N° 1431 tome IX - Avis sur le projet de loi de finances pour 2014 (n°1395)



N
° 1431

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 octobre 2013

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
SUR LE PROJET DE
loi de finances pour 2014 (n° 1395),

TOME IX

PRÉLÈVEMENT EUROPÉEN

PAR Mme Estelle GRELIER

Députée

——

Voir le numéro 1428

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I. LA DIFFICILE CONCILIATION DU RESPECT DES PRIORITÉS AFFICHÉES ET DES CONTRAINTES BUDGÉTAIRES 7

A. 2014, PREMIÈRE ANNÉE DE MISE EN œUVRE DU CADRE FINANCIER PLURIANNUEL 2014-2020 7

1. Le nouveau cadre financier pluriannuel : des montants en recul par rapport à la période 2007-2013 7

2. Une contraction des budgets tempérée par une flexibilité accrue 10

B. 2014, UN BUDGET-TEST QUI DOIT APPELER TOUTE NOTRE VIGILANCE 12

1. Le projet de budget de la Commission européenne : une base de négociation fatalement peu ambitieuse 12

2. La lettre rectificative n°1 17

3. La position du Conseil encore en retrait 19

4. Le Parlement européen inévitablement en désaccord 22

II. LA PARTICIPATION DE LA FRANCE AU BUDGET 2014 DE L’UNION EUROPÉENNE 27

A. LA FRANCE GRAND BÉNÉFICIAIRE ET GRAND CONTRIBUTEUR 27

1. Un prélèvement sur recettes évalué à 20,144 milliards d’euros 27

2. Un solde net dégradé 29

B. UNE PARTICIPATION FRANÇAISE AU BUDGET EUROPÉEN QUI REPOSE LA QUESTION DES CORRECTIONS DIVERSES 36

1. La correction britannique : une revendication historique qui survit à ses justifications originelles 37

2. Des corrections en cascade qui ont accouché d’un système complexe, illisible et illégitime dont la réforme est à peine esquissée 40

3. Les conséquences en termes de coût pour la France 44

CONCLUSION 47

EXAMEN EN COMMISSION 49

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

La Commission des affaires étrangères s’est saisie pour avis de l’article 41 du projet de loi de finances, évaluant le montant du prélèvement effectué sur les recettes de l’État au profit du budget de l’Union européenne (PSR-UE).

La négociation sur la proposition de budget 2014 de la Commission s’engage alors que celle relative au nouveau cadre financier pluriannuel n’est pas finalisée. Cette dernière aura concentré, au cours des derniers mois, les désaccords de fond entre le Conseil et le Parlement européen sur l’envergure à donner au budget européen pour les sept prochaines années, et aura abouti à des compromis, souvent décevants, entre les tenants d’une Europe plus active et les partisans d’une contraction des budgets.

Si le nouveau CFP, qui a fait l’objet d’un accord politique le 27 juin dernier mais doit encore être voté par le Parlement européen, est adopté en l’état, les diminutions de crédits, proportionnellement aux politiques européennes à conduire, ne permettent plus d’espérer pour la période qui s’ouvre des budgets annuels qui puissent être qualifiés d’ambitieux, même si la flexibilité introduite en exécution, sur demande des parlementaires européens, compenserait pour partie la faiblesse des montants initiaux. C’est la raison pour laquelle la proposition de la Commission pour 2014 apparaît fatalement très raisonnable, voire inadaptée aux besoins des politiques à mettre en œuvre.

De ce constat, deux observations peuvent être formulées.

La première est que le budget 2014, du fait qu’il s’agit du premier budget du nouveau cadre financier, donnera le ton pour les années à venir, en termes de programmation, de montants et de ventilation des crédits.

La seconde observation est que le Conseil, malgré la très récente définition des plafonds du nouveau cadre financier, cherche encore cette année –selon son usage- à opérer des coupes par rapport à la proposition de la Commission au point qu’on peut se demander si les récentes décisions facilitant l’activation des instruments contribuant à la croissance ont vocation, dans l’esprit de certains membres du Conseil, à être appliquées. Les niveaux de crédits fixés par le Conseil dans le cadre de la négociation budgétaire suscitent à tout le moins des inquiétudes.

Selon l’habitude, l’article 41 du projet de loi de finances pour 2014 fixant le montant du prélèvement au profit de l’Union européenne se fonde sur la position du Conseil, et non pas sur la proposition de la Commission. Sur la base de cette position, le total des ressources propres que la France devrait mettre à disposition du budget européen en 2014, ressources propres traditionnelles comprises et nettes des frais de perception, s’élèverait à 22,2 milliards d’euros, soit 16,4 % du total du budget européen. Hors ressources propres directement versées à l’Union, le prélèvement européen est évalué à 20,144 milliards d’euros. Un complément à ce montant sera en outre appelé, probablement en 2016, lorsque la décision sur les ressources propres entrera en vigueur, la décision actuelle venant à échéance au 31 décembre de cette année.

Avant de commenter les enjeux budgétaires européens et leur traduction budgétaire pour la France, il convient de rappeler que le montant du prélèvement donc donné qu’à titre prévisionnel, dans l’attente notamment de la connaissance du solde de l’année en cours et du vote définitif du budget européen qui suppose l’accord du Parlement européen, à ce jour très réservé. Toutefois, si les négociations devaient aboutir à se rapprocher de la proposition de la Commission, la répercussion sur le montant du prélèvement sur recettes français serait assez faible, du fait du faible écart entre les montants de la proposition de la Commission et ceux de la position du Conseil. De plus, une lettre rectificative au projet de budget initial a été déposée, mais son effet est aussi négligeable. Enfin, le caractère prévisionnel du prélèvement tient au fait qu’il peut être ajusté en exécution, l’année 2013 en constituant l’exemple extrême avec un relèvement de près de 1,78 milliard d’euros, suite à l’adoption de plusieurs budgets rectificatifs en cours d’année.

Le financement du budget de l’Union européenne est assuré par des ressources propres provenant des ressources propres dites traditionnelles (RPT) que sont les droits de douanes et les cotisations sur le sucre et l’isoglucose (respectivement 13,4 et 0,1 %), collectées par les États pour le compte de l’Union européenne, ainsi que des ressources assises sur une assiette harmonisée de taxe sur la valeur ajoutée (13,2 %) et sur le revenu national brut (RNB) de chaque État membre (72,1 %) (1). Les États membres financent en outre les rabais dont bénéficient le Royaume Uni, les Pays-Bas et la Suède. Les recettes ainsi dégagées permettent de financer un budget européen limité par un cadre financier pluriannuel, et fixé, par le Conseil et le Parlement européen sur proposition de la Commission, selon une procédure budgétaire rénovée par le Traité de Lisbonne.

Le budget 2014 constitue une forme de budget de référence, en termes de montants et d’évolution des relations entre les deux branches de l’autorité budgétaires européennes, puisqu’il s’agit du premier budget du nouveau cadre financier pluriannuel.

Le nouveau cadre financier pluriannuel a donné lieu à un accord politique conclu le 27 juin dernier entre le président de la Commission européenne, le président du Parlement européen et le Premier ministre irlandais qui assurait la présidence du Conseil (2). Il est attendu pour l’adopter définitivement lors de sa session plénière le 23 octobre 2013.

Le nouveau CFP prévoit 960 milliards d’euros en engagements et 908,4 milliards d’euros en paiements, hors instruments spéciaux (9,8 milliards d’euros) et Fonds européen de développement (27 milliards d’euros).

Pour mémoire, afin de tenir compte de l’inflation et de pouvoir comparer les budgets des différentes années, la Commission européenne exprime les montants du CFP dans une unité commune, les euros 2011 (dits « euros constants »), comme ce fut le cas pour le précédent cadre financier pluriannuel, exprimé en euros 2004. Un déflateur fixe de 2 % est utilisé pour convertir les montants en euros courants (paragraphe 2 de l’article 4 du CFP). C’est en euros constants que les négociations ont été conduites.

Au contraire, l’annexe au projet de loi de finances pour 2014 (« le jaune budgétaire ») sur les relations financières avec l’Union européenne fait le choix de retenir comme base d’analyse les crédits exprimés en euros courants, dès lors que c’est en euros courants que le montant de la contribution française est fixé et que c’est en euros courants que l’on mesure donc l’impact du budget européen sur le budget national. Ce choix est tout à fait pertinent s’agissant de l’examen de la loi de finances. Il l’est cependant un peu moins pour analyser l’évolution du budget européen entre l’ancien et le nouveau CFP, car il faut alors tenir compte de l’inflation pour déterminer dans quelle mesure les politiques sont plus ou moins financées par rapport aux années antérieures et non pas s’appuyer uniquement sur la valeur nominale. Par exemple, lorsque le « jaune » énonce que les plafonds du nouveau CFP croissent de +11 % sur la période, soit +98 milliards par an en moyenne en paiements supplémentaires, il laisse à penser que les politiques européennes seront mieux financées ; ce qui n’est pas exact puisqu’en euros 2011 le budget pluriannuel 2014-2020 voit les plafonds d’engagements réduits (de 993.601 milliards d’euros à 959.888 milliards).

Au final, en euros constants, c’est bien un recul de 3,4 % en engagements et de 3,6 % en paiements par rapport au cadre 2007-2013 qu’il faut constater.

En ce qui concerne les montants fixés, en euros courants, pour la première année du nouveau cadre (2014) par rapport à ceux fixés pour la dernière année du précédent care (2013), ils accusent une nette diminution :

- pour 2013 le plafond global des crédits d’engagement s’établissait à 152,5 milliards d’euros (1,15 % de la richesse de l’Union mesurée par le revenu national brut – RNB), et le plafond des crédits de paiement à 143,9 milliards d’euros (1,08 % du RNB de l’Union) ;

- pour 2014, le plafond global des crédits d’engagement s’établirait à 142,54 milliards d’euros (1,03 % du RNB de l’Union), et le plafond des crédits de paiement à 135,87 milliards d’euros (0,98 % du RNB de l’Union).

À noter que, dans le cas d’une comparaison entre deux exercices budgétaires, l’unité utilisée est l’euro courant, comme c’est le cas pour les budgets nationaux (on ne compare pas le budget français 2014 au budget 2013 en euros constants 2011).

Par rapport aux plafonds qui étaient fixés pour l’année 2013, les plafonds pour 2014 seraient donc en baisse de 5,8 %.

Les tableaux suivants retracent le cadre financier pluriannuel 2014-2020, le premier en euros constants, le second en euros courants :

PROJET DE CADRE FINANCIER 2014-2020 (EN EUROS CONSTANTS 2011)

(en millions d’euros)

Crédits d’engagement

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Total
2014-2020

1. Croissance intelligente et inclusive

60 283

61 725

62 771

64 238

65 528

67 214

69 004

450 763

1a. Compétitivité pour la croissance et l’emploi

15 605

16 321

16 726

17 693

18 490

19 700

21 079

125 614

1b. Cohésion économique, sociale et territoriale

44 678

45 404

46 045

46 545

47 038

47 514

47 925

325 149

2. Croissance durable : ressources naturelles

55 883

55 060

54 261

53 448

52 466

51 503

50 558

373 179

dont : dépenses de marché et paiements directs

41 585

40 989

40 421

39 837

39 079

38 335

37 605

277 851

3. Sécurité et citoyenneté

2 053

2 075

2 154

2 232

2 312

2 391

2 469

15 686

4. L’Europe dans le monde

7 854

8 083

8 281

8 375

8 553

8 764

8 794

58 704

5. Administration

dont dépenses administratives des institutions

8 218

6 649

8 385

6 791

8 589

6 955

8 807

7 110

9 007

7 278

9 206

7 425

9 417

7 590

61 629

49 798

6. Compensations

27

0

0

0

0

0

0

27

Total crédits d’engagement

134 318

135 328

136 056

137 100

137 866

139 078

140 242

959 988

en % du RNB

1,03 %

1,02 %

1,00 %

1,00 %

0,99 %

0,98 %

0,98 %

1,00 %

Total crédits de paiement

128 030

131 095

131 046

126 777

129 778

130 893

130 781

908 400

en % du RNB (3)

0,98 %

0,98 %

0,97 %

0,92 %

0,93 %

0,93 %

0,91 %

0,95 %

Marge disponible

0,25 %

0,25 %

0,26 %

0,31 %

0,30 %

0,30 %

0,30 %

0,28 %

Plafond des ressources propres en % du RNB

1,23 %

1,23 %

1,23 %

1,23 %

1,23 %

1,23 %

1,23 %

1,23 %

Source : Commission européenne.

PROJET DE CADRE FINANCIER 2014-2020 (EN EUROS COURANTS)

(en millions d’euros)

Crédits d’engagement

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Total
2014-2020

1. Croissance intelligente et inclusive

60 973

66 813

69 304

72 342

75 271

78 752

82 466

508 921

1a. Compétitivité pour la croissance et l’emploi

16 390

17 406

18 467

20 038

21 354

23 199

25 311

142 165

1b. Cohésion économique, sociale et territoriale

47 583

49 407

50 837

52 304

53 917

55 553

57 155

366 756

2. Croissance durable : ressources naturelles

59 303

59 599

59 909

60 191

60 267

60 344

60 421

420 034

dont : dépenses de marché et paiements directs

41 130

44 368

44 628

44 863

44 889

44 916

44 941

312 735

3. Sécurité et citoyenneté

2 179

2 246

2 378

2 514

2 656

2 801

2 951

17 725

4. L’Europe dans le monde

8 325

8 749

9 143

9 432

9 825

10 268

10 510

66 262

5. Administration

dont dépenses administratives des institutions

8 721

7 056

9 076

7 351

9 483

7 679

9 918

8 007

10 346

8 360

10 786

8 700

11 254

9 071

69 584

56 224

6. Compensations

29

0

0

0

0

0

0

29

Total crédits d’engagement

142 540

146 483

150 217

154 397

158 365

162 951

167 602

1 082 555

en % du RNB

1,03 %

1,02 %

1,00 %

1,00 %

0,99 %

0,98 %

0,98 %

1,00 %

Total crédits de paiement

135 866

142 448

144 265

142 285

148 704

155 310

156 801

1 025 679

en % du RNB (3)

0,98 %

0,99 %

0,96 %

0,92 %

0,93 %

0,94 %

0,91 %

0,95 %

Source : Commission européenne.

