N° 1431 tome VII - Avis sur le projet de loi de finances pour 2014 (n°1395)



N
° 1431

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 octobre 2013

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
SUR LE PROJET DE
loi de finances pour 2014 (n° 1395),

TOME VII

IMMIGRATION, ASILE ET INTÉGRATION

PAR M. Jean-Pierre DUFAU

Député

——

Voir le numéro 1428 (annexe 31)

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I. LA POLITIQUE D’IMMIGRATION 9

A. L’ADMISSION AU SÉJOUR 9

1. L’évolution des flux migratoires 9

2. Des inflexions nécessaires pour mieux sécuriser les parcours et pour améliorer notre attractivité à l’égard de publics bien ciblés 11

B. LA LUTTE CONTRE L’IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE 13

1. L’éloignement des étrangers 13

2. La réforme des aides au retour 16

3. La lutte contre les filières d’immigration clandestine 17

C. LA NÉCESSITÉ D’UNE POLITIQUE COMMUNE PLUS AFFIRMÉE AU PLAN EUROPÉEN 18

1. Des frontières et des défis en commun 18

2. La construction progressive d’une politique commune en matière d’immigration, d’asile et de gestion des frontières 21

3. Appliquer ensemble les principes de protection, de prévention et de solidarité 23

II. LA GARANTIE DU DROIT D’ASILE 27

A. UNE AUGMENTATION CONTINUE DES DEMANDES 27

1. Les évolutions en France 27

2. Les évolutions en Europe 28

B. UN SYSTÈME D’ASILE AU BORD DE L’ASPHYXIE 29

1. Les délais de réponse 29

2. Le dispositif d’accueil 29

3. La situation au plan budgétaire 30

4. Des détournements de procédure ? 31

C. QUELLE RÉPONSE ? 31

1. La traduction immédiate des orientations définies par le Président de la République 31

2. Vers une réforme du système d’asile 32

III. INTÉGRATION ET ACCÈS À LA NATIONALITÉ FRANÇAISE 35

A. LES POLITIQUES D’INTÉGRATION 35

1. Des crédits en baisse 35

2. Vers une refondation de la politique française d’intégration 38

3. Quelle traduction au plan européen ? 40

a. Une compétence limitée 40

b. La question des Roms 41

B. NATURALISATION ET ACCÈS À LA NATIONALITÉ FRANÇAISE 43

1. Les crédits demandés 43

2. Poursuivre la réorientation de la politique d’accès à la nationalité française 43

CONCLUSION 47

TRAVAUX DE LA COMMISSION - EXAMEN DES CREDITS 49

ANNEXE - LISTE DES AUDITIONS DU RAPPORTEUR 51

INTRODUCTION

La mission budgétaire « Immigration, asile et intégration » porte les crédits alloués à trois politiques publiques sur lesquelles la Commission des affaires étrangères exerce chaque année, en particulier à l’occasion de la loi de finances initiale, un suivi attentif :

- la politique d’asile, parce qu’elle repose en particulier sur la convention de 1951 relative au statut des réfugiés, dite « Convention de Genève » ;

- la gestion des flux migratoires, qui doit concilier les impératifs de contrôle et d’attractivité internationale de notre pays pour des publics bien ciblés ;

- l’intégration des ressortissants de pays tiers en situation régulière sur notre territoire, qui constitue un facteur essentiel pour la cohésion économique et socaile de l’Union européenne.

Sur tous ces sujets, l’année 2014 devrait en partie être une année de transition, marquée par de nouvelles inflexions.

Dans le domaine de l’asile, les efforts de rééquilibrage engagés l’an dernier en faveur du dispositif de droit commun, les centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA), devraient se poursuivre, de même que ceux tendant à réduire les délais d’instruction des demandes d’asile.

Dans le domaine de l’immigration, après la réforme des aides au retour appliquée depuis le début de l’année 2013, la création de nouveaux titres de séjours pluriannuels, destinés à mieux sécuriser les parcours, devrait se concrétiser.

L’année 2014 devrait aussi être marquée par l’aboutissement de vastes chantiers de réformes, relatifs à notre système d’asile, actuellement au bord de l’asphyxie, mais aussi à la politique d’intégration, dont les crédits devraient se réduire en 2014, dans le contexte budgétaire actuel, et qui mériterait elle aussi d’être repensée en profondeur, afin de restaurer son efficacité.

Au plan budgétaire, le programme 303 « Immigration et asile », qui concentre environ 90 % des dotations demandées dans le cadre de la mission, devrait notamment connaître les évolutions suivantes :

- une baisse de 4 % des crédits de l’action n°01 « Circulation des étrangers et politique des visas », afin de respecter les orientations gouvernementales en matière de réduction des dépenses de fonctionnement, ces crédits correspondant à la dotation de fonctionnement courant de la sous-direction des visas ;

- une augmentation de 0,5 % des crédits de l’action n°02 « Garantie de l’exercice du droit d’asile », qui correspond à des moyens supplémentaires pour les centres d’accueil des demandeurs d’asile (CADA), à hauteur de 15 millions d’euros, et pour l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) – à hauteur de 2,2 millions d’euros –, et corrélativement à une diminution de 5 millions d’euros des dotations prévues pour l’allocation temporaire d’attente (ATA), versée aux demandeurs d’asile en cours de procédure et ne pouvant être hébergés en CADA, et à une diminution de 9,6 millions d’euros des crédits alloués à l’hébergement d’urgence, du fait de la création de 4 000 places supplémentaires en CADA en 2013 et 2014 ;

- une baisse générale de 3 % des crédits de paiement de l’action 03 « Lutte contre l’immigration irrégulière », cette évolution couvrant à la fois une hausse des crédits nécessaires aux opérations immobilières précédemment engagées dans les centres de rétention administrative (CRA), une hausse des crédits pour la prise en charge sanitaire dans ces structures, une baisse des crédits pour leur fonctionnement hôtelier, et enfin une baisse des crédits dévolus à l’éloignement, notamment du fait de la diminution du coût moyen unitaire lié directement à la proximité des pays d’origine des personnes éloignées ;

- une baisse de 8 % des crédits de paiement de l’action 04 « Soutien », là encore pour respecter les orientations gouvernementales en matière de baisse des dépenses de fonctionnement.

Quant au programme 104, « Intégration et accès à la nationalité française », les crédits demandés sont en baisse de 3,89 millions en autorisations d’engagement et en crédits de paiement par rapport à la LFI 2013. Cette évolution se décompose de la manière suivante :

- une baisse de 440 000 euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, soit 3,8 % du total, pour l’action n°11 « Actions nationales d’accueil des étrangers primo-arrivants et de formation linguistique » ;

- une baisse de 3,6 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, soit 9,4 % de moins, pour l’action n°12 « Actions d’intégration des étrangers en situation régulière » ;

- une hausse de 120 000 euros, soit 10,6 %, en autorisations d’engagement et de 7,1 % en crédits de paiement, pour l’action n°14 « Naturalisation et accès à la nationalité » ;

- une hausse de 60 000 euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, soit 0,4 %, pour l’action n°15 « Actions d’intégration des réfugiés ».

RÉCAPITULATION DES CRÉDITS PAR PROGRAMME ET ACTION

(en euros)

(Source : Projet annuel de performances)

I. LA POLITIQUE D’IMMIGRATION

L’immigration légale a continué à se stabiliser en 2012 autour de 190 000 nouvelles admissions au séjour de ressortissants de pays tiers par an, même si l’on observe une légère baisse depuis deux ans. Le nombre de titres délivrés est ainsi passé d’environ 196 000 en 2010 à environ 193 000 en 2011 et à environ 191 500 en 2012 (données provisoires).

Les grands équilibres ne se sont pas modifiés :

- l’immigration familiale, qui est passée de 40,9 % à 45,2 % des nouvelles admissions au séjour, après s’être réduite entre 2007 et 2011, demeure le premier motif d’immigration ;

- l’immigration estudiantine, qui avait connu une augmentation soutenue de 2007 à 2011, s’est infléchie, mais représente encore 30,5 % de l’immigration totale ;

- L’immigration professionnelle, qui avait fortement augmenté de 2006 à 2009, a connu une baisse sensible, passant de plus de 21 000 titres délivrés en 2008 à 16 000 en 2012, cette évolution pouvant s’expliquer par le contexte économique actuel, mais aussi par la suppression de l’obligation de détenir un titre de séjour pour les ressortissants des nouveaux Etats membres de l’Union européenne en juillet 2008 ;

- La délivrance des titres de séjour pour motifs humanitaires se maintient aux alentours de 18 000 titres par an, soit environ 9,5 % du total.

Tous motifs confondus, l’origine des bénéficiaires reste également stable depuis 2008. L’Algérie et le Maroc demeurent chacun à l’origine d’environ 25 000 nouvelles entrées en France par an, très majoritairement au titre de l'immigration familiale. Les ressortissants tunisiens viennent en 3ème position (environ 12 000 nouvelles admissions par an), et les entrées en provenance de la Chine demeurent également stables, autour de 15 000 par an. Enfin, les entrées de ressortissants venant des pays du Sahel (Mali et Sénégal) se stabilisent autour de 5 000 pour chaque nationalité.

Admission au séjour des ressortissants de pays tiers à l'Union européenne

 

2007

2008

2009

2010

2011

2012 PR7

Economique

1 - Compétences et talents

5

183

368

319

289

283

2 - Actif non salarié

360

225

98

121

121

173

3 - Scientifique

1 531

1 926

2 242

2 268

2 073

2 665

4 - Artiste

263

286

183

181

173

162

5 - Salarié

5 879

11 718

14 240

13 725

13 546

11 270

6 - Saisonnier ou temporaire

3 713

7 014

3 050

1 653

1 619

1 451

Total Economique

11 751

21 352

20 181

18 267

17 821

16 004

Familial

1 - Famille de Français

49 767

48 833

53 170

49 834

48 951

51 556

2 - Membre de famille

18 950

17 304

15 171

15 678

14 809

16 576

3 - Liens personnels et familiaux

18 820

17 328

17 374

17 666

17 411

18 440

Total Familial

 

87 537

83 465

85 715

83 178

81 171

86 572

Etudiants

Etudiant et stagiaire

46 663

52 163

58 582

65 271

64 925

58 430

Total Etudiants

46 663

52 163

58 582

65 271

64 925

58 430

Divers

1 - Visiteur

5 241

4 475

5 876

6 151

6 303

6 188

2 - Etranger entré mineur

2 935

3 015

3 365

3 704

3 918

4 727

3 - Rente accident du travail

75

98

123

70

45

39

4 - Ancien combattant

199

193

225

153

141

156

5 - Retraité ou pensionné

1 645

1 398

1 200

906

544

572

6 - Motifs divers

416

488

553

587

676

638

Total Divers

 

10 511

9 667

11 342

11 571

11 627

12 320

Humanitaire

1 - Réfugié et apatride

9 253

10 742

10 764

10 073

9 715

9 701

2 - Asile territorial/protection subsidiaire

520

753

1 797

1 759

1 618

1 990

3 - Etranger malade

5 672

5 733

5 965

6 325

6 122

6 399

4 - Victime de la traite des êtres humains

 

