N° 1433 tome IV - Avis sur le projet de loi de finances pour 2014 (n°1395)



N
° 1433

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 octobre 2013.

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES
SUR LE PROJET DE LOI
de finances pour 2014 (n° 1395)

TOME IV

DÉFENSE

PRÉPARATION ET EMPLOI DES FORCES :

FORCES TERRESTRES

PAR M. Joaquim PUEYO

Député

——

Voir les numéros : 1428 (annexe 11)

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 7

PREMIÈRE PARTIE – LES CRÉDITS DE L’ARMÉE DE TERRE D’UNE LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE À L’AUTRE 9

I. LES DIFFICULTÉS RENCONTRÉES PAR L’ARMÉE DE TERRE DURANT L’EXERCICE 2013 SONT RÉVÉLATRICES DES DÉSÉQUILIBRES DANS L’APPLICATION DE L’ACTUELLE LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE 9

A. L’EXERCICE BUDGÉTAIRE 2013 POUR L’ARMÉE DE TERRE : UN BUDGET ÉTABLI D'UNE MANIÈRE SATISFAISANTE MAIS EXÉCUTÉ SOUS DE FORTES TENSIONS 9

1. L’exécution du budget de l’armée de terre pour 2013 est marquée par des fortes tensions 9

2. Les tensions dans l’exécution budgétaire pour 2013 se traduisent par des difficultés touchant aussi bien l’équipement des forces que la condition des hommes 12

a. Des commandes d’équipements et des dépenses de rénovation des matériels terrestres en baisse 12

i. Les commandes d’équipements 12

ii. Une insuffisance chronique des dépenses d’entretien programmé du matériel 14

b. Des réductions conséquentes des effectifs et des tableaux d’avancement 18

c. Des difficultés dans le remboursement au BOP « Terre » des dépenses d’OPEX 21

i. Des surcoûts importants pour l’armée de terre, notamment en matière d’entretien programmé du matériel 21

ii. Des difficultés pour obtenir le remboursement des dépenses ex post 22

d. Une gestion difficile des bases de défense 23

i. C’est pour l’armée de terre que l’embasement a constitué la réorganisation et le « choc culturel » les plus profonds 23

ii. Les contraintes fortes pesant sur les moyens des bases de défense affectent directement les conditions de vie et de travail des personnels de l’armée de terre 24

B. DES DIFFICULTÉS QUI RÉSULTENT DES DÉSÉQUILIBRES DANS LA MISE EN œUVRE DE L’ACTUELLE LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE, DONT 2013 EST LE DERNIER EXERCICE 24

1. Un écart entre les prévisions et les réalisations en matière de ressources, qui explique les tensions sur les crédits d’équipement et de fonctionnement 25

a. La programmation est peu lisible pour ce qui concerne spécifiquement l’armée de terre 25

b. L’armée de terre a pris une part prépondérante dans les économies dégagées dans le budget de la défense depuis 2009 26

i. Concernant les équipements majeurs financés par le programme 146 « Équipement des forces » 26

ii. Concernant les dépenses d’infrastructure 27

iii. Concernant la préparation opérationnelle 28

iv. Concernant les équipements financés au titre du programme 178 « Préparation et emploi des forces » et de la constitution des stocks en vue des engagements 28

2. Un dérapage des dépenses de masse salariale, qui a rendu nécessaire des mesures drastiques de resserrement 29

a. La période de programmation actuelle a vu un dérapage de la masse salariale, rendant nécessaire un effort accru de maîtrise des effectifs et des dépenses de personnel 29

b. L’armée de terre a contribué pour une part prépondérante à la maîtrise des effectifs du ministère de la Défense 30

II. LES CRÉDITS PROPOSÉS POUR 2014 SONT EN LIGNE AVEC LE PROJET DE NOUVELLE LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE ET COHÉRENTS AVEC LE NOUVEAU FORMAT DE L’ARMÉE DE TERRE 33

A. LE LIVRE BLANC ET LE PROJET DE LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE DÉFINISSENT UN NOUVEAU FORMAT POUR L’ARMÉE DE TERRE, QUI GARANTIT LA COHÉRENCE D’ENSEMBLE DE L’OUTIL OPÉRATIONNEL 33

1. Un nouveau format, resserré mais cohérent 33

a. Le livre blanc et le projet de loi de programmation militaire redéfinissent le format de l’armée de terre 33

b. L’essentiel du dispositif de l’armée de terre outre-mer et à l’étranger (OME) est préservé 34

2. Des trajectoires financières réalistes, permettant un desserrement relatif de la contrainte budgétaire à partir de 2016 35

a. Un cadre financier globalement réaliste 35

b. Une programmation budgétaire cohérente pour l’armée de terre 36

B. CONFORMÉMENT AU PROJET DE LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE, LES CRÉDITS INSCRITS POUR 2014 METTENT L’ACCENT SUR LA PRÉSERVATION DE L’OUTIL OPÉRATIONNEL AU PRIX D’UN EFFORT SUR LES SOUTIENS 37

1. L’accent est mis sur les équipements et la préparation opérationnelle 39

a. 2014, une année cruciale pour la relance des commandes d’équipements terrestres 39

b. Un dispositif de préparation opérationnelle refondu et consolidé 42

i. Le dispositif de préparation opérationnelle sera refondu pour l’exercice budgétaire 2014 42

ii. Les moyens prévus pour 2014 permettent d’assurer la qualité de la préparation opérationnelle 43

c. Les dépenses d’entretien programmé du matériel (EPM) et d’entretien programmé du personnel (EPP) sont cohérentes avec le nouveau format de l’armée de terre 45

i. Un budget qui conforte les moyens consacrés à l’entretien programmé des matériels (EPM) 45

ii. Des dépenses d’entretien programmé du personnel (EPP) qui permettent la poursuite de la « félinisation » des forces 46

d. Les crédits de l’armée de terre pour 2014 lui permettront de remplir son contrat opérationnel 47

2. L’effort portera sur les dépenses de soutien et la masse salariale 48

a. La maîtrise des dépenses de soutien 48

b. La maîtrise de la masse salariale 49

C. L’ÉTAT DE L’ARMÉE DE TERRE AU SEUIL DE LA NOUVELLE PROGRAMMATION PRÉSENTE TOUTEFOIS DES POINTS D’ATTENTION 51

1. Une attention particulière doit être portée aux conditions de vie et de travail des personnels 51

2. Louvois affecte fortement le moral de l’armée de terre 52

3. Certains matériels méritent d’être rapidement remplacés 52

4. Il faut renforcer la communication auprès des personnels pour mieux expliquer la réforme 53

SECONDE PARTIE – LE RENFORCEMENT DES FORCES SPÉCIALES ET LEUR ARTICULATION AVEC LES FORCES TERRESTRES 55

I. LES FORCES SPÉCIALES SE SONT IMPOSÉES COMME UNE CAPACITÉ MAJEURE DANS LES CONFLITS CONTEMPORAINS ET COMME UN DOMAINE D’EXCELLENCE FRANÇAISE 55

A. LE COMMANDEMENT DES OPÉRATIONS SPÉCIALES A ÉTÉ CRÉÉ IL Y A VINGT ANS POUR ORGANISER UNE CAPACITÉ FRANÇAISE EN MATIÈRE DE FORCES SPÉCIALES 55

1. Une doctrine d’emploi qui distingue clairement les opérations spéciales des opérations conventionnelles 55

2. Une organisation reposant sur une articulation étroite avec les armées, notamment avec l’armée de terre 57

a. Les forces spéciales relèvent d’une chaîne de commandement propre 57

b. L’organisation des forces spéciales repose essentiellement sur des moyens mis à disposition par les armées 58

i. S’agissant de l’armement des forces spéciales 58

ii. S’agissant de l’équipement, de l’entraînement et de la préparation des forces spéciales 60

B. L’ACTIVITÉ DES FORCES SPÉCIALES FRANÇAISES EST SOUTENUE, ET LEUR COMPÉTENCES RECONNUES 61

1. Une activité soutenue 61

a. Des engagements nombreux 61

b. Un taux d’activité élevé 62

2. Un haut niveau d’excellence 63

a. Un niveau d’excellence acquis grâce à l’expérience 63

b. Un savoir-faire reconnu par nos partenaires internationaux 63

II. LE RENFORCEMENT DES FORCES SPÉCIALES AU LONG DE LA PROCHAINE PÉRIODE DE PROGRAMMATION MILITAIRE DOIT ÊTRE MENÉ DE FAÇON ARTICULÉE AVEC LA RÉFORME DES ARMÉES 65

A. LE LIVRE BLANC A OUVERT À LA VOIE À UN RENFORCEMENT ET À UN RÉORGANISATION DES FORCES SPÉCIALES 65

1. Un renforcement conséquent des moyens 65

2. Des mesures de réorganisation restant à préciser 66

B. LES FORCES SPÉCIALES N’ONT PAS POUR AUTANT VOCATION À DEVENIR UNE « QUATRIÈME ARMÉE » 66

1. Un enjeu pour le maintien de l’excellence des forces spéciales 66

a. La qualité du recrutement et la technicité des compétences 66

b. Le maintien d’une activité en « haut de spectre » 67

2. Un enjeu pour la cohérence des forces armées dans un contexte financier contraint 67

a. Éviter les doublons 67

b. Exploiter les mutualisations possibles avec certaines unités des armées et d’autres services 68

TRAVAUX DE LA COMMISSION 69

EXAMEN DES CRÉDITS 69

ANNEXE : Liste des personnes auditionnées par le rapporteur pour avis 73

Le projet de loi de finances pour 2014 est conforme au projet de loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019 : il conduit l’armée de terre sur la voie d’une réforme au terme de laquelle elle aura un format plus resserré, mais également plus cohérent qu’aujourd’hui.

En effet, l’armée de terre a connu ces dernières années des exercices budgétaires difficiles : alors qu’elle a pris une part prépondérante dans les économies dégagées dans le budget de la Défense depuis 2009 et qu’elle a marqué son haut niveau d’excellence sur tous les théâtres où elle a été engagée, elle a vu ses équipements insuffisamment renouvelés et les surcoûts de ses opérations extérieures insuffisamment pris en compte. Elle subit également les dysfonctionnements du système Louvois et les difficultés de fonctionnement des bases de défense.

Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale et le projet de loi de programmation militaire 2014-2019, dont le budget 2014 est la première mise en œuvre concrète, remet l’activité opérationnelle au centre des priorités budgétaires pour l’armée de terre. Ainsi, l’année 2014 est cruciale pour la relance des programmes d’équipements terrestres et aéroterrestres, et le programme d’ensemble SCORPION, dont la mise en œuvre a été confirmée, permettra de renouveler de façon progressive et cohérente les matériels de l’armée de terre. De plus, ce budget permet d’assurer la qualité de la préparation opérationnelle de l’armée de terre – dont l’organisation a été réformée –, tandis que les dépenses d’entretien programmé du matériel et du personnel sont cohérentes avec son nouveau format.

Restent, bien entendu, certains points d’attention : un soin particulier doit tout d’abord être porté aux conditions de vie et de travail des personnels de l’armée de terre, d’autant que Louvois affecte fortement leur moral. De même, certains matériels, à bout de souffle, méritent d’être remplacés sans retard par rapport aux programmes d’investissement déjà planifiés. Enfin, dans un contexte de réorganisation des forces, il faut renforcer la communication auprès des personnels pour mieux expliquer la réforme.

Mais en tout état de cause, le présent projet de loi de finance préserve les moyens de l’armée de terre et lui donne les moyens de remplir pleinement son contrat opérationnel.

Le rapporteur avait demandé que les réponses à son questionnaire budgétaire lui soient adressées au plus tard le 23 septembre 2013. À cette date, seules 16 réponses étaient parvenues, soit un taux de 23 %.

Au 10 octobre 2013, date limite résultant de l’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, 50 réponses étaient parvenues, soit un taux de 70 %.

PREMIÈRE PARTIE – LES CRÉDITS DE L’ARMÉE DE TERRE
D’UNE LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE À L’AUTRE

Comme le rapporteur l’indiquait dans la présentation de son précédent avis sur les crédits de l’armée de terre, le budget consacré à la défense pour l’année 2013 était un budget de transition, établi dans la lignée de la loi de programmation militaire (LPM) pour les années 2009 à 2014 (1) dans l’attente des conclusions du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, qui n’a été publié qu’en avril suivant et qui doit servir de base à la prochaine loi de programmation militaire (LPM) pour les années 2014 à 2019. Le budget de l’armée de terre pour 2013 restait ainsi conforme aux équilibres de l’actuelle loi de programmation militaire et aux tendances des années précédentes.

Son exécution n’a pas été sans difficultés ; ces difficultés sont révélatrices des insuffisances dans l’économie générale et dans l’application de l’actuelle LPM, ainsi que d’un haut niveau de sollicitation des forces terrestres en 2013.

Comme l’a indiqué au rapporteur le général Bertrand Ract-Madoux, chef d’état-major de l’armée de terre, l’exercice 2013 avait été présenté comme un « budget d’attente » mais s’est avéré « très dur » pour l’armée de terre.

En effet, sur la fin de gestion 2013, près de 20 % des ressources du BOP « Terre » hors dépenses de personnel (dites dépenses « de titre 2 »), soit environ 250 millions d’euros en crédits de paiement, font l’objet d’incertitudes sérieuses. Ces incertitudes portent notamment :

– pour 138 millions d’euros, sur le financement des surcoûts liés aux opérations extérieures, qui ont dépassé les provisions inscrites en loi de finances du fait de l’opération Serval au Mali et doivent être couvertes par un « décret d’avance » pas encore prix à ce jour ;

– par l’incertitude sur la levée de la réserve de précaution, qui a porté sur 0,5 % des crédits inscrits au titre 2 (soit 31,4 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement) et sur 6 % des crédits inscrits aux autres titres (soit 96 millions d’euros en autorisations d’engagement et 85 millions d’euros en crédits de paiement) auxquels s’est appliqué un « surgel » de 27 millions d’euros, et qui a été menée parallèlement à un blocage des reports de crédits (pour six millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement).

Ainsi, comme l’a indiqué au rapporteur le chef d’état-major de l’armée de terre, il existe un risque de rupture de paiements en octobre pour les autorisations d’engagement et les crédits de paiement. Si cette tendance se confirmait, elle entraînerait un risque de report de charge sur 2014, qui serait très préjudiciable au respect des équilibres définis – au plus juste – par le projet de loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019, lequel sera examiné dans les semaines à venir. Compte tenu de ces difficultés, le rapporteur juge indispensable d’obtenir des garanties du ministère du Budget. Selon le chef d’état-major de l’armée de terre le ministre de la Défense a d’ailleurs écrit à son homologue ministre du Budget dans le courant de l’été pour obtenir la levée rapide de ces incertitudes.

Les graphiques ci-après illustrent clairement cette insuffisance de trésorerie par rapport aux besoins, pour les dépenses hors titre 2. La sous-exécution de 42 millions d’euros aux prévisions en autorisations d’engagement porte principalement sur les crédits de la structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques de la défense (SIMMAD) et du centre d’expertise du soutien des combattants et des forces (CESCOF), organisme qui relève du Service du commissariat des armées (SCA) et a pour mission de pourvoir au soutien de l’homme en opérations. En crédits de paiement, les données d’exécution budgétaire font apparaître une surconsommation de 40 millions d’euros, que le chef d’état-major de l’armée de terre explique par la sanctuarisation des droits individuels.

L’EXÉCUTION BUDGÉTAIRE POUR 2013 ET L’INSUFFISANCE DE TRÉSORERIE

(En millions d’euros, hors titre 2)

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Source : état-major de l’armée de terre.

