N° 1429 tome X - Avis sur le projet de loi de finances pour 2014 (n°1395)


I. LES CRÉDITS DE LA MISSION « SPORT, JEUNESSE ET VIE ASSOCIATIVE » : UNE PROGRESSION GLOBALE, MAIS DES ÉVOLUTIONS CONTRASTÉES 9

A. UNE PROGRESSION DES CRÉDITS IMPUTABLE À UN ÉLARGISSEMENT DU PÉRIMÈTRE DE LA MISSION « SPORT, JEUNESSE ET VIE ASSOCIATIVE » 9

1. Une progression des moyens de la mission due à un changement de périmètre 9

2. Une maquette budgétaire qui nuit à la lisibilité des moyens du ministère des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative 10

B. PRÉSENTATION SYNTHÉTIQUE DES CRÉDITS DE LA MISSION 11

1. La poursuite de l’érosion des moyens consacrés au sport 11

a. Le ministère chargé des sports, un financeur marginal de la dépense sportive 12

b. La fragilité du soutien au sport pour tous 13

c. L’érosion du soutien aux fédérations sportives 14

d. La progression des dépenses en faveur du sport de haut niveau 15

e. La diminution des crédits consacrés à la prévention par le sport et la protection des sportifs 16

f. La baisse des crédits dédiés à la promotion des métiers du sport 19

2. La légère réduction des moyens du programme « Jeunesse et vie associative », caractérisé par le poids du service civique 19

a. La légère diminution des moyens consacrés au développement de la vie associative et aux actions en faveur de la jeunesse et de l’éducation populaire 20

b. Des instruments au service de la politique de la jeunesse et de la vie associative largement dominés par le poids du service civique 20

3. La création d’un nouveau programme déclinant les investissements d’avenir en faveur de la jeunesse 21

II. REDONNER AU MINISTÈRE LES MOYENS D’ASSURER SES MISSIONS PREMIÈRES 22

A. UNE RÉORGANISATION INSTITUTIONNELLE QUI POSE LA QUESTION DE LA MAÎTRISE DE SES PERSONNELS PAR LE MINISTÈRE 22

1. Les effets dévastateurs de la révision générale des politiques publiques et de la réforme de l’administration territoriale de l’État 22

a. Une administration centrale et déconcentrée exsangue 22

b. Des acteurs de terrain désemparés 26

2. Le choix d’une réorganisation qui entérine la perte de maîtrise de ses personnels par le ministère 26

B. UNE POLITIQUE DU SPORT QUI DOIT SE RECENTRER SUR SON CœUR DE MISSION 28

1. Pour compenser la faiblesse des moyens de l’État en faveur du sport, un ciblage de ses interventions qui l’éloigne de sa mission première et menace sa légitimité à intervenir 28

a. Les limites de la politique de ciblage des publics prioritaires 28

b. Des inquiétudes concernant le soutien du Centre national pour le développement du sport (CNDS) 29

2. Le modèle sportif français, un atout à préserver 32

a. La force du modèle français : un partenariat constructif entre l’État et le mouvement sportif 32

b. La nécessité de résister aux tentatives de mise en cause de ce modèle 33

c. Des priorités gouvernementales qui vont dans le bon sens, mais qui doivent être financées à la hauteur des besoins 34

3. Le nécessaire soutien à des structures de formation fragilisées 35

a. Conforter le soutien de l’État à l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance (INSEP) 35

b. L’avenir des centres de ressources, d’expertise et de performance sportives (CREPS) et des écoles nationales en question 36

C. UNE POLITIQUE DE LA JEUNESSE, DE L’ÉDUCATION POPULAIRE ET DE LA VIE ASSOCIATIVE CARACTÉRISÉE PAR LE POIDS DU SERVICE CIVIQUE 38

1. Le service civique, un dispositif qui mobilise l’essentiel des moyens de la politique de la jeunesse 38

a. L’indéniable succès du service civique 38

b. Une montée en charge qui paraît difficilement soutenable sur le moyen terme 40

2. Une politique de la jeunesse érigée en priorité mais peu lisible en raison d’objectifs et de dispositifs multiples 41

a. La jeunesse, priorité gouvernementale qui conduit à une lourde réorganisation administrative 41

b. Un nouveau programme « Projets innovants en faveur de la jeunesse » qui suscite des interrogations 43

c. Quel avenir pour les autres instruments de la politique de la jeunesse ? 45

3. Réorienter le soutien au tissu associatif et de l’éducation populaire 47

a. Les limites de la politique de ciblage et d’appel à projets 47

b. L’enjeu de l’emploi associatif qualifié 48

TRAVAUX DE LA COMMISSION 51

AUDITION DE LA MINISTRE 51

EXAMEN DES CRÉDITS 51

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 71

INTRODUCTION

Le projet de loi de finances pour 2014 se caractérise, à première vue, par une nette progression des moyens de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ». Toutefois, un examen plus attentif permet de constater le fléchissement des crédits consacrés aux programmes n° 219 « Sport » et n° 163 « Jeunesse et vie associative », l’augmentation des moyens de la mission étant imputable à l’apparition d’un nouveau programme n° 411 « Projets innovants en faveur de la jeunesse » destiné à réaliser, dans le champ d’action de la mission, le programme d’investissements d’avenir.

La mission « Sport, jeunesse et vie associative » doit ainsi contribuer à la politique d’économies engagée par le Gouvernement. Sous la précédente législature, le ministère chargé des sports, de la jeunesse et de la vie associative a été durement touché par la révision générale des politiques publiques et la réforme de l’administration territoriale de l’État. La priorité affichée en faveur de la jeunesse par le présent Gouvernement, les ambitions de la ministre pour rétablir le rôle de l’État dans le domaine sportif et le choix de restaurer le champ originel du périmètre de compétences de son ministère, en y incluant l’éducation populaire, ont suscité l’espoir. L’analyse du projet de budget qui nous est soumis laisse à craindre que cet espoir ne soit déçu.

La rapporteure pour avis a souhaité entendre de nombreux acteurs et actrices concernés ou impliqués dans les politiques relevant du ministère des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative. Ses auditions lui ont permis de prendre connaissance des positions respectives des opérateurs du ministère, de responsables associatifs et de représentants du mouvement sportif.

Elle tire de ces entretiens le sentiment qu’aujourd’hui, le ministère n’apparaît plus en capacité d’assumer ses missions premières. Il semble avoir perdu la maîtrise de ses personnels, notamment dans les services déconcentrés, et se trouve ainsi désarmé pour faire appliquer, sur le terrain, ses orientations. La poursuite de l’érosion de ses moyens le conduit à rationner ses interventions par une politique de ciblage et d’appels à projets qui fait perdre de vue les objectifs essentiels qui doivent être ceux des politiques du sport, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative.

Le ministère semble donc à la croisée des chemins : soit le Gouvernement poursuit dans la diminution de ses moyens, et c’est sa légitimité à intervenir qui sera mise en cause ; soit l’on décide d’inverser le mouvement, et ce sont le sport, la jeunesse et la vie associative qui en bénéficieront.

L’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances fixe au 10 octobre la date butoir pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 69,4 % des réponses étaient parvenues.

Programmes et actions

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

LFI 2013

PLF 2014

2014/2013 (en %)

LFI 2013

PLF 2014

2014/2013 (en %)

219 – Sport

231,2

224,7

– 2,8

237,9

231,1

– 2,9

01 – Promotion du sport pour le plus grand nombre

14,8

7,2

– 51,7

14,8

7,2

– 51,7

02 – Développement du sport de haut niveau

166,2

171,3

+ 3,1

172,9

177,7

+ 2,8

03 – Prévention par le sport et protection des sportifs

19,1

18,8

– 1,6

19,1

18,8

– 1,6

04 – Promotion des métiers du sport

31,1

27,5

– 11,6

31,1

27,5

– 11,6

163 – Jeunesse et vie associative

231,8

229,3

– 1,1

231,8

229,3

– 1,1

01 – Développement de la vie associative

13,3

12,7

– 4,9

13,3

12,7

– 4,9

02 – Actions en faveur de la jeunesse et de l’éducation populaire

73,6

70,6

– 4

73,6

70,6

– 4

04 – Actions particulières en direction de la jeunesse

144,9

146

+ 0,7

144,9

146

+ 0,7

411 – Projets innovants en faveur de la jeunesse

-

100

-

-

100

-

01 – Favoriser des politiques de jeunesse intégrées, à l’échelle d’un territoire

-

100

-

-

100

-

Total de la mission

463

554

+ 19,6

469,8

560,4

+ 19,3

Source : Projet annuel de performances « Sport, jeunesse et vie associative » de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » du projet de loi de finances pour 2014.

Cette progression est évidemment positive, mais on notera quelle est totalement imputable à un net élargissement du périmètre de la mission. Celui-ci comprend, dans le projet de loi de finances, un nouveau programme n° 411 « Projets innovants en faveur de la jeunesse » doté de 100 millions deuros en autorisations dengagement et crédits de paiement, destiné à financer des projets relevant du programme dinvestissements davenir dans le domaine de la jeunesse.

À périmètre constant, hors programme dinvestissements davenir, les moyens de la mission suivent en réalité une évolution défavorable. En effet, les crédits inscrits dans les deux programmes préexistants, n° 219 « Sport » et n° 163 « Jeunesse et vie associative », diminuent par rapport à ceux votés en loi de finances initiale pour 2013.

Pour le programme « Sport », les autorisations d’engagement (224,7 millions d’euros) et les crédits de paiement (231,1 millions d’euros) diminuent respectivement de 2,8 % et 2,9 %. Toutefois, si l’on tient compte des fonds de concours et attributions de produits, notamment de la reconduction du fonds de concours en provenance du Centre national pour le développement du sport (CNDS) à hauteur de 19,5 millions d’euros, les moyens du programme s’élèvent à 244,3 millions d’euros en autorisations d’engagement et 252 millions d’euros en crédits de paiement.

Pour le programme « Jeunesse et vie associative », les autorisations d’engagement et les crédits de paiement, d’un montant de 229,3 millions d’euros, diminuent de 1,1 %.

Ce constat décevant ne doit évidemment pas faire oublier leffort important consenti en faveur des projets innovants pour la jeunesse dans le cadre du nouveau programme n° 411. Mais il convient de relativiser lampleur de ce dernier apport, car selon les informations fournies par le ministère des sports, de la jeunesse, de léducation populaire et de la vie associative, cette dotation initiale de 100 millions deuros constitue une « cagnotte » ayant vocation à être consommée sur la période 2014-2017. Ce sont donc 100 millions deuros pour quatre ans qui ont été dévolus au programme n° 411. Cette précision conduit à nuancer lappréciation positive portée sur leffort budgétaire consenti.

D’une manière générale, on peut déplorer le manque de lisibilité des moyens du ministère des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative, en raison de plusieurs facteurs.

L’évolution de la maquette budgétaire, avec l’intégration d’un nouveau programme dont la dotation a un caractère pluriannuel, en est un, puisqu’elle conduit à relativiser la très nette progression des moyens de la mission et donc du ministère.

Surtout, le Gouvernement n’a pas fait le choix de revenir sur les choix antérieurs, consistant à intégrer les dépenses de personnel du ministère dans la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », au sein d’un programme support n° 124 « Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative ». Il n’est ainsi plus possible d’identifier, au sein de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » les personnels relevant du ministère des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative.

Cette situation, héritée de la précédente majorité et justifiée par des motifs de « rationalisation », de « mutualisation » et de « gains d’efficience », conduit le Parlement à ne pas disposer d’un éclairage suffisant sur les moyens réels dont dispose le ministère pour conduire son action. On semble désormais avoir atteint, en la matière, les limites de l’exercice.

Ainsi, selon le projet annuel de performances, le coût complet de la politique du sport (somme de l’autorisation de crédits demandés pour l’action, crédits de personnel, de fonctionnement et d’immobilier), s’élève-t-il à 613,4 millions d’euros, soit un écart de 361,4 millions d’euros (+ 143 %) par rapport aux crédits du seul programme n° 219 en tenant compte des fonds de concours et attributions de produits. S’agissant de la politique de la jeunesse et de la vie associative, les crédits indirects qui y concourent s’élèvent à 119,7 millions d’euros, pour un coût complet de la politique de 349 millions d’euros, soit un écart de + 52,2 %.

En dépit de la refonte de la nomenclature du programme support n° 124 dans la loi de finances pour 2013, le choix de maquette budgétaire nuit indiscutablement à la lisibilité des moyens du ministère, tant pour le Parlement que pour les agents de l’administration de la jeunesse et des sports. Or l’effort qui a dû être consenti par ces derniers a été, comme on le verra plus loin, considérable au cours des dernières années. La question des moyens constitue désormais un enjeu essentiel si l’on souhaite préserver le rôle de l’État dans des politiques malheureusement trop souvent considérées comme accessoires. On connaît la volonté de la ministre pour restaurer ce rôle ; encore faudrait-il, pour pouvoir l’épauler dans cette démarche, disposer d’informations suffisamment précises et transparentes.

D’après les dernières données disponibles, la dépense sportive totale s’est élevée, en 2011, à 37,1 milliards d’euros. Il est évident que face à l’ampleur d’une telle somme, le rôle de l’État, en tant que financeur, ne peut être que très réduit. Il l’est d’autant plus que sur une dépense publique de l’ordre de 11,6 milliards d’euros en faveur du sport, la contribution des collectivités territoriales est de 10,2 milliards d’euros. La dépense sportive de l’État s’élève donc, en 2011, à 4,6 milliards d’euros et le ministère chargé des sports n’y contribue que marginalement, le plus gros de l’effort étant supporté par le ministère de l’éducation nationale et le ministère chargé de l’enseignement supérieur qui rémunèrent les enseignants d’éducation physique et sportive.

On constate que la part de la dépense sportive assumée par l’État tend à diminuer depuis une dizaine d’années, passant de 14,4 % à 12,4 %, celle supportée par le ministère chargé des sports et son opérateur, le CNDS, étant à peu près stable, autour de 2 %.

LA PRISE EN CHARGE DE LA DÉPENSE SPORTIVE DE 2000 À 2011

Acteurs économiques contribuant à la dépense

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

Ménages

                       

En milliards d’euros

12

12,1

13

14,1

14,6

15,1

15,8

16,4

16,7

16,5

17,2

17,6

En % de la dépense totale

48,2

47,1

47,8

49,8

49,1

48,2

48,3

48,2

47,8

47,3

48,4

47,4

Entreprises

                       

En milliards d’euros

1,7

2

2,3

2,2

2,5

3,1

3,2

3,2

3,3

3,3

3,3

3,3

En % de la dépense totale

6,8

7,8

8,5

7,8

8,4

9,9

9,8

9,4

9,4

9,4

9,3

8,9

Collectivités locales

                       

En milliards d’euros

7,6

7,8

7,9

7,9

8,6

9,1

9,6

10,2

10,6

10,8

10,6

11,6

En % de la dépense totale

30,5

30,3

29

27,9

29

29,1

29,3

30

30,4

30,9

29,9

31,3

État

                       

En milliards d’euros

3,6

3,8

4

4,1

4

4

4,1

4,2

4,3

4,3

4,4

4,6

En % de la dépense totale

14,4

14,8

14,7

14,5

13,5

12,8

12,5

12,3

12,3

12,3

12,4

12,4

Dont ministères chargés de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur (en milliards d’euros)

2,9

3

3,1

3,3

3,2

3,2

3,3

3,4

3,4

3,5

3,6

3,7

Dont ministère chargé des sports et CNDS (en milliards d’euros)

0,5

0,5

0,6

0,6

0,6

0,6

0,7

0,8

0,8

0,8

0,8

0,9

Dont ministère chargé des sports et CNDS (en % de la dépense totale)

2

1,9

2,2

2,1

2

1,9

2,1

2,3

2,3

2,3

2,2

2,4

Total (en milliards d’euros)

24,9

25,7

27,2

28,3

29,7

31,3

32,7

34,0

34,9

34,9

35,5

37,1

Source : Ministère des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative.

La part du financement de la dépense sportive par le ministère des sports est désormais inférieure à celle du Centre national pour le développement du sport, traduisant ainsi un processus de débudgétisation au cours des dernières années.

ÉVOLUTION DE LA DOTATION DU PROGRAMME N° 219 « SPORT » ET DES DÉPENSES D’INTERVENTION DU CENTRE NATIONAL POUR LE DÉVELOPPEMENT DU SPORT
ENTRE 2009 ET 2014

(en millions d’euros)

 

LFI 2009

LFI 2010

LFI 2011

LFI 2012

LFI 2013

PLF 2014

Programme n° 219

           

En autorisations d’engagement (AE)

213,4

231,3

205,1

252,3

231,2

224,7

En crédits de paiement (CP)

224,7

243,7

216,6

255,4

237,9

231,1

Dépenses d’intervention du CNDS (compte financier)

213

249,6

283,7

272,6

276,5

Nd.

Dont fonds de concours (AE)

11,7

18,9

19,7

20,6

19,6

19,5

Dont fonds de concours (CP)

11,5

19,8

18,2

20,0

19,9

20,9

Source : Projets annuels de performances de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ».

On doit souligner que les montants figurant dans le tableau ci-dessus intègrent, pour ce qui concerne les crédits du programme n° 219 ouverts en lois de finances initiales, la réserve parlementaire qui a contribué à conforter les moyens en faveur du sport à hauteur de 6,72 millions d’euros en loi de finances pour 2013.

Ainsi, si l’évolution des crédits du programme « Sport » est, de prime abord, négative entre la loi de finances pour 2013 et le projet de loi de finances pour 2014, une fois neutralisé l’abondement par la voie de la réserve parlementaire en 2013, la dotation du programme est strictement reconduite entre 2013 et 2014. Il est toutefois hasardeux de tabler, a priori, sur une reconduction similaire de la réserve ; c’est donc, à ce stade de la discussion parlementaire, le constat d’une diminution des moyens du programme « Sport » qui s’impose.

Les crédits consacrés à l’action n° 1 « Promotion du sport pour le plus grand nombre » diminuent très nettement, en passant de 14,8 millions d’euros en loi de finances pour 2013 à 7,2 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement, soit une chute de 51,7 %. Il convient toutefois d’y ajouter 19,5 millions d’euros sous forme de fonds de concours en provenance du Centre national pour le développement du sport.

Cette évolution très défavorable peut sans doute être relativisée en tenant compte de la réserve parlementaire votée en 2013 : dans le projet de loi de finances pour 2013, le montant des autorisations d’engagement et de crédits de paiement demandés s’établissait à 8,2 millions d’euros, auxquels ladite réserve s’est ajoutée. Mais même en raisonnant de la sorte, on constate que le ministère chargé des sports a dû procéder à des arbitrages douloureux, puisque les moyens demandés pour le sport pour tous sont inférieurs de 12 % à ceux qui avaient été demandés l’année dernière. Cela témoigne de la fragilité des interventions du ministère dans ce domaine, même si en la matière, c’est le CNDS qui joue un rôle essentiel par l’attribution de subventions. Ainsi, les actions nationales des fédérations destinées à la promotion du sport pour le plus grand nombre bénéficieront de 1,55 million d’euros au titre de l’action n° 1 du programme « Sport », et de 19,5 millions d’euros au titre du fonds de concours provenant du CNDS.

Plus largement, le soutien du ministère aux fédérations sportives au travers des conventions d’objectifs tend à lentement s’éroder, puisque toutes actions du programme « Sport » confondues, et en tenant compte du fonds de concours en provenance du Centre national pour le développement du sport, il s’établira à 83 millions d’euros en 2014, contre 85 millions d’euros en 2013, soit une baisse de 2,3 %. Sur ce total, le montant des subventions aux fédérations au titre du haut niveau (action n° 2) s’élèvera à 47,2 millions d’euros.

On doit toutefois noter que le montant total des aides accordées aux fédérations dans le cadre du programme « Sport » est supérieur à celui accordé au seul titre des conventions d’objectifs, puisque selon les informations fournies par le ministère chargé des sports, au 15 juillet 2013, un montant global de 88,4 millions d’euros leur avait été accordé (62,4 millions d’euros pour les fédérations olympiques ; 13,6 millions d’euros pour les fédérations non olympiques ; 10,2 millions d’euros pour les fédérations multisports ; 1,2 million d’euros pour des groupements et associations divers).