La contraction des budgets décrite plus haut est tempérée par l’introduction d’une plus grande flexibilité en exécution, flexibilité qui constituait l’une des conditions posées par le Parlement européen à son approbation du nouveau CFP. Elle prend la forme de deux mesures principales :

– une marge globale pour les paiements : chaque année, à partir de 2015, la Commission ajustera à la hausse les plafonds des crédits de paiement pour les années 2015 à 2020 d’un montant correspondant à la différence entre les paiements exécutés et le plafond des paiements fixés dans le cadre financier pour l’exercice précédent. Si, pour les années 2015 à 2017, cet ajustement n’est pas limité, pour les années 2018 à 2020, les ajustements annuels ne pourront pas excéder les montants maximaux suivants : 7 milliards d’euros constants en 2018, 9 milliards en 2019 et 10 milliards en 2020 (soit respectivement, 8, 10,5 et 12 milliards en euros courants). Chaque ajustement à la hausse sera entièrement compensé par une réduction correspondante du plafond des paiements de l’exercice précédent ;

– une marge globale en faveur de la croissance et de l’emploi pour les engagements : les marges laissées disponibles sous les plafonds du cadre financier pour les crédits d’engagement pour les années 2014 à 2017 constituent une marge globale qui pourra être débloquée, par l’autorité budgétaire dans le cadre de la procédure budgétaire annuelle, au-delà des plafonds d’engagement du cadre financier, pour les années 2016 et 2020. Cette marge a vocation à financer des objectifs liés à la croissance et à l’emploi, en particulier celui des jeunes.

Selon les règles de fonctionnement de l’Union européenne, la proposition de budget de la Commission structure l’ensemble de la procédure budgétaire communautaire. Elle sert en effet de référence aux échanges entre le Conseil et le Parlement européen. Pour 2014, la Commission a présenté sa proposition de budget le 26 juin 2013 – date tardive, contrairement aux habitudes qui veulent que la présentation soit faite au mois de mai, compte tenu du retard pris dans les négociations sur le cadre financier pluriannuel pour 2014-2020.

Encore récemment, le Conseil adoptait vis-à-vis des propositions de budget de la Commission une attitude visant à renforcer la discipline budgétaire, en s’attachant essentiellement à limiter les crédits de paiement, et le Parlement européen considérait que le projet de la Commission était en deçà des besoins et proposait des progressions, surtout en engagements, l’issue des négociations se traduisant par un budget proche – mais en-deçà – de la proposition initiale de la Commission.

Pour 2014, la Commission a pris acte des négociations engagées pour le cadre financier pluriannuel en tenant compte des plafonds fixés : ainsi, sa proposition s’affiche en baisse par rapport à 2013, tout en frôlant les plafonds.

Avec 142,5 milliards d’euros en engagements (soit 1,05 % du RNB, contre 1,15 % en 2013) et 135,9 milliards d’euros en paiements (soit 1,01 % du RNB, contre 1,1 % en 2013), le projet de budget pour 2014 proposé par la Commission européenne accuse un repli par rapport à 2013.

Selon le « jaune budgétaire », qui construit ses comparaisons sur la base du projet de budget 2013 modifié par le premier budget rectificatif (3), le budget 2014 est en baisse de 5,8 % en crédits d’engagements (6 % en intégrant les instruments hors plafond), et en hausse de 2,1 % en crédits de paiement, par rapport à celui de 2013.

Toutefois, si on tient compte des huit autres budgets rectificatifs déposés (le dernier le 3 octobre), et qui n’ont fait l’objet d’un accord par le COREPER que le 14 octobre 2013, l’évolution des crédits de paiement est évidemment plus défavorable : le budget est en baisse de 6,6 % en crédits d’engagement et de 6,2 % en crédits de paiement, ce qui est très élevé.

Le niveau exceptionnellement élevé des crédits ouverts par les budgets rectificatifs n°2 et 8 (+11,2 milliards d’euros), dû à la clôture de la période précédente (cf. infra) explique ces grandes variations dans les deux méthodes de comparaison, qui ont alors toutes deux leur pertinence et leurs limites.

Les neuf budgets rectificatifs présentés par la Commission européenne pour 2013

Le budget rectificatif (BR) n° 1 vise à adapter le budget communautaire suite à l’adhésion de la Croatie (cf. encadré n° 2) en augmentant les crédits d’engagement (CE) de 655,1 millions d’euros et les crédits de paiement (CP) de 374 millions d’euros. Bien que la France souhaitait que l’augmentation des CP ait lieu par redéploiement de CP non utilisés, l’adoption du BR n° 1 s’est traduite par une hausse du besoin de financement de l’Union européenne et un impact sur le PSR-UE 2013 ;

Le budget rectificatif n° 2 propose une augmentation des CP de +11,2 milliards d’euros sur l’ensemble des rubriques, sauf la rubrique 5, visant, selon la Commission, « à combler des besoins non encore couverts d’ici à la fin de l’exercice. » Ce budget rectificatif a été scindé en deux tranches ; la première, d’un montant de 7,3 milliards d’euros, a été adoptée en septembre 2013 ; la seconde, d’un montant de 3,940 milliards d’euros, a été présentée sous la forme d’un budget rectificatif n° 8. Le total de ces deux BR aura un impact exceptionnel de + 1,8 milliards d’euros sur le PSR-UE ;

Le budget rectificatif n° 3 reporte le solde excédentaire de l’exercice 2012 ;

Le budget rectificatif n° 4, neutre budgétairement, porte sur la modification des effectifs de l’agence du GNSS européen, de l’agence exécutive Éducation, audiovisuel et culture et de la Cour de justice de l’UE ;

Le budget rectificatif n° 5 couvre l’intervention du fonds de solidarité de l’Union européenne (FSUE) suite aux inondations survenues à l’automne 2012 en Slovénie, en Croatie et en Autriche, pour un montant de 14,6 millions d’euros en CE et en CP (impact sur le PSR-UE) ;

Le budget rectificatif n° 6 correspond au résultat du Comité consultatif des ressources propres (CCRP). La révision des prévisions de ressources de la Commission en mai 2013 a contribué à augmenter le PSR-UE par rapport à la prévision en loi de finances initiale (LFI) 2013. En effet, les prévisions de la LFI 2013 ont été construites sur la base de prévisions de la Commission faites en mai 2012 qui se sont révélées optimistes au moment de leur révision en mai 2013 ;

Le budget rectificatif n° 7 correspond à une majoration des CE des enveloppes du fonds social européen (FSE) de la France, de l’Espagne et de l’Italie.

Le budget rectificatif n° 9 ouvre 400,5 millions d’euros en crédits d’engagement et de paiement à la suite des sécheresses et feux de forêt de l’été et des inondations du printemps

Le tableau suivant retrace le projet de budget pour 2014 tel que proposé par la Commission européenne et son évolution par rapport, d’une part au projet de budget 2013 modifié par le budget rectificatif n°1 et, d’autre part, le projet de budget 2013 modifié par tous les budgets rectificatifs proposés. Ce tableau permet de mesurer les écarts importants d’évolution des crédits selon la méthode retenue.

LE PROJET DE BUDGET 2014 PRÉSENTÉ PAR LA COMMISSION EUROPÉENNE

(en millions d’euros)

Rubrique

 

2013

(inclus budget rectificatif n°1)

2013

(inclus budgets rectificatifs n°1 à n°9)

Projet de budget 2014 présenté par la Commission

Évolution
2014/2013
(en %)

Évolution
2014/2013
(en %)

 

CE

CP

CE

CP

CE

CP

CE

CP

CE

CP

1 – Croissance intelligente et inclusive

 

70 708

59 276

71 276

69 236

63 825

62 789

-9,73

5,93

-10,45

-9,31

1a – Compétitivité pour la croissance et l’emploi

 

15 750

11 928

16 168

12 887

16 264

11 695

3,26

-1,95

0,59

-9,25

1b – Cohésion économique, sociale et territoriale

 

54 958

47 348

55 108

56 350

47 561

51 094

-13,46

7,91

-13,69

-9,33

2 – Croissance durable : ressources naturelles

 

59 885

57 240

60 159

58 068

59 248

56 533

-1,06

-1,24

-1,51

-2,64

3 – Sécurité et citoyenneté

 

2 362

1 750

2 594

2 116

2 140

1 668

-9,40

-4,69

-17,50

-21,17

4 – L’Europe dans le monde

 

9 341

6 321

9 583

6 941

8 176

6 251

-12,47

-1,11

-14,68

-9,94

5 – Administration

 

8 418

8 418

8 430

8 430

8 595

8 597

2,10

2,13

1,96

1,98

6 – Compensations

 

75

75

75

75

29

29

-61,33

-61,33

-61,33

-61,33

TOTAL

 

150 789

133 081

152 118

144 866

142 011

135 866

-5,82

2,09

-6,64

-6,21

Source : D’après les données retraitées de la Commission européenne et du « jaune » annexé au projet de loi de finances pour 2014

Il est tout à fait logique que le premier budget d’un nouveau cadre financier pluriannuel ouvre des crédits plus limités, car de nouveaux programmes, cadres opérationnels et bases légales doivent être mis en place. Mais, en l’espèce, les baisses envisagées par la Commission sont importantes. En outre, pour la première fois, la Commission européenne propose une marge très basse, de 529 millions d’euros, par rapport au plafond fixé dans le CFP pour les engagements et une marge quasi-nulle de 200 000 euros pour les paiements, ce qui limite d’autant les possibilités de mobilisation des instruments spéciaux.

Pour la première fois également, la Commission européenne complète sa présentation du projet de budget pour 2014 en inscrivant d’office 456 millions d’euros en engagements et 200 millions d’euros en paiements hors du cadre financier pluriannuel, au titre des instruments spéciaux. 297 millions d’euros en engagements et 150 millions d’euros en paiements sont ainsi prévus pour la réserve d’aide d’urgence et 159 millions d’euros en engagements et 50 millions d’euros en paiements pour le Fonds européen d’ajustement à la mondialisation. La Commission européenne affiche, en conséquence, un projet de budget pour 2014 entendu au sens large (c’est-à-dire y compris instruments spéciaux), s’établissant à 142,5 milliards d’euros (1,06 % du RNB) en engagements et à 136,1 milliards d’euros (1,01 % du RNB) en paiements, ce qui ne laisse aucune marge sous le plafond des paiements pour 2014.

Les deux seules rubriques dont les engagements progressent sont celles relatives aux politiques de croissance et de compétitivité (+ 3,3 %), du fait notamment d’une forte hausse des crédits d’engagement des grands projets (+171,4 %) et, de manière plus singulière, celle relative aux dépenses administratives (+ 2,1 %). 80 milliards d’euros, soit 57,6 % du budget, ont vocation à participer au financement de la stratégie Europe 2020 et 17,6 milliards d’euros, soit 12,7 % du budget, sont en lien avec l’action pour le climat. La Commission a donc très nettement priorisé son action. Les diminutions constatées sur les crédits de la politique de cohésion (-13,5 %), de la rubrique « sécurité et citoyenneté » (--9,4 %) et de la rubrique « L’Europe dans le monde » (-12,5 %) s’expliquant en grande partie, comme indiqué précédemment, par le démarrage du nouveau CFP et la mise en œuvre progressive des engagements sur la période.

En répartition, la rubrique « Croissance durable : ressources naturelles », qui contient notamment les dépenses agricoles, représente toujours le premier poste du budget européen mais à un niveau raisonnable (41,8 %). La part des crédits de la politique de cohésion s’établit quant à elle en diminution de 33,5 %. Ces évolutions bénéficient aux dépenses de compétitivité (11,4 %), à la rubrique « Sécurité et citoyenneté » (1,5 %) et à la rubrique « L’Europe dans le monde » (5,7 %).

PROJET DE BUDGET POUR 2014

(en crédits d’engagement)

Témoignant du caractère transitoire du budget 2014, qui se situe entre deux périodes de programmation, les paiements requis pour 2014 se composeront, d’une part, de paiements relatifs à des engagements nouveaux, notamment des préfinancements et des dépenses non dissociées (comme pour l’agriculture et l’administration) et, d’autre part, de paiements intermédiaires et finaux se rapportant à des engagements restant à liquider issus de la période 2007-2013.

Le niveau des paiements pour 2014 est fixé à 136,1 milliards d’EUR, ce qui ne laisse aucune marge sous le plafond des paiements pour 2014. Le budget a de plus été construit en partant du principe que les 11,2 milliards d’euros demandés par les budgets rectificatifs 2 et 8 seront ouverts en crédits de paiement pour 2013

Les paiements demandés pour 2014 ont principalement pour objet de couvrir les engagements passés, dans une proportion assez inquiétante (51,9%), et la part des crédits destinés à couvrir de nouveaux engagements est particulièrement basse puisqu’elle représente 7,9 % seulement du total. 40,2 % à des crédits non dissociés (c’est-à-dire dont les crédits d’engagement doivent être égaux aux crédits de paiement).

Malgré le poids qu’ils tiennent dans le montant global des crédits de paiement demandés, les paiements relatifs aux engagements restant à liquider en 2014 ne couvriraient pas même un tiers du reste à liquider accumulé à la fin de 2013 (31,4 %). Par conséquent, les paiements sur reste à liquider auront encore une incidence importante en 2015 et dans les années suivantes.

Par ailleurs, les paiements des nouveaux programmes ne couvriraient que 12 % du montant total qui sera engagé en 2014 pour ces programmes. Pour éviter une accumulation rapide du RAL pour les nouveaux programmes, le niveau des paiements relatifs à ces derniers devrait, en conséquence, fortement augmenter à partir de 2015.