L’exercice 2013 est marqué, pour l’armée de terre, par une baisse des commandes d’équipements. Les principales commandes opérées auront concerné :

– la deuxième tranche du programme d’acquisition d’hélicoptères NH90 (Nato Helicopter of the 90’s) dit Caïman TTH, tranche conditionnelle qui a été affermie le 28 mai 2013 et dont les crédits sont inscrits en loi de finances à la sous-action 47 de l’action 8 du programme 146 « Équipement des forces ». Cette commande permet de porter à 68 le nombre d’hélicoptères NH90 dont sera dotée l’aviation légère de l’armée de terre (ALAT), et le chef d’état-major de l’armée de terre a indiqué au rapporteur que cet équipement donnait toute satisfaction. Il est toutefois à noter que lors du lancement de la production, la France avait fait état d’une intention de commande de 133 appareils, mais que la réduction de format de l’armée de terre prévue par le Livre blanc de 2013 sur la défense et la sécurité nationale a remis en cause la commande des 65 appareils restant – qui n’est pas programmée dans le cadre du projet de loi de programmation militaire en cours d’examen – tout en fixant la cible capacitaire de l’armée de terre en hélicoptères de manœuvre à 115 appareils, ce qui suppose de conserver des matériels plus anciens que le Caïman TTH ;

– l’opération MMP (pour : missile de moyenne portée), qui est financée par des crédits inscrits à la sous-action 88 de l’action 9 du programme 146 « Équipement des forces ». Cette opération vise à maintenir les capacités de l’armée de terre en matière, notamment, de défense anti-blindé et anti-infrastructures, qui reposait sur les missiles MILAN. Or, comme le rapporteur a pu le constater lors de son déplacement auprès du 2e régiment d’infanterie de marine (2e RIMa) au Mans, le parc de missiles MILAN est véritablement à bout de souffle : le vecteur lui-même est clairement dépassé, et les postes de tir et instruments de simulation présentent de taux de disponibilité nettement décroissants. C’est pourquoi, lors du comité ministériel d’investissement du 29 juillet 2009, il a été décidé de mener l’opération MMP en trois phases : d’abord, des actions nécessaires au maintien du par MILAN (postes de tir et munitions) jusqu’en 2014 ; ensuite, l’acquisition en 2011 de 76 postes de tir et de 260 missiles JAVELIN – achetés sur étagère aux États-Unis – ; enfin, l’acquisition à partir de 2013 des nouveaux missiles MMP. Les deux premières phases, lancées en 2010, ont permis de limiter le risque de rupture capacitaire en assurant en continu le déploiement d’un groupement tactique interarmes (GTIA) et la mise en alerte d’un autre GTIA dans le cadre du dispositif Guépard. La troisième phase devrait être lancée fin 2013, à la suite des résultats positifs des travaux de levée de risques notifiés dès la fin de l’année 2011. Toutefois, selon les dernières informations fournies au rapporteur, la commande n’a toujours pas été notifiée : compte tenu des risques de rupture capacitaire que fait peser l’obsolescence du système MILAN – qui ne sera pas utilisable au-delà de la fin de l’année 2016 –, il est indispensable que cette commande soit passée dès 2013. À défaut, elle ne pourra pas être livrée en 2017, ce qui entraîne un risque de rupture capacitaire.

L’armée de terre a ainsi beaucoup contribué à l’effort d’économie par un niveau de commande d’équipements limité en 2013. Son chef d’état-major a également fait valoir au rapporteur que des réductions drastiques ont été opérées dans les cibles de plusieurs autres programmes pour lesquels des livraisons sont intervenues en 2013, à l’image du programme PPT (porteurs polyvalents terrestres) (2), dont la nouvelle cible fixée à 450 exemplaires seulement fragiliserait considérablement la logistique, et partant l’ensemble des opérations, en temps de guerre comme de paix.

Globalement, comme le montre l’encadré ci-après, les programmes de cohérence opérationnelle destinés à l’armée de terre ont été placés sous forte contrainte en 2013, qu’il s’agisse des programmes d’armement financés par les crédits du programme 146 « Équipement des forces » ou des équipements d’accompagnement et de cohérence financés par ceux du programme 178 « Préparation et emploi des forces ».

VIGILANCE SUR LES PROGRAMMES DE COHÉRENCE OPÉRATIONNELLE

Source : état-major de l’armée de terre.

À titre d’exemple des difficultés que peuvent créer les insuffisances actuelles dans le renouvellement des parcs, le chef d’état-major de l’armée de terre a souligné devant le rapporteur un risque une rupture capacitaire en matière de porteurs logistiques à partir de 2018. Les 700 VTL et 1 135 TRM 10 000 actuellement en service ont entre 20 et 25 ans et leur taux de disponibilité technique opérationnelle (DTO) ne dépasse pas 60 %. En outre, leurs capacités de transport sont limitées par les évolutions du code de la route (par exemple en matière de transport de matières dangereuses, de charge utile, etc.) et leur soutien est rendu compliqué – et coûteux – en raison d’obsolescences importantes touchant à leur sécurité (comme la garniture des freins du TRM 10 000). Faute de renouvellement, il est prévu que certains VTL soient maintenus en service au-delà de 2020, ce qui impliquera un effort considérable de maintien en condition opérationnelle. Surtout, compte tenu de l’ajustement à la baisse de la cible du programme PPT pour les années à venir, une rupture capacitaire est prévisible en matière de porteurs logistiques dès 2018, comme le montre le graphique ci-après.

RUPTURE CAPACITAIRE SUR LES PORTEURS LOGISTIQUES EN 2018

Source : état-major de l’armée de terre.

Le non-renouvellement des équipements a un coût : il suppose de maintenir en condition opérationnelle des matériels anciens, alors que leur coût de maintenance est croissant avec leur ancienneté. Or les crédits consacrés à l’entretien programmé des matériels sont chroniquement insuffisants, même si l’exercice 2013 a entamé un redressement des dotations. Le tableau ci-après présente l’évolution de ces crédits, qui alimentent l’unité opérationnelle (UO) « Entretien programmé des matériels des forces terrestres » placée sous la responsabilité de la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres (SIMMT) ainsi que l’UO « Entretien programmé des matériels aéronautiques de l’armée de terre » (hélicoptères, drones, avions) placée sous celle de la structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques de la défense (SIMMAD).

CRÉDITS INSCRITS EN LOI DE FINANCE INITIALE (LFI) DU BOP « TERRE » CONSACRÉS À L’ENTRETIEN PROGRAMMÉ DU MATÉRIEL (EPM) DE L’ARMÉE DE TERRE

LFI 2008

LFI 2009

LFI 2010

LFI 2011

LFI 2012

LFI 2013

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

617

558

683

602

841

553

545

563

573

603

848

676

NB : ce tableau ne comprend pas les crédits spécifiquement dévolus aux grands programmes au titre du maintien en condition opérationnel (MCO) initial, financés par le programme 146 « Équipement des forces ».

AE : autorisations d’engagement

CP : crédits de paiement

Source : ministère de la Défense.

Les principales évolutions qui entraînent les besoins financiers de l’EPM à la hausse sont :

– le prolongement de l’utilisation de certains équipements au-delà de la durée initialement prévue nécessitant le traitement, souvent onéreux, des obsolescences techniques. À titre d’exemple, on retiendra que la prolongation de la durée de service des chars AMX 10 RC, du fait du report du programme ERBC, a pour conséquence une hausse de 40 % de leurs dépenses ;

– l’acquisition de matériels de nouvelle génération dont le coût d’entretien est plus onéreux en raison des sauts technologiques, à l’image de celui que représente le remplacement des hélicoptères Gazelle par les hélicoptères Tigre ;

– les évolutions exogènes du coût des facteurs (main-d’œuvre, matières premières, etc.) auxquelles il est fait référence dans les formules de révisions de prix des marchés de maintenance ;

– le maintien de multiples parcs réduits qui augmente mécaniquement les coûts fixes par matériel ;

– l’intensification de l’emploi des matériels en OPEX depuis 1999 : on constate en effet une augmentation significative des interventions techniques sur l’ensemble des parcs créant des besoins plus importants en pièces de rechange. Selon le ministère de la Défense, les potentiels consommés sont deux à trois fois supérieurs en OPEX à ceux de métropole ; selon les informations fournies au rapporteur lors de son déplacement au 2e RIMa, ce ratio atteint même un à quatre dans le cadre de l’opération Serval au Mali.

Ainsi, les ressources consacrées à l’entretien programmé des matériels n’ont pas permis de financer toutes les opérations qui auraient été nécessaires dans le contexte de l’organisation actuelle du soutien. Ainsi, à titre d’exemple, l’armée de terre a été contrainte de cesser de financer le maintien en condition opérationnelle des canons de 155 millimètres AUF1 et TRF1. En outre, comme le rapporteur a pu le constater lors de ses déplacements, un nombre important de véhicules – un millier environ, dont 800 véhicules de l’avant blindés (VAB) – sont actuellement en attente de réparation.

Si l’exercice 2013 est marqué par un redressement des crédits initialement inscrits en loi de finances au titre de l’entretien programmé des matériels terrestres, il est à noter cependant que selon le chef d’état-major de l’armée de terre, 75 % des 260 millions d’euros de crédits faisant l’objet d’incertitudes en fin d’exercice 2013 portent sur des crédits destinés à l’entretien programmé des matériels.

Ainsi, l’insuffisante dotation en crédits d’entretien programmé du matériel pèse sur le taux de disponibilité technique des équipements de l’armée de terre, qui se situent parfois au-dessous des seuils critiques, comme le montrent les encadrés ci-après.

DISPONIBILITÉ TECHNIQUE (DT) DES PARCS DE MATÉRIELS TERRESTRES

(en pourcentage)

CATÉGORIE

ENGIN

DT 2007

DT 2008

DT 2009

DT 2010

DT 2011

DT 2012

DT 2013

Commentaires

BLINDÉS

LECLERC

37

32

41

55

55

52

53

Depuis 2010, le marché Soutien en Service Post Production (SSPP), a permis une amélioration de la disponibilité. Il garantit la pérennité du soutien du parc « Leclerc » (chars Leclerc, dépanneurs char lourd, Mars) sur 10 ans à un coût maîtrisé, avec des obligations de résultat en termes de disponibilité de parc. Il facilite le pilotage par l’EMAT du budget EPM « au taux d’emploi du parc » recherché.

AMX 30D

49

54

54

56

50

35

37

Le recours au prélèvement à partir des engins devenus excédentaires et la constitution d’un parc de gestion bon état permettent de maintenir le parc à un niveau de disponibilité suffisant.

AMX 10 RC R

54

57

60

51

52

49

43

Un effort logistique sur les équipements spécifiques sera fait. Depuis fin 2011, de nouveaux marchés permettent d’améliorer progressivement la disponibilité. Toutefois, l’étape 6 du retrofit impactera la disponibilité du parc au moins jusqu’en septembre 2014.Un effort particulier est mené sur la réparation des rechanges réparables.

VAB
(tous types)

69

68

61

60

56

47

42

Ce parc âgé reste très fortement sollicité (emplois en opérations extérieures et intétgration de nouveaux équipements). Le VAB infanterie bénéficie d’un effort. La complétude des actions (réparation des VAB par RTD et par le SMITer, réapprovisionnement en rechanges) mises en place est actuellement intégralement absorbée par la priorité donnée au théâtre d’opérations extérieures.

VBL/VB2L

70

67

66

66

63

42

47

En raison des problèmes d’obsolescence et d’activité soutenue, la disponibilité de ce parc reste fragile. Depuis 2012, certains faits techniques obèrent le niveau de disponibilité.

VBCI

         

75

81

La disponibilité technique opérationnelle reflète le résultat de l’engagement de Nexter Systems sur une disponibilité contractuelle différenciée selon les parcs de la PEGP via le Marché Logistique Série (MLS). Cette dernière est globalement de 75 % à l’exception notable de l’OPEX pour laquelle elle est de 95 %. Nexter tient son engagement depuis le début d’exécution du marché en août 2009.

ARTILLERIE

155 TRFI

63

68

75

76

61

46

51

Sera retiré du service d’ici six ans. Le niveau de disponibilité est entretenu notamment grâce aux prélèvements.

AUFI TA

47

59

49

58

63

28

20

La situation de ce parc reste fragile en raison du faible flux d’approvisionnement en rechanges.

CAESAR

         

72

69

Ce matériel récent donne entière satisfaction tant en métropole qu’en OPEX et bénéficie d’une disponibilité satisfaisante.

GÉNIE

Autres matériels

61

73

62

63

36

45

50

Ces matériels sont sensibles à l’effet « micro parc » : un seul matériel indisponible fait lourdement chuter la DTO.

EBG

46

51

56

49

42

24

22

Les opérations de démantèlement d’une partie du parc se poursuivent. D’ici 2015, ce parc aura été valorisé.

VUTC

VLTI :
P4
AUVERLAND

70

73

70

67

64

58

57

Le marché de soutien et le plan de prélèvement devraient permettre de maintenir le niveau de disponibilité actuel malgré l’âge très avancé de ces matériels.

PL 2, 4, 10 T :

– GBC 180

– TRM 2000

– TRM 10000

             

Le TRM 2000, le TRM 10000, le GBC 180 et le VTL sont soutenus via le contrat Renault Trucks Défense avec fourniture de rechanges aux compagnies d’approvisionnement dans des délais contractualisés ou par recours aux concessions. Ce contrat forfaitisé donne satisfaction.

Source : ministère de la Défense

LA DISPONIBILITÉ TECHNIQUE DES PARCS DE MATÉRIELS AÉROTERRESTRES

Catégorie

Parcs

DT

2008

DT

2009

DT

2010

DT

2011

DT

2012

DT

2013

Tendance attendue

Hélicoptères de légers

GAZELLE

57 %

61 %

62 %

59 %

52 %

48 %

FENNEC

71 %

75 %

67 %

59 %

33 %

40 %

Hélicoptères NG16

TIGRE EC 665

47 %

47 %

45 %

46 %

31 %

22 %

Hélicoptères de manœuvre

COUGAR

48 %

48 %

48 %

46 %

24 %

16 %

ä

PUMA

48 %

48 %

51  %

47 %

39 %

40 %

æ

EC725 Caracal

36 %

57 %

53 %

43 %

33 %

31 %

ä

GAZELLE : la bonne disponibilité des Gazelle « Mistral » et « reconnaissance jour » permettent à l’ensemble du parc de conserver une DT stable, en dessous du seuil critique. La gazelle « Viviane » est restée tributaire d’une faible ressource en rechanges critiques. La disponibilité en 2013 devrait être encore tendue, malgré la récupération de 4 Gazelles en fin de visite.

FENNEC : la disponibilité, en dessous du seuil critique, est due à de nombreux chantiers au NSI18 et au NSO1 . En outre, une planification en 2013 moins chargée, avec 5 VP20 contre 11 en 2012, devrait offrir une possibilité d’atteindre le seuil fixé à 9 appareils.

PUMA : les sources d’amélioration de la disponibilité sur ce parc passent par le désengorgement des ateliers du SIAé21. La mise en place d’un marché privé de délestage est repoussée. Les seuils et objectifs 2013 sont difficilement atteignables.

COUGAR : au niveau NSI, un encours important en 2012 et les chantiers planifiés en 2013 (7 rénovations) ne permettront pas d’obtenir une amélioration de la disponibilité du parc avant la fin du 1er semestre 2013.

CARACAL : le parc bénéficie d’un soutien efficace, mais contraint par un entretien préventif important en 2013, combiné à une évolution majeure du plan d’entretien (qui passe de 2 à 3 ans) et à l’entrée de deux appareils en chantier de retrofit. Ces facteurs limitent l’atteinte de 1 ‘ obj ectif recherché.

TIGRE : L’engagement des TIGRE au Sahel a eu des conséquences négatives sur la DT du parc Tigre dans les domaines technique, logistique et RH. La disponibilité devrait remonter dans les mois à venir au niveau-seuil de 14 aéronefs. Les facteurs favorables sont l’augmentation de la flotte en service et la tendance à la diminution de la durée des visites intermédiaires.

NH 90 : L’armée de terre dispose à l’heure actuelle de 5 NH 90 Caïman dans leur version TTH répartis entre le groupement aéromobile de la section technique de l’armée de terre (GAM STAT) à Valence pour les expérimentations technico-opérationnelle et le centre de formation interarmées NH 90 (CFIA NH 90) pour la formation des équipages et des mécaniciens. La DT de ce parc est suivie selon les mêmes règles que pour les autres aéronefs mais celle-ci est très fluctuante, en raison des entrées en service des nouveaux hélicoptères et de la petite taille du parc.

Source : ministère de la Défense.

Source : état-major de l’armée de terre.

Selon ce graphique, l’effectif moyen réalisé (EMR) du BOP « Terre » en 2013 devrait atteindre 101 727 personnels, soit 41 de plus que la cible fixée à 101 686. Cet écart résulte d’une sur-déflation des effectifs militaires, qui comptent 77 postes de moins que prévu, compensée par la sous-déflation des effectifs de personnels civils, qui sont 119 de plus que prévu. En tout état de cause, l’écart global à la cible est limité à 0,04 %. Selon les prévisions disponibles au 31 juillet 2013, les effectifs totaux réalisés au 31 décembre 2013 devraient être légèrement supérieurs aux prévisions, avec un écart total de 203 postes – 100 706 au lieu de 100 603 –, le dépassement des effectifs portant là encore sur les personnels civils (en surnombre de 115 par rapport aux cibles) et non sur les personnels militaires (dont l’effectif serait inférieur aux objectifs pour 12 personnels). L’écart aux prévisions restera là encore contenu, puisqu’il ne représenterait au 31 décembre que 0,1 % de la cible d’effectifs totaux.

Ainsi, en matière d’effectifs, l’exercice 2013 est maîtrisé, et ce au moyen de la mise en œuvre de l’ensemble des leviers possibles : réduction des plans de recrutement, écoulement des tableaux d’avancement, diagnostic territorial pour les personnels civils. Deux préoccupations se font cependant jour :

– un ralentissement des départs par rapport aux prévisions est observé depuis le printemps, qui peut s’expliquer en partie par des différés de départs liés à la réforme des retraites, et en partie par l’attractivité relativement moindre des carrières en dehors de l’armée dans le contexte actuel du marché du travail ;

– le maintien de sureffectifs de personnels civils, pour lesquels les leviers d’action sont limités.