Le soutien du ministère aux fédérations prend également la forme d’une mise à disposition de conseillers techniques sportifs auprès des fédérations. Au nombre de 1 669 au 1er juillet 2013, ils étaient à cette date placés auprès de 78 fédérations (soit 65 directeurs techniques nationaux, 345 entraîneurs nationaux, 598 conseillers techniques nationaux et 661 conseillers techniques régionaux) ; 1 612 d’entre eux œuvraient pour la politique de promotion du sport pour le plus grand nombre. Selon le projet annuel de performances, les effectifs de conseillers techniques mis à disposition des fédérations devraient décroître, pour s’établir à 1 660 en 2014. Exprimé en équivalents temps plein travaillé (ETPT), le plafond d’emplois annuel des conseillers techniques sportifs devrait être, en 2014, identique à celui de 2013, soit 1 644 ETPT.

La fragilité du soutien de l’État aux fédérations n’est sans doute pas imputable à Madame la ministre, dont on connaît bien l’engagement en faveur du sport pour tous et le développement de la pratique sportive. Mais on ne peut que déplorer le choix politique qui a guidé le Gouvernement dans l’établissement du projet de budget pour 2014. Concrètement, il a décidé de réduire des dépenses publiques essentielles pour la vigueur du mouvement sportif, la promotion de l’égalité, l’insertion et la cohésion sociale, valeurs pourtant fréquemment invoquées, alors même que ces dépenses sont d’un montant dérisoire au regard de celui du budget global de l’État. Le choix assumé d’une politique de rigueur contraint ainsi le ministère chargé des sports à gérer, du mieux qu’il le peut, la pénurie, en rationnant ses soutiens.

Les dépenses en faveur du sport de haut niveau, retracées dans l’action n° 2 du programme « Sport », augmentent pour s’établir à 171,3 millions d’euros en autorisations d’engagement (+ 3,1 % par rapport à 2013) et 177,7 millions d’euros en crédits de paiement (soit + 2,8 %). Cette évolution peut être saluée, l’action « Développement du sport de haut niveau » étant la seule, au sein du programme « Sport », qui échappe à la réduction des dotations. Le soutien aux opérateurs du haut niveau est ainsi maintenu, mais on notera qu’il leur est demandé, comme aux autres opérateurs, des efforts de gestion qui conduisent à rogner sur leurs subventions de fonctionnement, hors personnel, pour un total de 0,8 million d’euros.

Le ministère des sports assume ses responsabilités en consolidant la subvention pour charges de service public de l’Institut national de l’expertise et de la performance sportives (INSEP), consacrée pour près de 80 % à la rémunération de ses personnels. Elle passe de 22,1 millions d’euros en loi de finances pour 2013 à 22,2 millions d’euros dans le projet de loi de finances, dont 21,8 millions d’euros au titre de l’action n° 2. Mais en dépit de cette évolution favorable, qu’on peut notamment imputer à la mise en œuvre du plan de titularisation des contractuels, le plafond d’emplois de l’opérateur diminue, passant de 299 équivalents temps plein à 293 équivalents temps plein. Dans le même temps, il lui faut faire face aux charges résultant du contrat de partenariat public-privé conclu en 2006, sous la précédente majorité, pour la rénovation de sa zone nord, et à la réévaluation de divers loyers. Ainsi, la mise en œuvre d’un avenant n° 9 prévoyant l’abandon, par le titulaire, de toute utilisation des biens à des fins commerciales (à l’exception de la restauration), conduira-t-elle l’établissement à indemniser celui-ci. Le ministère accorde par ailleurs son soutien à la rénovation de la partie sud du site de l’INSEP, réalisée sous maîtrise d’ouvrage publique, pour un montant de 6,55 millions d’euros en autorisations d’engagement et 11,5 millions d’euros en crédits de paiement.

La subvention pour charges de service public des seize centres de ressources, d’expertise et de performance sportives (CREPS) progresse légèrement pour passer de 49,5 millions d’euros à 50,9 millions d’euros, dont 45,5 millions sont consacrés à la masse salariale qui augmente en raison de la mise en œuvre du plan de titularisation des contractuels. Les CREPS auront à supporter une réduction de leurs effectifs de – 13 équivalents temps plein, ceux-ci s’établissant à 1 065 en 2014. Comme pour l’INSEP, le ministère soutient la poursuite des travaux de mise en conformité de ces établissements et des écoles nationales pour un montant de 9,2 millions d’euros en autorisations d’engagement et 8,8 millions d’euros en crédits de paiement, afin d’adapter leurs équipements aux parcours d’excellence sportive.

Outre les subventions de 47,2 millions d’euros accordés aux fédérations sportives au titre du haut niveau, dans le cadre de leurs conventions d’objectifs, le ministère leur versera environ 3 millions d’euros pour la rémunération des 566 directeurs techniques, entraîneurs et conseillers techniques nationaux.

Le soutien au sport de haut niveau ne passe pas que par le financement des structures ; il suppose aussi d’accompagner les sportifs eux-mêmes. De ce point de vue, il faut se réjouir de la budgétisation, dans l’action n° 2, d’une dotation de 1 million d’euros inscrite à titre prévisionnel pour financer les primes aux futurs médaillés des Jeux olympiques et paralympiques d’hiver, initiative qui rompt salutairement avec les « oublis », en la matière, de la précédente majorité. De même, l’effort consenti en faveur du suivi et de l’accompagnement socio-professionnel des sportifs de haut niveau doit être salué, puisqu’il bénéficiera d’une dotation de 10,8 millions d’euros.

On doit également souligner la budgétisation, à hauteur de 6,1 millions d’euros, de la prise en charge des cotisations retraite des sportifs de haut niveau –même si l’on peut s’inquiéter de la situation des sportifs non éligibles à cette mesure, qui n’est applicable que pour les inscriptions sur la liste des sportifs de haut niveau postérieures au 31 décembre 2011.

Enfin, on doit saluer les efforts de la ministre pour renégocier le contrat de concession pour la gestion du Stade de France qui donnait lieu, en 2012, au versement d’une indemnité pour absence de club résidant de près de 12 millions d’euros. Cette renégociation a permis de mettre un terme au paiement de cette indemnité qui se serait élevée à 16 millions d’euros en 2013 et en 2014, sans que le sport de haut niveau n’en recueille de bénéfices.

Les moyens dédiés à la prévention par le sport et la protection des sportifs régressent de 1,6 % par rapport à la loi de finances pour 2013, en s’établissant à 18,8 millions d’euros.

Ces crédits permettent de financer des subventions aux fédérations sportives à hauteur de 6,9 millions d’euros dans le cadre des conventions d’objectifs pour le suivi médical des sportifs, l’encadrement sanitaire des équipes de France, la promotion du « sport-santé » et la prévention du dopage. D’après les informations fournies par le ministère chargé des sports, ce dernier entendrait accorder une participation financière dégressive à la surveillance médicale des sportifs de haut niveau, les fédérations étant appelées à prendre le relais sur leurs ressources propres. Ce mouvement est d’ailleurs déjà assez largement amorcé, puisque l’aide de l’État est passée de 7 millions d’euros en 2007 à 5,71 millions d’euros en 2013.

Une telle évolution ne doit être envisagée qu’avec la plus grande prudence car, comme le note le ministère lui-même, l’organisation de la médecine fédérale et de la médecine du sport connaissent des difficultés. Ainsi, toutes les fédérations ne sont pas dotées d’un outil informatique adapté et seules quelques-unes ont réussi à recruter un médecin salarié à plein temps ou à temps partiel. Certes, comme l’indique le projet annuel de performances, 85 % des sportifs de haut niveau et des sportifs « espoirs » ont bénéficié, en 2013, d’un suivi médical complet. La prévision, pour 2014, est l’atteinte d’un taux de 88 % pour ces deux catégories. On comprend bien que la contrainte pesant sur les moyens du ministère conduit ce dernier à faire prioritairement porter son soutien sur les fédérations qui ont, en matière de structuration du suivi médical, le plus de retard. Mais il convient d’être très vigilant car, comme on le verra plus loin, la pratique d’un « ciblage » systématique des soutiens financiers peut conduire à fragiliser le fonctionnement même des fédérations ; il ne faudrait pas que les dispositifs de suivi médical déjà constitués voient, de ce fait, leur pérennité menacée.

La subvention de l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) est maintenue au même niveau qu’en 2013, soit 7,8 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement. Si l’agence a ainsi échappé à une réduction de ses moyens, on ne peut pour autant en conclure que sa dotation est suffisante.

Le budget prévisionnel de l’agence pour 2013 s’est établi à 9,16 millions d’euros. Les neuf dixièmes des ressources proviennent de la subvention de l’État. Or la situation actuelle de l’établissement est délicate : le surgel des crédits a conduit à les réduire de 800 000 euros par rapport à la dotation votée en loi de finances initiale pour 2013, ce qui a nécessité de faire appel au fonds de roulement. Certes, le coût moyen global des contrôles et des analyses a diminué du fait de l’allongement des délais de transmission des échantillons, conformément aux standards de l’Agence mondiale antidopage (AMA), et d’un effort de rationalisation des moyens. Mais on ne peut attendre de l’agence française qu’elle poursuive son activité de contrôle et d’analyse dans un contexte de réduction de ses moyens, d’autant qu’il lui faut assurer la montée en charge des contrôles sanguins et la mise en œuvre du passeport biologique. L’agence joue, en termes d’emplois, avec des mises à disposition, mais cet exercice atteint ses limites.

Les contraintes budgétaires ne doivent en aucun cas conduire l’Agence française de lutte contre le dopage à procéder à des ajustements sur les contrôles. L’excellence des travaux de recherche et d’analyse de son laboratoire qui fait référence dans son domaine, nécessite un soutien public à la hauteur des besoins. L’agence ne peut se permettre de réduire son activité ou sélectionner encore davantage ses contrôles, faute de quoi sa crédibilité auprès du monde sportif en pâtirait, le risque étant que certaines disciplines sportives n’aient alors un sentiment d’impunité.

L’effort en faveur de cette autorité essentielle pour garantir l’équité et l’éthique des compétitions sportives doit donc être accru, car l’enjeu de la lutte contre le dopage ne devrait, dans les années à venir, que gagner en importance, pour plusieurs raisons.

On constate, en premier lieu, un écart croissant entre les intentions proclamées par le mouvement sportif et la réalité des actions accomplies, alors que depuis la création de l’Agence mondiale antidopage, la lutte contre le dopage est supposée être universelle. Mais comme l’a souligné M. Bruno Genevois, président de l’Agence française contre le dopage, l’agence mondiale tient un discours très général : elle regrette l’insuffisance des résultats, mais ne met que rarement en évidence le discours équivoque des fédérations internationales.

On observe en outre une grande inégalité des efforts consentis selon les disciplines et les pays. La convention de l’Unesco a été ratifiée par 176 États, mais seulement 70 répriment pénalement le trafic de substances interdites hors et lors des compétitions. À l’heure où les facilités offertes par internet causent des ravages, on ne compte que 32 laboratoires accrédités pour la lutte antidopage, dont seulement 2 en Afrique. Les grandes fédérations internationales ne sont en outre pas astreintes à rendre publics les efforts qu’elles auraient accomplis, sauf lorsqu’elles sont mises en cause, comme l’a été l’Union cycliste internationale.

En second lieu, sur la moyenne période, une moindre efficacité des modes d’analyse du dopage est observée. Quand il trouve à s’appliquer, le système de lutte antidopage fonctionne très bien, le débat portant éventuellement sur la justification thérapeutique de l’usage de certaines substances ou sur le quantum des sanctions. Mais, même si le pourcentage des analyses anormales en France est supérieur à la moyenne mondiale, il tend à se réduire. Comme l’a souligné M. Bruno Genevois, cette évolution ne traduit sans doute pas une régression du dopage, mais plutôt les difficultés à le détecter. Une réflexion est donc nécessaire pour disposer de modes de preuve plus sûrs. Le grand défi de l’agence, pour l’avenir, concerne ainsi l’auto-transfusion, en raison des difficultés de sa détection, même si le passeport biologique la permet partiellement.

Il est temps de garantir à l’agence française et à son laboratoire des ressources suffisantes et pérennes. Plusieurs pistes peuvent être explorées. L’idée avait été émise, en 2009, d’accroître le taux de la taxe sur les cessions de droits télévisés de manifestations sportives pour affecter le complément de produit à l’agence. Il avait également été envisagé de faire bénéficier l’AFLD du produit d’une taxe sur les droits d’inscription aux compétitions équestres – dans une optique de lutte contre le dopage animal –, mais cela n’a finalement pas abouti. Un accord a toutefois été obtenu, en 2012, pour qu’une partie des contrôles soit financée par la Société hippique française. Une telle solution, qui repose sur du volontariat, n’est ni satisfaisante, ni équitable. Les incertitudes pesant sur le financement de l’agence doivent être levées, ce qui suppose, si la solution d’une taxe affectée est écartée, de lui attribuer des subventions à la hauteur de ses besoins.

Les moyens de l’action n° 4 « Promotion des métiers du sport » diminuent nettement (de 11,6 %) par rapport à 2013, pour s’élever à 27,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement.

Le soutien global aux deux écoles nationales relevant du programme « Sport » (École nationale de voile et des sports nautiques et École nationale des sports de montagne) s’élèvera à près de 11 millions d’euros, soit un montant similaire à celui accordé en 2013. Mais, comme l’INSEP et les CREPS, ces écoles devront supporter une diminution de leur plafond d’emplois qui passera de 200 à 196 équivalents temps plein. Le ministère attribuera en outre une subvention de 7,21 millions d’euros à l’Institut français du cheval et de l’équitation qui relève du programme « Économie et développement durable de l’agriculture et des territoires », au titre de la rémunération des personnels de l’ancienne École nationale d’équitation, désormais intégrée dans l’institut.

Ce seront seulement 1,34 million d’euros qui seront consacrés à l’accompagnement de l’emploi, la formation et la professionnalisation de l’encadrement, du fait de « l’extinction » du dispositif déconcentré, notamment en CREPS, de soutien à la formation professionnelle qui relève des conseils régionaux et des branches professionnelles. Les fédérations sportives devraient, pour leur part, bénéficier de 4,88 millions d’euros au titre de la formation et de la professionnalisation de l’encadrement, dans le cadre de leurs conventions d’objectifs, soit une baisse préoccupante de 2,3 % par rapport à 2013. On constate, une fois de plus, que le manque de moyens du ministère le contraint à procéder à des arbitrages budgétaires défavorables, même si l’on peut espérer qu’il concentrera son soutien sur les fédérations les plus fragiles qui peinent à assumer leurs dépenses de fonctionnement.

Le programme n° 163 « Jeunesse et vie associative » subit une érosion de - 1,1 % de ses moyens, qui s’élèvent à 229,3 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement. Hors réserve parlementaire votée en loi de finances pour 2013, la diminution n’est plus que de 0,3 %.

Cette baisse moyenne traduit deux évolutions contrastées : d’une part, la régression ou la stabilisation de certains moyens consacrés au financement de la vie associative, le montant des crédits dédiés aux actions n° 1 et n° 2 diminuant de l’ordre de 4 % ; d’autre part, la montée en puissance du service civique qui concentre à lui seul près de 64 % des crédits du programme, soit 146 millions d’euros, et bénéficie ainsi d’une hausse des crédits qui y sont dédiés. On peut déplorer que les choix ayant prévalu à la présentation des crédits dans le projet annuel de performances ne permettent pas d’identifier clairement les sous-actions ayant à supporter une baisse de leurs moyens.

Les crédits de paiement et autorisations d’engagement de l’action n° 1 du programme « Développement de la vie associative » sont d’un montant limité : 12,7 millions d’euros, contre 13,3 millions d’euros, soit un quasi-maintien en valeur absolue. Ils sont consacrés pour leur majorité (10,8 millions d’euros) aux subventions versées par le Fonds de développement de la vie associative, notamment pour aider les associations à former leurs bénévoles, qui s’établissent ainsi au même niveau qu’en 2013. De même, les moyens dédiés aux centres de ressources et d’information des bénévoles (CRIB) sont reconduits à 1,17 million d’euros. On notera toutefois que selon les informations fournies par le ministère, la reconduction éventuelle du soutien de chacun des CRIB est conditionnée par les résultats de l’évaluation périodique de leurs projets respectifs.

Les moyens de l’action n° 2 « Actions en faveur de la jeunesse et de la vie associative » diminuent pour leur part de 4 %, en s’élevant à 70,6 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement, soit une baisse de 3 millions d’euros par rapport à 2013. Il est très malaisé d’identifier les postes affectés par cette baisse, le projet annuel de performances ne permettant pas d’établir de comparaison fine entre les dotations des sous-actions votées en loi de finances pour 2013 et celles présentées dans le projet de loi de finances.

La dotation du Fonds de coopération de la jeunesse et de l’éducation populaire (FONJEP) échappe à la baisse : elle est reconduite au même niveau qu’en 2013, à hauteur de 24,9 millions d’euros. Il en est de même des moyens consacrés au soutien national aux associations agréées de jeunesse et d’éducation populaire, doté de 9,13 millions d’euros, et de la subvention pour charges de service public de l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP) reconduite à 3,3 millions d’euros, en dépit de la profonde réforme qu’il devrait supporter en 2014 et sur laquelle il sera revenu plus loin.

Enfin, 13,78 millions d’euros seront dédiés aux échanges internationaux de jeunes, dont 11,55 millions d’euros pour l’Office franco-allemand pour la jeunesse, qui voit ainsi ses moyens augmenter de 1 million d’euros, et 1,96 million d’euros pour l’Office franco-québécois pour la jeunesse.

Le service civique consomme, à lui seul, désormais près des deux tiers des moyens du programme « Jeunesse et vie associative ». Ce seront 146 millions d’euros qui y sont consacrés dans le projet de loi de finances, dont 121,2 millions d’euros de subvention pour charges de service public versée à l’Agence du service civique, et 24,8 millions d’euros de transferts à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale pour financer les cotisations de sécurité sociale des volontaires nécessaires pour valider des trimestres de retraite. Le service civique devrait en outre bénéficier du versement de 3 millions d’euros en provenance du Fonds d’expérimentation pour la jeunesse, dispositif en voie d’extinction.

On ne peut, à ce stade, que s’interroger sur le poids croissant de ce dispositif au sein de la politique de la jeunesse et de la vie associative : l’ampleur des moyens qu’il mobilise conduit en effet, en contrepartie, à rogner sur des subventions aux associations ou d’autres dispositifs de soutien à la jeunesse et l’éducation populaire dont l’utilité ne peut pourtant pas être mise en doute. Lorsqu’on connaît l’état de vétusté de certains centres de loisirs ou de vacances, véritables lieux de mixité sociale, l’arbitrage très favorable au service civique pose question. L’objectif d’atteindre, à l’horizon 2017, 100 000 jeunes en service civique, pose désormais la question de la soutenabilité financière de cette montée en puissance. La politique de la jeunesse et de l’éducation populaire ne peut se résumer à un dispositif qui est loin de constituer le seul outil à la disposition des pouvoirs publics pour encourager la participation citoyenne, l’émancipation et l’insertion des jeunes.

La très nette progression des moyens de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » est imputable à la création d’un nouveau programme n° 411 « Projets innovants en faveur de la jeunesse », doté de 100 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement.

Force est de constater que l’on est, pour l’instant, dans le flou quant aux dépenses qui seront financées par cette « cagnotte » déclinant, dans le secteur de la jeunesse, le programme d’investissements d’avenir. Fonctionnant selon la méthode désormais dominante de l’appel à projets, le nouveau programme aurait vocation à financer des « partenariats innovants, à grande échelle, entre acteurs publics et privés », pour reprendre les termes du projet annuel de performances, en vue de faire émerger des « politiques de jeunesse intégrées à l’échelle d’un territoire » et promouvoir des « territoires youth friendly ».

Au stade du projet de loi de finances dont l’Assemblée est saisie, il semble que la dotation de ce programme soit destinée à couvrir la période 2014-2017, ce qui tend à en relativiser la portée pour l’année à venir, d’autant qu’il semble que la mise en œuvre opérationnelle des projets soutenus ne devrait débuter qu’après 2014. Les dépenses financées devraient essentiellement être des dépenses d’investissement et le nouveau programme n’a pas vocation à se substituer à des financements de droit commun, le caractère innovant des projets étant une condition essentielle de leur soutien. Dès lors, compte tenu du rationnement des moyens du ministère pour mener son action « traditionnelle », on peut s’interroger sur la traduction concrète, pour les acteurs et actrices des politiques de la jeunesse et de l’éducation populaire, de la création de ce nouveau programme pour l’année 2014.