18

55

63

32

36

Total Humanitaire

15 445

17 246

18 581

18 220

17 487

18 126

Total

 

171 907

183 893

194 401

196 507

193 031

191 452

(Source : SGII – DSED)

Stock de titres et autorisations de séjour par nationalité

 

2007

2008

2009

2010

2011

2012

Algérie

576 807

587 880

584 350

578 109

562 545

571 469

Maroc

465 713

476 699

465 923

463 157

470 528

476 224

Turquie

188 051

192 981

191 647

191 041

193 244

196 028

Tunisie

172 461

176 888

174 836

177 184

185 067

190 864

Chine

65 686

73 126

72 476

77 412

88 205

92 986

Mali

48 554

54 777

57 808

61 322

64 806

67 532

Sénégal

52 366

54 854

54 409

55 539

59 045

61 117

République démocratique du Congo

41 182

44 099

45 219

47 235

50 237

54 241

Cameroun

35 888

38 892

39 654

40 990

43 317

45 223

Côte d'Ivoire

35 167

37 749

38 137

38 803

42 063

44 104

 

73,7%

73,2%

73,4%

72,8%

71,7%

71,3%

Total

2 282 628

2 373 120

2 350 882

2 377 377

2 454 057

2 523 310

(Source : SGII – DSED)

A la suite du vote de la loi sur l’enseignement supérieur et la recherche, en juillet 2013, les préfets ont reçu des instructions relatives à la délivrance aux étudiants étrangers de cartes de séjour pluriannuelles dans le cadre de la législation en vigueur – la durée de l’autorisation provisoire de séjour que peuvent solliciter les étudiants ayant obtenu un diplôme au moins équivalent au master en France a ainsi été portée de six à douze mois.

Le Gouvernement a aussi indiqué, dans le prolongement du débat organisé au Parlement sur l’immigration professionnelle et étudiante, qu’il envisageait les mesures suivantes, à l’occasion du projet de loi sur l’immigration qui a été annoncé pour 2014 : généraliser le titre pluriannuel étudiant, aujourd’hui délivré dans le cadre du master ; améliorer l’accueil des étudiants dans les préfectures ; faciliter le changement de statut d’étudiant à salarié ; créer un titre pluriannuel délivré aux salariés à l’issue de leur première année, pour faciliter les démarches administratives ; créer une carte de séjour pluriannuelle « talents étrangers » qui s’adresserait notamment à des étudiants de haut niveau, à des chercheurs scientifiques, à des investisseurs et à des entrepreneurs.

Votre Rapporteur se félicite que le Gouvernement ait annoncé son intention de généraliser les titres de séjour pluriannuels, afin de simplifier le droit au séjour, de sécuriser les parcours migratoires et de renforcer l’attractivité de la France pour les talents internationaux. Il faudra veiller à bien articuler la durée du titre de séjour pluriannuel, qui pourrait être de quatre ans, avec la durée de séjour minimale pour obtenir la carte de résident de dix ans et prévoir un système de contrôle pendant la durée de validité du titre de séjour, afin de prévenir les détournements de procédure et de garantir le respect des conditions de délivrance du titre. Le Gouvernement a indiqué que ces dispositions devraient être proposées dans le courant de l’année 2014, en même temps que d’autres dispositions relatives à l’asile et à l’intégration.

Il existe déjà un certain nombre de titres de séjours pluriannuels correspondant à des réalités et à des profils professionnels différents, tels que les titres triennaux « compétences et talents », « travailleur saisonnier » et « salarié en mission ». Le premier d’entre eux a été délivré, en première demande, à 253 ressortissants étrangers en 2012 (chiffres provisoires), soit une baisse de 13,7 % des délivrances, le second à 2 508 ressortissants étrangers en 2012, soit une baisse de 12,2 %, et le dernier à 847 personnes.

En 2012, les ressortissants étrangers titulaires d’un titre de séjour d’une durée de validité supérieure à un an (cartes de résident et titres pluriannuels) représentaient environ 72 % du total.

Stock de titres et autorisations provisoires de séjour

En cours de validité par durée

Durée/Année

2007

2008

2009

2010

2011

2012

Total Récépissés et autorisations provisoires de séjour

140 269

148 079

157 175

160 158

171 169

161 415

Total Titres durée validité < ou = 1 an

435 857

473 833

444 538

457 987

510 103

535 738

Total Titres durée validité > 1 an

1 706 502

1 751 208

1 749 169

1 759 232

1 772 785

1 826 157

TOTAL

2 282 628

2 373 120

2 350 882

2 377 377

2 454 057

2 523 310

(Source : SGII – DSED)

Votre Rapporteur a également pris connaissance avec intérêt du lancement du projet « France-Visas », porté par le ministère de l’Intérieur et par celui des Affaires étrangères, afin de réviser le système d’information des visas. Il s’agit notamment d’adapter les dispositifs au développement important de la mobilité internationale et à la compétition accrue qui se déroule entre Etats pour attirer des publics ciblés.

Les objectifs principaux sont d’améliorer le service rendu aux demandeurs de visas – au moment où la Grande-Bretagne, par exemple, laisse entendre qu’il sera désormais possible de faire une demande de visa aussi facilement que l’on achète un billet d’avion, sur un smartphone –, de simplifier l’instruction des demandes et d’accroître les capacités de traitement, tout en gardant la maîtrise des risques sécuritaires et migratoires. Les études devraient s’achever début 2014 par l’approbation d’une « cible » définitive, et la mise en service pourrait ensuite avoir lieu progressivement entre 2016 et 2017.

Pour 2014, les crédits demandés pour l’action n°3 « Lutte contre l’immigration irrégulière » s’élèvent à 63,41 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et à 73,411 millions en crédits de paiement (CP), soit respectivement une baisse des crédits de 8 et 3 %.

Les éloignements réalisés depuis la métropole sont passés de 23 381 en 2006 à 36 822 en 2012, mais ces résultats doivent être corrigés en prenant en compte l’inclusion, depuis 2008, des retours volontaires bénéficiant d’une aide de l’OFII – sujet sur lequel votre Rapporteur entend revenir dans la suite de son rapport. Si l’on neutralise cette évolution de périmètre, on aboutit à une tendance globalement stable des retours contraints non aidés, avec une variation de + ou - 15 % selon les années.

 

2006*

2007*

2008*

2009

Prononcées

Exécutées

Prononcées

Exécutées

Prononcées

Exécutées

Prononcées

Exécutées

Retours contraints

Retours aidés

Retours contraints

Retours aidés

Retours contraints

Retours aidés

Retours contraints

Retours aidés

OQTF

 

 

 

46 263

1 816

 

42 130

3 050

 

40 191

2 280

2 634

APRF

64 609

16 616

 

50 771

11 891

 

43 739

9 844

 

40 116

9 525

897

Arrêtés d'expulsion

292

223

 

258

206

 

237

168

 

215

198

 

Décisions de réadmission

11 348

3 681

 

11 138

4 428

 

12 663

5 276

 

12 162

4 156

 

Interdictions du territoire

4 697

1 892

 

3 580

1 544

 

2 611

1 386

 

2009

1330

 

 Total

80 946

22 412

 

112 010

19 885

 

101 380

19 724

 

94 693

17 489

3 531

(Pour les années 2006, 2007 et 2008, les statistiques de l'Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations (ANAEM) ne permettent pas de distinguer les retours aidés des retours volontaires).

 

2010

2011

2012

2013 1er semestre

Prononcées

Exécutées

Prononcées

Exécutées

Prononcées

Exécutées

Prononcées

Exécutées

Retours contraints

Retours aidés

Retours contraints

Retours aidés

Retours contraints

Retours aidés

Retours contraints

Retours aidés

OQTF

39 083

2 746

2 637

59 998

7 321

2 695

82 441

13 633

4 808

44 449

6 051

1089

APRF

32 519

8 711

659

24 441

5 076

904

365

686

163

287

238

37

Arrêtés d'expulsion

212

164

 

195

170

 

186

156

0

89

67

 

Décisions de réadmission

10 849

3 504

 

7 970

5 728

 

6 204

6 316

0

3 186

3 147

 

Interdictions du territoire

1 683

1 201

 

1 500

1 033

 

1 578

1050

0

595

448

 

 Total

84 346

16 326

3 296

94104

19 328

3 599

90 774

21 841

4971

48 606

9 951

1 126

(Source : Ministère de l’intérieur – Direction générale des étrangers en France)

Pour 2012, la répartition entre les différents types de retours est la suivante :

Retours contraints

21 841

Retours aidés (1)

4 971

Retours volontaires

10 010

(Source : Ministère de l’intérieur – Direction générale des étrangers en France)

Au cours du premier semestre 2013, 9 951 retours contraints ont été réalisés, 1 126 retours aidés et 2 724 retours volontaires.

La liste des 20 nationalités faisant le plus l’objet d’éloignements figure dans le tableau ci-dessous, qui inclut les départs exécutés avec des aides au retour versées par l’OFII.

2012

Nationalité

Nombre de mesures d'éloignement exécutées

ROUMAINE

10 952

TUNISIENNE

4 506

MAROCAINE

2 320

ALGERIENNE

1 989

BULGARE

1 889

MOLDAVE

1 404

CHINOISE

897

ALBANAISE

738

TURQUE

700

EGYPTIENNE

641

INDIENNE

540

PAKISTANAISE

518

SENEGALAISE

501

KOSOVAR

488

BRESILIENNE

485

RUSSE

474

AFGHANE

430

UKRAINIENNE

392

BANGLADAISE

365

ARMENIENNE

292

(Source : Ministère de l’intérieur – Direction générale des étrangers en France)

Il faut aussi noter que la France dispose désormais, avec la loi n°2010-1560 du 31 décembre 2012, d’un nouveau cadre juridique, qui instaure d’une part une procédure de retenue, d’une durée de 16 heures, pour vérification du droit de séjour des étrangers qui ne seraient pas en mesure de produire les documents nécessaires – la Cour de cassation, tirant les conséquences de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, s’étant opposée dans une série d’arrêts à ce qu’un étranger puisse être gardé à vue à l’occasion d’une procédure diligentée du seul chef de séjour irrégulier –, et qui exonère, d’autre part, de sanctions pénales les actions en faveur des étrangers en situation irrégulière fondées sur des motifs humanitaires.

Selon des indications fournies par le ministère de l’Intérieur, l’instauration de cette nouvelle mesure de retenue des étrangers a permis de sécuriser la procédure. Alors que 1 126 tentatives d’éloignement d’office avaient échoué au premier semestre 2012 en raison d’une garde à vue jugée irrégulière, on n’en dénombrait ainsi que 299 au cours du premier semestre 2013.

Le tableau ci-dessous précise les causes d’échec des procédures d’éloignement en 2011 et 2012.

Motifs

2011

2012

Prononcé d'une mesure d'éloignement sans mise à exécution (indisponibilité avérée dans les centres de rétention administrative, nationalité incertaine ou difficilement éloignable…).