Parallèlement, les plafonds de dépenses de personnels ont été mieux tenus en 2013 que les années précédentes. En effet, en 2012, le BOP « Terre » avait prévu que l’exécution budgétaire allait se traduire par un déficit de 43,9 millions d’euros (dont 37,9 millions d’euros de reports de charges afférentes à l’exercice 2011). En exécution, le BOP « Terre » a présenté une insuffisance budgétaire de 252 millions d’euros (après correction des erreurs d’imputation) sur un total de 6,2 milliards d’euros de ressources (pensions comprises). Ce résultat de gestion est essentiellement marqué par :

– 18 millions d’euros d’économies réalisées sur les mesures catégorielles et le recrutement ;

– 59,7 millions d’euros de dépenses supplémentaires liées notamment à une moindre réalisation du schéma d’emplois et aux mesures générales avec les deux relèvements de l’indice plancher de la fonction publique (non connus au moment de la construction), ainsi qu’à des retards dans les remboursements en gestion de salaires au profit d’organismes hors ministère ;

– 162,3 millions d’euros de dépenses non prévues (indus et impayés compris) liées aux dysfonctionnements de l’écosystème Louvois.

En 2013, les dépenses de titre 2 sont nettement mieux maîtrisées, comme le montre le schéma ci-après. Selon les estimations faites par l’état-major de l’armée de terre, si l’on neutralise l’impact des dysfonctionnements de l’écosystème Louvois et les erreurs d’imputation, la masse salariale présenterait une sous-exécution de 55 millions d’euros (soit 0,87 %) pensions comprises, et une sous-exécution de 5,7 millions d’euros (soit 0,15 %) hors pensions.

LA MAÎTRISE DES DÉPENSES DE TITRE 2

Source : état-major de l’armée de terre.

La bonne tenue des objectifs d’emploi et de masse salariale résulte d’une gestion très active des ressources humaines. L’armée de terre s’est ainsi imposé un pilotage renforcé de l’exécution de ses dépenses en cours de gestion et a développé des outils de contrôle interne budgétaire destinés à améliorer le pilotage de la dépense sur la totalité des indemnités servies. La difficulté de la manœuvre RH consiste à faire coïncider les suppressions d’implantations avec les différents leviers de gestion des flux de personnels qui permettent d’atteindre les objectifs de déflation assignés et de respecter les plafonds de dépenses de personnel : pécules d’incitation au départ, retraites, non-renouvellement de contrats, ajustement des recrutements et retardement de l’avancement.

Certaines de ces mesures sont souvent durement ressenties, comme par exemple le report des avancements et la réduction des tableaux d’avancement. Elles peuvent porter atteinte à la cohésion et à la cohérence du système, surtout si l’on considère tous les efforts qui ont été demandés aux militaires lors de la précédente programmation. Pour le chef d’état-major de l’armée de terre, un véritable « risque social » existe pour les officiers et les sous-officiers :

– les recrutements ont été réduits de 20 % pour les officiers en 2013 ;

– le nombre des promotions internes a baissé de 8% en 2013 ;

– les tableaux d’avancements ont été sévèrement réduits en 2013, de 17 % pour les officiers, et de 13 % pour les sous-officiers.

Si ces mesures sont justifiées par l’objectif de dépyramidage des armées, il faut pourtant rappeler que la force opérationnelle terrestre (FOT) française présente déjà un taux d’encadrement relativement bas : il s’élève à 8 %, contre 10 % en Allemagne et 14 % au Royaume-Uni et aux États-Unis. Un quart des officiers de l’armée de terre servent en dehors de la FOT et sont comptabilisés hors du BOP « Terre ».

Pour l’armée de terre, l’emploi accru et l’usure prématurée de nombreux équipements déployés en opérations – au Mali en particulier – conduisent la chaîne de maintenance à effectuer un effort significatif, souvent au détriment des matériels restés en métropole, afin d’obtenir une qualité d’équipement au plus haut niveau de performance ainsi qu’une disponibilité maximale sur les théâtres (supérieure à 90 % pour les matériels terrestres et à 70 % pour les matériels aéroterrestres). Cet effort se traduit par un coût de maintenance beaucoup plus élevé pour les matériels déployés en OPEX que pour les matériels utilisés en métropole. À titre d’exemple, le coût de maintenance d’un hélicoptère Puma est près de trois fois plus élevé en opérations qu’en métropole.

Dans le domaine de l’aéromobilité, la forte consommation de rechanges pendant les opérations a même entraîné des difficultés conjoncturelles pour la maintenance des aéronefs et une forte baisse de leur disponibilité. À titre d’exemple, la disponibilité technique du parc d’hélicoptères Puma est tombée à 38 % en métropole contre 70 % en OPEX.

Par ailleurs, l’impératif d’une protection accrue des équipages en OPEX s’est matérialisé par l’adjonction de kits (VBCI, VAB, AMX 10RCR, véhicules logistiques…), dépense entrant dans le cadre du maintien en condition opérationnelle. Cette amélioration de la protection doit être désormais anticipée dès la conception des nouveaux véhicules, par une protection initiale de bon niveau et une architecture permettant d’intégrer des kits additionnels en fonction des menaces. Plus généralement, l’adaptabilité du matériel aux conditions d’emploi est un impératif des programmes futurs.

Le tableau ci-après détaille le volume d’emploi et les surcoûts d’entretien programmé du matériel des principaux équipements terrestres de l’armée de terre engagés en OPEX en 2013.

SURCOÛTS D’ENTRETIEN PROGRAMMÉ DES MATÉRIELS TERRESTRES LIÉS AUX OPEX

Parcs

Volume d’emploi au 1er juin 2013

(en unités)

Surconsommation pièces OPEX

(en millions d’euros)

VAB

284

23,5

AMX 10 RCR

17

1

VBL

200

0,4

GBC 180

357

2,1

ARAVIS

9

1,15

PVP

55

2

Mobilité : VLTTP 4, TRM 2000 et 10 000, VTL, EPB, VPS, SCANIA, GBH, VLRA.

879

4,52

Accumulateurs et piles, pneumatiques

 

5,5

Autres : Groupes électrogènes, grue, matériel du génie, EHC, matériels de guerre électronique et de transmissions Syracuse, PR4G etc…

 

6,33

Achats d’équipements/pièces spécifiques MALI

 

5,5

TOTAL

 

52


NB : à ces dépenses, s’ajoutent 2 M€ d’entretien du matériel terrestre réalisé sur les théâtres d’opération sans qu’il soit possible de répartir cette dépense par matériel.

Source : ministère de la Défense.

SURCOÛTS D’ENTRETIEN PROGRAMMÉ DES MATÉRIELS AÉROTERRESTRES
LIÉS AUX OPEX

(En millions d’euros)

Parcs

Volume d’emploi
au 30 avril 2013

(en unités)

Surconsommation

de rechanges

Surcoût relatif à la surintensité et à la suractivité

Total

PUMA

12

5

5,6

10,6

TIGRE

7

10,2

13,1

23,3

GAZELLE

10

1,4

2,9

4,3

Environnement (SIC…)

 

2,8

3,2

6

Total

 

19,4

24,8

44,2

Source : ministère de la Défense.

Or, d’après les informations fournies au rapporteur, l’armée de terre rencontrerait des difficultés pour obtenir le remboursement des dépenses dites ex post, c’est-à-dire celles qui ne peuvent techniquement être imputées directement sur le BOP 0178-0062 « OPEX » au moment de la consommation budgétaire. Il s’agit essentiellement de dépenses d’entretien programmé du matériel (EPM) ou du personnel (EPP), d’équipements d’accompagnement du combattant (EAC), de carburants opérationnels et de munitions, imputées d’abord sur les BOP d’armées à l’origine de l’achat, et qui font ensuite l’objet d’une déclaration a posteriori présentée par les états-majors d’armée – à charge pour eux d’apporter toutes les justifications comptables correspondantes – en vue de leur remboursement sur le BOP « OPEX ». Or, si dans la marine et l’armée de l’air, les coûts de remise à niveau des équipements sont pour partie pris en compte dans le cadre du financement des OPEX, il semble que ce ne soit pas le cas pour l’armée de terre.

La création des bases de défense vise à mutualiser les compétences liées à l’administration et au soutien commun, permettant de fait une réduction des effectifs du ministère.

Pour l’armée de terre, cette réforme vise à permettre aux chefs de corps de se recentrer sur leur cœur de métier : la préparation opérationnelle, l’exercice du commandement et le maintien en condition opérationnelle (MCO) des équipements de combat. Au niveau du régiment, les modifications de structures induites portent plus particulièrement sur la dissolution des unités d’administration et de soutien, dont les fonctions d’administration générale et de soutien commun (AGSC) sont reprises et mutualisées au sein des groupements de soutien de base de défense (GSBdD).

Aujourd’hui, l’armée de terre a réalisé la totalité des transferts prévus au titre de la création des bases de défense, soit un total de 15 727 postes (9 806 militaires et 5 921 civils). L’année 2013 a été mise à profit pour réaliser des ajustements à la lumière du « retour d’expérience ».

Une charge de déflation de 1 775 postes (1 090 militaires et 685 civils) au titre de la réforme 2008-2014 accompagne ces transferts avec notamment une évolution majeure, marquée par la disparition des états-majors de « régions terre ». La déflation d’effectifs est conduite par paliers, entre 2011 et 2014, par le BOP « Soutien des forces » afin de ne pas compromettre trop le fonctionnement des groupements de soutien de base de défense.

CHARGE DE DÉFLATION : CADENCEMENT 2011-2015 AU PROFIT DU BOP « TERRE »

 

2011

2012

2013

2014

2015

Total

Postes

57

322

585

585*

226

1 775

* Des ajustements liés au périmètre de la fonction « RH de commandement » pourraient réduire d’une quinzaine de postes militaires la charge de déflation au profit de l’armée de terre en 2014.

Source : ministère de la Défense.

Les armées, les directions et les services interarmées n’ont pas encore totalement achevé cette transformation majeure. Plusieurs difficultés constatées localement dans la qualité du soutien et des services rendus aux formations soutenues résultent du retard dans le déploiement de certains systèmes d’information, dans la simplification et l’harmonisation des processus et des tâches administratives, ainsi que de la complexité et des redondances constatées dans l’organisation territoriale des soutiens, notamment à l’échelon régional.

Lors de ses déplacements auprès des forces, le rapporteur a pu constater que l’armée de terre a été relativement plus touchée par cette réorganisation que ne l’ont été les deux autres armées, qui étaient déjà organisées en bases. L’embasement a ainsi constitué pour l’armée de terre un choc culturel, dont le rapporteur a pu constater sur le terrain qu’il n’était pas encore totalement absorbé. Il est symptomatique à cet égard que l’embasement en lui-même lui ait été présenté comme une contrainte dans le fonctionnement du 2e RIMa, dont le commandant a souligné la « nécessité impérative » du maintien d’antennes locales des groupements de bases de défense auprès des régiments, et mis en exergue un « risque de découplage croissant dans la vie des unités (sous contrainte de réactivité) et celle des bases de défense (sous contrainte de planification) ». Pour lui, la mise en œuvre du dispositif Guépard dans le cadre de l’opération Serval a montré que pour permettre le déploiement des unités en urgence, il est indispensable que les personnels chargés du soutien participent à la communauté de destin qu’est le régiment, et soient disponibles le week-end, y compris la nuit.

Comme l’a souligné devant le rapporteur le général Ract-Madoux, la qualité de vie et les conditions de travail ont été directement affectées par les économies sur les dépenses de fonctionnement, par exemple sur la fonction restauration–hôtellerie–loisirs (RHL). Pour le chef d’état-major de l’armée de terre, en la matière, un point bas a été atteint, en dessous duquel il ne faut pas descendre ; les sommes en cause sont faibles, mais le « ressenti » est très important.

Le rapporteur a d’ailleurs pu constater sur le terrain que la pénurie de moyens consacrés au soutien impacte directement la qualité de la préparation opérationnelle dans l’armée de terre. En effet, faute de crédits suffisants pour payer les cocontractants des armées, certaines fonctions qui avaient été externalisées – moyennant la suppression des postes correspondants – sont réinternalisées, sans nouvelle création de poste. Il en va ainsi, notamment, des fonctions de gardiennage et d’entretien des espaces verts. Or, sans recrutement correspondant, ce sont les personnels de l’armée de terre qui doivent consacrer une part de leur temps de travail à ces fonctions, au détriment des activités qui concourent à leur préparation opérationnelle.

Pour le rapporteur, les difficultés rencontrées par l’armée de terre dans l’exercice budgétaire 2013 sont, somme toute, le reflet des déséquilibres dans la conception et dans la mise en application de l’actuelle loi de programmation militaire. Sans entrer dans le détail de l’exécution de celle-ci, qui a fait l’objet d’un rapport d’information très complet présenté récemment par nos collègues François André et Philippe Vitel (3), le rapporteur soulignera que l’écart entre les prévisions de ressources et les réalisations a contribué à mettre sous contrainte le budget de l’armée de terre – tant pour ses crédits d’équipements que de fonctionnement –, et que le dérapage observé sur la période dans l’évolution de la masse salariale a conduit à durcir la « manœuvre RH », notamment dans l’armée de terre.

En effet, comme le rapporteur le notait déjà dans son avis sur les crédits de l’armée de terre pour l’année 2013, l’armée de terre a été la première concernée par la pression budgétaire pesant sur le ministère de la Défense : ce sont en effet les crédits des forces terrestres qui ont été touchés en priorité pour réaliser des économies, et l’exercice 2013 n’a pas échappé à la règle : la loi de finances a prévu que 76 % des économies globales d’équipements de la mission « Défense » concerneraient des équipements de l’armée de terre.

Le suivi de l’exécution de la loi de programmation militaire pour l’armée de terre spécifiquement est complexe. En effet, la loi de programmation militaire pour les années 2009 à 2014 a été construite par grands agrégats de dépenses et non par programme budgétaire ou par armées : il n’existe donc pas de référentiel et de trajectoire spécifiques des crédits pour l’armée de terre. De plus, les changements de périmètre annuels des actions et budgets opérationnels de programme, en particulier en ce qui concerne l’administration générale et les soutiens communs, rendent difficiles les comparaisons année par année avec la loi de programmation.

Il faut ajouter à ces difficultés le fait que compte tenu de l’organisation budgétaire issue de la loi organique relative aux lois de finances et des principes de gouvernance de la mission « Défense », l’armée de terre ne gère véritablement qu’une partie des crédits dont elle bénéficie. Seule l’action 2 du programme 178 « Préparation des forces terrestres » relève en gestion et en programmation de la responsabilité du chef d’état-major de l’armée de terre (CEMAT). Les autres ressources qui concourent à la préparation des forces terrestres relèvent d’autres actions du programme 178, ainsi que des programmes 146 « Équipement des forces » et 212 « Soutien de la politique de la défense ».

En dépit de ce manque de lisibilité, il apparaît clairement que c’est sur l’armée de terre qu’a porté une part prépondérante de l’effort d’économies prévu par la loi de programmation militaire, ainsi que de l’ajustement opéré en cours de programmation 2009-2014 pour tenir compte des contraintes non-programmées sur les ressources des forces armées.

En effet, en 2009 et 2010, l’exécution de la loi de programmation militaire 2009-2014 a été globalement conforme. À partir de 2011, le référentiel a intégré de nouveaux besoins tout en intégrant les éléments de la programmation budgétaire triennale 2011-2013. Enfin, les mesures d’économie résultant de la programmation budgétaire triennale 2013-2015, avec des effets dès 2012, marquent un nouvel écart entre les ressources effectivement allouées et celles prévues par la loi de programmation militaire 2009-2014, devenues irréalistes.

Ces contraintes ont conduit à réduire de façon significative les dépenses d’équipements et de fonctionnement de l’armée de terre.

Les commandes et livraisons des principaux programmes à effet majeur (PEM) ont été globalement respectées jusques en 2010. Le plan d’équipement a ainsi été préservé, moyennant quelques décalages dont certains portent sur des renouvellements majeurs d’équipements ou des acquisitions de capacités nouvelles, concernant notamment :

– le lance-roquettes unitaire (LRU), reporté de deux ans ;

– le programme SCORPION, et en particulier sa composante véhicule blindé multi-rôles (VBMR), reporté d’un an ;

– la rénovation du char Leclerc, reportée de trois ans.

Puis, lors de la préparation de la programmation triennale 2011-2013, les objectifs calendaires ou quantitatifs initiaux de certains programmes de cohérence opérationnelle ont été modifiés. Il s’agit notamment :

– du porteur polyvalent terrestre (PPT) ;

– du véhicule de haute mobilité (VHM) dont la cible quantitative a été ramenée de 129 à 53 ;

– du radar de surveillance et d’observation.