La rapporteure pour avis a entendu de nombreux acteurs et actrices des politiques du sport, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative. L’impression dominante est que le ministère en charge de celles-ci, en dépit du volontarisme dont fait preuve la ministre, n’est plus en capacité d’assurer ses missions premières. La perte de maîtrise de ses personnels et l’érosion de ses moyens ne datent certes pas de la présente législature : en la matière, la précédente majorité porte une lourde responsabilité, la révision générale des politiques publiques ayant eu des effets ravageurs.

Mais on ne peut que s’inquiéter du choix du Gouvernement de poursuivre dans ce qu’il est convenu d’appeler « l’effort de gestion » et les économies. Le ministère semble désormais arrivé à la croisée des chemins. Soit l’on exige de lui de réduire encore ses moyens d’action et l’on pourra légitimement s’interroger sur le maintien d’une structure ministérielle dépourvue des personnels et des financements nécessaires à l’accomplissement de ses missions ; soit l’on prend conscience que les limites sont aujourd’hui atteintes et qu’il est temps d’inverser la tendance pour donner une traduction concrète aux légitimes ambitions de la ministre.

Le ministère chargé de la jeunesse, des sports et de la vie associative a subi, dans le courant des années 2000, une fonte de ses effectifs que la révision générale des politiques publiques (RGPP) et la réforme de l’administration territoriale de l’État (RéATE) ont indubitablement aggravée.

Comme l’indique très clairement un rapport de la mission de l’Inspection générale de la jeunesse et des sports sur ce sujet (1), les premières politiques de réduction des effectifs ont porté sur les agents administratifs du ministère, épargnant les agents de ses corps propres (inspecteurs de la jeunesse et des sports, conseillers techniques et pédagogiques supérieurs, professeurs de sport et conseillers d’éducation populaire et de jeunesse). Mais, à partir de 2008, l’épuisement des marges de suppression d’emplois dans les fonctions dites « supports » ont conduit à s’attaquer aux corps du ministère, c’est-à-dire aux effectifs chargés de mettre en œuvre son « cœur de métier ».

Il est délicat d’estimer la perte ainsi subie par le ministère, du fait de la modification de la nomenclature budgétaire qui rend difficile la mesure des ressources humaines dont dispose, concrètement, le ministère. Il n’en demeure pas moins que les suppressions d’emplois ont durement touché l’administration centrale, de même que les opérateurs et les services déconcentrés du ministère dont l’organisation a été totalement bouleversée avec la mise en place des directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale, ainsi que des directions départementales de la cohésion sociale et de la protection des populations. Les agents des corps du ministère se sont ainsi trouvés non seulement en sous-effectifs, mais affectés à des tâches ne relevant pas de leur mission statutaire, comme l’ont d’ailleurs souligné les organisations syndicales entendues par la rapporteure pour avis.

Les travaux menés par l’inspection générale de la jeunesse et des sports permettent de constater que seuls les conseillers techniques sportifs ont vu leurs effectifs préservés, les autres corps payant un lourd tribut à la révision générale des politiques publiques.

ÉVOLUTION DES EFFECTIFS DES CORPS DU MINISTÈRE DE LA JEUNESSE, DES SPORTS
ET DE LA VIE ASSOCIATIVE ENTRE 2009 ET 2012

Affectations

Effectifs physiques estimés au 1er janvier 2009

Effectifs physiques au 1er janvier 2012

Évolution 2012/2009

En effectifs physiques

En %

Services déconcentrés

1 850

1 580

– 270

– 14,6 %

Conseillers d’animation sportive

950

797

– 153

– 16,1 %

Inspecteurs de la jeunesse et des sports

320

170

– 150

– 46,9 %

Conseillers d’éducation populaire et de jeunesse et conseillers techniques et pédagogiques jeunesse

580

520

– 60

– 10,3 %

Emplois fonctionnels

-

80

-

-

Correspondants informatiques

-

13

-

-

Établissements nationaux

540

348

– 192

– 35,6 %

Formateurs sport

450

305
(sport, jeunesse et éducation populaire)

– 185

– 37,8 %

Conseillers d’éducation populaire et de jeunesse et conseillers techniques et pédagogiques jeunesse

40

Directeurs et adjoints

50

43

– 7

– 14 %

Conseillers techniques sportifs placés auprès du mouvement sportif

1 670
(+ 20 pour le sport de haut niveau)

1 684
(+ 22 pour le sport de haut niveau)

+ 14

+ 0,8 %

Conseillers techniques nationaux

480

598

+ 118

 

Conseillers techniques régionaux

780

690

– 90

 

Contrats

410

396

– 14

 

Administration centrale

70

67
(+ 33 chargés de mission)

– 3

– 4,3 %

TOTAL

4 200

3 734

– 466

– 11,1 %

Source : Inspection générale de la jeunesse et des sports, Rapport n° 2012-M-10 relatif à la mission « Organisation-ressources du ministère des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative ».

D’après les informations communiquées par le ministère des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative, la diminution des effectifs entre 2010 et 2012 a surtout concerné la direction de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative, ainsi que les services déconcentrés.

ÉVOLUTION DES EFFECTIFS DU MINISTÈRE CHARGÉ DES SPORTS,
DE LA JEUNESSE ET DE LA VIE ASSOCIATIVE ENTRE 2010 ET 2012

(en ETPT)

2010

2011

2012

Écart

2010/2012

Total ministères sociaux

12 968

12 326

11 283

– 13 %

Direction des sports

158,1

152,3

159,3

+ 1,1 %

Direction de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative

108,7

105,4

103,4

– 4,9 %

Services déconcentrés

6 515

6 238

6 027

– 7,49 %

Dont conseillers techniques sportifs affectés en directions régionales

1 262

1 272

1 286

+ 2 %

Source : Ministère des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative.

Une approche par corps propres du ministère montre que les professeurs de sport et les conseillers d’éducation populaire et de jeunesse ont connu une diminution importante de leurs effectifs exprimés en ETPT de 2010 à 2012.

ÉVOLUTION DES EFFECTIFS DE PROFESSEURS DE SPORT
ET DE CONSEILLERS D’ÉDUCATION POPULAIRE ET DE JEUNESSE ENTRE 2010 ET 2012

(en ETPT)

 

2010

2011

2012

Évolution 2012/2010

Professeurs de sport

824

779

741

– 10 %

Conseillers d’éducation populaire et de jeunesse

536

502

467

– 13 %

Source : Ministère des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative.

S’agissant des conseillers techniques sportifs, leurs effectifs exprimés en ETPT ont progressé jusqu’à un pic de 1 690 en 2010, pour ensuite diminuer jusqu’en 2013 et être reconduits en 2014, à un niveau inférieur à celui de 2007.

ÉVOLUTION DES EFFECTIFS DE CONSEILLERS TECHNIQUES SPORTIFS ENTRE 2007 ET 2014

 

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Nombre de conseillers techniques sportifs (en ETPT)

1 675

1 678

1 682

1 690

1 670

1 679

1 644

1 644

Source : Ministère des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative.

On ajoutera que d’après les informations communiquées par le ministère chargé des sports, de la jeunesse et de la vie associative, l’évolution des crédits du programme soutien n° 124, similaire pour l’ensemble des ministères qui en relèvent, était de – 2 % et, en 2014, s’élèvera à – 1,9 % (pour l’administration centrale, les services déconcentrés et les conseillers techniques sportifs, hors opérateurs).

L’hémorragie des effectifs a évidemment de lourdes conséquences sur le terrain. Le ministère des sports, de la jeunesse et de la vie associative a, pendant longtemps, été un ministère « militant », au sens noble du terme, grâce au dévouement de ses agents dont la connaissance fine des problématiques et des enjeux territoriaux en faisaient des interlocuteurs privilégiés et appréciés du mouvement sportif, des associations et des collectivités locales.

Les auditions de la rapporteure pour avis permettent de constater que la fonte des effectifs du ministère, notamment en services déconcentrés, s’est accompagnée d’une véritable perte de la culture qui caractérisait ce ministère. Trop souvent, les acteurs et actrices de terrain sont désemparés, faute d’identifier la « porte d’entrée » jeunesse et sport qui leur permettrait de mener à bien leurs projets.

Si dans l’ensemble, les têtes de réseau nationales ont fait état de bonnes relations avec le ministère, les ligues régionales, comités départementaux olympiques et sportifs, associations de jeunesse ou d’éducation populaire ont le sentiment que l’administration déconcentrée ne relaie plus les directives ministérielles. L’échelon régional, fortement valorisé au cours des dernières réformes, n’est pas celui de l’usager. Quant à l’échelon départemental, il peine à remplir ses missions dans le champ des politiques de la jeunesse, de la vie associative et des sports. Alors que les dossiers de demandes de subventions se complexifient et que la demande d’un soutien de l’État n’a peut-être jamais été aussi forte, le ministère est désarmé pour répondre aux besoins sur le terrain.

Quant aux agents, ils s’alarment, à juste titre, d’une perte d’identité des services déconcentrés, notamment départementaux, de leur isolement et de l’altération du sens de leurs missions. Ils ne peuvent même plus se tourner vers un comité technique propre au ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative, le dialogue social se déroulant désormais au sein d’un comité commun à ce dernier et au ministère chargé des affaires sociales.

Alors que le constat dressé ci-dessus est assez unanimement partagé, on ne peut que déplorer que le Gouvernement n’ait pas fait le choix de revenir sur les choix passés et qu’il entérine, ainsi, la perte de maîtrise de son personnel par le ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative.

Le Gouvernement, sous couvert de mise en œuvre d’engagements de « maîtrise de l’emploi public », poursuit la politique passée de suppression d’effectifs. L’étude du programme n° 124 de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » permet ainsi de constater que le plafond d’emplois des personnels mettant en œuvre les politiques du sport, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative est passé de 4 161 équivalents temps plein travaillé (ETPT) dans le projet de loi de finances pour 2013 à 4 124 ETPT dans le projet de loi de finances pour 2014. L’effectif des conseillers techniques sportifs est reconduit à 1 644 ETPT.

À l’heure actuelle, le ministère chargé de la jeunesse, des sports et de la vie associative ne semble donc plus avoir de réelle maîtrise de ses moyens d’action. Le Gouvernement fait valoir qu’il n’a pas fait le choix d’un énième « big bang » de l’administration de la jeunesse et des sports, pour préférer stabiliser l’existant en corrigeant, au maximum, les défaillances. Il n’y aura ainsi pas de désengagement de l’État de l’échelon départemental, contrairement à ce qui était prévu dans le cadre de la révision générale des politiques publiques. Mais le problème de l’animation territoriale des politiques publiques demeure. Il semble que la ministre souhaite mobiliser les préfets sur les politiques du sport et de la jeunesse. Cela constitue une première étape indispensable, mais on peut douter de l’efficacité de cette démarche si les préfets doivent s’appuyer sur des services déconcentrés désarmés, faute de personnel en nombre suffisant. Il est en outre probable que pressés de demandes en ce sens, les préfets auront pour objectif premier de contribuer aux politiques de l’emploi et non au développement de la pratique sportive ou de la vie associative.

La rapporteure pour avis s’inquiète en outre du souhait manifesté par le ministère d’un « recentrage » des services déconcentrés sur certaines missions. L’argument invoqué, pour le secteur de la jeunesse, est celui du rôle croissant des régions dans ce domaine, alors que les services assureraient de nombreuses « micro-missions ». Il serait donc envisagé de recentrer ceux-ci sur leur mission de soutien à l’engagement, aux activités périscolaires et au service civique. Or, s’agissant des activités périscolaires, leur volume va fortement augmenter du fait de la réforme des rythmes éducatifs. Dans un contexte de réduction des effectifs, on peut s’inquiéter de la capacité qu’auront les services à faire face à l’afflux des projets éducatifs territoriaux, puis aux contrôles qui devront être diligentés. Cette situation ne peut que susciter l’inquiétude.

De même, il semble envisagé de s’appuyer davantage sur les conseillers techniques sportifs et les fédérations pour traiter les projets des associations sportives demandant une aide du Centre national pour le développement du sport (CNDS), ce qui permettrait de moins solliciter les services départementaux. Il est vrai que la plupart des dossiers font l’objet d’une double instruction de la part des services de l’État et du mouvement sportif. Mais une telle réforme comporte de réels risques. Si l’on allège les missions des services départementaux en s’appuyant davantage sur les fédérations sportives qui contribueraient à l’instruction des dossiers de demande de subvention au CNDS, comment sera-t-il garanti qu’il n’est pas porté atteinte à l’égalité des chances entre les candidats aux subventions ?

Au final, on ne peut que regretter qu’il n’ait pas été mis un terme définitif à la politique qui a prévalu jusqu’alors et qui a conduit à rogner, peu à peu, les moyens d’action du ministère de la jeunesse et des sports. La logique du ministère du budget, qui privilégie l’optimisation des coûts de gestion, n’est plus soutenable, car c’est désormais l’avenir des corps propres, et donc l’identité et la capacité d’agir du ministère chargé de la jeunesse et des sports, qui sont en jeu.

L’analyse des crédits du programme « Sport » a permis de conclure à l’absence totale de marge de manœuvre du ministère chargé des sports dans sa politique de soutien aux pratiques sportives. La faiblesse de son budget le prive, en pratique, de moyens d’actions lui permettant d’assumer sa mission première, à savoir la promotion du développement de la pratique sportive.

Compte tenu de cette situation plus que contrainte, et alors même que la ministre a clairement manifesté sa volonté de promouvoir le sport pour tous, la solution dégagée a donc consisté à multiplier les publics dits « cibles », les plus éloignés de la pratique sportive, pour subordonner l’attribution de subventions aux fédérations et aux associations sportives à la conduite d’actions en direction de ces derniers. Alors que la vocation première du ministère des sports est le soutien de l’accès de tous à la pratique sportive, à tous niveaux, le choix d’une politique d’austérité le contraint à tenter de réduire les inégalités d’accès au sport, en concentrant ses efforts sur certaines catégories de la population.

C’est ainsi que dans le cadre des conventions d’objectifs pour 2013, un montant de 17,38 millions d’euros a été attribué aux fédérations au titre de l’action « Promotion du sport pour le plus grand nombre » (soit 7,16 millions d’euros pour les fédérations multisports et 10,22 millions d’euros pour les fédérations unisport). Sur ces 17,38 millions d’euros, 15,29 millions d’euros, soit près de 88 % des aides totales, ont été attribués pour des actions en direction des publics cibles :

– 1,1 million d’euros pour le développement de la pratique sportive des habitants des quartiers en difficulté ;

– 5,9 millions d’euros, soit près de 6,8 % des montants attribués dans le cadre des conventions d’objectifs des fédérations, pour l’accès des femmes au sport ;

– 4,67 millions d’euros pour la mise en œuvre de plan d’actions pour la promotion de la pratique sportive auprès des personnes handicapées ;

– 3,62 millions d’euros pour la mise en œuvre de plans d’action ciblés sur les jeunes scolarisés.

Ce sont donc seulement 2,09 millions d’euros qui auront finalement bénéficié aux fédérations pour promouvoir la pratique sportive auprès du public « non cible ».

Cette politique ne semble pas tenable sur le moyen terme. Le rôle premier du ministère des sports est de soutenir la pratique sportive, dans toutes ses composantes. C’est par l’accomplissement de cette mission qu’il contribuera au renforcement de la cohésion sociale, au soutien de l’emploi et de l’insertion professionnelle des jeunes, à la promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes ou à la politique de la ville.

La confusion des objectifs nuit non seulement à la lisibilité de l’action du ministère, mais aussi à sa légitimité en tant qu’interlocuteur du mouvement sportif qui ne comprend plus les multiples contraintes auxquelles il est assujetti. Les dossiers de demande de subvention ont atteint un niveau élevé de complexité et certains organismes sont contraints à de véritables « contorsions » pour que leurs projets associatifs et sportifs satisfassent les critères d’éligibilité à une aide de l’État.

Les auditions menées par la rapporteure pour avis ont permis de constater les réelles difficultés rencontrées par certaines structures du mouvement sportif (fédérations, ligues, comités départementaux) pour assumer ne serait-ce que leurs coûts de fonctionnement. Si certains acteurs et actrices du mouvement sportif parviennent à nouer des partenariats avec le secteur privé qui leur apporte ainsi un complément de ressources, cette situation est loin d’être généralisée. Dans un contexte de crise économique, les entreprises sont, en effet, peu portées sur le soutien au sport ; elles ne souhaitent pas soutenir certaines disciplines dont le retour sur image n’est pas considéré comme satisfaisant ; enfin, quand elles s’engagent, elles choisissent, elles aussi, souvent des thématiques précises. Le recours à des partenariats privés est donc une solution fragile.

Un soutien pérenne du mouvement sportif qui ne prenne pas la forme exclusive d’appels à projets est donc indispensable pour permettre un réel développement de la pratique sportive. Au-delà des publics « cibles », il convient de soutenir la structuration du réseau associatif sportif, ce qui suppose d’élargir l’approche actuelle en valorisant notamment le critère du nombre de licenciés.

● Une situation financière dégradée

Le Centre national pour le développement du sport joue un rôle essentiel pour la promotion du sport pour tous. Or les décisions de la précédente majorité ont conduit à gravement fragiliser la situation financière de cet établissement, auquel il est revenu de contribuer largement au financement de la rénovation et de la construction de stades en vue de l’Euro 2016, pour un montant de 160 millions d’euros. Cette charge a nécessité de trouver de nouvelles ressources pour l’opérateur et conduit au choix, très contestable, d’asseoir celles-ci sur les paris.

Alors que les dépenses de l’établissement ont ainsi été alourdies dans un domaine qui ne relève pas de sa mission première, ses recettes semblent fragiles. Rappelons que sont affectées au CNDS les taxes suivantes :

– un prélèvement de 1,8 % sur les sommes misées aux jeux, hors paris sportifs, de la Française des jeux, dans la limite de 176,3 millions d’euros, ce plafond n’étant pas revu par le projet de loi de finances. Cette contribution représente 65 % des ressources du CNDS ;

– une contribution de 1,8 % sur les mises jouées sur les paris sportifs en ligne, d’un produit plafonné à 31 millions d’euros ;

– un prélèvement complémentaire de 0,3 % sur les sommes misées aux jeux, hors paris sportifs, de la Française des jeux, plafonné à 24 millions d’euros par an, pour financer la rénovation et la construction de stades en vue de l’Euro 2016 ;

– la contribution de 5 % sur la cession des droits de diffusion télévisée de compétitions sportives (taxe dite « Buffet »), dont le produit est évalué, pour 2014, à 40,9 millions d’euros.

Le montant des taxes affectées au CNDS devrait donc s’élever à 272,2 millions d’euros en 2014 ; pour information, les dépenses d’intervention inscrites au budget prévisionnel de 2013 de l’établissement se sont élevées à 276,5 millions d’euros, et l’ensemble de ses charges à 279,9 millions d’euros. La situation de l’opérateur est donc fragile, ses ressources ne permettant pas de couvrir les dépenses.

La ministre chargée des sports, consciente des difficultés financières de l’établissement public, a souhaité la mise en œuvre rapide d’un plan de redressement financier que le conseil d’administration de l’établissement a adopté, le 13 novembre 2012, pour la période 2013-2016. Ce plan vise une consolidation des recettes affectées au CNDS ainsi qu’une baisse de ses dépenses qui concernerait en priorité la « part nationale » des subventions qu’il accorde.

Il est toutefois à craindre que les difficultés de l’établissement ne se résorbent pas dans l’immédiat, dès lors que le plafonnement du produit des taxes affectées au CNDS est maintenu et que l’érosion du produit de la contribution sur la cession des droits de diffusion télévisée des manifestations sportives n’est pas enrayée.