14 252

9 018

Etrangers dépourvus de document de voyage et dont le laissez-passer consulaire (LPC) n'a pas pu être délivré dans le temps de la rétention administrative (refus de délivrance, délivrance tardive).

2 656

2 703

Etrangers placés en rétention administrative et libérés par le juge des libertés et de la détention (JLD) dans le cadre des demandes de prolongation de rétention.

6 064

3 786

Etrangers assignés à résidence par le JLD dans le cadre des demandes de prolongation et n'ayant pas répondu aux convocations de l'administration.

387

256

Mesures d'éloignement ou décisions fixant le pays de renvoi annulées par le juge administratif.

2 271

1 458

Echec du réacheminement (étrangers ayant refusé d'embarquer, défaut d'escorte, refus commandant de bord…).

525

515

Etrangers placés en rétention administrative hospitalisés, libérés pour état de santé incompatible.

422

382

Etrangers placés en rétention administrative et libérés sur décision préfectorale ou à la demande du ministère (pour régularisation, assignation à résidence, indisponibilité avérée en rétention).

500

381

Etrangers placés en rétention administrative dont la demande d'asile a été acceptée par l'OFPRA.

35

17

Etrangers libérés après recours (article 39 CEDH).

56

7

Evasions.

50

66

Total

27 218

18 589

(Source : Ministère de l’Intérieur)

Le Gouvernement a décidé de réduire substantiellement les montants alloués aux aides au retour, versées notamment aux ressortissants de l’Union européenne. Ces aides au retour avaient un effet pervers, dénoncé par l’ensemble des acteurs, puisqu’elles contribuaient à rendre la France particulièrement attractive pour l’implantation, souvent illicite, de ressortissants européens sur le territoire national, et pouvaient même susciter des trafics et des mouvements d’allers retours.

Jusqu’en 2012, deux niveaux d’aide financière était prévus :

- l’aide au retour humanitaire (ARH), de 300 euros par adulte et 100 euros par enfant mineur, dont ont bénéficié en 2012 12 090 étrangers (adultes et enfants), principalement des ressortissants européens (9 042 Roumains et 1 336 Bulgares) en situation de grande précarité ;

- l’aide au retour volontaire (ARV), de 2 000 euros par adulte isolé, 3 500 euros par couple marié, 1 000 euros par enfant mineur et 500 euros par enfant à compter du 4e, dont ont bénéficié 4 859 étrangers (adultes et enfants), essentiellement des étrangers ayant fait l’objet d’un refus de séjour assorti d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF) ou d’un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière (APRF).

Un nouveau régime d’aide au retour a été fixé par arrêté du ministre de l’Intérieur du 16 janvier 2013. Il prévoit une réduction du niveau des aides, par alignement sur les pratiques d’autres Etats européens :

- pour les ressortissants des pays tiers, 500 euros par adulte et 250 euros par enfant mineur, outre la prise en charge des bagages dans la limite de 40 kilos par adulte et de 20 kilos par enfant mineur ;

- pour les ressortissants de l’Union européenne, 50 euros par adulte et 30 euros par enfant, outre la prise en charge des bagages, dans la limite de 20 kilos par adulte et de 10 kilos par enfant mineur.

Au premier semestre 2013, tous pays confondus, ces retours ont déjà diminué de 52 % par rapport au premier semestre 2012. La baisse des flux concerne surtout les retours vers les pays membres de l’Union européenne (- 74 % en moyenne et - 76 % vers la Roumanie), et dans une moindre mesure les pays tiers (- 21 % sur la même période).

Au sein de l’Union européenne, la Roumanie et la Bulgarie demeurent les deux principaux pays concernés, avec respectivement 1 100 et 320 retours au cours du premier semestre 2013. S’agissant des pays tiers, les principaux pays de retour sont la Russie (264 personnes), la Chine (198 personnes), la Moldavie (198 personnes également), la Mongolie (179 personnes), l’Egypte (136 personnes), l’Afghanistan (125 personnes) et l’Arménie (125 personnes).

La priorité accordée à la lutte contre les réseaux se traduit par l’indicateur 3.2 de la mission budgétaire, relatif au nombre d’interpellations de trafiquants et de facilitateurs. Il est passé de 6 357 en 2011 à 6 064 en 2012, la prévision actualisée pour 2013 étant de le porter à 7 000. Le projet annuel de performances fixe un objectif de 7 250 interpellations pour 2014 et une cible de 7 500 en 2015. Sont comptabilisées les personnes mises en cause au titre de l’index 70 de l'état 4001 (DCPJ) en métropole et en outre-mer pour l'infraction « aide à l'entrée, à la circulation et au séjour des étrangers ».

Parmi les mesures destinées à renforcer l’efficacité de cette action volontariste, on peut citer notamment l’augmentation des effectifs des brigades mobiles de recherches de la police aux frontières (PAF), spécialisées dans la lutte contre les trafiquants de migrants, la création d’une nouvelle base de données qui doit permettre des échanges d’informations permanents entre les services d’enquête, la réorganisation de la couverture territoriale de la PAF, ou encore des projets européens tels qu’EMPACT (« European Multidisciplinary Platform against Criminal Threats »).

S’agissant des filières proprement dites, 178 d’entre elles ont été démantelées en 2012, avec 1 278 personnes impliquées. Au 31 juillet 2013, 123 filières avaient déjà été démantelées, pour un total de 957 personnes impliquées.

L’origine géographique des filières démantelées a été établie comme suit :

2008

2009

2010

2011

2012

2013 au 31/07

CHINE

13

PAKISTAN

13

BRESIL

22

BRESIL

17

ALGERIE

19

ALGERIE

12

TURQUIE

10

BRESIL

13

CHINE

15

TUNISIE

16

CHINE

14

BRESIL

11

IRAK

8

CHINE

12

VIETNAM

15

ALGERIE

14

BRESIL

14

CHINE

10

BRESIL

8

INDE

11

COMORES

15

TURQUIE

13

RDC

9

MAROC

10

INDE

6

IRAK

10

INDE

13

PAKISTAN

9

CAMEROUN

8

RDC

8

RDC

4

ALGERIE

9

MAROC

12

VIETNAM

8

. REP. DOM

7

. ALBANIE

6

MAROC

4

RDC

7

ALGERIE

11

CHINE

8

HAITI

6

AFGHANISTAN

5

TUNISIE

4

MAROC

7

TURQUIE

9

MALI

7

PAKISTAN

6

KOSOVO

3

 

 

COMORES

6

PAKISTAN

8

CAMEROUN

7

ALBANIE 

6

BANGLADESH

3

 

 

 

 

ROUMANIE

8

 

 

  TURQUIE

 6

  COMORES

3

(Source : Ministère de l’Intérieur – Direction générale des étrangers en France)

Les drames qui se sont succédé devant l’île de Lampedusa, au large de l’Italie, ont tragiquement démontré les difficultés persistantes de l’Union européenne à faire face aux pressions migratoires croissantes qui s’exercent sur ses frontières extérieures. Ces drames ont d’ailleurs conduit le Gouvernement italien à lancer un appel à l’UE.

Le 3 octobre dernier, une embarcation où avaient pris place des centaines de migrants, en provenance d’Erythrée et de Somalie, et qui était partie depuis le rivage libyen, a fait naufrage en mer, causant des centaines de morts et de disparus devant les côtes italiennes. Quelques jours plus tard, une autre embarcation transportant des migrants faisait naufrage dans la même zone. Dès avril 2011, un drame semblable s’y était aussi produit au moment du déclenchement des « révolutions arabes » sur la rive Sud de la Méditerranée, faisant au moins 250 morts parmi des migrants fuyant la Libye. Au total, plus de 120 000 immigrants clandestins seraient arrivés depuis les années 2000 sur les côtes de Lampedusa, petite île de 20 km2 qui ne compte que 6 000 habitants.

Depuis la création de l’espace Schengen, les frontières de l’Italie, mais aussi de Malte, de l’Espagne, de la Grèce et de Chypre, en ce qui concerne la Méditerranée, sont devenues des frontières extérieures communes. C’est une évidence, mais il reste à la traduire concrètement dans les faits.

(Source : Le Monde, 5 octobre 2013)

Au plan européen, selon le dernier rapport publié par l’agence Frontex, relatif au deuxième semestre 2013, les détections de passages d’immigrés clandestins ont augmenté de 7,4 % par rapport au deuxième semestre de l’année 2012, et de 155 % par rapport au premier semestre 2013, ce qui constitue une augmentation sans précédent entre deux trimestres successifs depuis 2008.

En ce qui concerne les principaux itinéraires suivis par les immigrés clandestins au plan européen, on observe les évolutions suivantes :

(Source : Frontex, « Fran Quaterly », Quarter 2, April-June 2013)

Ce graphique appelle quelques commentaires :

- en Méditerranée centrale (« Central Med »), l’immigration irrégulière reprend, principalement entre la Libye et l’Italie, 56 % des clandestins provenant d’Erythrée et de Somalie, et environ 20 % d’Afrique de l’Ouest (principalement de la Gambie et du Mali) ;

- dans les Balkans occidentaux (« Western Balkan »), l’augmentation des flux coïncide avec la modification de la politique d’asile de la Hongrie, où les demandeurs d’asile ont cessé d’être envoyés dans des centres fermés ;

- en Méditerranée orientale (« Eastern Med »), les flux auraient diminué de 70 % du fait des opérations lancées dans cette zone, notamment en Grèce – votre Rapporteur reviendra plus tard sur l’évolution de la situation à la frontière entre ce pays et la Turquie ;

- en Méditerranée occidentale (« Western Med »), l’orientation est également à la baisse, malgré une hausse des tentatives de franchissement illégal des frontières à Melilla.

Evolution des détections de franchissements irréguliers des frontières entre le deuxième semestre 2012 et le deuxième semestre 2013

(Source : Frontex, « Fran Quaterly », Quarter 2, April-June 2013)

D’abord engagées dans un cadre strictement intergouvernemental, puis figurant dans le cadre d’un « troisième pilier », « Justice et affaires intérieures » (JAI), depuis le traité de Maastricht, des politiques communes ont progressivement vu le jour en matière de contrôles aux frontières, d’asile et d’immigration. Le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne prévoit ainsi :

- la mise en place progressive d’un « système intégré de gestion des frontières extérieures » (article 77, paragraphe 1 c) ;

- le développement d’une politique commune d’asile « visant à offrir un statut approprié à tout ressortissant d'un pays tiers nécessitant une protection internationale et à assurer le respect du principe de non-refoulement » (article 78) ;

- le développement d’une politique commune de l’immigration « visant à assurer, à tous les stades, une gestion efficace des flux migratoires, un traitement équitable des ressortissants de pays tiers en séjour régulier dans les États membres, ainsi qu'une prévention de l'immigration illégale et de la traite des êtres humains et une lutte renforcée contre celles-ci » (article 79).

Désormais « communautarisées », ces politiques se sont développées d’une manière plus ou moins intégrée.