Par la suite, les travaux d’actualisation du référentiel 2012 et de construction du projet de loi de finances pour 2013 ont prévu un ralentissement de l’investissement (hors dissuasion et études), en partie dès 2012. Parmi les mesures de décalage de commandes et livraisons figurent plusieurs programmes de l’armée de terre, parmi lesquels :

– des composantes du programme SCORPION ;

– le système de drone tactique ;

– les livraisons du véhicule léger de transport de personnel (VLTP) ;

– la mise au standard OTAN des systèmes de commandement et la coordination de l’artillerie sol-air ;

– les livraisons d’une version améliorée du véhicule blindé de combat d’infanterie (VBCI) ;

– le développement de plusieurs systèmes d’information, de commandement et de renseignement d’origine électromagnétique ;

– la dernière tranche conditionnelle de 100 petits véhicules protégés (PVP), réduite de moitié.

La loi de programmation militaire 2009-2014 prévoyait une croissance des besoins d’infrastructure liés à l’accueil des grands programmes capacitaires (NH 90, Tigre, VBCI, SCORPION) et à l’importance des opérations d’accueil des unités et matériels déplacés dans le cadre de la réorganisation du ministère. Les restructurations ont nécessité des arbitrages lourds au détriment des autres besoins opérationnels des armées.

La programmation des opérations a été aussi déstabilisée durant la LPM 2009-2014 pour deux raisons principales :

– à cause des besoins résultant de la mise en œuvre du nouveau plan de stationnement ;

– par la non-réalisation au niveau prévu sur la période considérée des produits attendus des cessions immobilières parisiennes.

Au bilan, l’insuffisance de ressource de 2009 à 2013 aura principalement des conséquences sur les infrastructures de préparation opérationnelle et sur l’hébergement. Lancé en 1997, le plan VIVIEN, ne devrait s’achever qu’en 2018 avec la réalisation de 43 800 places d’hébergement militaires du rang et 9 300 chambres pour les sous-officiers célibataires.

La loi de programmation militaire 2009-2014 avait fixé pour objectif 150 jours de préparation et d’activité opérationnelle par homme pour les unités opérationnelles. Cet objectif a rapidement été ramené à 120 jours, puis dans le cadre de la programmation budgétaire triennale 2011-2013, l’armée de terre a été conduite à abaisser progressivement sa prévision d’activité à 116 jours en 2011, 111 en 2012 et 105 à compter de 2013.

La mise en place d’un système de préparation opérationnelle « différenciée » a toutefois permis d’optimiser le coût de cette préparation. L’intensité de la préparation dont bénéficie une unité – et les crédits correspondants qui lui sont alloués – sont en effet déterminés en fonction du moment où se situe ladite unité dans son « cycle opérationnel » et en fonction de la nature de son prochain engagement opérationnel. Ainsi, la formation « socle » et les « mises en condition avant projection » ont pu être quasi intégralement préservées.

En parallèle, l’entretien programmé du matériel a dû être mis en cohérence avec les besoins opérationnels – projections et préparation. En dépit de l’application d’une politique d’emploi et de gestion des parcs (PEGP) stricte, les coûts élevés des matériels de nouvelle génération couplés à la hausse de ceux des matériels d’ancienne génération conservés plus longtemps que prévu ont créé une situation tendue au sein des formations pour réaliser leur préparation opérationnelle décentralisée. Le soutien des parcs d’entraînement centralisés (au sein des camps d’entraînement) reste prioritaire, en cohérence avec le principe de différenciation de la préparation opérationnelle.

Pour les équipages de l’aviation légère de l’armée de terre (ALAT), le coût d’entretien des machines de nouvelle génération a un effet direct sur l’activité. L’objectif de 180 heures de vol par pilote d’hélicoptère, fixé dans le cadre de la loi de programmation militaire, n’a pu être stabilisé que grâce à la prise en compte d’heures effectuées sur des machines de substitution autres que le système d’arme principal, ainsi que sur simulateur. Toutefois, pour l’année 2013, la prévision d’activité a été abaissée à 172 heures de vol par équipage.

Du fait de la contrainte budgétaire, l’armée de terre a dû renoncer à divers programmes en matière d’équipements d’accompagnement et de cohérence (EAC), d’entretien programmé du personnel (EPP), d’acquisition de stocks de rechanges en vue de l’entretien progra mmé des matériels. Les équipements directement liés aux opérations actuelles – munitions, protection du combattant en particulier – ont été préservés, mais l’entretien et la constitution de stocks « guerre » en vue des contrats maximaux ont été substantiellement ralentis. Les économies ont également porté sur le renouvellement des matériels du génie et d’équipement très spécifiques (cynotechnie, véhicules sanitaires, outillage, etc.) avec toutefois des incidences à prendre en compte sur la capacité des unités servant ces matériels et plus largement la qualité de la préparation opérationnelle et la disponibilité des matériels.

En somme, les crédits hors titre 2 de l’armée de terre au titre de l’action 2 « Préparation des forces terrestres » du programme 178 « Préparation et emploi des forces » ont connu une baisse importante entre 2009 et 2012, avec des écarts parfois sensibles entre les prévisions et les réalisations, comme le montre le tableau ci-après.

CRÉDITS HORS TITRE 2 DE L’ACTION 2 « PRÉPARATION DES FORCES TERRESTRES » DU PROGRAMME 178 « PRÉPARATION ET EMPLOI DES FORCES »

(En millions d’euros de crédits de paiement)

CP en M€

2009

2010

2011

2012

2013

2014

             

PLF

1 723

1 635

1 472

1 383

1 322

1 357

dont Rex F

22,90

-

20,00

20,00

5,50

-

             

Exécution (RAP)

1 766

1 452

1 589

1 449

   

Source : ministère de la Défense.

C’est un paradoxe bien connu : alors que les effectifs des armées étaient drastiquement réduits tout au long de l’actuelle période de programmation, les dépenses de masse salariale du ministère de la Défense ont augmenté. Le récent rapport d’information de nos collègues Geneviève Gosselin-Fleury et Damien Meslot sur la mise en œuvre et le suivi de la réorganisation du ministère de la Défense (4) analyse avec précision ce paradoxal effet de ciseaux – cf. l’encadré ci-après.

Le dérapage de dépenses de personnel du ministère de la Défense

Dans son rapport public thématique de juillet 2012 sur le bilan à mi-parcours de la loi de programmation militaire, la Cour des comptes relève en effet que les économies de masse salariale diminuées des coûts d’accompagnement des restructurations pour le personnel sont estimées, par le ministère de la Défense, à un montant net cumulé de 5,4 milliards d’euros dont 1,1 milliard d’euros avant la fin de l’exercice 2011. Ces éléments sont évalués sur la base des coûts des entrants par catégorie de personnel dans les postes supprimés, selon une approche commune au ministère de la défense et à la direction du budget. La Cour juge qu’« ils sont très estimatifs, le détail ne correspondant pas à une liste précise de personnes ayant quitté le ministère sans être remplacées ».

Comparant les économies revendiquées par le ministère avec les données d’exécution budgétaire communiquées par la direction des affaires financières du ministère de la Défense, la Cour relève surtout que ces données montrent une augmentation de 1,02 milliard d’euros des dépenses de titre 2 entre 2008 et 2011, concluant que cette comparaison « ne peut inciter qu’à la prudence quant à [la] fiabilité » des économies évaluées ».

Ce paradoxal effet de ciseaux – une masse salariale en progression malgré des effectifs en baisse – peut s’expliquer par plusieurs facteurs, qui contribuent à expliquer la mauvaise maîtrise des dépenses de titre 2 du ministère :

– une tendance au repyramidage des effectifs ;

– le « glissement vieillesse technicité » (GVT) et les mesures statutaires de revalorisation de la condition militaire intervenues depuis 2009

– la dynamique des dépenses dites « hors socle », c’est-à-dire autres que les dépenses de rémunération ;

– la « civilianisation » encore limitée des effectifs du ministère, notamment dans les fonctions de soutien.

Dans le cadre de la programmation militaire actuelle, l’armée de terre avait programmé la suppression de 24 470 emplois entre 2008 et 2015. Cette période de programmation a aussi vu la mise en œuvre d’un vaste plan de réforme du ministère, conduisant au transfert de certaines missions et des effectifs correspondants vers des structures dont le financement est placé en dehors du BOP « Terre » – principalement le commandement interarmées du soutien (COMIAS), le service du commissariat des armées (SCA), la direction interarmées des réseaux d’infrastructure et des systèmes d’information (DIRISI) et le service de santé des armées (SSA). Ces transferts d’effectifs se sont accompagnés de déflations prises en compte dans les économies imparties à l’armée de terre, dont le rythme de déflations a été fixé comme suit :

DÉFLATIONS D’EFFECTIFS PROGRAMMÉES DANS L’ARMÉE DE TERRE

 

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Total

BOP « Terre »

2 068

3 630

3 590

3 369

2 720

2 418

2 552

596

20 943

hors BOP « Terre »

     

71

810

1 112

978

556

3 527

Total

2 068

3 630

3 590

3 440

3 530

3 530

3 530

1 152

24 470

Source : ministère de la Défense.

L’encadré ci-dessous présente le bilan de l’exercice 2013 pour la gestion des effectifs de l’armée de terre.

Bilan de l’exercice 2013 pour la gestion des effectifs de l’armée de terre
(estimations disponibles en août 2013)

BOP « Préparation des forces terrestres » : la situation des effectifs du BOP présente une légère sous réalisation (à hauteur de 53 équivalents temps plein travaillés, ou ETPT) des économies prévues au document prévisionnel de gestion (DPG). La situation est sous contrôle pour le personnel militaire. Elle présente en revanche une fragilité pour le personnel civil compte tenu de contraintes pour réaliser la manœuvre de gestion des ressources humaines.

Personnel militaire :

Effectif global : la réduction des effectifs en gestion est établie à hauteur de 3 524 ETPT pour un objectif de 3 447 ETPT, soit une légère sur-exécution du schéma d’emploi de 77 ETPT. Cette situation résulte principalement de départs de militaires du rang supérieurs aux prévisions en début d’année.

Par ailleurs, l’armée de terre prévoit à ce stade pour la fin d’année un écart minime de 19 ETPE par rapport à la cible.

Officiers : cette catégorie présente une légère sous-exécution du schéma d’emploi du document prévisionnel de gestion de 41 ETPT. Cette situation résulte de départs inférieurs aux prévisions, dont les facteurs sont multiples : poursuite des effets de la mise en œuvre de la loi portant réforme des retraites, situation économique et sans doute effet d’attente par rapport à la future loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019.

Sous-officiers : la situation des sous-officiers présente une légère sous-exécution du schéma d’emploi de 14 ETPT, résultant de départs inférieurs aux prévisions et qui ont conduit l’armée de terre à réduire le volume de recrutement prévu.

Militaires du rang : la population des militaires du rang présente une surexécution du schéma d’emploi de 139 ETPT résultant de départs plus importants en début d’année par rapport aux prévisions. La tendance observée en matière de départs sur l’ensemble du 1er semestre confirme l’amélioration de la fidélisation constatée en 2012 pour cette catégorie, notamment concernant le premier contrat.

Volontaires : Cette population, qui se caractérise par des contrats courts et qui constitue un vivier de recrutement pour la catégorie des militaires du rang, présente une sous-exécution marginale de 6 ETPT par rapport aux prévisions de gestion. L’écart résulte d’un recrutement interne vers la catégorie des militaires supérieur à l’objectif du 1er semestre.

Personnel civil :

Au titre de l’année 2013, les prévisions arrêtées au 30 juin présentent une économie de 785 ETPT pour un objectif fixé à 916 ETPT, soit une sous-exécution de 131 ETPT. Cet écart s’explique principalement par le recrutement de vacataires (90) dans le cadre du renforcement du centre expert des ressources humaines – solde (CERHS) de Nancy, à la suite des dysfonctionnements de l’écosystème Louvois. Bien qu’ayant une incidence sur les effectifs et la dépense en crédits du titre 2 du BOP « Préparation des forces terrestres », le sureffectif doit donc être nuancé au regard de ce recrutement spécifique de vacataires qui s’inscrit dans la résolution de difficultés dépassant le strict cadre du BOP.

Source : ministère de la Défense.

Le rapporteur tient à souligner que dans les efforts consentis par le ministère de la Défense pour réduire ses effectifs et maîtriser les dépenses « socle » de personnel – c’est-à-dire, principalement, les dépenses de rémunération, l’armée de terre a fourni une part prépondérante des efforts, comme le montrent les tableaux ci-après.

ÉVOLUTION COMPARÉE DES EFFECTIFS MILITAIRES DANS LES TROIS ARMÉES

Équivalents temps plein travaillés (ETPT) réalisés au 1er janvier

 

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Évolution 2008–2013

en ETPT

en %

Armée de terre

Officiers

16 417

16 275

16 127

16 032

15 322

15 170

   

Sous-officiers

46 960

45 958

43 401

42 326

41 625

40 429

   

Militaires du rang

67 226

66 762

66 563

64 063

63 184

60 558

   

Volontaires

1 962

1 197

872

1 165

774

656

   

Total militaires

132 565

130 192

126 963

123 586

120 905

116 813

– 15 752

– 11,8 %

Armée de l’air

Officiers

7 602

7 447

7 420

7 376

7 090

6 963

   

Sous-officiers

33 437

31 955

30 716

29 345

28 207

27 051

   

Militaires du rang

15 654

15 322

15 237

14 564

13 852

12 925

   

Volontaires

520

494

516

361

275

165

   

Total militaires

57 213

55 218

53 889

51 646

49 424

47 104

– 10 109

– 17,6 %

Marine

Officiers

5 186

5 146

5 153

5 108

4 793

4 761

   

Sous-officiers

27 080

26 569

26 020

25 641

24 969

24 581

   

Militaires du rang

7 958

7 743

8 124

7 680

7 667

7 125

   

Volontaires

1 362

1 141

1 024

988

930

777

   

Total militaires

41 586

40 599

40 321

39 417

38 359

37 244

– 4 342

– 10,4 %

Source : ministère de la Défense.

ÉCONOMIES RÉALISÉES DU FAIT DES SUPPRESSIONS D’EFFECTIFS PAR ARMÉES

Année

Mesures d’effectifs

Terre

Marine

Air

Autres

2010

Extension année pleine économies 2009

40 211 325

9 249 713

24 481 275

6 524 648

Réductions 2010

40 572 415

9 092 760

24 619 597

8 010 711

2011

Extension année pleine économies 2010

47 456 085

10 463 762

29 545 457

9 154 927

Réductions 2011

43 954 019

10 040 744

26 388 689

12 692 688

2012

Extension année pleine économies 2011

45 645 006

10 290 151

27 188 974

13 054 043

Réductions 2012

40 126 621

7 395 249

25 894 111

30 541 203

2013

Extension année pleine économies 2012

47 587 018

7 285 951

26 560 256

16 932 422

Réductions 2013

21 692 531

6 498 609

24 880 983

41 661 745

Source : ministère de la Défense.

Le présent projet de loi de finances est conforme au projet de loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019 tel qu’il a été déposé par le Gouvernement sur le bureau du Sénat. Ce projet de loi de programmation militaire est lui-même la traduction du nouveau contrat opérationnel des armées et des nouveaux formats d’armées défini par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013.

Pour le rapporteur, l’économie générale du projet de loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019 est cohérente, compte tenu à la fois de la redéfinition des contrats opérationnels et du format de l’armée de terre, ainsi que des impératifs de retour à l’équilibre des finances publiques. L’équilibre financier de cette programmation est assuré par un engagement fort de maintien de la ressource consacrée aux armées pendant les premières années, des recettes exceptionnelles d’un niveau élevé (6,1 milliards d’euros), des hypothèses ambitieuses d’exportation des matériels français, et des réallocations volontaristes entre les différentes dépenses (équipements, masse salariale, crédits de fonctionnement, financement des activités).

Le rapporteur estime que le nouveau format de l’armée de terre, tel que défini avec précision par le paragraphe 2.6 du rapport annexé au projet de loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019, permet de garantir la cohérence de notre outil de défense terrestre et ce, de façon réaliste compte tenu des moyens disponibles.

Il prévoit notamment un resserrement raisonné du format de l’armée de terre, dont les principales lignes sont les suivantes :

– la capacité opérationnelle de l’armée de terre passera de 72 000 à 66 000 hommes projetables ;

– une des huit brigades interarmes de combat sera supprimée, étant précisé qu’il s’agira d’une des quatre brigades multi-rôles actuelles ;

– les cibles quantitatives en matière d’équipements sont réduites : l’armée de terre comptera ainsi sur environ 200 chars lourds, 250 chars médians, 2 700 véhicules blindés multi-rôles et de combat (dont 630 véhicules blindés de combat d’infanterie, VBCI, et 2 080 véhicules blindés multi-rôle, VBMR), 140 hélicoptères de reconnaissance et d’attaque, 115 hélicoptères de manœuvre et une trentaine de drones tactiques ;

– l’opération d’ensemble SCORPION, qui tend à renouveler les moyens du combat de contact terrestre, sera lancée en 2014 ;

– l’armement individuel du futur (AIF) viendra remplacer le FAMAS, tandis que le déploiement des équipements Félin est confirmé.

