N° 256 tome VII - Avis de M. Jean-Jacques Bridey sur le projet de loi de finances pour 2013 (n°235)



N
° 256

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 octobre 2012.

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES
SUR LE PROJET DE LOI
de finances pour 2013 (n° 235)

TOME VII

DÉFENSE

ÉQUIPEMENT DES FORCES – DISSUASION

PAR M. Jean-Jacques BRIDEY

Député

——

Voir le numéro : 251 (annexe 10).

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

PREMIÈRE PARTIE : ANALYSE DES CRÉDITS ET DES PROGRAMMES D’ARMEMENT 7

I. LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2013 PRÉSERVE L’ESSENTIEL DES CAPACITÉS 7

A. Présentation des crédits pour 2013 : une forte diminution des engagements 7

B. Des acquisitions néanmoins importantes 8

C. Une programmation 2009-2014 trop ambitieuse ? 11

D. La DGA dans la réforme du ministère 13

E. Une industrie qui doit s’adapter 14

1. L’enjeu de l’exportation 14

2. La mutation du paysage industriel 15

II. ANALYSE DES PROGRAMMES D’ARMEMENT 17

A. La dissuasion, garantie fondamentale de la sécurité nationale 17

1. Le renouvellement des équipements 17

2. Le CEA au cœur de la souveraineté nationale 19

3. La recherche et le démantèlement 21

B. Le milieu terrestre : des moyens fortement contraints 21

1. Évolution des crédits intéressant l’armée de terre 21

2. Avancement des principaux programmes 25

3. L’aéromobilité 27

C. Le milieu maritime 27

1. Évolution des crédits intéressant la marine 27

2. Avancement des principaux programmes 28

3. Le programme Barracuda 29

D. Le milieu aérien 30

1. Les crédits de l’armée de l’air 30

2. L’avancement des principaux programmes 30

3. La question du drone MALE 33

DEUXIÈME PARTIE : TECHNOLOGIES DE DÉFENSE ET SOUVERAINETÉ 37

I. LA FRANCE A DEVELOPPÉ UN LARGE PANEL DE CAPACITÉS INDUSTRIELLES ASSURANT SA SOUVERAINETÉ 37

A. Soutenir la base industrielle et technologique de défense française 37

B. Identifier les secteurs de souveraineté 38

II. LA PROTECTION DE NOTRE PATRIMOINE TECHNOLOGIQUE 41

A. La sécurité des sites et des technologies 41

B. Le contrôle des investissements étrangers 42

C. Protéger nos intérêts dans le cadre de contrats à L’exportation 43

III. PISTES DE RÉFLEXIONS SUR L’AVENIR 45

A. Les points de vigilance 45

B. Préserver les dispositifs de soutien aux filières d’avenir 45

C. La coopération européenne 46

TRAVAUX DE LA COMMISSION 49

I. AUDITION DE M. LAURENT COLLET-BILLON, DÉLÉGUÉ GÉNÉRAL POUR L’ARMEMENT DU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE 49

II. EXAMEN DES CRÉDITS 61

ANNEXES 65

Annexe 1 : Liste des personnes auditionnées par le rapporteur 65

Annexe 2 : Extrait du Livre Blanc de 2008 relatif à la stratégie industrielle de Défense 66

Le programme 146 « Équipement des forces » de la Mission « Défense » rassemble les crédits d’équipement du ministère de la défense. Il est co-piloté par le chef d’état-major des armées et le délégué général pour l’armement (DGA) et se décline en cinq systèmes de forces. S’il joue un rôle évident dans la politique de défense de la France, il peut également être considéré comme l’un des principaux leviers de politique industrielle à la disposition du Gouvernement. Ses crédits financent des commandes de toutes tailles s’inscrivant parfois dans le très long terme, tels que les avions de combat ou encore les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE). Il porte en particulier l’essentiel des crédits de la dissuasion nucléaire, matrice par excellence d’un effort industriel et technologique de long terme.

Le projet de loi de finances (PLF) pour 2013 propose pour la défense un « budget de transition ». Il s’inscrit dans une période très particulière. Un nouveau Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale est en cours de rédaction. Il devrait revoir le contexte stratégique dans lequel notre pays évolue, quels sont ses intérêts et quelle doit être son ambition dans ces deux domaines. Ses conclusions, attendues pour le mois de janvier, orienteront la future loi de programmation militaire (LPM) que le Parlement devrait examiner d’ici l’été. Ces travaux interviennent dans un contexte marqué par une succession de crises : financière, économique et maintenant budgétaire. Face à cette situation difficile, les gouvernements successifs depuis 2011 ont décidé des mesures de redressement reposant pour partie sur des réductions de dépense incluant la Défense. Il en résulte mécaniquement un décalage croissant entre les ambitions de la programmation 2009-2014 et les crédits réellement consommés. Ce décalage était d’autant plus important que la programmation reposait sur des hypothèses optimistes : abondement dès 2010 de recettes de cessions, exportation du Rafale, accroissement dès 2013 du budget de la défense de 1 % en volume chaque année.

Autant d’éléments confortant la posture retenue par le Gouvernement pour la fin d’exercice 2012 et le PLF pour 2013 : contribution équilibrée de la Défense à l’effort de réduction des dépenses et posture d’attente s’agissant du lancement de programmes nouveaux. Cette démarche explique la stabilité des crédits de paiement (les commandes initiées auparavant sont honorées), tout comme le tassement des autorisations d’engagement ; un équilibre qui laisse naturellement le soin à la programmation à venir d’adapter les nouvelles commandes aux conclusions du prochain Livre blanc.

Pour son premier avis budgétaire de la législature sur les crédits de l’équipement et de la dissuasion, le Rapporteur a d’abord souhaité mettre les crédits du programme 146 en perspective avec la programmation. Puis, dans un contexte de réflexion sur des ambitions françaises dans le domaine de la défense comme dans celui de l’industrie, il a voulu proposer un développement relatif aux enjeux technologiques de défense.

PREMIÈRE PARTIE : ANALYSE DES CRÉDITS ET DES PROGRAMMES D’ARMEMENT

I. LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2013 PRÉSERVE L’ESSENTIEL DES CAPACITÉS

Dans un contexte difficile, les crédits de paiement (CP) du programme 146 sont stables, seules les autorisations d’engagement (AE) sont fortement affectées par des diminutions.

A. PRÉSENTATION DES CRÉDITS POUR 2013 : UNE FORTE DIMINUTION DES ENGAGEMENTS

Le tableau ci-après décrit l’évolution des crédits du programme 146, par action, sur la période 2012-2013.

PRÉPARATION DES FORCES : PROGRAMME 146

           

(en millions d’euros)

 

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Numéro et intitulé de l’action

LFI 2012

PLF 2013

Évolution en %

LFI 2012

PLF 2013

Évolution en %

6

Dissuasion

3 120

2 442

- 27,7

2 605

2 505

- 4,

7

Commandement et maîtrise de l’information

1 481

1 802

17,8

414

513

19,2

8

Projection - mobilité - soutien

1 741

824

- 111,2

960

962

0,2

9

Engagement et combat

2 148

2 175

1,25

4 447

4 396

- 1,2

10

Protection et sauvegarde

1 185

612

- 93,6

428

367

- 16,8

11

Préparation et conduite des opérations d’armement

2 108

2 228

5,4

2 107

2 226

5,4

12

Parts étrangères et programmes civils

/

/

/

/

/

/

 

Total

11 783

10 085

- 16,8

10 962

10 969

0,1

LFI : loi de finances initiale.

LFI 2012 : loi de finances initiale pour 2012.

PLF 2013 : projet de loi de finances pour 2013.

Source : Projet annuel de performances 2013.

Le programme 146 « Préparation des forces » connaît une baisse de 16 % des autorisations d’engagement (AE) entre la loi de finances initiale (LFI) 2012 et le projet de loi de finances (PLF) 2013. Avec une très légère hausse de 0,06 %, les crédits de paiement (CP) de ce programme sont stables. L’évolution des programmes qu’il comporte est détaillée dans les développements ultérieurs, par grands domaines (dissuasion, milieux terrestre, maritime et aérien).

Au cours de l’exercice 2012, le Gouvernement s’est efforcé de concilier les efforts budgétaires avec la nécessité de préserver l’essentiel des capacités pour l’avenir. Les réductions de crédits se traduisent d’abord par le décalage dans le temps de commandes portant surtout sur des programmes nouveaux. Concrètement, le niveau d’engagement a été ramené de 10,2 milliards d’euros (LFI) à 7,3 (cf. audition du DGA en annexe). Les besoins de paiement du programme 146, hors titre 2, sont estimés pour 2012 à 11,6 milliards d’euros pour des ressources envisagées autour de 10 milliards, en escomptant la levée des 480 millions d’euros de réserves et en incluant 936 millions d’euros de ressources extrabudgétaires issues de la vente de fréquences. Le report de charge s’élèvera donc à la fin de l’année à environ 1,7 milliard d’euros, toujours en supposant la levée de la réserve budgétaire.

L’exercice de réactualisation du Livre blanc étant toujours en cours, l’élaboration du PLF pour 2013 est prudente : le Gouvernement a construit un « budget de transition ». Le projet annuel de performances affiche un niveau d’engagement honorable, même si dans les faits, l’acquisition de nombreux programmes est repoussée. L’effort de paiement est quant à lui maintenu à près de 11 milliards d’euros.

B. DES ACQUISITIONS NÉANMOINS IMPORTANTES

Le tableau ci-après décrit, pour les principaux programmes engagés avant 2011, les livraisons intervenant sur la période 2012-2013.

LIVRAISONS INTERVENANT SUR LA PÉRIODE 2012-2013

Livraisons 2012

Livraisons 2013

1 Frégate multimissions FREMM

-

-

25 torpilles MU 90

1 bâtiment de projection et de commandement (BPC)

-

1 aéronef spécialisé dans le recueil du renseignement électromagnétique C160 Gabriel rénové

1 aéronef spécialisé dans le recueil du renseignement électromagnétique C160 Gabriel rénové

11 avions RAFALE

11 avions RAFALE

2 CASA CN 235 - avions cargo

3 CASA CN 235 - avions cargo

1 Falcon 2000 AUG – avion gouvernemental

-

-

3 A400M

-

1 Falcon 50 SURMAR – transformation en version de surveillance maritime

7 nacelles de reconnaissance nouvelle génération (RECO NG)

-

224 armements air-sol modulaires (AASM)

220 armements air-sol modulaires (AASM)

4 036 équipements FELIN

4 036 équipements FELIN

100 blindés VBCI

83 blindés VBCI

4 hélicoptères TIGRE de type HAP (Hélicoptères Appui Protection)

4 hélicoptères TIGRE de type HAD (Hélicoptères Appui Destruction)

3 hélicoptères EC725 CARACAL (relance)

 

4 hélicoptères NH 90 en version TTH

8 hélicoptères NH 90 en version TTH

2 hélicoptères NH 90 en version NFH

4 hélicoptères NH 90 en version NFH

3 hélicoptères Cougar rénovés

5 hélicoptères Cougar rénovés

200 petits véhicules protégés (PVP)

-

3 systèmes de franchissement (SPRAT)

3 systèmes de franchissement (SPRAT)

10 missiles air-air MICA

-

2 systèmes sol-air moyenne portée terrestres (SAMP/T) de la famille de systèmes sol-air futurs (FSAF)

2 systèmes sol-air moyenne portée terrestres (SAMP/T) de la famille de systèmes sol-air futurs (FSAF)

13 missiles anti-aériens ASTER 30

23 missiles anti-aériens Aster 30 de la famille de systèmes sol-air futurs (FSAF)

-

20 missiles anti-aériens Aster 15 de la famille de systèmes sol-air futurs (FSAF)

15 missiles Mistral rénovés

335 missiles Mistral rénovés

1 500 ensembles de parachutage du combattant (EPC)

1 500 ensembles de parachutage du combattant (EPC)

-

72 Porteurs Polyvalents Terrestres (PPT)

-

252 roquettes GMLRS-U pour LRU

37 véhicules à haute mobilité (VHM)

1 véhicule à haute mobilité (VHM)

1 système sol pour l’observation spatiale (SSO)

-

3 radars de poursuite de nouvelle génération (PAR NG/SCCOA3)

3 radars de surveillance aérienne Haute et Moyenne Altitude rénovés (SCCOA 4)

17 kits de numérisation (SI Terre)

15 kits de numérisation (SI Terre)

1 site embarqué (SIC 21)

-

26 stations segment sol (SYRACUSE III)

2 stations segment sol (SYRACUSE III)

51 stations ASTRIDE phase 2

-

2 systèmes INTRACED

-

9 systèmes RIFAN étape 2

13 systèmes RIFAN étape 2

3500 TEOREM

2 000 TEOREM

9 stations navales SSU (TELCOMARSAT)

2 stations navales SSU (TELCOMARSAT)

Source : ministère de la défense.

Les programmes déjà engagés ayant fait l’objet ou devant faire l’objet de commandes en 2012 sont précisés dans le tableau ci-dessous.

PROGRAMMES FAISANT L’OBJET DE COMMANDES EN 2012

5 rénovations d’hélicoptères RENO Cougar (5 FAR) (1)

34 hélicoptères NH 90 TTH

Production M51.2

Réalisation de l’IPER/Adaptation au M51 du SNLE Le Triomphant (2ème SNLE de type « Le Triomphant » à être adapté).

TRANSOUM – Commande de la conception et de la rénovation des premiers Centres de Transmissions Marine (CTM)

1 radar fixe pour Nice (SCCOA4)

24 kits de numérisation (SI Terre)

2 stations segment sol (SYRACCUSE III)

4 systèmes RIFAN étape 2

2 stations navales SSU (TELCOMARSAT)

1 segment sol MUSIS

1 500 ensembles de parachutage du combattant (EPC)

Source : ministère de la défense

(1) La commande de la rénovation des 5 derniers Cougar FAR pourrait être décalée en fonction des arbitrages du PLF.

En ce qui concerne l’année 2013, les principales commandes seront :

– pour le commandement et les systèmes d’information : trois systèmes de drones tactiques SDTI, 4 400 postes de communication CONTACT, un premier système intérimaire de drones MALE (SIDM) ;

– pour l’engagement et le combat : 220 kits AASM, 20 torpilles lourdes ARTEMIS, lancement de l’opération de rénovation ATL2 phase 1, le lancement de la réalisation du missile MMP ;

– pour la projection, la mobilité, et le soutien : le lancement de la réalisation du contrat MRTT (Multi-Role Transport Tanker - avion multirôle de ravitaillement en vol et de transport) ; la rénovation de 5 Cougar ; la commande de 3 000 ensembles de parachutage du combattant (EPC) ;

– pour la protection et la sauvegarde : la commande de trois patrouilleurs de type Supply Ship et la contractualisation du partenariat public-privé pour le programme des bâtiments de soutien et d’assistance hauturiers (BSAH).

La programmation en cours a mis l’accent sur le renouvellement des équipements. Malgré un certain nombre de décalages ou d’annulations, les livraisons se sont déroulées à un rythme soutenu, permettant à nos armées de disposer d’équipements de qualité pour assurer l’essentiel de leurs missions. L’opération Harmattan dans le ciel libyen a révélé certaines faiblesses (en drones MALE ou en ravitailleurs), mais a surtout montré au monde la richesse des compétences de nos armées. Celles-ci disposent d’équipements et de compétences sans équivalents en Europe.

Toutefois, l’ambition fixée en programmation allait au-delà et sa construction apparaît aujourd’hui insuffisamment réaliste au regard du contexte budgétaire dégradé. La nouvelle LPM devra inévitablement revoir le niveau d’engagement budgétaire. Autant de raisons pour faire des exercices 2012-2013 des années d’attente.

C. UNE PROGRAMMATION 2009-2014 TROP AMBITIEUSE ?

La trajectoire budgétaire de la loi de programmation militaire ne peut être tenue faute de ressources budgétaires suffisantes.

Les crédits inscrits en loi de finances initiale (LFI) sur la période 2009-2012, ainsi que ceux réellement consommés, sont décrits dans le tableau ci-après.

CRÉDITS DU PROGRAMME 146
(AGRÉGAT LPM EN CP À STRUCTURE COURANTE)

(en milliards d’euros)

 

LFI

Exécution

 

2009

2010

2011

2012

2009

2010

2011

Équipement

11,3

10,5

9,4

9,7

11,4

9,8

8,5

Hors équipement

0,3

0,2

0,2

0,2

0,3

0,2

0,2

Total du programme

11,6

10,7

9,6

9,9

11,6

10,1

8,7

Source : ministère de la défense

La trajectoire de la LPM a pu être globalement respectée sur les exercices 2009 et 2010. L’impossibilité de percevoir les ressources exceptionnelles en 2011 contribue à expliquer l’écart important entre les montants inscrits en LFI pour 2011 (9,6 milliards d’euros) et ceux exécutés en fin d’exercice (8,7 milliards d’euros).

Ce tarissement des ressources est intervenu alors même que des besoins de financements nouveaux sont apparus. La non-exportation du Rafale a contraint le Gouvernement à honorer strictement ses engagements vis-à-vis des industriels, à savoir soutenir une cadence de production de 11 appareils par an. La programmation avait tablé sur la conclusion de contrats d’exportations permettant, contractuellement, de diminuer les commandes françaises. Ceux-ci ne s’étant pas concrétisés, il a fallu anticiper les commandes inscrites plus tard en programmation.

De surcroît, le retard du programme A400M a nécessité des mesures palliatives, portant notamment sur le prolongement d’activité de C160 Transall ou encore l’acquisition de Casa CN235. Parallèlement, certains programmes d’armement ont vu leur coût réévalué.

Outre le décalage d’environ deux ans de la perception des ressources exceptionnelles, la programmation a été perturbée par deux autres facteurs conjoncturels : l’évolution des hypothèses d’inflation et la contribution du ministère de la défense à l’effort de redressement des finances publiques. Le décrochage est intervenu à partir de l’année 2011 et n’a pu être rattrapé depuis lors. C’est ce que confirme une analyse des crédits élargie à la période 2011-2013, telle que présentée par le tableau ci-après.

CRÉDITS DU PROGRAMME 146 (HORS TITRE 2)

(en milliards d’euros)

CP

2011

2012

2013

Ressources

budgétaires

Ressources

CAS « Fréquences »

Ressources

budgétaires

Ressources

CAS « Fréquences »

Ressources

budgétaires

Ressources

CAS « Fréquences »

LPM 2009 / 2014

9,7

0,250

10,7

0

11,5

0

PBT 2011 / 2013 (été 2010)

8,8

0,750

9,2

0,800

10,2

0,250

LFI (ou PLF pour 2013)

8,8

0,750

9,1

0,886

9,0

1

Exécution 2011 / 2012

8,6 (1)

0,089

8,8 (2)

0,935

   

PBT : programmation budgétaire triennale.

Source : DGA.

La mise en perspective des crédits inscrits en LPM, en programmation triennale, en LFI ainsi que ceux constatés en exécution pour 2011 et 2012 confirme la première analyse. La programmation n’a pas pu être tenue, y compris en 2011 ou 2012. Le deuxième constat tient au rôle des ressources exceptionnelles, dont l’abondement anticipé en 2013 (un milliard d’euros) permettra de limiter l’écart entre les ressources budgétaires inscrites en LFI (9 milliards d’euros) et celles envisagées en LPM (11,5 milliards d’euros). Mais ces ressources vont se tarir à partir de 2014.

Au final, en intégrant le produit des cessions de fréquences, le tableau ci-après décrit l’écart entre l’exécution des lois de finances, la programmation budgétaire triennale (PBT) et la LPM :

ÉCARTS SUR LES CRÉDITS DU PROGRAMME 146 (HORS TIRE 2)

 

2011

2012

2013

Total

Écart PBT - LPM

- 0,4

- 0,7

- 1,1

- 2,1

Écart LFI (ou PLF pour 2013) – PBT

0

- 0,1

- 0,5

- 0,6

Écart exécution - LFI

- 0,9

- 0,2

 

- 1,0

Écart exécution - LPM

- 1,2

- 0,9

- 1,6

- 3,7

Source : DGA

Le PLF 2013 s’inscrit dans la lignée des précédents exercices. S’agissant des crédits de paiement, ce tableau révèle un écart cumulé sur la période de 3,7 milliards d’euros.

