N° 1430 tome XIV - Avis sur le projet de loi de finances pour 2014 (n°1395)



N
° 1430

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 octobre 2013

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES SUR LE PROJET DE
loi de finances pour 2014
(n° 1395)

TOME XIV

OUTRE-MER

PAR M. Serge LETCHIMY

Député

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Voir les numéros : 1395, 1428 (annexe 34).

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 5

ANALYSE BUDGÉTAIRE - LE PLF 2014, UN BILAN GLOBALEMENT SATISFAISANT 9

I. LA MISSION « OUTRE-MER » 9

A. LE PROGRAMME 138 : « EMPLOI OUTRE-MER » 10

B. LE PROGRAMME 123 : « CONDITIONS DE VIE OUTRE-MER » 12

II. L’EFFORT GLOBAL DE L’ÉTAT EN FAVEUR DE L’OUTRE-MER 14

III. LA RÉFORME DE LA DÉFISCALISATION 16

ANALYSE THÉMATIQUE - LA TRANSISTION ÉNERGÉTIQUE EN OUTRE-MER 19

I. LES OUTRE-MER SONT DÉJÀ BIEN ENGAGÉS DANS LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE 19

A. LE POTENTIEL DES OUTRE-MER EN MATIÈRE D’ENR 19

1. Des contraintes à surmonter 19

2. Des atouts à valoriser 21

B. DE MULTIPLES PROJETS EMBLÉMATIQUES ET PERFORMANTS 22

1. La filière éolienne 22

2. La filière photovoltaïque 22

3. La filière géothermique 23

4. La filière biomasse 23

5. La filière marine 24

6. La filière hydraulique 25

II. LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE EST UNE OPPORTUNITÉ UNIQUE POUR LES OUTRE-MER 25

A. LA « TROISIÈME RÉVOLUTION INDUSTRIELLE » : UN NOUVEL HORIZON POUR LES OUTRE-MER ? 25

1. Qu’est-ce que la troisième révolution industrielle ? 25

2. En quoi ce modèle est-il pertinent pour les territoires ultramarins ? 27

B. LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE DOIT DONC ÊTRE APPROFONDIE, SELON UNE APPROCHE RÉNOVÉE 27

1. Un renouveau institutionnel, technologique et financier 27

2. Une approche transversale touchant toutes les politiques publiques 31

EXAMEN EN COMMISSION 33

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 35

INTRODUCTION

La situation économique des outre-mer demeure morose, même si des signes de reprise apparaissent. Ainsi, près d’un an après la promulgation de la loi relative à la régulation économique des outre-mer(1), la hausse des prix a fortement décéléré, dans les départements et régions d’outre-mer (DROM) comme dans les collectivités d’outre-mer (COM). Toutefois, le marché du travail reste dégradé, le taux de chômage avoisinant de 22 % aux Antilles et en Guyane, et dépassant 28 % à La Réunion. Les chiffres sont encore plus élevés s’agissant des jeunes sans formation, puisque le taux de chômage atteint 40 %.

Alors que le président François Hollande a fait des outre-mer une priorité de son mandat, le Gouvernement entend bien répondre à cette situation, en développant des outils adaptés aux particularismes ultramarins.

Le vote de la loi relative à la régulation économique des outre-mer a été le premier volet.

Demain, un projet de loi relatif à la compétitivité et à l’emploi outre-mer sera examiné au Parlement, afin d’engager l’avenir : il s’agit du deuxième volet principal de l’action du Gouvernement.

Outre ces textes, plusieurs autres non dédiés spécifiquement aux outre-mer ont permis de gommer quelques anomalies qui pénalisaient ces territoires. Ainsi, la loi dite « Brottes »(2) a été l’occasion de modifier le code de l’urbanisme et la loi « littoral »(3) afin de relancer les énergies renouvelables en outre-mer. De même, le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, qui sera examiné par votre commission à compter du mois de décembre 2013, comporte un titre consacré aux outre-mer.

Aujourd’hui, c’est la discussion du projet de loi de finances qui retient l’attention. Votre rapporteur est heureux de constater que conformément aux engagements du Président de la République, les efforts entrepris en direction des outre-mer en 2013 sont poursuivis en 2014. Alors que les dépenses de l’État sont en baisse, l’engagement du Gouvernement auprès des collectivités ultramarines est réaffirmé, au service de l’emploi et de la croissance, le budget de la mission « outre-mer » croît de 1 %. Or, comme l’a dit M. le ministre Victorin Lurel lors de la présentation du budget des outre-mer, « progresser c’est déjà un signe fort. Progresser dans un tel contexte, c’est encore plus remarquable ».

Il est à noter que les outre-mer prennent leur juste part à l’effort national de maîtrise des dépenses publiques, ce qui se traduit, notamment, par une dépense plus efficiente et une stabilisation des dépenses de fonctionnement. La réforme de la défiscalisation est l’une des expressions de cette rationalisation de l’action de l’État outre-mer.

Au-delà de la mission outre-mer, l’effort budgétaire global de l’État en direction des outre-mer est conséquent, puisqu’il atteint 14,2 milliards d’euros en crédits de paiement. Compte tenu de la situation économique et sociale des outre-mer, cet effort est presque intégralement tourné vers le maintien et la création d’emplois, l’accroissement de la compétitivité des entreprises et l’amélioration des conditions de vie des ultramarins. C’est à cette analyse budgétaire qu’est consacrée la première partie du présent rapport.

Comme l’an passé, votre rapporteur a souhaité consacrer la seconde partie de son rapport à l’analyse d’une thématique particulière. Cette année, le choix s’est porté sur la transition énergétique outre-mer. Ce choix est d’abord calendaire, puisque la discussion du projet de loi sur la transition énergétique approche. Il est aussi philosophique : aux yeux de votre rapporteur, la transition énergétique ne doit pas se percevoir uniquement comme la simple promotion des énergies vertes ou des transports collectifs. La transition énergétique constitue en effet le fondement d’un changement de mode de pensée, qui réinvente les politiques de développement économique, social et humain.

Les particularismes des outre-mer ont longtemps été perçus comme des inconvénients, véhiculant l’image de territoires sous perfusion et ayant vocation à le demeurer. Il est grand temps que chacun prenne conscience que ces particularismes sont autant d’atouts à valoriser, par l’élaboration d’une nouvelle approche de la croissance et du développement. Votre rapporteur est ainsi convaincu que la transition énergétique constitue une opportunité pour les outre-mer de s’affranchir de l’image de territoires d’expérimentation. En se dotant d’une nouvelle culture d’appropriation de l’énergie, c’est l’ensemble du modèle qui est susceptible d’évoluer.

*

* *

Votre rapporteur se félicite donc du projet de budget présenté par le Gouvernement. De manière générale, le projet de loi de finances lui semble équilibré, d’autant que l’importante réforme de la défiscalisation a été menée après une large concertation. Il note cependant que certaines offensives ont tendu à remettre en cause cet équilibre à l’occasion de l’examen de la première partie du projet de loi de finances. Au final, la situation est plutôt satisfaisante, mais votre rapporteur veillera à préserver les outre-mer, surtout lorsque leur sort est évoqué à travers le seul prisme budgétaire, sans que la réalité du terrain ne soit prise en compte.

Bien entendu des questions demeurent, notamment pour ce qui est du projet de loi sur la compétitivité et l’emploi outre-mer. Son articulation avec le budget des outre-mer devra notamment faire l’objet d’une attention particulière. D’ici là, votre rapporteur émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « outre-mer ».

ANALYSE BUDGÉTAIRE 

LE PLF 2014, UN BILAN GLOBALEMENT SATISFAISANT

Le projet de loi de finances pour 2014 est globalement satisfaisant. En effet, les crédits de la mission « outre-mer » sont en légère augmentation, tandis que les efforts à fournir demeurent surmontables. Votre rapporteur partage pleinement les objectifs du Gouvernement qui visent à renforcer l’efficience de la dépense publique et à mieux cibler les interventions de l’État. Telle est la logique du budget des outre-mer pour l’année 2014.