Point important pour l’efficacité et la réactivité de notre outil de défense terrestre, le rapporteur souligne que le Livre blanc et le projet de loi de programmation militaire prévoient de conserver l’essentiel du dispositif de l’armée de terre outre-mer et à l’étranger. L’opération Serval au Mali a montré combien ces points de prépositionnement pouvaient être utiles, voire indispensables, pour donner à notre outil de défense la réactivité qui convient à la gestion des crises.

Même en dehors des situations de crise, notre dispositif outre-mer et à l’étranger présente de nombreux avantages pour l’armée de terre :

– il contribue à la préparation opérationnelle des unités ;

– il permet d’entretenir la culture de projection, dans la mesure où, tous les quatre mois, 13 compagnies y sont envoyées en mission auprès des forces de souveraineté outre-mer et huit compagnies sont envoyées en mission auprès des forces de présence à l’étranger ;

– il favorise l’entraînement des unités dans un milieu interarmées ;

– il offre des terrains d’exercice exceptionnels, notamment pour les chars et l’artillerie ;

– il permet de disposer de sept centres d’aguerrissement en milieu spécifique (désert, forêt, mangrove) ;

– il contribue globalement à l’acculturation et au renforcement de l’expertise des personnels ;

– il constitue aussi un bassin de recrutement primordial : 25 % des dossiers de recrutement proviennent des départements et collectivités d’outre-mer.

L’efficacité du dispositif est avérée : selon l’indicateur de performance 2.1 afférent au programme 178 « Préparation et emploi des forces » présenté par le projet annuel de performance annexé au présent projet de loi de finances, le taux des forces prépositionnées engagées dans les opérations dans un délai inférieur à cinq jours atteint 90 % en 2013 et devrait se maintenir à ce haut niveau en 2014, alors qu’il n’atteignait que 83,4 % en 2011.

Le dispositif outre-mer a déjà fait l’objet d’une rationalisation poussée dans le cadre de l’actuelle programmation pluriannuelle : les effectifs sont passés de 4 884 personnels en 2008 à 3 004 en 2014, soit un effort de déflation de 40 %, et un bataillon a été dissous (celui de la Guadeloupe). Dans un souci d’économie, les missions de courte durée sont privilégiées par rapport aux envois en poste permanents : pour l’armée de terre, 55 % des effectifs des forces de souveraineté sont constitués de personnels en mission de courte durée.

Le dispositif des forces de présence à l’étranger a lui-aussi fait l’objet d’une rationalisation profonde depuis 2008 : malgré l’ouverture d’une base aux Émirats arabes unis, les effectifs totaux ont diminué de moitié, pour passer de 3 412 à 1 708. Là également, le recours à des personnels « tournants » plutôt que permanents est privilégié dans une optique d’économies : 70 % des effectifs de l’armée de terre dans les forces de présence sont d’ores et déjà placés sous le régime des missions de courte durée – on relèvera d’ailleurs qu’à l’inverse, 100 % des effectifs prépositionnés de la marine sont constitués de permanents.

Le projet de loi de programmation militaire 2014-2019 prévoit de réduire de 500 personnels les effectifs de permanents – toutes armées confondues –, mais ne remet pas en cause les implantations existantes, contrairement à ce qui avait pu être le cas dans les débats préparatoires au Livre blanc de 2008.

Le projet de loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019 repose sur des hypothèses financières à la fois réalistes et souples.

Réalistes, parce que le rapporteur souligne en effet que si le « bouclage » de ce projet de loi de programmation repose sur 6,1 milliards d’euros de recettes exceptionnelles, le rapport annexé à ce projet de loi comprend une « clause de sauvegarde » qui garantit qu’en cas de « modification substantielle » des équilibres ayant une « conséquence significative sur le respect de la programmation », les recettes exceptionnelles qui viendraient à manquer soient compensées. En outre, le réalisme de cette programmation tient également aux volumes financiers prévus : de façon prudente, le projet de programmation repose sur l’hypothèse du maintien en valeur du budget de la Défense jusqu’en 2015, puis d’une remontée à partir de 2016 avec une progression de 1 % en volume à partir de 2018 seulement.

Souples, car le rapport annexé au projet de loi de programmation militaire comporte une « clause de revoyure » ainsi qu’une clause de réexamen de la programmation militaire fin 2015.

Source : état-major de l’armée de terre.

L’agrégat « équipements d’accompagnement et de cohérence » (EAC), qui regroupe les dépenses de munitions, de génie et d’outillage, devrait voir sa dotation remonter à partir de 2016, pour rattraper les contraintes exercées en 2012 et 2013 sur ce poste et, en particulier, concernant les stocks de munitions.

Cette légère remontée s’observe aussi pour l’agrégat « entretien programmé des personnels » (EPP), qui comprend les dépenses d’habillement, de protection du combattant, de couchage, etc. Cette remontée permettra d’atténuer la contrainte exercée sur ce poste depuis 2012, en assurant le renouvellement et l’amélioration de l’équipement du combattant au vu des retours d’expérience des opérations extérieures. Selon le chef d’état-major de l’armée de terre, la dotation prévue sur la durée de la programmation 2014-2019 est compatible avec la réduction de la cible d’équipements Félin de 22 000 à 18 500 exemplaires.

S’agissant de l’agrégat « activités opérationnelles » (AOP), qui rassemble les dépenses de carburants opérationnels, d’entraînement et de préparation opérationnelle, d’alimentation etc., la diminution progressive des sommes inscrites au cours de la programmation est cohérente avec la déflation des effectifs et les objectifs d’activité tout en restant fixée, comme le chef d’état-major de l’armée de terre l’a indiqué au rapporteur, au strict minimum acceptable.

L’augmentation progressive des crédits d’entretien programmé du matériel (EPM), qu’il s’agisse des matériels terrestres (EPMT) ou aéroterrestres (EPMA), permettra d’accompagner de la montée en puissance des parcs de nouvelle génération ainsi que l’effort de prolongation en service des matériels d’ancienne génération, tout en ne couvrant les besoins que de façon imparfaite : il restera des difficultés pour atteindre les normes en vigueur, notamment dans l’optique de la « métropolisation » des matériels précédemment déployés sur de théâtres d’opérations extérieures.

L’agrégat fonctionnement et activités spécifiques (FAS), qui regroupe les dépenses de mobilité, de communication et de formation, connaît une baisse progressive, traduction des efforts très importants demandés sur les dépenses de fonctionnement.

Le projet de loi de finances pour 2014 est conforme au projet de loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019, y compris pour ce qui concerne l’armée de terre. La stratégie sous-tendant cette équation budgétaire est la suivante : priorité donnée à l’activité – y compris l’entretien programmé des matériels – moyennant une contrainte forte sur les frais de fonctionnement.

Si – fait regrettable – la documentation budgétaire ne permet plus, depuis la loi organique relative aux lois de finances, un suivi et une analyse de l’ensemble des moyens consacrés spécifiquement à l’armée de terre, les crédits de l’action 2 « Préparation des forces terrestres » du programme 178 « Préparation et emploi des forces » évoluent comme le montrent les tableaux ci-après :

ÉVOLUTION PAR TITRE DES CRÉDITS DE L’ACTION 2 « PRÉPARATION DES FORCES TERRESTRES » DU PROGRAMME 178 « PRÉPARATION ET EMPLOI DES FORCES »

(en millions d’euros courants)

 

LFI 2012

LFI 2013

PLF 2014

Évolution
2013–2014

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Titre 2

6 213,63

6 213,63

6 342,41

6 342,41

6 163,62

6 163,62

-2,82 %

-2,82 %

Titre 3

1 215,37

1 225,28

1 396,37

1 227,23

1 306,95

1 263,19

-6,40 %

2,93 %

Titre 5

116,42

119,47

85,86

84,16

89,49

88,22

4,23 %

4,82 %

Titre 6

6,50

6,50

5,20

5,20

5,13

5,13

-1,35 %

-1,35 %

Total

7 551,93

7 564,88

7 829,84

7 658,99

7 565,18

7 520,55

-3,38 %

-1,81 %

AE : autorisations d’engagement

CP : crédits de paiement

Source : ministère de la Défense.

RÉPARTITION DES CRÉDITS 2014 DE L’ARMÉE DE TERRE
PAR OPÉRATION STRATÉGIQUE

(en millions d’euros)

AE : autorisations d’engagement

CP : crédits de paiement

AO : activités opérationnelles

FAS : fonctionnement et activités spécifiques

EPM T : entretien programmé des matériels terrestres

EPM A : entretien programmé des matériels aéroterrestres

EAC : équipements d’accompagnement et de cohérence

EPP : entretien programmé du personnel

Source : état-major de l’armée de terre.

ÉVOLUTION PAR TYPE DE DÉPENSE DES CRÉDITS CONSACRÉS AU FONCTIONNEMENT ET AUX ACTIVITÉS DES FORCES TERRESTRES

(en millions d’euros courants)

Titre

Opération stratégique

LFI 2012

LFI 2013

PLF 2014

Évolution
2013–2014

   

AE

CP

AE

AE

AE

CP

AE

CP

3

EPM

571,80

576,26

847,82

675,92

763,09

722,13

-9,99 %

6,84 %

 

EPP

135,24

135,24

107,67

105,53

118,73

116,91

10,27 %

10,78 %

 

EAC

89,38

94,83

73,84

78,74

68,72

67,74

-6,93 %

-13,97 %

Total titre III

796,42

806,33

1029,34

860,20

950,54

906,78

-7,66 %

5,42 %

5

EAC

116,42

119,47

85,86

84,16

89,48

88,22

4,22 %

4,82 %

Total titre V

116,42

119,47

85,86

84,16

89,48

88,22

4,22 %

4,82 %

Total budgétaire

912,84

925,80

1 115,20

944,36

1 040,03

994,99

-6,74 %

5,36 %

Recettes exceptionnelles

0

27,20

0

5,5

0

0

   

Total

912,84

953,00

1 115,20

951,55

1 040,03

994,99

-6,74 %

4,57 %

AE : autorisations d’engagement

CP : crédits de paiement

EPM : entretien programmé du matériel

EPP : entretien programmé du personnel

EAC : équipements d’accompagnement et de cohérence

Source : ministère de la Défense.

L’exercice 2014 est capital pour la relance de nouveaux programmes, dont le lancement du programme SCORPION dans toute son étendue. Le point clé du projet de loi de programmation militaire 2014-2019 – qui a évité le pire – réside dans le fait que tous les efforts demandés vont dans le sens d’une préservation des équipements.

L’intérêt du programme SCORPION réside essentiellement dans sa cohérence d’ensemble entre ses différentes « briques » (blindés médians, missile de moyenne portée, systèmes d’information et de communication, radio CONTACT déjà lancée en 2012, etc.). Si, par des décalages calendaires non-coordonnés entre ces différentes « briques », cette cohérence devait être perdue, les avantages de la standardisation des matériels en termes d’économies de fonctionnement ne seraient pas au rendez-vous. L’encadré, le tableau et le graphique ci-après présentent les grandes orientations du programme SCORPION.

Le programme SCORPION

Projet phare de l’armée de terre, vital pour son avenir, SCORPION vise le renouvellement et l’accroissement des capacités des unités de combat, y compris leurs appuis directs intégrés, qui sont le cœur des troupes au sol engagées et exposées. La gouvernance spécifique du programme SCORPION permettra de réduire les coûts de conception, d’acquisition, d’emploi et de soutien des équipements.

1/ Le Système de combat SCORPION : un double objectif

● Renouveler les capacités des unités de combat et améliorer leur aptitude opérationnelle :

– en renouvelant les principaux véhicules des unités de combat (VAB => VBMR ;

AMX10-RC et ERC-90 Sagaie => EBRC) et de leurs appuis intégrés ;

– en renforçant leur aptitude opérationnelle grâce à leur modernisation et une meilleure synergie entre eux ;

– en connectant les unités de combat avec un seul système d’information, qui intègre la coordination avec les intervenants dans la 3e dimension ;

– en développant fortement la préparation opérationnelle des unités de combat grâce à des outils de simulation performants et interconnectables.

● Assurer la soutenabilité des unités de combat en maîtrisant les coûts :

– de conception, par une large recherche de communautés d’équipements ;

– d’acquisition, par l’utilisation de plateformes modulaires et de kits additionnels ;

– d’emploi, par un recours accru aux moyens de simulation intégrés nativement dans les plateformes de combat ;

– de soutien, par une robustesse accrue des équipements et par une maintenance davantage préventive ;

– tout cela dans un souci de définition du juste besoin.

2/ Plus qu’un programme, une véritable démarche capacitaire articulée en étapes successives avec l’appui d’un architecte intégrateur. SCORPION n’est pas une accumulation de plateformes mais l’imbrication d’opérations constituantes reliées par un système d’information unique (SICS). Cette démarche constitue :

– une approche globale et prospective présentant une cohérence du court au long terme ;

– un atout pour l’export grâce à une meilleure maîtrise des industriels par la DGA et grâce à des équipements performants à coûts moindres.

3/ Le séquençage de l’opération SCORPION :

– étape 1 (2010 - 2021) : vise un premier niveau de combat collaboratif avec le lancement de la modernisation des équipements principaux des unités de combat, mis en réseau grâce au SICS. Les équipements concernés sont: la livraison d’un volume significatif de VBMR, la rénovation du LECLERC et les premiers EBRC.

– étape 2 (2015 - 2027) : a pour objectif de compléter la mise au format SCORPION de l’ensemble des unités de combat, tout en élargissant et renforçant leurs capacités au contact.

LIVRAISONS DES PRINCIPAUX ÉQUIPEMENTS DU PROGRAMME SCORPION

Équipement

Cibles
LB 2008/ LPM 2009-2014

Cibles
LB 2013 / LPM 2014-2019

VBMR

2 326

2 080 (livrés à compter de 2018)*

EBRC

292

248 (livrés à compter de 2020)

VBAE

1 600

1470 (post 2019)

MRCM (postes de tir Tigre + porteur terrestre)

220

0

MAC (module d’appui au contact)

114

55 (post 2019)

EMC (extracteur moyen du contact)

110

0

Char Leclerc Rénovation

254

200 (livrés à compter de 2020)

VBCI Évolution

630

630 (post 2019)

FELIN Évolution

20 000 systèmes

18 552 systèmes à confirmer
(post 2019)

* en 2018, l’armée de terre ne disposera que de 92 VBMR.

SCORPION : UN GROUPEMENT TACTIQUE INTERARMES RENFORCÉ ET SOUTENABLE

Source : état-major de l’armée de terre.

S’agissant du véhicule blindé multi-rôles (VBMR), le retard est avant tout dû à l’État, puisque le programme aurait dû démarrer il y a trois ans. Il faut donc le lancer dès 2014 et un arbitrage du Président de la République a été rendu en ce sens. Pour le missile de moyenne portée (MMP) destiné à remplacer le système Milan, le choix a été fait il y a dix ans de « sauter » une génération et de prolonger les Milan et HOT (haut-subsonique optiquement téléguidé). Ces derniers arrivent technologiquement et surtout matériellement au bout de leur vie, les composants de la munition se dégradant et n’étant plus garantis au-delà du délai maximal. Leur remplacement est donc prioritaire.

Parmi les autres programmes en cours on peut relever :

– le déroulement parfait du programme de drone tactique Watchkeeper sur le plan militaire, les deux régiments britanniques et français coopérant de manière très étroite. Quelques difficultés techniques restent à régler en matière de liaisons de données avec le sol, encore insuffisamment fiables ; l’industriel (Thales) y travaille ; la mise en service reste prévue pour 2017, mais une réflexion est en cours pour obtenir un prêt d’appareils britanniques un peu en avance pour constituer une première capacité opérationnelle ;

– la première tranche de treize lanceurs LRU suit nominalement son cours, la cible quantitative ayant toutefois été réduite de 50 %. La coopération avec l’Allemagne se passe très bien, les artilleurs français allant se former à l’école d’artillerie de la Bundeswehr, qui dispose des outils de simulation les plus performants. Lors de sa mise en service au 1er régiment d’artillerie de Belfort, il offrira des capacités nouvelles précieuses : une portée de 70 kilomètres ; une grande précision, une capacité par tous temps et une grande insensibilité aux défenses anti aériennes.

Dans le cadre de l’actuelle programmation militaire, l’indicateur retenu pour mesurer et planifier la préparation opérationnelle des unités était la « journée de préparation et d’activité opérationnelle » (JPAO), qui agrège les journées passées en préparation opérationnelle (JPO) – relevant de la responsabilité du chef d’état-major de l’armée de terre – et les journées passées en activité opérationnelle (JAO) – qui ne dépendent pas des décisions de ce dernier. La loi de programmation militaire 2009-2014 prévoyait une norme à 150 JPAO par personnel de l’armée de terre. Les conditions d’engagement des forces et les contraintes financières ont conduit à ramener la réalisation prévisionnelle de cette norme à 111 JPAO en 2012 (78 JPO plus 33 JAO) et à 105 en 2013 (83 JPO plus 22 JAO). La baisse des JAO résulte du désengagement programmé des théâtres majeurs (Côte d’Ivoire, Afghanistan, Liban), malgré le surcroît d’activité opérationnelle dû à l’opération Serval au Mali.