En ce qui concerne les autorisations d’engagement, ce sont près de 3,6 milliards d’euros qui auront été décalées à la fin 2012. Le montant total devrait s’élever à 4,5 milliards d’euros fin 2013.

Au-delà de 2013, les perspectives de mise en œuvre des orientations de la précédente LPM sont également difficiles. Dans la programmation triennale en cours d’examen, les crédits du programme 146 seront maintenus à zéro valeur. Cette situation conduira à des choix difficiles, certains besoins s’inscrivant dans la durée. La dissuasion étant dans une phase de renouvellement, les crédits qui en relèvent vont mécaniquement passer de près de 2,7 milliards d’euros aujourd’hui à environ 3,5 milliards d’euros sur la période 2015-2016.

Cette situation justifie en partie la revue de doctrine et de capacités actuellement en cours. En l’état, les projections inscrites en programmation au-delà de 2020 prévoyaient en effet une hausse des crédits annuels d’équipement de plus d’un milliard d’euros chaque année. Pour reprendre les mots du DGA devant la commission, « la programmation n’est plus tenable et le Gouvernement devra veiller à en construire une plus réaliste ».

D. LA DGA DANS LA RÉFORME DU MINISTÈRE

Structure d’ingénierie chargée de piloter les travaux de conception, d’acquisition et d’exportation d’armements, la DGA prend pleinement part au processus de réforme. Forte de plus de 10 000 personnels, elle participe comme les autres administrations à la réforme du ministère de la défense.

L’objectif du coût d’intervention de la DGA est d’un milliard d’euros pour l’exercice 2012. Ce montant intègre, pour plus de 79 %, les rémunérations et charges sociales (RCS), pensions incluses, ainsi que les frais de fonctionnement et les investissements. Le coût des RCS est en baisse de 27 millions d’euros. Le coût de fonctionnement de la DGA repose à 30 % sur des recettes non fiscales, essentiellement abondées par la rémunération d’essais pour des clients étrangers. Le contexte de crise mondiale pourrait fragiliser ces recettes et peser d’autant sur les ressources budgétaires.

Les effectifs de la DGA sont en baisse de 4 %. Cet effort permet de diminuer très légèrement le coût des RCS. Cette pente conduira la DGA à un effectif de près de 9 900 ETPT à la fin 2013. Elle prend sa part au plan de diminution des effectifs du ministère de la défense initié en 2008 à la suite de la RGPP et du Livre blanc. Le tableau ci-après décrit le volume d’emplois supprimés dans ce cadre.

ÉVOLUTIONS DE LA TRAJECTOIRE INITIALE DE RÉDUCTION DES EFFECTIFS EN FONCTION DES TRANSFERTS D’ACTIVITÉ, D’EFFECTIFS ET DE MASSE SALARIALE ENTRE LES DIFFÉRENTS PROGRAMMES DE LA MISSION « DÉFENSE »

(ETPT)

P146

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Post -2014

Trajectoire initiale

700

646

518

339

382

381

380

111

Total cumulé

700

1 346

1 864

2 203

2 585

2 966

3 346

3 457

Trajectoire corrigée

700

646

490

300

318

342

337

103

Total cumulé

700

1 346

1 836

2 136

2 454

2 796

3 133

3 236

P146 : programme 146.

Source : ministère de la défense.

Ce processus est concomitant au projet de regroupement des sites du ministère de la défense à Balard. Dès 2007, les sites occupés par la DGA en Île de France ont été réduits à trois, à savoir Arcueil, Balard et Bagneux comme site principal. 2 650 personnels de la DGA devraient emménager à Balard fin 2014 – début 2015 en fonction du calendrier d’achèvement du site. En ce qui concerne ses emprises en dehors de l’Île de France, les redéploiements de la DGA seront achevés à la fin de l’année, avec la fermeture administrative du Laboratoire de recherches balistiques et aérodynamiques – LRBA – de Vernon, celle de l’Établissement technique – ETAS – d’Angers et celle du Groupe d’études sous-marines de l’Atlantique - GESMA – de Brest. Ces fermetures n’entraînent aucune perte de compétences techniques irrémédiables.

La DGA connaît aujourd’hui des difficultés de recrutement : les grilles de rémunération de la fonction publique ne sont pas toujours adaptées à la haute technicité de ses métiers. En outre, l’intervention de mesures d’économies en cours d’exercice perturbe évidemment le recrutement d’ingénieurs à hauts potentiels. Sur les 312 recrutements prévus dans la gestion 2012, 50 autorisations ont été annulées au cours de l’été.

La gestion a connu des améliorations avec le rodage du logiciel de gestion budgétaire et comptable CHORUS. Celui-ci a fonctionné normalement au cours de l’année 2012, la DGA y trouvant de la souplesse de gestion. Elle estime que globalement, les dysfonctionnements initiaux ont coûté environ 30 millions d’euros en ce qui concerne le programme 146. La mise en œuvre du logiciel explique en grande partie la croissance des intérêts moratoires payés par le ministère aux entreprises. L’année 2012 devrait voir une stabilisation du système et donc la diminution de ces montants aux environs de 20 millions d’euros.

E. UNE INDUSTRIE QUI DOIT S’ADAPTER

1. L’enjeu de l’exportation

Dans un contexte de forte rétraction des marchés traditionnels de nos industriels de défense, chacun s’accorde à reconnaître le rôle désormais vital que joueront les marchés à l’exportation pour l’avenir de notre base industrielle et technologique de défense (BITD). Ces perspectives permettraient une diminution des coûts d’acquisition par un effet d’échelle sur la production, alimentent les crédits de développement et permettent d’envisager l’étalement de certaines de nos commandes.

À court terme, les perspectives d’exportation concernent l’ensemble des secteurs de l’armement. Outre le Rafale en Inde en ce qui concerne le secteur aéronautique, on relève certaines opportunités dans le secteur naval (vente de corvettes en Malaisie, rénovation de frégates en Arabie saoudite), un projet majeur en Inde pour le secteur des missiles et quelques perspectives dans le secteur des satellites (satellite d’observation proposé aux Émirats arabes unis et satellite de communication proposé au Brésil).

Le marché est porteur mais, dans un contexte de durcissement de la crise économique et financière, les importateurs – y compris parmi les grands États émergents –tendent à différer leurs principaux programmes d’investissement. En ce qui concerne en particulier le Rafale, les éventuels acquéreurs (Brésil, Émirats Arabes Unis) sont clairement dans une position attentiste à l’égard de la formalisation de la décision que prendra l’Inde, vraisemblablement au premier semestre de 2013.

Au-delà, l’exportation de matériels d’occasion, voire de matériels neufs actuellement en service dans les forces françaises mais en situation de surplus du fait de la réduction du format des forces, est une source de recettes non négligeable.

Désigné rapporteur pour information par la commission de la défense nationale sur la fin de vie des équipements militaires, M. Michel Grall a identifié un certain nombre d’équipements susceptibles d’être revendus (3). Pour lui, « le changement de format prévu par le Livre blanc doit libérer certains matériels plus tôt que prévu, ce qui offre une chance de dynamiser la politique d’exportation. Ces matériels (VAB, VBL, équipements individuels, artillerie), disposent encore de potentiel. Pour la période 2010-2015, l’EMA recense les matériels potentiellement cessibles suivants :

— 40 navires ;

— 130 hélicoptères ;

— 150 avions de tous types ;

— 1 500 engins blindés ;

— 15 000 camions et véhicules. »

Dans le même ordre d’idée, la France a vendu au Brésil de nombreux équipements, dont le porte-avions Foch, permettant à ce pays de disposer d’une première capacité aéronavale. M. Michel Grall a assorti ses travaux un certain nombre de propositions afin de dynamiser nos exportations de matériels d’occasion, à l’exemple de la politique menée aux États-Unis ou au Royaume-Uni.

Enfin, le Rapporteur considère qu’il faut poursuivre le travail de soutien aux PME qui jouent un rôle clé dans l’innovation de notre industrie de défense mais restent insuffisamment présentes à l’exportation. Plusieurs mesures seraient de nature à dynamiser leurs exportations : un meilleur ciblage des dispositifs d’accompagnement, davantage de formations concernant les marchés à l’exportation et les procédures existantes, une plus grande diffusion de l’information existante sur les opportunités d’affaires (marchés porteurs, appels d’offres lancés par les organisations internationales) et un effort soutenu de l’État pour mettre en œuvre le plan de portage destiné à inciter les grands groupes à mieux associer les PME à leurs démarches commerciales.

2. La mutation du paysage industriel

La France dispose d’un tissu industriel de défense riche mais relativement dispersé. Des débats apparaissent régulièrement sur l’intérêt de mieux les organiser, afin de constituer des « champions », français ou européen. L’objectif est de construire des ensembles cohérents disposant de fonds propres suffisants pour investir dans les technologies d’avenir et soutenir la rude concurrence internationale. Sans entrer pour le moment dans ces débats, le Rapporteur a relevé avec intérêt plusieurs opérations menées récemment.

La presse s’est fait l’écho d’une tentative de rapprochement entre EADS et BAE Systems. Concrètement, ce projet devait donner naissance à un géant européen de la taille de Boeing, dans les domaines civil et militaire avec 77 milliards d’euros de chiffre d’affaires (49 pour EADS et 28 pour BAE) et 220 000 employés pour l’ensemble, contre 59 milliards d’euros pour Boeing. Ce groupe aurait été leader mondial de l’aéronautique, de l’espace et de la sécurité.

La France ayant obtenu les garanties qu’elle souhaitait, a rapidement finalisé son accord. Elle y voyait la possibilité d’ancrer BAE dans la BITD européenne et de consolider le rapprochement industriel avec les Britanniques. Le projet a finalement échoué du fait de l’opposition du Gouvernement allemand, intervenu très tardivement et se fondant semble-t-il sur la crainte de ne plus disposer de retours industriels suffisants dans le futur ensemble.

À côté de cet échec, le Rapporteur a constaté un certain nombre d’avancées. En premier lieu, les groupes Safran et Thales sont enfin parvenus à un compromis, certes a minima, pour rationaliser leurs compétences dans le domaine du calcul et de l’optronique. Il s’agit d’une première avancée. Le groupe Safran et l’ensemble Dassault-Thales-DCNS ont vocation à coopérer de plus en plus étroitement. Compte tenu de l’identité européenne d’EADS, ils sont aujourd’hui les principaux industriels de défense français.

S’agissant de la filière missile, le projet One MBDA mis en œuvre depuis 2010 prévoit d’accroître l’intégration des deux grandes composantes historiques du groupe, française et britannique. Il s’agit notamment de rationaliser les efforts de recherche et de développement et de diminuer les coûts en évitant de dupliquer des capacités des deux côtés de la Manche. Il s’agit d’une démarche rationnelle, qui illustre bien comment les Européens peuvent s’organiser pour conserver leur rang.

Sur le plan de l’industrie terrestre, un rapprochement entre Renault Trucks et Panhard est en cours, sous l’actionnariat suédois du groupe Volvo. La démarche semble rationnelle sur le plan industriel, les acteurs du milieu industriels de défense terrestre étant jugés trop dispersés et de tailles insuffisantes pour soutenir la concurrence internationale dans la durée. Il est néanmoins regrettable que la réorganisation des industriels français s’opère à travers le rachat de ces entreprises par des groupes étrangers, fussent-ils européens, faute d’avoir su s’entendre au cours des précédentes décennies.

Cela soulève la question de l’avenir du groupe Nexter, particulièrement dynamique et dont l’actionnariat est public. Il est le premier industriel terrestre français, mais, au regard des géants allemands, britanniques, suédois ou américains, il demeure de taille moyenne et pourrait avoir besoin d’alliances. Les options semblent ouvertes : avec un autre grand groupe européen ou encore avec un ensemble français intervenant sur les autres segments du marché militaire.

Toutes ces évolutions plaident pour la définition et la mise en œuvre d’une véritable stratégie industrielle française dans le domaine de la défense. La notion est malheureusement galvaudée : revendiquée à tous niveaux depuis de nombreuses années, son traitement n’a pas fait l’objet d’une ligne claire. Cette réflexion préalable est pourtant indispensable pour définir ensuite une ambition industrielle au niveau européen. Le Rapporteur y voit des raisons supplémentaires pour que la commission de la défense nationale en traite dans la durée, en impliquant tous les groupes politiques qui la composent.

II. ANALYSE DES PROGRAMMES D’ARMEMENT

L’année 2012 a vu un effort budgétaire remarquable de la nation en faveur de la dissuasion nucléaire, avec plus de 4 milliards d’euros d’autorisations d’engagement et 3,3 milliards d’euros de crédits de paiement. Ces montants sont élevés au regard des années 2011 (3,3 milliards d’euros d’AE et 3,4 de CP) et 2013, avec 3,6 milliards d’euros inscrits en AE et 3,2 en CP. L’essentiel des financements provient du programme 146 ; ils s’élèveront à 3 milliards d’AE et 2,5 de CP en 2013. Ces variations ne signifient pas une diminution de l’effort : celui-ci finance essentiellement des investissements, plus ou moins consommateurs selon les années. Les crédits proposés pour 2013 traduisent la sanctuarisation de la dissuasion nucléaire française, comme s’y est engagé le Président de la République.

1. Le renouvellement des équipements

Ce chantier majeur mobilise d’importants moyens humains, techniques et financiers. Les objectifs sont tenus et les moyens sont au rendez-vous pour le conduire dans la durée. La modernisation régulière des outils de la dissuasion depuis les années 1960 n’a cessé de confirmer l’excellence technologique et industrielle de la France, certainement en très bonne position dans ce domaine. Remettre en cause les moyens des deux composantes de la dissuasion, aéroportée et sous-marine, fragiliserait irrémédiablement le rang de notre pays. Au contraire, le Président de la République a souhaité garantir la pérennité de ces deux composantes, ce que traduit le PLF pour 2013.

La composante aéroportée voit depuis 2009 le remplacement progressif des missiles ASMP par des missiles ASMP-A. Une première capacité opérationnelle ASMP-A a été mise en place sur Mirage 2000N-K3 sur la base aérienne d’Istres. Les Rafale F3 équipés de missiles ASMP-A sont opérationnels depuis 2010 sur la base aérienne de Saint-Dizier. Comme prévu, le retrait de service actif du dernier missile ASMP s’est achevé en mai 2011. Ces missiles sont aujourd’hui en cours de démantèlement. D’une génération précédente, le Mirage 2000N-K3 est également un appareil de grande qualité qui peut assurer de nombreuses missions. Son retrait du service actif est prévu à l’horizon 2018.

Les missiles ASMP-A sont équipés de têtes thermo-nucléaires, récemment renouvelées. Depuis 2009, la tête nucléaire aéroportée (TNA) a remplacé progressivement la tête nucléaire 81 (TN81), entrée en service en 1988. La TNA a bénéficié de la campagne d’essais de 1995 et a été validée in fine par simulation.

Les équipements aéronavals se sont adaptés à l’arrivée de l’ASMP-A. Le porte-avions Charles-de-Gaulle a été modifié pour accueillir une première capacité opérationnelle sur Rafale au début 2010 et une pleine capacité à la fin de cette même année. Cette montée en puissance de la capacité Rafale/ASMP-A a permis l’abandon de la capacité ASMP du Super Étendard modernisé. Le retrait programmé des Super Étendard modernisés et des Mirage 2000N-K3 fera du Rafale l’unique avion de la dissuasion aéroportée.

Conserver les deux composantes de la dissuasion

La modernisation de la composante aéroportée rend d’autant plus théorique le débat récurent et idéologique visant à sa suppression, l’essentiel des investissements ayant été réalisé. L’économie ne serait qu’un symbole, particulièrement malheureux au regard de l’immense avantage que nous procure l’existence de deux composantes complémentaires.

La composante aéroportée a un coût d’entretien réduit et ne représente au total que 7 % des crédits alloués à la dissuasion nucléaire. La supprimer reviendrait à moyen terme à économiser environ 56 millions d’euros par an sur le maintien en condition opérationnelle et, à plus long terme, environ 600 millions d’euros sur le programme de rénovation à mi-vie du missile ASMP-A, ainsi que 500 millions d’euros sur les études amont concernant le successeur de ce missile. Ces sommes sont limitées, rapportées aux décennies pendant lesquelles s’exprimera le besoin et surtout au regard de l’utilité de la dissuasion.

Seul pays européen disposant souverainement d’une capacité nucléaire aéroportée, la France peut se prévaloir d’un atout maître en cas de menace sur ses intérêts vitaux. Cette composante, la première, permet en effet au Président de la République d’envoyer un message de la plus grande fermeté à l’adversaire, tout en conservant, jusqu’au bout, une souplesse d’emploi incomparable : visibilité ou non du dispositif, possibilité de frapper de façon plus circonscrite et « dosée » et surtout réversibilité, le Président conservant la possibilité de modifier la mission jusqu’au dernier moment, ce que ne permet pas la composante sous-marine, dont les missiles occasionnent des destructions bien plus massives et qui ne peuvent voir leur mission annulée une fois celle-ci ordonnée. Le missile ASMP-A offre un couple énergie/précision inégalé, bien plus important qu’avec le missile M51 de la composante océanique.

Supprimer la composante aéroportée faciliterait la tâche des défenses des pays ennemis », ceux-ci n’ayant plus qu’à se concentrer sur le profil d’attaque des missiles balistiques. Cela nous placerait sous la menace d’une fortune de mer affectant nos SNLE ou d’une percée technologique imprévue en matière de détection sous-marine ou anti-missile balistique chez les puissances adverses.

De plus, les porteurs des forces aériennes stratégiques (FAS) sont tous polyvalents et les équipages entraînés à effectuer des missions conventionnelles. L’opération Harmattan a mobilisé l’ensemble de ses unités (C135 FR, Rafale, Mirage 2000-N), tout comme les missions de police du ciel sur le territoire national (Rafale). Il serait donc erroné de penser que la composante aéroportée nécessite d’importants équipements aux seules fins de la dissuasion.

En ce qui concerne la composante sous-marine, la mise en service de la première dotation en missile M51 a été effectuée sur Le Terrible lors de son admission au service actif en septembre 2010. Une deuxième dotation en M51 sera mise en service courant 2013 sur Le Vigilant. Une troisième dotation sera mise en service sur Le Triomphant en 2015. Le quatrième SNLE, Le Téméraire, sera quant à lui adapté au M51 à l’horizon 2018. Le M51 aura donc remplacé l’ensemble des M45 avant la fin de la décennie. La nouvelle tête nucléaire, plus adaptée et dite TNO, doit remplacer les têtes nucléaires actuelles dites TN75 à partir de 2015.

Sur le plan méthodologique, le renouvellement des équipements se déroule progressivement, au rythme d’un SNLE tous les deux ou trois ans, un cadencement qui illustre l’approche française, échelonnée, ce qui garantit la permanence de la dissuasion ainsi que la tenue rigoureuse des calendriers.

En dehors des équipements strictement nucléaires, le Gouvernement a entendu conforter la crédibilité de notre dissuasion en annonçant la commande en 2013 d’avions ravitailleurs. Ceux-ci garantissent à notre aviation de combat une élongation suffisante pour frapper à très longue distance.

Historiquement, la France avait d’abord procédé à l’achat de 12 avions ravitailleurs C135F (F pour France) fabriqués par Boeing. Le premier a été livré en 1964, un autre a été perdu en 1972. Commandés lors de la création des forces aériennes stratégiques (FAS), la mission première de ces appareils était de soutenir la composante aérienne de la dissuasion. Ce n’est que plus tard que l’emploi des ravitailleurs français s’est généralisé au profit des opérations aériennes autres que la dissuasion. Ils ont ainsi été engagés aux côtés de la flotte de combat en Afghanistan ou en Libye.