Numéro et intitulé du programme et de l’action

Autorisations d’engagements

Crédits de paiement

Ouvertes en LFI 2013

Demandées pour 2014

Ouverts en LFI 2013

Demandés pour 2014

 

MISSION

2 188 238 650

2 147 901 806

2 038 863 758

2 060 353 988

138

Emploi outre-mer

1 403 833 174

1 403 948 340

1 393 221 174

1 387 649 840

1

Soutien aux entreprises

1 164 545 556

1 156 249 559

1 164 545 556

1 147 749 559

2

Aide à l’insertion et à la qualification professionnelle

236 383 618

244 794 781

225 771 618

236 996 281

3

Pilotage des politiques des outre-mer

2 904 000

2 904 000

2 904 000

2 904 000

123

Conditions de vie outre-mer

784 405 476

743 953 466

645 642 584

672 704 148

1

Logement

272 758 664

272 758 664

227 009 777

245 000 000

2

Aménagement du territoire

184 865 400

146 864 843

164 915 400

164 310 000

3

Continuité territoriale

51 450 000

51 450 000

51 450 000

51 450 000

4

Sanitaire, social, culture, jeunesse et sport

5 507 183

4 803 807

5 507 183

5 203 807

6

Collectivités territoriales

187 853 459

186 156 052

161 427 666

171 694 407

7

Insertions économiques et coopérations régionales

1 970 770

1 920 100

1 970 770

1 920 100

8

Fonds exceptionnel d’investissement

50 000 000

50 000 000

25 900 000

25 900 000

9

Appui à l’accès aux financements bancaires

30 000 000

30 000 000

7 461 788

7 225 834

Source : projet annuel de performance 2014

Les grandes priorités de la mission demeurent, même si certains ajustements sont parfois opérés : le logement social, via la combinaison de la LBU et de la défiscalisation ; le soutien aux entreprises, via un recentrage des exonérations de charges sur les bas salaires et la mise en œuvre de nouveaux dispositifs ; l’investissement public ; la jeunesse et l’emploi.

La mission outre-mer participera néanmoins à l’effort général de maîtrise de la dépense publique. À titre d’exemple, le Service militaire adapté poursuivra ses efforts dans le contexte de la montée en puissance du « SMA 6 000 », puisque l’État-major et les régiments devront contracter leurs dépenses de fonctionnement. De même, l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité (LADOM) se voit appliquer le même traitement que l’ensemble des opérateurs de l’État, qui impose une stabilisation, voire une réduction des dépenses de fonctionnement.


Le programme 138 « Emploi outre-mer » porte un double objectif. D’une part, accroître la compétitivité des entreprises, d’autre part, faciliter l’accès au marché du travail des ultramarins, dans un contexte de fort taux de chômage. Il est doté de 1,388 milliard d’euros en crédits de paiement. Le programme regroupe trois actions.

L’action 1 « soutien aux entreprises » a pour objet de diminuer les coûts de production et particulièrement le coût du travail, afin de favoriser la création d’emplois pérennes dans les entreprises du secteur marchand, par un allègement de leurs charges d’exploitation. Elle rassemble 82,4 % des crédits du programme, soit 1,147 milliard d’euros en crédits de paiement.

Le principal dispositif de cette action est constitué des exonérations de cotisations de sécurité sociale à la charge des employeurs (99 % des crédits). Cette année, le Gouvernement a fait le choix de recentrer le dispositif d’exonérations de charges sociales patronales sur les bas salaires, plus sensibles à la variation du coût du travail. En pratique, ne seront concernées que les rémunérations dont le montant est inférieur ou égal à 1,4 SMIC, ce qui représente deux tiers des salariés outre-mer. Pour ces salariés, les entreprises bénéficieront à plein des effets cumulés du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) et des exonérations de cotisations. En ce qui concerne les salariés dont la rémunération est comprise entre 1,4 SMIC et 2,5 SMIC, le Gouvernement prévoit que l’effet cumulé de la réforme des dispositifs d’exonérations de cotisations et de la mise en place du CICE continuera à entraîner une baisse des charges. De plus, les entreprises ne bénéficiant pas du CICE sont exclues du champ de la réforme.

Cette décision entraîne un ajustement de près de 90 millions d’euros au regard de la prévision initiale pour 2014, dont 25 millions sont redéployés pour financer de nouvelles mesures de soutien aux entreprises : montée en puissance du CICE, expérimentations de nouveaux crédits d’impôt investissement, etc. De plus, comme l’a rappelé M. le ministre des outre-mer lors de la présentation du budget, le CICE représentera, d’après les estimations disponibles, 320 millions d’euros d’allègements supplémentaires du coût du travail dans les outre-mer en 2014. Votre rapporteur comprend l’objectif poursuivi par le Gouvernement mais attachera une grande importance à l’évaluation de cette politique afin de s’assurer que la mise en œuvre du CICE ne constitue pas une excuse à la suppression de dispositifs de soutien plutôt satisfaisants.

Par ailleurs, l’action 1 regroupe également les crédits affectés à l’aide au fret et à l’aide à la rénovation hôtelière créées par la Lodéom(4), pour un total de 9 millions d’euros en crédits de paiement comme en autorisations d’engagement.

L’action 2 « aide à l’insertion et à la qualification professionnelle » vise à favoriser l’inclusion dans l’emploi des jeunes ultramarins par différents dispositifs d’insertion sociale et de qualification professionnelle. Elle rassemble 17,4 % des crédits du programme, soit 237 millions d’euros, et s’articule principalement autour du dispositif du Service Militaire Adapté (SMA). Atteignant 4 322, le nombre de places de formation offertes augmente de 6 % par rapport à 2013, conformément à l’objectif d’achever le « SMA 6 000 » en 2016.

D’autres dispositifs d’aide à l’insertion et à la qualification professionnelle sont également maintenus, sous forme de transferts aux ménages, tels que le dispositif de formation professionnelle en mobilité ou les programmes de formation des cadres en Nouvelle-Calédonie et à Wallis et Futuna.

L’action 3 « pilotage des politiques des outre-mer » représente 0,2 % des crédits du programme et concerne les services du cabinet du ministre, ceux de la DéGéOM et ceux de la DIECFOM. Cette action a été créée par la loi de finances pour 2013 et correspond à la constitution d’un ministère des outre-mer de plein exercice.

Le programme 123 « Conditions de vie outre-mer » regroupe 8 actions dont la majeure partie des crédits est tournée vers des objectifs précis, tels que l’amélioration de l’accès au logement, l’aménagement du territoire ou la continuité territoriale. Il est doté de 673 millions d’euros.

L’action 1 « Logement », la plus largement dotée avec 36,7 % des crédits du programme, vise quatre objectifs principaux : l’accroissement de l’offre de logements sociaux et la réhabilitation du parc existant ; l’accompagnement des politiques urbaines d’aménagement et de rénovation ; la résorption de l’habitat insalubre ; l’amélioration de la sécurité du parc social antillais à l’égard du risque sismique.

S’agissant de la politique du logement social outre-mer, votre rapporteur tient à souligner le renforcement substantiel des moyens de la ligne budgétaire unique (LBU). Ainsi, avec 244 millions d’euros en 2014, les crédits de LBU augmentent de 18 millions (8 %) par rapport à 2013, après une augmentation de 13 millions en 2013. En deux ans, les crédits de la LBU auront augmenté de 31 millions, soit une hausse de 15 %. Depuis 2011, cette hausse atteint 25 %. Votre rapporteur salue l’action du Gouvernement, nécessaire au regard des urgences qu’il a lui-même constatées sur le terrain.

L’action 2 « Aménagement du territoire » vise le développement économique et social des territoires ultramarins en contribuant financièrement aux projets d’investissements structurants portés par les collectivités territoriales d’outre-mer, au moyen, principalement, des contrats de projet et des contrats de développement : politique contractuelle État-collectivités et financement d’actions spécifiques (prévention des risques naturels, contrats de village à Wallis et Futuna, préservation de la biodiversité, etc.).

L’action 3 « Continuité territoriale » regroupe des mesures relatives au désenclavement avec la métropole au nom de la solidarité nationale. L’objectif est de favoriser les déplacements entre l’hexagone et les territoires ultramarins, notamment pour les étudiants.

L’action 4 « Sanitaire, social, culture, jeunesse et sport » ne concerne pas directement les compétences de la commission des affaires économiques. Il s’agit essentiellement d’améliorer la cohésion sociale et de favoriser l’égalité des chances outre-mer, par exemple grâce à l’organisation de manifestations sportives.