- Dans le domaine de la gestion des frontières extérieures, un ensemble de normes a vu le jour, notamment le Code frontières Schengen de 2006, qui établit les conditions et les modalités de contrôle aux frontières intérieures et extérieures de l’Union, ainsi que le Code des visas de 2009, qui harmonise les conditions de délivrance des visas de moins de trois mois et des visas de transit dans l’espace Schengen. Il faut également citer la mise en place d’un système d’information sur les visas (VIS), celle du système d’information Schengen SIS II, qui contient des signalements de personnes et d’objets, et la création de Frontex, l’agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures.

- Dans le domaine de l’asile, le règlement II de Dublin (2003) établit les critères de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande d’asile, afin d’éviter les demandes multiples dans plusieurs Etats membres ; une première harmonisation a minima a été réalisée par la directive « Accueil » de 2003, par la directive « Qualification » de 2004, relative aux conditions pour bénéficier d’une protection internationale, et par la directive « Procédures » de 2005, relative à l’octroi et au retrait du statut de réfugié. Le « paquet asile » finalisé en juin 2013 a permis de renforcer ces exigences minimales – votre Rapporteur reviendra sur ce sujet dans ses développements consacrés à la politique d’asile.

- Dans le domaine de l’immigration, l’Union n’a pas développé de stratégie commune en matière d’immigration légale, se contentant de quelques directives sectorielles (statut des résidents de longue durée, admission des chercheurs et des étudiants de pays tiers, directive dite « carte bleue » pour faciliter l’accès et le séjour des travailleurs hautement qualifiés). Depuis le Conseil européen de décembre 2005, l’Union européenne a élaboré une « approche migratoire globale », qui constitue la dimension externe de la politique de l’Union européenne en matière de migrations. Elle vise à instaurer un partenariat entre les Etats d’origine, les Etats de transit et les Etats de destination des migrations, en s’appuyant sur les trois piliers suivants : mieux organiser la migration légale, lutter contre l’immigration irrégulière, améliorer le lien entre migration et développement.

Au plan financier, quatre fonds européens ont été créés dans le domaine de la gestion des frontières extérieures, de l’immigration et de l’asile : le fonds européens pour les réfugiés (FER), le fonds européen d’intégration des ressortissants de pays tiers (FEI), le fonds européen pour le retour (FR), et le fonds européen pour les frontières extérieures.

Dans le cadre financier pluriannuel 2014-2020, un fonds unique « Asile et migration » (AMF), qui pourrait être doté d’un plafond de 3,1 milliards d’euros, devrait regrouper le FER, le FEI et le FR. Il aura pour objectifs de financer de nouvelles capacités d’hébergement, de fournir une aide dans le domaine de l’asile, notamment par des mesures d’intégration ou d’accompagnement pour le retour des personnes en situation irrégulière. L’ancien fonds européen pour les frontières extérieures devrait être inclus dans le cadre du nouveau fonds « Sécurité intérieure » (FSI), dont un volet sera consacré aux frontières et aux visas, et qui devrait être doté d’un plafond de 3,7 milliards d’euros au total.

Le Conseil Justice et Affaires Intérieures des 7 et 8 octobre dernier, puis le Conseil européen des 24 et 25 octobre, ont commencé à tirer les conséquences du drame de Lampedusa, qui doit conduire à ouvrir les yeux sur la nécessité de renforcer considérablement les politiques communes, au plan européen, en matière de gestion des frontières, d’immigration et d’asile. Des crédits non négligeables sont déjà prévus, mais ils restent insuffisants au regard de l’ampleur des défis, et surtout il manque encore une véritable stratégie européenne.

La création d’une « task force », réunissant les services de la Commission, les Etats-membres, ainsi que des agences européennes telles que Frontex, va naturellement dans le bon sens. Elle s’est déjà réunie une première fois le 24 octobre dernier. Sa mission est double : au plan opérationnel, il s’agira de mobiliser tous les moyens déjà disponibles et de dégager rapidement des solutions pour améliorer la situation en Méditerranée ; mais il s’agira aussi de mener une réflexion de fond dans la perspective du Conseil JAI des 5 et 6 décembre prochain.

Quant au Conseil européen des 24 et 25 octobre, il a ouvert la voie dans trois directions complémentaires, essentielles pour une approche globale et équilibrée des flux migratoires : la protection, la prévention, et la solidarité.

- En ce qui concerne la protection, tout d’abord, il faudra veiller à renforcer l’agence Frontex, qui est chargée de produire des analyses du risque migratoire et d’organiser des opérations conjointes aux frontières extérieures, terrestres comme maritimes. En Grèce, où votre Rapporteur s’était rendu l’an dernier dans le cadre de la préparation de son avis budgétaire, l’opération conjointe « Poseidon Land 2013 », organisée par Frontex à la frontière terrestre avec la Turquie, en parallèle de l’opération conjointe « Poseidon Sea 2013 », aux frontières maritimes de l’Union en Méditerranée occidentale, a permis de réduire efficacement les flux d’immigration clandestine, en conjonction avec les opérations « Aspida », montée en puissance dans la région de l’Evros, et « Xenios Deus », concentrée sur les zones urbaines autour d’Athènes. Il sera difficile de demander à Frontex d’en faire davantage sans augmenter son budget, en baisse au cours des derniers exercices – son budget total, d’environ 120 millions d’euros en 2011, a été ramené à 85 millions en 2013. Ses effectifs se limitent par ailleurs à 295 personnes : 136 agents temporaires, 80 agents contractuels et 79 experts nationaux détachés – dont 5 Français au 1er septembre 2013.

A court terme, le renforcement de la politique de gestion intégrée des frontières repose également sur la mise en œuvre rapide d’Eurosur, le Système européen de surveillance des frontières, que votre Rapporteur a présenté dans son avis budgétaire de 2012. Ce dispositif, qui devrait être opérationnel à compter du mois de décembre 2013, vise à faciliter et à renforcer les échanges d’informations entre les autorités nationales des Etats-membres et par l’intermédiaire de Frontex. Eurosur améliorera ainsi la connaissance de la situation aux frontières extérieures de l’Union européenne et les capacités de réaction en matière de détection des migrations irrégulières, ainsi qu’en matière de protection et de sauvetage des migrants. Il faudra dégager des moyens supplémentaires pour assurer le déploiement rapide de ce dispositif.

Par ailleurs, il conviendra bien sûr d’améliorer la lutte contre les trafics d’êtres humains, en particulier dans les Etats de départ et dans les Etats de transit, dans le respect des droits fondamentaux. Ce sont ces filières d’immigration clandestine qui attirent des migrants vers l’Europe au péril de leur vie, en leur fournissant notamment des embarcations particulièrement dangereuses.

- Dans le domaine de la prévention, il s’agira en particulier d’améliorer la coopération avec les pays d’origine, comme l’Espagne a su le faire lorsqu’elle a été confrontée à des flux massifs d’immigration irrégulière vers les Iles Canaries dans les années 2000. Par rapport au pic historique de 2006, où près de 40 000 immigrants légaux avaient accosté en Espagne, essentiellement aux Canaries, les flux ont baissé de plus de 95 %.

Ce bilan repose sur les moyens déployés par le gouvernement espagnol pour renforcer la surveillance des frontières, grâce à la mise en oeuvre d’un dispositif électronique et d’un dispositif d’interception en mer, mais aussi sur les coopérations bilatérales très denses qui ont pu être développées avec les pays d’origine des flux migratoires, en particulier avec la Mauritanie et le Sénégal. En Mauritanie, par exemple, outre la signature d’un accord de réadmission, un accord de coopération policière a permis le déploiement d’équipes mixtes basées dans un port de pêche qui servait de base de départ pour les clandestins subsahariens à destination des Canaries. Les objectifs étaient de prévenir le départ des bateaux et, le cas échéant, de les intercepter le plus tôt possible.

Le développement des programmes de protection régionale est une autre possibilité à explorer, afin de trouver des solutions pour les réfugiés au plus près des zones de conflit.

- A cela s’ajoute un troisième principe tout aussi essentiel pour le renforcement de la politique migratoire de l’Union européenne : la solidarité, qui doit être mieux appliquée entre les Etats-membres, ces derniers n’étant pas confrontés aux flux d’immigration clandestine et aux demandes d’asile dans des proportions identiques, ce qui fait peser un fardeau inéquitable sur certains pays européens. Ce sujet devrait être abordé lors du Conseil européen de juin prochain, qui reviendra sur la question des migrations et de l’asile dans une perspective plus large et de plus long terme.

Le principe de solidarité est explicitement prévu par l’article 80 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne : « Les politiques de l'Union visées au présent chapitre (2) et leur mise en œuvre sont régies par le principe de solidarité et de partage équitable de responsabilités entre les États membres, y compris sur le plan financier ». Si ce principe, formulé de manière générale, est consensuel, ses traductions concrètes le sont moins.

Sans ouvrir la boîte de Pandore du règlement de Dublin, relatif à la détermination de l’Etat responsable du traitement d’une demande d’asile, une révision des aides financières européennes pourrait être utile pour soutenir les efforts des Etats les plus sollicités. La Grèce, où votre Rapporteur s’était rendu l’an dernier dans le cadre de la préparation de son avis budgétaire, bénéficie déjà d’un important soutien européen pour mettre en place son nouveau service de l’asile et des centres d’accueil, mais les efforts pourraient être amplifiés – en Grèce et au-delà.

Le principe de solidarité doit aussi concerner les pays d’origine et les pays de transit. Il faudra en particulier approfondir le lien entre la politique d’aide au développement et les questions migratoires. L’Espagne, confrontée à des flux d’immigration clandestine aux Canaries, comme votre Rapporteur l’a rappelé, a ainsi développé des programmes de coopération en Afrique, afin de développer des activités économiques sur place, notamment en matière agricole. D’une manière générale, la relation avec les pays de la rive Sud de la Méditerranée doit davantage englober la dimension des migrations.

- D’autres propositions ont été mises sur la table, telles que l’amélioration des canaux légaux d’immigration et d’accès aux procédures d’asile, mais de nombreux Etats membres demeurent réservés sur ce point, craignant manifestement un « appel d’air ».

La question se pose également de savoir s’il faut organiser une vaste opération de sauvetage au plan européen, de Chypre à l’Espagne. Au plan juridique, le sauvetage en mer est une compétence des Etats membres, exercée dans le cadre des conventions internationales. Au plan pratique, les opérations conjointes organisées par Frontex incluent déjà, naturellement, la dimension du sauvetage des migrants en danger. Surtout, on peut se demander si l’annonce d’une vaste opération européenne de sauvetage n’inciterait pas davantage les migrants à prendre des risques en traversant clandestinement la Méditerranée, dans des conditions dangereuses, ainsi que les passeurs eux-mêmes dans leurs agissements.

En tout état de cause, après les drames successifs de Lampedusa, il faut ouvrir les yeux sur la nécessité d’une véritable politique commune dans le domaine de la gestion des frontières, de l’immigration et de l’asile, en définissant enfin une véritable stratégie et en se donnant les moyens d’agir. Il convient d’engager dès maintenant une réflexion approfondie et responsable sur tous ces sujets. L’Italie et la Grèce, qui assureront la présidence du Conseil de l’Union européenne en 2014, respectivement au premier semestre et au second semestre 2014, ont déjà annoncé leur volonté d’en faire des priorités d’action.