En 1986, les 11 C135 F ont été remotorisés, devenant ainsi les C135 FR (R pour remotorisé). En 1997, la France a commandé trois KC135R supplémentaires à l’armée de l’air américaine, sous le nom de KC135 FR (malgré l’appellation différente, les KC135 FR sont quasiment identiques aux C135 FR). La rénovation de leur avionique, jugée indispensable par les acteurs opérationnels, était prévue en 2010, mais a dû être décalée pour des raisons budgétaires.

L’âge avancé de cette flotte devient inquiétant, les premiers appareils ayant plus de 48 années de service. Le taux de disponibilité des appareils dépasse difficilement les 50 %, au prix d’un investissement humain et financier de plus en plus lourd. D’où l’urgence du programme MRTT, avion multirôle que l’armée de l’air emploie notamment comme ravitailleur. Le choix d’une procédure d’acquisition patrimoniale a été arrêté en comité ministériel d’investissement le 6 décembre 2011. Afin de consolider les aspects techniques, calendaires et financiers du programme, un marché de définition et de levée de risques a été notifié le 30 décembre 2011 à Airbus Military France. Les résultats permettront d’élaborer le dossier de consultation pour le marché d’acquisition (fin 2012). La commande des 14 appareils devrait donc intervenir en 2013. La livraison de dix exemplaires est prévue pour la programmation 2015-2020 (à partir de 2017), les quatre autres l’étant par la suite. Le nombre de ravitailleurs en service devrait donc demeurer inchangé (14), sachant que les MRTT remplaceront aussi à terme les 5 Airbus de transport stratégique. Cet investissement permettra donc une véritable rationalisation de notre flotte de transport militaire.

Parallèlement, l’Agence européenne de défense (AED) a lancé une initiative pour la constitution d’une capacité européenne de ravitaillement en vol. Du fait de l’urgence des besoins pour la France et des différences de calendrier, l’acquisition des avions français à travers un contrat commun n’est pas possible. En revanche, la DGA a proposé à l’AED un soutien sous forme d’expertise (expression de besoin, certification et qualification) au profit de nos partenaires européens qui s’engageraient dans une acquisition d’avions en commun, par exemple au travers de l’Organisme conjoint de coopération en matière d’armement (OCCAR).

2. Le CEA au cœur de la souveraineté nationale

Le commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) joue un rôle majeur dans la dissuasion française. Il reçoit une partie importante des crédits du programme 146 au titre du nucléaire de défense, dont sa direction des applications militaires (DAM) a la charge.

Le tableau ci-dessous retrace leur évolution sur la période 2007-2013.

CRÉDITS DU CEA EN MATIÈRE DE NUCLÉAIRE DE DÉFENSE

(en millions d’euros)

 

2007

2008

2009

2010

2011

2012*

2013*

AE

1 554

1 427

1 524

1 421

1 580

1 379

1 688

CP

1 310

1 3 15

1 451

1 482

1 446

1 479

1 492

* Prévision

Source : CEA

Le CEA prend part aux efforts budgétaires. Le PLF pour 2013 prend ainsi en compte la diminution des dépenses de fonctionnement (- 7 %) et de masse salariale (- 2,5 %) décidée par le Premier ministre pour l’ensemble des administrations de l’État. Cela se traduit pour le CEA par une baisse de ses besoins de 14 millions d’euros en 2013, un effort qui prolonge celui engagé par la DAM depuis la fin des essais nucléaires en 1996.

La fin des essais nucléaires n’était possible qu’à la condition de disposer des capacités techniques permettant de garantir la fiabilité des nouvelles armes, et particulièrement de leur charge nucléaire. Depuis la fin des essais nucléaires en 1996, disposer des meilleures capacités de simulation est indispensable à la crédibilité de notre dissuasion. Anticipant ce défi, la France a investi dès le début des années 1990 dans des programmes particulièrement ambitieux, au point de disposer aujourd’hui des capacités parmi les meilleures au monde, sinon les plus performantes. Parmi les moyens mis en place, on relève notamment le laser mégajoule (LMJ) et l’installation de radiographie éclair AIRIX.

Le LMJ recrée à très petite échelle des conditions de sollicitation des matériaux et des environnements les plus proches possibles des phénomènes caractéristiques du fonctionnement d’une arme nucléaire. Les travaux ont commencé en 2003, le bâtiment a été réceptionné fin 2008. Le développement des équipements (laser, chambre d’expérience) a été initié en parallèle. La mise en fonctionnement du LMJ ainsi que la réalisation des premières expériences sont prévues fin 2014.

AIRIX sert à radiographier avec un flash de rayons X d’une durée de quelques milliardièmes de seconde l’implosion de matériaux lourds, suffisamment représentatifs de l’amorce d’armes nucléaires. Il s’agit de mesurer avec précision certaines phases du fonctionnement hydrodynamique interne, non nucléaire, des armes. Il est aujourd’hui implanté sur le polygone d’expérimentation du CEA/DAM de Moronvilliers et sera transféré à Valduc, le centre de Moronvilliers devant cesser ses activités expérimentales fin 2013. Le site de Valduc doit abriter un nouveau complexe expérimental de radiographie X dénommé EPURE (Expérience de physique utilisant la radiographie éclair), dont le premier axe sera constitué par la machine de radiographie AIRIX.

Le 2 novembre 2010 les chefs d’État et de gouvernement français et britannique ont signé un traité relatif à la réalisation d’installations radiographiques et hydrographiques communes dans le cadre d’un programme connu sous le nom de « TEUTATES ». Ce programme met en commun certains des moyens d’EPURE et, au Royaume-Uni, de l’Atomic Weapons Establishment (AWE) d’Aldermaston, à savoir un centre de développement technologique (TDC).

Le TDC doit être mis en service en 2014, EPURE I à Valduc entrera en service en 2015 après transfert et réinstallation d’AIRIX, puis deux nouveaux axes radiographiques seront mis en service en 2019 et 2022.

Enfin, dans le domaine du calcul haute performance, le CEA pilote les projets de supercalculateurs TERA. Il prévoit la montée en puissance du centre de calcul du CEA/DAM, en cohérence avec les programmes d’armes TNA/TNO. Le programme suit son cours selon la planification initiale, avec une montée en puissance par étape jusqu’à la fin de cette décennie.

Notre pays peut être fier de cette maîtrise technologique. En particulier l’entrée en service de nouvelles têtes témoigne du basculement technologique de la dissuasion française : la TNO, garantie comme la TNA grâce à la simulation, remplace les TN75, dont la qualification avait en partie motivé le lancement d’une dernière campagne d’essais en 1995 dans le Pacifique.

3. La recherche et le démantèlement

En amont, la dissuasion joue également un rôle moteur dans le domaine de la recherche. Parmi les 750 millions d’euros consacrés cette année aux études amont dans le programme 144, plus de 250 millions d’euros sont consacrés à la dissuasion. Ces crédits vont croître au cours des prochaines années afin de financer le renouvellement de l’outil de dissuasion. La DGA travaille en partenariat avec différents industriels français et intervient en tant qu’expert grâce à ses différents centres : maîtrise de l’information, techniques navales, lancement de missiles, etc. Le nucléaire offre un exemple de la solidarité technologique entre les domaines civil et militaire.

En ce qui concerne spécifiquement les têtes nucléaires et la simulation, c’est le CEA/DAM qui exerce la maîtrise d’ouvrage. Il s’appuie sur Areva TA et DCNS pour les travaux relatifs à la propulsion nucléaire. Là encore, les dotations inscrites en loi de finances correspondent à la trajectoire définie en LPM 2009-2014.

En aval, la dissuasion génère également une activité de haute technicité dans le domaine du démantèlement. Il s’agit d’un flux d’investissement de plusieurs milliards d’euros, conduisant notamment à traiter des installations et matières nucléaires ou encore du combustible nucléaire. Ces crédits ne relèvent cependant pas de la mission « Défense ». Un fonds défense a été mis en place en 2004 afin de financer certaines opérations lourdes telles que le démantèlement des usines de production de matières fissiles de Marcoule et de Pierrelatte. Il a notamment été abondé par des soultes versées par EDF et Areva. Ce fonds finance le traitement de l’ensemble des installations nucléaires de défense et des déchets produits depuis 2008. Le budget de la défense n’a donc pas à supporter ces coûts, au moins pendant la durée de la présente programmation.

B. LE MILIEU TERRESTRE : DES MOYENS FORTEMENT CONTRAINTS

1. Évolution des crédits intéressant l’armée de terre

Les crédits de l’armée de terre proposés en 2013 sur le programme 146 sont de niveau comparable à ceux de 2012 en AE (2 755 millions d’euros en 2013) mais la base de calcul, l’exercice 2012, est en retrait important par rapport à 2011. Les crédits diminuent fortement en CP (2 073 millions d’euros en 2013 contre 2 326 millions d’euros en 2012) et demeurent en deçà des ambitions fixées en programmation.

Des trois armées, l’armée de terre est celle qui, en proportion, consent la majeure partie des efforts d’économies demandés au ministère de la défense en 2012-2013. Cependant, pour le moment, les restrictions mises en œuvre en 2012 et envisagées pour 2013 ne remettent pas fondamentalement en cause son potentiel. Elle devra bénéficier d’un effort de rattrapage au cours de la programmation à venir.

Concrètement, l’armée de terre, qui bénéfice d’environ 20 % des crédits d’équipements, supportera plus de 40 % des reports ou annulations de commandes. Elle présente en effet la particularité de consommer des programmes généralement plus nombreux, moins chers et s’étirant sur des durées plus courtes que pour les autres armées. Ils présentent donc plus de marge de manœuvre à court terme.

Sur la période 2012-2013, les reports sont nombreux et portent sur des équipements souvent importants. La logique de la programmation 2009-2014 était, à gros traits, de faire face à des besoins en équipements lourds. Beaucoup des commandes de l’armée de terre, qui consomme surtout des plus petits programmes, devaient intervenir en fin de programmation. En particulier, la période en cours devait correspondre à celle de la modernisation de l’armée de terre, avec notamment la mise en œuvre du programme Scorpion.

Parmi les ajustements, on relève notamment :

– le décalage à la mi 2013 de la commande de missiles moyenne portée ;

– le décalage d’un an de la commande du porteur polyvalent terrestre, qui pourrait conduire à une situation de rupture capacitaire sur les porteurs lourds à compter de 2015 ;

– l’annulation de la commande de la dernière tranche de petits véhicules protégés (PVP). Cette décision compromet l’équipement de certains régiments en véhicules protégés jusqu’en 2016 (arrivée attendue des véhicules légers tactiques polyvalents) ;

– le report du lancement de la commande des véhicules légers tactiques polyvalents (VLTP) en 2014, un report de deux ans entraînant la réduction de la capacité qui, au global, n’atteindra que 30 % du contrat opérationnel en 2016 ;

– le décalage de la mise en service opérationnel de l’hélicoptère NH90 (Caïman) de 2014 à 2016.

– le décalage de l’échéancier d’acquisition de drones tactiques : l’achat de drones de type SDTI-Sperwer, produits par Sagem, rend toutefois ce délai tenable. L’objectif pourrait être d’acquérir des systèmes de type Watchkeeper en service dans l’armée britannique (voir plus loin).

En dehors de la partie « systèmes d’information et de communication », la première étape du programme Scorpion a été repoussée à 2014. Ce programme est pourtant fondamental pour nos armées comme pour l’industrie de défense française. Il permettra à l’armée de terre de franchir une nouvelle étape technologique et d’agir sur les théâtres dans la plus grande autonomie. Il paraît crucial de ne pas repousser davantage ce programme.

Toutefois, dans ce contexte difficile, les crédits consacrés à la rénovation d’équipements sont maintenus et devraient permettre de maintenir les principales capacités au cours de la décennie. L’effort concernera notamment :

– celle des AMX 10 RC, entré en service en 1982 et qui le restera jusqu’en 2026, en attendant la mise en service de l’engin blindé de reconnaissance et de combat (EBRC) à partir de 2020. Le coût moyen de rénovation par engin est de 1,03 million d’euros ;

– l’amélioration des certains VAB avec, par exemple, la mise en place de surprotections pour ceux déployés en Afghanistan (dans leur version dite ULTIMA) ;

– la rénovation des Cougar, dans un but de rationalisation des 26 appareils de la flotte avec le standard des hélicoptères de nouvelle génération (CARACAL, CAÏMAN). Le coût unitaire de rénovation est de 9,5 millions d’euros et l’ensemble du programme devrait être achevé en 2017.

La mise en conformité des PUMA avec la réglementation de la circulation aérienne générale européenne a été abandonnée. Seule une flotte limitée d’appareils de l’armée de terre (31 sur 45) peut donc continuer à voler en Europe.

PRINCIPALES MESURES CONCERNANT LE CALENDRIER DE
L’ÉQUIPEMENT DE L’ARMÉE DE TERRE

Activité budgétaire

Mesures

Défense NRBC (4)

Report ou annulation des engagements 2012 sur :
– les matériels de protection respiratoire ;
– le nouveau radiamètre DORA.

Report d’opérations en 2013 :
– le nouveau biocollecteur ;
– le détecteur biologique générique ;
– le traitement d’effluents ;
– la conception détaillée de Solstice ;
– la conception de tenue respirante de décontamination.

Environnement blindés

VAB T2013 : report d’un an de la valorisation de la fonction feu.

Géographie numérique

Décalage d’un an de la première chaîne géographique projetable.

Décalage de 2 ans de la deuxième chaîne géographique projetable.

Logistique mobilité-soutien

Annulation des tranches conditionnelles de l’opération Largage de Matériel à Très Grande Hauteur et Ouverture Basse (LMTGHOB).

Missile moyenne portée (MMP)

Report de la commande de la capacité principale MMP à mi/début 2013.

NH 90

Décalage de la mise en service opérationnel du TTH (CAÏMAN) de 2014 à 2016, avec 1re capacité opérationnelle dès 2014.

PPT (porteur polyvalent terrestre)

Décalage d’un an des commandes de 2013 à 2014

Report de 6 mois de l’engagement de bon de commandes prévus en 2012.

Renseignement et simulation Terre

Report de 7 mois de la commande de 7 véhicules d’appui topographique (TC1).

SCORPION étape 1

Report du lancement de 2013 à 2014, hors SICS (décalage 1 an).

SCORPION étape 1

Décalage au 1er trimestre 2013 de la notification des travaux complémentaires d’architectures (dont la feuille de route simulation) du stade d’élaboration de SCORPION.

SI TERRE

Décalage d’un an des matériels NUMTACT.

TIGRE : hélicoptère HAP-HAD

Décalage d’un an de la MSO du HAD (2015).

Source : État-major de l’armée de terre.

— Le programme d’hélicoptères NH 90

Dans un contexte d’attrition progressive du parc PUMA, qui se voit limité dans certains emplois (PAMIR, normes circulation aérienne), la réalisation à temps du programme NH 90 revêt une importance primordiale pour limiter la réduction de capacité des hélicoptères de manœuvre. Les premiers enseignements tirés de l’évaluation technico-opérationnelle montrent que l’appareil dispose d’excellentes qualités de vol et d’un haut niveau de performances.

La cible totale du programme est en théorie de 160 NH 90 CAÏMAN (133 Terre + 27 Marine) afin de remplacer les hélicoptères de manœuvre des deux armées. Pour l’armée de terre, 34 appareils ont été commandés, 34 autres doivent être commandés avant mars 2013 pour permettre leur livraison en 2016. Les autres appareils seront commandés par tranches complémentaires à compter de 2015.

L’armée de terre disposera fin 2013 de 14 appareils. La formation des premiers équipages débutera au second trimestre 2013 et la première unité opérationnelle recevra les NH 90 à compter de l’automne 2013. Le prix unitaire d’un NH 90 (version TTH) est de 28,6 millions d’euros.

— Le programme VBMR

Le « véhicule blindé multi rôle » (VBMR) est le successeur du VAB, qui atteint aujourd’hui 40 ans d’ancienneté. Le programme VBMR est une opération constituante du programme SCORPION qui est désormais en phase d’élaboration. Le besoin initial a été exprimé et approuvé en comité ministériel d’investissements (CMI) en février 2010.

Deux plans d’études amont (PEA) ont été attribués respectivement à RTD et à NEXTER. Le marché de développement-réalisation doit être contractualisé au plus tard mi-2014. Le calendrier est contraint, mais tiré par la nécessité de remplacer au plus vite les VAB et de donner une meilleure protection à l’ensemble des soldats engagés dans la zone de contact. La cible en matière de commandes est de 2 326 VBMR (dont 1 968 de la classe 20 tonnes). Les premières livraisons sont attendues en 2017 pour une mise en service opérationnel en 2018. Les livraisons s’échelonneront ensuite jusqu’en 2026. Le coût unitaire visé de ce véhicule est de l’ordre du million d’euros.

— Le programme SCORPION

Le programme est au stade d’élaboration depuis 2010. La cible déjà définie en équipement pourra être amendée au lancement du stade de réalisation. SCORPION va permettre de remplacer les VAB par des VBMR (livraison 2017), les AMX 10 RCR, ERC 90 et VAB HOT de la cavalerie blindée médiane par l’EBRC (livraison 2019) et d’assurer la pérennité du char Leclerc (horizon 2020).

Le coût actuel du stade d’élaboration est de 71,8 millions d’euros. Les derniers arbitrages budgétaires rendus décalent de 2013 à 2014 la notification des travaux d’architecture du programme. En conséquence, les premiers VBMR ne pourront pas être engagés sur les théâtres avant 2019, les EBRC avant 2022 ainsi que les chars Leclerc rénovés.

— Le programme ARAVIS

L’armée de terre a fait l’acquisition en 2009 auprès de NEXTER de 15 véhicules hautement protégés ARAVIS, pour un coût de 20 millions d’euros.

Ces véhicules ont été déployés en 2010 en Afghanistan et ont remplacé les VAB dans les unités spécialisées dans la lutte contre les engins explosifs improvisés. Un engin a été détruit à la suite d’un accident dans un ravin.

Équipés de tourelleaux téléopérés de 12,7 mm, les ARAVIS ont été dotés en « urgence opération » des grilles de protection contre les roquettes RPG. Le véhicule donne entière satisfaction. Il n’y a pas actuellement de perspective d’extension du parc.

— Le programme FELIN

FELIN est l’un des programmes majeurs de modernisation des forces terrestres. Il contribue à accroître l’efficacité, la protection et l’intégration dans l’espace numérique de bataille des soldats au sol. Le système est déployé depuis le mois de décembre 2011 sur le théâtre afghan. Projeté un an après sa première livraison, le système de combat FELIN a consacré l’accession du combattant débarqué français au meilleur niveau mondial. Deux groupements tactiques interarmées (GTIA) ont été projetés et un troisième se prépare à la projection courant novembre 2012.

La commande globale porte sur 22 588 équipements qui seront tous livrés en 2015 ; 8 152 équipements l’ont été d’ores et déjà ( avec 8 régiments équipés) soit 36 % de la cible. Le coût unitaire d’acquisition par système est actuellement de 30 350 euros. Le coût global du programme sur 14 ans (durée de vie des équipements) est estimé à 1,86 milliard d’euros en ajoutant au coût de réalisation (1,122 milliard d’euros) l’infrastructure adaptée, les coûts de soutien et de maîtrise technique. L’objectif est de faire évoluer le programme afin d’alléger les 4 000 derniers systèmes avant la fin de production prévue en 2015.

— Les drones

Le programme Système de Drones Tactiques (SDT) vise à remplacer le Système de Drones Tactiques Intérimaire (SDTI) actuellement en service dans l’armée de terre.