L’action 6 « Collectivités territoriales » rassemble 25 % des crédits du programme et comporte diverses mesures d’accompagnement financier et de dotations au profit des collectivités territoriales d’outre-mer. Elle finance également des mesures de secours et d’indemnisation au profit des populations, des entreprises et des infrastructures victimes de catastrophes naturelles, ainsi que des actions de défense et de sécurité civile.

L’action 7 « Insertion économique et coopération régionales » a pour objectif d’inciter les collectivités à s’intégrer dans leur milieu régional tout en garantissant à la France une présence dans ces zones.

L’action 8 « Fonds exceptionnel d’investissement » vise à permettre la réalisation d’équipements publics collectifs participant au développement local, notamment dans le cadre du programme d’investissement promis par François Hollande à l’égard des outre-mer (500 millions d’euros sur 5 ans). Après une première tranche de 50 millions en loi de finances 2013, le projet de budget prévoit à nouveau un financement de 50 millions.

Ces crédits s’inscrivent dans le cadre du programme de rattrapage des retards en termes d’équipements publics et d’infrastructures. À côté du FEI, d’autres outils sont mobilisés comme les contrats de projets et de développement ainsi que des mesures facilitant l’accès des collectivités territoriales au crédit bancaire. Votre rapporteur salue la décision prise par le Gouvernement de laisser aux collectivités la responsabilité de définir les domaines d’intervention prioritaires à l’échelle de chaque territoire. Les projets concernés par ces financements sont divers : adduction d’eau potable et assainissement, gestion des déchets, désenclavement, prévention des risques naturels, équipements publics de proximité dans le domaine sanitaire et social, mais aussi développement des énergies renouvelables et promotion du développement durable

L’action 9 « Appui à l’accès aux financements bancaires » vise à faciliter la mise en œuvre de politiques publiques par l’intermédiaire d’une intervention financière ou technique de l’Agence française pour le développement au profit des collectivités territoriales ultramarines.

L’effort global de l’État en direction des outre-mer ne se traduit pas uniquement par les crédits de la mission outre-mer. En effet, la politique transversale de l’État outre-mer est portée par 89 programmes relevant de 27 missions pour l’exercice 2014. Votre rapporteur se félicite d’ailleurs que, cette année, le document de politique transversale (5) ait été rendu public avant l’examen des crédits budgétaires en commission. Cela lui a permis de mieux percevoir l’intégralité de la politique de l’État outre-mer. À ce titre, il note la suppression du programme n° 128 « coordination des moyens de secours », fusionné avec le programme n° 161 « sécurité civile ».

Comme chaque année, il est frappant de noter que la mission outre-mer ne représente qu’une part minime de l’effort de l’État en direction des outre-mer.

Commission des affaires économiques à partir des données du DPT.

Ainsi, l’effort budgétaire total consacré par l’État aux territoires ultramarins atteint environ 14,2 milliards d’euros pour le PLF 2014, dont 2,1 milliards d’euros pour la mission « outre-mer ». Quant aux dépenses fiscales, elles sont estimées à 3,98 milliards d’euros.

L’effort total de l’État en direction des outre-mer atteint donc 18,2 milliards d’euros en 2014, contre 16,83 milliards en PLF 2013.

Dépenses fiscales emblématiques

– Impôt sur le revenu - Réduction d’impôt sur le revenu à raison des investissements productifs réalisés dans les départements, territoires et collectivités territoriales d’outre-mer, avant le 31 décembre 2017 ;

– Impôt sur le revenu - Réduction, dans la limite d’un certain montant, pour les contribuables des D.O.M. de la cotisation résultant du barème (30 % en Guadeloupe, Martinique et Réunion ; 40 % en Guyane) ;

– Impôt sur les sociétés - Prise en compte sur une base réduite des résultats provenant d’exploitations situées dans les départements d’outre-mer. Dispositions applicables jusqu’au 31 décembre 2017 ;

– TVA - Régime des départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de La Réunion; fixation des taux à 8,5 % pour le taux normal et à 2,1 % pour le taux réduit ;

– TVA - Régime particulier des départements d’outre-mer. Déductibilité de la taxe afférente à certains produits exonérés ;

– Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques - Exclusion des DOM du champ d’application de la taxe intérieure de consommation applicable aux carburants.

Source : DPT 2014

La politique transversale de l’État outre-mer est organisée en six axes :

Ø Axe n° 1 « Développer l’emploi, la production et l’investissement outre-mer », puisque le soutien à l’emploi constitue la priorité de l’action publique outre-mer. Cette politique est mise en œuvre par des actions de formation professionnelle, d’inclusion et de retour dans l’emploi, et par des dispositifs de compensation des exonérations de cotisations patronales en faveur des entreprises ;

Ø Axe n° 2 « Offrir une véritable égalité des chances à la jeunesse outre-mer », alors que 36 % de la population a moins de 20 ans ;

Ø Axe n° 3 « Garantir la sécurité des citoyens outre-mer » : sécurité civile, sécurité routière, sécurité publique et sécurité juridique ;

Ø Axe n° 4 « Améliorer les conditions de vie des citoyens outre-mer », l’éloignement de l’hexagone et les différences de conditions de vie outre-mer imposant à l’État de prendre des mesures visant à améliorer la vie de ses concitoyens d’outre-mer : accès au logement, prise en compte des spécificités sanitaires outre-mer, accès à des soins de qualité, désenclavement des territoires ultramarins, promotion de l’égalité des chances.

Ø Axe n° 5 « Favoriser le développement durable des territoires en partenariat avec les collectivités » ;

Ø Axe n° 6 « Valoriser les atouts des outre-mer », notamment en matière de recherche et innovation, d’accès à la culture et de protection de l’environnement et de la biodiversité.

Comme le rappelait Victorin Lurel, ministre des outre-mer, lors de la présentation du budget des outre-mer, la réforme de la défiscalisation « a été menée au terme d’une concertation en tout point exemplaire et inédite par sa durée et sa portée ».

Cette réforme a été traduite par l’article 13 du projet de loi de finances, adopté par votre Assemblée il y a peu. Votre rapporteur invite à la lecture du rapport du Rapporteur général du budget, Christian Eckert, afin d’y trouver une analyse détaillée du dispositif(6), notamment s’agissant du droit en vigueur et des motivations de la réforme.

De manière générale, l’enjeu était de réformer le régime de défiscalisation des investissements productifs et des logements sociaux outre-mer, d’une part en rationalisant le dispositif, d’autre part en créant deux nouveaux crédits d’impôts, l’un pour le logement social (toujours optionnel), l’autre pour les investissements productifs (obligatoire pour les entreprises dont le chiffre d’affaires excède 20 millions d’euros).

Tout d’abord, et votre rapporteur s’en félicite, aucun des dispositifs existants en matière de défiscalisation n’a été remis en cause ou remanié en profondeur. Comme l’a rappelé le Rapporteur général, « leur économie d’ensemble reste inchangée, mais ils font l’objet de diverses adaptations et modifications – qui s’avèrent relativement disparates dans leur objet et leur ampleur – avec pour objectif affiché de mieux encadrer leur mise en œuvre, de recentrer leur usage et d’éviter des abus qui, le cas échéant, ont pu être constatés par le passé ».

En résumé, la réforme procède aux changements suivants :

- hausse des taux de rétrocession au bénéfice des exploitants ultramarins, afin de réduire la « déperdition » de la dépense fiscale au profit des intermédiaires. Si les taux de rétrocession sont revalorisés de façon différenciée, celui enregistrant la plus forte progression est celui applicable pour l’acquisition et la construction de logements sociaux, porté de 65 % à 70 % (article 199 undecies C). Les taux de rétrocession prévus en matière d’investissements productifs augmentent d’environ 6 % (article 199 undecies B).