En paiements, la répartition des crédits est plus favorable à la politique de cohésion (37,7 %), ce qui est normal compte tenu du fait que le reste à liquider est élevé sur cette rubrique.

PROJET DE BUDGET POUR 2014

(en crédits de paiement)

Outre la flexibilité « juridique » obtenue dans l’accord sur le CFP, qui permet pour l’essentiel le report en avant des marges sous les plafonds, il a été acté une concentration de certains financements en début de période dite « frontloading » (2014 et 2015) pour mieux faire face au chômage des jeunes, à la demande du Conseil européen (engagement en intégralité des 6 milliards d’euros prévus au titre de l’Initiative pour l’emploi des jeunes -IEJ), et pour renforcer la recherche, la formation et la compétitivité, à la demande du Parlement européen.

Ainsi, un montant supplémentaire maximal de 2 543 millions d’euros 2011, soit 2 699 millions d’euros en 2014, peut être fléché en 2014 et 2015 sur ces priorités, dans le cadre de la procédure budgétaire annuelle. Ces montants sont entièrement prélevés sur les crédits à l’intérieur des rubriques et/ou entre celles-ci (« backloading ») afin de ne pas modifier les plafonds annuels totaux pour la période 2014-2020 et la dotation totale par rubrique ou sous-rubrique sur cette période.

Ces décisions sont reprises dans la lettre rectificative présentée par la Commission européenne le 18 septembre 2013. Cette lettre rectificative traduit d’abord l’accord politique concernant le CFP 2014-2020, qui permet donc la concentration en 2014 et 2015 d’un montant maximal de 2,543 milliards d’euros (prix constants 2011) : 2,143 milliards pour l’emploi des jeunes, 200 millions pour Horizon 2020, 150 millions pour Erasmus et 50 millions pour COSME. La lettre rectificative adapte en conséquence les enveloppes financières des programmes correspondants pour 2014 sous la rubrique 1a (compétitivité pour la croissance et l’emploi) et la rubrique 1b (cohésion économique, sociale et territoriale). Aucun changement n’est proposé en ce qui concerne la concentration des crédits en amont prévue pour l’initiative pour l’emploi des jeunes qui avait déjà été incluse dans le projet de budget 2014.

Ensuite, cette lettre rectificative porte sur :

-  l’assistance supplémentaire à Chypre au titre des fonds structurels, pour laquelle il est proposé de financer un montant de 100 millions d’euros en faisant appel à la marge de la rubrique 1b (21,6 millions) et en mobilisant l’instrument de flexibilité (78,4 millions) ;

- les conséquences, en termes de ressources humaines et financières, de la nouvelle génération d’initiatives technologiques conjointes (ITC) ;

- la création de lignes budgétaires assorties d’une mention « pour mémoire » afin de permettre à la Commission de gérer une partie de l’enveloppe nationale de l’assistance technique au titre des fonds structurels et d’investissement européens à la demande des États membres qui connaissent des difficultés budgétaires temporaires.

L’incidence budgétaire nette de ces changements consiste en une augmentation de 100 millions d’euros des crédits d’engagement par rapport au projet de budget 2014, comme le retrace le tableau suivant.

Le Conseil n’a pas encore fait connaître sa position sur cette lettre rectificative.

PROJET DE BUDGET 2014 MODIFIÉ PAR LA LETTRE RECTIFICATIVE N°1

Rubrique

Projet de budget (PB) 2014 présenté par la Commission

(en millions)

Lettre rectificative (LR) n°1

2014 PB + LRn° 1

CE

CP

CE

CP

CE

CP

1 – Croissance intelligente et inclusive

63 825

62 789

100.000

 

64 825

62 789

1a – Compétitivité pour la croissance et l’emploi

16 264

11 695

169.200

 

16 433

11 695

1b – Cohésion économique, sociale et territoriale

47 561

51 094

-69.200

 

47 491

51 094

2 – Croissance durable : ressources naturelles

59 248

56 533

   

59 248

56 533

dont dépenses relatives au marché et paiements directs

43 778

43 777

   

43 778

43 777

3 – Sécurité et citoyenneté

2 140

1 668

   

2 140

1 668

4 – L’Europe dans le monde

8 176

6 251

   

8 176

6 251

5 – Administration

8 595

8 597

   

8 595

8 597

dont dépenses administratives des institutions

6 936

6 938

   

6 936

6 938

6 – Compensations

29

29

   

29

29

TOTAL

142 011

135 866

100 000

 

142 111

135 866

Hors CFP

456 181

200 000

   

456 181

200 000

Total général

142 468

136 066

   

142 468

136 066

Source : Commission européenne

Le Conseil, comme d’ordinaire, a vu s’opposer les tenants de la cohésion, qui ont soutenu la proposition de la Commission européenne, et les contributeurs nets. Il s’est finalement mis d’accord sur des coupes à hauteur de 241 millions d’euros en engagements, ce qui porte la marge sous plafond à 769 millions d’euros, et à hauteur de 1,061 milliard d’euros en paiements, constituant ainsi une marge du même montant (le Conseil ne s’est pas encore prononcé sur la lettre rectificative au projet de budget 2014). La position ainsi définie a été confirmée par le COREPER le 18 juillet 2013 et a été définitivement adoptée par le Conseil le 2 septembre dernier.

Il n’aura fallu que trois proposition de compromis pour qu’un accord soit obtenu à la quasi-unanimité (seule la Belgique a estimé que le niveau des paiements par rapport aux engagements était trop faible et qu’il convenait, en conséquence, soit de diminuer les engagements, soit d’augmenter les paiements). Cela s’explique sans doute par le fait que les tenants d’une limitation des dépenses avaient de facto quasi-satisfaction avec la proposition initiale de la Commission, contrainte par le nouveau CFP.

Au total, le budget proposé par le Conseil s’élève à 141,8 milliards d’euros en engagements (142,2 milliards en intégrant les instruments hors plafond) et 134,8 milliards d’euros en paiements (135 en intégrant les instruments hors plafond), ce qui représente respectivement 1,05 et 1 % du RNB.

Le tableau suivant illustre les évolutions de crédits qui découlent de la position du Conseil par rapport à la proposition de la Commission et par rapport au budget 2013 incluant le budget rectificatif n°1 :

Source : annexe « jaune » au projet de loi de finances pour 2014.

Si l’on raisonne en euros courants, la hausse des crédits de paiements proposée par le Conseil, par rapport à 2013, est limitée à 1,3 %, soit une progression de 1,7 milliard d’euros (montant de 134,8 milliards d’euros ; 135 milliards en intégrant les instruments hors plafond), soit plus d’un milliard de moins que dans la proposition de la Commission. L’évolution par rapport à 2013, en prenant comme référence le budget 2013 uniquement modifié par le budget rectificatif n°1, est donc de +1,3% contre +2,1% dans la proposition de la Commission.

Le tableau suivant présente le projet de budget pour 2014 tel que revu par le Conseil en faisant apparaître les coupes opérées par rubriques et sous-rubriques par rapport à la proposition de la Commission, s’entendant avant lettre modificative, postérieure à la position du Conseil.

Intitulé

Position du conseil

(en millions d’euros)

Coupes
par rapport au PB 2014 (montant)

CE

c/e

CP

CE

CP

1 – Croissance intelligente et inclusive

63 761

62 160

– 63

– 629

1a – Compétitivité pour la croissance et l’emploi

16 204

11 268

– 60

– 426

1b – Cohésion économique, sociale et territoriale

47 557

50 891

– 3

– 202

2 – Croissance durable : ressources naturelles

59 246

56 420

– 2

– 113

dont dépenses relatives au marché et paiements directs

43 778

43 777

3 – Sécurité et citoyenneté

2 134

1 658

– 5

– 10

4 – L’Europe dans le monde

8 159

6 095

– 17

– 157

5 – Administration

8 442

8 443

– 153

– 153

dont dépenses administratives des institutions

6 835

6 837

– 101

– 101

6 – Compensations

29

29

 

TOTAL

141 771

134 805

– 241

– 1 061

Part des crédits dans le RNB

1,05 %

1,00 %

Le Conseil justifie sa position par les considérations suivantes :

– les contraintes budgétaires et économiques générales et la maîtrise rigoureuse des crédits ;

– le fait que 2014 est l’année de démarrage de la programmation ;

– la nécessité de restaurer des marges sous plafond pour assurer la soutenabilité du nouveau cadre : besoin de constituer une marge suffisante en paiements et d’accroître celle en engagements. Il est exact que la saturation des plafonds, telle qu’elle résulte de la proposition de la Commission, n’est pas une solution idéale. L’argument selon lequel la flexibilité nouvelle compenserait la baisse des crédits est un argument à manier avec prudence. Pour rappel, c’est le différentiel entre les paiements exécutés et le plafond des paiements fixés dans le cadre financier pour l’exercice précédent (et non pas la marge) qui est reporté. L’exécuté est lié au niveau des crédits ouverts et l’abaissement du montant inscrit peut permettre, en diminuant le montant de crédits consommés, de réallouer des sommes plus importantes aux exercices ultérieurs. Encore faut-il que les paiements de l’année n n’aient pas été reportés sur l’année n+1 par manque de crédits ouverts ;

– le souhait de restaurer ces marges en préservant la solidarité et en assurant le lancement rapide des nouveaux programmes porteurs pour l’emploi des jeunes et la recherche ;

– une réduction des crédits d’engagement qui porte uniquement sur les crédits non dissociés des crédits de paiement (dépenses administratives des programmes opérationnels, des agences et des institutions).

Les évolutions de crédits d’engagement par rapport au projet de budget de la Commission se traduisent par : -60 millions d’euros pour la sous-rubrique 1a Compétitivité pour la croissance et l’emploi, -3 millions d’euros pour la sous-rubrique 1b Cohésion économique, sociale et territoriale, -2 millions d’euros pour la rubrique 2 Croissance durable : ressources naturelles, - 5 millions d’euros pour la rubrique 3 Sécurité et citoyenneté, -17 millions d’euros pour la rubrique 4 L’Europe dans le monde et -153 millions d’euros pour la rubrique 5 Administration. Il n’y a eu aucune modification pour la rubrique 6.

Il en résulte la décomposition suivante :

Source : annexe « jaune » au projet de loi de finances pour 2014.

Le Conseil a limité l’évolution par rapport à 2013 (référence budget 2013 modifié par le premier budget rectificatif) des crédits de paiement de l’ensemble des rubriques : la sous-rubrique 1a baisse de 5,5 % par rapport au budget modifié 2013 ; la sous-rubrique 1b croît de 7,5 % ; la rubrique 2 diminue de 1,4 % ; la rubrique 3 décroit de 5,3 %, la rubrique 4 baisse de 3,6 % et la rubrique 5 augmente de 0,3 %.

Chaque année, le contexte général interfère avec les discussions autour du budget à voter. C’est particulièrement vrai pour le budget 2014 dès lors qu’il est la première traduction de l’accord intervenu entre le Conseil et le Parlement européen le 27 juin dernier sur la nouvelle programmation financière, qui n’a lui-même pas encore été soumis au vote. Pour le Parlement européen, l’enjeu est important car il s’agit de voir si les termes, mais aussi l’esprit de l’accord, seront bien respectés, faute de quoi, c’est même son approbation du nouveau cadre financier pluriannuel qui pourrait être remise en cause.

Pour mémoire, dans sa résolution du 3 juillet 2013 sur l’accord politique concernant le cadre financier pluriannuel, le Parlement européen a rappelé qu’il estime que « le volume total du prochain CFP, tel qu’il a été décidé par le Conseil européen, reste en deçà des objectifs politiques de l’Union européenne et de la nécessité d’assurer le succès de la mise en œuvre de la stratégie Europe 2020 » ; [il] s’inquiète de ce que ce niveau de ressources ne soit pas suffisant pour doter l’Union européenne des moyens nécessaires pour se rétablir de la crise actuelle d’une manière coordonnée et en ressortir renforcée ; [il] regrette que les États membres continuent de sous-évaluer le rôle et la contribution du budget de l’Union européenne au renforcement de la gouvernance économique et de la coordination budgétaire dans l’ensemble de l’Union européenne ; [il] craint, en outre, que le niveau si peu élevé des plafonds du CFP ne réduise considérablement la marge de manœuvre du Parlement dans les procédures budgétaires annuelles ». En conséquence, les parlementaires européens mettaient en garde le Conseil contre des intentions de coupes.

Pour faire en sorte que, malgré des plafonds de crédits bas, les politiques européennes puissent être exécutées de manière acceptable, deux grandes conditions doivent être réunies, selon le Parlement européen :

– La première concerne l’exécution du cadre financier actuel. Il ne saurait y avoir un budget 2014 aussi contraint en l’absence de budget 2013 rectifié à hauteur des besoins de paiement liés aux reports de 2012.

Dans leur déclaration commune du 10 décembre 2012, le Conseil et le Parlement européen avaient invité la Commission européenne à demander des crédits de paiement supplémentaires dans un budget rectificatif si les crédits inscrits dans le budget 2013 s’avéraient insuffisants pour couvrir les dépenses relevant de toutes les rubriques à l’exception de celle relative aux dépenses administratives. De plus, ils avaient convenu, dans une seconde déclaration commune, que la Commission européenne présenterait au début de l’année 2013 un projet de budget rectificatif destiné à couvrir les créances suspendues en 2012 ainsi que les autres obligations juridiques en suspens, en contrepartie de la réduction du montant des crédits de paiement supplémentaires proposés par la Commission européenne pour 2012.

Le projet de budget rectificatif n°2 présenté le 27 mars 2013 par la Commission propose en conséquence d’ouvrir 11,2 milliards d’euros de crédits supplémentaires (dont 9 milliards pour la politique de cohésion) pour couvrir toutes les obligations juridiques de 2012 et 2013 et éviter tout report anormal sur 2014. Ces crédits devraient donc permettre de réduire les engagements restant à liquider, qui atteignaient plus de 217 milliards d’euros fin 2012 et seraient contenus à 224,7 milliards d’euros fin 2013, et de limiter le report de factures impayées.