II. LA GARANTIE DU DROIT D’ASILE

Après avoir connu une baisse de 2003 à 2007, la demande de protection internationale globale (mineurs accompagnants et réexamens inclus) a augmenté de 10 % au premier semestre 2013 par rapport à la même période de l’année précédente. Au total, la demande de protection internationale avait déjà crû de 70 % entre 2007 et 2010.

Evolution de la demande de protection internationale en France depuis 2008

2008

+ 20 %

2009

+ 12 %

2010

+ 11 %

2011

+ 9 %

2012

+ 7%

(Source : Ministère de l’Intérieur – Direction générale des étrangers en France)

Depuis 2007, l’Europe et l’Afrique sont les deux principaux continents d’origine des demandes d’asile, pour une part comprise entre 65 et 75 % des demandes. Le classement des dix premiers pays de provenance a, quant à lui, largement évolué en 2012. La République démocratique du Congo a repris le premier rang, tandis que les demandes en provenance d’Albanie (désormais en 9position) augmentaient de 446 %, celles de Géorgie (8e place) de 55 % et celles du Pakistan (6e position) de 35 %.

Les modifications de la liste des pays d’origine sûrs continuent à influer sur ces évolutions. L’inscription du Bangladesh et de l’Arménie sur cette liste en décembre 2011 a ainsi entraîné une baisse respective de 71 % et 42 % de la demande en provenance de ces deux pays. Le retrait du Bangladesh, par une décision du Conseil d’Etat du 4 mars 2013 a ensuite vu la demande reprendre. De même, le retrait de l’Albanie et du Kosovo dans les mêmes conditions en mars 2012 avait conduit à une reprise de la demande dès le second semestre de l’année, dans le cadre plus général, toutefois, d’une hausse de la demande en provenance des Balkans (+ 64 % par rapport à 2011).

Au 31 décembre 2012, la population placée sous la protection de l’OFPRA était estimée à 176 984 personnes (hors mineurs accompagnants), dont 162 882 réfugiés, 12 892 personnes placées sous protection subsidiaire et 1 210 apatrides. Le nombre des personnes bénéficiant d’une protection internationale a augmenté d’environ 4,8 % par rapport à l’estimation du 31 décembre 2011 et de 35 % par rapport à 2007. Les nationalités les plus représentées sont les Sri-lankais (23 225), les Cambodgiens (12 666), les Congolais de République démocratique du Congo (12 585), les ressortissants de la Fédération de Russie (11 438) et les Turcs (10 887).

L’évolution de la demande d’asile en France doit être replacée dans le contexte européen. Les demandes d'asile ont aussi augmenté dans des proportions importantes dans d’autres Etats membres. Longtemps au premier rang, la France est passée en 2012 à la deuxième place, derrière l’Allemagne, qui a connu une augmentation de la demande de 44 % au cours de cette année. La demande a également crû de 48 % en Suède et de 8 % au Royaume-Uni, mais elle a diminué de 26 % en Irlande, de 25 % en Espagne et 16 % en Belgique. En 2012, au plan européen, 70 % des 330 000 demandes d’asile ont été adressés à l’Allemagne, à la France, à la Suède, au Royaume-Uni et à la Belgique.

Evolution des demandes d'asile en Europe depuis 2008

 

2008

2009

2010

2011

2012

Union européenne (27 pays) et Croatie

226 330

266 395

260 835

303 610

335 380

Belgique

15 940

22 955

26 560

32 270

28 285

Bulgarie

745

855

1 025

890

1 385

République tchèque

1 650

1 245

790

755

755

Danemark

2 375

3 775

5 100

3 985

6 075

Allemagne

26 945

33 035

48 590

53 345

77 650

Estonie

15

40

35

65

75

Irlande

3 865

2 690

1 940

1 290

955

Grèce

19 885

15 925

10 275

9 310

9 575

Espagne

4 515

3 005

2 745

3 420

2 565

France

41 845

47 625

52 725

57 335

61 455

Italie

30 145

17 670

10 050

34 115

17 350

Chypre

3 920

3 200

2 875

1 770

1 635

Lettonie

55

60

65

340

205

Lituanie

520

450

495

525

645

Luxembourg

455

485

785

2 155

2 055

Hongrie

3 175

4 670

2 105

1 720

2 155

Malte

2 605

2 385

175

1 890

2 080

Pays-Bas

15 255

16 140

15 100

14 600

13 100

Autriche

12 750

15 815

11 060

14 455

17 450

Pologne

8 515

10 595

6 540

6 890

10 755

Portugal

160

140

160

275

295

Roumanie

1 180

965

885

1 720

2 510

Slovénie

260

200

245

360

305

Slovaquie

905

820

540

490

730

Finlande

3 770

5 700

3 675

2 975

3 115

Suède

24 875

24 260

31 940

29 710

43 945

Royaume-Uni

:

31 695

24 365

26 940

28 260

Islande

75

35

45

75

105

Liechtenstein

25

285

110

75

75

Norvège

14 430

17 225

10 065

9 055

9 785

Suisse

16 605

16 005

15 565

23 880

28 640

Total

257 460

299 950

286 630

336 680

373 970

(Source Eurostat : Demandeurs et nouveaux demandeurs d'asile par nationalité, données annuelles agrégées)

Le diagnostic sur l’état de notre système d’asile est très largement partagé. Face à la hausse considérable des demandes, il atteint manifestement ses limites.

Tout d’abord, malgré une décrue récente, grâce à la mobilisation de moyens supplémentaires et à l’engagement de réformes internes, les délais de traitement des demandes sont beaucoup trop longs. En 2012, ils s’élevaient à 186 jours, soit plus de six mois, devant l’OFPRA, et à un peu plus de 8 mois devant la CNDA – contre près de 15 mois et demi trois auparavant.

De tels délais laissent trop longtemps dans l’attente et l’incertitude des personnes déjà très fragilisées, ils limitent la rotation des places dans les centres d’accueil, et ils contribuent à augmenter les besoins financiers pour le dispositif d’asile – centres d’accueil de droit commun, dispositif d’hébergement d’urgence et allocation temporaire d’attente.

Le dispositif d’accueil subit également une pression très forte. Les centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA), qui constituent le dispositif de droit commun, sont saturés et ne peuvent accueillir qu’une minorité des demandeurs d’asile en cours de procédure et éligibles. Les CADA permettent pourtant un meilleur accompagnement social et administratif.

Le tableau ci-dessous retrace l’évaluation des modes d’accueil des demandeurs d’asile depuis la fin de l’année 2011.

 

2 011

2012

2013

 

(31déc.) 

(31 déc.)

(30 juin)

Nombre de demandeurs d’asile en cours de procédure

53 153

54 322

59 327

Nombre de demandeurs d’asile hébergés en CADA

16 166

18 330

19 008

% de demandeurs éligibles à un hébergement en CADA effectivement hébergés en CADA

30,41 %

33,7 %

32 %

Nombre de demandeurs d’asile hébergés dans une structure d’urgence (programme 303) - Déclaratif

Env.

19 500

Env. 20 637

Env.

21 898

Nombre de demandeurs d’asile hébergés dans une structure d’urgence (programme 177) - Déclaratif

n.d.

n.d.

n.d.

% de demandeurs d’asile hébergés dans un dispositif financé par l’Etat/demandeurs d’asile en cours de procédure

67 %

71,7 %

69 %

% de demandeurs d’asile n’ayant pas obtenu un hébergement ou ne l’ayant pas sollicité

33 %

28,3 %

31 %

La dérive est également manifeste au plan budgétaire.

D’une part, la saturation des CADA se traduit par un recours massif au dispositif d’hébergement d’urgence et au versement de l’ATA, dont les coûts additionnés sont supérieurs à celui d’une place en CADA. D’après les éléments communiqués à votre Rapporteur par la Direction générale des étrangers en France (Ministère de l’Intérieur), le prix de journée de l’hébergement d’un demandeur d’asile en CADA en 2013 s’élève à 24,43 euros – hébergement, allocation mensuelle de subsistance, accompagnement social et administratif –, contre un coût unitaire moyen de 16,50 euros par jour en hébergement d’urgence, à quoi il faut ajouter le montant journalier de l’allocation temporaire d’attente (ATA), soit 11,20 euros, désormais versée à toutes les catégories de demandeurs d’asile en cours de procédure, depuis des décisions récentes du Conseil d’Etat.

D’autre part, le cumul de ces dysfonctionnements pèse de plus en plus lourdement sur le budget de l’Etat. Si l’on additionne les crédits alloués au financement des CADA (près de 215 millions d’euros prévus pour 2013), de l’ATA (135 millions d’euros) et de l’hébergement d’urgence (environ 115 millions d’euros), on arrive à un total de 465 millions d’euros pour le seul dispositif d’accueil et d’hébergement dans le cadre de cette mission budgétaire. Dans le contexte actuel, l’augmentation de ces crédits conduit à amputer d’autres dépenses, pourtant essentielles, telles que les actions nationales d’accueil des étrangers primo-arrivants et de formation linguistique (-3,8 % en 2008) et les actions d’intégration des étrangers en situation régulière (-9,4 %) – sur lesquelles votre Rapporteur reviendra.

Enfin, au regard de la proportion des demandeurs d’asile qui sont finalement déboutés – environ 80 % d’entre eux –, il n’est sans doute pas illégitime de s’interroger sur la motivation réelle d’une partie d’entre eux, même si la question est difficile et ne doit pas instrumentalisée. La durée actuelle du traitement des demandes, en permettant de rester longtemps sur le territoire français sans qu’une décision définitive soit rendue, pourrait contribuer à un détournement de la procédure d’asile par une partie des demandeurs, pour des motivations économiques.

En réaction à l’augmentation du nombre des demandes d’asile en France, les moyens mobilisés ont dû augmenter régulièrement, qu’il s’agisse du traitement des demandes – par l’OFPRA et la CNDA – ou de l’accueil des demandeurs – dans le cadre du dispositif de droit commun (les CADA) ou dans des structures d’urgence, dans une sorte de course de vitesse perpétuelle.

En 2014, au sein du programme 303, seuls les crédits prévus pour l’action 02 « Garantie de l’exercice du droit d’asile » devraient augmenter – ils s’établiraient à 503 730 000 euros, en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement, soit une hausse de 0,5 % par rapport à la LFI pour 2013.

La répartition de ces crédits en 2014 traduit les grandes orientations définies par le Président de la République avant son élection : réduire significativement les délais de traitement des demandes d’asile et renforcer le dispositif d’accueil pérenne – les CADA.

S’agissant des délais d’instruction des demandes, d’ici à 2015, l’objectif est fixé à 3 mois pour l’OFPRA – contre 186 jours en 2012, ce qui représenterait une diminution de moitié – et à 6 mois pour la CNDA – contre 8 mois et 7 jours en 2012.

Pour 2014, le plafond d’emploi de l’OFPRA devrait être augmenté de 10 ETP, afin de permettre le recrutement d’officiers de protection supplémentaires. De même, la Cour nationale du droit d’asile, qui n’entre pas dans le champ de cette mission budgétaire, puisqu’elle relève du programme 165 « Conseil d’Etat et autres juridictions administratives », devrait voir son plafond d’emploi passer de 341 ETPT en 2013 à 349 ETPT en 2014.