- institution d’un montant minimal de subvention publique pour toute opération de logement social. L’objectif poursuivi est de garantir l’équilibre entre le financement par la LBU et le financement par la dépense fiscale, afin, d’une part, d’affirmer que la défiscalisation n’a pas vocation à se substituer à la LBU et, d’autre part de mieux contrôler les programmes de logement en évitant, selon les mots de M. Christian Eckert, « que ne se multiplient des programmes pour lesquels la LBU se limite à l’euro symbolique, l’ensemble du financement étant apporté par la défiscalisation, nécessairement plus coûteuse pour le budget de l’État » ;

Lors de l’examen de cet article en séance publique, un amendement a été adopté, sur proposition du Rapporteur général, afin de fixer à 5 % la proportion minimale que doit représenter la subvention publique dans le financement des logements sociaux, tant dans le cadre de la réduction d’impôt prévue par l’article 199 undecies C que dans celui du nouveau crédit d’impôt prévu par l’article 244 quater X. Votre rapporteur considère que ce taux est trop élevé. Avec un certain nombre de ses collègues, il avait proposé de ramener ce taux à 3 %. Il n’a pas été entendu et le regrette vivement. Cet ajout devra faire l’objet d’une évaluation précise en temps voulu ;

- recentrage de la dépense fiscale, tant pour les investissements productifs que pour certains investissements dans le secteur du logement social ;

- volonté de mieux prendre en compte les réalités économiques dans les conditions d’application des avantages fiscaux, en remplaçant par exemple la notion de réalisation d’un investissement par celle de « mise en service » ;

- renforcement des obligations des cabinets de défiscalisation.

Par ailleurs, la réforme procède aussi à la création de deux nouveaux crédits d’impôt, afin de proposer une alternative à la défiscalisation : un crédit d’impôt pour investissements productifs et un crédit d’impôt pour investissements dans le logement social. Les deux crédits d’impôts proposés sont mis en place de manière expérimentale jusqu’en 2017, qui correspond également à la date d’expiration des dispositifs de défiscalisation. En pratique, les entreprises bénéficiant actuellement de la défiscalisation, soit directement du fait des investissements qu’elles réalisent, soit indirectement du fait de la rétrocession d’une fraction de l’avantage fiscal qui doit leur être consentie lorsqu’elles louent le bien défiscalisé à une société de portage pourront privilégier, si elles le souhaitent, un crédit d’impôt offrant quasiment les mêmes conditions que la défiscalisation. Néanmoins, s’agissant des investissements productifs, les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 20 millions d’euros ne pourront pas bénéficier de la défiscalisation, et devront obligatoirement opter pour le crédit d’impôt. Selon le Rapporteur général, 107 entreprises établies dans les départements d’outre-mer franchiraient le seuil de 20 millions d’euros. Il s’agit donc de tester en parallèle les deux dispositifs, afin de déterminer lequel est le plus efficace.

*

* *

Aux yeux de votre rapporteur, le projet de budget de la mission « outre-mer » est donc globalement satisfaisant, ses craintes se rapportant davantage à la partie « recettes » du projet de loi de finances. C’est pourquoi il invite à son adoption.

ANALYSE THÉMATIQUE
LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE EN OUTRE-MER

Dans un discours prononcé à Fort-de-France le 26 juin 2013, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a promu la transition énergétique au rang de pilier du développement des outre-mer, aux côtés de la compétitivité des filières de production locales et de l’économie du savoir. Dotés d’un formidable potentiel naturel, les outre-mer disposent de réels atouts pour répondre au défi de la transition énergétique. L’objectif est triple pour les territoires ultramarins : transformer leurs spécificités en atouts pour mener à bien des projets innovants ; s’affranchir de la dépendance énergétique ; développer un nouveau mode de développement économique faisant entrer les territoires ultramarins dans ce que l’on pourrait appeler la « troisième révolution industrielle » selon l’expression de M. Jérémy Rifkin.

Le constat d’un modèle actuel épuisé et la nécessité de renforcer l’autonomie énergétique rendent aujourd’hui le défi de la transition énergétique incontournable pour les outre-mer. De fait, une vision d’ensemble doit être élaborée faisant de la transition énergétique un levier de développement économique, social et humain. Si l’unité du projet peut être soulignée, la diversité des réalités en outre-mer ne doit pas pour autant être négligée, concernant notamment le degré de maturité des filières ou le niveau de la dépendance énergétique. Par ailleurs, la question de la gouvernance et de la responsabilité de chaque territoire en matière de transition énergétique doit également être posée et va de pair avec celle de la solidarité nationale. Si le lien privilégié entre les outre-mer et l’hexagone perdurera, la perspective d’une intégration régionale croissante et du développement de partenariats avec les territoires voisins est au cœur de la transition énergétique. Les outre-mer peuvent donc aujourd’hui faire de la transition énergétique la clef d’un renouveau de leur développement économique, social et humain.

Les outre-mer sont aujourd’hui confrontés à un double défi en matière énergétique. D’une part, la consommation d’énergie s’accroît, conséquence à la fois du développement économique de ces territoires et de la demande de la population tirée par la croissance démographique et l’augmentation du niveau de vie. En conséquence, c’est également la facture énergétique de l’outre-mer qui augmente. D’autre part, la dépendance aux énergies fossiles rend nécessaire un renforcement de l’autonomie énergétique. Le modèle actuel est à bout de souffle, et il est temps de lui trouver des solutions alternatives.

Les obligations et les contraintes pesant sur les outre-mer sont nombreuses. Les territoires ultramarins sont des zones non-interconnectées (ZNI), ce qui signifie qu’en raison de leur insularité, toute connexion au réseau électrique continental est quasiment impossible. De plus, l’éloignement des centres d’approvisionnement et la faible présence de ressources fossiles font que les outre-mer payent leur énergie au prix fort. Totalement dépendants des énergies fossiles, et en raison de l’absence de ressources fossiles, les outre-mer sont contraints d’importer massivement des hydrocarbures, parfois depuis la Mer du Nord s’agissant des Antilles… Ainsi, la Martinique importait 720 000 tonnes de brut et 300 000 tonnes de produits pétroliers en 2010. Ces contraintes doivent donc être surmontées, tant par la recherche de la sobriété énergétique et que par le développement d’énergies alternatives.

Afin d’accélérer cette transition, l’article 56 du Grenelle I(7) a fixé des objectifs ambitieux en matière de développement des énergies renouvelables (ENR) et d’atteinte de l’autonomie énergétique : atteinte d’un objectif intermédiaire de 50 % d’énergies renouvelables en 2020 (30 % pour Mayotte) et autonomie énergétique en 2030. Aujourd’hui, la proportion d’ENR dans la plupart des territoires d’outre-mer est déjà supérieure à la moyenne nationale, actuellement à 13 %.

PART DES ENR DANS LES CAPACITÉS DE PRODUCTION (PUISSANCES INSTALLÉES 2012)

Guyane

53,3 %

Nouvelle-Calédonie

24 %

Martinique

13,4 %

Saint-Pierre et Miquelon

1,8 %

La Réunion

45,8 %

Polynésie française

19,4 %

Wallis et Futuna

2,9%

Saint-Barthélemy

0,12 %

Guadeloupe

26,2 %

Mayotte

15,5 %

Saint-Martin

2,7 %

 

PRODUCTION PAR TERRITOIRE ET PAR SOURCE (2012)

2012 en GWh

Hydrau

lique

Biomasse

Géother-

mique

Éolien

PV

UIOM (8)

Biogaz

Total ENR

Fuel

Charbon (9)

TOTAL Production

%ENR

Guyane

548,5

11,4

0,0

0,0

50,4

0,0

0,0

610,3

259,9

0,0

870,2

70,1 %

La Réunion

488,0

267,1

0,0

18,2

190,4

0,0

9,7

973,4

491,4

1346,3

2 811,1

34,6%

Guadeloupe

13,9

61,7

50,6

51,0

91,8

0,0

0,1

269,0

911,7

545,4

1 726,1

15,6%

St Martin

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

196,3

0,0

196,3

0,0 %

St Barthélémy

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

99,2

0,0

99,2

0,0 %

Martinique

0,0

0,0

0,0

1,3

80,3

18,9

0,0

100,5

1 490,2

0,0

1 590,6

6,3 %

Saint Pierre et Miquelon

0,0

0,0

0,0

0,9

0,0

0,0

0,0

0,9

42,6

0,0

43,5

2,0 %

TOTAL SEI

1 050,3

340,3

50,6

71,3

412,9

18,9

9,7

1 954,0

3 491,3

1 891,7

7 337,0

26,6%

Source : Les données chiffrées, en énergie comme en puissance, avec leur pourcentage de pénétration dans le mix énergétique, proviennent d’EDF-SEI.

La richesse des outre-mer est tout d’abord naturelle : fort taux d’ensoleillement, accès multiples aux sources marines, climat, relief et géologie favorables, autant de facteurs-clefs pour faciliter la transition énergétique.