Une étude conjointe franco-britannique est menée afin d’évaluer la faisabilité et l’intérêt d’une coopération sur les drones tactiques, dans le cadre du traité de Lancaster House et confirmée lors du sommet franco-britannique du 17 février 2012. Cette étude se traduit notamment par l’évaluation par la France du système britannique Watchkeeper, qui constitue l’une des options possibles pour le SDT.

Le choix de la solution SDT n’est pas arrêté à ce jour et l’organisation industrielle n’est pas connue à ce stade. Le choix du Watchkeeper pourrait constituer une option intéressante, offrant notamment une réelle interopérabilité avec les Britanniques. Le Rapporteur considère cependant qu’elle doit se faire avec un maximum de retombées industrielles pour la France, afin qu’a minima une partie des appareils soient équipés de technologies fabriquées sur le territoire national.

Les armées disposent d’un outil d’« aérocombat » reposant sur la complémentarité des capacités de transport, de reconnaissance et d’attaque. L’aviation légère de l’armée de terre (ALAT) est devenue un outil indispensable qui permet de faire face à l’ensemble du spectre de crise : de l’action de secours sur le théâtre national (HEPHAÏSTOS) au combat de haute intensité (Libye), en passant par les opérations de stabilisation (Afghanistan) ou d’évacuation de ressortissants (Côte d’Ivoire). Elle dispose notamment des hélicoptères suivants :

– 37 Tigre, 41 seront commandés en 2012 pour une cible totale de 80 ;

– 6 NH90, une nouvelle tranche de 34 appareils vient d’être confirmée pour une cible de 133 appareils ;

– 141 Gazelle ;

– 23 Cougar ;

– 90 Puma.

L’ALAT est en pleine transformation. Ce processus est rendu difficile par la dispersion géographique de ses moyens et des taux d’emploi en augmentation constante depuis 15 ans. Les ressources n’ont pas été programmées pour faire face à cette situation, si bien que le contrat opérationnel de l’ALAT est menacé dans certains domaines. Le parc des hélicoptères d’ancienne génération est particulièrement touché et souffre d’une faible disponibilité. Les machines sont souvent suremployées pour pallier aux déficits, aggravant ainsi la situation et le coût global du soutien est en constante augmentation.

En outre, la transition avec les équipements de nouvelle génération est rendue complexe par les retards des programmes et la réduction successive des cibles d’achat. Compte tenu de l’importance de l’ALAT, il est crucial de définir un objectif capacitaire stable sur le long terme pour pérenniser les ressources dont l’aéromobilité de l’armée de terre aura besoin.

C. LE MILIEU MARITIME

1. Évolution des crédits intéressant la marine

La marine va faire face à une diminution sensible des engagements au regard de la trajectoire inscrite en LPM. Par rapport à 2012, les CP sont en baisse d’environ 700 millions d’euros (19 %). Les engagements diminuent dans une proportion comparable sur la période 2012-2013. L’essentiel de l’effort en AE est lié au décalage dans le temps de la commande du quatrième sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) pour 1,4 milliard d’euros.

Dans le détail, le tarissement des AE en PLF 2012-2013 se traduit notamment par :

Pour les missions d’action de l’État en mer, de sauvegarde maritime et de protection, 16 BATSIMAR remplaceront les patrouilleurs en métropole et outre-mer. Les premières livraisons sont prévues en 2017. Deux patrouilleurs guyanais adaptés à ce théâtre complèteront ce tableau en 2016. Ils sont très attendus compte tenu de la forte réduction temporaire de capacité de la composante outre-mer (réduite d’un tiers en 2016 selon le calendrier actuel).

— Les Falcon 50 de surveillance maritime

La transformation de 4 Falcon 50 à usage gouvernemental en version SURMAR est destinée à combler la réduction temporaire de capacité induite par le retrait des N262 en 2009 (9 avions) et de disposer d’une flotte homogène de 8 F50 jusqu’à l’arrivée de l’AVSIMAR. Deux seront livrés en 2013 puis 2 en 2015.

— La flotte logistique

4 pétroliers ravitailleurs polyvalents sont destinés à remplacer 9 bâtiments (4 PR/BCR et 5 bâtiments de soutien). La notification des 2 premiers est prévue en 2015 pour une première livraison en 2018 à raison de un par an. Pour mémoire, la Meuse aura 38 ans lorsqu’elle sera remplacée par le premier exemplaire.

Enfin, il faut noter que la programmation 2009-2014 avait repoussé la prise de décision concernant la construction d’un deuxième porte-avions. Le contexte budgétaire rend désormais cette perspective hautement improbable. Un projet de mise en commun d’un porte-avions neuf avec les Britanniques est régulièrement mis en avant. Cependant, les dernières évolutions sur cette question laissent penser qu’un tel projet n’aboutira pas.

2. Le programme Barracuda

Les sous-marins d’attaque (SNA) participent à la mission dissuasion par le renforcement de la sûreté de la force océanique stratégique et en entretenant un vivier en cohérence avec le socle des ressources humaines nécessaire aux sous-marins lanceurs d’engins (SNLE). Ils contribueront aux capacités d’intervention dans les domaines des opérations spéciales, de la projection de puissance (frappe dans la profondeur avec le missile de croisière naval, MdCN) et de la maîtrise de l’espace aéro-maritime (escorte du groupe aéronaval ou d’un groupe d’action maritime) ou de son interdiction. Ils participeront également aux missions de surveillance, de recueil de renseignement et de contrôle de zone. Les sous-marins présentent une capacité de déplacement de 4 650 tonnes en surface, une longueur de 99 m et un diamètre de coque de 8,8 m. L’équipage sera de 60 personnes avec une capacité d’emport supplémentaire de 15 commandos ou nageurs de combat. Ils mettront en œuvre le missile MdCN, la torpille lourde F21 et le missile antinavire SM39.

Le programme Barracuda génère d’importantes retombées économiques et industrielles, mobilisant environ 1 500 personnes chez DCNS, 300 chez AREVA TA et autant parmi leurs sous-traitants, français en grande majorité (THALES, SAGEM, plusieurs dizaines de PME spécialisées sur tout le territoire national). Le programme couvre l’acquisition des sous-marins, du système de soutien et des moyens de formation et d’entraînement des équipages, ce qui inclut l’adaptation des infrastructures à terre à Cherbourg (port de construction) pour le chargement du cœur nucléaire et la mise à l’eau de chaque sous-marin. Le programme est placé sous la maîtrise d’ouvrage de la DGA, avec le CEA comme maître d’ouvrage délégué pour les chaufferies nucléaires. Trois sous-marins (Suffren, Duguay-Trouin, Tourville) ont été commandés, le troisième l’a été en juin 2011. Le contrat prévoit la réception du premier sous-marin (Suffren) mi-2017, celle du deuxième, le Duguay-Trouin, fin 2019 puis tous les deux ans pour les sous-marins suivants. Les essais à la mer du Suffren démarreront en 2016. Le coût du programme est de 9,6 milliards d’euros. Mi 2012, les engagements réalisés sont de 5,7 milliards d’euros courants et les paiements de 2,1 milliards d’euros courants.

Le PLF pour 2013 prévoyait la commande d’un SNA. Cette commande a été décalée à 2014. Le tableau ci-après décrit le calendrier de commandes et d’entrées dans le service actif avant décalage de la commande prévu en 2013.

DATES DE COMMANDES ET D’ENTRÉE EN SERVICE DES BARRACUDA

 

<2011

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Commandes

2

1

 

1

 

1

 

1

     

Entrées en service

             

1

 

1

 

Source : ministère de la défense.

Le retrait des Rubis se fera de façon coordonnée afin de lisser les effets du renouvellement tant du point de vue de la gestion des équipages que des moyens matériels. La cohérence organique sera un sujet réel de préoccupation, les Barracuda exigeant un équipage plus réduit que les Rubis (60 personnels contre 72).

Le calendrier doit être tenu. En 2017, le plus ancien des SNA actuels, le Rubis, aura navigué 35 ans, au lieu des 25 initialement prévus. Sauf à prolonger encore son activité, le report de commande décidé en PLF 2013 pourrait créer une difficulté capacitaire.

D. LE MILIEU AÉRIEN

1. Les crédits de l’armée de l’air

Pour l’armée de l’air également, l’exercice 2013 devrait confirmer le décalage entre les objectifs de la programmation et sa réalisation. L’effort budgétaire de rétablissement des comptes publics sur la période 2011-2013 a contraint à un décalage de un à trois ans de nombreux programmes d’armement. L’inflation des coûts en masse salariale a conduit à une réalimentation des dépenses du titre 2 du programme 178 « Préparation et emploi des forces » par des crédits du programme 146.

Les ressources affectées aux programmes destinés à l’armée de l’air devraient décroître du fait de 600 millions d’euros de report d’engagements et diminuer de 110 millions d’euros en paiement sur l’exercice 2012. Compte tenu des difficultés de périmètre, il semble difficile d’identifier clairement l’évolution de cette enveloppe dans le PLF 2013. Pour autant, le Rapporteur a recensé les principaux reports décidés pour l’armée de l’air l’année prochaine :

– le traitement des obsolescences du missile Aster 30 B1NT (SAMP/T) : un an ;

– la suite des travaux relatifs à la rénovation mi-vie du Mirage 2000D : en 2014 ;

– le traitement des obsolescences du pod Reco NG : un an ;

– le lancement de la rénovation des C130 : en 2014 ;

– le traitement des obsolescences du simulateur Mirage 2000-C : un an ;

– la dernière tranche de rénovation OACI des Fennec (12 machines) : 2 ans ;

– la deuxième tranche de rénovation OACI des Puma : 2 ans.

2. L’avancement des principaux programmes

— Le Rafale

Le Rafale est appelé à devenir le principal avion de combat de l’armée de l’air, remplaçant ainsi la large famille Mirage à l’exception des Mirage-2000D qui vont être modernisés. L’atout principal de l’avion est sa polyvalence, l’appareil pouvant remplir plusieurs types de missions au cours d’une même sortie : supériorité aérienne, reconnaissance, attaque au sol. Les qualifications de nouveaux standards enrichissent constamment ses capacités, telles que l’intégration de l’AASM IR (5) ou du pod Damoclès à l’été 2011. Les prochaines évolutions majeures portent sur les capteurs, notamment le nouveau radar à antenne active AESA dont le premier Rafale équipé vient d’être reçu. Ce radar optimisera l’emploi du futur missile METEOR. Le Rafale est opérationnel au sein de l’armée de l’air depuis 2006 et participe depuis à la posture permanente de sécurité (PPS). Engagé en OPEX en 2007, 2008, 2009 et 2011, il s’est particulièrement illustré dans l’opération Harmattan, entre mars et octobre 2011. Largement employé, il a ainsi confirmé la pertinence des choix de conception effectués à la genèse du programme.

Sur les 286 Rafale prévus (Air et Marine), 180 ont été commandés (132 Air) et 115 auront été livrés à la fin 2012 (75 Air). Le plan de livraison des avions est toujours établi en tenant compte d’un contrat à l’exportation, le principal acheteur potentiel à ce sujet étant désormais l’Inde. Les négociations sont cependant toujours en cours. Le scénario actuel est donc celui d’une livraison de 11 Rafale par an jusqu’en 2017. L’année 2018 et une partie de 2019 seraient consacrées à l’exportation. À défaut, la fin des livraisons de la 4tranche interviendrait en 2018.

— L’A400M

Le programme A400M se trouve aujourd’hui en phase de développement et de production. Même s’il n’est pas réellement comparable au Transall qu’il doit remplacer, l’A400M offrira de nombreux avantages par rapport aux appareils actuels. Beaucoup plus grand, ce quadrimoteur (deux pour le Transall) de 79 tonnes pourra emporter 36 tonnes de fret. Rapide (850 km/h), son autonomie lui permettra de franchir jusqu’à 8 700 km, voire plus après un ravitaillement en vol. Tout comme le Transall, il est conçu pour décoller et atterrir sur des pistes courtes et sommaires.

Signé en mai 2003, le programme a été plusieurs fois décalé. La première livraison était attendue pour le mois de mars 2013 au lieu d’octobre 2009. Aujourd’hui, des problèmes de moteur ont temporairement interrompu la phase de qualification de l’appareil, devant reprendre en novembre 2012. Ces incidents décalent une nouvelle fois la livraison du premier appareil pour la France, maintenant prévue pour mi-mai 2013 (un deuxième appareil arrivant en juillet). Ces retards affectent la capacité de transport de l’armée de l’air, déjà mise à mal par le retrait des Transall et leur faible taux de disponibilité opérationnelle. À l’instar des délais de livraison, le coût de l’A400M a lui aussi considérablement augmenté. Les 50 appareils français se chiffrent désormais à 8,4 milliards d’euros.

— Le nEUROn

Le démonstrateur technologique nEUROn regroupe six pays européens autour de la France : la Suisse, la Grèce, l’Italie, l’Espagne et la Suède. Le contrat principal a cependant été passé entre la DGA et Dassault, maître d’œuvre du projet. Lancé en février 2006 et devant s’étaler sur plus de sept ans, ce programme de 440 millions d’euros connaît quelques retards, ainsi que des difficultés de coût. Ses objectifs sont multiples. Premièrement, il s’agit de développer des capacités dans le domaine des systèmes aériens de combat pilotés à distance (drones de combat, à ne pas confondre avec les drones MALE) ainsi que les technologies sous-jacentes (furtivité, soute à armement). Deuxièmement, nEUROn vise le maintien de compétences en vue de la réalisation de la cinquième génération d’avions de combat par l’entretien de la BITD avec des programmes d’études amont. Enfin, et de manière plus pragmatique, le programme nEUROn est censé stimuler la coopération européenne en lui apportant un nouveau souffle. Le premier vol aura lieu fin octobre 2012. Les phases d’essais en vol suivront, le contrat nEUROn se terminant ainsi au premier semestre 2014.

Au-delà, il existe un nouveau projet de démonstrateur de drone de combat, le Future Combat Air System Demonstration Program (FCAS-DP). Initié par le traité de Lancaster House, il se fonde sur une analyse capacitaire commune ainsi que sur l’intérêt d’une coopération industrielle entre Dassault et BAE. Cette dernière a été formalisée par deux accords cadres en juillet 2012 et doit déboucher sur un programme de démonstrateur technologique et opérationnel pour la période 2014-2020, prenant en quelque sorte la suite du programme nEUROn.

— MUSIS

Le programme MUSIS est en phase de réalisation depuis la fin 2010. En l’absence d’accord de coopération, le programme a été lancé sur la base de deux satellites d’observation optique (un satellite « reconnaissance » et un satellite « identification ») afin d’éviter la rupture capacitaire lorsque les satellites actuels HELIOS II arriveront en fin de vie. Des dispositions conservatoires ont toutefois été prises afin de rendre possible l’accueil ultérieur de nations coopérantes. Les activités fédérées du programme MUSIS (MUSIS-FA) portent sur le développement d’une couche d’interopérabilité commune (CIL) pour les segments sol des satellites d’observation français et italien (satellite radar CosmoSkymed 2nde génération pour l’Italie, satellite optique CSO pour la France). L’Allemagne a renoncé à cette coopération. La conduite du programme MUSIS-FA est confiée à l’OCCAR, la réalisation étant notifiée au consortium constitué d’EADS Astrium France, Thales Alenia Space France et Thales Alenia Space Italie.

La coopération dans le domaine spatial se limite actuellement à un échange de capacités (images HELIOS contre images SAR-Lupe allemandes). L’Allemagne envisage une participation financière pour accéder aux images françaises afin de compenser le déséquilibre entre les besoins français en images radar et les besoins allemands en images optiques.

MUSIS est un programme essentiel à la souveraineté nationale et son financement doit être absolument prioritaire.

— CERES

CERES est le second programme spatial de grande importance, dont la mise au point a été préparée par deux démonstrateurs. CERES vise à établir une capacité spatiale de renseignement d’origine électromagnétique (ROEM) pour répondre aux besoins opérationnels des armées ainsi qu’à la crédibilité de la dissuasion française. En l’état actuel, il est prévu de lancer trois satellites légers (450 kg) à partir de fusées russes. Ce programme est copiloté par la DGA et l’état-major des armées.

Son but est de permettre la détection, l’identification et la localisation des émissions électromagnétiques terrestres depuis l’espace. Ce sera ainsi une capacité totalement souveraine apportant anticipation et autonomie de décision, une couverture géographique mondiale par des survols sans contraintes juridiques, et l’absence d’engagement de forces sur les zones d’intérêt tout en assurant une grande rapidité d’accès à celle-ci. CERES complétera les autres moyens ROEM et les améliorera. Il participera directement aux capacités de défense anti-missile balistique, d’entrée en premier sur un théâtre, et à la programmation de contre-mesures plus performantes pour les aéronefs de l’armée de l’air. Le lancement du stade d’orientation du programme a été approuvé en 2012 et le dossier de choix sera examiné au premier semestre 2013. La mise en service opérationnel est prévue en 2020 au plus tard.

— SCCOA

Le système de commandement et de conduite des opérations aériennes (SCCOA) est un programme mené depuis 1993. Son but est de coordonner l’ensemble des acteurs d’une opération aérienne, du drone à l’avion de chasse en passant par l’hélicoptère. Il s’agit également de coordonner les opérations en coalition, tout en partageant l’espace aérien avec le trafic civil. SCCOA fédère aussi un ensemble de systèmes, allant du centre de commandement aux radars terrestres ou aériens, et effectue une synthèse de l’information. La première phase de l’étape 4 a été lancée en novembre 2010. Compte tenu des contraintes budgétaires en LFI 2011 et 2012, seuls les premiers contrats urgents ont été notifiés. Ils comportent notamment la rénovation de certains radars de défense aérienne et la commande d’un radar mobile. Le contrat pour le remplacement du radar de Nice a été notifié en septembre 2012.

3. La question du drone MALE

L’armée de l’air dispose actuellement de deux systèmes de drones de moyenne altitude longue endurance (MALE) de type Harfang, soit, en tout, deux stations sols et quatre véhicules.

Ces appareils sont issus de technologies de la société israélienne IAI, à savoir des drones Heron, adaptés en France, en y installant notamment une liaison satellite, qui permet l’utilisation du drone sur une longue distance et surtout une transmission de données garantissant la souveraineté nationale. Ce processus a pris un retard considérable, le premier système étant livré avec un retard de cinq ans, particulièrement préjudiciable aux forces armées. Ce système était en effet conçu comme intérimaire, en attendant l’acquisition d’un système plus robuste.

C’est donc une flotte relativement fragile, facilement menacée d’attrition compte tenu du faible nombre de véhicules, qui a été déployée en Afghanistan en février 2009 (trois véhicules et une station sol). Elle a pourtant rendu d’importants services et permis un premier retour d’expériences en OPEX. Un autre déploiement a suivi, en Libye, en septembre 2011.

Deux conclusions se sont imposées : les drones sont un outil indispensable à toute armée moderne, mais l’équipement de notre armée de l’air est trop fragile. En outre, l’observation des capacités de nos alliés confirme tout l’intérêt de les armer afin de disposer d’une capacité de réaction en temps réel.

Le besoin est à la fois de court, moyen et long termes :

– à court terme, il faut agir pour étirer au maximum les capacités de la flotte Harfang ;

– à long terme, c’est-à-dire à partir des années 2020, la France doit se doter d’une capacité en drones MALE robustes de conception européenne ;

– à moyen terme, elle doit disposer d’une capacité intermédiaire.

La programmation organise une réponse forte à ces besoins, avec près de 1,3 milliard d’euros inscrits d’ici 2020 pour les différentes capacités.

La réponse au premier point a été apportée grâce à un dialogue entre la DGA et l’industriel. Le maintien en condition opérationnelle de la flotte Harfang devrait être possible jusqu’en 2017, date à laquelle un soutien industriel, particulièrement coûteux, semble possible.

S’agissant du long terme, la France prône depuis de nombreuses années la constitution d’une capacité industrielle européenne. Elle avait proposé la construction d’un drone MALE européen fondé sur une plateforme israélienne mais portant une charge utile européenne à travers l’initiative EUROMALE. Le projet n’a pas abouti, le partenaire allemand souhaitant son arrêt en 2006.