Ce dernier point, préoccupant, semble faire l’objet d’une réflexion du ministère chargé des sports. Selon lui, plusieurs raisons pourraient expliquer la baisse de rendement de cette taxe. Le premier facteur serait lié à la fragilité de la valeur des droits de diffusion télévisée, le marché regroupant une dizaine d’acteurs. Le retrait de l’un deux, comme Orange, emporte donc des conséquences importantes sur la valeur des droits. Ce marché est très instable et serait, à l’heure actuelle, plutôt baissier. La diminution de rendement peut aussi s’expliquer, à la marge, par un effet de centralisation des droits auprès d’instances internationales, comme l’UEFA pour l’Euro 2016, ce qui les exclut de l’assiette de la taxe. Enfin, la configuration des contrats de cession de droits peut aussi avoir des conséquences importantes mais difficiles à évaluer sur le produit de la taxe, en particulier lorsque le montant des droits versés ne suit pas une évolution linéaire, comme c’est le cas du contrat conclu entre la Ligue de football professionnel et BeIn Sport.

Pour enrayer la baisse de rendement, un élargissement de l’assiette de la taxe semble envisagé. Il figurerait non dans le projet de loi de finances pour 2014, mais dans le projet de loi de finances rectificative pour 2013, l’expertise de la question étant toujours en cours. L’assiette de la taxe serait élargie aux événements se déroulant sur le territoire national mais organisés par des instances étrangères, comme l’Euro 2016, ce qui permettrait ainsi de percevoir un « retour » pour des manifestations qui ont donné lieu à un investissement public. D’après les informations fournies à la rapporteure pour avis, l’élargissement de l’assiette de la taxe devrait en améliorer le rendement de 2 millions d’euros environ. Dans le cas particulier de l’Euro 2016, le produit supplémentaire attendu s’élèverait à 7 millions d’euros. Le coût de cette réforme pour les diffuseurs gratuits devrait être maîtrisé, puisqu’il devrait s’élever à 300 000 euros pour France Télévisions. Il semble en outre envisagé qu’une partie du surcroît de recettes puisse abonder un fonds de production des fédérations sportives qui permettrait de soutenir la télédiffusion de disciplines sportives « émergentes », pour un montant d’un million d’euros environ.

Cette réforme semble aller dans le bon sens car il est nécessaire de sécuriser et d’accroître les recettes du CNDS. Mais compte tenu du faible surcroît de rendement attendu et du maintien du plafonnement des autres ressources de l’opérateur, on peut craindre qu’in fine, les arbitrages ne portent sur les dépenses.

● La réforme à venir des interventions de l’opérateur

La ministre chargée des sports a clairement fait état de sa volonté d’un recentrage de l’intervention du CNDS sur sa vocation première, le financement du sport pour tous. Cette ambition doit être saluée. Mais les incertitudes pèsent quant à la méthode qui sera adoptée pour atteindre cet objectif. L’opérateur, sous l’impulsion du ministère, a entrepris de revoir ses objectifs et modes d’intervention en matière d’aide au développement des pratiques sportives et de soutien aux équipements. De nouveaux critères de répartition des crédits devraient être définis selon une démarche décrite par le projet annuel de performances (« prioriser les territoires carencés en équipements publics, les publics les plus éloignés des pratiques sportives et corriger les inégalités d’accès au sport »).

Les informations communiquées par le ministère chargé des sports sont, à cet égard, préoccupantes. La question semble en effet posée d’une révision de la répartition des aides entre subventions d’investissement et subventions de fonctionnement, ces dernières ayant été critiquées par la Cour des comptes (2) qui dénonce un saupoudrage de la « part territoriale » attribuée par le CNDS aux associations sportives. Mais on ne peut partager l’analyse de la Cour lorsqu’elle estime nécessaire que l’établissement « modifie sensiblement son mode d’intervention et évolue vers un véritable financement sur appel à projets ». Ce raisonnement fait fi de la situation très fragile des petites associations sportives qui constituent la base du mouvement sportif.

Le « saupoudrage » dénoncé par la Cour des comptes constitue, en réalité, un soutien indispensable à la survie du tissu associatif sportif qui, pour se développer, doit avant tout pouvoir assumer ses faibles dépenses de fonctionnement. Car dans le même temps, les clubs ressentent durement la baisse des subventions attribuées par les communes, notamment les plus petites, dont les moyens sont extrêmement contraints. Ils sont donc à la recherche permanente de financements et incités à se tourner vers des partenariats privés, mais le mécénat dans le sport est loin de bénéficier aux plus petits clubs, l’investissement dans des clubs méconnus n’étant pas attrayant.

Il convient donc d’être extrêmement vigilant afin que la réforme du mode d’intervention du CNDS, et notamment des modalités d’attribution de la « part territoriale », ne se traduise pas par l’asphyxie des associations sportives locales.

Le modèle sportif français est fondé sur un partenariat étroit entre le mouvement sportif et l’État, ainsi que sur les principes d’unité du sport et de solidarité entre sport amateur et sport professionnel.

Le développement du sport est en effet considéré, de longue date, comme d’intérêt général. Dès le Front populaire, avec Léo Lagrange, sont apparues les premières politiques publiques dans le domaine du sport, la mission du secrétariat à l’organisation des loisirs et des sports consistant alors à promouvoir le sport pour tous par une politique d’aide à l’équipement communal et la création d’un brevet sportif populaire. Cette logique initiale de développement de l’accès de tous à toutes les pratiques sportives, à tous les niveaux, est au fondement du modèle sportif français et de l’intervention de la puissance publique qui garantit l’égal accès à la pratique sportive.

Mais pour que ce modèle puisse perdurer, deux conditions doivent être remplies : le ministère chargé des sports qui agrée les fédérations sportives participant à une mission de service public et confie aux fédérations délégataires un monopole dans la gestion de leur discipline doit avoir les moyens de faire valoir son point de vue ; le mouvement sportif doit disposer de moyens suffisants pour exercer l’ensemble de ses responsabilités. Le rôle premier d’un comité départemental olympique et sportif (CDOS) n’est ainsi pas de mener des actions ciblées en vue d’obtenir un financement mais de faire vivre le mouvement sportif sur le territoire départemental.

Or on constate aujourd’hui que ce modèle est mis à mal par certains qui, tirant argument de la faiblesse des moyens du ministère, en contestent la légitimité et appellent à une autonomisation du mouvement sportif.

Alors que le partenariat liant l’État et le mouvement sportif a longtemps fait consensus, on constate aujourd’hui des tentatives de mise en cause qui prennent d’autant plus d’ampleur que les détracteurs de ce modèle constatent l’affaiblissement des moyens du ministère chargé des sports.

Mais cet affaiblissement implique-t-il forcément que le modèle sportif français serait dépassé ? L’article L. 111-1 du code du sport dispose que « l’État exerce la tutelle des fédérations sportives. Il veille au respect des lois et règlements en vigueur par les fédérations sportives. » Ce principe fondamental de l’organisation du sport n’a-t-il plus, aujourd’hui, de raison d’être ?

Ce n’est pas l’analyse de la rapporteure pour avis. Il lui semble que lorsqu’il est fait état d’un « principe de subsidiarité » entre les interventions du mouvement sportif et celles du ministère chargé des sports, c’est le constat du manque de moyens du ministère pour assumer ses missions qui est dressé. Cela peut expliquer que M. Denis Masseglia, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF), évoque un rattachement de la politique publique du sport au ministère de l’éducation nationale – c’est-à-dire la disparition pure et simple du ministère chargé des sports – ou la gestion directe du haut niveau par le mouvement sportif. Mais si une telle voie était choisie, de quels moyens disposerait le mouvement sportif pour se porter garant des missions de service public des fédérations, de l’éthique et des valeurs du sport ?

La légitimité de l’intervention de la puissance publique est d’autant plus forte que le sport professionnel est sujet à un certain nombre de dérives qui tendent à mettre en cause les principes fondamentaux d’unité du sport et de nécessaire solidarité entre pratique professionnelle et pratique amateur. Dans le cas du football, certains dirigeants de clubs professionnels en appellent à la constitution d’une ligue fermée, alors même que la structuration du monde sportif en France n’est en rien comparable avec celle des États-Unis, notamment pour ce qui concerne le sport universitaire. L’Union des clubs professionnels de football demande, de manière récurrente, que le numéro d’immatriculation soit attribué à la société sportive et non à l’association.

Il est parfois suggéré de s’en remettre à la seule capacité d’autorégulation du mouvement sportif pour préserver l’éthique et les valeurs du sport. L’engagement du monde du sport est évidemment indispensable, mais celui-ci a besoin d’être épaulé par la puissance publique qui seule peut donner une base juridique incontestable, notamment grâce au code du sport, aux initiatives visant à réguler certaines pratiques douteuses. C’est bien grâce à l’État qu’a pu être mise en place une politique anti-dopage, dont la nécessité est aujourd’hui reconnue. Ce soutien public est d’autant plus nécessaire que les enjeux financiers prennent parfois le pas sur les considérations éthiques et que se multiplient les facteurs de dérégulation, comme les paris sportifs.

On notera en outre que les propos visant à mettre en cause le modèle sportif français ne semblent pas trouver de réel écho auprès des acteurs et actrices de terrain du mouvement sportif. Les auditions menées par la rapporteure pour avis ont permis de constater l’attachement des comités départementaux olympiques et sportifs, des ligues régionales et de la plupart des fédérations à un système qui leur semble avoir fait ses preuves. En particulier, les intervenants de terrain louent les compétences et l’appui précieux que les conseillers techniques sportifs apportent à des structures fragiles, reposant largement sur le bénévolat et qui n’ont pas les moyens de se doter de personnels qualifiés pour conduire leurs projets.

Mme Valérie Fourneyron, ministre chargée des sports, a pris un certain nombre d’initiatives salutaires pour réaffirmer le rôle de l’État dans les questions sportives. Son ambition de renouer avec les missions premières du ministère l’a conduite à annoncer plusieurs axes d’action auxquels on ne peut qu’adhérer : réduction des inégalités dans l’accès au sport, réorientation de l’action du CNDS vers sa mission de correcteur des inégalités, affirmation d’une nécessaire solidarité entre sport professionnel et sport amateur, création du Conseil national du sport, instance de concertation avec le mouvement sportif, ou encore renforcement de l’accompagnement des sportifs de haut niveau.

Toutes ces priorités vont dans le bon sens et tranchent avec les orientations passées : financement par le CNDS de stades bénéficiant essentiellement au sport professionnel, délitement du lien entre sport professionnel et sport amateur et, d’une manière générale, désengagement de l’État de sa mission de correcteur des inégalités.

Mais les ambitions sont de peu de poids si elles ne peuvent être mises en œuvre, faute de financements. Le présent rapport est l’occasion d’alerter sur la situation critique du ministère, dont la légitimité de l’intervention commence déjà à être contestée. Renouer avec le sport pour tous nécessite d’y mettre les moyens. Malheureusement, le Gouvernement n’a pas fait ce choix : les financements du ministère dédiés au sport ne sont pas à la hauteur des besoins et il est même envisagé de régionaliser certaines structures de formation, ce qui serait un autre mauvais coup porté au ministère.

Comme l’a indiqué à la rapporteure pour avis M. Jean-Pierre de Vincenzi, directeur général de l’INSEP, cet opérateur de l’État est le « vaisseau amiral » du sport de haut niveau français. Il accueille 555 sportifs de haut niveau (355 internes, dont 141 mineurs), 28 pôles France et 150 entraîneurs nationaux et cadres fédéraux. Ses athlètes ont remporté de grandes compétitions : ainsi, ils ont permis à la France de gagner 19 médailles aux Jeux olympiques de Londres. L’excellence de la formation délivrée par l’établissement est désormais largement reconnue, ce qui démontre tout l’intérêt d’un soutien actif de l’État au sport de haut niveau. Et pourtant, en dépit des très bons résultats obtenus, la situation financière de l’établissement, sans être dégradée, semble fragile.

Le maintien de sa subvention par le ministère chargé des sports ne suffit pas pour permettre à l’INSEP de faire face à ses dépenses. Sur les 22,1 millions d’euros qui lui sont versés, 17 millions d’euros seront consacrés, comme en 2013, à la masse salariale de l’opérateur. Mais l’augmentation des dépenses d’investissement (reconstruction du site aquatique), de 631 000 euros, contraint à faire porter l’effort sur les dépenses de fonctionnement qui devront passer de 4,6 millions d’euros en 2013 à 4,254 millions d’euros en 2014, soit une baisse de 7 % environ. Cet effort semble d’autant plus douloureux que l’établissement est dépourvu de marge de manœuvre sur certains postes de dépenses incompressibles, voir en augmentation (fluides, par exemple).

Par ailleurs, les dépenses de l’institut sont alourdies par les loyers dus au titre du contrat de partenariat public-privé conclu pour la réhabilitation de la zone nord de l’établissement. La conclusion d’un neuvième avenant prévoyant l’abandon par le cocontractant de l’utilisation des biens à des fins commerciales contraint l’INSEP à financer :

– 200 000 euros pour rupture anticipée du contrat ;

– 350 000 euros pour compenser la perte d’exploitation identifiée par le cocontractant Sport Partenariat ;

– 900 000 euros pour l’opération d’unification de la gestion du patrimoine d’hébergement.

Cette charge d’un montant de 1,45 million d’euros conduit l’INSEP à verser une indemnisation de 525 000 euros en 2013, 325 000 euros en 2014, puis 150 000 euros par an de 2015 à 2018.

Par voie de conséquence, pour équilibrer sa situation, l’INSEP se voit contraint d’accroître ses ressources propres qui représentent désormais 20 % de ses recettes, notamment en augmentant le tarif des pensions appliqué aux fédérations sportives, alors que les moyens des mêmes fédérations diminuent par ailleurs.

PRINCIPAUX TARIFS APPLIQUÉS PAR L’INSEP AUX FÉDÉRATIONS SPORTIVES
ENTRE 2008 ET 2013

(en euros)

 

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Pension complète mensuelle

Sportif permanent

734

770

830

890

950

1 010

Demi-pension mensuelle

Sportif permanent

322

370

420

490

530

570

Externat mensuel

Sportif permanent

200

230

290

350

380

410

Stage sportif fédérations

Prix de journée

57

60

68

72

74

74

Source : Ministère des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative.

La politique d’augmentation des tarifs pratiqués auprès des fédérations semble désormais atteindre ses limites. Dans le meilleur des contextes, il semble que l’INSEP puisse s’attendre à une reconduction de sa subvention pour charges de service public, mais pas à son augmentation. Il doit donc accroître ses ressources propres, soit en mettant certains de ses équipements à la disposition d’utilisateurs externes (associations, entreprises, fédérations, stages sportifs) – mais il ne faudrait pas que cette politique empêche ses sportifs d’utiliser les équipements –, soit en développant des partenariats. Or, à juste titre, le directeur général de l’établissement souhaite rester prudent dans ce dernier domaine : tout dépend de la nature de ces partenariats et il ne faudrait pas que l’INSEP soit placé en situation de concurrence avec les fédérations.

En tout état de cause, on peut douter que ces deux voies permettraient de consolider significativement et durablement la situation de l’établissement. C’est donc l’État qui doit assumer ses responsabilités en la matière. Un premier pas a été fait en ne diminuant pas la subvention pour charges de service de l’établissement. Cet effort doit désormais être amplifié pour permettre à l’INSEP de poursuivre ses missions dans de bonnes conditions.

● Les centres de ressources, d’expertise et de performance sportives (CREPS)

Les CREPS ont été durement touchés par l’ardeur réformatrice de la précédente majorité qui en a supprimé huit dans le cadre d’une vaste réorganisation de l’offre de formation.

Leurs effectifs ont fondu et les dispositifs dont ils ont la charge ont été recentrés sur un « cœur de métier » : la haute performance sportive et la formation relative à l’encadrement sportif (diplômes professionnels permettant l’encadrement en environnement spécifique, secteurs en tension, diplômes d’État, formations professionnelles des personnels de l’État et formations destinées à des publics prioritaires). Le combat est manifestement âpre pour leur permettre d’assumer leurs missions et obtenir les financements nécessaires. Il est à craindre que cette situation ne perdure, le projet de loi de finances prévoyant une réduction de leur plafond d’emplois à 1 065 équivalents temps plein, contre 1 078 en 2013.

Quel sera l’avenir des CREPS ? Le Gouvernement n’a pas fait le choix, à ce stade, de revenir sur l’instruction de la direction des sports du 8 septembre 2009 (3) qui détermine les priorités en matière de formation. Ainsi, les CREPS voient-ils leur champ d’intervention toujours subordonné, pour les secteurs dits « en tension », à l’appréciation des directeurs régionaux de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale, auxquels il revient de juger si le manque d’opérateurs privés justifie l’intervention d’un CREPS pour former des professionnels en nombre suffisant. En pratique, cela signifie qu’une bonne part des formations de niveau IV – qui constituent l’essentiel des formations délivrées par les centres régionaux, et donc de leurs recettes – est suspendue à l’absence éventuelle d’une offre de formation privée sur le territoire. La philosophie de cette instruction qui consiste à transférer au secteur privé marchand ou aux fédérations les formations de niveau IV semble en totale contradiction avec le caractère national de la mission de formation dévolue aux CREPS. Il est regrettable que le Gouvernement n’ait pas choisi de revenir sur cette orientation, qui semble menacer le principe même d’un service public de formation.

Il semble par ailleurs que le Gouvernement ait pour intention de transférer les CREPS aux régions, dans le cadre du projet de loi de mobilisation des régions pour la croissance et l’emploi et de promotion de l’égalité des territoires, par voie d’amendement gouvernemental. D’après les informations fournies par le ministère chargé des sports, ils seraient dotés d’un statut d’établissement public local d’enseignement (EPLE) « amélioré », prévoyant une gouvernance partagée, dans un objectif d’harmonisation des politiques de l’État et des régions. Les directeurs des CREPS seraient nommés par l’État, dont ils seraient des agents. En revanche, les personnels techniciens et ouvriers spécialisés (TOS) seraient transférés aux régions.

Le patrimoine bâti des CREPS serait transféré aux régions à titre gratuit, y compris celui de trois centres qui ont été fermés et dont le patrimoine bâti appartient toujours à l’État, afin de ne pas pénaliser les régions concernées. Ce transfert s’accompagnerait des crédits de fonctionnement nécessaires (19,6 millions d’euros, au vu de la moyenne sur les trois dernières années), et des crédits destinés à rémunérer les personnels TOS (12,6 millions d’euros, pour 397 agents). Les crédits d’investissement seraient déterminés à partir de la moyenne des cinq dernières années, soit 9,46 millions d’euros.

Le Gouvernement fait valoir que cette opération serait neutre pour les centres, l’objectif étant celui d’un dispositif opérationnel le 1er  janvier 2015. Une réouverture d’établissements pourrait être envisagée dans les régions qui n’en sont plus dotées, ce qui semble effectivement indispensable si l’on souhaite éviter que dans certains territoires, la formation soit abandonnée aux seules mains d’opérateurs privés.

Cette réforme d’ampleur mérite toutefois d’être étudiée avec attention. De ce point de vue, la méthode consistant à procéder par voie d’amendement gouvernemental est critiquable. Surtout, il convient d’être vigilant : à l’heure actuelle, les CREPS sont chargés de délivrer des formations sanctionnées par des diplômes d’État, ainsi que la formation initiale statutaire des agents relevant des corps propres au ministère des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative. Cette compétence essentielle doit être sanctuarisée, quels que puissent être les « aménagements de gouvernance » envisagés. La valorisation de la vocation régionale des CREPS ne doit pas s’effectuer au détriment de leur mission nationale de formation.

● Les écoles nationales

Il est assez alarmant de constater qu’une régionalisation des écoles nationales (École nationale de voile et des sports nautiques et École nationale des sports de montagne) pourrait être envisagée. En raison de leur vocation strictement nationale, on ne peut en effet les comparer aux CREPS. La tentation d’une régionalisation à « marche forcée » des enseignements sportifs nationaux doit à tout prix être écartée. C’est bien à l’État qu’il revient de les assurer ; il est à espérer que cette éventualité de réforme sera rapidement écartée.

On a vu plus haut que le service civique mobilise, à lui seul, près des deux tiers des crédits du programme « Jeunesse et vie associative ». Comme l’a rappelé auprès de la rapporteure pour avis M. Martin Hirsch, président de l’Agence du service civique, en 2010, 6 millions d’euros étaient consacrés au service civil auquel il a succédé ; le service civique bénéficiera, pour sa part, de presque 150 millions d’euros en 2014.