En Martinique, en Guadeloupe et à La Réunion, les vents modérés et réguliers tels que les alizés constituent un atout majeur pour l’énergie éolienne, tandis que les caractéristiques naturelles de ces territoires sont favorables au développement du solaire et de la géothermie. Par ailleurs, si la France possède la deuxième zone économique exclusive (ZEE) du monde, c’est grâce aux outre-mer. L’insularité devient donc un atout pour développer les énergies marines : énergie thermique des mers (ETM), machines houlomotrices ou énergies osmotiques. C’est ainsi que la technologie Sea Water Air Conditioning (SWAC), qui consiste en une climatisation par les eaux profondes, peut prendre son essor outre-mer, afin d’une part d’améliorer le quotidien de chacun en permettant l’aménagement des logements et bureaux, mais d’autre part de rénover les hôtels, dans un contexte de développement touristique, sans alourdir la consommation d’énergie.

De même, les conditions climatiques parfois extrêmes sont sources d’innovations technologiques, comme l’illustre le développement d’éoliennes à pales rétractables permettant au matériel de résister aux phénomènes cycloniques, ou l’élaboration de panneaux photovoltaïques plus performants en matière d’étanchéité dans un environnement humide. À terme, ces innovations pourront se transformer en avantage concurrentiel pour les entreprises ultramarines au sein de leur espace régional lorsqu’elles exporteront des technologies. Autre exemple, le caractère de ZNI, couplé à l’objectif d’autonomie, impose aux outre-mer de développer des solutions innovantes s’agissant du stockage de l’énergie et de réseaux intelligents.

L’énergie éolienne consiste à transformer l’énergie cinétique du vent en énergie mécanique, puis en énergie électrique. En utilisant l’énergie de l’air en déplacement, les éoliennes n’émettent ni polluants, ni gaz à effet de serre, et ne produisent pas de déchets si elles sont recyclées en fin de vie. Cette filière s’est rapidement développée en outre-mer. Malgré un ralentissement de l’activité des acteurs traditionnels de l’éolien et des conditions climatiques peu favorables en 2010 et 2011, la production éolienne est repartie à la hausse en 2012.

Le cadre juridique a été simplifié, notamment avec la suppression des zones de développement de l’éolien (ZDE) et du seuil des cinq mâts, dans le cadre de la loi du 15 avril 2013 dite « loi Brottes »(10). Des dérogations au code de l’urbanisme permettent par ailleurs aux départements et régions d’outre-mer de bénéficier de dérogations quant à l’obligation d’étendre l’urbanisation en continuité avec les agglomérations et villages existants. L’arrêté du 8 mars 2013 a enfin instauré un nouveau tarif d’achat bonifié pour l’énergie éolienne produite dans les DROM et les COM situés en zones cyclonique.

La Martinique et la Guadeloupe constituent les territoires les plus en pointe en matière d’éolien. La Guadeloupe prévoit notamment de mettre en place trois nouvelles fermes éoliennes et a élaboré son projet de schéma régional guadeloupéen de développement de l’énergie éolienne en 2012. La Martinique, quant à elle, a remporté deux appels d’offres fin 2010, devant déboucher sur la réalisation de deux projets éoliens, le premier dans une bananeraie au Marigot et le deuxième à Sainte-Marie.

Les principales difficultés de cette filière tiennent d’une part à la limite de 30 % d’énergies intermittentes injectées sur le réseau électrique, et d’autre part aux nuisances sonores et visuelles créées par les éoliennes, qui posent une question d’acceptabilité sociale.

L’énergie photovoltaïque correspond à la production d’électricité par l’intermédiaire de cellules permettant la conversion photovoltaïque du rayonnement du soleil. La production d’énergie photovoltaïque en outre-mer a été multipliée par dix entre 2007 et 2010, du fait de tarifs de rachat et d’une défiscalisation très avantageux. Afin de réguler ce « boum », le précédent Gouvernement a instauré un moratoire, puis de nouveaux tarifs de rachat ont été mis en place à partir de fin 2010. Ces décisions, cumulées à la concurrence internationale, notamment chinoise, ont porté un coup d’arrêt à la filière, qui s’est traduit par une perte de 50 % des effectifs dans le secteur.

Afin de relancer la filière, le Gouvernement de Jean-Marc Ayrault a défini un cadre réglementaire et tarifaire plus attractif en 2013. L’objectif annoncé pour 2013 à l’échelle nationale, DROM compris, est de passer de 500 à 1 000 MW de production photovoltaïque.

La Réunion est pionnière en la matière, avec près de 20 % de son mix énergétique constitué d’énergie photovoltaïque. En Guadeloupe et en Martinique, il s’agit également de l’énergie renouvelable la plus développée. L’un des projets les plus emblématiques se situe en Nouvelle-Calédonie, où l’installation en 2010 de la centrale photovoltaïque au sol de la société Helios Bay a permis à la filière d’effectuer un bond considérable.

Comme l’éolien, l’énergie photovoltaïque est intermittente, ce qui constitue la principale limite à son développement. D’un point de vue environnemental, la question de l’élimination et du recyclage des panneaux photovoltaïques en fin de vie demeure posée.

Captée en surface ou à une faible profondeur, l’énergie géothermique utilise la chaleur terrestre pour produire de la chaleur, du froid et de l’électricité à un faible coût. Ne générant ni déchet ni gaz à effet de serre, cette énergie est indépendante des changements climatiques.

En dépit de ses nombreux avantages, la filière géothermique demeure encore faiblement développée, par manque de publicité auprès du grand public et d’incitations réglementaires de la part des pouvoirs publics jusqu’à présent.

Toutefois, l’identification de gisements guadeloupéens, martiniquais et réunionnais laisse penser que l’exploitation des sources de chaleur sera amenée à se développer dans les prochaines années. Au pied du volcan de la Soufrière, la centrale guadeloupéenne de Bouillante produisait ainsi 15 MW sur 483 MW de puissance installée. L’ADEME instruit actuellement le projet GEOTREF en Guadeloupe et le projet GEODROM en Martinique.

Les organismes vivants peuvent être utilisés à des fins énergétiques, sous forme de biocombustibles solides, liquides ou gazeux. Les énergies issues de la bagasse, des biocarburants ou des biogaz constituent les principaux exemples de développement de la filière biomasse.

En l’absence d’incitations réglementaires ou financières, il revient aux Schémas régionaux climat-air-énergie (SRCAE) et aux Plans régionaux de l’agriculture durable (PRAD) de fixer le cadre de développement de la filière biomasse.

La valorisation du bois en Guyane ou de la bagasse issue de la canne à sucre à La Réunion et aux Antilles constitue aujourd’hui la principale forme de production de l’énergie biomasse. Les usines du Moule en Guadeloupe et de Bois-Rouge et du Gol à La Réunion ont aujourd’hui atteint une maturité technologique leur permettant d’avoir un poids croissant dans le mix énergétique. Les principaux chantiers actuellement en phase de conception sont le projet REBECCA en Guadeloupe et un projet de 34 MW à l’usine sucrière du Galion en Martinique, à La Trinité. Un projet novateur est par ailleurs en cours d’élaboration en Nouvelle-Calédonie – AMICAL – afin de mettre en place une filière de production destinée aux marchés de l’énergie et de l’alimentation animale.

L’énergie marine est particulièrement adaptée aux régions côtières ou insulaires. Elle regroupe l’énergie marémotrice, l’hydrolien, l’énergie de la houle et des vagues, l’énergie thermique des mers et l’énergie osmotique. Si les projets sont aujourd’hui essentiellement au stade de la recherche, les énergies marines s’appuient notamment sur la force mécanique des courants marins en profondeur, les différences de température entre la surface des océans et leurs profondeurs, ou la pression créée entre l’eau douce et l’eau salée.

L’intérêt de la France pour les énergies marines s’est accru récemment. Ainsi, les appels à manifestation d’intérêt (AMI) lancés par l’ADEME en 2009 et en 2013 ont contribué à la croissance de cette filière. Un projet de recherche sur les hydroliennes a en outre été annoncé par M. le Premier ministre le 21 janvier 2013.