Un nouveau projet a été porté par l’entreprise EADS à travers le programme Talarion, drone MALE de très haute capacité. Ce projet a suscité des réserves en France compte tenu de son coût élevé et de la réticence allemande à le voir armé. Mais surtout la partie allemande n’a pas souhaité donner suite, jugeant notamment les retombées industrielles insuffisantes.

Le traité de Lancaster House du 2 novembre 2010, puis le sommet franco-britannique tenu le 17 février 2012, ont posé l’ambition de disposer d’une capacité MALE pérenne. Si les discussions ont semblé ralentir au cours de cette année, la France et l’Allemagne ont signé le 12 septembre 2012 une déclaration d’intention sur le renforcement de leur coopération dans divers secteurs de l’armement, y compris dans le secteur des MALE, la France veillant à la cohérence de cette démarche avec les engagements pris entre elle et le Royaume-Uni sur ce sujet.

En parallèle, différentes options sont étudiées pour l’acquisition d’un système de drone MALE intermédiaire (solution de moyen terme). Le lancement de ce programme n’a pas été décidé à ce stade. La décision est pourtant devenue particulièrement urgente : le temps passant rend de plus en plus difficile l’adaptation.

Deux types de drones MALE sont aujourd’hui disponibles sur le marché : les drones Reaper américains (deuxième génération des drones Predator) et les Heron TP israéliens. Le précédent Gouvernement avait annoncé à l’été 2011 retenir la solution proposée par le groupe Dassault censée assembler un drone Heron TP en France avec des capteurs français. L’industriel israélien se montrerait ouvert à la possibilité d’intégrer un système de commande et de mission national. Pour des raisons techniques, le Gouvernement a souhaité réexaminer les options en présence. Les informations disponibles sur ce sujet font état d’un intérêt particulier du ministère pour l’acquisition d’une capacité américaine, les deux systèmes coûtant environ 350 millions d’euros. L’enjeu serait, là encore, de savoir dans quelle mesure celui-ci peut être « francisé ». Cela suppose l’accord des Américains pour modifier leurs appareils, en particulier afin d’y implanter une liaison satellite nationale, puis un autre accord pour l’exportation de drones pouvant être armés. Les Predator exportés jusqu’à présent font transiter les informations qu’ils captent par des satellites militaires américains. La France ne saurait se résoudre à cette perte de souveraineté et il semblerait que l’option d’une adaptation du Heron TP, plus souple juridiquement soit toujours à l’étude. Aucun schéma industriel n’est privilégié a priori. Les discussions se poursuivent, sachant néanmoins qu’il faudra du temps pour intégrer un drone et que tenir l’objectif de 2017 va être de plus en plus difficile.

Le Rapporteur se réjouit du volontarisme du ministre sur ce sujet et soutient sa démarche d’acquérir un drone doté d’une liaison satellite et d’une charge utile françaises. Il paraît dans tous les cas indispensable de constituer une capacité industrielle nationale dans ce domaine clef. Nos entreprises peuvent fournir des charges utiles de très haut niveau mais également installer des liaisons satellites sécurisées. Il restera à développer les compétences d’assemblage. La perspective reste bien à terme de développer des drones européens, y compris dans l’avionique, sur les segments MALE comme de combat.

DEUXIÈME PARTIE : TECHNOLOGIES DE DÉFENSE ET SOUVERAINETÉ

À la suite du rapport publié par le Sénat intitulé « Capacités industrielles souveraines / capacités industrielles militaires critiques » (6), et dans le cadre de la réflexion sur le nouveau Livre blanc, le Rapporteur a souhaité conduire un travail dans la durée sur les rapports entre souveraineté nationale et technologies de défense. Le présent développement en constitue la première étape, à savoir celle du constat. À cet égard, le Rapporteur tient à remercier les services du ministère de la défense, et en premier lieu la DGA ainsi que les états-majors et la Direction de la protection et de la sécurité de la défense (DPSD), pour leur disponibilité et la qualité des informations qu’ils lui ont fournies. Il remercie également le CEA ainsi que les industriels mentionnés en annexes pour leurs précieuses contributions.

I. LA FRANCE A DEVELOPPÉ UN LARGE PANEL DE CAPACITÉS INDUSTRIELLES ASSURANT SA SOUVERAINETÉ

La France dispose aujourd’hui d’un large panel de compétences industrielles. Elles lui permettent d’assurer une grande part des besoins en équipement des armées françaises et étrangères. Ce tissu économique assure l’emploi direct de plus 150 000 personnes et autant d’emplois indirects. Cependant, dans un contexte de concurrence internationale accrue et de rétraction des capacités budgétaires, se pose la question de déterminer ce que sont les capacités indispensables à la préservation de notre souveraineté, celles qui peuvent être mutualisées et celles pour lesquels il est envisageable de dépendre de l’extérieur.

A. SOUTENIR LA BASE INDUSTRIELLE ET TECHNOLOGIQUE DE DÉFENSE FRANÇAISE

Garantir la souveraineté nationale suppose de maintenir dans la durée les compétences critiques nécessaires à la réalisation des équipements de défense et de poursuivre activement notre effort de recherche et technologie dans un certain nombre de domaines clés. De ce point de vue, la France a la chance de disposer d’une base industrielle et technologique de défense (BITD) riche et performante. Elle couvre un spectre extrêmement large de compétence.

Le Livre blanc de 2008 avait décrit la situation de notre BITD et posé les bases d’une stratégie industrielle reposant sur trois cercles : maîtrise des équipements nécessaires aux domaines de souveraineté, domaines dans lesquels favoriser une forme d’interdépendance européenne et ceux dans lesquels il est préférable de recourir directement au marché mondial. On trouvera en annexe les développements consacrés à cette question.

C’est sur cette base, que doit s’organiser le soutien aux technologies garantissant notre souveraineté. Les raisons en sont multiples. Elles permettent fondamentalement d’assurer la sécurité de notre pays. En outre, sur un plan plus tactique, le maintien d’une supériorité technologique offre un avantage permanent vis-à-vis des adversaires potentiels. Exporter ses matériels permet naturellement de connaître précisément les capacités des autres pays. Disposer d’une industrie de la défense forte permet en outre une meilleure adaptation de l’offre aux besoins, qu’il s’agisse des spécifications des matériels, de la capacité à répondre à une montée brutale du besoin (comme ce fut le cas pour l’opération Harmattan) ou, tout simplement, pour ne pas être soumis aux aléas politiques de l’importation (cf. l’importation de Reaper américains).

Toutefois, le maintien de capacités ne correspond pas toujours aux besoins immédiats en équipements. Il peut alors justifier d’entretenir la compétence de bureaux d’études, en particulier par la commande d’études amont afin de conserver dans la durée un outil de production spécifique. Les ressources étant comptées, il faut agir avec précision en actualisant la liste des domaines prioritaires.

B. IDENTIFIER LES SECTEURS DE SOUVERAINETÉ

Les technologies indispensables à la souveraineté française (dites TSV) sont des compétences et capacités que la France doit posséder en propre pour assurer la sécurité de ses approvisionnements, de MCO ou la liberté d’emploi de ses systèmes. Dans ces domaines précis, la France doit veiller à préserver son autonomie de décision et être en mesure de concevoir, de développer, de produire, de modifier seule les équipements correspondants si nécessaire.

La DGA souligne que cette maîtrise nécessite naturellement que les capacités concernées demeurent sur le territoire national mais également que la France puisse exercer un contrôle, notamment des participations étrangères dans l’actionnariat et les structures dirigeantes des entreprises concernées, ainsi que de la détention et de la circulation des informations classifiées ou encadrées par ses engagements internationaux.

Les TSV varient selon les produits ; elles peuvent porter sur la maîtrise de l’architecture, la conception, la fabrication, l’intégration, la simulation, ou encore les performances opérationnelles. La DGA les identifie selon ses pôles techniques, par des critères tels que le « Spécial France », l’autonomie d’appréciation, l’analyse de la menace, le besoin de confiance, la capacité de survie, les avantages opérationnels ou la liberté d’action qu’elles offrent. Les TSV qui doivent impérativement demeurer maîtrisées par l’industrie nationale sont des technologies non duales, en lien avec un intérêt essentiel de sécurité de l’État tel que la dissuasion.

Il est difficile de dresser ici un inventaire de l’ensemble des TSV : cela requiert une investigation longue technique qui relève davantage de la DGA, qui tient à jour une liste de compétences critiques. En complément, les travaux du Livre blanc actuellement en cours ont vocation à en actualiser le périmètre d’un point de vue politique. Pour sa part, le Rapporteur a relevé l’intérêt de la communauté militaire pour un certain nombre de technologies clefs.

Il en va ainsi de l’ensemble des équipements concourant à la dissuasion nucléaire océanique et aéroportée (plateforme, propulsion, systèmes de navigation, armements et transmissions, technologies de missile balistique, propulsion et système de guidage, les têtes nucléaires). La capacité à réaliser des avions embarqués mis en œuvre par des catapultes ou des brins d’arrêt y participe également. Il faut également maintenir notre avance technologique en matière de simulation et de calcul, qui seuls nous permettent de nous dispenser d’essais nucléaires.

Dans le domaine spécifiquement maritime, il semble indispensable de maîtriser les technologies concourant directement à la sécurité des bâtiments sous-marins, à savoir la discrétion acoustique, les aciers à très haute élasticité, les systèmes SONAR actifs et passifs, les systèmes radar et de protection (contre-mesure électronique), les antennes de réception.

Dans le domaine aérien, il pourrait être opportun de favoriser la constitution de capacités européennes dans les domaines des avions de combat, des missiles de croisière, de l’armement conventionnel, des satellites et des drones, de telles démarches devant permettre de mutualiser des coûts de développement qui apparaîtraient prohibitifs dans un contexte exclusivement national. En revanche, certaines briques technologiques doivent demeurer nationales : logiciels, systèmes de missions, matériaux liés à la propulsion, électronique de puissance, aérodynamique, senseurs inertiels ou encore techniques d’analyses d’images.

Les technologies dont use l’armée de terre sont également concernées par cette réflexion. Il est difficile de dépendre de l’extérieur pour les équipements permettant directement de faire la guerre. Il en va ainsi du domaine munitionnaire, auquel la France a progressivement renoncé. Il s’agit d’un choix qui jusqu’ici n’a pas causé de difficulté majeure. Il faut pourtant se souvenir que lors du conflit en Irak, les Britanniques se sont vus refuser par les Allemands certaines munitions pourtant nécessaires. C’est à la suite de cet épisode – qui prouve que l’approvisionnement chez nos voisins européens n’offre pas nécessairement une assurance parfaite – qu’ils ont décidé de se doter à nouveau d’une industrie munitionnaire.

L’identification de nouvelles menaces peut également conduire à une prise de conscience de l’intérêt de conserver en propre la maîtrise de nouvelles technologies. Il en va ainsi des cybermenaces. Un grand nombre d’attaques informatiques, parfois spectaculaires, ont montré à quel point administrations, mais surtout entreprises d’intérêts stratégiques, étaient vulnérables. Pour y faire face, une prise de conscience est nécessaire, la mobilisation de techniciens également, mais il faut aussi pouvoir sécuriser au mieux nos réseaux. Dans cette perspective, certaines composantes informatiques doivent être fabriquées en France ou, à défaut, en Europe. C’est là le seul moyen de s’assurer qu’ils ne sont pas les chevaux de Troie permettant le pillage, parfois organisé, de nos technologies les plus précieuses.

À cet égard, il importe certainement de préserver nos capacités dans le domaine de la production microélectronique. La France a par exemple la chance d’accueillir sur son territoire l’unité de fabrication de puces de l’entreprise STMicroelectronics, qui dispose de capacités uniques en Europe. Dans le même ordre d’idée, la France doit maintenir ses capacités en cryptologie. Dans ces domaines les plus sensibles, la France doit garantir sa souveraineté avec le plus haut degré d’exigence.

II. LA PROTECTION DE NOTRE PATRIMOINE TECHNOLOGIQUE

Elle est à la fois physique, économique et réglementaire.

A. LA SÉCURITÉ DES SITES ET DES TECHNOLOGIES

La DPSD a la charge de la sécurité des sites industriels de défense. Dans ce domaine, ses missions sont d’assurer la protection du secret confié aux entreprises et de contribuer à la préservation du patrimoine scientifique et technique de défense.

Près de 1 650 sociétés sont concernées par les marchés classifiés passés par le ministère de la défense et 300 établissements à régime restrictif répertoriés par la DGA (c’est-à-dire contenant du patrimoine scientifique et technique) intéressent ce service. Par sa présence régulière au sein des entreprises, la DPSD recueille des informations permettant d’identifier les risques et de proposer des mesures de prévention ou de protection aux entreprises et aux donneurs d’ordre (ministère, DGA, états-majors, ou encore pouvoirs adjudicateurs).

La contribution du service à la sécurité économique s’articule autour de deux grands axes que sont la sécurité industrielle et la contre-ingérence économique.

Son action dans le domaine de la sécurité industrielle consiste à s’assurer de la protection du secret de la défense nationale au sein des entreprises. Pour ce faire, elle dispose de plusieurs canaux :

– les enquêtes d’habilitation des personnes morales et physiques au profit des autorités d’habilitation du ministère chargées d’habiliter les entreprises (notamment la DGA) ;

– les conseils en protection physique des locaux et des systèmes d’information ;

– le contrôle du respect de ces mesures de protection par des visites et des inspections ;

– l’analyse des faits de sécurité touchant les entreprises suivies par le service ;

– une coopération étroite avec le service de la DGA chargé de la sécurité de défense et des systèmes d’information classifiés.

Ces actions s’inscrivent également dans le domaine de la protection des systèmes d’information et de la cyberdéfense. La DPSD y assume des responsabilités particulières aux côtés de la DGA pour l’homologation des différents systèmes protégés, mais plus largement dans la mise en place d’une bonne hygiène informatique. Elle s’appuie pour cela sur les bonnes pratiques diffusées notamment par l’Agence nationale pour la sécurité des systèmes d’information (ANSSI).

Le travail de contre-ingérence économique vise à déceler et à neutraliser toute menace résultant de l’activité, légale ou non, de services de renseignement ou de concurrents étrangers pouvant affecter les intérêts ou le patrimoine des entreprises ou organismes liés à la Défense au profit d’intérêts extérieurs. Il consiste principalement à :

– anticiper, analyser et suivre les prises de participation ou prises de contrôle par des investisseurs étrangers dans les entreprises stratégiques ;

– porter une attention à la présence de ressortissants étrangers (visiteurs occasionnels, stagiaires ou employés) dans les sites industriels et de recherche sensibles ;

– orienter la recherche du renseignement en fonction des menaces identifiées ;

– analyser les cyber-attaques visant les industries de défense ;

– sensibiliser les acteurs économiques aux risques liés à l’action des services ou concurrents étrangers (compromissions du secret de la défense nationale, déstabilisation, captation des technologies et du savoir, etc.) ;

– sensibiliser plus particulièrement les industriels et leurs sous-traitants à l’occasion des salons d’armement internationaux sur le territoire national.

À ce titre, la DPSD est un acteur clef de la politique publique d’intelligence économique. Elle participe aux comités d’intelligence économique territoriale et à des groupes de travail pilotés par la délégation interministérielle à l’intelligence économique (secret des affaires, auto-évaluation du degré de protection des entreprises). Au niveau du ministère de la défense, elle participe aux réunions de coordination de l’intelligence économique animées par le cabinet du ministre et entretient des liens étroits avec la DGA sur cette question.

Du fait de la spécificité de ses missions, la DPSD dispose d’une vision unique des problèmes de sécurité touchant l’industrie de défense. Cette compétence permet à l’autorité publique de bénéficier d’un éclairage unique sur ce secteur. Le service collabore étroitement avec la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) et il importe de conserver la répartition de compétences actuelle : un service d’identité militaire est le plus à même de protéger les intérêts industriels militaires.

Le contrôle des investissements étrangers est régi par la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 du code monétaire et financier et appliqué par le décret n° 2005-1739 du 30 décembre 2005, modifié par un amendement au printemps 2012, a précisé le champ d’application de cette réglementation. L’autorisation donnée par le ministère des finances peut être assortie, le cas échéant, de conditions d’engagements pris par le repreneur pour garantir notamment les intérêts de la défense nationale. Ces engagements sont négociés avec le repreneur par la DGA pour le ministère de la défense et transmis au ministère des finances pour prise en compte dans l’autorisation.

La DGA traite de l’ordre de 30 à 40 dossiers par an, sauf en 2009 où, en raison de la crise économique, seuls 14 dossiers ont été instruits. Depuis 2010, le rachat d’entreprises françaises est revenu au niveau précédent et 75 % des dossiers ont donné lieu à une lettre d’engagement de la part de l’investisseur.

Dans ce dispositif, l’association du ministère de la défense et de la DGA est essentielle, mais il faut s’interroger sur l’intérêt qu’il y aurait à renforcer le poids de la défense sur ces questions, le ministère pouvant certainement devenir co-décisionnaire. Les deux administrations ont des sensibilités très différentes et le ministère des finances semble globalement plus favorable aux investissements étrangers dans les domaines industriels et tend à traiter de ceux intervenant dans le domaine de la défense comme à peine dérogatoire. Cela le conduit souvent à ne négocier que des accords transitoires garantissant les intérêts technologiques de la défense pour des durées relativement courtes, de deux ou trois. Au-delà, il n’existe plus vraiment de moyen de contrôle. Enfin, beaucoup regrettent que le dispositif d’alerte ne soit pas toujours engagé à temps.

Le contrôle des investissements étrangers est également étudié par la Commission européenne au travers de son équipe de travail inter-services mise en place fin 2011, à laquelle l’AED est associée.

À titre de comparaison, aux États-Unis, il existe un comité en charge de valider les demandes d’investissements étrangers dans des sociétés américaines, le Committee on Foreign Investment in the United States. En fonction des secteurs jugés stratégiques, il gère plusieurs régimes de protection, avec notamment les régimes restrictifs suivants :

– le proxy agreement ne permet à l’investisseur que d’être associé à la rentabilité financière, sans avoir aucune part au développement technique ou technologique de la société ;

– le special security agreement autorise l’investisseur étranger à avoir des administrateurs dans la société sans leur permettre de rapatrier les techniques développées.

Ses décisions ne sont pas susceptibles d’appel. Comme le suggère le DGA, il serait bon d’entreprendre une réflexion au niveau européen afin de se doter d’un outil comparable.

B. PROTÉGER NOS INTÉRÊTS DANS LE CADRE DE CONTRATS À L’EXPORTATION

Désormais incontournables dans la négociation des grands contrats, les transferts de technologie constituent une tendance lourde sur le marché des exportations de défense. Les transferts de technologie s’inscrivent dans le cadre des compensations que les États importateurs de matériels de défense sollicitent de la part des industriels exportateurs. Ils portent sur un très grand nombre de domaines et peuvent faire appel à un périmètre large de fonctions, de l’ingénierie à la maintenance en passant par la production.

Généralement, les transferts consentis portent sur la production et la maintenance mais excluent l’ingénierie. C’est notamment le cas des transferts prévus avec la Russie dans le cadre du contrat bâtiment de projection et de commandement. La configuration est différente avec le Brésil et les contrats de vente de sous-marins Scorpène et d’hélicoptères EC 725 ont été assortis de transferts intégrant des éléments d’ingénierie. Le pays s’est d’ailleurs doté d’une législation protectrice créant des « entreprises stratégiques de défense ». Celles-ci doivent être détenues au minimum à 60 % par des Brésiliens et bénéficient d’importantes exemptions fiscales.