L’INQUIÉTANTE ÉVOLUTION DU RAL DE 2012 À 2014

Source : annexe « jaune » au projet de loi de finances pour 2014

L’adoption de ce budget rectificatif a été érigée par le Parlement européen comme un préalable à son approbation du cadre financier pluriannuel ou à son adoption du budget pour 2014. Le 9 juillet dernier, le Conseil Ecofin a approuvé un budget rectificatif de 7,3 milliards d’euros avec l’engagement politique d’adopter un budget rectificatif complémentaire si besoin à l’automne. Cette position est acceptable dès lors que le montant proposé par la Commission, d’une ampleur inédite, aurait conduit à porter les plafonds quasiment à leur maximum autorisé pour 2013. Le Parlement européen a validé cette démarche en deux étapes.

Le 25 septembre dernier, la Commission européenne a proposé l’adoption de la deuxième tranche, soit 3,9 milliards d’euros, après réaffectation des ressources disponibles dans le budget (budget rectificatif n°8). L’essentiel des 3,9 milliards d’euros sera consacré au paiement des factures transmises par les États membres dans le domaine de la politique de cohésion (soit 3,1 milliards d’euros). Quelques 344 millions d’euros serviront à renforcer les instruments visant à stimuler la croissance et l’emploi (la « rubrique 1a»), en particulier la recherche, le financement des PME et la mobilité des étudiants. Une proposition d’aide de 121 millions d’euros en faveur des victimes de crises humanitaires graves, notamment en Syrie, au Mali et dans la corne de l’Afrique, a aussi été présentée.

Rubriques

Crédits ouverts par le PBR8

(en millions d’euros)

1a. Compétitivité pour la croissance et l’emploi

343,6

1b. Cohésion pour la croissance et l’emploi

3 147,5

2 Conservation et gestion des ressources naturelles

185,3

3a. Liberté, sécurité et justice

49,3

3b. Citoyenneté

0,9

4. L’UE acteur mondial

213,4

5. Administration

 

6. Compensations

 

Total

3 940,0

– La deuxième condition concerne le financement des priorités annoncées. Il s’agit en premier lieu de la mobilisation de fonds dès 2014 par anticipation conformément aux accords du début de l’été. C’est l’objet de la lettre rectificative présentée supra. Mais il s’agit aussi plus largement d’avoir la garantie que l’écart entre paiements et engagements ne sera pas important au point de priver l’Europe des moyens de sa politique.

Le Parlement européen n’a pas été en mesure, à ce stade, de se prononcer sur le projet de budget 2014 dès lors que la proposition de la Commission a été faite tardivement. Il a toutefois donné, dans sa résolution du 13 mars 2013, adoptée sur le fondement du rapport de la députée européenne Mme Anne Jensen (ADLE, Danemark), ses orientations générales pour la préparation du budget pour 2014 : déterminer un niveau de paiements suffisant et réaliste et prioriser le soutien à la croissance, à la compétitivité et à l’emploi, en particulier des jeunes, ainsi que la mise en œuvre de la stratégie Europe 2020.

Dès lors, l’annonce du compromis obtenu au sein du Conseil sur le projet de budget 2014 a fait l’objet de vives réactions de la part de la Commission européenne comme des parlementaires européens.

Janusz Lewandowski, le commissaire européen au budget, a fait part de sa vive inquiétude en ces termes : « Le bon sens ne prévaut pas au Conseil et c’est inquiétant ». Selon lui, la position du Conseil ignore la décision des chefs d’État et de gouvernement de l’UE visant à concentrer les programmes importants au début du cadre financier. Il estime que la réduction des dépenses affecte de nombreux domaines convenus par les dirigeants dans les conclusions du Conseil européen de juin : les programmes visant à stimuler la compétitivité des entreprises européennes (COSME) ou dans la recherche et l’innovation (Horizon 2020). La concentration des crédits ne modifiant pas les plafonds annuels totaux, la révision à la baisse demandée par le Conseil de la proposition de budget 2014 fait planer des inquiétudes sur la mise en œuvre des autres projets de l’Union. Le commissaire européen au budget a également mis en garde contre les recommandations du Conseil sur le budget du personnel, indiquant que la diminution ralentirait les dépenses dans les programmes de recherche et d’innovation : « Je ne vois pas de logique dans la position du Conseil, dans la mesure où d’une part, les dirigeants européens nous pressent de travailler sur la stimulation de la croissance, et d’autre part, le Conseil réduit les fonds pour les petites et moyennes entreprises, la recherche et l’infrastructure ... Cependant, je reste optimiste et je pense que la période de consultation entre le Parlement, le Conseil et la Commission nous aidera à trouver une meilleure solution pour les bénéficiaires de l’UE qui dépendent en grande partie du budget de l’UE ».

La position des parlementaires européens est convergente. Le Parlement européen, par une déclaration commune à trois grands groupes politiques (PPE, S&D, ADLE), a fait savoir que les conditions définies dans sa résolution du 3 juillet n’étaient pas réunies : « L’accord sur le CFP est un compromis conclu sous l’égide et avec l’engagement de toutes les parties. Les citoyens en ont besoin et le Conseil doit maintenant prendre ses responsabilités et le mettre en œuvre, tout comme le Parlement est disposé à le faire », a affirmé le rapporteur Ivailo Kalfin (S&D, Bulgarie). Selon les parlementaires, plutôt que de concentrer l’aide de 2014 sur les jeunes, les PME et la recherche et l’innovation, comme initialement prévu, le Conseil propose de réduire les crédits d’engagements et de paiement relatifs à ces programmes. Les coupes budgétaires contrediraient donc ses promesses, comme l’ont encore souligné les députés lors de la présentation du budget 2014 par la présidence lituanienne le 10 septembre. « Il est inacceptable que le Conseil propose les coupes les plus importantes dans les domaines visant à relancer la croissance tels que la recherche et l’innovation », a déclaré le rapporteur pour le budget 2014 Anne Jensen.

La commission des budgets a en conséquence rejeté, lors de son vote sur le budget 2014 les 2 et 3 octobre, la baisse des investissements en faveur de la croissance et de l’emploi en 2014. Elle a également rétabli les financements en matière de politique internationale, tels que l’aide humanitaire au Proche-Orient et aux réfugiés. Il est à noter que le budget du Parlement a été substantiellement réduit par rapport à la proposition de la Commission (près de 10 millions d’euros) pour le ramener à 1,784 milliard d’euros.

Cette position sera mise aux voix de l’ensemble des parlementaires européens en plénière le 23 octobre 2013. La conciliation avec le Conseil s’engagera alors. Si elle débouche sur un accord, celui-ci sera soumis au vote de la plénière lors de la session de novembre.

Le total des ressources propres que la France devrait mettre à disposition du budget européen en 2014 est estimé, sur la base de la position du Conseil, à 22,2 milliards d’euros, soit 16,4 % du total du budget européen et 7,8 % des recettes fiscales nettes françaises. En tendance, la contribution française est en progression.

Cette partie s’attache à présenter et commenter, sur un plan budgétaire, le montant du prélèvement sur recettes inscrits dans le projet de loi de finances pour 2014, la situation de la France en termes de contributions et retours et apporte un éclairage particulier sur le coût pour la France de sa participation aux diverses corrections dont bénéficient d’autres États-membres sur le calcul de leur contribution.

Évaluée à 20 144 073 000 euros à l’article 41 du projet de loi de finances pour 2014, la contribution française au budget communautaire (4) devrait représenter 7,2 % du budget de l’État hors charges de la dette et pensions. Pour mémoire, le prélèvement est inclus dans la norme de dépenses de l’État, c’est-à-dire « zéro valeur » hors charges de la dette et pensions : toute évolution à la hausse, en valeur, de ce prélèvement, doit donc se traduire par une diminution à due concurrence d’autres dépenses du budget de l’État.

Le montant du prélèvement sur recettes a été évalué en fonction des prévisions de dépenses, de recettes et de solde du budget communautaire. Plus précisément, la prévision du prélèvement sur recettes se fonde sur :

– l’adoption d’un budget européen pour 2014 conforme à la position du Conseil, se traduisant par un besoin de financement de 135 milliards d’euros ;

– un « budget solde » 2013 reporté sur 2014 nul ;

– les prévisions relatives à l’assiette de TVA et au revenu national brut français, ainsi qu’au rabais britannique ; données prévisionnelles de la Commission européenne issues du comité consultatif des ressources propres (CCRP) réuni à Bruxelles le 16 mai 2013 et reprises dans le projet de budget pour 2014.

Pour le projet de budget 2014, la ressource RNB est la principale source de financement, et atteindra même 72 % des ressources du budget européen.

STRUCTURE PRÉVISIONNELLE DES RECETTES DU BUDGET DE L’UNION SELON LA POSITION DU CONSEIL SUR LE PROJET DE BUDGET 2014

Source : annexe « jaune » au projet de loi de finances pour 2014.

Indépendamment du besoin de financement qui résultera du budget européen adopté en fin d’année, c’est-à-dire même si la position du Conseil est celle qui l’emporte, le montant réel du prélèvement demeure sujet à variations, plusieurs données pouvant générer des écarts notables entre l’inscription en loi de finances initiale et l’exécution. Par exemple, les budgets rectificatifs adoptés en cours d’année influent directement sur le montant des contributions. Compte tenu de l’annualité de la loi de finances, les restitutions ou les appels de fonds relatifs au budget de l’année précédente impactent l’année en cours (pas de rattachement ex-post). L’année 2013 a constitué une année particulière en matière de variations entre la loi de finances initiale et l’exécution, car outre les variations « classiques » (solde, actualisation des recettes, financement des corrections etc.), se sont ajoutés deux éléments :

– une – majoration du PSR au titre du budget 2012 a été appelée début 2013 : le budget rectificatif n°6 pour 2012, prévoyant 3,1 milliards de recettes non anticipées mais aussi 6 milliards d’euros de paiements, la hausse du besoin de financement de 2,9 milliards s’est traduite par une majoration de 837 millions d’euros pour le budget français 2013, intégrée dans la prévision inscrite en loi de finances pour 2013 (PSR-UE 2013) ;

– pas moins de neuf budgets rectificatifs ont été déposés, dont les budgets rectificatifs n°2 et 8 précités qui portent sur 11,2 milliards d’euros. Pour la France, l’impact de ces neuf budgets rectificatifs sera de près de 1,8 milliards d’euros supplémentaires. À ce jour, il est prévu que l’intégralité en soit supportée par le PSR 2013 (pas de report sur le PSR 2014).

Le montant du PSR estimé pour 2013 s’établirait à 22,213 milliards d’euros, soit une majoration de 1,778 milliards d’euros par rapport au montant prévu dans la loi de finances initiale (le montant définitif ne sera connu que fin novembre, lorsque les ajustements de corrections d’assiettes TVA et RNB sur les exercices antérieurs seront définitifs). La contribution nette s’élèverait en totalité à 23,681 milliards.

Au regard de cette prévision pour 2013, le montant de la contribution est en repli en 2014 (-2,069 milliards). Néanmoins, il convient de souligner, d’une part, que la progression par rapport à 2012 est de 5,8 %, l’exceptionnalité de la majoration du PSR en 2013 masquant la progression bien réelle du prélèvement, d’autre part, que le PSR 2014 est d’une certaine façon minoré.

En effet, la décision ressources propres (DRP) pour la période 2007-2013 prend fin le 31 décembre 2013 et sera remplacée par une nouvelle DRP, mais seulement lorsque celle-ci aura été votée à l’unanimité du Conseil et ratifiée par l’ensemble des parlements nationaux (5). La précédente DRP n’était ainsi entrée en vigueur que le 1er mars 2009, avec effet rétroactif au 1er janvier 2007. Il est probable que la prochaine entre en vigueur en 2016, avec effet rétroactif au 1er janvier 2014.

En 2014, mis à part la réduction britannique qui ne dépend pas de la DRP, aucun rabais ne sera donc payé à titre transitoire. Mais ce n’est qu’un effet de trésorerie. En 2009, l’application rétroactive de la DRP avait conduit à une majoration du PSR de 1,126 milliard d’euros qui n’avait pas été acquitté en 2007 et 2008.

Malgré la nécessité d'aborder ce sujet dans le présent rapport, votre Rapporteure rappelle que la notion de solde net entre ce qu’un État membre verse au budget communautaire au titre des ressources propres et ce qu’il reçoit par le biais des dépenses de l’Union européenne effectuées sur son territoire ne saurait retracer la totalité des coûts et bénéfices de l’appartenance à l’Union européenne. La France considère la vision comptable avec une grande prudence, car elle ne rend pas compte de la plus-value européenne. Le budget européen induit en effet de nombreuses externalités positives, non directement chiffrables, et reflète bien entendu l’expression d’une solidarité qui implique l’existence de contributeurs nets, parmi lesquels la France.

Il ne s’agit pour autant pas de s’exempter de l’exercice purement comptable de l’analyse de la participation de la France au budget européen. Dans ce débat, la France est en position difficile car l’image de pays privilégié par l’Union européenne continue à la marquer alors qu’elle ne correspond plus à la réalité. Certes, elle demeure un des premiers bénéficiaires du budget européen en volume. Mais son solde net s’est fortement dégradé ces dernières années.

La France est historiquement le deuxième contributeur du budget européen ; toutefois, pour sauvegarder la politique agricole commune à laquelle elle est très attachée, elle a dû se résigner à ce que l’écart de sa contribution avec celle de l’Allemagne se resserre. Cette augmentation tendancielle de la contribution française a été particulièrement manifeste en 2009, puisqu’elle dépassait hors droits de douane celle de l’Allemagne et correspondait au double de celle du Royaume-Uni. Le tableau suivant montre la position des différents États en 2011 avec une décomposition de la contribution. La France contribue au budget européen à hauteur de 16,3 % en 2011. Ce taux devrait atteindre 16,7 % en 2013.