La multiplication de projets novateurs suggère un développement prometteur de la filière marine, malgré un prix de revient encore trop élevé. À La Réunion, les projets CETO et SEAWATT contribuent au déploiement de l’énergie houlomotrice. L’ETM est en cours de développement par le biais d’une convention entre la Région Martinique et la Direction des constructions navales (DCNS) pour la réalisation d’un prototype ETM de 10 MW, ainsi qu’en Polynésie française au moyen d’études réalisées par la société Pacific Otec. La technologie SWAC est également en cours d’expansion, notamment dans les zones urbaines de Saint-Denis et Sainte-Marie à La Réunion et dans un hôtel et un hôpital à Bora Bora, en Polynésie française. Le système de station de transfert d’énergie par pompage (STEP) devrait, enfin, être expérimenté en Guadeloupe à partir de 2015, ainsi qu’en Martinique à Morne d’Alet ou à La Charmeuse.

L’énergie hydraulique repose sur la force motrice des cours d’eau. La force ainsi captée est alors transformée en électricité par des installations hydrauliques. Avec 1935 installations en 2010 et une puissance installée de 25,4 GW en 2012, la France est le deuxième pays européen producteur d’hydroélectricité derrière la Norvège.

L’énergie hydraulique permet de réguler finement la production d’un réseau électrique et de stocker efficacement de l’électricité. Si l’hydroélectricité bénéficie d’une grande maturité technologique, des questions demeurent, notamment s’agissant de possibles perturbations des milieux naturels ou du renouvellement des anciennes concessions hydrauliques, qui doivent être mises en conformité avec les nouvelles clauses environnementales.

La Polynésie française constitue un territoire emblématique du développement de la filière hydraulique. À Tahiti, selon les années, entre 25 % et 40 % de la production d’énergie électrique sont ainsi issus de l’hydroélectricité. En Guyane, le barrage de Petit Saut et la centrale hydraulique de Saut Maman Valentin permettent à l’énergie hydraulique de fournir 119 MW, soit plus de la moitié de l’électricité consommée en Guyane et la quasi-totalité de la production d’énergies renouvelables. De nombreux projets sont par ailleurs à l’étude, tels que le projet du Galion et le projet Capesterre en Guadeloupe, le projet Takamaka 3 à La Réunion, ou les projets à l’Ouiné et au Mont Panier en Nouvelle-Calédonie.

« La démocratisation de l’énergie s’accompagnera d’une restructuration fondamentale des relations humaines, dont l’impact se fera sentir sur la conception même des rapports économiques, du gouvernement de la société, de l’éducation des enfants et de la participation à la vie civique ». Dans son essai intitulé La Troisième Révolution industrielle, l’économiste américain Jérémy Rifkin part du constat d’un modèle à bout de souffle pour bâtir une nouvelle ère industrielle. D’après lui, la crise économique actuelle est avant tout une crise énergétique, qui suscitera l’émergence d’une troisième révolution industrielle, à même de bouleverser nos façons de produire, de consommer, de vivre et de penser. Un nouveau paradigme, détaché des énergies fossiles et fondé sur des rapports coopératifs, nous fera entrer dans l’ère post-carbone. Cette approche a été adoptée par l’Union européenne le 14 mai 2007 dans une déclaration écrite du Parlement européen relative à l’établissement d’une économie verte de l’hydrogène et d’une troisième révolution industrielle en Europe, et émerge donc aujourd’hui au cœur des politiques publiques européennes. À titre d’exemple, la région Nord Pas-de-Calais a officiellement lancé son plan pour une troisième révolution industrielle le 25 octobre 2013.

La transition énergétique constitue la clef de voûte de ce nouveau modèle : après une première révolution industrielle fondée sur la vapeur et l’industrie, et une deuxième construite à partir du moteur à combustion et des communications électroniques, la troisième révolution aura pour socle la convergence entre les technologies de communication en réseaux dématérialisés et un régime énergétique fondé sur les énergies renouvelables. C’est ce second point qui intéresse particulièrement les outre-mer.

Ce modèle repose sur cinq piliers :

Ø le choix de l’énergie verte : la démocratisation de l’accès aux ENR, passant notamment par la promotion de tarifs de rachat incitatifs, fera rentrer nos sociétés dans une ère post-carbone ;

Ø la transformation du parc immobilier en microcentrales énergétiques : à la différence des énergies fossiles et de l’uranium, les ENR peuvent être présentes dans le monde entier puisque, partout, le soleil brille, le vent souffle et le noyau géothermique sous terre est chaud ;

Ø le déploiement de l’hydrogène et d’autres techniques de stockage, afin de répondre au défi de l’intermittence - la recherche en matière de batteries à flux continu, de volants d’inertie, de condensateurs ou de pompage de l’eau doit être encouragée ;

Ø la technologie d’internet pour un inter-réseau de partage de l’énergie, qui permettra aux individus de produire leur propre énergie renouvelable et de la partager tandis que les grandes compagnies productrices et distributrices d’électricité conserveront principalement leur activité de distribution ;

Ø le passage aux véhicules « branchables » ou à pile à combustible et la promotion des transports propres.

La troisième révolution industrielle, invoquée par le Président de la République François Hollande lors de son intervention sur « la nouvelle France industrielle » le 12 septembre 2013, devra prendre son essor dans les outre-mer.

Les outre-mer sont trop souvent considérés comme de simples laboratoires ou des terres d’expérimentations. Pourtant, les outre-mer pourraient aujourd’hui construire leur propre modèle de développement économique, social et humain en s’appuyant sur l’excellence énergétique.

Les territoires ultramarins disposent des atouts nécessaires à l’émergence de la troisième révolution industrielle. Loin de constituer des freins, les spécificités ultramarines constituent des leviers de développement, permettant de mettre un terme à l’image de territoires sous perfusion. Il s’agit pour les outre-mer de devenir des espaces moteurs dans leur propre environnement en matière énergétique et plus largement, de bâtir un nouveau modèle de développement. Depuis l’apparition du pétrole, toutes les théories économiques sont fondées sur cette énergie, ce qui classe les outre-mer comme des territoires désavantagés, contraints de dépendre des aides en provenance de l’hexagone. La démocratisation et la décentralisation de la production énergétique se situe à la base d’un nouveau modèle économique. Ce changement de paradigme modifie évidemment le classement des outre-mer, et permettrait aux ultramarins de retrouver leur dignité face à des discours toujours plus insupportables et stigmatisant. La construction de modèles de développement et de croissance reposant sur les particularismes ultramarins permettra l’émergence de territoires modèles, à même de faire des outre-mer des leaders au sein de leur espace régional, ce pour quoi votre rapporteur milite depuis longtemps.

En somme, les particularismes ultramarins longtemps considérés comme des inconvénients se muent soudainement en atouts : l’insularité impose d’innover en matière de stockage de l’énergie et, au final, de concevoir l’autonomie énergétique de demain ; l’exiguïté des territoires implique développer des réseaux intelligents et de créer une nouvelle gestion de la distribution de l’énergie ; l’éloignement suppose de produire localement. Enfin, le succès de cette démarche oblige à renouveler la gouvernance, en répondant ainsi à la crise de la représentativité et en groupant les citoyens autour d’un projet novateur et ambitieux, ancré dans l’avenir.

Afin de devenir des territoires d’excellence énergétique et de réaliser avec succès leur transition, les outre-mer sont confrontés à un triple défi.

Premièrement, un défi institutionnel. Une gouvernance resserrée et cohérente en matière énergétique est indispensable à la mise en œuvre d’une transition énergétique réussie. Certaines avancées ont été réalisées, telles que la mise en place des Schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie (SRCAE). Ces schémas, élaborés conjointement par les services de l’État, de la région et de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), sont ainsi entrés en vigueur en Guadeloupe, en Martinique et en Guyane. La Réunion conduit actuellement sa phase de consultation publique. De même, l’élaboration de Plans régionaux des énergies renouvelables et de l’utilisation rationnelle de l’énergie (PRERURE) se poursuit. Bien évidemment, dans une logique de décentralisation et de subsidiarité, la définition d’une stratégie en matière de transition énergétique n’a de sens que si elle est issue du terrain. Votre rapporteur considère ainsi que l’échelle régionale est la plus pertinente. Certains territoires ultramarins se sont déjà pleinement lancés.