Afin de préserver leur avantage technologique et minimiser le risque de favoriser à terme l’émergence de nouveaux concurrents, les industriels français veillent généralement à ne consentir que des transferts partiels et sélectifs et à conserver leur savoir-faire. Ainsi, les entreprises s’efforcent de ne transférer que des technologies arrivées à maturité ou segmentent leurs processus pour ne pas perdre la maîtrise de l’intégration. Elles mobilisent des moyens industriels (segmentation des technologies, conception des produits selon un principe modulaire), juridiques (règles de gouvernance des coentreprises servant de réceptacle aux transferts de technologie, propriété intellectuelle) et financiers (investissements en R&D destinés à conservant l’avance technologique).

L’État se montre particulièrement vigilant sur l’encadrement des transferts de technologie, s’assurant en particulier qu’ils ne portent pas sur des domaines de souveraineté. Au titre de sa participation aux délibérations de la Commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériels de guerre (CIEEMG), le ministère de la défense examine systématiquement les demandes de transferts de technologie des industriels français en s’appuyant sur l’expertise de la DGA. Selon les cas de figure, l’avis du ministère de la défense peut conduire la CIEEMG à refuser un agrément préalable, ajourner sa décision dans l’attente d’un complément d’information de la part de l’industriel ou assortir la délivrance d’un agrément de strictes limitations en matière de transferts de technologie.

A. LES POINTS DE VIGILANCE

La DGA identifie des menaces potentielles sur l’ensemble des filières relevant des technologies de souveraineté. Elles sont d’origine et de nature variées :

– les contraintes réglementaires applicables pour le contrôle à l’exportation de composants ou produits présentant des niveaux très élevés de performances paraissent limiter l’activité des industriels ;

– le niveau de crédits consacrés aux études amont engendre directement des risques chez les industriels. Il est probable qu’ils rencontrent des difficultés à maintenir leur niveau technologique et leurs compétences techniques sur ces domaines. La volonté du ministre de sanctuariser cette enveloppe est donc particulièrement heureuse ;

– la faiblesse de certains plans de charge : le ralentissement de l’activité économique internationale, associée à une diminution de la commande publique, peut fortement handicaper certains industriels ;

– la tentation de certains industriels de recourir à des technologies bas coût lors d’étapes de démonstration, sans garantie en matière de dépendance étrangère et de tenue de certaines performances ;

– la menace d’obsolescence qu’entraîne l’entrée en vigueur des nouvelles normes environnementales.

Ces éléments ouvrent autant de pistes de réflexion pour les parlementaires. Un certain nombre de points, tenant notamment aux questions juridiques, pourraient certainement être amendés afin de mieux soutenir le secteur.

Il est indispensable de continuer à investir dans le développement de nouvelles technologies qui seront les possibles TSV à l’horizon 10-15 ans, faute de quoi nos matériels ne seront plus au meilleur niveau et perdront en crédibilité opérationnelle. Un tel décalage aurait également un effet d’entraînement négatif sur la place de la France dans les domaines industriels, normatifs et techniques.

La DGA finance des allocations thèses et met en œuvre des dispositifs de développement scientifique et technologique dont le dispositif Régime d’appui pour l’innovation duale (RAPID), le dispositif d’Accompagnent spécifique des travaux de recherches et innovation défense (ASTRID) et des études amont de maturation des technologies. Sur les bas niveaux de maturité technologique, les perspectives sur les technologies déterminantes sont parfois discutées et confrontées avec nos principaux partenaires européens (Royaume-Uni, Allemagne, Italie...). S’agissant notamment des PME, RAPID subventionne les projets de R&D d’intérêt dual proposés par une PME ou une entreprise de moins de 2 000 personnes. Il est doté de 40 millions d’euros (2011 et 2012).

Il faut également investir sur les technologies nécessaires à l’exportation et sur lesquelles il convient d’entretenir notre avance.

Ce soutien repose également sur le maintien de l’effort de recherche. Pour mémoire, les ressources consacrées à l’effort de R&T représenteront 885 millions d’euros d’engagements en 2013 et 900 millions d’euros de CP, dont 45 millions d’euros de ressources extrabudgétaires issues du compte d’affectation spéciale (CAS) « Fréquences ». Sur les 885 millions d’euros d’AE, 149 millions d’euros seront des subventions aux organismes sous tutelle et 736 millions d’euros seront consacrés aux programmes d’études amont contractualisés avec l’industrie et les laboratoires. Pour l’orienter, tous les deux ans, un document dit POS (Politique et Objectifs Scientifiques) présente les grandes thématiques scientifiques d’intérêt pour la Défense et les modes d’action à suivre.

Enfin, la mission pour la recherche et l’innovation scientifique de la DGA identifie, évalue et stimule les technologies émergentes ou de rupture pour les performances des matériels de défense, leur coût ou leur utilisation.

Confrontée à des contraintes budgétaires fortes et au coût croissant de systèmes d’armes de plus en plus complexes, la France ne peut plus soutenir seule l’effort de Défense nécessaire pour maintenir l’ensemble du spectre industriel. Comme le rappelait le Livre blanc de 2008, la coopération avec ses partenaires européens est devenue une nécessité.

D’une façon générale, il importe de veiller à la réciprocité et aux garanties d’approvisionnement : c’est le principe de « mutuelle dépendance ». Chacun met en œuvre au profit de ses partenaires les domaines dans lesquels il excelle. La disponibilité des technologies doit alors être encadrée par un accord international. Nos partenaires ne doivent pas profiter de la coopération pour constituer une filière nationale concurrente, les briques technologiques développées de part et d’autre devant être complémentaires. C’est malheureusement souvent le cas, comme on a pu le constater, par exemple, s’agissant de l’A400M. En outre, lorsqu’une coopération vise en fait à soutenir l’exportation de matériels de défense, le maintien d’un effort de R&T paraît indispensable pour entretenir l’avance technologique : les éventuels transferts, argument commercial incontournable, ne doivent pas permettre de créer un concurrent de niveau technologique équivalent.

L’approfondissement de la coopération européenne et l’intégration croissante de groupes sur le continent incitent à mener une réflexion sur un certain nombre de points :

– la possibilité de mettre en place un système de licences globales permettant la libre circulation au sein de centres technologiques ;

– la possibilité pour un pays importateur d’un sous-ensemble de réexporter sans démarche supplémentaire un nouvel ensemble fabriqué sur son territoire ;

– la nécessité d’harmoniser les règles de sécurité entre pays européens ;

– l’opportunité de simplifier le droit entourant la propriété intellectuelle pour la circulation de l’information à l’intérieur d’un groupe.

Il faut également revoir le mode de fonctionnement de l’AED, particulièrement peu satisfaisant. Les règles entourant les études qu’elles financent prévoient un partage libre et total des résultats de l’étude entre partenaires, ce qui pénalise nos industriels, qui apportent généralement le plus sur le plan technologique.

Dans bien des cas, la coopération européenne permettra sûrement de sauvegarder des compétences clefs pour notre pays. Mais cela suppose d’initier des coopérations rationnelles, reposant sur une véritable logique industrielle. Cette démarche prend du temps et suscite parfois des frustrations, mais elle est certainement le meilleur chemin pour donner du sens à l’Europe de la défense.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITION DE M. LAURENT COLLET-BILLON, DÉLÉGUÉ GÉNÉRAL POUR L’ARMEMENT DU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE

La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu l’IGA Laurent Collet-Billon, délégué général pour l’armement du ministère de la défense, sur le projet de loi de finances pour 2013 (n° 235), au cours de sa réunion du  mercredi 10 octobre 2012.

Mme la présidente Patricia Adam. Mes chers collègues, nous accueillons aujourd’hui M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l’armement (DGA).

Monsieur le délégué général, nous renouons cette année, en début de législature, avec votre audition dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances.

Vous allez nous présenter le projet de budget pour 2013 du programme 146 Équipement des forces de la mission « Défense ».

Cette présentation pourra être l’occasion de faire un rapide bilan de la période de programmation 2009-2012 et de nous informer où en est la « bosse » d’investissements non réalisée.

Il s’agira également de décrire les conséquences de la stabilisation des crédits envisagée pour 2013.

Vous pourrez par ailleurs nous indiquer les priorités de la DGA : entre le spatial, le maintien des crédits de recherche et le programme de drones MALE, lesquelles seront retenues ?

Sans plus attendre, je vous cède la parole.

M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l’armement. Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de me permettre d’intervenir devant la commission de la défense dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2013.

L’été 2012 a été consacré à préparer la transition vers la nouvelle loi de programmation militaire (LPM) tout en essayant de préserver la marge de manœuvre la plus grande possible dans un cadre budgétaire contraint. Tous nous participons, à des titres divers, à la définition des orientations stratégiques de la défense dans le cadre des travaux engagés par la Commission du Livre Blanc, qui précédera la nouvelle LPM.

En application des mesures arrêtées en 2012, le niveau d’engagement du programme 146 Équipement des forces de la mission « Défense » a été ramené à quelque 7,3 milliards d’euros en fin d’année au lieu des 10,2 milliards prévus.

Parmi les principales commandes de l’année, on peut citer le lancement du programme CONTACT qui vise à équiper les forces armées en postes de radio tactiques de nouvelle génération, s’appuyant sur une technologie innovante de radio logicielle, en remplacement des postes PR4G qui ont connu un très grand succès à l’exportation.

Nous avons également lancé l’adaptation du sous-marin nucléaire lanceur d’engin Le Triomphant au missile M51, dans la suite logique de la mise en service du Terrible avec ce même missile en 2010, et rénové trois avions ravitailleurs KC135, qui auront bientôt quelque cinquante ans. Nous avons en outre commandé cinq systèmes de drones tactiques intérimaires – SDTI – qui viennent compléter la dotation en drones Sperwer, employés aujourd’hui dans l’armée de terre.

Je tiens aussi à souligner un très faible nombre de demandes en Urgence Opérations : trois nouvelles demandes pour moins de quatre millions d’euros cette année. Cela démontre la flexibilité des matériels que nous avons mis en service, flexibilité qui leur permet de s’adapter aux conditions d’emploi sur les différents théâtres d’opérations, tout en attestant la grande rigueur observée par les armées dans le recours à cette procédure. L’approche suivie par les armées et la DGA est prudente dans la mesure où l’achat de matériels très diversifiés pourrait provoquer des difficultés pour le soutien logistique.

Parmi les livraisons importantes prévues cette année, on peut noter, pour la dissuasion, celles des missiles M51 au rythme prévu. Dans le domaine conventionnel, on notera la livraison d’un bâtiment de projection et de commandement – BPC – à la Marine nationale, d’une première FREMM, de six NH90, de quatre Tigre, de 100 VBCI – véhicules blindés de combat et d’infanterie –, de 200 PVP – petits véhicules protégés de 4 036 équipements FELIN – Fantassin à équipements et liaisons intégrés –, de onze Rafale et de deux systèmes de missiles sol-air moyenne-portée/terrestre – SAMP/T. Les livraisons se poursuivent donc au rythme prévu. La capacité de renseignement est renforcée par la rénovation d’un Transall Gabriel. Ces avions ont été très précieux dans la période de pré-engagement en Libye, car ils ont permis de recueillir un grand nombre de renseignements électromagnétiques très utiles pour la protection de nos forces. Je tiens aussi à mentionner la livraison de sept nacelles de reconnaissance Reco-NG, qui peuvent être emportées par le Rafale.

Les besoins de paiement du programme 146, hors titre 2, sont estimés pour 2012 à 11,6 milliards d’euros pour des ressources envisagées à hauteur de 9,8 milliards, en escomptant la levée des 480 millions d’euros de réserves et en incluant 936 millions de ressources extra-budgétaires issues de la vente de fréquence. Le report de charge s’élèvera donc à la fin de l’année à 1,7 milliard, soit environ deux mois de paiement, en supposant la levée de la réserve réglementaire. Chacun peut donc noter l’aggravation du report de charge de quelque 200 millions d’euros par rapport à la fin de 2011.

Le niveau d’engagement des études amont a été préservé en 2012 à hauteur de 720 millions d’euros, dont 53 millions pour le dispositif RAPID et le soutien aux pôles de compétitivité, en faveur des PME dans le cadre du soutien à l’innovation. Les besoins de paiement pour les études amont sont estimés à 756 millions d’euros, ce qui correspondrait à un solde de gestion de l’ordre de 85 millions d’euros dans l’hypothèse de la levée des 40 millions de réserves.

La situation budgétaire se tend donc un peu plus à la fin de l’année 2012. C’était prévisible.

Grâce à Chorus, qui commence à être performant, les intérêts moratoires s’élèvent à ce jour à seulement 5,6 millions d’euros.

Concernant la maîtrise des coûts et des délais dans la conduite des opérations d’armement, en 2011, la hausse moyenne des devis des opérations d’armement dans les indicateurs transmis à la Commission de la défense de l’Assemblée nationale est restée négative – moins 0,07 %. Quant à la moyenne des délais de réalisation, elle se situe à + 1,7 mois pour un plafond de 2,25 mois fixé dans le projet annuel de performance. Les objectifs ont donc été tenus.

Les effectifs de la DGA s’élèvent à 10 500 ETPE – équivalent temps plein employés. Nous aurons donc réduit en 2012 nos effectifs de 4 % par rapport à 2011, ce qui permettra d’alléger presque d’autant notre masse salariale. Ils seront moins de 10 000d’ici 2014. Les redéploiements de la DGA seront achevés à la fin de l’année, avec la fermeture administrative du Laboratoire de recherches balistiques et aérodynamiques – LRBA – de Vernon, celle de l’Établissement technique – ETAS – d’Angers et celle du Groupe d’études sous-marines de l’Atlantique – GESMA – de Brest. Ces fermetures n’entraînent aucune perte de compétence technique irrémédiable. À la fin de l’année 2013, si nous continuons sur notre lancée, la DGA aura atteint le format fixé par la RGPP. La DGA n’aura plus alors de marge d’optimisation sans abandon de capacité.

Nous nous sommes progressivement délestés de l’intégralité des activités de soutien général administratif et sommes dorénavant entièrement dépendants des organismes de soutien du ministère de la défense.

Au plan industriel en 2012, la seule opération a été la création d’une coentreprise commerciale entre Thales et Safran dans la filière optronique.

En termes de coopération, la relation franco-britannique demeure un pilier fort de notre stratégie de coopération. Nous avons engagé plusieurs programmes dont la lutte contre les mines navales et nous bouclons celui qui nous permettra d’évaluer le drone tactique Watchkeeper en 2013. Cette évaluation s’inscrit dans le cadre de la préparation du remplacement du système Sperwer vers 2017.

Nous entamons également un programme de démonstrations technologiques et opérationnelles de drones de combat qui viendront compléter, après 2030, la flotte d’avions de combat qui fera suite au programme nEUROn. Le nEUROn, premier démonstrateur de drone de combat, a été assemblé à Istres. Il est produit par la société Dassault Aviation en coopération avec des industriels européens.

Nous avons également entrepris des recherches de nouvelles coopérations avec l’Italie et l’Allemagne. Sous l’impulsion de M. le ministre de la défense, des initiatives sont prises dans le cadre du Triangle de Weimar ou de Weimar Plus.

Les perspectives à l’exportation sont maussades. Nous n’atteindrons pas le chiffre de l’an dernier non seulement parce que le marché se rétrécit mais également du fait que les Américains, qui préparent avec beaucoup d’activisme le repli de leur budget de la défense, sont présents sur tous les marchés, notamment en Asie.

Le budget pour 2013 est un budget de transition, qui s’inscrit dans l’attente des orientations du Livre blanc et de la nouvelle LPM. À l’instar de l’ensemble de la mission « Défense », le budget de l’équipement des forces est stabilisé en valeur, grâce à des recettes extrabudgétaires, de l’ordre du milliard, qui proviennent de la vente de fréquences à des opérateurs de télécommunications. Ces recettes seront toutefois épuisées à la fin de 2013 et il n’y a aucune perspective de vente de fréquences supplémentaires. Cette stabilisation marque une inflexion dans la trajectoire budgétaire des opérations d’armement, qui s’écarte désormais nettement de la référence de la précédente LPM. L’absence de recettes extrabudgétaires conjuguée à la montée en puissance de l’agrégat nucléaire, dans la perspective du renouvellement des composantes de la dissuasion à l’horizon 2030, peut conduire à des restrictions dans les programmes dits à effets majeurs, c’est-à-dire les programmes classiques.

Dans l’hypothèse actuelle, le report de charges à la fin de 2013 atteindra 1,9 milliard d’euros. Les besoins d’engagement sont de 12,3 milliards. Les capacités de paiements pour les études amont passeront en 2013, sur décision personnelle du ministre, à 750 millions d’euros, ce qui représente une hausse de 10 % par rapport à 2012.

S’agissant des commandes, nous prévoyons la réalisation du programme d’avion multirôles de ravitaillement en vol et de transport – MRTT –, la commande de 4 400 postes de radio tactiques CONTACT, le premier système de drone MALE intermédiaire et la réalisation du missile moyenne portée – MMP – de combat terrestre, qui succédera au Milan. La rénovation de l’Atlantique 2 est également prévue, ainsi que l’acquisition par un contrat de service de bâtiments de soutien et d’assistance hauturiers – BSAH – pour la marine, la préparation de l’arrêt technique majeur n° 2 à l’horizon 2015 du porte-avions Charles-De-Gaulle, comprenant le renouvellement du combustible du cœur nucléaire et la refonte du système de combat pour l’adapter aux conditions modernes et, enfin, quelque 220 armements air-sol modulaires (AASM).

Les livraisons se poursuivront sur le même rythme qu’en 2012, avec notamment onze Rafale, quatre Tigre, quatre-vingt-trois VBCI, 4 036 FELIN. L’année 2013 verra également l’arrivée du premier A400M et la livraison de douze NH90 dont 8 à l’armée de terre. Cet hélicoptère est actuellement évalué à la section technique de l’armée de terre à Valence : les opérationnels le jugent remarquable.

Certains des programmes en cours sont très lourds. Ils ont été établis sur une prévision de croissance très forte des ressources attribuées aux programmes classiques, prévision qui ne sera pas tenue. Il faudra donc recadrer les contrats en réajustant les priorités en matière d’équipement des forces.

M. Jean-Yves Le Déaut, Rapporteur. Quelle est la place des PME dans les commandes de l’État ? J’ai reçu le Comité Richelieu, qui est l’association française des PME innovantes : les entreprises de défense ont l’impression d’être les variables d’ajustement de la politique d’achats coordonnée par la DGA. Elles ont 25 % des parts de marchés pour 50 % des emplois – 100 000 emplois dans les PME et 100 000 dans les grands groupes. Nous dirigeons-nous vers un small business act à la française pour défendre les PME alors que nous ignorons toujours si une telle loi serait compatible avec le droit européen, ce qui est tout de même étonnant ? Inscrire dans la loi que l’administration et les services publics réservent une part de leurs achats aux PME ne me semblerait pas, quant à moi, incompatible avec le droit européen.

Les PME se plaignent également d’être les principales victimes des clauses de transfert de technologie, sans bénéficier en revanche des clauses de compensations.

Par ailleurs, quelles technologies de rupture notre pays doit-il développer ?

Je vous trouve en outre très optimiste sur les drones, qui ont été l’objet d’une politique erratique ces dernières années. Combien le projet Talarion a-t-il coûté avant d’avoir été abandonné ? Qu’en est-il de la coopération avec les Britanniques en la matière ? D’aucuns avancent qu’il faudrait acheter du matériel américain, ce qui ne serait pas sans poser des problèmes de codes sources, que les Américains ne livrent jamais, pas même aux Britanniques.

Je me félicite enfin de l’augmentation des crédits de paiement en matière de recherche – la présidente de la commission y a contribué –, même si je regrette l’abandon de certains programmes. L’augmentation de la partie dissuasion ne risque-t-elle pas de creuser des trous capacitaires dans d’autres secteurs importants de la défense ?

M. Nicolas Dhuicq. Si la nation veut continuer de réaliser un effort de défense crédible et substantiel, elle devra y consacrer beaucoup d’argent. Ne serait-il pas possible de mobiliser des fonds structurels européens à l’horizon de 2020, dans le cadre de project bonds ?