Cependant, cet indicateur, mélangeant la préparation opérationnelle financée par l’armée de terre et les opérations non financées par cette dernière, masquait la dégradation de la préparation opérationnelle et des compétences de l’armée de terre et n’était pas cohérent avec le périmètre financier du BOP « Terre ». En cas de fort engagement en opération, la diminution des jours de préparation n’apparaissait pas forcément, alors qu’ils sont pourtant nécessaires pour maintenir les unités aptes à être engagées, y compris en urgence.

C’est pourquoi a été élaboré un nouvel indicateur : la journée de préparation opérationnelle (JPO), qui comptabilise désormais les actions de préparation opérationnelles organisées en cohérence avec le périmètre budgétaire inscrit du BOP « Terre ». La cible est fixée à 90 JPO par personnel et par an, ce qui permet de remplir le contrat opérationnel quelles que soient les opérations engagées. Cette cible, comme le montre le graphique ci-après, comprend la formation initiale, la préparation opérationnelle générique (25 jours décentralisée dans les unités et 20 jours centralisée dans les centres d’entraînement) et les mises en condition avant projection.

LE SCHÉMA DE PRÉPARATION OPÉRATIONNELLE DES FORCES TERRESTRES
POUR 2014 ET AU-DELÀ

Source : état-major de l’armée de terre.

Les crédits inscrits pour l’exercice 2013 permettent d’assurer 83 journées de préparation opérationnelle par personnel, ce qui correspond exactement au niveau atteint en 2013. Compte tenu de l’aguerrissement des forces terrestres lors des opérations récentes, l’écart à la cible ne remet pas en cause, à court terme, la capacité opérationnelle de l’armée de terre. La préparation des personnels restera d’ailleurs complétée par leur activité en opérations, pour laquelle on prévoit l’équivalent de 22 jours par personnel.

Ainsi, au total, ce sont 105 jours qui seront consacrés à la préparation opérationnelle des forces en 2014, ce qui correspond là encore au niveau atteint en 2013. Le rapporteur souligne toutefois qu’il conviendra de veiller à ce que si le niveau d’engagement en opérations devait baisser significativement dans les années à venir – notamment avec le désengagement programmé du Mali pour la majorité des forces terrestres qui y ont servi –, il faudrait veiller à ce que cela ne se traduise pas par une érosion progressive du niveau opérationnel des forces en cas d’éloignement prolongé de la cible des 90 JPO.

Pour rendre compte du niveau de préparation des personnels de l’aviation légère de l’armée de terre (ALAT), on utilise l’indicateur d’heures de vol par équipage (HdV). Le niveau d’heures de vol par équipage requis pour projeter un équipage en opération est estimé à 180 heures par an.

Les ressources allouées pour l’exercice 2014 et les exercices suivants permettent d’assurer 156 heures de vol par équipage. Il résulte de l’écart de ce niveau avec la cible de 180 HdV que l’armée de terre consent certains risques pour assurer les relèves en opération. Le projet annuel de performance annexé au rpésent projet de loi de finances indique d’ailleurs que « le seuil de 160 HdV pour un équipage d’hélicoptère constitue une limite basse que le recours aux moyens de simulation ne permet pas de compenser » et que « c’est la raison pour laquelle un effort a été fait pour ne pas descendre significativement sous ce seuil ».

En outre, on peut légitimement estimer qu’un effort d’égalisation reste à opérer entre les trois armées pour mettre fin à des disparités de préparation opérationnelle dans des métiers proches. Ainsi, les pilotes d’hélicoptères de l’ALAT n’ont que 180 heures de vol prévues par an, contre 200 pour l’armée de l’air et 220 pour la marine, et ce alors même que l’armée de terre comptabilise des heures sur hélicoptères de substitution (vol en Gazelle au lieu de Tigre). Or, les conditions d’engagement des pilotes de l’ALAT sont souvent plus dangereuses que pour les autres armes (vol à basse altitude, sous le feu, etc.). Comme le montre le graphique ci-après, l’objectif est d’essayer de remonter le niveau d’heures de vol à partir de 2016, faute de quoi un certain nombre de savoirs faire spécifiques risquent d’être affectés (appontage, poser sur poussière, etc.), tandis que menacerait une spécialisation excessive de certains équipages et que seraient affectés au premier chef les entraînements interarmes et interarmées.

LE SCHÉMA DE PRÉPARATION OPÉRATIONNELLE DES FORCES AÉROTERRESTRES
POUR 2014 ET AU-DELÀ

Source : état-major de l’armée de terre.

Comme le montre le tableau ci-après, le niveau des crédits inscrits pour 2014 au titre de l’entretien programmé des matériels est parmi les plus hauts depuis 2008, reflétant ainsi la priorité accordée à l’activité des forces dans le projet de loi de programmation militaire. Ils permettront ainsi :

– d’assurer la montée en puissance des nouveaux matériels ;

– d’atteindre en métropole un niveau de disponibilité satisfaisant, au maximum entre 75 et 80 % , pour les programmes d’entraînement requis pour que les forces puissent entamer des mises en condition avant projection (MCP) de façon conforme aux prévisions, avec cependant des disparités entre les parcs ;

– de limiter les réductions à imposer sur l’activité de certains parcs (Leclerc, VBCI, VAB, CAESAR, Tigre, Caracal, etc.) et les renoncements partiels à la réalisation de certains stocks, tout en supportant les surcoûts induits par le vieillissement de certains parcs et la prise en compte du soutien des nouveaux équipements.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS CONSACRÉS À L’ENTRETIEN PROGRAMMÉ
DU MATÉRIEL (EPM)

LFI 2008

LFI 2009

LFI 2010

LFI 2011

LFI 2012

LFI 2013

PLF 2014

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

617

558

683

602

841

553

617

558

683

602

841

553

763

722

AE : autorisations d’engagement

CP : crédits de paiement

Source : ministère de la Défense.

Avec 118,7 millions d’euros en autorisations d’engagement et 116,9 millions d’euros en crédits de paiement, la dotation de l’armée de terre au titre de l’entretien programmé du personnel sont en légère hausse par rapport à la moyenne des exercices précédents. Ce niveau de crédits est compatible avec la réduction de la cible quantitative d’équipement du programme « Fantassin à équipement et liaisons intégrés » (Félin).

Lors de son déplacement auprès du 2e RIMa, le rapporteur a pu constater que le système Félin était particulièrement apprécié des personnels qui en sont équipés. L’encadré ci-après présente les caractéristiques de cet équipement.

Le Fantassin à équipement et liaisons intégrés (FELIN)

Le système de combat FELIN est l’un des programmes majeurs de modernisation des forces terrestres. Il contribue notamment à accroître l’efficacité, la protection et l’intégration dans l’espace numérique de bataille des soldats au sol. Constituant un important facteur de supériorité opérationnelle, le système FELIN a été déployé à partir de fin 2011 sur le théâtre afghan, et depuis mai 2013 au Mali.

1. Besoins opérationnels

1.1. Nature

Le système combattant FELIN est un ensemble destiné à équiper le personnel des groupes de combat d’infanterie dont la mission première est l’engagement au contact direct de l’adversaire. Il s’agit d’ensembles intégrés apportant des fonctions de protection, d’observation, de communication, d’agression, de mobilité et de soutien du combattant. Les équipements comprennent gilet de protection, tenue de combat, lunettes de tir jour/nuit, équipement d’observation et de vision jour/nuit, systèmes de communication et d’information, et armes individuelles ou collectives.

FELIN accroît la protection individuelle du combattant et ses capacités d’observation et de combat. Il assure au soldat d’être mieux protégé contre les armes modernes de petit calibre grâce à une ergonomie qui permet, pour un même poids, d’emporter des protections de niveau supérieur. Le système de visée des armes est complètement refondu, augmentant les distances d’efficacité des armements, de jour comme de nuit. Il rend possible la manœuvre et le combat de nuit.

FELIN donne accès à un système d’information tactique simple, facilitant l’élaboration et la transmission des ordres et compte rendu. Il permet l’intégration des groupes de combat dans la numérisation de l’espace de bataille.

1.2. Cible

Dans le cadre du projet de loi de programmation militaire (LPM) 2014 - 2019, le nombre de systèmes FELIN individuels à acquérir au titre du programme est passé de 31 445 à 18 552 équipements.

En outre, le contrat prévoit la réalisation de systèmes d’information terminaux du combattant débarqué (SitComDe) destinés aux chefs de section et aux chefs de groupe spécialisé.

2. Actualité du programme

La qualification du système a été prononcée le 30 avril 2010. Le système a fait l’objet d’une autorisation d’emploi fin 2011 permettant l’engagement en OPEX. Depuis septembre 2010, les écoles de l’armée de terre ainsi que plus de la moitié des régiments d’infanterie sont équipés (les 1er RI, 13e BCA, 16e BC, 35e RI, 8e RIMA, 2e REI, 1er RTIR, 2e RIMA, 27e BCA, 7BCA et 92e RI). La cadence de livraison est de quatre régiments par an, soit 4 036 systèmes FELIN.

Le système FELIN a ainsi été employé en Afghanistan ainsi que, dans une version allégée, au Mali.

Le projet annuel de performance annexé au présent projet de loi de finances comporte une série d’indicateurs qui permet d’apprécier la capacité de l’armée de terre à remplir son contrat opérationnel. Selon ces estimations, l’armée de terre sera en 2014 en mesure de remplir son contrat opérationnel :

– à hauteur de 100 % pour ce qui est d’assurer la fonction stratégique de protection du territoire national, ce taux étant constant depuis 2011 et le projet annuel de performance précisant que toutefois, « pour certaines capacités (hélicoptères, systèmes d’information et de commandement, capacité transport terrestre), un engagement au niveau maximal prévu pour cette fonction stratégique de protection est exclusif d’un engagement au profit d’autres fonctions », ce qui est d’ores et déjà conforme au principe de mutualisation défini par le Livre blanc de 2013 ;

– à 100 % pour ce qui est de la capacité des armées à intervenir dans une situation mettant en jeu la sécurité de la France, soit plus que les années précédentes, le projet annuel de performance indiquant cependant que « la capacité de réaction autonome aux crises ne sera totalement opérationnelle qu’avec l’arrivée du programme lance-roquettes unitaire à compter de 2014 » et que demeurent certaines carences, par exemple en matière de défense sol-air et de feu dans la profondeur ;

– à 100 % concernant la capacité des forces terrestres à circonscrire les crises, le projet annuel de performance notant simplement que le dimensionnement de certains parcs et leur disponibilité technique ne permettraient pas toujours d’assurer de relève.

En revanche, les statistiques présentées par le projet annuel de performance concernant la disponibilité des matériels par rapport aux exigences des contrats opérationnels sont moins bonnes pour l’armée de terre, comme le montre le tableau ci-après.

DISPONIBILITÉ DES MATÉRIELS
PAR RAPPORT AUX EXIGENCES DES CONTRATS OPÉRATIONNELS

Source : projet de loi de finances pour 2014, projet annuel de performance de la mission « Défense ».

 

LFI 2012

LFI 2013

PLF 2014

Évolution
2013–2014

 

AE

CP

AE

AE

AE

CP

AE

CP

Activités opérationnelles

246,06

246,06

265,09

265,09

266,30

266,30

0,46 %

0,46 %

dont : carburant

56,19

56,19

65,5

65,5

57,99

57,99

-11,47 %

-11,47 %

dont : hors carburant

189,87

189,87

199,59

199,59

208,30

208,30

4,36 %

4,36 %

Fonctionnement et activités spécifiques

120,12

120,12

107,15

107,15

95,24

95,24

-11,12 %

-11,12 %

AE : autorisations d’engagement

CP : crédits de paiement

Source : ministère de la Défense.

Comme le souligne le projet annuel de performances annexé au présent projet de loi de finances, « l’effort principal porte sur la rationalisation des fonctions de soutien. En parallèle, la densification du plan de stationnement et la mutualisation des soutiens communs dans les bases de défense se poursuit. Trois fonctions de soutien présentent un potentiel d’économies significatives; il s’agit des fonctions gestion des ressources humaines, organisation des finances et restauration-hébergement ». L’armée de terre possédant le plus grand nombre d’implantations et l’effectif le plus important parmi les armées, cet effort de rationalisation la concerne au premier chef.

 

LFI 2012

LFI 2013

PLF 2014

Évolution
2013–1014

Rémunérations et charges sociales

3 768,32

3 736,45

3 625,30

– 2,97 %

CAS « Pensions »

2 445,31

2 605,95

2 538,32

– 2,59 %

Total

6 213,63

6 342,40

6 163,62

– 2,81 %

Source : ministère de la Défense.

Les mesures retenues pour la construction de ce budget sont les suivantes :

– des mesures d’ajustement général, pour 9,61 millions d’euros de dépenses supplémentaires, comprenant principalement la prise en compte d’un glissement vieillesse et technicité (GVT) positif de 2,6 millions d’euros, la revalorisation des bas salaires pour millions d’euros, et l’évolution des pensions des ouvriers d’État pour 3,2 millions d’euros de réduction de dépenses ;

– des mesures catégorielles, pour 10,5 millions d’euros de dépenses supplémentaires, respectivement au profit du personnel militaire (pour 9,4 millions d’euros) et du personnel civil (pour 1,1 million d’euros) ;

– des mesures d’économie liées aux déflations d’effectifs, pour 63,3 millions d’euros, résultant principalement de l’extension en année pleine des suppressions d’effectifs opérées en 2013 (pour 23,1 millions d’euros) et de nouvelles suppressions d’effectifs (pour 40,2 millions d’euros) ;

– des mesures de transferts d’effectifs vers d’autres postes budgétaires, portant sur un total de 86 ETPT et représentant une économie de 6,11 millions d’euros ;

– des mesures d’économies additionnelles mises en œuvre en 2014 pour un total de 25 millions d’euros, résultant de l’extension en année pleine des économies faites en 2013 (pour 1,4 million d’euros), de la réduction des indemnités opérationnelles (ISC) (pour 1,9 million d’euros), de l’évolution du dispositif des forces prépositionnées hors métropole (pour 4,3 millions d’euros), et la réduction des dépenses non directement liées aux effectifs – dites dépenses « hors-socle » – (pour 10 millions d’euros), et de diverses autres mesures d’économie (pour 7,4 millions d’euros).

Des négociations sont en cours pour déterminer les volumes de déflations d’effectifs à la charge de l’armée de terre en 2014, pour les officiers et les sous-officiers :

– des recrutements qui devraient en effet être réduits de 20 % pour les officiers en 2014, après une première réduction de 23 % en 2013 ;

– des promotions internes qui baisseraient de 13%, après avoir déjà baissé de 8% en 2013 ;

– des tableaux d’avancements une nouvelle fois réduits, de 18 % pour les officiers (après une réduction de 17% en 2013), et de 5 % pour les sous-officiers (après une réduction de 13 % en 2013).

Au demeurant, face à l’objectif de 1 900 départs aidés en 2014, les ressources seront peut-être insuffisantes, avec 667 pécules, 140 promotions fonctionnelles et 125 pensions afférentes au grade supérieur (PAGS). Il conviendra en outre d’éviter que, faute de sélectivité, les départs affectent les spécialités critiques, comme les systèmes d’information et de commandement ou le renseignement.

La condition des personnels demeure un facteur clé de la réponse au contrat opérationnel, mais aussi d’attractivité et de fidélisation. Pour 2014, il paraît donc nécessaire de veiller :

– au maintien du dialogue direct entre l’état-major de l’armée de terre et la base, la qualité de ce dialogue pouvant passer par une adaptation des modes de désignation des personnels impliqués dans le dialogue social au sein des forces ;

– au plan d’amélioration de la condition des personnels, encore en attente ;

– à la révision en équité et à la simplification du régime indemnitaire ; on peut à cet égard citer le cas des disparités indemnitaires des personnels servant les hélicoptères selon leur arme d’appartenance ;

– aux aides à la reconversion.

L’encadré ci-après présente les principales avancées récentes en matière d’amélioration de la condition des personnels de l’armée de terre.

L’amélioration de la condition des personnels passe aussi par l’amélioration de la qualité du casernement. La réalisation du plan VIVIEN, mis en œuvre depuis 1996 et régulièrement adapté aux réorganisations intervenues entre-temps, constitue l’axe principal de la réhabilitation des casernements de l’armée de terre.

Dans un souci de fidélisation de la ressource humaine et de soutien du moral, l’objectif du plan VIVIEN est de fournir un hébergement de qualité au profit de 80 % des militaires du rang et de 25 % des sous-officiers célibataires au sein des formations de l’armée de terre. Les mouvements de formations relatifs à la réorganisation de 2008, la création des bases de défense et le niveau réel des ressources financières accordées aux armées n’ont pas permis d’achever le plan VIVIEN sur la période de la LPM 2009-2014. Il a été procédé à une reprogrammation des investissements pour l’hébergement spécifique des militaires du rang, afin de livrer les dernières infrastructures relevant du plan VIVIEN en 2018. Les tableaux ci-dessous présentent le bilan actuel du plan VIVIEN.