Ainsi de La Réunion, qui a mis en place un Comité de pilotage réunissant l’État, la Région, l’ADEME et l’Agence régionale énergie Réunion. L’expérience 2030 Green Energy Revolution : Reunion Island (GERRI) sur ce même territoire, au biais d’une contractualisation avec l’État, a par ailleurs permis de mieux maîtriser la consommation énergétique et d’assurer une gouvernance efficace entre les différents acteurs institutionnels.

La Guadeloupe a été plus loin encore. Au-delà, de la conclusion d’un partenariat Région – ADEME, d’un accord-cadre Région – ADEME – EDF en vigueur depuis 2008, et de la création du Syndicat intercommunal d’électrification de la Guadeloupe (SYMEG), la Guadeloupe dispose dorénavant de l’habilitation à légiférer sur la compétence énergie dans le respect de l’article 73-3 de la Constitution. En effet, l’article 73-3 de la Constitution dispose que les DROM peuvent être habilitées, selon le cas, par la loi ou par le règlement, à fixer elles-mêmes les règles applicables sur leur territoire, dans un nombre limité de matières pouvant relever du domaine de la loi ou du règlement.

Ainsi, aux termes de l’article 69 de la loi pour le développement économique des outre-mer, dite Lodéom, pour une durée de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi, le conseil régional de Guadeloupe est habilité, en application de l'article 73, alinéa 3, de la Constitution et des articles LO 4435-2 à LO 4435-12 du code général des collectivités territoriales, à fixer des règles spécifiques à la Guadeloupe en matière de maîtrise de la demande d'énergie, de réglementation thermique pour la construction de bâtiments et de développement des énergies renouvelables. Cette habilitation a depuis été renouvelée.

La Martinique n’est pas en reste. Le contrat de plan État – Région, le Schéma martiniquais de développement économique ou le Plan climat-énergie Martinique (PCEM) sont autant d’outils permettant un pilotage coordonné des politiques en matière énergétique. Par ailleurs, suivant l’exemple guadeloupéen, le conseil régional de la Martinique a sollicité et obtenu une habilitation législative  à fixer des règles spécifiques à la Martinique en matière de maîtrise de la demande d'énergie, de réglementation thermique pour la construction de bâtiments et de développement des énergies renouvelables par l’article 18 de la loi du 27 juillet 2011 relative aux collectivités territoriales de Guyane et de Martinique (11). Cette habilitation a été renouvelée.

De manière générale, il convient d’adopter une démarche globale, impulsée par les collectivités. Le processus de décentralisation mériterait d’être poursuivi, notamment concernant les SRCAE, qui pourraient par exemple être rapprochés des programmations pluriannuelles d’investissement (PPI), avoir une valeur davantage prescriptive et être intégrés aux schémas d’aménagement régionaux (SAR), afin que la politique énergétique soit élaborée en complémentarité avec celle de l’aménagement et du développement du territoire. Si les outre-mer doivent cesser d’être considérés comme de simples laboratoires technologiques au service de l’hexagone, toute expérimentation de grande ampleur en matière de gouvernance et d’intégration régionale mérite d’être encouragée.

Deuxièmement, un défi technologique. Le succès de la transition énergétique et le développement des énergies renouvelables sont indissociables de l’avancée de la recherche. Le degré de maturité technologique des filières dans les outre-mer diffère sensiblement selon les énergies, allant des technologies les plus avancées (énergie marémotrice, hydroélectricité) aux énergies encore au stade de la recherche ou de prototype (énergie thermique des mers, houle).

La gestion de l’intermittence constitue certainement l’un des principaux enjeux. En effet, la majorité des acteurs considère que le risque black out est très important au-delà d’un seuil de 30 % d’énergies intermittentes injectés sur le réseau électrique. Ce risque se présente tout particulièrement lorsque les conditions climatiques sont favorables mais que la demande en énergie est faible, tel un dimanche midi ensoleillé. Toutefois, le seuil de 30 % ne doit pas être considéré comme un horizon indépassable ou un obstacle technique infranchissable. À Mayotte, en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion, notamment, où ce seuil a été atteint, l’invention de nouvelles technologies permettant de contourner le risque de coupure généralisée doit être privilégiée. Cela passe notamment par les technologies de stockage, le développement de structures avec puissance garantie et les « smart grids », permettant d’optimiser les mailles du réseau d’électricité, de minimiser les pertes en ligne et d’assurer une production optimale et régulière d’électricité. Si l’hydrogène constitue le meilleur espoir à long terme, les batteries à flux continu et les condensateurs représentent des dispositifs pour lesquels la recherche progresse aujourd’hui rapidement. Il s’agit notamment de stocker plus efficacement l’énergie issue des installations éoliennes et photovoltaïques et de répondre aux enjeux en matière de sécurité posés par la multiplication de ces installations au sein des habitations.

Autre exemple, en matière de géothermie, la recherche technologique doit notamment permettre d’éviter les risques résultant du forage. L’avancée de la recherche est déterminante pour la réalisation de projets à moyenne et à haute enthalpie, par exemple en Martinique dans la plaine du Lamentin ou aux Anses d’Arlet.

Troisièmement, un défi financier. Il convient d’actionner de nouveaux leviers pour faciliter la transition énergétique des outre-mer. Comme chacun le sait, une défiscalisation et des tarifs de rachat avantageux ont ainsi permis l’essor de la filière photovoltaïque, même si les limites de ce dispositif sont apparues assez rapidement en l’absence d’un meilleur encadrement de l’essor de la filière et de l’arrêt brutal du dispositif. La filière éolienne a également bénéficié du soutien public, l’arrêté du 8 mars 2013 instaurant un tarif d’achat bonifié pour l’électricité éolienne produite dans les départements et les communautés d’outre-mer situés en zones cycloniques devant ainsi permettre d’assurer une meilleure rentabilité aux investissements comportant des dispositifs de prévision et de lissage de la production d’électricité afin de faire face au risque cyclonique.

Au-delà, les appels à manifestation d’intérêt devraient être multipliés et adaptés aux zones non interconnectées par l’intermédiaire de la CRE. Les appels d’offre de la CRE pourraient associer davantage en amont les outre-mer, afin de permettre aux territoires de finaliser un projet cohérent et novateur. Enfin, les grands groupes industriels comme GDF, ALSTOM ou EDF doivent pleinement accompagner la transition énergétique et soutenir le développement de petites et moyennes entreprises innovantes en outre-mer. À ce titre, comme votre rapporteur a déjà eu l’occasion de le souligner, le retrait soudain d’EDF des projets géothermiques de Bouillante et de Roseau Valley en Guadeloupe demeure incompréhensible.

Tous ces défis seront au cœur des débats politiques et législatifs de l’année 2014. Les futurs projets de loi sur la transition énergétique et sur la compétitivité et l’emploi en outre-mer constitueront des supports pour faciliter l’entrée des outre-mer dans la troisième révolution industrielle. Les outre-mer disposent d’atouts exceptionnels pour mener à bien la transition énergétique ; ils devront donc faire l’objet d’un traitement spécifique au sein du texte relatif à la transition énergétique. Le ministère des outre-mer a réaffirmé son engagement dans ce domaine lors de la clôture des débats régionaux sur la transition énergétique dans les zones non interconnectées du 10 juillet 2013.

Six orientations sont aujourd’hui privilégiées :

Ø l’intensification des politiques et la promotion des actions de maîtrise de la demande énergétique et d’amélioration de l’efficacité énergétique ;

Ø le soutien appuyé des projets innovants en cours de développement dans chaque territoire et la promotion de l’émergence de nouveaux projets ;

Ø le redémarrage de manière raisonnée et soutenable du soutien à l’énergie solaire photovoltaïque et la promotion des projets solaires thermiques ;

Ø l’émergence d’une véritable filière géothermique ;

Ø la promotion des économies et de l’efficacité en matière de consommation de carburants pour les transports ;

Ø la poursuite de l’évolution de la gouvernance de l’énergie en outre-mer au profit des collectivités territoriales, et en particulier des régions.

Votre rapporteur veillera avec une attention particulière à la traduction dans la loi de ces principes.

La transition énergétique ne doit pas être perçue comme une politique isolée mais comme l’aiguillon de l’ensemble des grandes politiques publiques. Votre rapporteur a fait le choix d’évoquer deux politiques publiques intimement liées à cette transition : les transports et l’habitat.