M. Christophe Guilloteau. Qu’en est-il du programme franco-britannique des missiles anti-navire léger (ANL) ?

M. Laurent Collet-Billon. S’agissant du nombre de salariés travaillant pour la défense, les chiffres que vous avez avancés me paraissent au-dessus de la vérité. Le nombre des emplois directs et indirects tourne autour de 165 000, mais les PME sont beaucoup plus nombreuses dans les emplois indirects que dans les emplois directs.

Elles bénéficient par ailleurs directement de 5 % à 8 % des études amont selon les années et pèsent, en contrats directs, 3 % du programme 146.

Les crédits liés à l’innovation augmentent de manière continue via le dispositif RAPID et le soutien aux pôles de compétitivité – 53 millions d’euros à l’heure actuelle. Je souhaite que la tendance se confirme. C’est le meilleur moyen de soutenir les PME. S’agissant de l’exportation, les PME doivent s’organiser pour avoir des représentations pertinentes à l’international sans attendre que les grands groupes les défendent. Elles ne sauraient compter sur la charité des grands intégrateurs. Elles commencent d’ailleurs à s’organiser. Leur présence sur place est nécessaire pour négocier des partenariats et des clauses de compensation avec les industriels locaux et pour toucher des royalties sur les définitions des équipements qui pourraient être réalisés à l’étranger.

Nous travaillons actuellement à un small business act à la française, en proposant de recourir à une instruction ministérielle. Nous finalisons le dispositif qui sera très prochainement proposé au ministre.

Les technologies de rupture à développer sont notamment liées à la robotique. Elles profiteront tout d’abord, dans l’aérien, aux drones de combat : j’ai déjà évoqué dans le cadre d’une coopération entre Dassault et des partenaires européens le démonstrateur nEUROn. Nous lançons également une coopération entre Dassault et BAe. Il ne faut pas omettre non plus des projets très poussés dans le domaine de la robotique terrestre : utilisation de robots pour l’ouverture des itinéraires ou déminage. Les activités de la DARPA – Defense Advanced Research Projects Agency –, l’agence américaine pour les projets de recherche avancée de défense, portent du reste sur la robotique terrestre, la poursuite de la robotique aérienne et la furtivité.

Il faut également suivre l’évolution des nanotechnologies, qui permettront peut-être de trouver des matériaux de substitution pour la protection du combattant ou des blindés ou le stockage de l’énergie, question de plus en plus aiguë : ainsi le système FELIN, doté de moyens optroniques et de communication individuelle, exige du fantassin qu’il embarque ses propres sources d’énergie. Nous travaillons en partenariat avec le CEA qui intervient massivement sur ces technologies.

S’agissant des drones, le ministre de la défense ne manquera pas de faire connaître ses options en matière de drones MALE. Si nous voulons doter nos forces très rapidement de moyens opérationnels, la seule source, ce sont les États-Unis, avec tous les inconvénients que vous avez mentionnés en matière de maîtrise des logiciels et de certains capteurs. C’est pourquoi nous travaillons sur la possibilité de distinguer la chaîne de pilotage de la chaîne de mission, de manière à doter ces drones de capteurs ou d’armements européens. Nous avons entamé à cette fin des discussions informelles avec l’industriel américain General Atomics, qui ne produit ni les capteurs ni les armements. Toutefois, la période électorale aux États-Unis ne favorise pas un aboutissement immédiat de cette démarche. Le Royaume-Uni et l’Italie possèdent déjà des drones de General Atomics. L’Allemagne a déposé en janvier 2012 une demande de FMS – Foreign Military Sale – pour l’acquisition de Predator. L’Allemagne et la France ont du reste engagé une réflexion, en cohérence avec nos travaux avec le Royaume-Uni, sur la possibilité d’entreprendre en commun une démarche d’européanisation des équipements et, progressivement, du drone. À plus long terme, c’est-à-dire au-delà de 2020, le calendrier dépendra de nos capacités budgétaires et des priorités que nous aurons définies.

Les crédits dépensés dans le cadre du programme Talarion se sont élevés à quelque 30 millions d’euros. L’opération a été arrêtée parce qu’elle conduisait à un objet trop volumineux qui ne correspondait pas aux besoins de l’armée française. La première partie du travail sur Talarion portait sur la création d’un porteur. Or cette opération, qui aurait été intégralement réalisée en Allemagne, nous aurait conduits jusqu’en 2017. Se posait aussi la question de la participation de notre industrie à la réalisation des capteurs. Nous n’avons donc pas poursuivi cette opération. Cela n’a d’ailleurs laissé aucune séquelle dans les relations entre l’Allemagne et la France.

S’agissant des 750 millions d’euros consacrés annuellement à la recherche, s’il convient d’en retrancher 50 millions qui sont consacrés au dispositif RAPID et au soutien aux pôles de compétitivité, il faut en revanche y adjoindre les subventions à l’ONERA, le centre français de recherche aérospatiale, et les crédits du programme 191 de recherche duale de la mission « Recherche », dont une partie – quelque 30 millions d’euros – va au CEA et le reste – 160 millions – au CNES. Vers 2015, une partie importante sera consacrée aux études amont liées à la dissuasion, ce qui aura un effet d’éviction sur le reste. D’autres actions de soutien, notamment à des bureaux d’études de Thales, dans le domaine de la détection aéroportée et de la guerre électronique aéroportée, seront également très significatives, dans la mesure où contrairement à nos attentes il n’y a que peu de perspectives de développement associé à l’exportation du Rafale et ce soutien des bureaux d’études est fondamental pour l’évolution du Rafale pour nos besoins. Nous avons il y a peu testé la qualité du premier avion doté d’une antenne active : c’est une modernisation très importante du système d’arme du Rafale. Nous ne devons pas non plus omettre les recherches sur les missiles. Enfin, l’achèvement de la phase 1 de nEUROn permettra d’effectuer un vol d’ici à la fin de 2012. Ces opérations sont, je le répète, très lourdes et donc coûteuses.

En termes de maturité technologique, 15 % des études amont correspondent au plus bas niveau – c’est peu –, environ 50 % à l’adaptation des technologies aux besoins militaires et le reste aux démonstrateurs.

Toutefois, les crédits consacrés aux études amont sont très inférieurs au montant qui y est consacré outre-atlantique. Avec la France et le Royaume-Uni, qui y consacrent en les budgets les plus importants, la recherche de défense en Europe reste néanmoins très loin derrière les États-Unis. Il faut savoir en outre que, si le budget des États-Unis baisse sur les dix années à venir, le montant consacré à la R & D, en revanche, ne baisse pas. En particulier les budgets alloués à la Defense advanced research project agency (DARPA), qui s’occupe des technologies de très bas niveau de maturité. Or ses orientations sont très claires : la furtivité, la robotique et les missiles hypersoniques. Si nous voulons rester un acteur important de la défense, nous devrons nous interroger, aux plans français et européen, sur nos orientations en la matière. Cette interrogation peut évidemment inclure l’utilisation éventuelle de fonds structurels européens à des fins de défense : cela impliquerait d’élargir à la défense le spectre d’utilisation de fonds aujourd’hui essentiellement dédiés à la sécurité. Ce serait une évolution majeure.

Enfin, s’agissant du programme ANL, nous attendons que le ministre indique de manière officielle sa position.

M. Alain Chrétien. Pouvez-vous nous présenter un rapide bilan du programme Caesar – camion équipé d’un système d’artillerie –, dont la livraison s’est étalée jusqu’en 2011 ? Qu’en est-il par ailleurs du programme Scorpion ? Les échéances seront-elles respectées et les contrats à venir honorés ?

M. Jean-Michel Villaumé. Pouvez-vous dresser un premier bilan de l’accord franco-britannique de Lancaster House signé en 2010 ?

M. Philippe Nauche. Combien Chorus a-t-il coûté à la DGA en intérêts moratoires ?

Par ailleurs, s’agissant du rapprochement raté entre Thales et Safran, ne conviendrait-il pas d’invoquer également des problèmes de dimension ? Ce rapprochement ne risquait-il pas de faire passer ces deux entreprises d’une logique industrielle à une logique financière ?

Enfin, comment la DGA perçoit-elle l’intervention de l’État actionnaire dans l’industrie de défense, notamment en vue d’éviter la concurrence à l’exportation entre des entreprises où l’État est acteur ou des délocalisations qui ne seraient pas justifiées par des contrats de vente ? L’État actionnaire doit-il se comporter comme un actionnaire ordinaire ?

M. Laurent Collet-Billon. Le canon automoteur Caesar est développé par Nexter Systems. Le programme, ouvert en 2004, s’est achevé en 2011 avec la livraison complète des soixante-dix-sept canons commandés par l’armée de terre. Huit d’entre eux ont été déployés en Afghanistan et d’autres au Liban. Le retour opérationnel est excellent. Ce canon a connu un succès certain à l’exportation. D’autres prospects sont envisagés pour des quantités importantes. Nous invitons Nexter Systems à déployer tous ses efforts en cette direction.

L’accord franco-britannique de Lancaster House a permis de lancer différents programmes : systèmes antimines, évaluation du Watchkeeper, première phase des études relatives aux drones de combat, réflexion sur la création potentielle de centres de compétences uniques pour la société MBDA, études amont communes pour plus de 50 millions d’euros par an par pays –, défrichement de nouveaux champs éventuels de coopération,…. Nous avons également passé en revue tous les programmes de missiles futurs, dont l’ANL ou des missiles air-sol en vue de remplacer par un missile entièrement européen les Hellfire, dont sont actuellement dotés nos hélicoptères Tigre et qui pourraient également doter nos futurs drones.

L’évolution des rapports franco-britanniques est réaliste et pragmatique. On ne sent aucun coup de froid. Les Britanniques sont dans une phase attentiste au regard de nos choix budgétaires.

Le programme Scorpion, qui a été reporté à 2014, comprend différentes facettes, dont la numérisation du champ de bataille, indispensable à la structuration de l’armée de terre, qui suppose le développement autour du poste de radio CONTACT de systèmes d’information communs à l’ensemble des armes de l’armée de terre en vue de communiquer aisément avec les sites de l’état-major des armées. Ce programme comporte également un volet véhicules, avec au premier chef la création d’une vétronique et d’un ensemble d’organes mécaniques communs pour les véhicules : le véhicule blindé multi-rôles (VBMR), qui doit rapidement remplacer le véhicule de l’avant blindé (VAB), à bout de souffle – le VBMR offre de plus l’avantage de présenter une protection balistique supérieure à celle du VAB –, et l’engin blindé de reconnaissance et de combat (EBRC), qui sera réalisé sur une base commune avec le VBMR – il sera le principal engin de combat aux alentours de 2020. Le programme Scorpion est donc structurant pour l’armée de terre, en termes d’organisation des forces déployées et de logistique. Le programme Scorpion est nécessaire au passage de l’armée de terre à l’ère moderne, lui permettant de rester une armée de premier plan s’imposant comme leader auprès de ses alliés.

Le rapprochement entre Safran et Thales reposait sur la volonté de ne financer qu’une seule source de technologie en matière d’optronique, les deux sociétés présentant des gammes complémentaires tout en étant parfois en concurrence frontale. La situation s’est crispée autour des savoir-faire de certains établissements des deux sociétés.

Je ne crois pas que ce rapprochement aurait livré la direction du nouveau groupe à des financiers, compte tenu de la persistance d’une très forte mentalité « ingénieur » dans les deux sociétés : les ingénieurs continuent d’avoir la primauté à Safran comme à Thales.

De plus, en cas de rapprochement entre EADS et BAe, il conviendrait également de s’interroger sur l’avenir des différents champions de notre industrie de défense : Thales, Nexter, DCNS, Safran. Les partenariats possibles en Europe sont peu nombreux.

DCNS est le seul fabricant de navires de combat européen qui produise l’intégralité des gammes, navires de surface et sous-marins. La construction des sous-marins nucléaires à Cherbourg a permis de développer une gamme export qui se porte relativement bien. Quant aux FREMM, qui sont d’excellentes frégates, elles ne présentent, à l’exportation, qu’un seul inconvénient, que nous n’avions pas anticipé : c’est leur technicité, qui nécessite des équipages de très haut niveau, qui ne sont pas d’emblée accessibles à toutes les marines du monde. Nous avons volontairement réduit le nombre de membres d’équipage à quatre-vingt-dix.

À mes yeux, l’État, actionnaire ou non, doit avoir la capacité d’intervenir au sein des sociétés de défense sur les orientations et les ventes d’avoirs stratégiques. Cette capacité entre dans le cadre des actions spécifiques, dont certaines ont été mises en place lors des privatisations de sociétés de défense – c’est le cas de Thales. La France possède également une action spécifique au sein d’EADS. C’est l’outil absolu, alors que l’État actionnaire est trop souvent un État qui met trop de temps à prendre ses décisions.

Malheureusement, la France ne possède pas de dispositif législatif ou réglementaire d’intervention aussi efficace que les États-Unis. Si l’État peut interdire la vente de sociétés à des investissements étrangers, le dispositif est insuffisant du fait que l’alerte n’est pas toujours donnée à temps, ce qui amoindrit notre capacité de réaction. Les Américains, eux, ont mis en place un comité, le CFIUS – Committee on Foreign Investment in the US –, qui examine tous les investissements étrangers sur les sociétés américaines. En fonction des secteurs jugés stratégiques, il existe plusieurs régimes de protection : le proxy agreement ne permet à l’investisseur que d’être associé à la rentabilité financière, sans avoir aucune part au développement technique ou technologique de la société ; le special security agreement autorise l’investisseur étranger à avoir des administrateurs dans la société sans leur permettre de rapatrier les techniques développées. Il nous faudrait débattre à l’échelon européen de l’introduction d’un tel dispositif, qui nous fait défaut, l’Europe étant aujourd’hui sous le régime de la porte ouverte. Il faut savoir que les conditions posées par le CFIUS sont sans appel.

La dégradation constatée des intérêts moratoires imputables à Chorus l’année de la mise en place du logiciel peut être évaluée à quelque 15 millions d’euros sur les 24 millions versés. L’outil présente des qualités certaines, mais il est loin d’être universel. Ses flexibilités de gestion nous ont permis d’afficher à la fin de l’année 2011 un non-emploi des crédits de paiement de seulement quelques euros, ce qui n’est rien au regard des milliards dépensés. Il nous permet également de reprendre la gestion aux premiers jours de janvier alors qu’il fallait attendre auparavant la fin du mois d’avril. Nous pouvons donc rattraper des retards de paiement à des PME dès le début de l’année.

M. Damien Meslot. Le 1er régiment d’artillerie attend la livraison de treize lance-roquettes unitaires – LRU – en 2013 et de treize autres un peu plus tard. Pouvez-vous nous le confirmer ?

M. Yves Fromion. Vous avez évoqué l’incertitude sur le programme ANL, ce qui ne sera pas sans conséquences pour MBDA et, plus généralement, pour le traité franco-britannique. De plus, la rénovation à mi-vie du scalp E/G Storm Sahdow était liée à cette opération et c’est Sagem qui avait été choisi pour l’autodirecteur infrarouge : la décision ne sera donc pas sans incidence sur l’optronique. A-t-elle été suffisamment mûrie ?

Pouvez-vous, par ailleurs, sur le plan militaire, nous donner votre sentiment sur le rapprochement entre BAe et EADS ?

M. Daniel Boisserie. Des inspecteurs généraux élaborent, au sein de la DGA, des rapports : sont-ils confidentiels ou la représentation nationale peut-elle y avoir accès ?

M. Laurent Collet-Billon. Monsieur Meslot, nous avons commandé en septembre 2011 treize lanceurs et 516 roquettes par l’intermédiaire du Bundesamt für Wehrtechnik und Beschaffung. Le premier lanceur sera livré au début de l’année 2014. Une série de treize autres est prévue : la décision de confirmer leur livraison appartient au ministre. Aujourd’hui, 55 % des engagements sont effectués et 25 % des crédits de paiement ont été dépensés. Le programme se déroule donc de la manière prévue.

Il est vrai que le programme ANL est important dans le cadre de la relation franco-britannique. Ainsi que l’est également la rénovation à mi-vie du scalp E/G Storm Shadow. Nos amis britanniques comprennent que nous prenions le temps de la réflexion. Ils ont également leurs propres contraintes. Français et Britanniques souhaitent rester arrimés les uns aux autres.

M. Yves Fromion. Il ne s’agirait donc pas d’un report sine die mais d’une reconfiguration de l’accord…

M. Laurent Collet-Billon. La décision appartient au ministre français de la défense. Il est important à nos yeux de disposer le plus rapidement possible d’une famille de missiles franco-britanniques.

Nos intérêts de défense au sein d’EADS, dans le cas d’un rapprochement avec BAe, ont été intégralement pris en compte par la direction du groupe, avec laquelle les discussions ont été positives. Nous pouvons regarder d’un œil serein l’évolution de la société en matière de préservation de nos avoirs stratégiques, au premier rang desquels se trouvent les missiles balistiques.

Il existe plusieurs types d’inspecteurs généraux. Les inspecteurs généraux des armées, au nombre de six – terre, air, mer, gendarmerie, armement et service de santé des armées –, sont directement rattachés au ministre, qui ne nous diffuse leurs rapports que s’il le juge nécessaire. Il existe par ailleurs au sein de la DGA une inspection de l’armement, composée de cinq inspecteurs, qui couvre des secteurs techniques – terre, naval, aéronautique, poudre et explosifs – et surveille la sûreté nucléaire. Il faut savoir que, dans leur phase de construction, la DGA est l’exploitant des sous-marins nucléaires qui ne sont pas encore livrés à la marine nationale. À côté des inspections à caractère technique ou des audits organisationnels, existent des missions d’audit de régularité. Autant les rapports d’inspections techniques et des audits organisationnels peuvent être communiqués à la représentation nationale, autant les audits de régularité relèvent avant tout du commandement et donc de mesures internes à la DGA.

M. Jean-Jacques Candelier. Onze Rafale seront livrés en 2013. Leur exportation étant au ralenti, le pays est-il contraint vis-à-vis de Dassault de respecter un quota annuel ?

Le projet de loi de finances permettra-t-il de couvrir nos besoins en matière de munitions. Serons-nous obligés d’en commander à l’étranger, alors que des emplois sont en jeu ?

M. Gilbert Le Bris. Les programmes mort-nés coûtent très cher, surtout dans une période budgétaire contrainte : le programme deuxième porte-avion (PA2) a coûté entre 200 et 250 millions d’euros, Talarion 30 millions, l’ANL 40 millions.

La masse salariale de la DGA a diminué en 2012 de 4 %. La direction « stratégie » et la direction « développement international » fonctionnent-elles de manière satisfaisante ?

M. Philippe Folliot. Nos forces ont aujourd’hui à faire face à des problèmes d’aéromobilité. Où en est l’A400M ? Sa livraison pourra-t-elle être accélérée, ne serait-ce que pour éviter de devoir prolonger la vie de nos vieux Transall ?

M. Laurent Collet-Billon. Le contrat stipule la livraison annuelle de onze Rafale. C’est la cadence minimale fixée au regard de la continuité industrielle et de la capacité des fournisseurs de Dassault à produire les équipements nécessaires. Si elle se produit, l’exportation du Rafale permettra d’alléger la charge à partir de 2017.

Les munitions sont correctement dotées. Nous continuerons d’acheter des munitions de 5,56 à l’étranger, comme nous l’avons fait aux États-Unis – plus de 100 millions à la société ATK via une procédure FMS.

Monsieur Le Bris, je vous répondrai par écrit sur le fonctionnement des directions « stratégie » et « développement international » de la DGA.

Monsieur Folliot, je suis partisan d’augmenter la série d’A400M si on m’en donne les moyens budgétaires, ce qui n’est pas le cas. Il conviendra de faire un arbitrage entre les capacités de transport logistique et d’intervention sur le terrain. Il est important de livrer le premier appareil en 2013 à l’armée de l’air française pour qu’elle puisse commencer à former des équipages et à planifier des pré-capacités opérationnelles. Le premier A400M devrait être opérationnel en juin 2013.