S’agissant de l’hébergement des demandeurs d’asile, le PLF pour 2014 poursuit l’effort engagé en 2013, qui avait vu la création de 2 000 places supplémentaires, en prévoyant la création de 2 000 nouvelles places. Les capacités d’accueil des CADA devraient donc être portées à 25 689 places.

Pour 2014, le projet annuel de performances fixe le pourcentage d’hébergement en CADA des demandeurs d’asile en cours de procédure et remplissant les conditions d’accès à cet hébergement à 39 %, contre 37 % en prévision actualisée pour 2013. La « cible » pour 2015 serait de 45 %.

Corrélativement, il est prévu une baisse de près de 10 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et en crédits de paiement (CP), soit 7,7 % en moins, des crédits dévolus à l’hébergement d’urgence. Ceux affectés au versement de l’ATA devraient se réduire de 5 millions en AE comme en CP, soit une baisse de 3,6 %. Cette évolution des crédits se justifie à la fois par la réduction des délais de traitement des demandes d’asile, ce qui devrait permettre une meilleure rotation des places et ainsi une augmentation de la proportion des demandeurs hébergés dans ces structures, et dans le même temps par la création de 4 000 nouvelles places en CADA en 2013 et 2014 au total.

En parallèle de ce renforcement des moyens disponibles, le Gouvernement a annoncé qu’une profonde réforme du système d’asile français allait être engagée. Le ministre de l’Intérieur a ainsi confié à M. Jean-Louis Touraine, député du Rhône, et à Mme Valérie Létard, sénatrice du Nord, une mission de concertation, dont les travaux se déroulent dans le cadre de quatre ateliers thématiques : l’évolution des procédures d’asile ; l’accueil, l’orientation et l’accompagnement des demandeurs ; leur hébergement ; l’insertion des bénéficiaires d’une protection internationale (accueil, emploi, logement, formation).

Votre Rapporteur salue l’engagement d’une réflexion de fond sur les dispositifs mis en œuvre pour garantir le droit d’asile. Consacré par la Constitution et par la convention de 1951 relative au statut des réfugiés, dite « Convention de Genève », il doit évidemment être respecté et préservé, car il est au cœur de notre conception de la République. Mais la course de vitesse qui s’est engagée, face à l’augmentation du nombre des demandes d’asile, n’a pas permis à notre système d’asile d’éviter une asphyxie progressive.

Il convient de saluer, comme il se doit, l’effort consenti en 2014 pour renforcer les moyens de l’OFPRA, de la CNDA et du dispositif d’hébergement de droit commun, afin de respecter les engagements du Président de la République. Pour autant, il apparaît de plus en plus évident qu’une hausse continue des moyens dévolus à la politique d’asile est non seulement difficilement soutenable, mais également peu susceptible en elle-même de remédier aux dysfonctionnements évoqués plus haut.

La réforme du système d’asile devrait permettre d’apporter des réponses à la crise actuelle par des ajustements nécessaires, tout en assurant la transposition du « paquet asile », adopté en juin 2013 au plan européen, qui renforce les exigences en matière d’accueil des demandeurs d’asile et de traitement des demandes. La nouvelle directive « Procédures », qui devra être transposée d’ici à 2015 permet en particulier la présence d’un tiers auprès du demandeur d’asile à l’occasion de son entretien. Il faudra donc aménager les procédures, ce qui pourrait en soi rallonger les délais d’instruction et présenter un coût financier.

Sans préjuger des conclusions de la concertation nationale qui a été engagée, ni formuler des recommandations, qui sortiraient très largement du cadre de cet avis budgétaire, il semble à votre Rapporteur qu’il conviendrait notamment de s’interroger sur les possibilités offertes par la procédure prioritaire, qui permet de traiter plus rapidement un certain nombre de demandes, afin d’améliorer l’efficacité du dispositif sans dénaturer les garanties nécessaires pour les demandeurs d’asile, tout en s’interrogeant aussi sur l’important taux de déboutés présents dans les CADA – 11,6 % au 31 décembre 2012, dont 7,8 % en présence indue.

III. INTÉGRATION ET ACCÈS À LA NATIONALITÉ FRANÇAISE

Le programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française » devrait être doté de 61,73 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 62,3 millions d’euros en crédits de paiement pour l’année 2014.

Ces crédits, qui ne représentent que 9,4 % de l’ensemble de la mission « Immigration, asile et intégration », sont en recul 3,89 millions d’euros en AE et CP, soit une diminution de 5,9 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2013. L’an dernier, ils avaient déjà reculé de 16,3 % en AE et de 7,6 % en CP par rapport à la loi de finances initiale pour 2012.

S’agissant de 2014, la baisse concerne essentiellement l’action n°12 « Actions d’intégration des étrangers en situation régulière », dont les crédits devraient reculer de 3,6 millions d’euros.

Comme en 2012 et en 2013, les crédits prévus pour les actions d’intégration devraient connaître une baisse sensible l’année prochaine.

Il a été indiqué à votre Rapporteur que cette évolution à la baisse ne traduisait nullement une moindre priorité accordée aux actions d’intégration, mais correspondait à la nécessité de faire participer la mission budgétaire à l’effort de maîtrise des dépenses publiques. Elle doit aussi être replacée dans le cadre de la refondation de la politique d’intégration qui a été annoncée par le Gouvernement. Votre Rapporteur veut espérer qu’elle permettra d’améliorer son impact dans le contexte budgétaire actuel.

Les crédits relatifs à l’intégration dans le cadre du programme 104 sont répartis entre trois actions distinctes :

- L’action n°11 (« Actions nationales d’accueil des étrangers primo-arrivants et de formation linguistique »), pour 11,17 millions d’euros, correspondant à la subvention pour charges de service public de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), au titre des prestations qu’il met en œuvre le cadre du Contrat d’accueil et d’intégration (CAI) (3), rendu obligatoire depuis le 1er janvier 2007 et concernant environ 100 000 bénéficiaires par an  (4), et du dispositif national de formations linguistiques, hors CAI, à destination des étrangers non primo-arrivants dont l’OFII a par ailleurs la charge ;

- L’action n°12 (« Actions d’intégration des étrangers en situation régulière »), qui vise à faciliter l’intégration des étrangers admis au séjour de longue durée, sous diverses formes (formation linguistique à destination d’immigrés déjà installés sur le territoire national ; accès à l’éducation et à l’emploi ; accès aux droits des femmes immigrées et des personnes âgées immigrées), et qui comprend aussi un soutien financier à la Cité nationale de l’histoire de l’immigration – sur laquelle votre Rapporteur reviendra –, ainsi qu’un accompagnement financier du plan de traitement des foyers de travailleurs migrants (FTM), engagés dans une politique de transformation du bâti, souvent obsolète et hors normes, et de passage au statut de résidence sociale ;

- l’action n°15 (« Actions d’intégration des réfugiés »), visant à faciliter l’intégration des demandeurs d’asile ayant obtenu le statut de réfugié et des bénéficiaires de la protection internationale qui ont besoin d’un accompagnement particulier pendant une période transitoire – ces crédits financent principalement (à hauteur de 12,2 millions d’euros) les centres provisoires d’hébergement des réfugiés (CPH), au nombre de 28 et disposant d’une capacité de 1 083 places, ainsi que des aides et des secours à des réfugiés, gérés par des associations (pour un montant de 2,16 millions).

Le tableau suivant récapitule l’évolution des crédits par rapport aux lois de finances initiales 2012et 2013 (en autorisations d’engagement et en crédits de paiement).

(en millions d’euros)

 

LFI 2012

LFI 2013

PLF 2014

Actions nationales d’accueil des étrangers primo-arrivants et de formation linguistique

13,34

11,610

11,170

Actions d’intégration des étrangers en situation régulière

41,787

38,576

34,950

Actions d’intégration des réfugiés

14,66

14,30

14,36  (5)

S’agissant de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), qui est notamment en charge de l’accueil des primo-arrivants en situation régulière, la dotation budgétaire prévue dans le cadre de l’action n°11 est complétée par des taxes affectées  (6) dont le plafond pourrait être de nouveau abaissé en 2014 – de 10 millions d’euros supplémentaires –, ainsi que des crédits européens en provenance du Fonds européen d’intégration (FEI). Pour 2014, la prévision de rattachement de crédits est évaluée, sur la base des exercices précédents, à 1,45 million d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. La participation de l’OFII à l’effort nécessaire de maîtrise des dépenses publiques se traduit aussi par la réduction du plafond d’emplois, les effectifs devant passer de 805 équivalents temps plein (ETP) fin 2013 à 790 en 2014 – contre 920 ETP en 2008.

L’OFII devrait donc être confronté dans le même temps à une baisse de ses moyens, tant humains que financiers, et à une probable reconfiguration de ses missions, notamment dans le cadre de la refondation de la politique d’intégration qui a été annoncée par le Gouvernement. Un nouveau contrat d’objectifs et de performance (COP) devrait être signé avec l’Etat pour la période 2013-2015. Selon son directeur général, l’OFII devra réaliser une double « révolution culturelle », concernant les priorités de son action (7), comme les modalités d’exercice de chacune des missions qui lui seront confiées, une fois que les arbitrages auront été rendus.

La Cité nationale de l’histoire de l’immigration, établissement public installé à Paris, dans le Palais de la Porte Dorée, contribuera également à l’effort de maîtrise des dépenses publiques en 2014. Sa mission est de «  rassembler, sauvegarder, mettre en valeur et rendre accessibles les éléments relatifs à l'histoire de l'immigration en France, notamment depuis le XIXe siècle ; contribuer ainsi à la reconnaissance des parcours d'intégration des populations immigrées dans la société française et faire évoluer les regards et les mentalités sur l'immigration en France » (8).

Sa subvention pour charges de service public, complétée par des recettes propres (droits d’entrée, mécénat, locations d’espace, coproductions) devrait s’établir à 2,45 millions d’euros en 2014, contre 2,6 millions en 2013 et 2,78 millions en 2012. Elle entre dans le cadre de l’action n°12 (« Actions d’intégration des étrangers en situation régulière »), qui apporte notamment un appui à l’évolution des représentations de l’immigration, des immigrés et de leur apport à la société française.

La décision prise par le Gouvernement, l’an dernier, d’engager une réflexion sur la politique d’intégration, qui s’est notamment traduite par un rapport de M. Thierry Tuot intitulé La grande Nation pour une société inclusive, a conduit, au cours du mois de février dernier, à l’annonce d’un vaste travail de refondation de la politique d’intégration.

Il a été indiqué à votre Rapporteur que ce travail s’appuierait sur les principes généraux suivants : changer le regard sur les personnes immigrées et leurs descendants, afin de valoriser l’enrichissement mutuel qui se produit ; assurer une distinction très claire entre la politique d’immigration, la politique d’accueil et la politique d’intégration, dont l’objectif est de garantir la cohésion sociale sur le long terme ; favoriser une approche interministérielle des questions d’intégration, qui doivent être intégrées dans tous les volets de l’action publique (santé, social, emploi, culture, habitat ou défense) ; s’appuyer sur les associations de proximité dont le réseau a pourtant été fragilisé au cours des dernières années.