Premièrement, les transports constituent l’une des principales sources de consommation d’énergie et ne peuvent donc pas être déconnectés de la transition énergétique. En Martinique, par exemple, le principal poste de consommation d’énergie est le déplacement, à 67 % en 2012, loin devant l’habitat, le tertiaire, l’agriculture et l’industrie. Sources de consommation importante, les transports sont par ailleurs fortement dépendants des énergies fossiles. Il s’agit d’abord de développer la filière des véhicules électriques, sans que soit négligée la question de l’origine de l’électricité nécessaire à l’alimentation de ces véhicules. En l’état actuel, le réseau électrique et le système de production ne relèveraient pas ce défi en cas de demande d’énergie démultipliée. Une production d’électricité décentralisée doit donc être encouragée, en passant par exemple par un raccordement aux bâtiments photovoltaïques. Le CEA a notamment lancé plusieurs travaux de recherche appliquée à ce sujet. Une réflexion mérite également d’être menée sur les bateaux alimentés électriquement.

La nouvelle politique en matière de transport passe également par la promotion de nouveau modes de déplacements et des transports collectifs. La voiture individuelle demeure encore prépondérante dans les outre-mer, ce qui multiplie les points d’engorgement, les difficultés de déplacement et la pollution de l’air. Depuis le Grenelle de l’environnement, l’autorité organisatrice de transport unique (AOTU) et les appels à projets « transports en commun en site propre » (TCSP) constituent les deux principaux leviers afin d’encourager le développement des transports collectifs. En Martinique, le Conseil régional créera dans un futur proche l’AOTU, grâce à l’habilitation législative acquise récemment en matière de transports intérieurs de passagers et de marchandises. À La Réunion, un réseau trans-éco express de transports en commun sur tout le territoire est actuellement en cours de conception. La recherche en matière de flottes de transports collectifs alimentées par du biogaz issu de centres de stockage de déchets ou de stations d’épuration est également l’une des pistes privilégiées. En Guyane, également, la création de deux lignes de bus à haut niveau de service (BHNS) allant de l’hypercentre de Cayenne à Mont-Lucas à l’Est et au rond-point des Maringouins au Sud est au stade de l’appel à projet dont les résultats devraient être connus à la fin de l’année 2013.

Deuxièmement, la transition énergétique ne peut, par ailleurs, être déconnectée de la politique de l’habitat. La demande en énergie dans les logements en outre-mer ne cesse de croître, à la fois en raison d’un souhait légitime de bien-être et de l’augmentation des besoins de la population. Depuis 2010, une réglementation spécifique s’applique dans les DROM pour les bâtiments d’habitation neufs en thermique, en acoustique et en aération. Isolation acoustique des logements, limitation du recours à la climatisation et dispositifs d’eau chaude sanitaire produite en partie par de l’énergie solaire constituent certains points forts de cette réglementation thermique, acoustique et aération (RTAA-DOM). S’appliquant dans le résidentiel neuf, cette réglementation ne concerne toutefois pas le tertiaire, ce que votre rapporteur regrette. Par ailleurs, la rénovation thermique des bâtiments existants doit être poursuivie, et peut-être intégrée dans les critères d’attribution de fonds d’amortissement des charges d’électrification (FACE). Des dispositifs incitatifs devraient être mis en place pour la réhabilitation des logements sociaux et des immeubles tertiaires.

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La transition énergétique constitue donc une chance pour les outre-mer. Le projet de loi sur la compétitivité et l’emploi outre-mer comme le projet de loi relatif à la transition énergétique, qui seront examinés par votre Assemblée au premier semestre de l’année 2014, seront l’occasion d’engager plus encore nos territoires dans ce mouvement. À ce titre, votre rapporteur considère que l’insertion d’un Titre étayé dédié à la mise en œuvre de la transition énergétique outre-mer constitue une impérieuse nécessité. Les outre-mer, compte tenu de leurs atouts exceptionnels, doivent se voir accorder une vraie place au sein de ce projet de loi.

Afin de préparer au mieux l’examen de ces textes, votre rapporteur souhaite approfondir les réflexions qu’il n’a pu qu’effleurer dans le cadre de ce rapport pour avis. Il appelle de ses vœux la constitution d’une mission d’information sur la transition énergétique outre-mer au sein de la commission des affaires économiques ou de la délégation aux outre-mer de l’Assemblée nationale.

EXAMEN EN COMMISSION

Dans le cadre de la commission élargie, la commission des affaires économiques a examiné pour avis, sur le rapport de M. Serge Letchimy, les crédits de la mission « Outre-mer » : (voir le compte rendu officiel de la commission élargie du 29 octobre 2013, sur le site internet de l’Assemblée nationale).

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À l’issue de la commission élargie, la commission des affaires économiques a délibéré sur les crédits de la mission « Outre-mer ».

La Commission examine les deux amendements de crédits II-CE 7 et II- CE 8 de M. Jean-Paul Tuaiva.

M. Jean-Paul Tuaiva. L’amendement CE 7 demande un relèvement des autorisations d’engagements au niveau du contrat de projets. Le comité de pilotage qui statue sur tous les investissements en Polynésie a en effet validé une enveloppe de travaux et d’études de plus de 42 M€, portant sur près de 122 projets. Il s’agit donc de permettre l’engagement en 2014 de ces investissements.

M. Serge Letchimy, rapporteur pour avis. Le transfert de crédits que vous souhaitez opérer pose un problème de forme puisqu’il est envisagé de les soustraire à une ligne budgétaire dont le montant n’est pas suffisant. En effet, au sein du programme 138, vous visez l’action n°3, dotée de moins de 3 millions d’euros. Par ailleurs, il me semble préférable d’avoir ce débat en séance publique, en présence du ministre. En l’état, vous déposséderiez toute une série d’actions budgétaires au profit de la Polynésie, il faut poser le problème autrement.

M. Jean-Paul Tuaiva. Nous aurons donc ce débat en séance publique.

Les amendements II-CE 7 et II- CE 8 sont retirés.

Suivant l’avis favorable de M. Serge Letchimy, la Commission donne un avis favorable à l’adoption des crédits de la Mission « Outre-mer ».

Puis la commission examine l’article 70, rattaché à la mission « Outre-mer ».

Mme Frédérique Massat, vice-présidente. Nous en venons à l’examen d’un amendement II-CE 5 à l’article 70, rattaché, présenté par Mme Bareigts.

Mme Ericka Bareigts. Après les propos tenus par le ministre en commission élargie, je vais retirer mon amendement pour deux raisons. D’une part, nous sommes dans une épure budgétaire que le ministre a détaillée et qui ne cadre pas avec ma proposition. D’autre part, une nouvelle démarche va s’ouvrir avec la négociation des zones franches d’activités et nous aurons donc l’occasion de reprendre la discussion dans ce cadre-là.

L’amendement II-CE 5 est retiré.

Puis la commission émet un avis favorable sur l’article 70.

Cabinet de M. Victorin Lurel, ministre de l’Outre-mer

M. Bertrand Mazur, conseiller technique pour le logement, les infrastructures, le développement durable et l'énergie

Cabinet de M. Philippe Martin, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie Philippe Martin

M. Charles-Antoine Goffin, conseiller chargé de la production et du mix énergétique, des tarifs et de la lutte contre la précarité énergétique

M. Nicolas Ott, conseiller technique chargé des énergies renouvelables et des réseaux

Mme Laurence Tavernier, conseillère parlementaire

Délégation Générale à l’Outre-mer (DéGéOM)

M. Thomas Degos, préfet, délégué général à l’outre-mer

M. Hervé Jonathan, sous-directeur de l’évaluation, de la prospective et de la dépense de l’État

M. Marc Del Grande, sous-directeur des politiques publiques

Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME)

Mme Françoise Garcia, responsable de coordination interrégionale outre-mer

M. Guy Fabre, directeur action régionale Sud

Direction générale de l’énergie et du climat

M. Pierre-Marie Abadie, directeur de l’énergie

M. Pierre Fontaine, sous-directeur du système électrique et des énergies renouvelables

EDF

M. Bernard Mahiou, directeur finances et développement, direction des systèmes énergétiques insulaires

M. Bertrand Le Thiec, directeur adjoint des affaires publiques

Syndicat des énergies renouvelables

M. Damien Mathon, délégué général

M. Jérôme Billerey, président de la Commission Outre-mer du SER, directeur général de Quadran

M. Romain Poubeau, responsable de la filière photovoltaïque, et de la Commission Outre-mer

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