Mme la présidente Patricia Adam. Je vous remercie, monsieur le délégué général.

II. EXAMEN DES CRÉDITS

La Commission examine pour avis, sur le rapport de M. Jean-Jacques Bridey, les crédits relatifs à « Équipement des forces – Dissuasion » de la mission « Défense », pour 2013, au cours de sa réunion du mercredi 31 octobre 2012.

Un débat suit l’exposé du Rapporteur pour avis.

M. Serge Grouard. Je souhaiterais obtenir quelques précisions : est-il exact que le programme 146 compte environ 10 milliards en autorisations d’engagement (AE) et 11 milliards d’euros en crédits de paiement (CP). Par ailleurs, si le total des crédits d’équipement s’élève à 16 milliards en crédits de paiement, disposez-vous du montant afférent pour les autorisations d’engagement ?

Enfin, confirmez-vous la baisse de 4,5 milliards d’euros sur les crédits de paiement ? S’il est bon de maintenir les crédits de paiement pour l’année prochaine, on crée en revanche un décalage sensible dans les équipements, et je ne vois pas dès lors comment il sera possible de compenser ces 4,5 milliards, alors qu’il est impérieux de maintenir les capacités de nos forces.

M. Jean-Jacques Bridey, Rapporteur pour avis. Pour le programme 146, vos chiffres sont exacts. Le montant des 16 milliards d’euros que vous évoquez porte sur un périmètre plus large que le programme 146 qui nous intéresse présentement. Les 4,5 milliards de décalage couvrent la programmation mais il s’agit essentiellement pour 2012 et 2013 de décalages et non de suppressions de crédits.

M. Serge Grouard. C’est la « bosse » !

M. le Rapporteur pour avis. Je souhaite que ce recalage ne dépasse 2014, sinon, on risque de mettre en difficulté nos armées. Il convient en tout état de cause d’attendre les nouvelles orientations du Livre Blanc.

M. Nicolas Dhuicq. C’est une mauvaise habitude de croire qu’on peut différer éternellement les équipements indispensables. La « bosse » doit être désormais résorbée. Comment l’armée de terre va-t-elle pouvoir remplir ses missions avec des VAB de plus de 40 ans ? Envisage-t-on d’augmenter le budget, ou doit-on se résoudre à une perte de capacité ?

Il existe des interrogations sur le budget consacré aux puces électroniques que l’on doit franciser. On sait que la France ne fabrique pas de telles puces électroniques et chacun sait qu’on peut y installer à l’intérieur à peu près n’importe quoi.

M. le Rapporteur pour avis. Il faut attendre l’élaboration du prochain Livre blanc pour savoir comment la bosse sera résorbée. Le programme Scorpion devra bien sûr être réalisé pour moderniser les capacités de l’armée de terre, mais le nombre d’unités concernées dépendra du nouveau format de l’armée de terre défini par le Livre Blanc. Ce qui compte, c’est qu’aucun équipement ne soit aujourd’hui abandonné. Par ailleurs, la problématique des puces électroniques est abordée dans le rapport, et j’insiste sur le fait qu’il nous faut absolument conserver cette capacité. Nous disposons d’une entreprise près de Grenoble qui en fabrique.

Mme la Présidente. Il s’agit de STMicroelectronic. Elle est la seule entreprise à fabriquer des puces sur le territoire national et nous devons l’aider à y rester.

M. Francis Hillmeyer. Je souhaiterais avoir votre avis sur une éventuelle suppression de la composante aéroportée de notre dissuasion nucléaire, un temps évoquée.

M. le Rapporteur pour avis. Je souhaite que nos forces de dissuasion continuent de reposer sur deux composantes pour une question de crédibilité. Le Président de la République a été très clair sur ce point.

M. Charles de La Verpillière. Serge Grouard a très bien mis en évidence les retards accumulés en matière de commandes d’équipements. Le Rapporteur nous dit qu’il s’agit d’un budget d’attente et qu’il faut attendre le prochain Livre blanc, mais c’est tout l’inverse ! En laissant se creuser la « bosse », nous sommes en fait déjà en train d’écrire le Livre Blanc. Sachant qu’on ne pourra pas réellement la résorber, le risque est de fixer dans le Livre blanc le niveau d’équipement requis au niveau de ce rythme insuffisant d’engagements.

M. le Rapporteur pour avis. La loi de programmation militaire 2009-2014 était très ambitieuse, voire irréaliste au regard de capacités budgétaires déjà limitées. En effet, l’écart s’est creusé de plus d’un milliard par an dès 2011. Aujourd’hui, nous devons assumer aujourd’hui cette ambition initiale. Je souhaite donc que le Livre blanc revienne à plus de réalisme, sans remettre en cause les missions et les capacités de nos armées.

Mme la Présidente. Nous faisons aujourd’hui le bilan de la LPM actuelle. Celle-ci prévoyait pour les trois dernières années de la programmation une hausse des crédits de 1 % qui n’a pas été réalisée. Les crédits de paiement ne correspondent pas aux autorisations d’engagement. Je pense comme membre de la commission du Livre blanc, qu’il faut une LPM plus conforme à ce qu’il est possible de réaliser, par application d’un juste principe de réalité.

M. Charles de La Verpillière. Ce n’est nullement contradictoire avec ce que j’ai dit !

M. Serge Grouard. Je ne suis pas d’accord avec l’analyse de la Présidente et du Rapporteur. La dernière LPM a été réalisée à hauteur de 98 %, ce qui est certainement le meilleur taux d’application depuis très longtemps. Par ailleurs, nos armées ont consenti, par rapport aux autres administrations, un effort plus important de réduction des dépenses et ont réalisé chaque année de lourds efforts d’adaptation. Peut-on continuer à diminuer le format de nos armées dans le monde que nous connaissons tout en maintenant le rang de la France ? Je dis clairement que non ! Si on poursuit la réorganisation des armées, nous allons aboutir à une armée de 2division, à un abaissement du rang de la France et à une rupture capacitaire et technologique. Malgré la qualité de ce rapport parlementaire, ce budget n’est malheureusement pas acceptable en l’état.

M. le Rapporteur pour avis. Ne pas voter ce budget, c’est renier la LPM. Le budget 2013 n’est est en ligne avec celle-ci. On note certes certains recalages, mais ils ont commencé dès 2011 et ne sont donc pas du seul fait de l’actuel Gouvernement. Je souligne que les crédits d’équipement des forces ont été ponctionnés pour alimenter d’autres programmes et qu’il a fallu faire face à certains aléas non anticipés en programmation. Je suis donc en désaccord avec vous et j’estime qu’il faudra une LPM en cohérence avec les possibilités budgétaires.

M. Philippe Meunier. Personne ne peut vous en vouloir d’essayer d’avoir un discours de vérité, mais on comprend cependant à votre propos que le budget d’équipement va désormais devenir une variable d’ajustement et que le ministère de la défense ne constitue pas un budget prioritaire.

M. le Rapporteur pour avis. 10 milliards de crédits de paiement, ce n’est pas rien !

M. Christophe Guilloteau. Je note que c’est la première fois que nous avons un vrai débat sur le fond. Le Rapporteur a insisté sur la composante nucléaire bicéphale : je veux espérer que toutes les composantes de la majorité actuelle partagent bien ce point de vue.

Sur le fond, si le Livre Blanc va montrer un chemin, les militaires attendent en définitive beaucoup plus de la LPM. C’est en effet elle qui déterminera l’armée de demain. Or, je suis très gêné par ce qu’on pourrait qualifier de « grande bosse » et en conséquence, je voterai contre ce budget à titre personnel.

M. Philippe Nauche. Je suis un peu étonné du ton de ces interventions qui relèvent d’un positionnement très tactique, en décalage très net avec les habitudes de notre Commission.

Entre les intentions d’un Livre Blanc, et l’exécution de la LPM, il y a souvent un décalage. Je ne rappellerai pas le « feuilleton » que nous avons vécu en matière de recettes exceptionnelles, mais je tiens à souligner que le problème de la « bosse » s’est constitué très vite. Je n’accepte pas qu’on puisse dire que le budget de la défense serait une variable d’ajustement. Il contribue comme les autres à l’effort général de la diminution des dépenses publiques, alors qu’on lui en demandait parfois plus par le passé. Nous sommes clairement dans la phase d’un budget d’attente ; le vrai moment de vérité sera la LPM et nous aurons alors besoin d’être tous unis. Je note au passage que le domaine de la défense est une des rares politiques industrielles qui n’a pas été mise à mal par le libéralisme de ces dernières années.

M. le Rapporteur pour avis. Il nous faut aujourd’hui envoyer un signal fort. Les crédits de paiement sont au niveau de l’année dernière. Sur les 4,5 milliards de décalage en autorisations d’engagement, 3,6 milliards l’étaient dès cette année. Or, malgré ce chiffre qui nous a été donné par la DGA et qui figure à la page 12 de mon rapport, vous avez voté le budget 2012 ! Nous nous réjouissons tous du lancement du programme des ravitailleurs que vous aviez pourtant décalé pendant quatre ans. Ce n’est pas de la polémique, c’est un pur constat. J’en appelle donc à un vote le plus unanime possible.

Mme la Présidente. Chacun pourra bien sûr développer ses arguments en séance publique.

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Conformément aux conclusions du Rapporteur pour avis, la Commission donne un avis favorable à l’adoption des crédits relatifs à « Équipement des forces - Dissuasion » de la mission « Défense ».

ANNEXES

– Le 3 octobre 2012 : M. Daniel Verwaerde, directeur des applications militaires du commissariat à l’énergie atomique et M. Jean-Pierre Vigouroux, chef de la cellule affaires publiques ;

– Le 4 octobre 2012 : amiral Bernard Rogel, chef d’état-major de la marine ;

– Le 5 octobre 2012 : général d’armée Bertrand Ract Madoux, chef d’état-major de l’armée de terre ;

– Le 9 octobre 2012 : général d’armée aérienne Denis Mercier, chef d’état-major de l’armée de l’air ;

– Le 11 octobre 2012 : M. l’ingénieur général de l’armement Laurent Collet-Billon, délégué général pour l’armement.

Le Rapporteur a également reçu des contributions écrites de la Direction de la protection et de la sécurité de la défense (DPSD), et des groupes DCNS, EADS, MBDA, Safran et Thales.

UNE STRATÉGIE INDUSTRIELLE TOURNÉE VERS L’EUROPE

Les trois cercles de la politique industrielle

Aucun pays européen ne peut plus se permettre l’actuelle dispersion des efforts, compte tenu du niveau actuel des ressources financières et du coût croissant des systèmes d’armes. Aucune nation en Europe – pas même la France, ni le Royaume-Uni – n’a plus la capacité d’assumer seule le poids d’une industrie de défense répondant à l’ensemble des besoins de ses forces.

Dès lors, la stratégie d’acquisition d’armement de la France se définira selon trois niveaux.

La France conservera la maîtrise nationale des technologies et des capacités de concevoir, fabriquer et soutenir les équipements nécessaires aux domaines de souveraineté pour lesquels elle estime ne pas pouvoir envisager un partage ou une mutualisation compte tenu de ses choix politiques.

Pour la majorité des acquisitions de défense et de sécurité, sa stratégie ira dans le sens d’une interdépendance européenne. Il s’agit de construire une interdépendance librement consentie entre États et non, comme cela est trop souvent perçu, de subir des dépendances. L’interdépendance européenne doit donc se concevoir sur une base de réciprocité, de sécurité des approvisionnements et sur un équilibre global. Elle doit aussi bénéficier de procédures d’acquisition performantes.

Pour tous les cas où la sécurité d’approvisionnement n’est pas directement en jeu, soit parce qu’elle peut être assurée grâce à la pluralité des sources, soit parce qu’il est possible de constituer des stocks stratégiques pour faire face à une rupture d’approvisionnement, la France recourra au marché mondial. L’acquisition sur" le marché sera considérée par l’acheteur public comme une solution à part entière de la stratégie d’acquisition, et non comme un pis-aller venant après l’épuisement de toutes les autres options. Le recours au marché mondial impose de conserver des compétences nationales importantes, afin de définir, commander, expertiser et qualifier les équipements ainsi acquis,

Une volonté politique forte, partagée avec nos partenaires de l’Union européenne, est indispensable pour le développement d’une stratégie européenne.

Le développement de champions européens de niveau mondial

Afin de promouvoir une industrie compétitive en Fiance et en Europe, la France favorisera le développement de groupes industriels européens de niveau mondial. Les entreprises ont un rôle essentiel à jouer dans cette perspective. Mais, la commande publique étant particulièrement structurante pour l’offre industrielle, il revient aux États de créer un cadre favorable à l’émergence de tels champions. Les États doivent, en premier lieu, créer un marché domestique européen en recourant à ces groupes chaque fois qu’il s’agit d’équiper leurs armées. Ils doivent ensuite faire converger des besoins opérationnels communs susceptibles de déboucher sur des programmes en coopération, pour réduire les coûts de développement et produire des séries longues.

L’harmonisation des besoins militaires des pays européens conditionnera la rationalisation de l’industrie européenne. Afin de progresser de manière pragmatique, la Fiance nouera des partenariats bi- ou trilatéraux structurants. Par ces partenariats concrets, l’ambition européenne en matière d’armement pourra prendre forme. L’Agence européenne de défense (AED) poursuivra le processus de génération de programmes qu’elle a engagé et qui intègre l’expression des besoins militaires coordonnée avec le comité militaire et l’état-major de l’Union européenne. Il est primordial que l’Agence se voie dès que possible confier la préparation de programmes répondant à ces besoins.

L’émergence de groupes industriels européens de niveau mondial dépend également de l’évolution des réglementations nationales et européennes : une entreprise de défense établie dans plusieurs États membres doit pouvoir fonctionner comme une entreprise implantée sur Je territoire d’un seul État, Or, la réglementation impose aujourd’hui qu’une entreprise de défense européenne obtienne une autorisation d’exportation pour transférer un équipement de défense d’un Étal membre à un autre, ce qui Freine considérablement l’intégration des entreprises.

L’amélioration des conditions de circulation des produits de défense entre pays européens concernés est donc indispensable, La France est favorable à l’institution de mécanismes de licences générales ou globales pour les industriels européens. Elle souhaite la mise en place, à terme, d’un espace européen de libre-échange des équipements de défense entre les pays disposant de procédures de contrôle comparables et proposera cet objectif à tous ses parie naines.

Les priorités technologiques et industrielles découlant des objectifs stratégiques
de la sécurité nationale à l’horizon 2025

Secteur nucléaire

La capacité à concevoir des armes nucléaires, à les développer, à les fabriquer et à en garantir la sûreté, demeurera un domaine de souveraineté, Cette priorité doit conduire à doter les laboratoires, les centres scientifiques et les centres de fabrication des ressources humaines, techniques et industrielles indispensables à la stratégie de dissuasion nucléaire.

Secteur spatial

La France est le seul pays européen à développer des missiles balistiques. La concomitance de la fin des développements du missile M5 3 et du lanceur Ariane V pose un problème de maintien des compétences de cette filière stratégique pour notre dissuasion et pour l’accès européen à l’espace. La France maintiendra les compétences nationales très spécifiques développées dans le secteur des missiles balistiques. En particulier, les compétences technologiques et industrielles en matière de guidage inertiel haute performance et de propulsion solide seront pérennisées.

Pour les autres activités du domaine spatial, en particulier les satellites, les efforts sont aujourd’hui trop dispersés en Europe. La France agira en faveur de la rationalisation de l’industrie européenne en matière de satellites dans les domaines du renseignement d’origine spatiale, de la navigation et des télécommunications.

Secteur naval

Les capacités sous-marines sont stratégiques aussi bien pour la dissuasion et le renseignement que pour l’intervention. Elles permettent l’exécution de frappes de précision à distance de sécurité. Elles peuvent faciliter les opérations spéciales.

La maîtrise de fa conception et de la réalisation des sous-marins à propulsion nucléaire devra donc être conservée et même développée au niveau national. Celle des autres composantes, qu’il s’agisse de sous-marins à propulsion classique ou de bâtiments de surface, devra faire l’objet d’une approche européenne.

Secteur aéronautique

La crédibilité de la composante nucléaire aéroportée implique de conserver sur le plan national, la capacité de conduite technique d’un programme d’avion de combat et de définition et d’adaptation du système à la mission nucléaire.

Cependant, face à l’étalement et à la raréfaction des programmes d’avion de combat, l’ensemble des acteurs européens du secteur est confronté, à plus ou moins long terme, à un problème de maintien des compétences.

Le gouvernement britannique a officiellement indiqué, dans sa Defence Industrial Strategy, qu’il ne prévoyait pas d’entretenir en propre l’ensemble des compétences pour le développement et la fabrication de la prochaine génération d’avion de combat. Le Royaume-Uni, avec d’autres pays européens, est engagé dans le programme américain d’avion de combat Joint Strike Fighter.

La France, pour sa part, soutiendra l’émergence d’un avionneur européen complet, capable de concevoir les futures plates-formes de combat, pilotées ou non.

Elle contribuera activement à la mise en œuvre rapide, aux niveaux national et européen, d’une stratégie de conception ou d’acquisition d’engins pilotés à distance, qu’il s’agisse de drones de surveillance ou de drones armés.

Secteur terrestre

La France favorisera l’émergence d’un pôle industriel terrestre européen disposant d’une filière de production de munitions.

Secteur des missiles

Les missiles en général, et les missiles de croisière en particulier, constituent l’une des composantes essentielles de nos capacités d’intervention. La France contribuera à la pérennisation des capacités européennes dans ce secteur, autour de la coopération franco-britannique, étant entendu que devront être maintenues sur le plan national certaines compétences stratégiques, en particulier la maîtrise des vecteurs de la composante nucléaire aéroportée.

Secteur de la sécurité des systèmes d’information

Le développement des menaces sur les systèmes d’information et les réseaux implique de disposer de capacités industrielles nationales solides permettant de développer une offre de produits de sécurité et de cryptologie totalement maîtrisés au niveau national. Ces capacités sont aujourd’hui insuffisantes et dispersées.

La France établira une stratégie industrielle, permettant le renforcement de capacités nationales de conception et de réalisation dans le domaine de la sécurité des systèmes d’information,

Secteur des composants électroniques de défense Le tissu industriel national et européen dans le domaine des composants électroniques de défense est éclaté. Afin d’établir un nouveau rapport de forces avec les pays imposant leur réglementation dans ce domaine, au premier rang desquels les États-Unis avec les régies ITAR, la France soutiendra une approche européenne permettant de faire émerger un tissu industriel européen. L’enjeu est d’éviter les dépendances critiques qui se développent et limitent de fart de plus en plus notre autonomie en matière d’exportation.

Une stratégie industrielle étendue à tous les secteurs de la sécurité

Il existe, entre tous les acteurs de la sécurité nationale, des problématiques technologiques partagées, pour lesquelles seule une approche d’ensemble est de nature à dégager des synergies. Des approches séparées pourraient créer des duplications et nuire à l’interopérabilité des équipements.

C’est le cas des systèmes de communication et de gestion de crise, de la sauvegarde maritime, de la surveillance des frontières, de l’identification biométrique des personnes, de la détection NRBC, de la sécurité des systèmes d’information, des drones et, plus généralement; des systèmes de renseignement.

Si des progrès ont été réalisés ces dernières années, il est nécessaire d’aller plus loin, en associant plus étroitement les acteurs du dispositif de sécurité publique et de sécurité civile {police, gendarmerie; sécurité civile, douanes,.,) et les services du ministère de la Défense,

La veille technologique doit être mise en commun, ainsi que la détection et le suivi concerté des entreprises les plus importantes. De même seront recherchées une expression aussi harmonisée que possible des besoins en matière de sécurité, ainsi qu’une mutualisation des développements et des acquisitions d’équipements.

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