BILAN PHYSIQUE GLOBAL

 

Sous-officiers

Militaires du rang

Total

Réalisation fin 2012

8 564

36 564

45 128

Restant à satisfaire

717

7 179

7 896

Total

9 281

43 743

53 024

BILAN FINANCIER

(en millions d’euros)

Investissement réalisé

1 076

Taux de réalisation : 85 %

Investissement restant à réaliser

184

En plus des investissements du plan VIVIEN, neuf millions d’euros devraient être investis dans la réhabilitation des structures d’hébergement des centres de formation initiale militaire des militaires du rang (CFIM).

Le rapporteur ne consacrera pas ici de longs développements à l’analyse des causes, de l’étendue et des remèdes apportés aux dysfonctionnements de l’écosystème ressources humaines – solde depuis le raccordement de l’armée de terre au logiciel Louvois, en 2011. Le rapport précité de nos collègues Geneviève Gosselin-Fleury et Damien Meslot présente sur ce sujet des analyses très détaillées.

Il faut toutefois préciser qu’à chacun de ses déplacements au sein des unités, le rapporteur a été interpellé par les militaires sur les difficultés qu’ils rencontrent, au quotidien. Que l’État ne soit pas en mesure de verser correctement leur solde aux soldats constitue un véritable scandale : cela nuit à leur moral et sape la confiance qu’ils doivent pouvoir porter aux autorités du ministère de la Défense. Cela laisse le commandement sans moyen de traiter les problèmes quotidiens des personnels, ce qui pourrait ne pas être sans conséquence sur son autorité. Surtout, cela affecte indéniablement le moral des armées.

Il n’en est donc que plus remarquable que les personnels de l’armée de terre, pourtant les plus touchés par les dysfonctionnements de l’écosystème Louvois, se soient manifestés avec sérénité et responsabilité. Devant le rapporteur, le commandant du 2RIMa a résumé l’état d’esprit de ses « Marsouins » dans ces termes : « Louvois ne nous arrêtera pas ».

L’obsolescence de certains matériels est bien connue, et certains cas ont été rappelés supra. Il ne faudrait pas en effet que le succès de certains équipements emblématiques, comme le système Félin ou les éléments du programme SCORPION, fasse en quelque sorte oublier le besoin de renouvellement des matériels de cohérence opérationnelle.

À titre d’exemple, il ne servirait à rien que les nouveaux engins blindés d’infanterie soient équipés de systèmes de radio complexes si les autres « briques » d’un groupement tactique interarmes (GTIA) n’ont pas le même niveau de développement technologique. Quelles que soient les possibilités techniques remarquables de certains équipements, sur le terrain ils ne peuvent être exploités que si l’ensemble des matériels dispose des mêmes possibilités. À défaut, les forces n’ont pas d’autre choix que de s’aligner sur le plus bas standard technologique. C’est là tout l’enjeu de la mise en œuvre coordonnée du programme SCORPION, qui vise à permettre à tous les éléments d’un GTIA de manœuvrer en communiquant efficacement.

À cet égard, le rapporteur observe que des régiments aussi souvent engagés que le 2RIMa sont encore équipés de véhicules de transport hors d’âge, comme les véhicules P4 dont 60 % sont indisponibles.

L’évolution des crédits d’équipement de l’armée de terre constitue donc un point d’attention majeur. Le rapporteur relève d’ailleurs que l’armée de terre a supporté 40 % du total des reports ou annulations en autorisations d’engagement en 2012 et 2013 sur le programme 146 « Équipement des forces », alors qu’elle ne représente que 20 % des crédits de ce programme. De plus, selon les indications fournies par l’état-major des armées, les réductions de cibles capacitaires et les décalages calendaires concernant le programme SCORPION dans le cadre du projet de loi de programmation militaire 2014-2019 ont pour conséquence une réduction de plus de 50 % des crédits destinés chaque année à la réalisation de ce programme : sans doute y a-t-il un seuil en deçà duquel il serait difficile d’aller sans mettre en difficulté la cohérence d’ensemble de ce programme, mais la réduction prévue va permettre de conduire ce programme dans toute sa cohérence d'ensemble. Une attention particulière doit y être apportée.

Un des principaux points de vigilance sur lesquels l’attention du rapporteur a été appelée lors de ses déplacements auprès des forces concerne les conditions dans lesquelles les personnels de l’armée de terre sont informés des réformes en cours d’élaboration.

Notamment, le fait que des objectifs de déflation aient été annoncés sans que soient indiquées d’emblée les restructurations envisagées pour les atteindre est de nature à créer un sentiment d’insécurité, voire d’anxiété, parmi les personnels.

Il est donc souhaitable qu’un plan de réforme complet et clair puisse être présenté aux personnels de l’armée de terre, afin non seulement de dissiper le climat anxiogène qu’ils ressentent, mais aussi de leur permettre de s’approprier la réforme et de continuer à se concentrer sur l’exercice de leur métier.

De même, pour mener à bien les déflations d’effectifs prévues, il est indispensable que le dispositif d’aide à la reconversion fonctionne et soit bien connu des personnels. Le rapporteur a pu constater lors de son déplacement au sein du 2RIMa que la présence d’une antenne de l’Agence de reconversion de la Défense au sein même de l’implantation militaire était utile pour faire connaître aux militaires et aux civils les dispositifs existants d’aide à la reconversion, dont l’encadré ci-après présente les grandes lignes.

La reconversion des personnels de l’armée de terre

La reconversion des militaires est un droit pris en compte dès quatre ans de service – avant ce seuil d’ancienneté, les personnels peuvent bénéficier de mesures de placement – et pour tout demandeur d’emploi jusqu’à 3 ans après leur départ de l’armée.

Ce dispositif poursuit un double objectif :

– assurer le renouvellement des personnels, garantie de l’impératif de jeunesse des forces ;

– diminuer le chômage des anciens militaires : on relèvera à cet égard qu’en 2012, le taux de reclassement des militaires ayant servi plus de quatre ans s’établissait à 71 %.

Pendant sa vie professionnelle, le militaire bénéficie d’informations, d’actions d’orientation, de bilans de compétence et de dispositifs de validation des acquis professionnels qui préparent sa reconversion.

Au moment de son départ, le militaire est conduit à définir un projet professionnel. L’Agence de reconversion de la Défense, service du ministère à compétence nationale créé en 2009 et dit « Défense mobilité », aide le militaire partant à élaborer son projet professionnel, le valide et détermine la nature et la durée de l’aide nécessaire à sa mise en œuvre. Elle dispose pour cela de huit « pôles Défense mobilité » et d’une antenne dans chaque base de défense, ainsi que d’un centre militaire de formation professionnelle.

En fonction des caractéristiques de son projet professionnel et à l’issue des étapes d’orientation et de validation, le candidat à la reconversion peut demander à bénéficier soit :

– d’actions d’accompagnement vers l’emploi (1 890 bénéficiaires en 2012) ;

– d’actions de formation professionnelle organisées soit en milieu civil (1 803 bénéficiaires en 2012), soit en milieu militaire : l’armée de terre propose ainsi 109 formations préparant à 44 métiers différents, dont bénéficient en moyenne 600 engagés volontaires de l’armée de terre chaque année (90% d’entre eux trouvant un emploi dans les six mois) ;

– d’un accès direct à l’emploi ;

– d’un accès à la fonction publique (662 bénéficiaires en 2012).

SECONDE PARTIE – LE RENFORCEMENT DES FORCES SPÉCIALES ET LEUR ARTICULATION AVEC LES FORCES TERRESTRES

Le rapporteur a choisi de consacrer cette année une large partie de ses travaux à l’articulation entre l’armée de terre et les forces spéciales, dans l’optique du renforcement de celles-ci prévu par le Libre blanc de 2013. Il en ressort que si la montée en puissance des forces spéciales est nécessaire et légitime, elle doit être mise en œuvre dans des conditions qui n’en fassent pas une sorte de quatrième armée coupée de forces conventionnelles.

Dès la seconde guerre mondiale, des unités commandos ont été créées au sein des forces armées : commando Kieffer, 11bataillon de choc, etc., sans que leur utilisation fasse l’objet d’une doctrine et d’une chaîne de pilotage globale et cohérente. À la suite de la première guerre du Golfe de 1991, un « groupement » de « forces spéciales » a été créé, mais il est resté cantonné à des missions de circonstances sans déploiement dans la profondeur, et in fine sous-utilisé.

C’est pourquoi, en 1992, a été créé le commandement des opérations spéciales (COS), commandement interarmées opérationnel placé directement sous les ordres du chef d’état-major des armées et chargé de la conception, de la planification et de la conduite des opérations spéciales.

La doctrine nationale d’emploi des forces spéciales est comparable à celle des pays possédant ce type de capacité et les utilisant en conditions opérationnelles sur les théâtres extérieurs.

En France, la doctrine interarmées des opérations spéciales est en cours de réécriture par le centre interarmées de concepts, doctrines et expérimentations (CICDE) pour prendre en compte le retour d’expérience des récents engagements, en particulier en Afghanistan et dans la bande sahélo-saharienne.

Son principe fondamental ne devrait pas changer : « les opérations spéciales sont des activités militaires menées par des unités des forces armées spécialement désignées, organisées, entraînées et équipées, appelées forces spéciales, pour atteindre des objectifs militaires ou d’intérêt militaire présentant un caractère stratégique et imposant un contrôle politico-militaire étroit et permanent »

Ces opérations, qui utilisent des techniques opérationnelles et des modes d’action inhabituels aux forces conventionnelles, sont conduites en temps de paix, de crise ou de guerre, indépendamment des opérations conventionnelles ou en coopération avec celles-ci. Elles diffèrent des actions militaires classiques par les faibles effectifs engagés, les délais de mise en œuvre, les effets attendus, la durée, le lieu ou le domaine d’application, etc.

Sans être exhaustif, les opérations spéciales présentent les caractéristiques suivantes :

– elles s’exercent le plus souvent sur des objectifs sensibles, voire critiques, à haute valeur : elles peuvent nécessiter un niveau de risque politique, militaire ou physique plus élevé que celui généralement admis dans les opérations conventionnelles ;

– fondées sur la surprise et recourant à des modes d’action très discrets qui garantissent leur efficacité et leur sécurité, elles demandent un haut degré de confidentialité ;

– le plus souvent menées par des modules autonomes hautement spécialisés et entraînés, elles s’effectuent dans un cadre espace-temps généralement différent de celui des autres forces engagées ;

– se traduisant par un emploi maîtrisé de la force, elles nécessitent parfois des capacités de neutralisation faisant appel à des équipements spéciaux de haute technologie ;

– habituellement menées dans des zones sensibles voire hostiles, parfois à une grande distance des bases, elles nécessitent des moyens spécifiques de communication, d’infiltration et d’exfiltration ;

Les missions réalisées sont la plupart du temps de type « commando » :

– recueil de renseignement ;

– attaque d’objectifs ;

– neutralisation de lignes de communication, localisation ;

– capture et récupération de personnels ou de matériels ;

– positionnement de munitions, engins et appareillages spécifiques ;

– neutralisation d’installations et de réseaux sensibles ;

– actions de diversion ;

– contre-terrorisme (libération d’otages, reprise de navires, etc.) ;

– appuis spéciaux (commandement, transport, feu, etc.) ;

Les opérations spéciales sont nettement différenciées des opérations clandestines : ce sont des opérations militaires, conduites par des militaires, sur ordre du chef d’état-major des armées, dans le cadre général du droit sur les conflits armés.

Quel que soit le cadre de leur engagement (multinational ou national) et la nature de l’opération (autonome ou en lien avec les forces conventionnelles), les forces spéciales relèvent d’une chaîne de commandement ad hoc :

– le chef d’état-major des armées conserve le « commandement opérationnel » des forces spéciales engagées (c’est-à-dire qu’il leur assigne leurs missions, leur affecte leurs moyens, et ordonne le déploiement des unités). S’il en délègue le « contrôle opérationnel » (c’est-à-dire l’autorité de planification de l’engagement et de déploiement des moyens), il conserve la capacité de le reprendre très rapidement de manière directe, ou via le COS. À cet effet, ce dernier conserve systématiquement une liaison fonctionnelle avec les unités engagées ;

– les ordres d’opération des détachements ou groupements interarmées de forces spéciales sont systématiquement validés par le chef d’état-major des armées sur proposition du général commandant les opérations spéciales (GCOS) ;

– les mesures de coordination ainsi que la vérification de la compatibilité des opérations spéciales avec les autres opérations en cours sur le même théâtre sont définies en concertation avec le sous-chef « opérations » de l’état-major des armées.

Le schéma ci-après présente cette chaîne de commandement distincte de celle des armées.

LA CHAÎNE DE COMMANDEMENT DES FORCES SPÉCIALES

Source : ministère de la Défense.

Comme le centre de planification et de contrôle des opérations (CPCO) et les postes de commandement interarmées de théâtre, le COS est organisé selon la structure OTAN standard, c’est-à-dire en neuf départements principaux (5), ce qui facilite la coordination des forces.

Les forces spéciales sont constituées d’unités désignées par le chef d’état-major parmi les trois armées, et parmi lesquelles les forces terrestres fournissent 75 % des effectifs. Il s’agit :

● pour la partie interarmées des forces spéciales :

– de l’état-major du COS (89 hommes dont 43 % de l’armée de terre, 28 % de la marine, 24 % de l’armée de l’air et 5 % d’autres services), basé à Villacoublay ;

– du groupe interarmées d’hélicoptères (GIH), armé de 54 militaires et équipé de cinq hélicoptères PUMA SA330 de l’armée de terre et de deux appareils du même type de l’armée de l’air ;

● pour l’armée de terre :

– de l’état-major de la brigade des forces spéciales terre (BFST), composé d’un état-major et d’une compagnie de commandement et des transmissions (CCTFS), basé à Pau, armé de 154 militaires et équipé de 23 véhicules de type conventionnel (6) ;

– du premier régiment parachutiste d’infanterie de marine (1er RPIMa) basé à Bayonne, armé de 797 militaires et doté de 37 véhicules spécifiques aux forces spéciales (7)et 166 véhicules de type conventionnel (8) ;

– du 13e régiment de dragons parachutistes (13e RDP) basé à Souge, dont l’utilisation est partagée avec la direction du renseignement militaire (DRM), doté d’un effectif de 796 militaires et équipé de 15 véhicules spécifiques aux forces spéciales (9) ainsi que de 152 véhicules de type conventionnel (10) ;

– du 4e régiment d’hélicoptères des forces spéciales (4e RHFS), composé de quatre escadrilles d’hélicoptères basées à Pau et de deux escadrilles du GIH basées à Villacoublay. Il compte 239 militaires dont 54 militaires du GIH et six pilotes de l’armée de l’air. Pau rassemble 35 hélicoptères, dont 13 hélicoptères légers Gazelle, 15 hélicoptères de manœuvre soit (cinq Cougar et 10 Caracal dont deux appartenant à l’armée de l’air), cinq Tigre et deux Puma, ainsi que de 17 véhicules de type conventionnel.

● pour la marine :

– d’un état-major basé à Lorient, sous l’autorité de l’amiral commandant les fusiliers marins commandos (ALFUSCO), armé de 70 personnels et chargé de la tutelle organique (entraînement, préparation, équipement) des moyens de la marine pour les forces spéciales ainsi que des fusiliers marins (protection et combat défensif) qui ne font pas partie des forces spéciales ;

– de cinq commandos (11) basés à Lorient ;

– du commando Hubert spécialisé en action sous-marine, basé à Saint-Mandrier et composé d’une centaine de personnes ainsi que d’une structure de soutien propre ;

– de la base des fusiliers marins commandos de Lorient (BASEFUSCO) est armée par 180 personnels chargés de l’entretien et de la mise en œuvre des principaux matériels nécessaires aux opérations des commandos.

● pour l’armée de l’air :

– du bureau des forces spéciales (BFS) basé à Dijon et armé de 11 personnels, chargé de la tutelle organique des moyens de l’armée de l’air ;

– du commando parachutiste de l’air 10 (CPA 10) basé à Orléans, comptant de 254 hommes, et chargé notamment de faciliter l’engagement des moyens aériens dans la profondeur et de missions spécifiques (désignation d’objectifs aux chasseurs bombardiers, prise par la force d’une zone aéroportuaire, renseignement image, préparation de pistes sommaires, etc.) ;

– de l’escadron de transport Poitou basé à Orléans, composé de 128 hommes et équipé de quatre C160 Transall, deux C130 hercules et deux DHC-6 Twin Otter.

Les trois armées sont tenues de mettre à la disposition du COS des unités équipées, suivant un contrat opérationnel où sont détaillés le volume, la qualité et la réactivité maximaux des équipements et des troupes. Ce sont donc les armées qui sont chargées de l’acquisition et du maintien en condition opérationnelle de la large gamme d’équipements employés. Les équipements majeurs sont donc acquis et entretenus suivant les procédures habituelles. Une procédure dite « d’urgence opérationnelle » permet en outre aux armées d’acquérir sous certaines conditions des équipements sur étagère en raccourcissant les délais d’achat, mais son utilisation reste exceptionnelle.