Son succès est indéniable. On compte entre 150 000 et 200 000 jeunes inscrits sur le site internet de l’agence. Chaque offre de mission suscite, en moyenne, cinq candidatures. L’agence a par ailleurs dû refuser des milliers de nouvelles missions (par exemple, dans les missions locales ou de grandes associations), faute de moyens suffisants.

Les profils des jeunes volontaires sont, dans l’ensemble, assez divers : 29 % d’entre eux n’ont pas le baccalauréat ; 10 % répondent à des critères sociaux ; on compte aussi des jeunes hyper-diplômés.

Selon M. Martin Hirsch, le succès du dispositif s’explique par le fait qu’il n’est pas ciblé sur un certain public de jeunes ; il ne serait dès lors pas catalogué comme étant réservé aux jeunes en difficulté. Le dispositif est en outre très ouvert, du fait de son accessibilité par internet ou l’intermédiaire des missions locales.

Pour autant, des obstacles semblent devoir être levés, notamment en matière de mobilité des jeunes volontaires. L’Agence du service civique œuvre pour que les autorités organisatrices de transports en commun accordent aux jeunes en service civique les mêmes réductions qu’aux étudiants, mais elles sont peu nombreuses à accepter une telle démarche. Un effort devrait aussi être consenti en matière d’habitat solidaire, notamment dans les zones rurales.

Le service civique peut-il être victime de son succès ? On ne peut exclure que le recours à de jeunes volontaires ne constitue, dans certains cas, un « effet d’aubaine » motivé par des considérations financières en permettant d’éviter une embauche. On ne peut non plus totalement garantir le sérieux de certaines missions et la délivrance d’une formation civique et citoyenne aux jeunes en service civique. En tout état de cause, l’objectif fixé de 100 000 jeunes en service civique en 2017 appelle la mise en œuvre de dispositifs de contrôle efficaces, afin de garantir que le système ne soit pas détourné de sa vocation première.

Interrogé sur ce point, M. Martin Hirsch a fait valoir que les associations étaient responsables : elles ont besoin de personnels qualifiés et la porte n’est pas fermée aux plus importantes d’entre elles pour recourir à des jeunes très diplômés en service civique. Dans un tel cas de figure, elles sont incitées par l’Agence du service civique à recourir, dans le même temps, à des jeunes peu ou pas qualifiés. À l’issue de l’accomplissement du service civique, un questionnaire est rempli par chaque jeune, ce qui permet de vérifier la nature des tâches qui lui ont été confiées. Les associations mettent elles-mêmes en place un « auto-contrôle » sur la qualité des missions offertes.

Ces démarches sont évidemment bienvenues, mais elles ne peuvent se substituer à des contrôles diligentés par une autorité publique. Or ceux-ci restent limités, puisque les organismes d’accueil ne sont contrôlés que tous les cinq ans. Alors qu’il est attendu au moins un triplement du nombre de jeunes en service civique dans les années qui viennent, il est peu probable que les effectifs d’inspecteurs de l’Agence du service civique progresseront au même rythme. Il est donc légitime de s’interroger sur les conditions dans lesquelles on compte garantir que la montée en charge du dispositif ne nuira pas à sa qualité.

Selon M. Martin Hirsch, compte tenu du succès rencontré, le seul facteur limitant le développement du service civique est de nature budgétaire. Depuis 2011, toutes les dotations sont dépensées ; l’Agence du service civique serait même amenée à pratiquer une sorte de « cavalerie » en reportant les missions sur la fin de l’année pour ne pas peser sur sa trésorerie. La durée des missions a été revue à la baisse pour en réduire le coût.

Pour ce qui concerne l’année 2013, en janvier, le Président de la République a annoncé un objectif de 30 000 services civiques. Cet objectif a été revu à la baisse en juillet, l’agence ayant pour directive de ne pas dépasser le seuil de 17 000. L’objectif fixé pour 2014 est d’atteindre 31 000 jeunes en service civique. L’agence a bénéficié de 149 millions d’euros l’an dernier, pour un objectif identique. Elle estime que la réforme en cours des retraites devrait permettre d’économiser 24 millions d’euros. Ainsi, en 2014, devraient entrer dans le service civique environ 17 000 jeunes, auxquels on ajouterait 12 000 ou 13 000 jeunes entrés dans le service civique à la fin de l’année 2013, ce qui permettrait d’atteindre l’objectif affiché.

Le Président de la République a fixé pour objectif d’atteindre 100 000 services civiques d’ici la fin du quinquennat. Cet objectif est-il réaliste sur un plan budgétaire ? C’est la position de M. Martin Hirsch qui indique qu’un mois de service civique coûte actuellement environ 1 000 euros à l’État : 475 euros versés au jeune ; 100 euros versés aux organismes ; 100 euros attribués aux jeunes bénéficiant d’une bourse à caractère social ; 388 euros consacrés à la protection sociale des volontaires. À compter de 2014, ce coût devrait être abaissé à environ 820 euros par mois, suite à un amendement déposé sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale qui permettrait de mettre un terme aux surcotisations sociales prises en charge par l’État. Cette mesure devrait permettre d’abaisser le coût moyen du service civique de 18 % et donc, selon M. Martin Hirsch, de créer de nouvelles missions.

Pour atteindre l’objectif de 100 000 jeunes en service civique, le président de l’agence estime qu’il faudrait, sur la base d’un coût de 800 euros par mois, pour des missions d’une durée de huit mois en moyenne, une dotation de 640 millions d’euros annuelle. On pourrait toutefois atteindre cet objectif pour un moindre coût, par exemple s’agissant des « décrocheurs » scolaires, dont la durée des missions pourrait être plus brève et les indemnités d’un montant plus faible si, dans le même temps, ces jeunes bénéficient d’un suivi approprié à l’école. De la même manière, si le service civique devait concerner 20 000 étudiants, la durée des missions pourrait être raccourcie. On pourrait donc, selon le président de l’Agence du service civique, atteindre 100 000 jeunes pour un coût moyen inférieur de 20 % à 30 % au coût moyen actuel. Le coût total du dispositif serait alors de 400 à 500 millions d’euros. Dans un tel cas de figure, pour contourner le risque d’un service civique « au rabais », M. Martin Hirsch a jugé qu’il conviendrait de conserver un noyau dur de services civiques « classiques », de l’ordre de quelques dizaines de milliers de jeunes, pour s’autoriser de mettre en œuvre des modulations en direction d’autres publics.

Comme on peut le constater, le président de l’Agence du service civique, conscient du coût de la montée en charge du dispositif, a engagé la réflexion pour garantir sa soutenabilité financière. Mais compte tenu des sommes évoquées et des adaptations envisagées, on peut se demander si la voie choisie est bien pertinente. À vouloir tenir les objectifs fixés, qui sont particulièrement ambitieux, il est clair qu’on sera contraint de dépouiller la politique de la jeunesse et de l’éducation populaire de tous ses autres outils pour financer le service civique. Or ce dernier ne peut être le seul instrument au service des politiques de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative : le monde associatif a besoin d’emplois qualifiés et d’un soutien pérenne à ses têtes de réseau. Le service civique ne permettra pas, non plus, de répondre aux besoins en encadrement résultant de la réforme des rythmes éducatifs ou à la nécessaire rénovation des centres de loisirs et de vacances. Il convient donc de réexaminer les objectifs fixés.

Le Gouvernement a affirmé le caractère prioritaire des politiques en faveur de la jeunesse en prenant un certain nombre d’initiatives qui vont dans le bon sens. L’organisation, en février 2013, d’un Comité interministériel de la jeunesse qui se tiendra désormais annuellement a permis de dégager un « Plan priorité jeunesse » prévoyant 47 mesures. Le rôle pilote du ministère de la jeunesse en matière de coordination interministérielle devrait être renforcé, grâce à la création d’un délégué interministériel à la jeunesse également directeur de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative. Une cellule interministérielle sera placée auprès de lui pour assurer le secrétariat permanent du Comité interministériel de la jeunesse.

Le ministère a par ailleurs engagé une réforme de l’administration centrale de la jeunesse. L’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP) sera ainsi placé auprès du délégué interministériel et devrait voir son statut d’établissement public modifié pour devenir un service statistique ministériel à compétence nationale. Sa mission sera en outre élargie à celle d’observatoire non seulement de la jeunesse, comme cela est actuellement le cas, mais également de la vie associative qui avait disparu de son champ de compétences en 2010. Dans le même temps, il devrait être procédé à un rapprochement de l’Agence française du programme européen « Jeunesse en action » (AFPEJA), actuellement portée par l’INJEP et qui aura à gérer le nouveau programme Erasmus pour la période 2014-2020, et de l’Agence du service civique, en raison des passerelles existant entre les deux organismes : toutes deux concourent en effet à la mobilité des jeunes. Selon le ministère, ce rapprochement devrait permettre de réaliser des économies d’échelle sur les fonctions support mais il sera progressif, car de complexes questions juridiques doivent être réglées en raison des statuts juridiques différents de ces deux structures.

La rapporteure pour avis a pu constater, lors de ses auditions, que la réforme envisagée suscitait diverses inquiétudes ; les garanties apportées par le ministère chargé de la jeunesse devraient être de nature à rassurer.

La première inquiétude concernait l’avenir réservé à l’Observatoire de la jeunesse. La qualité des travaux de celui-ci est en effet largement reconnue et l’observatoire a su nouer des relations privilégiées avec le monde de la recherche, le milieu associatif, les collectivités locales et d’autres structures comme l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES), le Centre d’études et de recherches sur les qualifications (CEREQ), la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) ou certains services statistiques. De toute évidence, on ne peut construire de politique de la jeunesse sans disposer des connaissances et des données objectives nécessaires. Or dans ce domaine, l’action publique est morcelée entre divers intervenants. Il est donc indispensable de disposer d’un lieu d’échange réunissant chercheurs, acteurs de terrain et décideurs. L’Observatoire de la jeunesse constitue cet outil original qui permet de mettre l’ensemble des intervenants autour de la table, dans un espace « neutre » et dont la légitimité n’est pas contestée.

Le projet de rattachement de l’observatoire au délégué interministériel a manifestement inquiété les personnels de recherche de l’INJEP qui ont craint qu’il ne pèse sur leur capacité à définir librement leurs thèmes de recherche.

Sur ce point, le ministère a apporté des précisions qui devraient donner satisfaction : l’observatoire aura bien un rôle d’évaluation des politiques publiques et la qualité scientifique de ses travaux devrait être garantie. En particulier, sa capacité à nouer, de manière autonome, des partenariats avec des collectivités locales et des associations devrait être préservée. Il sera, de plus, doté d’un conseil scientifique, ainsi que d’un comité de programmation scientifique de ses travaux. Le ministère fait valoir que la réforme envisagée n’obéit pas à un objectif d’économie, puisque les moyens budgétaires consacrés à l’institut seront intégralement reconduits en 2014, à hauteur de 3,3 millions d’euros.

Le rapprochement de l’Agence française pour le programme européen « Jeunesse en action » et de l’Agence du service civique a également inquiété. Les personnels de l’INJEP estiment que ces deux organismes visent des objectifs différents, européens pour le premier, nationaux pour le second. Il existe de plus une totale étanchéité entre les crédits européens alimentant l’AFPEJA et les crédits nationaux dont dispose l’Agence du service civique. Enfin, les fonctions pour lesquelles une mutualisation des moyens des structures aurait fait sens ont, en pratique, largement souffert de la révision générale des politiques publiques. Il est donc craint que la future agence reconfigurée aura à gérer la pénurie.

Enfin, il convient de souligner la complexité juridique du rapprochement qui devrait être opéré entre les deux organismes : il nécessitera de reprendre de nombreux contrats de travail, mais aussi les conventions pluriannuelles conclues dans le cadre du programme européen « Jeunesse en action » sur la période 2007-2013, qui vont nécessiter de mettre en œuvre un véritable chantier comptable, assorti d’épineuses questions de sécurité juridique en cas de demande de remboursement d’indus. Le risque est alors que les agents soient mobilisés par des tâches administratives internes alors que les projets en direction de la jeunesse devraient se développer.

On comprend donc bien la logique qui sous-tend la réforme envisagée par le Gouvernement, mais il conviendra d’être très vigilant quant aux modalités de sa mise en œuvre. La période de transition devra être bien gérée et les moyens dévolus au nouvel INJEP suffisants pour éviter que la réorganisation ne se traduise, dans les faits, par la paralysie et l’engorgement des services.

Le Gouvernement a décidé de doter de 100 millions d’euros un nouveau programme n° 411 « Projets innovants en faveur de la jeunesse ». La lecture du projet annuel de performances ne permet pas d’être réellement éclairé sur les actions qui seront financées par celui-ci, mais les précisions apportées par le ministère chargé de la jeunesse à la rapporteure pour avis appellent plusieurs remarques.

Sur la forme, on peut s’interroger sur le rôle qui sera dévolu au ministère chargé de la jeunesse dans la conduite d’un programme relevant du Commissariat général à l’investissement. Ce dernier devrait être chargé de la « méthode », le ministère étant, pour sa part, chargé du fond, à savoir l’élaboration des appels à projets, donc la détermination des priorités. Mais qu’en sera-t-il au stade de la sélection des projets eux-mêmes ? Il est indiqué que les réponses obtenues seront analysées par un jury indépendant. Comment sera-t-il constitué ? Le ministère chargé de la jeunesse sera-t-il en mesure de peser sur les choix finaux, surtout lorsque son homologue chargé de l’éducation nationale indique qu’il entend participer pleinement à la définition d’actions innovantes en faveur de la jeunesse dans le cadre du programme ?

On peut se demander si les procédures retenues ne conduiront pas à dessaisir le ministère d’une part substantielle du rôle que le Gouvernement a entendu lui conférer dans le pilotage de la politique de la jeunesse. De même, l’appui de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine fait craindre que soit imprimée aux projets la marque de la politique de la ville, plus que celle de la jeunesse.

Par ailleurs, se pose la question de la pérennité des projets qui bénéficieront du soutien du nouveau programme. D’après les informations fournies à la rapporteure pour avis, celui-ci devrait permettre à l’État d’investir massivement dans certains projets, essentiellement portés par des collectivités locales et notamment les régions, comme la création de lieux d’accueil des jeunes innovants ou de plates-formes de mobilité. L’idée consiste à s’inspirer de certaines expérimentations conduites dans le cadre du Fonds d’expérimentation pour la jeunesse qui ont donné lieu à évaluation positive. Les projets retenus devraient toutefois se distinguer de ceux financés par le Fonds d’expérimentation pour la jeunesse par leur ampleur, qui sera beaucoup plus importante ; il ne s’agira donc pas de micro-expérimentations. Le programme n° 411 devrait financer des projets en phase de pré-généralisation, ce qui devrait nécessiter un taux de participation de l’État de l’ordre de 20 % à 30 % pour obtenir un impact significatif.

Les crédits du programme devraient donc permettre de financer du bâti, mais aussi des dépenses de fonctionnement, comme des dépenses de personnel. Or ce financement ne sera pas pérenne, puisqu’il est destiné à couvrir la période 2014-2017. Cela implique donc que les dépenses de fonctionnement devront, par la suite, être assumées par les collectivités territoriales. On comprend bien que l’intervention de l’État doive jouer un effet de levier, mais quelle sera, dans de telles conditions, la pérennité des projets retenus, s’il revient aux collectivités locales de prendre le relais ?

Enfin, sur le fond, il est légitime de s’interroger sur les orientations prioritaires que devront présenter les projets éligibles à un financement. Les axes retenus sont l’information et l’orientation des jeunes, l’employabilité et la lutte contre le « décrochage » scolaire et universitaire, le développement d’une offre éducative, culturelle et sportive en complément de l’école, ainsi que « l’émergence d’une culture de l’entrepreneuriat ».

Certaines orientations méritent d’être discutées. Le service public de l’orientation des jeunes doit sans aucun doute être amélioré ; la lutte contre le « décrochage » scolaire suscite l’adhésion ; le développement d’une offre éducative, culturelle et sportive périscolaire doit être poursuivi – encore faudrait-il que l’on ait les moyens d’en assurer le coût de fonctionnement. Mais l’émergence d’une « culture de l’entrepreneuriat » doit-elle faire partie des objectifs prioritaires de la politique de la jeunesse ? L’émancipation, la citoyenneté, l’autonomie et la responsabilisation passent-elles par le seul entrepreneuriat ? Il est permis d’en douter, d’autant que certains projets évoqués dans le projet annuel de performances (incubateurs d’activités communs universités/quartiers/entreprises, coopératives-jeunesse de services) laissent craindre la constitution « d’usines à gaz ». De la même manière, lorsqu’il est fait mention dans le projet annuel de performances d’une expérimentation de la « pluriactivité dans le champ social (aide à la personne, animation périscolaire) », quelles perspectives d’avenir propose-t-on aux jeunes, si ce n’est la succession de « petits boulots », voire le développement de formes d’activités dérogatoires du droit du travail ?

Les projets qui pourront être financés par le nouveau programme devront être « innovants ». L’innovation n’est pas une valeur en soi ; des dispositifs existent qui ont su faire leurs preuves, mais manifestement, ils ne pourront bénéficier des fonds du nouveau programme. La question de leur avenir semble désormais posée.

En dépit du volontarisme de la ministre pour donner un nouveau souffle à son ministère, on doit s’interroger sur la multiplicité des objectifs désormais assignés à la politique de la jeunesse : insertion sociale et professionnelle, emploi (avec un effort important consenti pour la montée en puissance des emplois d’avenir), mobilité internationale, engagement, information, orientation, éducation, contribution aux politiques de la ville, de la santé… Le foisonnement des objectifs nuit à la lisibilité de l’action du ministère, qui doit participer à la mise en œuvre des nombreuses autres priorités gouvernementales.

La politique de la jeunesse dispose, au-delà des projets innovants et du service civique, d’un certain nombre d’outils, certes perfectibles mais qui doivent être préservés.

● Un réseau d’information jeunesse à adapter et renforcer

Le réseau d’information pour la jeunesse traverse indéniablement des difficultés et répond mal aux besoins des jeunes. Il doit sans doute être réformé, mais consolidé dans son principe.

Le Centre d’information et de documentation jeunesse (CIDJ) est structurellement déficitaire et les divers plans d’économies n’ont pas été à la hauteur du déficit, ses recettes diminuant en raison de l’offre d’un produit aujourd’hui moins attractif. À la fin de l’année 2013, son déficit devrait s’élever à 800 000 euros ; le fonds de roulement ne représente que dix jours de fonctionnement. Sollicité en ce sens, le centre ne semble pas avoir été capable de proposer un plan de redressement satisfaisant. L’État continue d’assumer ses responsabilités en maintient sa subvention d’un montant de 2,5 millions d’euros pour 2014, mais la question d’une réorganisation semble désormais posée.

Une réflexion doit donc être engagée sur l’avenir du CIDJ et plus largement sur le réseau d’information en direction des jeunes, morcelé entre divers interlocuteurs et dont les ressources sont disparates. Comme l’a noté le ministère chargé de la jeunesse, à l’heure actuelle, le CIDJ tire principalement ses recettes de l’offre d’informations payantes alors que celle-ci relève d’une mission de service public. Il semble envisagé d’assurer un financement de l’État pour soutenir la production d’une information en direction de la jeunesse, à diffusion large. L’Union nationale de l’information jeunesse pourrait assurer l’animation territoriale des centres régionaux d’information jeunesse, dont le maillage est satisfaisant. Si de telles orientations devaient être mises en œuvre, il conviendrait d’être extrêmement vigilant quant au sort qui serait réservé aux 80 salariés du CIDJ et qui ont, pour la majorité d’entre eux, passé un grand nombre d’années au service de cette institution ; un accompagnement de l’État serait indispensable.

● Les services de l’État face à l’enjeu de la réforme des rythmes éducatifs

Les accueils collectifs de mineurs sont un autre outil essentiel au service de la politique de la jeunesse, et désormais un enjeu majeur avec la mise en œuvre des nouveaux rythmes éducatifs. Celle-ci s’accompagne d’un besoin pressant en personnels d’encadrement périscolaire qualifiés. La poursuite de la rénovation des diplômes de la jeunesse, de l’éducation populaire et du sport délivrés par le ministère devrait permettre de garantir la qualité de ces encadrants, dès lors qu’ils en sont titulaires (brevet professionnel, de niveau IV ; diplôme d’État, de niveau III ; diplôme d’État supérieur, de niveau II). Mais la question des contrôles et des moyens qui y sont affectés est aujourd’hui centrale. On peut craindre que les services de l’État ne soient pas suffisamment armés pour les diligenter.