Cinq groupes de travail, destinés à réunir associations, syndicats, universitaires, services de l’Etat, collectivités locales et citoyens, ont été installés au mois de juillet 2013 :

- « Connaissance et reconnaissance » (culture, mémoire, anciens combattants) ;

- « Faire société » (citoyenneté, cultes, discriminations au quotidien, rapports avec les services publics) ;

- « Habitat » (logement, urbanisme, ruralité, mobilité géographique, mixité sociale) ;

- « Mobilités sociales » (parcours d’éducation, scolarité, formation, insertion, carrières, discriminations relatives au travail) ;

- « Protection sociale » (recours aux droits et prestations, accès aux soins, retraites).

Sans vouloir préjuger des conclusions que ces groupes de travail devraient bientôt remettre au Premier ministre, et après avoir rappelé la nécessité d’actions d’intégration bien conçues et efficaces, votre Rapporteur estime utile d’appeler l’attention sur un certain nombre de faiblesses du dispositif actuel, auxquelles la « refondation » annoncée pourrait utilement permettre de remédier.

- L’objectif de niveau linguistique à atteindre à l’issue de la formation fournie par l’OFII, qui est actuellement A.1.1 (9), semble particulièrement modeste par rapport au niveau requis à l’étranger  (10) et surtout par rapport aux besoins des primo-arrivants pour accéder à l’emploi et pour commencer eux-mêmes leur propre parcours d’apprentissage linguistique. Il conviendrait certainement de fixer l’objectif au moins au niveau A1, qui permet de communiquer de façon simple pourvu que l’interlocuteur s’exprime lentement et distinctement en se montrant coopératif. Ce « socle » permettrait au migrant de comprendre les informations nécessaires à sa participation à une formation ou à une recherche de l’emploi, ce qui paraît un minimum.

- La formation civique obligatoire tend aujourd’hui à diffuser des informations qui sont probablement trop nombreuses pour être bien assimilées et que l’on peut juger partiellement inutiles à ce stade, notamment en ce qui concerne le fonctionnement des institutions françaises ou même notre histoire. Il paraîtrait utile d’opérer un recentrage sur les messages essentiels au moment de l’arrivée en France, c’est-à-dire les principes fondamentaux de la République, tels que la laïcité et l’égalité entre les hommes et les femmes. La formation pourrait être complétée par la suite, notamment lorsque les migrants auront acquis un niveau linguistique supérieur.

- Le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) prévoit un bilan de compétences professionnelles obligatoire pour les signataires du contrat d’accueil et d’intégration. En 2012, l’OFII a consacré environ 6,6 millions d’euros au financement de cette prestation, contre environ 6,4 millions en 2011. Alors que le CESEDA ne prévoit que peu d’exonérations à ce bilan de compétences, le suivi réalisé par l’OFII a montré qu’environ un tiers des bénéficiaires ne souhaitait pas chercher du travail. Ce dispositif pourrait donc être reconsidéré tant au regard de son utilité que de son coût pour les finances publiques.

- Dès le stade de la demande de visa, pour le conjoint de Français âgé de moins de 65 ans et pour le ressortissant étranger de plus de 16 ans et de moins de 65 ans faisant l’objet d’une demande de regroupement familial, le dispositif du CAI est complété à l’étranger par un dispositif d’évaluation des connaissances de la langue et des valeurs de la République et – en cas d’insuffisances constatées – de formation. Outre que le « pré-CAI » n’est pas mis en œuvre partout (11), les formations offertes paraissent à la fois insuffisantes pour être efficaces – 40 heures d’apprentissage du français et 3 heures de formation aux valeurs de la République, au maximum – et redondantes avec la formation dispensée ensuite dans le cadre du CAI. Ces moyens pourraient dont être redéployés.

- Malgré la création des programmes régionaux d’intégration des populations immigrées (PRIPI), l’articulation qui est assurée au plan local avec les autres politiques publiques concourant à l’intégration des migrants (politique de formation professionnelle, politique de la ville, politique de réussite éducative ou encore politique d’accès aux droits) paraît encore insuffisante. Il conviendrait d’améliorer la gouvernance afin de mieux associer tous les acteurs mobilisables dans une perspective d’intégration.

- Enfin, le choix a été fait, jusqu’à présent, de mettre l’accent sur le moment de l’arrivée en France, le CAI étant signé pour une durée d’un an, renouvelable une fois – et il est souvent réalisé en quelques mois seulement. Il paraîtrait plus judicieux de s’inscrire dans une perspective pluriannuelle, qui pourrait être de cinq ans, afin de construire de véritables parcours d’intégration, en fonction des besoins individuels et de l’évolution des migrants. Une « clause de revoyure » pourrait intervenir lors du renouvellement du premier titre de séjour d’un an : il serait utile d’assortir la délivrance des futurs titres de séjour pluriannuels, qui pourraient être de quatre ans, à un niveau linguistique suffisant – on pourrait envisager que le titre ne soit renouvelé que pour un an, avec une nouvelle « clause de revoyure », si le niveau était jugé insuffisant.

Dans le cadre financier pluriannuel 2007-2013, le Fonds européen d’intégration (FEI) soutient des actions d’intégration à destination de ressortissants de pays tiers. Pour 2013, l’allocation de la France devait s’élever à 15 millions d’euros, dont 14,4 millions dans le cadre du programme 104 (« Actions d’intégration locales ou nationales ») et 0,6 million dans celui du programme 303 (études, évaluations et assistance technique du FEI) – 119 projets auraient été sélectionnés en France.

Cette action repose sur l’idée que l’intégration des ressortissants de pays tiers est « un élément clé dans la promotion de la cohésion économique et sociale » au sein de l’Union (12). La compétence européenne demeure limitée : l’article 79 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne permet l’adoption de « mesures pour encourager et appuyer l'action des États membres en vue de favoriser l'intégration des ressortissants de pays tiers en séjour régulier sur leur territoire, à l'exclusion de toute harmonisation des dispositions législatives et réglementaires des États membres ».

Un travail a été engagé depuis 2009 autour d’indicateurs communs relatifs à l’intégration des personnes immigrées, que le programme pluriannuel de Stockholm, adopté fin 2009, pour « une Europe ouverte et sûre qui sert et protège les citoyens » concevait comme un outil destiné à accroître la « comparabilité des expériences nationales » et à renforcer le « processus d’apprentissage européen ». En 2010, 14 indicateurs européens ont été validés et Eurostat a par la suite réalisé et publié une longue étude relative à la situation des populations immigrées suivant quatre critères : l’emploi, l’éducation, l’inclusion sociale et la « citoyenneté active » (13). Il semble que peu de conséquences opérationnelles aient été tirées, à ce stade, du travail réalisé autour des indicateurs communs d’intégration, malgré l’organisation de plusieurs séminaires.

Les populations dites « Roms » relèvent d’une problématique spécifique lorsqu’il s’agit de citoyens européens (pour l’essentiel), qui n’appartiennent donc pas à des « pays tiers » et pour qui les actions d’intégration n’entrent pas dans le périmètre du FER. La question de leur intégration, dans les pays dits « d’origine » comme dans les pays dits « de résidence », est en grande partie apparue sur l’agenda européen en lien avec la question du fonctionnement de l’espace Schengen (14).

L’intérêt de la démarche engagée au plan européen, depuis la communication de la Commission de 2011 qui a établi un « cadre de l’UE pour les stratégies nationales d’intégration des Roms », consiste à établir ce que plusieurs interlocuteurs ont décrit comme un « triptyque » associant la Commission européenne, les pays dits « d’origine » et les pays dits « de résidence », au lieu de voir les Etats membres concernés se renvoyer la responsabilité.

Sans remettre en cause la responsabilité première des Etats membres en matière d’intégration – et plus spécifiquement dans les domaines visés par les communications successives de la Commission en faveur de l’intégration des Roms (éducation, santé, logement et travail), la démarche suivie repose sur un engagement de l’Union en faveur de l’intégration des Roms, parce que cette question revêt une dimension européenne manifeste.

Le « Cadre de l’UE pour les stratégies nationales d’intégration des Roms », qui a été endossé par le Conseil Emploi, Politique sociale, Santé et Consommateurs et par le Conseil européen, a permis de franchir une première étape en demandant aux Etats membres d’élaborer des stratégies nationales d’intégration avant la fin de l’année 2011, sur le fondement des lignes directrices inscrites dans le « Cadre de l’UE », et en demandant aussi des rapports annuels sur les progrès accomplis.

La Commission a rendu public son propre suivi, sous la forme de deux communications sur la mise en œuvre du « Cadre de l’UE », la première en mai 2012 et la seconde en juin 2013. Ces deux documents ont mis en lumière plusieurs lacunes que les entretiens de votre rapporteur à Bruxelles, en Roumanie, puis en Hongrie, ont très largement confirmées. Si des stratégies nationales ont désormais été adoptées dans tous les Etats membres, leur mise en œuvre est relative et perfectible dans de nombreux domaines, à des degrés divers selon les pays :

- la lutte contre les discriminations ;

- l’association effective de la société civile dans l’élaboration des politiques concernées et dans leur application (15) ;

- la mobilisation de l’échelon local (16) ;

- la coordination au plan national, comme entre le niveau national et le niveau local ;

- la lutte contre les discriminations ;

- la mobilisation des fonds européens disponibles pour engager des actions d’intégration (17),

- le suivi (« monitoring ») de l’utilisation effective de ces fonds.

La communication de juin 2013 est accompagnée d’un projet de recommandation, sur la base de l’article 19 § 1 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, relatif aux mesures de lutte contre les discriminations. Si cette recommandation était adoptée, elle constituerait le premier instrument juridique de l’Union européenne en matière d’intégration des Roms. Le projet de recommandation fixe notamment des objectifs et recommande des mesures « ciblées » pour combler les écarts – formule sur laquelle on peut s’interroger au regard de la conception française du principe d’égalité –, en laissant toute latitude aux Etats membres en matière d’application, selon les situations nationales, régionales et locales.

Même si cette recommandation était adoptée, on resterait encore loin d’une contrainte juridique ou même d’une incitation au plan européen. On confierait tout au plus un rôle plus grand d’impulsion à l’UE.

La dotation prévue dans le cadre de cette mission budgétaire – 1 256 500 euros en autorisations d’engagement et 1 820 000 euros en crédits de paiement – augmenteraient de 120 000 euros par rapport à la LFI 2013, afin de préserver les moyens de fonctionnement de la sous-direction de l’accès à la nationalité française – il a été indiqué à votre Rapporteur, dans une réponse écrite, qu’elle devait notamment faire face à des dépenses de contentieux et d’archivage en sus de ses dépenses de fonctionnement courant.

Cette sous-direction est chargée de gérer les recours hiérarchiques et les contentieux liés aux décisions défavorables des préfets en matière de naturalisation, elle contribue à l’établissement de la preuve de la nationalité française par l’intermédiaire d’une base de données de la nationalité, anime les relations avec les préfectures et le service central de l’état civil du ministère des affaires étrangères, et participe à la préparation des textes législatifs et réglementaires dans son champ de compétences.