Selon le rapport financier de la Commission, en 2011, les quatre pays qui ont le plus contribué aux ressources propres sont l’Allemagne (19,67 milliards d’euros), la France (18,05 milliards d’euros), l’Italie (16,08 milliards d’euros) et le Royaume-Uni (11,27 milliards d’euros).

Source : annexe « jaune » au projet de loi de finances pour 2014

En 2011, dernier exercice disponible, 11,2 % des dépenses du budget européen (117,337 milliards d’euros) ont été effectuées sur le sol français, soit 13,16 milliards d’euros (6). Ce pourcentage était de 16,1 % dix ans auparavant (2001) et de 13,9 % cinq ans auparavant (2006).

Alors qu’elle était encore en volume le premier bénéficiaire avec l’Espagne en 2010, la France est désormais le troisième bénéficiaire derrière la Pologne (14,4 milliards d’euros) et l’Espagne (13,6 milliards) et devant l’Allemagne (12,1 milliards). Ce statut tient essentiellement à l’importance des dépenses de la politique agricole commune en France, qui représentent 72 % du total des dépenses réparties sur notre territoire (9,5 milliards d’euros) alors que les crédits de la politique de cohésion vont principalement aux douze pays ayant intégré l’Union européenne depuis 2004. En 2011, la part de la France dans le total des dépenses agricoles de l’Union européenne s’est maintenue à un niveau élevé (17,1 % après 17,6 % en 2010), ce qui en fait le premier bénéficiaire en volume, maintenant une tendance établie depuis 2003 (cette part est cependant en baisse puisqu’elle représentait 19 % en 2009).

Cependant, la France n’est que le 20ème bénéficiaire des dépenses de l’Union européenne, comme en 2010 (dépenses de la rubrique 4 incluses, c’est-à-dire celles relative aux relations extérieures) si l’on prend en compte les retours par habitant (202 euros par habitant), loin derrière le Luxembourg (3037 euros par habitant). Même s’agissant de la PAC, la France est le 8ème bénéficiaire par habitant (152 euros par habitant), le premier étant l’Irlande (375 euros par habitant).

La France était en 2011 le deuxième bénéficiaire en volume, derrière l’Allemagne et devant le Royaume-Uni, des politiques de compétitivité (1,3 milliards de retours), à hauteur de 60 % sur la ligne Programme cadre de recherche et de développement et 16 % sur la ligne Galileo, mais seulement le treizième par habitant (20 euros). Toujours en 2011, elle était le neuvième pays bénéficiaire des crédits de cohésion (1,8 milliards d’euros), loin derrière la Pologne (9,6 milliards) et était seulement la 22ème bénéficiaire par habitant (27 euros, moins du tiers de la moyenne européenne, loin derrière la Hongrie (premier bénéficiaire avec 364 euros par habitant).

TOTAL DES RETOURS EN 2011

Source : Annexe « jaune » au projet de loi de finances pour 2014

Les tableaux qui suivent, extraits du rapport financier relatif au budget 2011 publié par la Commission européenne, détaillent les dépenses et recettes communautaires par État membre, ce qui permet d’apprécier la position relative de la France, et l’évolution des soldes budgétaires opérationnels.

SOLDES BUDGÉTAIRES OPÉRATIONNELS 2000-2011 (DÉPENSES ADMINISTRATIVES ET RPT EXCLUES MAIS CORRECTION BRITANNIQUE INCLUSE)

DÉPENSES ET RECETTES DU BUDGET COMMUNAUTAIRE PAR ÉTAT MEMBRE EN 2011 (en millions d’euros)

Source : Commission européenne, Budget de l’UE 2011 : rapport financier, octobre 2012.

Toujours selon le rapport financier de la Commission européenne, en 2011 la France est donc encore le deuxième contributeur net au budget de l’Union en valeur absolue. Son solde net s’établit à -6,406 milliards d’euros, en forte baisse (-5,534 milliards en 2010). Elle se positionne derrière l’Allemagne mais devant l’Italie et depuis cette année le Royaume-Uni. La France se place au huitième rang des contributeurs nets en pourcentage du RNB.

Le montant du solde net diffère en fonction de la méthode de calcul utilisée. Ainsi, selon l’annexe « jaune » au projet de loi de finances pour 2014, le solde net de la France pour 2011 est évalué à - 6,455 milliards d’euros (- 0,32 % de son RNB) selon la méthode comptable et à - 7,227 milliards d’euros (- 0,36 % de son RNB) selon la méthode dite « du rabais britannique » (7). La dégradation du solde net de la France au cours des années 2000 est particulièrement sensible. Il représentait moins de 0,15 % de son RNB jusqu’au début des années 2000 contre plus de 0,20 % depuis 2004.

Solde net français de 1998 à 2011 en milliards d’euros et en part du PNB
(méthode de calcul dite du « rabais britannique »)

Source : Annexe « jaune » au projet de loi de finances pour 2014

Soldes nets en 2011 en pourcentage de RNB

(méthode de calcul dite du « rabais britannique »)

Source : Annexe « jaune » au projet de loi de finances pour 2014

Les principaux bénéficiaires nets sont les nouveaux États membres, particulièrement la Pologne (+3,05 % du RNB), mais l’Espagne, l’Irlande et surtout la Grèce et le Portugal sont toujours bénéficiaires nets, même s’ils ne connaissent plus la même situation qu’avant 2004, et la prise en compte des dépenses administratives place en bonne position la Belgique et surtout le Luxembourg.

La pratique des rabais découle de l’instauration en 1984 du « chèque britannique », encore appelé « rabais britannique » ou « correction britannique ». Si la raison d’être originelle de ce dernier semble avoir été supplantée aujourd’hui par des arguments plus étroitement « comptables », et si sa réforme s’esquisse, la disparition de la correction britannique semble difficile à obtenir à moyen terme.

La victime première de ces marchandages financiers n’est autre que le budget de l’Union, atteint dans son autonomie et ses principes juridiques. Le mécanisme dérogatoire inauguré par la correction britannique porte atteinte à l’autonomie financière de la Communauté, en mettant en cause le caractère propre des ressources concernées ainsi que le principe d’universalité. Il aboutit à une vision réductrice des avantages de l’appartenance à l’Union. Par ailleurs, les notions de « charge budgétaire excessive » et de « prospérité relative » (cf. infra) d’un État membre qui en justifieraient l’existence n’ont jamais été définies de façon précise et, en tout état de cause, paraissent inappropriées.

Au-delà de ces éléments de principes – certes essentiels – c’est une machinerie complexe qui s’est progressivement construite, mettant à mal le principe de transparence, et rendant aujourd’hui difficile une remise en place pourtant indispensable. L’opacité de la matière est d’ailleurs reflétée par la variété des termes employés : compensations financières, mécanisme correcteur, arrangements relatifs aux ressources propres, corrections, rabais ou chèque.

Le rabais britannique apparaît à l’origine comme une création tendant à répondre au déséquilibre important existant entre les contributions du Royaume-Uni au budget européen et les dépenses financées par la Communauté économique européenne sur son territoire. Cette décision s’explique à l’époque par :

– la proportion particulièrement élevée du Royaume-Uni dans les ressources de la CEE. En effet, les importations du pays en provenance de pays tiers, notamment du Commonwealth, sont alors importantes. Il en découle que les prélèvements agricoles et les droits de douanes récoltés par Londres et transférés directement au budget de Bruxelles sont supérieurs à ceux des autres membres de la CEE – à une époque où ces deux ressources propres traditionnelles constituent l’essentiel du budget européen. Ce phénomène sera confirmé ultérieurement lors de l’instauration de la ressource TVA (8), en raison de la place éminente outre-manche des dépenses de consommation dans le PNB (9) ;

– le fait que le Royaume-Uni bénéficie alors modestement des financements d’une politique agricole commune (PAC) qui constitue 70 % des dépenses de la CEE. En effet, la population agricole britannique apparaît moins nombreuse que celle de ses partenaires et son marché agricole est bien structuré et déjà très productif, ce qui limite les bénéfices pour elle de cette politique commune.

La question d’un dédommagement accordé au Royaume-Uni est bien antérieure au slogan de M. Thatcher « I want my money back » et au Conseil européen de Fontainebleau de 1984. Dès 1974, le Royaume-Uni s’efforce, par la voix de son nouveau Premier ministre (travailliste) H. Wilson et de son ministre des Affaires étrangères J. Callaghan, de renégocier les termes de l’adhésion britannique à la Communauté.

Le sommet des chefs d’État européens tenu à Paris les 9 et 10 décembre 1974 donne tout d’abord raison au Royaume-Uni en reconnaissant la « situation inacceptable » à laquelle le pays est confronté. Mais c’est surtout le Conseil européen de Dublin des 10 et 11 mars 1975 qui donne raison au Royaume-Uni en admettant la création (proposée par la Commission) d’un « mécanisme correcteur », de portée générale et potentiellement ouvert à tous les États membres. Les conditions exigées pour bénéficier de ce dispositif étant draconiennes, il n’a jamais trouvé à s’appliquer. L’idée de rabais ne s’en trouve pas moins institutionnalisée…

Par ailleurs, au début des années 1980, le Royaume Uni obtient une première solution à son désavantage budgétaire, par une participation plus importante du pays aux affectations des dépenses de politique régionale (10). Il s’agit alors d’un traitement par les dépenses du problème britannique.

Le Conseil européen a progressivement accédé aux insistantes réclamations de Londres, même si elles n’étaient guère conformes au principe de la solidarité budgétaire européenne. C’est au Conseil européen de Fontainebleau, les 25 et 26 juin 1984, qu’est acté le passage du principe d’une compensation à la réalité d’un chèque. Si un tel rabais bénéficie en premier lieu au Royaume Uni – les modalités d’application en sont précisées en 1985 –, il a en fait vocation à bénéficier à tout pays confronté à une situation similaire à celle de Londres. Les conclusions du sommet posent en effet un principe général : « tout État membre supportant une charge budgétaire excessive au regard de sa prospérité relative est susceptible de bénéficier, le moment venu, d’une correction ».

La lettre des conclusions de Fontainebleau fait de l’octroi d’une correction la résultante de deux conditions : une « charge budgétaire excessive » – c’est-à-dire un déséquilibre important entre les contributions nationales au budget de l’UE et les retours obtenus – et la reconnaissance du caractère anormal dudit déséquilibre, qui est apprécié au vu de la situation économique générale du pays ; c’est le critère de la « prospérité relative ».

Le Royaume-Uni se trouvait effectivement dans une conjoncture économique difficile au tournant des années 1970 et 1980. Le pays était à l’époque l’un des plus pauvres de la CEE, avec le septième PIB par habitant en 1980, et ce malgré le début d’exploitation du pétrole de la mer du Nord. Pour rappel, en 1976, le pays avait bénéficié d’une aide du Fonds monétaire international.

Aujourd’hui, force est de constater que le Royaume-Uni s’érige au rang des plus puissantes économies de l’UE 28. En 2012, son RNB par habitant s’élevait à 38 250 dollars, talonnant celui de la France (41 750 dollars) (11). Le redressement de l’économie britannique et sa tertiarisation ont nettement rehaussé sa « prospérité relative », et ce d’autant plus depuis l’élargissement de l’Union au sud et à l’est.

La pérennité du chèque britannique – malgré le redressement de l’économie britannique depuis le Conseil européen de Fontainebleau – a de facto relayé au second plan le critère de la « prospérité relative », dont l’objet était de remédier – dans une approche macroéconomique large – à une situation d’iniquité entre États membres. Désormais, ce n’est donc plus que le critère du déséquilibre financier entre contributions au budget de l’UE et retours directs sur le territoire national qui justifie le rabais accordé à Londres. Mais le justifie-t-il vraiment ?

Une autre évolution, moins immédiatement perceptible, participe de la disparition des justifications originelles de la correction britannique. Il s’agit de l’instauration en 1988 d’une nouvelle ressource propre, fondée sur les RNB des États membres, qui se substitue alors à la ressource TVA en tant qu’élément d’équilibre du budget communautaire et qui, surtout, va devenir la principale source de financement du budget de l’UE (12). Cette réforme est avantageuse pour le Royaume-Uni, dans la mesure où la part du pays dans l’assiette de cette nouvelle ressource est moins importante que sa part dans l’assiette TVA. L’assiette TVA du Royaume-Uni représente en 2012 15,8 % de l’assiette européenne (16,6 % pour la France) alors que son RNB représente 14,6 % du RNB (16,1 % pour la France). On soulignera que le lien fondamental du chèque britannique avec l’assiette TVA, seule référence statistique possible à l’origine mais aujourd’hui dépassée par la création de la ressource RNB, rend le système du rabais obsolète.

Par ailleurs, la situation budgétaire du Royaume-Uni s’est améliorée après 2000 à la suite de l’augmentation des frais de perception (13) des ressources propres traditionnelles (TVA et droits de douanes), dont le taux est passé de 10 % à 25 % de montants recouvrés (14). Ceci s’explique par la part des droits de douanes perçus par le Royaume-Uni, relativement importante du fait des importations du pays en provenance de l’extérieur de l’Union.

Il convient de noter enfin que la politique agricole commune, point de mire des critiques britanniques et argument en faveur du « chèque », a été à plusieurs reprises réformées depuis le Conseil européen de Fontainebleau et représente moins de 42 % des dépenses de l’UE (36 % si l’on se limite au premier pilier de la PAC). Le principal facteur du solde négatif britannique serait désormais la politique de cohésion, et non la PAC. Seul 30 % du solde négatif britannique trouve son origine dans le secteur agricole. Dès lors, une remarque s’impose : si le rabais britannique apparaissait répondre à l’origine à des désavantages avérés du Royaume-Uni, la raison de sa pérennité est peut-être qu’il constitue notamment le moyen de neutraliser l’hostilité de la Grande-Bretagne à l’encontre de la PAC.