D’après le projet annuel de performances, le nombre d’agents dans les services mobilisés pour les contrôles des accueils collectifs de mineurs s’est élevé à 733 en 2011 et 737 en 2012, mais le nombre total de contrôles a légèrement régressé (de 0,6 %), passant de 9 630 à 9 571. Ces effectifs permettront-ils de faire face à l’augmentation attendue du nombre d’accueils de loisirs périscolaires qui seront déclarés dans le cadre des projets éducatifs territoriaux ? Comment la qualité éducative des activités proposées aux enfants sera-t-elle garantie ? Le projet annuel de performances prévoit que 15 % seulement des accueils avec hébergement déclarés seront contrôlés, ce taux s’établissant à 16 % pour les accueils sans hébergement, soit la même intensité de contrôles qu’en 2013.

Alors qu’il ne semble pas être prévu de renforcer les effectifs des services déconcentrés, les objectifs semblent difficiles à tenir. Ce point est d’ailleurs souligné par le projet annuel de performances qui indique que le suivi des accueils de loisirs périscolaires « représentera un effort significatif pour les services soumis à un schéma d’emploi arrêté lors du précédent budget triennal ». La solution envisagée consiste donc en une amélioration du ciblage des évaluations et des contrôles, toute la difficulté consistant à contrôler les nouveaux lieux d’accueil sans pour autant relâcher l’effort sur les autres types de lieux.

Il semble qu’une fois encore, le ministère chargé de la jeunesse soit chargé de contribuer à une politique sans disposer des moyens appropriés. La situation semble d’autant plus critique que c’est la protection des mineurs qui est en jeu.

● Le partenariat avec des opérateurs privés, une « bouffée d’oxygène » au principe contestable

Il est révélateur que faute de moyens, le ministère soit conduit à s’en remettre à des partenariats avec des acteurs privés pour conduire des actions relevant de la politique de la jeunesse. C’est le cas avec la convention signée, le 7 juin 2013, entre la ministre chargée de la jeunesse et le président-directeur général de Total qui prévoit le financement, à hauteur de 17 millions d’euros et pour trois ans, de projets en matière d’accès à l’emploi, de parcours d’insertion et d’accès à la culture.

Déjà partenaire du Fonds d’expérimentation pour la jeunesse, Total poursuit donc ses interventions dans la sphère publique et parapublique du secteur de la jeunesse, ce qui pose question. L’État devra-t-il, à l’avenir, compter sur la philanthropie supposée de grands opérateurs privés pour financer ses politiques ? Surtout, une telle évolution ne s’apparente-t-elle pas à une privatisation de l’action publique qui ne dirait pas son nom ? Il est particulièrement préoccupant que la faiblesse des moyens du ministère conduise le Gouvernement à accepter de tels montages.

Les responsables de têtes de réseau associatives entendus par la rapporteure pour avis ont fait état de leurs inquiétudes en matière de financement public. Après une longue période au cours de laquelle le soutien aux associations a été réduit, on en est arrivé à un niveau en-deçà duquel il paraît difficile d’aller.

Comme l’indiquent de récents travaux de Mme Viviane Tchernonog, chercheuse au Centre national de la recherche scientifique, les financements publics ont été marqués par « une baisse considérable de la part de l’État et un rôle plus important des acteurs locaux, notamment des conseils généraux », qui a permis « de compenser la baisse des financements de l’État jusqu’à la crise. Mais cette compensation n’a pu se faire que dans certaines proportions, et de nombreuses associations n’ont pas pu remplacer le partenariat qu’elles avaient construit avec l’État » (4). Mme Tchernonog constate que dans le même temps, la tendance à une transformation des subventions publiques en « commandes publiques » s’est accélérée, du fait d’une modification profonde de la conception des relations entre l’État et les associations.

Comme dans le domaine du sport, le ciblage des aides et les appels à projets se sont largement répandus concernant le soutien à la vie associative et à l’éducation populaire. Les auditions menées par la rapporteure pour avis permettent de constater que la généralisation de ces pratiques pose de réels problèmes aux associations qui considèrent qu’elles ne permettent pas de financer leurs initiatives de manière satisfaisante, dès lors qu’il leur faut servir des objectifs gouvernementaux pour bénéficier d’un soutien.

Selon Mme Irène Pequerul, présidente du Comité pour les relations nationales et internationales des associations de jeunesse et d’éducation populaire (CNAJEP), on peut distinguer plusieurs catégories d’associations. Les plus importantes par la taille parviennent à compenser la diminution des financements publics en diversifiant leurs sources de revenus. Les plus petites, notamment les associations de proximité, rencontrent des difficultés mais parviennent, pour certaines, à maintenir la tête hors de l’eau. Les associations de taille moyenne sont finalement celles qui pâtissent le plus de la situation actuelle. Il s’agit notamment des fédérations qui jouent un rôle essentiel en matière de structuration et d’animation de la vie associative.

Comme l’a indiqué à la rapporteure pour avis Mme Irène Pequerul, tout semble fait, actuellement, pour faire intégrer la contrainte budgétaire aux acteurs et actrices associatifs. Or ceux-ci ont de grandes difficultés à trouver des financements alternatifs aux subventions publiques. Les associations sont ainsi confrontées à une raréfaction de leurs ressources. Le financement privé suppose de développer une activité d’une nature quasi-marchande, ce qui est délicat lorsque les ménages sont eux aussi soumis à la contrainte économique, et suppose éventuellement de ne s’adresser qu’aux plus solvables, au risque de dénaturer les associations choisissant une telle voie. L’appel à la générosité publique connaît lui aussi ses limites, surtout en période de crise, de même que le mécénat qui demeure ciblé sur certains types d’actions.

Finalement, on en arrive à ce que les associations soient mises en concurrence pour bénéficier du soutien public dans le cadre d’appels à projets, ce qui les prive de toute perspective de financement stable à moyen et long termes et peut les placer dans des situations délicates en matière de trésorerie. Il convient, au contraire, d’assurer aux associations un financement qui s’apparente à un « socle de sérénité », pour reprendre les termes Mme Irène Pequerul.

Les travaux précités de Mme Viviane Tchernonog mettent en évidence le besoin en professionnalisation de l’emploi associatif : près d’un tiers des associations employeurs rencontrent des difficultés pour trouver ou conserver des salariés ayant les qualifications qui leur sont nécessaires. Ce point a également été souligné lors des auditions menées par la rapporteure pour avis. La technicité du travail des bénévoles et des salariés associatifs devient de plus en plus importante, et le besoin en emploi qualifié est croissant.

Or ce besoin est difficile à satisfaire. Les formules d’emplois d’avenir ou de service civique ne permettent pas d’y répondre correctement et nécessitent même un encadrement renforcé des jeunes accueillis dans ce cadre. Ce sont, en pratique, les subventions accordées par le Fonds de coopération de la jeunesse et de l’éducation populaire (FONJEP) qui permettent d’embaucher des salariés qualifiés sur des emplois pérennes.

Le ministère chargé de la vie associative a reconduit son soutien au fonds dans le projet de loi de finances pour 2014, mais le doute susbsiste sur ce que sera la contribution du ministère de la culture au dispositif. De toute évidence, un effort accru doit être consenti en la matière, d’autant plus que l’intervention du fonds joue souvent un « effet levier » en suscitant des financements complémentaires, notamment en provenance des collectivités territoriales.

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En conclusion, la rapporteure pour avis s’inquiète de la situation du ministère des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative. La justesse des ambitions de Mme Valérie Fourneyron, ministre, ne peut être mise en cause. On doit en revanche s’inquiéter de la faiblesse des moyens dont celle-ci disposera pour mettre en œuvre les politiques dont elle a la charge. La « casse » du ministère, organisée par la précédente majorité, a indéniablement laissé des marques. Mais il était de la responsabilité du présent Gouvernement de le doter suffisamment en personnels et en financements pour qu’il puisse assumer ses missions.

Malheureusement, en dépit des priorités affichées, l’effort nécessaire n’a pas été consenti. On en est arrivé à une situation désormais critique.

La rapporteure pour avis souhaite avoir une position constructive, mais estime aujourd’hui indispensable d’alerter sur le sous-financement chronique de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ». C’est pourquoi elle appelle l’ensemble de ses collègues à s’abstenir lors du vote sur les crédits de cette mission.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

AUDITION DE LA MINISTRE

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation procède, le mardi 22 octobre 2013, en commission élargie à l’ensemble des députés, dans les conditions fixées à l’article 120 du Règlement, à l’audition de Mme Valérie Fourneyron, ministre des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative, sur les crédits pour 2014 de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » (5).

EXAMEN DES CRÉDITS

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation examine pour avis, au cours de sa séance du mardi 29 octobre 2013, les crédits pour 2014 de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » sur le rapport de Mme Marie-George Buffet.

M. le président Patrick Bloche. Nous examinons les crédits pour 2014 de deux missions qui ont déjà été débattues en commission élargie : « Action extérieure de l’État » – sous l’angle du programme « Diplomatie culturelle et d’influence » – et « Sport, jeunesse et vie associative ».

Le bureau de la commission a décidé de consacrer le temps nécessaire à la présentation et à la discussion des rapports de nos rapporteures pour avis, afin de faire honneur au travail qu’elles ont mené pendant plusieurs semaines et de mettre en valeur les thématiques qu’elles ont traitées.

Le 22 octobre dernier, les crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » ont été examinés en commission élargie, en présence de Mme Valérie Fourneyron, ministre des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative, qui a présenté les crédits de son ministère et répondu à de nombreuses questions. Je remercie Marie-George Buffet pour son investissement dans le travail sur cette mission budgétaire.

Madame la rapporteure pour avis, vous avez choisi de vous interroger, au vu des moyens modestes accordés au ministère, sur sa capacité à accomplir ses missions et à respecter les engagements pris en début de législature. Votre enquête vous renforce dans votre préoccupation.

Mme Marie-George Buffet, rapporteure pour avis des crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ». Lors de la commission élargie du 22 octobre, consacrée à la mission « Sport, jeunesse et vie associative », Mme la ministre Valérie Fourneyron a développé ses objectifs avec beaucoup de rigueur et de dynamisme, et a répondu avec précision à toutes nos questions ; son apport au débat fut déterminant.

La mission affiche une hausse de plus de 19,6 % en autorisations d’engagement et de 19,3 % en crédits de paiement. On pourrait s’en féliciter ; mais cette augmentation est liée à l’inscription, en 2014, sur cette mission, d’un pécule de 100 millions d’euros au titre du plan des investissements d’avenir (PIA), utilisable par appel à projets de 2014 à 2017, et qui intéresse également l’éducation nationale. L’audition de Mme la ministre comme celle de M. le ministre de l’éducation ont témoigné de la complexité de gestion et d’utilisation de ce nouveau programme 411, intitulé « Projets innovants en faveur de la jeunesse ». Notre commission devra, à moyen terme, faire un point d’étape quant à la maîtrise de ces crédits par le ministère des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative. En effet, les exigences qui y sont associées – caractère innovant des projets, ampleur des territoires et des réseaux concernés – peuvent exclure de ce financement les réponses à des besoins bien réels, tels que le fonctionnement des centres de loisirs, bouleversé par la réforme des rythmes scolaires.

Si l’on ne tient pas compte de ce programme 411, à périmètre constant, les deux programmes « Sport » et « Jeunesse et vie associative » régressent de 2,9 % et de 1,1 % respectivement. Au-delà du budget pour 2014, la lente érosion des moyens du ministère contribue depuis des années à élargir le fossé entre son champ de compétences et les moyens qui lui sont attribués : 460 millions d’euros. À terme, cette érosion posera la question de l’existence même d’un ministère de plein exercice. En 2012, lors de la commission élargie consacrée au budget pour 2013, le rapporteur de la commission des finances s’était d’ailleurs demandé, avec ironie, si le montant examiné justifiait encore l’existence d’une mission.

Nous sommes tous attachés au ministère des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative, et à ses missions : l’accès de toutes et de tous à la pratique sportive, sur tout le territoire et à tous les niveaux ; la protection des valeurs du sport et de l’intégrité physique et psychique des sportives et des sportifs ; le soutien du mouvement sportif ; le développement de la vie associative dans le respect de ses objectifs propres d’éducation populaire ; l’impulsion d’une politique de jeunesse ; la formation et les métiers correspondant à ces missions. Avec des moyens aussi réduits, le ministère peut-il garder la capacité de les remplir ? Pense-t-on encore que l’intervention publique dans ces champs de compétence reste nécessaire ? Si notre réponse est positive – et je n’en doute pas –, il faut permettre à ce ministère de relever trois défis et d’ouvrir un chantier.

Avant tout, le ministre doit recouvrer la maîtrise de ses personnels. Ce ministère atypique doit gérer un personnel quasiment militant qui connaît bien le sujet et le terrain, régir des métiers spécifiques – conseiller technique, conseiller d’éducation populaire et de jeunesse – et travailler en partenariat étroit avec le monde associatif et les collectivités territoriales. La révision générale des politiques publiques (RGPP) et, surtout, la disparition des directions déconcentrées ont eu pour conséquence de compliquer la mobilisation, par le ministre, de ses personnels et de dégrader, au niveau départemental, le partenariat avec le mouvement sportif et les associations, pourtant vivace à l’échelle nationale. La méconnaissance des métiers du sport et de l’éducation populaire de la part de l’administration préfectorale crée des frustrations lourdes au sein du personnel. Il faut donc travailler à recréer une véritable direction des ressources humaines propre à ce ministère, à rouvrir un portail « Jeunesse et sport » au niveau des départements, à donner une nouvelle visibilité aux métiers du sport et à continuer à contrôler les écoles nationales dépendant du ministère et les contenus des formations dispensées dans les centres de ressources, d’expertise et de performance sportives (CREPS), aujourd’hui régionalisés.

Le deuxième défi revient à attribuer au ministère un socle de moyens lui permettant d’assurer ses missions premières, ce qui implique de retrouver une capacité de financement public d’État, aujourd’hui marginal – bien inférieur à celui des familles et des collectivités territoriales – et fragilisé par sa dépendance à l’égard de celui du Centre national pour le développement du sport (CNDS), fondé sur les paris en ligne, les jeux et les droits télévisuels. Même si ma proposition doit vous paraître hors du temps, je pense qu’il faut travailler, sur les trois ans à venir, à une progression du budget du ministère, qui lui permettrait de retrouver une marge d’initiative et d’action. Ce défi implique également d’en finir avec le recours systématique aux appels à projets concernant des publics ou des objectifs ciblés. Le financement du sport se justifie, car celui-ci concourt à la santé de la population, à la cohésion et à l’insertion sociales, mais également à la création d’emplois. Le ministère ne peut pas reprendre à son compte tous les objectifs normalement dévolus à ses homologues. C’est en développant les clubs, en augmentant le nombre de licenciés, en renforçant la formation des bénévoles, en préservant l’éthique et les valeurs du sport, en encadrant le sport de haut niveau par des spécialistes, en construisant les infrastructures nécessaires, que l’on arrivera à développer l’emploi, à aménager le territoire, à contribuer à la cohésion sociale, au développement économique et bien entendu à la santé.

Enfin, il faut redonner cohérence et visibilité à l’action du ministère en faveur de la vie associative, de la jeunesse et de l’éducation populaire. La mise en place, par le Gouvernement, du Comité interministériel de la jeunesse, doté d’un délégué interministériel et d’un secrétariat permanent, constitue une avancée considérable. La politique en direction des jeunes – priorité du Président de la République – nécessite une mobilisation de l’ensemble des ministères : emploi, santé, éducation, culture. Cette avancée redonne au ministère des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative le rôle de coordinateur et de pilote, et on ne peut que s’en féliciter. Cela démultipliera sa force d’action et d’initiative, amoindrie par la prolifération des dispositifs en direction de la jeunesse.

Le développement de la vie associative des jeunes et de l’éducation populaire demeure pourtant une responsabilité propre au ministère. L’engagement de la jeunesse se lit dans le succès du service civique qui absorbe les deux tiers de la ligne jeunesse de ce budget et doit, à terme, accueillir 100 000 jeunes. Mais il ne s’y résume pas, s’exprimant également dans les grandes associations de jeunesse. Nous avons ainsi auditionné la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC) qui fait un remarquable travail de proximité, notamment auprès des travailleurs saisonniers. Des associations comme celle-ci jouissent aujourd’hui de peu de visibilité, et demandent à être confortées par un financement pérenne.

Le rapport sur la vie lycéenne avait également abordé la question de la démocratie dans les établissements ; il nous faut soutenir les organisations que se donnent les lycéens ou les étudiants pour mener leur action. Nous devons également conforter les grands réseaux d’éducation populaire. Cela implique de travailler avec eux à une nouvelle évaluation de leur mission – la dernière datant de plus de dix ans – et à une redéfinition de leurs objectifs, et de développer l’aide directe aux associations, notamment à travers le Fonds de coopération de la jeunesse et de l’éducation populaire (FONJEP) et les subventions.

Le chantier à ouvrir – qui, comme nous l’avons constaté lors de l’audition du président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF), M. Denis Masseglia, est en réalité déjà commencé – est celui du modèle sportif français. Celui-ci repose sur une idée simple : le sport est un droit, et appelle à ce titre des politiques publiques. Ces politiques ont commencé, sous le Front populaire, par la création du brevet sportif populaire et les premières aides publiques de l’État à l’équipement communal sportif. Au fil des décennies, on a construit un véritable partage des missions de service public entre l’État et le mouvement sportif : l’État finance les fédérations sportives, qui gardent le monopole de l’organisation de leurs disciplines respectives, y compris des compétitions ; en contrepartie, l’État exerce sur elles une tutelle – qui passe par les agréments, les conventions, l’encadrement des diplômes et des techniques, et les règlements intérieurs –, les droits et les devoirs des fédérations étant inscrits dans la loi. Ce modèle a permis de favoriser l’égalité d’accès au sport, de promouvoir ses valeurs et de conférer à la France la sixième place au niveau international pour le sport de haut niveau. Mais il est aujourd’hui fragilisé par plusieurs évolutions : l’affaiblissement du financement de l’État, le rôle de plus en plus important des collectivités territoriales, le développement du sport professionnel. Rappelons que l’existence d’une ligue professionnelle du rugby ne date que des années 2000 ; le mouvement s’est donc fortement accéléré durant la dernière décennie. Du statut de société anonyme à objet sportif, les clubs passent à celui de société anonyme de droit commun ; on ne sait plus, dès lors – on le constate dans le débat sur la taxation des hauts revenus à 75 % –, si l’on a affaire à des clubs sportifs ou à des entreprises. Certains ont même revendiqué une rupture de la filiation avec l’association sportive, ou évoqué la volonté de créer des ligues fermées.

L’unité même du sport à travers la vie fédérale devient moins évidente. Dans beaucoup de disciplines, la professionnalisation du haut niveau est très avancée ; il est impossible, si l’on veut jouer un rôle de premier plan dans les compétitions internationales, de mener en parallèle une carrière professionnelle. Le développement du sport de loisir se poursuit également. Les disciplines sont de plus en plus nombreuses – elles se sont par exemple multipliées dans le domaine des arts martiaux –, mais de moins en moins à bénéficier d’une véritable visibilité médiatique. Le rôle des structures – notamment des fédérations – internationales s’est accru ; le rugby, par exemple, cherche en ce moment à se doter d’une structure européenne équivalant à celle du football.

Face à ces réalités, nombreux sont ceux qui estiment – dans tous les courants partisans – que l’État devrait limiter son action au soutien au sport pour tous, que le sport de haut niveau devrait relever du mouvement sportif – et notamment du CNOSF et des fédérations –, et le sport professionnel vivre sa vie indépendante des missions de service public. Pour ma part, je m’y oppose ; le sport étant un droit, l’égalité d’accès de tous et de toutes à la pratique sportive, à tous les niveaux et sur tout le territoire, tout comme le soutien aux valeurs et à l’éthique du sport, exigent une impulsion de l’État, une régulation et un contrôle. La capacité d’autorégulation du mouvement sportif n’est pas avérée : on a pu le constater dans le cas de la lutte contre le dopage où il a fallu que les États européens interviennent au niveau international pour que le Code mondial antidopage voie le jour. De même, il est nécessaire d’établir des outils de contrôle et de gestion pour réguler l’argent qui circule dans le sport.