Comme l’a rappelé la circulaire du ministre de l’Intérieur du 16 octobre 2012, l’accès à la nationalité française, qui peut constituer un moteur d’intégration, est l’aboutissement juridique et symbolique d’un parcours réussi dans ce domaine.

Sous l’impulsion du précédent Gouvernement, les naturalisations avaient connu une chute brutale de 30 % en 2011 comme en 2012, en raison d’une hausse massive des décisions négatives. Dans son avis budgétaire de 2012, le rapporteur pour avis de la Commission des lois pour les crédits relatifs à l’immigration, l’intégration et l’accès à la nationalité, M. Patrick Mennucci, avait montré que cette évolution s’expliquait par un durcissement de l’appréciation des critères de naturalisation par l’administration.

Années

Procédure par décret

Favorables

Défavorables

Taux de décisions favorables

2007

47 318

19 394

71%

2008

63 042

22 409

74%

2009

63 513

30 548

68%

2010

65 305

36 281

64%

2011

46 479

52 855

47%

2012

32 875

38 586

46%

1er sem. 2013

19 285

13 382

59%

(Source : Ministère de l’intérieur – Direction générale des étrangers en France)

Comme le montre le tableau ci-dessous, on observait en particulier une augmentation considérable des décisions de rejet et d’ajournement, prises en opportunité, dans le cadre d’une compétence discrétionnaire de l’administration – l’irrecevabilité étant, en revanche, opposée lorsque les conditions fixées par les textes ne sont pas remplies, et le classement sans suite étant prononcé en cas de dossier incomplet.

Procédure par décret

2008

2009

2010

2011

2012

1ER sem. 2013

Ajournements

13 544

17 672

24 133

38 790

27 191

9 019

Rejets

659

2 611

3 773

6 836

5 251

1 413

Irrecevabilités

7 881

9 903

7 781

6 452

3 907

1 684

Classements sans suite

325

362

594

777

2 237

1 266

TOTAL

22 409

30 548

36 281

52 855

38 586

13 382

(Source : Ministère de l’intérieur – Direction générale des étrangers en France)

Les circulaires du 16 octobre 2012 et du 21 juin 2013 ont permis de réorienter la politique de naturalisation grâce à de nouvelles instructions, qui se sont traduites par une hausse rapide et importante du taux de réponse favorable. Comme votre Rapporteur l’indiquait dans son avis budgétaire sur les crédits de cette mission pour 2013, la circulaire d’octobre 2012 concernait notamment l’appréciation de l’insertion professionnelle et de l’assimilation à la communauté française, ainsi que les périodes passées en séjour irrégulier.

Le tableau ci-dessous présente l’évolution des motifs des décisions défavorables rendues.

Procédure par décret

2008

2009

2010

2011

2012

1er semestre 2013

             

Irrecevabilité

7 881

9 903

7 781

6 452

3 907

1 684

             

Classement sans suite

325

362

594

777

2 237

1 266

             

Moralité

4 166

6 318

6 118

6 516

4 837

1 976

             

Séjour irrégulier

2 312

4 443

6 939

8 230

5 046

530

             

Insertion professionnelle

3 504

5 100

9 041

22 025

15 844

6 123

             

Assimilation - intégration

1 685

1 981

2 343

1 997

1 103

137

             

Avis défavorable des services spécialisés

91

100

235

340

176

68

             

Loyalisme

807

1 097

1 790

2 684

2 179

1 143

             

Divers

1 638

1 244

1 440

3 834

3 257

455

             

TOTAL

22 409

30 548

36 281

52 855

38 586

13 382

(Source : Ministère de l’intérieur –Direction générale des étrangers en France)

Afin d’harmoniser les pratiques des préfectures, au vu d’un rapport de l’inspection générale de l’administration sur l’évaluation de la déconcentration de la procédure de naturalisation, dont il ressort notamment des écarts à la moyenne d’environ 10 % s’agissant des taux de refus, le décret 2013-795 du 30 août 2013 a ensuite engagé une expérimentation de plateformes régionales pour l’instruction des demandes, laquelle consiste à mutualiser les ressources disponibles, en Lorraine et en Franche-Comté à partir du 1er septembre 2013, puis en Picardie à compter du 1er janvier 2014.

CONCLUSION

L’année 2014 pourrait être décisive à plus d’un titre en matière d’immigration, d’asile et d’intégration.

D’une part, en raison des inflexions qui trouvent déjà une traduction dans le cadre de cette mission budgétaire, notamment la priorité accordée à la nécessaire réduction des délais d’instruction des demandes d’asile et les efforts consentis, malgré les difficultés du contexte budgétaire, en faveur des centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA), amplifiant ainsi le rééquilibrage déjà engagé l’an dernier en faveur du dispositif de droit commun.

D’autre part, du fait de plusieurs réforme annoncées en parallèle par le Gouvernement dans les principaux domaines de la mission : une vaste concertation sur le droit d’asile, destinée à apporter une réponse aux dysfonctionnements persistants du système actuel et à assurer la transposition en droit français du « paquet asile » adopté au plan européen ; une « refondation » de la politique d’intégration, appelée à renouveler en profondeur son approche pour améliorer son efficacité ; la généralisation des titres de séjour pluriannuels, afin de simplifier le droit au séjour, de sécuriser les parcours et d’attirer davantage les talents internationaux.

Notre pays devrait ainsi continuer à se replacer sur une trajectoire responsable et respecteuse des valeurs de notre République, notamment en ce qui concerne les garanties légitimes dont doivent bénéficier les publics souvent fragilisés auxquels s’adressent les politiques d’immigration, d’asile et d’intégration.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

EXAMEN DES CREDITS

À l’issue de l’audition du 5 novembre 2013, en commission élargie, de M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur 18, la Commission des Affaires étrangères examine, pour avis, les crédits pour 2014 de la mission « Immigration, asile et intégration », sur le rapport de M. Jean-Pierre Dufau.

Suivant l’avis du rapporteur, la Commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission, tels qu’ils figurent à l’état B annexé à l’article 44.

ANNEXE

LISTE DES AUDITIONS DU RAPPORTEUR

(par ordre chronologique)

1. A Bruxelles (17 septembre 2013) 

- Mme Sylvie Guillaume, membre du Parlement européen (commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures) ;

- M. Vincent Richez, conseiller en charge des services sociaux, protection sociale, inclusion sociale, à la Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne ;

- M. Aurel Ciobanu-Dordea, directeur « Égalité » à la Direction générale de la Justice de la Commission européenne ; 

- Mme Marta Pinto, « Policy Officer » au Bureau européen de l'information sur les Roms (ERIO).

2. En Roumanie (du 30 septembre au 2 octobre 2013) 

- M. Philippe Gustin, Ambassadeur de France ;

- M. Samuel Richard, Deuxième Conseiller ;

- M. Frédéric Bayard, attaché de sécurité intérieur ;

- M. Frédéric Teillet, magistrat de liaison ;

- M. Hossein Mokry, directeur de la représentation de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) en Roumanie ;

- Mme Marie-Thérèse Leblanc, coordinatrice action sociale (délégation de l’OFII en Roumanie) ;

- M. Lucian Cherata, inspecteur scolaire en charge des minorités pour le département de Dolj ;

- M. Vladu, chargé de mission de Nantes Métropole pour les départements de Dolj et de Mehedinti ;

- M. Constantin Dobrescu, Maire de Vortop ;

- M. Ion Gheorghe, bénéficiaire d’un projet cofinancé dans le cadre de l’accord signé entre le département de Dolj, l’OFII et Nantes Métropole ;

- M. Calin Popescu Tariceanu, sénateur, ancien Premier ministre ;

- M. Petre Roman, sénateur, ancien Premier ministre ;

- M. George Ciamba, Secrétaire d’Etat aux affaires étrangères, en charge des affaires européennes ;

- Rencontre avec la commission parlementaire bicamérale spéciale pour l’adhésion de la Roumanie à l’espace Schengen, présidée par M. Mircea Geoana, sénateur ;

- Mme Dorina Maria Nastase, chef de la section politique à la Représentation de la Commission européenne en Roumanie ;

- M. Jérôme Richard, conseiller Affaires sociales auprès du ministère roumain du travail, de la famille et de la protection sociale ;

- M. Bogdan Tohaneanu, Secrétaire d’Etat à l’intérieur.

3. En Hongrie (du 2 au 4 octobre 2013) 

- M. Roland Galharague, Ambassadeur de France ;

- Mme Anne-Marie Maskay, Première Conseillère ;

- M. Richard Réquéna, Premier Secrétaire ;

- Les responsables de l’ONG TASZ (Union des Libertés Civiles Hongroises) de Bátonyterenye ;

- M. Tibor Horváth, maire-adjoint de Bátonyterenye ;

- M. Gábor Jónás, conseiller du département de Nógrád au sein du Conseil national des Roms ;

- M. István Forgács, conseiller du ministre des Ressources humaines ;

- Mme Katalin Barsony, directrice de la Fondation Romedia ;

- Mme Louise Métrich, responsable du programme Droits des Roms, Institut Tom Lantos ;

- M. Aladár Horváth, président du Mouvement des Droits civiques pour la République ;

- M. István Boros, Fondation Autonomia ;

- M. János Daróczi, réalisateur de documentaires ;

- Mme Kinga Göncz, membre du Parlement européen ;

- M. László Teleki, ancien secrétaire d’Etat, conseiller pour les minorités au Parti socialiste hongrois.

4. A l’Assemblée nationale 

- M. Alain Régnier, délégué interministériel pour l'hébergement et l'accès au logement des personnes sans-abri ou mal logées, accompagné de M. Manuel Demougeot, directeur de cabinet (25 septembre) ;

- M. Pascal Brice, directeur général de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), et Mme Martine Denis-Linton, présidente de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), accompagnée de Mme Anne Redondo, secrétaire général adjoint (8 octobre) ;

- M. Luc Derepas, directeur général des étrangers en France (ministère de l'Intérieur), accompagné de M. François Lucas, directeur de l'immigration, de M. Fabrice Leggeri, sous-directeur de la lutte contre l'immigration irrégulière, de Mme Sylvie Moreau, chef de service, adjointe à la directrice de l'accueil, de l'accompagnement des étrangers et de la nationalité, de Mme Pascale Legendre, adjointe au chef du service de l'asile, de M. Rémy-Charles Marion, chef du service du pilotage et des systèmes d'information, et de Mme Laetitia Belan, chef du bureau du pilotage et de la synthèse budgétaire et financière (9 octobre) ;

- M. Yannick Imbert, directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) (15 octobre) ;

- M. Jérôme Normand, directeur de projet, chargé de coordonner le suivi régional relatif à l’anticipation et à l’accompagnement des démantèlements de campements illicites auprès du préfet de la région Ile-de-France (22 octobre) ;

- Mme Geneviève Jacques, présidente de la CIMADE, et M. Jean-Claude Mas, secrétaire général (22 octobre).

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