à la même situation que celle que vous évoquez dans l’Aveyron dans d’autres territoires, ce qui a donné lieu récemment à des réunions d’élus locaux avec mon cabinet : la même circulaire et les mêmes problèmes juridiques et de financement y ont été évoqués. Je suggère donc que l’on organise avec vous une réunion de travail sur la situation dans ce département.

Le projet de centrale à cycle combiné au gaz de Landivisiau fait partie du pacte électrique breton. Une procédure d’appel d’offres a abouti en février dernier : l’objectif de production est de 450 MW en 2016. Nous sommes maintenant dans la phase des procédures ICPE et de raccordement en gaz et en électricité.

Quant aux véhicules agricoles électriques, c’est la première fois que l’on m’interroge sur ce point, que je vais examiner. Un des grands enjeux du véhicule électrique est le véhicule utilitaire urbain, notamment au regard de la question du dernier kilomètre.

S’agissant des gaz de schiste, la densité d’habitants au kilomètre carré n’est pas la même en France et aux États-Unis. La fracturation hydraulique est la seule technique qui existe, mais elle pose des problèmes environnementaux majeurs.

Pour ce qui est de l’hydroélectricité, je suis en train d’examiner le sujet, les concessions s’achevant dans les années à venir. Se pose le problème du délai glissant au sujet de leur renouvellement, qui semble devoir nécessiter une mise en concurrence, en conformité avec la réglementation européenne et la loi Sapin. Ce secteur constitue un enjeu de valorisation environnementale du patrimoine français : je ne souhaite pas une nouvelle libéralisation. On me dit que le processus est tellement engagé qu’il doit être poursuivi dans la même logique – telle est d’ailleurs la position de la Commission européenne. J’ai donc demandé l’étude de scénarii alternatifs, mais je serais intéressée que votre commission se saisisse aussi de ce sujet et que les services puissent être auditionnés à cet effet, ce qui pourrait aider à forger la décision du Gouvernement.

M. le président François Brottes. Je m’engage à ce que ce soit fait d’ici à la fin de l’année. Il ne faut pas brader l’hydroélectricité !

Mme la ministre. S’agissant de la question de l’effacement, la proposition de loi de François Brottes comporte des dispositions incitatives très importantes.

En ce qui concerne l’hydrolien, nous disposons d’un programme sur les énergies marines et certains travaux en cours aboutiront d’ici à la fin de l’année. Nous avons en effet retenu la logique de démonstrateurs : les choses avancent bien. Un appel à manifestation d’intérêt (AMI) hydrolien devrait être lancé fin 2012-début 2013.

Quant à la production électro-intensive, elle soulève la question du coût de l’énergie ainsi que celle de savoir comment ancrer la localisation industrielle dans nos territoires.

M. le président François Brottes. Madame la ministre, je vous remercie.

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II.— EXAMEN DES CRÉDITS

Suivant l’avis de M. David Habib, rapporteur pour avis, la Commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits pour 2013 du programme 174 (« Énergie, climat et après-mines ») de la mission « Écologie, développement et aménagement durables ».

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