ÉVOLUTION DE PARAMÈTRES CLÉS (1984-2011)

 

1984

2005

2011

Part de la PAC dans le budget

69 %

50 %

44 %

Contribution fondée sur la TVA

57 %

16 %

11 %

Prospérité du Royaume-Uni (RNB par habitant)

93 % de l’UE-10

117 % de l’UE-25

111 % de l’UE-27

Source : Commission européenne – DG Budget

Il convient d’abord de souligner le calcul complexe du rabais britannique. La base de calcul du rabais consiste en la différence entre les parts du Royaume-Uni dans la somme des assiettes TVA des différents États membres, d’une part, et dans le total des dépenses réparties de l’Union, d’autre part. On obtient ainsi un pourcentage, qui est alors appliqué au total des dépenses communautaires pour donner un montant chiffré. Les deux tiers du résultat obtenu donnent une première estimation du montant du chèque – on parle de « correction initiale ». Ce montant est par définition fluctuant en fonction des années.

Par la suite, les services de la Commission évaluent l’avantage que retire le Royaume-Uni de différentes réformes budgétaires de l’UE : écrêtement de la TVA, réduction du taux uniforme de TVA, introduction en 1988 de la ressource RNB. Ils soustraient alors cet avantage à la correction initiale, pour obtenir une estimation de la « correction de base » à laquelle le Royaume-Uni a droit. De ce dernier montant sont alors encore retranchés les gains exceptionnels de ressources propres traditionnelles du pays.

L’élargissement à l’Est de l’Union dans les années 2000 risquait mécaniquement de provoquer une augmentation du chèque britannique, et ce alors même que Londres se posait en ardent défenseur de l’élargissement. Cet effet a été neutralisé par la décision sur les ressources propres (DRP) du Conseil du 7 juin 2007, qui prévoit de réduire le montant total de référence des dépenses réparties (utilisé dans le calcul du chèque britannique) des dépenses annuelles de préadhésion dans les pays candidats ainsi que des dépenses effectués dans les nouveaux États membres.

Tout se passe ainsi comme si l’on calculait le montant du rabais britannique « à frontières constantes » - pour éviter l’appréciation de celui-ci. Toutefois, une catégorie particulière de dépenses effectuées dans les nouveaux États membres est prise en compte dans le total des dépenses communautaires – au bénéfice du Royaume-Uni et de son chèque. Il s’agit de certaines dépenses agricoles, notamment les aides directes et de marché de la PAC (premier pilier), vis-à-vis desquelles l’hostilité de Londres n’a guère faibli. Cette réduction de la correction britannique, permise par l’exclusion des dépenses d’élargissement, est toutefois graduelle : pour 2009, 20 % des dépenses d’élargissement seulement sont exclues ; pour 2010, 70 % et pour 2011, 100 %.

Par ailleurs, le Royaume-Uni a obtenu à l’époque un plafonnement à 10,5 milliards d’euros (prix 2004) de sa contribution aux dépenses d’élargissement sur la période 2007-2013.

La compensation financière accordée en 1984 au Royaume-Uni est supportée par les autres États membres de la CEE, selon des règles complexes fixées par la décision relative aux ressources propres (DRP) du Conseil prise le 7 mai 1985, et dont les principes généraux sont toujours en vigueur. On soulignera que :

– le Royaume-Uni ne participe pas au financement de son propre rabais ;

– ce rabais est accordé sous la forme d’une réduction de ses versements au titre de la TVA et, si nécessaire, de ses contributions RNB ;

– la charge financière correspondante est assumée par les autres États membres – l’année suivante – en fonction de leurs parts respectives dans la contribution d’équilibre (TVA d’abord, puis RNB à partir de 1988) ;

– l’Allemagne, qui apparaît également comme un contributeur net important, se voit accorder dès l’origine un allègement de sa participation au chèque britannique. Sa quote-part est en effet réduite d’un tiers. Il faut rappeler que l’Allemagne est alors le premier contributeur au budget communautaire, tant en montant brut qu’en solde net.

Dans ce schéma, la situation particulière de l’Allemagne constitue un premier « rabais sur le rabais ». Il sera suivi d’autres rabais, au bénéfice des Pays-Bas, de l’Autriche et de la Suède – tous États à la contribution nette importante.

Ainsi, lors de la négociation des perspectives financières 2000-2006, la Suède, les Pays-Bas et l’Autriche se sont joints à l’Allemagne pour obtenir une réduction de leur participation au financement du chèque britannique ainsi que d’autres avantages particuliers. Leur ralliement au CFP 2007-2013 a aussi en partie été obtenu grâce à des compensations. Les « rabais sur rabais » ainsi octroyés sont alors organisés comme suit :

– la DRP du 29 septembre 2000 permet à l’Allemagne, à l’Autriche, aux Pays-Bas et à la Suède de ramener leur contribution financière à 25 % de la contribution normale (au financement du chèque britannique) ;

– les DRP des 15 et 16 décembre 2005 fixent, d’une part, des taux d’appel réduits pour la TVA pour ces quatre pays (0,15 % pour l’Allemagne ; 0,10 % pour les Pays-Bas et la Suède ; 0,225 % pour l’Autriche) sur la période 2007-2013. Ils fixent aussi des réductions brutes de contributions RNB accordées plus particulièrement aux Pays-Bas (605 millions d’euros, en prix 2004) et à la Suède (150 millions, en prix 2004), également pour la période 2007-2013. Ces sommes sont toutefois financées par l’ensemble des États membres, y compris les Pays-Bas, la Suède et le Royaume-Uni, car ils sont octroyés après calcul de la correction britannique.

C’est, à défaut de le supprimer, pour rendre moins opaque et plus légitime le système des rabais que la Commission a proposé, le 29 juin 2011, une importante réforme de ces mécanismes (15), d’autant plus que la suppression de la ressource propre TVA, si elle était adoptée, rendrait indisponibles certaines données essentielles au calcul de la correction qui bénéficie au Royaume-Uni. Le nouveau système proposé par la Commission européenne consistait alors en des montants forfaitaires destinés à remplacer tous les mécanismes préexistants, et ce, financés en toute équité et transparence, chaque État membre contribuant au prorata de sa prospérité relative, définie par son RNB aux prix du marché.

RÉDUCTIONS FORFAITAIRES DESTINÉES À REMPLACER LES MÉCANISMES DE CORRECTION (16)

Allemagne

2,5 milliards d’euros

Pays-Bas

1,05 milliards d’euros

Suède

0,350 milliards d’euros

Royaume-Uni

3,6 milliards d’euros

La Commission proposait aussi de réduire la « correction cachée » que constituent les frais de perception des ressources propres traditionnelles perçues par les États membres, en les abaissant de 25 % à 10 % du montant des ressources perçues.

En réponse à cette proposition de la Commission, le Conseil européen des 7 et 8 février 2013, consacré à la négociation du cadre financier pluriannuel (CFP) 2014-2020, a soulevé à nouveau la question des rabais. La France et l’Italie, principaux contributeurs au financement desdits rabais, ont appelé à leur réforme à la baisse. L’enjeu pour l’Allemagne, les Pays Bas, la Suède et l’Autriche était de maintenir le bénéfice de leurs corrections respectives, dont la majeure partie pouvait disparaître à la fin de l’année 2013 en l’absence d’accord sur le système de remboursement.

À l’issue de ce Conseil européen, le système des rabais est resté globalement inchangé. Cette situation a été confirmée lors du Conseil européen du 27 juin 2013. Devant la fermeté du Premier Ministre David Cameron, qui avait menacé de ne pas donner son aval au CFP 2014-2020 si le chèque de son pays n’était pas garanti, la formule de calcul du rabais britannique n’a guère été modifiée. Les rabais sur rabais ont été maintenus. S’agissant des versements forfaitaires aux Pays-Bas et à la Suède, qui, en euros courants, se sont élevés à 694 et 172 millions en 2013, ils ont été conservés à hauteur de 695 et 185 millions d’euros par an en euros constants 2011.

Pire, le Conseil européen des 7 et 8 février 2013 a permis au Danemark d’obtenir pour la première fois le rabais qu’il demandait. Il bénéficie ainsi d’un rabais forfaitaire de 130 millions d’euros par an, qui sera financé par l’ensemble des États membres, y compris le Danemark lui-même (à l’instar des autres rabais forfaitaires bénéficiant à la Suède, à l’Autriche et aux Pays-Bas).

Sur le plan de la lisibilité, les modalités de calcul de la correction britannique n’ont pas été remises en cause, y compris la prise en compte de la part de développement rural financé par la section garantie du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA) qui a pourtant disparu. Un calcul théorique devra donc être effectué chaque année pour le reconstituer. Une absurdité.

Ce constat ne doit cependant pas conduire à négliger les avancées obtenues à ce même Conseil européen qui a vu, malgré l’opposition ferme des États bénéficiant de rabais, une amorce de réforme du système, à l’initiative de la France, soutenue par l’Italie. Plusieurs modifications sont en effet à souligner :

- un alignement des taux d’appel réduits de TVA pour les Pays-Bas et la Suède sur celui de l’Allemagne, soit une augmentation de 0,10 % à 0,15 % (contre un taux normal fixé à 0,30 %). Comme indiqué précédemment, les rabais forfaitaires dont bénéficiaient ces deux États connaissent par contre, en guise de compensation, une légère hausse (695 et 185 millions d’euros par an en euros 2011) ;

- l’Autriche perd son taux d’appel réduit de TVA à 0,225 %, soit l’un de ses deux rabais. Elle obtient en contrepartie un rabais forfaitaire, qui est toutefois temporaire et dégressif : 30 millions d’euros en 2014, 20 millions en 2015 et 10 millions en 2016.

Il convient enfin de noter également que si le chèque britannique et son financement (rabais sur rabais au bénéfice de l’Allemagne, la Suède, l’Autriche et les Pays-Bas) n’ont pas été réformés, l’assiette de ce chèque (déjà diminuée en 2005 lors de l’élargissement) devrait se trouver encore réduite par la soustraction automatique des fonds de développement rural dépensés dans les États ayant adhéré à l’Union depuis 2004.

Par ailleurs, bien qu’il ne s’agisse pas stricto sensu d’un rabais, il convient de souligner la baisse des frais de perception des ressources propres traditionnelles de 25 % à 20 %.

Aujourd’hui, le rabais britannique représente une dépense de 5 à 6 milliards d’euros pour l’Union européenne (environ 5 % de ses recettes), avec une participation française dont la proportion est de plus d’un quart. Le montant à inscrire dans le budget 2014 est estimé à 5 297 340 704 euros. Il s’agit du montant provisoire de la correction britannique pour 2013 sur la base notamment des dernières données disponibles en matière de dépenses et de recettes :

– une estimation des dépenses réparties du Royaume-Uni et de l’Union européenne fondée sur des informations relatives à l’allocation et à l’exécution des crédits de dépense au cours du dernier exercice (2012) et sur les montants de crédits de dépense inscrits dans le budget 2013;

– les chiffres des recettes fondés sur les estimations préliminaires révisées des assiettes TVA et RNB pour 2013 conformément au calcul de la Commission.

Ainsi, pour le calcul du PSR 2013, la variation du financement par la France de la correction britannique a coûté 116 millions d’euros de plus que prévu, due principalement à la prise en compte dans le calcul de la correction des versements effectués en 2012 suite à l’adoption des budgets rectificatifs n°5 et 6 (qui avaient majoré le PSR 2013 de 837 millions d’euros..).

Correction britannique 2013

Montant provisoire PB 2014

(1)

Part du Royaume-Uni dans le total de l’assiette TVA non écrêtée

16,2077%

(2)

Part du Royaume-Uni dans le total des dépenses réparties, ajusté des dépenses liées à l’élargissement

6,5970%

(3)

=(1)-(2)

9,6107%

(4)

Total des dépenses réparties

133 640 172 409

(5)

Dépenses liées à l’élargissement = (5a)+ (5b)

31 848 333 003

(5a)

Dépenses de préadhésion

0

(5b)

Dépenses liées à l’article 4, paragraphe 1, point g)

31 848 333 003

(6)

Total des dépenses réparties, ajusté des dépenses liées à l’élargissement = (4)-(5)

101 791 839 406

(7)

Montant initial de la correction britannique : (3)x(6)x0,66

6 456 694 911

(8)

Avantage du Royaume-Uni

1 176 577 247

(9)

Correction de base en faveur du Royaume-Uni = (7) – (8)

5 280 117 664

(10)

Gains exceptionnels provenant des ressources propres traditionnelles (RPT)

-17 223 040

(11)

Correction britannique = (9) – (10)

5 297 340 704

Or, si l’on prend l’exemple du « rabais sur rabais » institué pour le CFP 2000-2006, il a accru mécaniquement la part de la France dans le financement de la correction britannique, qui est passée de 23 % à près de 31 % en 2002, avant de diminuer un peu sous l’impact de l’élargissement (27 % en 2009) et de se stabiliser aux alentours entre 26 et 27 %. Les taux d’appel réduits ont quant à eux majoré le prélèvement sur recettes de 2012 de 400 millions d’euros.

En valeur, la contribution de la France au chèque britannique a atteint un maximum en 2008 : 1,7 milliard d’euros, soit 26,2 % du montant global de la correction et près de 9,6 % de la contribution totale de la France au budget de l’Union. Pour 2014, le montant est évalué à 1,4 milliards d’euros et la part de la France dans le financement de la correction est estimé à 26,9 %.

Cette situation ne peut plus guère être légitimée par la PAC. Il apparaît en effet que la France paie directement au Royaume-Uni, pour son chèque, deux fois plus que ce que ce dernier pays lui verse, indirectement, au titre de la PAC.