Seul le financement public peut assurer la pérennité de toutes les disciplines, dont certaines seraient condamnées en cas de passage au financement privé. Dans le domaine sportif, l’engagement public est tout aussi nécessaire qu’il l’est dans celui de l’éducation. Mais il faut modifier les conditions du partenariat, clarifier les compétences et redonner à la puissance publique – aux collectivités, mais également au ministère – les moyens d’assurer sa mission. Il faut également développer la vie démocratique des fédérations, car faire débattre les orientations et les objectifs du mouvement sportif par l’ensemble des licenciés en rehausserait la force et la portée. Le projet de loi de programmation et d’orientation qui nous sera présenté par Mme la ministre en 2014 devrait répondre à toutes ces interrogations.

Le ministère des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative représente un très bel outil de l’action de l’État, et il est temps de lui redonner les moyens indispensables à son ambition. C’est ainsi qu’il faut comprendre mon appel à l’abstention sur ce budget : au lieu de se plaindre, année après année, de sa petitesse, il faut donner un signe fort en faveur de son augmentation, pour qu’il continue à alimenter un véritable ministère capable de prendre les initiatives nécessaires.

M. Pierre Léautey. Avant tout, je tiens à saluer la qualité du travail et la connaissance du sujet de notre rapporteure pour avis.

Le budget total du ministère des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative s’élève, pour 2014, à 833 millions d’euros, avec une dotation exceptionnelle de 100 millions d’euros issue du programme d’investissements d’avenir (PIA). Cette dotation assure une hausse de 14 % du budget du ministère et apporte un soutien fort en faveur de la jeunesse, notre priorité. Hors PIA, le budget reste globalement stable – fait notable dans le contexte des nécessaires restrictions budgétaires. Il traduit la feuille de route du Gouvernement – qui donne la priorité à l’emploi, à la croissance et à la jeunesse – tout en permettant de respecter nos engagements en matière de maîtrise des dépenses publiques.

Ainsi, le ministère s’engage à porter 15 000 emplois d’avenir, soit 10 % du total prévu ; à ce jour, les deux tiers de cet objectif sont déjà atteints. Le soutien à l’emploi associatif représente 51 millions d’euros, 26 millions étant alloués au FONJEP – qui accompagnera 3 700 emplois qualifiés – et le reste au CNDS – qui soutiendra 3 000 emplois dans les associations sportives. L’allègement – à hauteur de 314 millions d’euros – des charges pour les associations employeurs, grâce à l’abattement de la taxe sur les salaires, constitue également une mesure forte en faveur de l’emploi associatif. Au total, tous ministères confondus, 81 milliards d’euros sont consacrés à la jeunesse. Le projet de loi de finances 2014 intègre un nouveau programme 411, intitulé « Projets innovants en faveur de la jeunesse », doté de 100 millions d’euros, dont la vocation est d’accompagner la réalisation de projets permettant de lutter efficacement contre les inégalités sociales et territoriales ; il s’agit d’une réelle avancée dont la mise en œuvre reste à préciser.

Plus largement, le ministère poursuit les engagements formulés dès 2012 : l’accès au sport pour tous, la lutte contre les inégalités d’accès à la pratique sportive, la promotion du sport comme outil de santé publique, le rayonnement de la France sur la scène sportive internationale, l’accompagnement individualisé des sportifs de haut niveau et une attention accrue à la lutte contre le dopage – en France et à l’international – et à celle contre les matchs truqués.

Par ailleurs, les fédérations sportives – socle de notre modèle – bénéficient toujours de plus de 30 % des crédits alloués à l’ensemble du programme. Le ministère continue à mettre à leur disposition des moyens humains : plus de 1 600 conseillers techniques et sportifs auront pour mission de les accompagner, ce qui représente un effort de 105 millions d’euros financé par l’État. Quant au CNDS, sa réforme, tout comme le redressement de ses comptes, se poursuit. La ministre a d’ailleurs réaffirmé sa vocation initiale : le développement des pratiques sportives, la lutte contre les inégalités d’accès et l’aide aux territoires.

Les crédits alloués au sport de haut niveau augmenteront de 2,5 % par rapport à 2013, afin de prendre en charge les frais d’études des sportifs ou les coûts liés à la pratique, mais également l’insertion professionnelle et les droits à la retraite.

Enfin, s’agissant du programme « Jeunesse et vie associative », et au-delà du PIA, le ministère a souhaité, pour 2014, mettre l’accent sur l’emploi et la mobilité des jeunes ; cette dernière – élément clé de leur formation – bénéficiera du programme de mobilité « Erasmus + ». L’engagement des jeunes sera conforté, 146 millions d’euros étant prévus en 2014 pour accompagner la montée en charge du service civique. Le soutien direct à l’emploi du secteur associatif et à l’éducation populaire représente une nouvelle stratégie 2013-2015 du Fonds d’expérimentation pour la jeunesse.

Enfin, le ministère prend toute sa part dans l’objectif de maîtrise des finances publiques, à travers une stratégie d’optimisation dans l’ensemble de ses secteurs d’intervention. Il en va ainsi de la politique volontariste visant à régler les dossiers qui grevaient le budget du ministère, qui comprend notamment – conformément aux engagements pris en 2012 – la suppression du versement de l’indemnité pour absence de club résident au consortium Stade de France. Ces mesures symbolisent la volonté de la ministre de construire une politique cohérente et ambitieuse, soucieuse de l’argent public ; c’est pourquoi le groupe SRC votera les crédits pour 2014 de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ».

M. Guénhaël Huet. Je salue, moi aussi, le travail réalisé par Marie-George Buffet, la passion et l’objectivité dont elle fait preuve dans ses analyses.

Lors de son audition en commission élargie, Mme la ministre avait évoqué un budget marqué par l’« ambition » et la « solidité retrouvée ». Certes, le projet de loi de finances pour 2013 ayant sérieusement malmené la mission « Sport, jeunesse et vie associative », on pouvait s’attendre, cette année, à une amélioration. Mais le budget qui nous est présenté ne permet pas de confirmer l’optimisme ministériel. En effet, ainsi que l’a indiqué Mme la rapporteure pour avis, les crédits du programme « Sport » ont diminué de 2,8 % en autorisations d’engagement et de 2,9 % en crédits de paiement par rapport à l’année 2013. Ceux du programme « Jeunesse et vie associative » ont pour leur part diminué de 1,1 %. Seul le changement de périmètre de la mission, avec l’adjonction d’un nouveau programme intitulé « Projets innovants en faveur de la jeunesse », permet de sauver les apparences, même si la dotation de 100 millions d’euros devra s’étaler sur quatre années et sera partagée avec le ministère de l’éducation. En réalité, on assiste donc bien à une érosion des crédits consacrés à la mission « Sport, jeunesse et vie associative », et l’on ne peut que s’en inquiéter.

Au sein du programme « Sport », les crédits affectés au sport pour le plus grand nombre baissent de 51,7 % hors la réserve parlementaire – ce qui n’empêche pas Mme la ministre de clamer qu’il s’agit d’une de ses priorités. Ceux alloués aux fédérations sportives diminuent également de 2,3 %, passant de 85 à 83 millions d’euros, avec notamment des incertitudes quant à l’évolution du nombre de conseillers techniques mis à disposition des fédérations. Seule augmentation que l’on trouve dans ce budget : celle des crédits en faveur du sport de haut niveau, qui progressent de 2,8 % en crédits de paiement. Cependant – et le groupe UMP a déposé un amendement en ce sens –, le ministère devrait fournir des précisions quant à sa volonté en matière d’organisation de manifestations sportives internationales. Celle de l’Euro 2016, à venir, est pour l’essentiel due à l’investissement personnel du précédent Président de la République et de son gouvernement ; mais, actuellement, on manque de visibilité sur les intentions du ministère dans ce domaine.

S’agissant de la taxation des hauts revenus à 75 %, d’aucuns prétendent que les clubs de football sont des entreprises comme les autres, et qu’il n’y a donc aucune raison de les en dispenser. Pourtant, les entreprises classiques ont la possibilité d’externaliser ou d’expatrier les hauts revenus, alors que les clubs de football – qui, par définition, doivent conserver les hautes rémunérations sur le sol français – n’ont pas cette possibilité. Cette taxe est hautement symbolique ; mais on ne gouverne pas uniquement avec des symboles, et la réalité finit toujours par avoir le dernier mot. Cette taxe risque de poser de sérieux problèmes aux clubs professionnels français, dont la majorité sont déjà confrontés à de graves difficultés financières.

Les crédits consacrés à la prévention par le sport et à la protection des sportifs chutent de 1,6 %. Cette baisse affectera à terme le fonctionnement de l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD), alors même que le rapport sénatorial rendu public en juillet dernier montre qu’il reste encore beaucoup à faire dans ce domaine, toutes disciplines confondues.

Pour résumer, plusieurs questions se posent à propose du programme « Sport » : l’évolution du nombre des conseillers techniques mis à disposition des fédérations, l’avenir de la lutte contre le dopage, l’élargissement de l’assiette de la taxe dite « Buffet », ou encore le financement du plan piscine – évoqué par la ministre, mais n’apparaissant nulle part dans les crédits du ministère. On souhaite que le projet de loi de programmation et d’orientation qui nous sera présenté réponde au moins à certaines de ces préoccupations, mais, au vu de la tournure que prennent les propositions budgétaires, on ne peut que craindre pour l’avenir du sport dans notre pays.

S’agissant du programme « Jeunesse et vie associative », nous saluons la forte augmentation des crédits destinés au service civique, mais déplorons la baisse des crédits déconcentrés et des crédits alloués à l’éducation populaire. Nous nous interrogeons également sur ce nouveau programme 411 doté de 100 millions d’euros, dont on ne sait ni ce qu’il recouvrira précisément, ni sur quelle durée, ni comment s’effectuera le partage entre le ministère des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative et celui de l’éducation.

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP ne votera pas les crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ».

M. Rudy Salles. Je salue à mon tour le travail réalisé par Mme Buffet ; son réquisitoire – dont je tiens à la féliciter – frappe par son réalisme. Sa position n’a, du reste, rien de nouveau : ainsi, dans la majorité comme dans l’opposition, Charles Ehrmann – député niçois, ancien doyen de l’Assemblée nationale et défenseur du sport – a toujours voté contre le budget des sports, qu’il considérait comme mauvais, quelle que soit la majorité au pouvoir.

Parce que l’ensemble des enjeux qu’elle rassemble représente des vecteurs de « vivre ensemble », de mixité et de brassage social, la mission « Sport, jeunesse et vie associative » ne saurait se réduire à une variable d’ajustement du budget général. Le sport n’est pas un simple divertissement ; il porte le sens des valeurs, le goût de l’effort et le développement de l’esprit collectif. Le monde du sport fait travailler et vivre des milliers de Français, et en fait rêver des millions d’autres.

Le monde associatif est devenu au fil du temps une composante indispensable du socle économique, social, solidaire et environnemental de notre modèle ; l’ensemble de ses institutions – comme l’Agence du service civique (ASC) ou l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP) – et de ses acteurs, qui donnent tant, méritent pleinement le soutien – y compris financier – de l’État.

Le Président de la République aurait-il, une fois de plus, fait marche arrière ? Nous le craignons. La priorité donnée à la jeunesse est une promesse mort-née, ce budget pour 2014 en est la preuve. Les crédits de l’action « Promotion du sport pour le plus grand nombre » sont divisés par deux. La vie associative et l’éducation populaire voient également leurs crédits baisser. Dans leur ensemble, les crédits alloués à la jeunesse et à la vie associative subissent une baisse préjudiciable de 2,5 millions d’euros. Là aussi, les moyens semblent grandement déconnectés des objectifs et des ambitions que le Gouvernement s’était fixés.

Certes, l’arrivée dans cette mission d’un nouveau programme intitulé « Projets innovants en faveur de la jeunesse » est à mettre à son crédit, mais, à y regarder de plus près, son contenu apparaît bien léger. Pour un peu, on n’y verrait qu’une nouvelle tentative de nous jeter de la poudre aux yeux !

Fort heureusement, la fuite de ces financements ne correspond pas entièrement à une perte pour la mission « Sport, jeunesse et vie associative », le Gouvernement ayant choisi de mettre l’accent sur le sport de haut niveau et le rayonnement de nos champions à l’étranger. Il semblerait pourtant que sa main gauche ignore ce que fait sa main droite, puisque le projet de loi de finances pour 2014 instaure par ailleurs, à la charge des clubs, une taxe à 75 % sur les salaires des sportifs. Nombre de ces clubs verront ainsi leur budget déstabilisé, à tel point, d’ailleurs, que certains ont décidé de se mettre en grève à la fin du mois de novembre : du jamais vu depuis les années 1920 !

Les choix du Gouvernement sont définitivement fâcheux et mauvais pour le monde du sport, pour l’accès de tous aux activités physiques et sportives et pour le développement du monde associatif. Le groupe UDI ne peut qu’émettre un avis défavorable sur les crédits de cette mission.

M. Thierry Braillard. Je félicite à mon tour la rapporteure pour avis pour son travail exhaustif. Ce rapport est un rapport d’alerte sur l’existence même d’un ministère à part entière chargé de la jeunesse, des sports et de la vie associative.

Convaincus que l’intervention publique est utile et nécessaire, nous voyons malgré tout dans ce projet de budget des signes encourageants. L’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance (INSEP) voit ses moyens confortés. Son rôle de pilotage du réseau du sport de haut niveau et des parcours de l’excellence sportive est renforcé, en lien plus étroit avec les fédérations. L’institut a également mis en place, à l’intention des sportifs en fin de carrière, une cellule de reconversion. Ses infrastructures bénéficient d’investissements dont elles avaient bien besoin.

La question des CREPS, en revanche, reste posée. Ne devrait-on pas les transférer aux régions ?

Le sauvetage du CNDS et le recentrage de ses missions sur le sport pour tous sont un autre sujet de satisfaction. L’offre d’infrastructures doit être confortée dans des territoires parfois oubliés, certes, mais pas seulement. Il faut favoriser l’investissement dans les équipements aussi bien en zone urbaine qu’en zone rurale. À titre d’exemple, notre pays manque de halles d’athlétisme. Il n’y en a pas une seule dans toute la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, si bien que le comité départemental des Hautes-Alpes est contraint d’organiser son championnat à Lyon !

Nous nous réjouissons également du renforcement de l’emploi associatif via un soutien marqué au FONJEP et au Fonds pour le développement de la vie associative (FDVA). Le soutien aux associations et fédérations nationales de jeunesse et d’éducation populaire bénéficie d’une dotation de 9 millions d’euros. Par ailleurs, les contrats d’avenir sont un succès : ils représentent 10 % des emplois dans les structures consacrées à la jeunesse et au sport.

En ce qui concerne les moyens du ministère, nous ne pouvons que partager l’avis de Mme la rapporteure pour avis. Les services déconcentrés ne peuvent plus se consacrer à leur mission de proximité. Mais si réquisitoire il y a, mes chers collègues de l’opposition, c’est un réquisitoire contre votre RGPP et contre tout ce que vous avez fait pendant dix ans ! On est passé d’une direction départementale dédiée à une direction englobant la solidarité, l’insertion et l’égalité des chances. Le ministère n’a donc plus de réelle maîtrise de ses moyens d’action sur le terrain.

Par ailleurs, le succès du service civique a des effets chronophages qui peuvent, à terme, grever les crédits du ministère.

L’État s’est désengagé des années durant du tissu associatif et de l’éducation populaire. Les collectivités territoriales ont été amenées à prendre le relais, mais en recourant le plus souvent à des appels à projets qui font passer au second plan le projet associatif. En commission élargie, la ministre s’est montrée rassurante sur ce point, annonçant des propositions gouvernementales pour sécuriser la subvention associative.

Enfin, nous regrettons la désorganisation administrative de la vie associative. Le système paraît à bout de souffle, incapable, notamment, d’informatiser correctement ses bases de données.

Le groupe RRDP votera le budget de la jeunesse, du sport, de la vie associative et de l’éducation populaire, en attendant la discussion du prochain projet de loi de programmation et d’orientation du sport.

M. Régis Juanico, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour les crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ». Alors que la discussion en commission élargie avait porté principalement sur les aspects budgétaires, je trouve intéressant que nous puissions débattre cet après-midi des sujets mis en exergue par Mme Marie-George Buffet dans son rapport pour avis.

S’agissant des crédits, je me suis efforcé de mettre en relief les évolutions à périmètre comparable. Si l’on additionne l’ensemble des programmes et si l’on raisonne à coûts complets, en tenant compte des déversements issus d’autres programmes et correspondant aux moyens de fonctionnement et aux dépenses de personnels du ministère, on arrive à un chiffre légèrement supérieur à 1 milliard d’euros, soit une augmentation de 10 % par rapport à 2013. Mais on a toutes les raisons de retrancher de ce montant les 100 millions du programme exceptionnel 411, qui s’étalera jusqu’en 2017 et pour lequel les premières dépenses interviendront en 2015, l’année 2014 étant consacrée à l’appel à projets. En réalité, donc, les moyens de la mission restent stables par rapport à l’année dernière. On ne peut parler de diminution.

Les recettes du CNDS ont été préservées. Cela n’avait rien d’évident : tous les autres opérateurs de l’État ont été mis à contribution, avec une baisse de 4 % en moyenne.

Je veux aussi préciser que les 100 millions d’euros du PIA sont bien rattachés à la mission « Sport, jeunesse et vie associative » dans le bleu budgétaire. L’éducation nationale bénéficiera d’autres volets de ce plan – par exemple les 150 millions d’euros supplémentaires destinés aux internats de la réussite, pour un objectif de 6 000 places nouvelles. Cela étant, entre le PIA, le Fonds d’expérimentation pour la jeunesse – qui bénéficiera de 12 millions d’euros en trois ans, sur des thèmes qui se recoupent parfois avec ceux des investissements d’avenir – et la convention passée entre le ministère et l’entreprise Total pour 17 millions d’euros, là encore sur des thèmes semblables, je trouve, comme Mme Buffet, que le recours aux appels à projets est trop fréquent. Le ministère et le Parlement doivent non seulement contrôler ces appels à projets, mais aussi redonner des marges de manœuvre aux acteurs concernés.

Je partage certains constats de la rapporteure pour avis au sujet des services déconcentrés du ministère. Il faut aujourd’hui redonner de l’oxygène aux personnels. J’ai mentionné en commission élargie les 250 ETPT consacrés à la seule instruction des dossiers du CNDS : je pourrais aussi évoquer les dossiers du service civique, parfois plus épais. Une action volontaire pour simplifier ces dossiers aussi bien pour les utilisateurs que pour les services instructeurs permettrait d’affecter de nouveau les personnels aux missions centrales du ministère.

M. Patrick Hetzel. Je remercie Mme Marie-George Buffet de nous proposer un avis au sens plein du terme, assorti de véritables prises de position.

J’aimerais également recueillir son avis sur un point précis. Alors que nos concitoyens tiennent beaucoup aux retransmissions sportives à la télévision, il est de plus en plus difficile d’avoir un accès gratuit aux grands événements, accaparés par les chaînes payantes. Les Français souhaitent notamment que le bouquet de la TNT offre un plus grand nombre de matchs de football.

Mme Sophie Dion. Je m’associe aux félicitations que mes collègues vous ont adressées, madame la rapporteure pour avis.

Les crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » ne sont pas à la hauteur des besoins, estimez-vous dans votre avis. Vous regrettez notamment la baisse de près de 3 % des crédits du programme « Sport » : les crédits destinés aux fédérations et à la promotion des métiers du sport diminuent, ceux de l’action « Promotion du sport pour le plus grand nombre » sont amputés de 51,7 %.

Je constate, à cet égard, que ce projet de budget ne considère pas les territoires ruraux et de montagne comme prioritaires en matière de développement de la pratique sportive. Alors que l’on nous répète à l’envi que le sport est un outil d’aménagement du territoire, quelle place leur réserve-t-on ? Selon une étude menée par le ministère des sports en 2012, 36 % des communes rurales ne disposent pas d’équipements sportifs. De ce fait, elles ne peuvent organiser le temps extrascolaire comme le Gouvernement le leur impose. Plus généralement, les déplacements représentent une contrainte importante, tant pour les salariés encadrant les activités sportives et partageant leur temps de travail entre plusieurs sites que pour les pratiquants.