La responsabilité de la cohérence organique des forces spéciales des trois armées est exercée depuis 2009 par le COS qui est « l’autorité unique chargée d’harmoniser, en liaison avec chacune des armées, l’expression des besoins en matière d’équipements pour les forces spéciales »  (12). Pour cela, l’état-major des armées et le COS ont établi le 5 juillet 2011 un schéma directeur de l’équipement des forces spéciales. Le COS assure aussi la prospective d’équipements nouveaux et joue le rôle de laboratoire technico-opérationnel au profit des forces spéciales et, par ricochet, de l’ensemble des forces armées à plus long terme.

Concernant l’entraînement et la préparation des unités relevant des forces spéciales, chaque armée les assure pour ses propres unités. Ainsi, pour l’armée de terre, l’entraînement est assuré à trois niveaux :

– une formation initiale du soldat des forces spéciales commune à toutes les unités, gérée par la BFST, d’environ 15 semaines, et comprenant le brevet parachutiste, la conduite de véhicules, le tir, etc. ;

– une formation spécialisée du régiment, axée sur les savoir-faire spécifiques, d’une durée de deux à trois mois ;

– des exercices du niveau de la brigade, mêlant les unités de l’armée de terre, ou du niveau interarmées sous contrôle du COS (par exemple, des exercices en milieu désertique à Djibouti).

Il est à noter toutefois qu’il existe pour le COS une procédure dérogatoire d’achat de matériels, pour les équipements dont le prix unitaire ne dépasse pas 15 000 euros. Selon les explications du général Grégoire de Saint-Quentin, général commandant des opérations spéciales (GCOS), cette procédure permet à l’état-major du COS d’expérimenter des matériels nouveaux, et de tester des idées qui remontent du terrain. Le COS entretient d’ailleurs des liens étroits avec les industriels concernés, principalement des petites et moyennes entreprises innovantes. Le COS a d’ailleurs participé activement à la mise en place et à l’animation du premier salon industriel consacré aux forces spéciales en Europe, le SOFINS (Special Operation Forces Innovation Network Systems), qui s’est tenu en France en 2013.

Depuis la création du COS en 1992, les forces spéciales ont très régulièrement été engagées sur des théâtres extérieurs. Parmi leurs interventions les plus notables, on peut retenir par exemple :

– l’opération Oryx (décembre 1992 - janvier 1993), en Somalie ;

– l’opération Amaryllis (avril 1994), au Rwanda ;

– l’opération Turquoise (juin - juillet 1995), au Rwanda ;

– l’opération Azalée (septembre - octobre 1995), aux Comores ;

– l’opération Almandin (1996), en République Centrafricaine ;

– l’opération Alba (mars - juillet 1997), en Albanie ;

– l’opération Kahia (décembre 1999), en Côte d’Ivoire ;

– l’opération Vulcain (14 août 2000), au Kosovo ;

– l’opération Artémis (juillet - septembre 2003), en République Démocratique du Congo ;

– l’opération Arès (août 2003 - janvier 2007), en Afghanistan ;

– l’opération Licorne, en Côte d’Ivoire ;

– l’opération Benga (juillet - décembre 2006), en République Démocratique du Congo ;

– l’opération Boali (mars 2007), en République Centrafricaine ;

Dernièrement, comme le notent nos collègues Christophe Guilloteau et Philippe Nauche dans un récent rapport d’information sur l’opération Serval au Mali (13), l’intervention des forces spéciales, qui offrent un panel d’options militaires permettant de répondre rapidement à des situations d’urgence et complexes, a été particulièrement déterminante dans le succès de l’opération Serval : non seulement les forces spéciales françaises étaient engagées depuis 2008, dans le cadre du « plan Sahel », dans des actions de formation des forces de plusieurs États de la région, y compris au Mali, mais surtout, c’est le positionnement d’un détachement de 250 hommes au Burkina-Faso qui leur a permis de donner le premier coup d’arrêt à la progression des groupes armés djihadistes vers le sud, dès le 11 janvier, et de capturer ou éliminer par la suite certaines high value targets, c’est-à-dire de hauts responsables des groupes armés djihadistes.

Il ressort des informations fournies au rapporteur par le ministère de la Défense que le taux d’activité des unités relevant des forces spéciales est relativement élevé.

Pour l’armée de terre, les commandos des forces spéciales effectuent une moyenne légèrement inférieure à deux déploiements opérationnels de quatre mois par an. Les équipages d’hélicoptères du 4e RHFS effectuent en moyenne deux à trois déploiements annuels d’une durée de deux à trois mois.

S’agissant de la marine, pour un commando constitué, sur un cycle opérationnel de deux années, environ 50 % du temps est consacré aux déploiements opérationnels.

Concernant l’armée de l’air, une partie du personnel de l’escadron Poitou est déployée en permanence, que ce soit pour des opérations extérieures ou pour de l’entraînement. Le « curseur » n’est jamais stable et peut aller de deux à quatre avions déployés sur les cinq que compte l’escadron. En situation opérationnelle standard, un avion est engagé en permanence et peut être renforcé en fonction du besoin par un ou deux avions supplémentaires. Quant au CPA 10, son activité est plus constante, les variations étant essentiellement dues à l’engagement de personnel isolé dans des structures de commandement ou d’encadrement.

Constatant que « les forces spéciales se sont imposées comme une capacité de premier plan dans toutes les opérations récentes », qu’« elles sont particulièrement adaptées aux besoins accrus de réaction dans l’urgence, en souplesse et dans la profondeur contre un dispositif hostile ou complexe » et qu’« elles offrent au commandement militaire et aux autorités politiques des options diverses et adaptées, souvent fondées sur la surprise », le paragraphe 2.5 du rapport annexé au projet de loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019 fait du renforcement des moyens des forces spéciales une priorité.

Il prévoit ainsi que les moyens des forces spéciales « seront accrus et la dimension interarmées confortée », précisant que « leurs effectifs seront renforcés d’environ 1 000 hommes, de façon progressive, adaptée à la spécificité de leurs actions et de leur recrutement et formation ».

S’agissant de leurs équipements, le même paragraphe précise qu’ils « feront l’objet d’un effort spécifique, marqué en particulier par la réalisation du programme de transmissions sécurisée Melchior et les livraisons des premiers véhicules adaptées aux opérations spéciales (programme d’ensemble VLFS/PLFS) ». Il prévoit également que « les moyens aériens et aéromobiles feront l’objet d’un effort particulier ».

Le rapporteur souligne que les forces spéciales comptant environ 3 000 hommes aujourd’hui, l’augmentation programmée de leur effectif à hauteur de 1 000 personnels est particulièrement conséquente.

Le projet de loi de programmation militaire 2014-2019 fait allusion à certaines évolutions dans l’organisation des forces spéciales, sans apporter de précisions très concrète.

Il prévoit ainsi que « l’ensemble de la flotte de Caracal des armées sera regroupé sur un seul site sous l’autorité du commandement des opérations spéciales », sans préciser s’il s’agira du site de Pau ou de celui de Cazaux. Pour le rapporteur, qui s’est déplacé auprès des implantations de la BFST, les installations du 4e RHFS à Pau offrent une structure adaptée – enceinte sécurisée, piste accessible aux gros porteurs – permettant d’obtenir des gains opérationnels et financiers conséquents. Pour le général de Saint-Quentin, quelle que soit l’option retenue, l’important est que la nouvelle organisation permette d’optimiser la disponibilité de la flotte d’hélicoptères, en renforçant notamment les moyens consacrés à sa maintenance, afin que les forces spéciales puissent avoir la réactivité que l’on attend d’elles.

Le Livre blanc mentionne également à juste titre le renforcement de la capacité des forces spéciales « à se coordonner avec les services de renseignement ».

Un accroissement incontrôlé du volume des forces spéciales, ayant un impact à la baisse sur leur niveau de spécialisation et de technicité, aurait pour conséquence probable un risque d’usage des forces spéciales en dehors du champ défini par leur doctrine d’emploi, c’est-à-dire hors du « haut du spectre » des missions militaires.

Pour le rapporteur, une « banalisation » de l’emploi des forces spéciales serait contraire à ce qui fait leur spécificité au sein des armées. Comme l’a reconnu devant le rapporteur le général de Saint-Quentin, la tentation a pu exister dans le passé pour les chefs opératifs, avant que notre système de forces spéciales n’atteigne son degré actuel de maturité, d’utiliser la composante « forces spéciales » pour des opérations qui ne relevaient pas par nature de leur créneau de compétence. Toutefois, selon lui, l’articulation entre les forces spéciales et les forces conventionnelles est de plus en plus fluide, et les créneaux d’emploi de chaque composante d’une force interarmées de théâtre – composantes « terre », « mer », « air » et « forces spéciales » – sont désormais tout à fait clairs, comme en a témoigné leur complémentarité dans le cadre de l’opération Serval au Mali.

C’est la raison pour laquelle, selon les informations recueillies par le rapporteur, le COS, l’état-major des armées et l’état-major de l’armée de terre privilégient dans leurs travaux sur les modalités de renforcement des forces spéciales un effort sur certains axes précis d’amélioration de ses capacités relevant du COS : les moyens de commandement, les effectifs de commandos et la qualité des personnels. Comme le général de Saint-Quentin l’a confirmé au rapporteur, le COS lui-même n’est pas favorable à l’option de l’intégration d’un régiment complet au sein des forces spéciales, préférant renforcer les effectifs des unités existantes. Les renforcements capacitaires seront opérés de façon à conserver la cohérence d’ensemble des forces spéciales : rien ne leur servirait de disposer d’effectifs supplémentaires ou d’intégrer de nouvelles unités si elles n’avaient pas les moyens de mettre à leur disposition les équipements adaptés et d’assurer leur préparation opérationnelle dans de bonnes conditions – à cet égard, le rapporteur relève que le nombre d’heures de vol par équipage d’hélicoptère des forces spéciales et déjà sous tension.

Il est d’autant plus important que le renforcement des forces spéciales passe par une meilleure articulation avec les éléments spécialisés les plus performants des forces conventionnelles – qui constituent le « deuxième cercle » des forces spéciales : commandos parachutistes, pilotes d’hélicoptères, etc. – qu’avec les déflations prévues, va se réduire le vivier de recrutement que constituent les forces conventionnelles pour les forces spéciales.

Aussi une synergie plus grande mérite-t-elle d’être recherchée avec la brigade parachutiste, la brigade de renseignement et la brigade d’infanterie de montagne, ainsi qu’avec des unités ayant des compétences rares : unités de guerre électronique, spécialistes du risque nucléaire, radiologique, bactériologique et chimique (NRBC), équipes cynophiles, etc.

Ainsi, en somme, les forces spéciales se sont imposées depuis vingt ans comme une quatrième composante de toute opération d’envergure, sans avoir vocation pour autant à devenir une quatrième armée, comme elles le sont aux États-Unis. Le général commandant du COS a lui-même estimé devant le rapporteur qu’une telle option serait déraisonnable, car inadaptée à notre modèle d’armée et au format des forces armées françaises. Des adaptations à l’organisation actuelle devront garantir la satisfaction de leurs besoins, notamment en matière de programmation budgétaire, d’expérimentation et de mise en service opérationnelle des équipements.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Après l’audition de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense, lors de la commission élargie (voir le compte rendu de la réunion du 23 octobre 2013 à 16 heures 15 (14)), la commission de la Défense examine, pour avis, les crédits de la mission « Défense » pour 2014.

La commission examine l’amendement DN22 de M. Fromion.

M. Yves Fromion. Je tiens à préciser que si cet amendement ne comprend que mon nom, j’y associe l’ensemble des commissaires du groupe UMP.

Nos forces armées sont confrontées à un réel déficit d’entraînement à cause de l’insuffisance des moyens qui leur sont accordés par le programme 178 « Préparation et emploi des forces ». La lecture des indicateurs de performance figurant dans le « bleu budgétaire » confirme cette appréciation. Elle permet de constater une réduction dangereuse, pour tout dire inacceptable, des ratios d’entraînement des forces. Les journées d’activité par homme, les heures de vol des pilotes et les jours de mer par bâtiment sont réduits de façon déraisonnable.

Je propose d’inverser cette tendance en prélevant un milliard d’euros sur le programme 402 « Excellence technologique des industries de défense » pour les verser au programme 178. Les crédits du programme 402 sont abondés cette année par les ressources exceptionnelles issues du plan d’investissements d’avenir (PIA) et je considère plus urgent de privilégier l’entraînement des forces aux dépenses de recherche, qui peuvent être légèrement décalées.

M. Jean-Jacques Bridey, rapporteur pour avis. Je suis totalement défavorable à cet amendement. Les ressources exceptionnelles attendues pour la mission « Défense » sont de 1,7 milliard d’euros pour l’année 2014, dont l’essentiel vient effectivement du PIA. Il est fondamental que notre recherche en bénéficie.

Mme la Présidente Patricia Adam. Je tiens à préciser que le programme 402 finance les recherches nécessaires en matière de dissuasion et d’observation spatiale, et notamment le programme MUSIS dont vous connaissez tous l’importance pour nos armées.

M. Yves Fromion. Je souligne que mon amendement ne concerne que l’action du programme 402 finançant la recherche en matière de dissuasion nucléaire.

Mme la Présidente Patricia Adam. Encore mieux, venant d’un gaulliste comme vous !

M. Yves Fromion. Je considère en effet que le nucléaire peut sans doute consentir un léger décalage dans le temps au profit de la priorité assumée de l’entraînement.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement DN22. Elle examine ensuite l’amendement DN18 de M. Fromion.

M. Yves Fromion. Cet amendement propose d’abonder les crédits du programme 178 pour financer l’acquisition de nouveaux canons d’artillerie de gros calibre CAESAR. Alors que la précédente LPM prévoyait l’acquisition de nouveaux systèmes, le projet actuel de LPM ne prévoit aucune commande dans ce domaine. Nous risquons donc de perdre notre compétence artillerie de gros calibre. Cela irait à l’encontre de ce que nous avait affirmé le ministre tout à l’heure, à savoir que le projet de LPM ne comportait aucun risque de rupture capacitaire. Poursuivons donc le programme CAESAR, comme nous le faisons avec le Rafale, pour maintenir un seuil minimum de compétence.

M. Joaquim Pueyo, rapporteur pour avis. Le ministre vient de nous expliquer que ce risque de rupture capacitaire n’existait pas pour le moment. Il est trop tôt pour effectuer de nouvelles commandes. Je suis donc défavorable à cet amendement.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement DN18. Elle examine ensuite l’amendement DN19 de M. Fromion.

M. Yves Fromion. Le ministre s’est déjà exprimé sur les équipements d’accompagnement et de cohérence (EAC) et a rappelé leur importance. La faible dotation qu’ils reçoivent au sein du programme 178 rend difficile l’accomplissement des missions de l’état-major de l’armée de terre. Année après année, les chefs d’état-major successifs de l’armée de terre attirent notre attention sur la faiblesse de ces dotations. Il faut donc remédier à cette situation et faire en sorte que ces équipements ne soient pas les laissés pour compte de la programmation.

M. Joaquim Pueyo, rapporteur pour avis. Je suis défavorable à cet amendement.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement DN19. Elle examine ensuite l’amendement DN20 de M. Fromion.

M. Yves Fromion. Cet amendement est la déclinaison du précédent pour les forces navales.

M. Gilbert Le Bris, rapporteur pour avis. Cet amendement propose d’augmenter les crédits d’EAC des forces navales de 50 millions d’euros pour 2014. Mais le projet de loi de finances prévoit déjà de les augmenter de 45 millions en 2014, avec une augmentation de 86 % avec fonds de concours et attributions de produits par rapport à l’année passée. Je dirais donc que cet amendement est satisfait.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement DN20. Elle examine ensuite l’amendement DN21 de M. Fromion.

M. Yves Fromion. Comme les deux précédents, cet amendement propose d’augmenter les crédits d’EAC mais, cette fois, de l’armée de l’air.

M. Serge Grouard, rapporteur pour avis. Je suis d’accord sur le fond de cet amendement et l’importance qui doit être accordée aux crédits d’EAC de l’armée de l’air. Mais le problème est que cet amendement prélève des crédits sur le programme 402, qui est tout aussi important.

On comprendra donc que je ne peux donner un avis favorable à cette proposition, car j’ai déjà annoncé que je donnerai un avis défavorable aux crédits « Préparation et emploi des forces » de l’armée de l’air. Je m’abstiendrai donc sur cet amendement.

La commission rejette l’amendement DN21.

Mme la présidente Patricia Adam. Nous allons maintenant passer aux votes sur les crédits de la mission « Défense ».

M. Alain Marty, rapporteur pour avis. Je tiens à préciser que je m’abstiendrai sur les crédits concernant le « Soutien logistique et interarmées ».

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* *

Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la commission émet un avis favorable à l’adoption les crédits « Préparation et emploi des forces : Forces terrestres » de la mission « Défense ».

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