Source : annexe « jaune » au projet de loi de finances pour 2014

Source : annexe « jaune » au projet de loi de finances pour 2014

L’analyse du chèque britannique fait donc aujourd’hui apparaître une tendance à la surcompensation du déficit britannique. La contribution nette du Royaume-Uni au financement du budget de l’Union européenne, exprimée en proportion du PNB, serait de 0,12 %, ce qui est inférieur à celle d’autres contributeurs nets importants comme l’Allemagne (0,35 %), les Pays-Bas (0,30 %) et la Suède (0,36 %). Elle est deux fois moindre que celle de la France (0,27 %).

Concernant la France, la situation est devenue critique. L’évolution prévisible de la structure et du montant des dépenses européennes rend inévitable, à système de ressources inchangé, une détérioration continue du solde net de notre pays dans les années à venir. C’est une telle dégradation qui a justifié, dans le passé, la mise en place de « rabais » profitant à certains États.

Pour les raisons précédemment indiquée, votre Rapporteure ne soutient évidemment pas la solution qui consisterait à réclamer un rabais. La généralisation des rabais n’est pas soutenable dès lors qu’elle remet en cause le principe même de transfert vers les États membres les moins prospères, aux fins de solidarité. Mais aujourd’hui, force est de constater que la France assume aujourd’hui une part prépondérante dans le financement des mécanismes de correction. Nous devons donc continuer à plaider avec insistance pour leur réforme, à défaut de leur disparition pure et simple (à laquelle nous aspirons) dans l’attente de disposer de véritables ressources propres de l’Union européenne.

Déjà, l’amorce de réforme du système des rabais décidée par le Conseil européen de février 2013 ouvre la voie à une diminution de 120 millions d’euros en moyenne par an de la contribution de la France au budget de l’Union européenne, par rapport à ce qu’elle aurait été en cas de prorogation intégrale de la décision ressources propres de 2007. C’est une première, et nous nous félicitons de cette avancée, bien que trop timide. L’alignement des taux d’appel réduits et la baisse des frais de perception affectent positivement la France, comparé à la prorogation du système actuel.

Votre Rapporteure rappelle qu’il faut persévérer dans la réflexion sur la réforme des ressources propres, notamment en progressant sur l’instauration de nouvelles ressources qui viendraient diminuer le poids des contributions nationales dans les recettes communautaires. Un premier rapport doit être rendu fin 2014 par le groupe interinstitutionnel mis en place en application de la déclaration sur les ressources propres annexée au nouveau CFP. Les parlements nationaux seront invités à une conférence interinstitutionnelle en 2016 pour examiner ces travaux et la Commission étudiera ensuite si une nouvelle initiative pour réformer le système est opportune. Votre Rapporteure, à l’instar du Parlement européen qui l’a initiée, soutient pleinement cette démarche et appelle à une concrétisation rapide de cette réforme.

CONCLUSION

Sans surprise, votre Rapporteure se prononce en faveur de l’adoption de l’article 41 du projet de loi de finances pour 2014. Toutefois, un certain nombre d’éléments appellent une attention particulière qui justifie d’être rappelés en conclusion.

Il s’agit d’abord de la relativisation du montant du prélèvement européen prévu à l’article 41 : il relève d’une estimation fondée sur différentes variables non stabilisées, il peut être modifié par des budgets européens rectificatifs et il est incomplet dès lors que le montant de la contribution des États est suspendu à l’adoption de la future décision sur les ressources propres qui aura un effet rétroactif (le complément sera acquitté avec une ou deux années de retard).

Il s’agit ensuite de la tendance générale pour la France (importance de la contribution et détérioration du solde net), qui impose de mettre en place un nouveau système de ressources pour le budget européen, incluant des financements innovants (taxe sur les transactions financières, project bonds notamment), mais aussi une remise à plat des corrections. Ce n’est qu’à cette condition que l’on pourra redonner des marges au budget européen et mettre fin à la nécessité de trouver chaque année un point d’équilibre, sous-optimal, entre une contribution élevée réduisant d’autres dépenses nationales par application de la norme de dépenses et un budget européen qui ne se donne pas les moyens de ses ambitions.

Il semble à votre Rapporteure que ce point d’équilibre pourrait pour 2014 être déplacé pour se rapprocher de la proposition de la Commission européenne, déjà peu ambitieuse car inscrite dans un CFP étriqué, même si certaines marges sous plafond doivent probablement être un peu augmentées. Cela permettrait d’aborder plus sereinement l’année 2014 en termes d’engagements et de paiements. Cela permettrait aussi d’adresser un signal sur la détermination des États à mettre en œuvre, de manière forte et accélérée, les politiques et instruments en faveur de la croissance et de l’emploi dans le cadre de la nouvelle programmation pluriannuelle.

Enfin, au regard de ces enjeux majeurs et des montants en cause, Votre Rapporteure ne peut que regretter l’absence de débat organisé en Séance publique sur l’article 41 du projet de loi finances.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission examine le présent avis au cours de sa réunion du mardi 15 octobre 2013.

Après l’exposé de la rapporteure pour avis, un débat a lieu.

Mme la Présidente Elisabeth Guigou. Je vous remercie. Vous avez écrit un rapport documenté et clair sur un sujet touffu où il est aisé de se perdre dans les chiffres. Je partage les perspectives politiques évoquées. Les discussions sur les perspectives financières ont été décevantes. La France s’en est plutôt bien sortie, notamment s’agissant des crédits agricoles. Mais il n’en demeure pas moins qu’on a atteint la limite de l’exercice avec ces discussions sur les perspectives financières pluriannuelles. En proportion, nous avons à peu près le même budget que quand l’Europe comprenait 12 ou 15 membres. Ce système de ressources propres – qui n’en est pas vraiment un d’ailleurs – devrait pouvoir financer les instruments d’avenir. Quant à la question du rabais, elle est kafkaïenne. Il serait souhaitable de tout remettre à plat. Enfin, j’ai une question : parmi les trois conditions émises par le Parlement européen pour donner son accord, il y avait la création d’un vrai système de ressources propres. Dans mon souvenir, le Conseil européen avait accepté qu’un groupe de haut niveau soit constitué. Où en est cette instance ? Quel est le calendrier prévu ?

Mme Estelle Grelier, rapporteure pour avis. Le Parlement européen demande depuis longtemps un vrai système de ressources propres. Toutefois, il faut l’unanimité et le parlement n’est pas acteur de cette décision. S’agissant du groupe interinstitutionnel, il est prévu par une déclaration annexée au cadre financier pluriannuel, ce qui était ressentie comme une victoire par le Parlement européen. Il doit être installé prochainement et rendra son premier rapport à la fin de l’année 2014. Les parlements nationaux seront invités à une conférence interinstitutionnelle en 2016 pour examiner ces travaux et la Commission étudiera ensuite si une nouvelle initiative pour réformer le système est opportune.

M. Jacques Myard. Madame la Présidente, je voudrais remercier à mon tour la rapporteure. Le rapport est très clair et c’était agréablement dit, même si nous ne sommes pas d’accord sur le fond.

Je voudrais revenir sur un point qui est très important et rejoint vos remarques sur le fait n’y a pas de débat dédié à cet article 41. Vous vous prononcez en faveur de nouvelles ressources propres, d’impôts européens. Ce sont des facteurs qui accroissent la distanciation du Parlement français avec les affaires européennes. Cela me parait extrêmement dangereux. Le fait que ce Parlement vote véritablement la contribution française à l’Europe en ayant un débat approfondi est de nature à susciter l’intérêt pour les enjeux européens. Or, aujourd’hui, passez, muscade ! C’est très grave sur le plan politique.

Deuxièmement, il est clair qu’il y a toujours la politique de saupoudrage dans ce budget. Il y a beaucoup trop de lignes et il y a des lignes sur lesquelles il faut véritablement s’interroger, notamment un certain nombre de subventions à des ONG qui sont véritablement du clientélisme de la part de certains au Parlement européen. Je crois que ce n’est pas acceptable. J’ai commis un rapport avec Mme Audrey Linkenheld pour la commission des Affaires européenne sur l’horizon 2020 en avril de cette année, qui préconise que ces pratiques soient abandonnées.

En réalité, le budget européen devrait s’en tenir à l’essentiel, à ce qui soude un continent, et non à des choses subalternes. Je crains fort que ce budget s’inscrive dans le logiciel de dispersion qui a été le sien depuis longtemps et, évidemment, je ne peux l’accepter. J’ajoute que lorsque les dépenses administratives augmentent de 2%, il faut s’inquiéter, surtout au moment où on envoie notre budget à la Commission pour se faire tancer. La Commission devrait bien évidemment commencer à s’appliquer ses règles à elle-même.

Je voudrais enfin vous poser une seule question : quelle est la contribution nette française en milliards d’euros ?

Mme Estelle Grelier, rapporteure pour avis. 6,5 milliards d’euros en 2012 selon la méthode comptable, en progression.

M. François Asensi. L’examen de cet article 41 ne porte pas à l’optimisme. Je salue moi aussi le rapport exhaustif de notre rapporteure. On voit la tonalité qu’elle a mise pour exposer son rapport.

On est dans une situation assez ubuesque. Le budget est en diminution, pour la première fois depuis très longtemps, peut-être même pour la première fois ? Il s’inscrit dans le cadre de l’accord financier intervenu pour la période 2014-2020 qui plafonne les dépenses à 900 milliards d’euros, soit une diminution de 3 % : le budget sera donc amputé de 91 milliards d’euros. Il semblerait que les Britanniques, les Allemands, les Néerlandais et les Danois ont agi pour que ce budget soit en baisse.

Cette baisse touche principalement les politiques de solidarité. On ne voit toujours pas l’amorce d’une politique de grands travaux, ni l’amorce de la construction d’une Europe de l’énergie ou du haut-débit, on observe des coupes budgétaires dans les grands domaines de recherche… Bien entendu, je tiens à signaler la création d’un fonds de 6 milliards d’euros pour l’emploi des jeunes, je crois que la France a joué un rôle pour cela, ainsi que la pérennisation du fonds d’aide aux plus démunis doté d’une enveloppe de 3,5 milliards d’euros.

Par-delà les chiffres, ces observations permettent de parler du projet européen, du souffle que devrait donner l’Europe. Je pense que la morosité va continuer d’affecter les citoyens européens qui ne voient pas dans cette construction européenne la possibilité de développer la croissance et de réduire les inégalités. Si je prends l’aspect harmonisation sociale et fiscale, l’Europe permet encore le dumping social et la mise en concurrence des pays les uns avec les autres.

Sur d’autres points, je pense que l’Europe devrait avoir une politique globale. Je pense à la question des Roms, où il serait utile et urgent que l’Europe ait un projet par un programme d’intégration pour imposer notamment à la Roumanie et à la Bulgarie de faire ce qu’il faut pour les ressortissants de leur pays, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui malgré les milliards d’euros budgétisés sur le fonds social européen. Quant à l’immigration, je rappelle simplement que face au drame de Lampedusa et à ce que vit l’Italie – je ne sais d’ailleurs pas dans quelle situation serait la France si elle subissait les mêmes affres que l’Italie avec ces drames – la politique du tout-répression, par le biais de Frontex, n’est pas de nature à empêcher ce mouvement des peuples en difficulté vers l’Europe.

Je regrette aussi qu’on n’ait pas de débat organisé en séance sur cet article 41. Je vais m’abstenir mais je dois vous dire que je suis assez pessimiste sur l’avenir du projet européen.

Mme la Présidente Elisabeth Guigou. Merci. Je précise qu’il n’y a pas de débat organisé en Séance sur l’article 41 du projet de loi finances ; ce n’est pas faute de l’avoir demandé. Il y a toutefois une première : le 29 octobre 2013, il y aura un débat sur les enjeux européens.

M. Pierre Lellouche. Nous avons déjà eu un incident sur la négociation transatlantique Europe – États-Unis où l’Assemblée nationale a été privée de débat sur le mandat de négociation de la Commission européenne. Un mandat a été donné à l’aveugle, non pas à M. De Gucht mais à son successeur. Je trouve cette décision choquante en termes de contrôle, qui relève de notre mission. La négociation transatlantique commence, elle concerne des centaines de milliers d’emplois dans tous les secteurs et cette Assemblée nationale n’aura pas eu l’occasion d’en parler.

Sur le prélèvement européen, la France va dépenser 22,2 milliards d’euros dans un budget contraint avec toutes les difficultés qu’on connaît et l’Assemblée nationale n’en discutera pas davantage. Je suis profondément scandalisé par ces méthodes parce qu’il revenait au gouvernement d’inscrire ce débat. Le débat du 29 octobre n’est pas une réponse à cette affaire et ne correspond pas du tout aux promesses démocratiques qui avaient été annoncées par votre camp à la veille des élections. Ce nouveau budget en réduction est aussi un désaveu majeur par rapport aux engagements du candidat Hollande qui avait promis de réorienter l’Europe, de repartir sur une politique de croissance, de faire des Eurobonds et de relancer la croissance par la dépense publique et le budget européen. En définitive, le compte n’y est pas et il y a là aussi un dur apprentissage de la réalité, un aveu d’impuissance que l’on retrouve devant le rabais britannique.

J’ai moi aussi, comme Mme Guigou, eu la responsabilité des affaires européennes et au moment du démarrage de la discussion sur les perspectives budgétaires, j’avais été très clair sur le fait que nous ne conserverions pas le rabais britannique. Par quel miracle est-il encore là et qu’en plus a été ajouté le rabais danois ? Il y a dû avoir un certain nombre de concessions mais je ne vois pas ce que nous avons obtenu en échange.

Je souhaiterai dire deux choses sur les dépenses. Premièrement, sur les dépenses en termes de fonctionnement, il est inconvenant qu’au moment où la même Commission demande aux Etats de se serrer la ceinture, les frais administratifs et de personnel ne cessent d’augmenter dans la machinerie européenne aussi bien au sein de la Commission que du Parlement européen. Je rappelle que ce dernier demandait des augmentations des dépenses de fonctionnement de près de 6% !