Le sport est un enjeu de développement et d’attractivité des territoires. Je regrette que ce projet ignore, une fois de plus, le fait rural.

M. Benoist Apparu. L’esprit du programme d’investissements d’avenir était de sortir de la logique de l’annualisation budgétaire afin de préparer la croissance pour les vingt prochaines années. Il ne s’agissait pas de se ménager – comme le fait le Gouvernement avec le deuxième PIA – un « troisième tour » budgétaire parce que le ministère n’a pas obtenu les crédits souhaités. Je regrette donc que cette mission, à l’instar de la mission « Enseignement scolaire », inscrive dans le budget les crédits du PIA, les transformant de fait en crédits de droit commun et les détournant de leur destination initiale.

D’autre part, lorsqu’ils paient leur licence sportive, nos concitoyens croient financer leur club : or 90 % du montant de cette licence remontent à la fédération. Le financement global des circuits sportifs pose un problème !

M. Dominique Le Mèner. Si ce budget avait été présenté par la précédente majorité, nul doute que vous auriez formulé un avis de rejet pur et simple et nous d’abstention, madame la rapporteure pour avis !

La formulation à laquelle vous recourez au sujet du service civique – « le poids du service civique » – ne laisse pas de nous inquiéter, car elle suggère que vous souhaitez en limiter l’accès. L’objectif est pourtant la montée en puissance, jusqu’en 2017, d’un dispositif dont chacun peut constater le succès localement, faute d’évaluation globale. Le bénéfice pour nos associations et nos clubs est aujourd’hui avéré. Pourriez-vous nous rassurer sur la pérennité des moyens alloués au service civique ?

M. le président Patrick Bloche. La Commission a récemment auditionné MM. Jean Gachassin et Gilbert Ysern, respectivement président et directeur général de la Fédération française de tennis. Bien que le sujet principal fût le nouveau Roland-Garros, M. Ysern nous a également livré les raisons pour lesquelles, selon la fédération, l’appel d’offres qu’elle avait lancé avait échoué. Je me suis, depuis lors, entretenu avec le directeur du service des sports de France Télévisions, M. Daniel Bilalian. Celui-ci a une vision quelque peu différente de cet échec. Il m’a redit la volonté très forte que France Télévisions avait de jouer pleinement sa mission de service public et de continuer à diffuser dans les prochaines années le tournoi de Roland-Garros, toute comme le Tour de France, dont il vient de conserver les droits de diffusion.

Mme la rapporteure pour avis. Il n’y a pas de partage des 100 millions d’euros du programme 411 entre le ministère de l’éducation nationale et celui des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative : seul le second pilotera l’utilisation de ce montant. Mais, dans sa brochure de présentation du budget, le ministère de l’éducation exerce une amicale pression en suggérant que cet argent pourrait être utilisé intelligemment en partenariat entre les deux départements. Il conviendra donc que notre commission suive attentivement l’emploi de ces sommes.

Ce programme m’inquiète surtout par sa complexité. Après avoir écouté les réponses que l’on nous a faites dans les deux commissions élargies, je ne saisis toujours pas quelle est la nature des projets qui pourraient bénéficier de ces 100 millions d’euros de soutien. J’ai redemandé au ministère des éclaircissements, dans le dessein d’aider les élus et les réseaux associatifs à monter les projets.

Par ailleurs, si la ministre a sanctuarisé les postes de cadres techniques et sportifs dans le budget pour 2014, je veux alerter la commission à propos du discours tenu par certaines fédérations, qui estiment que ces cadres ne correspondent plus à leurs besoins en matière d’encadrement et d’entraînement, et qui préfèrent faire appel à des entraîneurs évoluant dans le privé. Il conviendra peut-être de revisiter les fonctions des cadres techniques pour maintenir l’excellence qui était la leur jusqu’à présent.

S’agissant de la lutte contre le dopage, les crédits sont maintenus. Je crois toutefois que l’action de l’Agence mondiale antidopage perd un peu en intensité. Selon moi, le financement doit essentiellement servir à aider la recherche. Si nous voulons gagner la course-poursuite à laquelle nous contraint l’apparition constante de nouveaux produits dopants, il faut que nos laboratoires – au premier rang desquels l’excellent laboratoire national de détection du dopage de Châtenay-Malabry, qui a découvert notamment comment détecter l’EPO – dispose des financements nécessaires.

Je n’ai rien contre le service civique, monsieur Le Mèner. Le problème, c’est de se donner les moyens d’atteindre l’objectif de 100 000 jeunes volontaires en 2017. Soit nous suivons les voies envisagées par le président de l’Agence du service civique, M. Martin Hirsch, notamment pour réduire la durée ou l’indemnité de certains services – mais il me semble problématique de créer plusieurs services civiques de nature et de valeur différentes –, soit nous accordons les crédits nécessaires au financement du dispositif, ce qui nécessite une augmentation de la ligne « Actions en faveur de la jeunesse et de l’éducation populaire », car il est exclu que cette montée en puissance se fasse au détriment des associations évoluant dans ces domaines.

S’agissant du budget de la jeunesse, des sports et de la vie associative, le réquisitoire porte sur les décennies passées. Lors de son examen, c’est le même « chœur des pleureuses » qui se fait entendre tous les ans, sur tous les bancs de l’Assemblée nationale. Or on ne peut demander à ce petit budget d’être à la fois un facteur de cohésion sociale, un instrument de lutte contre l’exclusion et de résolution des problèmes des quartiers difficiles, un élément de promotion de la mixité, et ainsi de suite, si l’on en reste à ces montants et si l’on prive le ministère de son personnel. Comment voulez-vous qu’une ministre fasse passer ses objectifs si elle ne dispose pas d’une administration qui s’y consacre pleinement ?

Je n’appelle pas à critiquer tel ou tel. Des promesses, tout le monde en a fait ! M. Sarkozy s’était même engagé devant le CNOSF à allouer à la jeunesse et aux sports 3 % du budget de l’État. Aussi notre commission doit-elle insister auprès du Gouvernement pour qu’il revisite ce budget dans les prochaines années afin de redonner au ministère sa capacité d’initiative. C’est parce que celui-ci est privé de marges de manœuvre qu’il fait du ciblage à tout prix, essayant de tirer quelques subsides de la politique de la ville pour soutenir les associations de proximité au détriment des grands réseaux, ou pour aménager un terrain de proximité au détriment du club local, ce qui aboutit à enfermer les jeunes et les associations dans leurs quartiers alors que la politique dont nous avons besoin doit se développer au niveau du territoire.

Ce matin même, d’ailleurs, j’ai entendu le ministre délégué chargé de la ville demander qu’on arrête le ciblage excessif et que l’on mène la politique de la ville au niveau du territoire de la commune. Cela devrait inciter le ministère des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative à élargir l’aide au financement des associations. L’« hyper-ciblage » est source de problèmes : si l’on dit, par exemple, que la question des femmes est prioritaire, toute association ou tout club sportif ayant besoin de moyens saura monter un projet dirigé vers les femmes. Quant à la réalité de la mise en œuvre de ces projets, mieux vaudrait y regarder de plus près !

Il me paraît plus efficace, sur le long terme, de faire confiance aux associations et aux clubs en leur assurant un budget de fonctionnement, quitte à discuter ensuite, lors des conventionnements, de la réalité de leur action.

Je pense aussi que ce ministère peut être une source d’emploi dans la mesure où il comprend différents métiers en son sein et propose des formations à ces métiers. Après l’expérience des emplois jeunes, il se place de façon satisfaisante sur les emplois d’avenir, précisément parce qu’il a encore la capacité de former ces jeunes et de les accueillir dans les associations. Si nous remettons en cause les moyens de formation du ministère et si nous diminuons encore les subventions aux associations, celles-ci ne pourront plus accueillir ces emplois.

Je précise que toutes les associations nous ont dit qu’elles avaient besoin d’emplois qualifiés, tant pour leur fonctionnement que pour l’accueil des emplois d’avenir. On ne peut résoudre la question de l’emploi dans le milieu associatif par les seuls emplois aidés. Il faut aussi des emplois qualifiés, et c’est là le rôle du FONJEP.

Concernant l’accès de tous aux retransmissions sportives à la télévision, Monsieur Hetzel, on peut, bien sûr, élargir par décret la liste des événements d’importance majeure. Mme Fourneyron y travaille avec la ministre de la culture et de la communication. Mais la question principale est celle de la régulation. Si, comme c’est le cas aujourd’hui, certaines fédérations – en nombre limité, il est vrai – essaient d’asseoir leur budget presque exclusivement sur les droits télévisuels, elles créent un cercle vicieux en faisant monter des enchères que la télévision publique ne peut suivre. Le budget des droits de retransmissions sportives de France Télévisions diminuera de 10 millions d’euros en 2014. Ce sont donc des chaînes comme BeIN Sport qui, à la suite de Canal Plus qui s’affronte maintenant à plus gros que lui, achètent les droits.

La régulation des droits télévisuels est un sujet important. Comment les cinq ou six fédérations en cause pourraient-elles construire leur budget pour réguler le montant de ces droits ?

S’agissant de la taxe « Buffet », j’attends les propositions que feront les deux ministres concernées. Pour les droits signés à l’étranger mais qui concernent des événements se déroulant en France, on se dirige vers un règlement de la taxe par les seuls télédiffuseurs, ce qui entraîne de vives protestations de leur part. Je souhaite, pour ma part, que l’on s’en tienne à l’esprit de cette taxe, qui vise à ce que le sport professionnel contribue au financement du sport amateur.

Pour ce qui est des licences, monsieur Apparu, on ne résoudra le problème de la circulation de l’argent dans les fédérations que si l’on franchit le pas démocratique que j’évoquais en introduction.

Aujourd’hui, la vie d’une fédération est réglée par des élections et des cooptations. Le licencié et le bénévole n’ont guère leur mot à dire sur les grandes orientations fédérales, notamment en matière de financement. Tant que l’on n’aura pas donné davantage la parole aux acteurs du mouvement sportif, je ne vois pas comment on pourra faire bouger la répartition des coûts et de l’argent dans les fédérations.

Vous avez raison, monsieur Huet : la Ligue 1 ne se résume pas au Paris-Saint-Germain, à Monaco et à Marseille. Nous l’avons d’ailleurs constaté en préparant, avec vous-même, M. Braillard et M. Deguilhem, notre rapport d’information sur le fair-play financier. Certains clubs sont en grande difficulté. Nous avons vu ce qui s’est passé au Mans et nous connaissons la grande fragilité d’un club comme celui de Lille. Mais ce n’est pas la taxe à 75 % qui les a plongés dans ces difficultés : c’est le poids de la masse salariale dans leur budget. Tant que l’on n’aura pas établi une régulation des salaires, en fixant notamment un salaire plafond, tant que l’on n’aura pas limité les transferts à une seule période par année et non à deux, tant que les agents sportifs ne seront pas rétribués par les seuls joueurs, nos clubs continueront à éprouver ces difficultés.

À moins que l’on n’espère que tous soient rachetés par des fonds, à l’instar du PSG ou de l’AS Monaco ! Lors de leur audition, nous avons demandé aux équipes dirigeantes de ces deux clubs si elles avaient une garantie sur la pérennité de l’engagement de leurs investisseurs qataris ou russes. Elles n’en ont aucune. Tout peut s’écrouler demain.

C’est bien pourquoi il faut reconstruire les budgets des clubs de football professionnel sur des bases différentes. J’espère que les préconisations adoptées sur ce sujet à l’unanimité par notre commission seront suivies d’effets, notamment dans le projet de loi de programmation et d’orientation du sport.

Enfin, je pense que l’organisation de grandes compétitions internationales dans notre pays est indispensable au développement de l’envie de sport chez les enfants et les jeunes. Chaque fois que nous accueillons un grand événement sportif, la pratique sportive de tous y gagne. Il n’y a nullement opposition entre ces deux aspects. Mais il faudra un jour oser interroger les fédérations internationales sur les conditions qu’elles exigent des pays pour qu’ils puissent accueillir une compétition internationale. Le nombre de pays candidats à l’organisation de certains événements diminue, car cela leur devient inaccessible. Lors des Jeux olympiques d’Athènes, le Comité international olympique avait réfléchi aux moyens de mettre les Jeux à la portée d’un plus grand nombre de pays. Cette réflexion a volé en éclats et la course au gigantisme a repris. Je souhaite néanmoins que la France se batte pour obtenir des compétitions.

M. le président Patrick Bloche. Merci, Madame Buffet. Nous avons pris le temps d’un débat qui nous a permis d’aller au fond de nombreux sujets.

Après l’article 76

La Commission est saisie de l’amendement II-AC2 de M. Guénhaël Huet.

M. Guénhaël Huet. Cet amendement vise à solliciter du Gouvernement la présentation, avant l’examen de la loi de programmation et d’orientation du sport, d’un rapport sur l’accueil des compétitions sportives internationales en France, leur coût et leur bénéfice économique.

Mme la rapporteure pour avis. L’amendement se réfère à un projet de loi dont nous ne connaissons ni la teneur ni le calendrier d’examen. Il serait préférable, je crois, de formuler un vœu auprès de la ministre pour que notre commission participe à la réflexion sur les thèmes que vous mentionnez dans l’amendement.

M. Guénhaël Huet. J’apprécie la subtilité de votre argumentation. Mais, entre un vœu et un amendement, il y a une belle différence. Je maintiens mon amendement.

M. Pascal Deguilhem. L’accueil d’une grande compétition internationale peut être évalué autrement que dans le cadre d’un rapport demandé avant même l’examen du futur projet de loi de programmation et d’orientation du sport. Il est plus raisonnable d’attendre l’examen de ce texte qui, peut-être, précisera les contours et les conditions de l’accueil du sport de haut niveau. L’amendement n’est donc pas utile.

M. Patrick Hetzel. L’accueil de telles compétitions est un sujet stratégique, qui provoque des discussions sur leur coût et leurs éventuelles retombées économiques. Disposer de données objectives est donc nécessaire à la fois pour le décideur public et le législateur. Cet amendement permettra d’apaiser le débat parlementaire en évitant les postures.

M. le président Patrick Bloche. Si l’objet de cet amendement mérite intérêt, en revanche, il est inopérant sur le plan juridique puisqu’il vise un texte qui n’a pas encore été présenté en conseil des ministres et n’a donc même pas valeur de projet de loi. Cet amendement repose donc sur du vide.

M. Patrick Hetzel. L’amendement fait simplement référence au futur projet de loi.

M. le président Patrick Bloche. La faiblesse de votre amendement, c’est l’absence de tout projet de loi.

Pourquoi ne pas poser la question à Mme  Fourneyron lorsque le budget des sports sera examiné en séance publique ?

M. Pascal Deguilhem. Je tiens à rappeler la dérive du financement de l’accueil des grandes compétitions internationales au sein du CNDS sous la précédente législature. De plus, Mme Fourneyron a déjà prévu une reformulation des conditions de l’accueil des grandes compétitions internationales. Peut-être cet amendement sera-t-il déjà satisfait avant même l’examen du projet de loi d’orientation.

Mme Sophie Dion. Au nom de mes collègues de l’UMP, je tiens à insister sur la nécessité de traiter cette question. Trop souvent, en effet, on reproche aux grandes compétitions internationales le coût de leur accueil, alors qu’elles ont un effet d’entraînement au profit des petits clubs qui voient leur nombre de licenciés augmenter.

Monsieur le président, vous avez raison, il est difficile de soutenir cet amendement en l’absence du texte auquel il se réfère. C’est pourquoi nous le retirons, tout en nous en remettant à la sagesse du président de la commission.

M. Guénhaël Huet. Nous souhaitons que la commission prenne acte de la nécessité de travailler sur cette question le moment venu.

M. Patrick Hetzel. Nous espérons que, avant l’examen du projet de loi de programmation et d’orientation sur le sport, un parlementaire sera missionné sur le sujet. En effet, il me semble qu’un consensus existe pour faire toute la lumière sur le coût véritable et les bénéfices économiques réels qu’entraîne l’organisation de compétitions sportives internationales sur notre territoire.

L’amendement II-AC2 est retiré.

La Commission donne un avis favorable à l’adoption des crédits pour 2014 de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ».

ANNEXE :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre chronologique)

Ø Institut national du sport, de l’expertise et de la performance (INSEP) M. Jean-Pierre de Vincenzi, directeur général, et M. Nicolas André, chargé de mission

Ø Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP) M. Olivier Toche, directeur, et Mme Candice de Laulanie, adjointe au directeur et déléguée générale de l’Agence française du programme européen « Jeunesse en action »

Ø Agence française de lutte contre le dopage (AFLD)  M. Bruno Genevois, président, Mme Françoise Lasne, directrice du département des analyses, et M. Bruno Lancestremere, secrétaire général

Ø Comité national olympique et sportif français (CNOSF)  M. Denis Masseglia, président

Ø Comité pour les relations nationales et internationales des associations de jeunesse et d’éducation populaire (CNAJEP)  Mme Irène Pequerul, présidente, M. Benoît Mychak, délégué général, et Mme Françoise Doré, trésorière

Ø Ligue du Limousin de basket-ball  M. Gérard Faguet, président

Ø Ligue de l’enseignement – M. Jean-Karl Deschamps, secrétaire national, délégué aux vacances, aux loisirs éducatifs et aux classes de découverte

Ø Ligue d’Île-de-France de basket-ball – M. Christian Auger, président

Ø Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC)  M. Gwendal Ropars, secrétaire national aux relations extérieures

Ø Comité départemental olympique et sportif (CDOS) de l’Eure – M. Raphaël Thomas, président, M. Didier Aubert, secrétaire général, et M. Patrick Veit, trésorier général

Ø Fédération nationale des offices municipaux du sport (FNOMS) M. Jean-François Boëdec, président, et Mme Nicole Debotte, vice-présidente

Ø Fédération française handisport (FFH)  M. Gérard Masson, président

Ø Fonds de coopération de la jeunesse et de l’éducation populaire (FONJEP)  Mme Marion Gret, déléguée générale adjointe, et M. Jean-Marie Laurent, membre du bureau, délégué général adjoint de la Fédération des centres sociaux et socioculturels de France

Ø Syndicat national de l’éducation physique – Fédération syndicale unitaire (SNEP-FSU)  M. Pascal Anger, secrétaire national, M. Jules Lafontan, membre de la direction nationale, et M. Dany Barboza, responsable du secteur des centres de ressources, d’expertise et de performance sportives (CREPS)

Ø Comité départemental olympique et sportif (CDOS) de Seine-Saint-Denis M. Érich Batailly, président

Ø Le Mouvement du Nid  M. Grégoire Théry, secrétaire général, et Mme Anne-Marie Prechais, coordinatrice nationale

Ø Fédération française de boxe (FFB)  M. André Martin, président, et M. Kévinn Rabaud, directeur technique national

Ø Fédération française de rugby (FFR)  M. Pierre Camou, président, M. Jean-Claude Skrela, directeur technique national, et M. Olivier Keraudren, directeur de cabinet du président et directeur des activités sportives et juridiques

Ø Association nationale des centres d’entraînement aux méthodes d’éducation active (CEMÉA)  M. Jean-Luc Cazaillon, directeur général, et M. Vincent Chavaroche, directeur général adjoint

Ø Agence du service civique  M. Martin Hirsch, président, et Mme Hélène Paoletti, directrice par intérim et secrétaire générale

Ø Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) – Éducation  M. Samy Driss, conseiller national, chargé de mission, M. Jean-Paul Krumbholz, secrétaire général du Syndicat national des activités physiques et sportives (SNAPS), et Mme Caroline Jean, membre du SNAPS

Ø Fédération française de Taekwondo et disciplines associées  M. Roger Piarulli, président

Ø Fédération française de karaté et disciplines associées  M. Francis Didier, président

Ø Fédération sportive et gymnique du travail (FSGT)  Mme Lydia Martins Viana, co-présidente, et Mme Emmanuelle Bonnet Oulaldj, directrice générale

Ø M. Loïc Duroselle, conseiller budgétaire au cabinet de Mme Valérie Fourneyron, ministre des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative

Ø Mouvement rural de jeunesse chrétienne (MRJC)  M. Simon Besnard, président

Ø Association nationale des ligues de sport professionnel  M. Patrick Wolff, président

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