Deuxièmement, l’expérience de la politique étrangère européenne commune était une belle et grande idée. Seulement, après le mandat de cinq ans de Mme Ashton, cette politique s’est avérée très chère et le résultat n’est pas non plus au rendez-vous. Existe-t-il des instruments d’évaluation ? Ce que j’en ai vu, c’est que le coût de ces ambassades européennes est très supérieur à toutes les ambassades de l’Union, ou en tous cas aux nôtres. Au regard des résultats de cette politique, je me demandais si cette gabegie pouvait continuer dans l’indifférence absolue.

Sur l’aide au développement, j’ai aussi un léger problème. Vous avez rappelé tout à l’heure que la contribution française ne représente pas moins de 16-17% du budget européen. Quand l’Union européenne plante son drapeau au titre de l’aide au développement quelque part, le contribuable français participe donc à hauteur de 17% environ, en plus des dépenses de sécurité que la France a tendance à assurer. Cela fait beaucoup d’argent en échange de rien. On oublie que beaucoup de cet argent est français. Se pose donc une vraie question : si vous voulez que ce budget de 22 milliards d’euros soit accepté par les Français, plutôt qu’être dissimulées, je crois qu’il faudrait qu’on ait un retour en termes de visibilité des dépenses effectuées avec ces sommes.

Enfin, je ferai une dernière remarque pour répondre à Mme Guigou. Il y a un vieux débat sur les ressources propres et donc sur l’impôt européen. Le président de la Commission du budget du Parlement européen, M. Lamassoure, est un virulent avocat des ressources propres. Je suis très réservé sur cette affaire. Nous souffrons déjà d’un ras-le-bol fiscal et je ne pense pas qu’il faille laisser la porte ouverte à la possibilité de lever l’impôt par le Parlement européen. De plus, donner le droit au Parlement européen de lever l’impôt ferait passer l’Union européenne dans un système fédéral. Y a-t-il un consensus dans notre pays pour passer à un système fédéral ? Je vous avoue que je n’ai jamais été d’accord avec M. Lamassoure sur le sujet.

Pour toutes ces raisons, je trouve que ce budget est comme souvent bancal. On aurait pu je crois avoir utilement une séance de travail pour au moins voir les positions des partis politiques français sur ces grands sujets : la nécessité des ressources propres, celle de continuer à dépenser de l’argent sur la politique étrangère commune s’il n’y en a pas…

Vous comprendrez qu’on ne puisse pas soutenir une contribution qui n’est pas satisfaisante.

Mme Estelle Grelier, rapporteure pour avis. Concernant l’absence de débat organisé en Séance publique sur l’article 41 du projet de loi de finances, que M. Myard ou M. Lellouche ont évoquée, j’ai déjà indiqué que je le regrette. En tant qu’ancienne parlementaire européenne, je considère que l’Assemblée Nationale est déjà peu européanisée dans son esprit. Or, lui ôter un débat qu’elle était auparavant amenée à avoir ne relève pas de bonnes intentions démocratiques ou d’une sensibilisation aux enjeux européens. La Présidente et moi-même plaidons pour que ce débat puisse à nouveau avoir lieu au sein de notre Assemblée.

Concernant la dispersion des crédits, dans le cadre de la révision des bases légales des politiques, nous constatons que nous avons une concentration importante de fonds sur des politiques communautaires historiques. Il y a cependant un mouvement en faveur d’une réorientation des fonds sur d’autres thématiques, comme la relance de la croissance, les infrastructures…

Pour répondre à M. Asensi, c’est un budget effectivement en baisse qui résulte du cadre financier pluriannuel, alors même qu’il doit composer avec une augmentation du nombre d’États, un élargissement des compétences de l’Union et des politiques communautaires plus intégrées. L’équation est donc complexe, comment peut-on faire davantage et mieux dans un plus grand nombre de domaines avec moins d’argent ? Les résultats des négociations, au vu des taux de retour, ne sont pas défavorables à la France, notamment en matière de PAC et de jeunesse. En revanche, c’est un budget qui n’alimente aucune dynamique sur un projet européen. Je soulignerai qu’il y a eu une recapitalisation de la BEI et que, concernant les financements d’infrastructures, l’idée fait son chemin d’émettre des projectbonds.

Je serai cependant moins positive sur l’aide alimentaire. Elle a été sauvée, une nouvelle fois, sous l’impulsion de la France. Mais on note que le périmètre d’action du PEAD est désormais plus large, alors même que sa capacité de mobilisation des moyens est inférieure. Sous la pression des Allemands, on a fait entrer des conditions d’aide au logement et non plus seulement d’aide alimentaire, qui doit pourtant rester l’objectif initial du PEAD.

M. Lellouche, sur la question du traité UE-USA, je suis d’accord avec vous sur un certain nombre de points et notamment sur le fait que ces négociations devraient faire l’objet d’une plus grande concertation nationale et européenne, car le commissaire européen au commerce, Monsieur De Gucht, a négocié son mandat dans une forme d’opacité, dénoncée par le Parlement européen. C’est seulement grâce à l’intervention notamment de la France que la question des préférences collectives, de culture et défense ont pu être sorties du mandat.

En revanche, je souhaite rappeler un certain nombre de choses concernant la négociation sur les rabais. Un ne fait pas vingt-huit. A la veille du conseil européen, Angela Merkel a fait un détour par Londres. Mais il y a toute de même l’amorce d’une prise en compte du problème des rabais même si c’est insuffisant.

Concernant les drames de Lampedusa, nous sommes porteurs d’une augmentation des budgets de Frontex. J’ajouterai à cet égard qu’il existe un sujet sur lequel nous devons être plus attentif, qui est la multiplication des agences européennes, qui touchent désormais de très nombreux domaines et ne sont pas contrôlées par le budget primaire de l’UE.

La question des dépenses de fonctionnement a été abordée. Je précise que le Conseil, dans la position qu’il a adoptée, propose une progression nulle alors que la Commission, qui connaît les besoins, proposait 2 %.

J’en terminerai par la création de nouvelles ressources propres. L’idée est de trouver des ressources, en l’occurrence la taxation sur les flux financier qui fait l’objet d’une coopération renforcée entre 11 États, pour trouver une base dynamique et permettre que le budget européen ne dépende pas seulement des contributions nationales.

Mme la Présidente Élisabeth Guigou. Après l’intervention de Pierre Lellouche, un rappel historique s’impose. Il est vrai que nous n’avons pas obtenu cette année de remise en cause de l’empilement des rabais. Mais les gouvernements en place précédemment, depuis dix ans, non plus. Et le fait est que l’Allemagne bénéficiant aussi d’un rabais, il est devenu difficile de la convaincre.

M. Jean-Pierre Dufau. Comme tous, je salue la qualité du rapport d’Estelle Grelier, qui met en lumière aussi bien les points positifs que les manquements. Personne n’est satisfait du budget de l’Union européenne et je pense donc que nous sommes à un tournant de l’histoire de l’Europe. Il est vrai que la situation économique est difficile et que cela ne facilite pas les choses ; mais c’est justement une raison de plus de ne pas baisser les bras. Il est temps de remettre les choses à plat : un budget doit traduire une politique, plutôt que l’inverse.

Il ne s’agit pas de regretter tout ce qui a été fait, mais de savoir remettre en cause de manière continue les politiques menées. Prenons l’immigration : il est clair que ce n’est plus un problème relevant seulement des États. Plutôt que de se référer sans arrêt au principe de subsidiarité, il serait temps de réfléchir à sa redéfinition.

C’est la même chose pour les ressources propres : sans préjuger de la conclusion de ce débat il faut le poser sérieusement, en regardant bien quels en sont les tenants et aboutissements.

La même question se pose pour la règle de l’unanimité. Il faut y réfléchir : est-elle bénéfique ? Permet-elle à l’Europe de progresser ? L’empilement des rabais permet-il à l’Europe de progresser, de trouver les moyens de financer les nécessaires dépenses d’infrastructure ?

Il nous faut une refondation de l’Europe et l’exercice budgétaire doit être l’occasion de nous questionner. Comment arriver à une Europe plus harmonieuse, plus sociale, inscrite dans une démarche de développement durable ? Sans tout renier, il nous faut sortir de l’Europe originelle, pour aller plus loin, vers une communauté de destin.

Malgré ses limites, le groupe SRC approuvera le prélèvement européen.

M. François Loncle. Le jugement que l’on peut porter sur le budget européen est sévère. Il suffit d’écouter Jacques Delors, que son attachement à la construction européenne et sa modération conduisent le plus souvent à l’indulgence. Cette fois-ci, sa condamnation est terrible. On ne peut pas adhérer à ce projet budgétaire.

Je voudrais juste revenir sur un point déjà évoqué : le Service européen pour l’action extérieure, dirigé par Catherine Ashton. Incidemment, permettez-moi une digression : à ma connaissance, Mme Ashton, malgré des invitations répétées et à la différence des autres commissaires européens, a toujours refusé de s’exprimer devant des instances parlementaires. Pour revenir au service qu’elle dirige, quel est son budget ? Quels sont ses effectifs, que l’on dit pléthoriques ? Ces questions sont légitimes : il est normal que les plus Européens d’entre nous soient attachés à la transparence des budgets et institutions de l’Europe.

Mme Estelle Grelier, rapporteure pour avis. La Commission des affaires européennes s’est toujours dite très déçue, dans ses différents rapports, des négociations sur le cadre financier pluriannuel, et Jacques Delors n’a fait que constater la fin des derniers espoirs que l’on pouvait entretenir. Quand on sait son amour pour le projet européen, on ne peut qu’être saisi par ses déclarations. Il a parlé dans son entretien à France Inter d’un budget « riquiqui » et en disant : « C’est la déception la plus grande que j’ai eue ». La vision étriquée qui a inspiré l’accord final a également désespéré les parlementaires européens.

Si la décision est désormais prise par eux et par le Conseil, sur proposition de la Commission, le Parlement européen a eu des difficultés à trouver ses marques, en particulier pour ses premiers budgets. Je rappelle qu’il négociait les engagements et les États les paiements, c’est-à-dire l’argent frais, ce qui a conduit à des jeux de dupe. Le Parlement européen n’a pas eu la volonté d’engager un bras de fer en la matière et c’est une faute originelle que l’on va continuer à payer longtemps. J’ai été frappée, lorsque j’ai assisté à la première négociation dans le cadre de cette procédure, par la domination du Conseil sur les enjeux budgétaires et par la faiblesse des parlementaires européens, qui avaient du mal à s’organiser. Il y a une dynamique infernale entre la Commission et le Conseil, même si la Commission elle-même voit bien qu’elle aura du mal à financer les politiques dont elle a déjà la charge.

Avec les prochaines échéances européennes, les tribunes se multiplient et beaucoup d’idées circulent, tout le monde se saisissant de ces thématiques, mais on voit mal, au-delà des incantations, par quelles politiques on pourrait faire évoluer l’orientation de l’Union européenne. Européenne convaincue, je trouve que l’on n’est pas assez ferme sur des propositions qui pourraient intéresser nos concitoyens. Les questions budgétaires passent au second plan, alors qu’elles sont l’instrument de mobilisation du projet européen.

Le budget doit traduire les politiques, oui, et il doit être remis à plat, mais il faudra le faire à 28 et quasiment à l’unanimité, notamment en ce qui concerne l’institution de ressources propres. Sur ce point, nous avons connu un revers lorsque les Allemands ont annoncé que la taxation sur les flux financiers en procédure de coopération renforcée ne devenait pas, selon eux, une ressource propre. Ils entendent en maîtriser le produit et l’affectation. J’ajoute que nous avons déjà utilisé à de nombreuses reprises les ressources propres avant de les avoir installées. Il faut revoir la question sur des bases plus dynamiques. C’est un vrai sujet, car le système de financement sur la base de contributions strictement nationales a vécu.

S’agissant de l’idée d’un budget spécifique de la zone euro, je rappelle que son contrôle parlementaire n’est pas aujourd’hui établi. Il faut par ailleurs se méfier de politiques budgétaires qui seraient extrêmement intégrées dans la zone euro, mais pas ailleurs.

Quant à la règle de l’unanimité, chacun s’accorde à dire qu’il ne s’agit pas du meilleur moyen de construire la démocratie européenne, mais aussi qu’il est compliqué de changer de traité dans l’état actuel de l’opinion. Or, pour modifier cette règle, il le faudrait. On est donc un peu prisonnier. Un rééquilibrage important serait toutefois utile, tant pour le mode de fonctionnement de la Commission que pour le poids du Parlement européen, seul représentant du peuple européen.

Avec la question du service européen d’action extérieure, on touche vraiment à la duplicité des États-membres lorsqu’il s’agit d’assumer les décisions qu’ils ont prises. L’idée de créer un poste de vice-président de la Commission européenne pour imposer l’Europe dans le monde avait fait l’objet d’une mobilisation quasi-générale. Lorsque Mme Ashton a demandé des services, l’idée a été avancée, compte tenu du coût, de mutualiser les ressources dans les pays tiers par la création d’une seule ambassade, mais les États ont voulu conserver leur souveraineté diplomatique en maintenant leurs propres ambassades. La diplomatie européenne a donc un coût. En 2014, il s’élèvera à 525 millions d’euros – 518 millions dans la position du Conseil –, contre 509 en 2013. Il a augmenté, notamment du fait du recrutement de diplomates – le SAEA comptera en 2014 1 661 emplois – même si un fléchissement est constaté.

M. François Loncle. Ces diplomates sont souvent mis à disposition par les États-membres.

Mme Estelle Grelier, rapporteure pour avis. Ce n’est pas exact. L’idée était de mettre les diplomaties de chaque État au service de celle de l’Union européenne, mais il y a eu des obstacles pour des questions de souveraineté, notamment en raison de l’importance croissante des enjeux économiques.

Mme la Présidente Élisabeth Guigou. Il me reste à vous remercier pour ses éclairages sur ce sujet.

*

Suivant les conclusions de la rapporteure pour avis, la commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 41 du projet de loi de finances pour 2014.

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