N° 1434 tome IV - Avis sur le projet de loi de finances pour 2014 (n°1395)



N
° 1434

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 octobre 2013

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2014 (n° 1395)

TOME IV

ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT ET MOBILITÉ DURABLES

TRANSITION ÉCOLOGIQUE

PAR M. Denis BAUPIN

Député

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Voir le numéro : 1428 (Tome III, annexe 15).

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 5

I. LES CRÉDITS POUR LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE ET ÉCOLOGIQUE 9

A. FAIRE FACE AU DÉRÈGLEMENT CLIMATIQUE ET AU RISQUE NUCLÉAIRE 9

1. Le cri d’alarme du GIEC 9

2. La place de l’énergie nucléaire dans le bouquet énergétique 11

a. Le mythe de la sûreté nucléaire 12

b. Le mythe d’une électricité à bas coût 12

c. Des dépenses assurées par la collectivité publique 14

3. La France à la traîne, dans une Union européenne qui doit passer du discours aux actes 15

a. Les énergies renouvelables 16

b. Des difficultés à respecter les objectifs d’efficacité énergétique 16

c. Aller au-delà du paquet climat - énergie 17

4. Un cadre européen sous-exploité 18

B. L’ÉVOLUTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME 174 18

C. LES CRÉDITS DES PROGRAMMES 403 ET 404 24

1. Le programme 403 25

a. L’accompagnement de projets innovants et ambitieux 25

b. Un mécanisme de participations, de subventions et d’avances remboursables 26

2. Le programme 404 27

II. ENGAGER RÉSOLUMENT LA FRANCE DANS UNE POLITIQUE DE TRANSITION ÉNERGÉTIQUE ET ÉCOLOGIQUE 29

A. LA RÉAFFIRMATION D’UNE PRIORITÉ 29

1. Sobriété et efficacité énergétiques 29

2. Énergie et mobilité : un signal à donner à la société 31

3. Renforcer le dispositif des certificats d’économie d’énergie 33

a. Un objectif d’économies d’énergie 33

b. Des résultats incontestables 34

c. Rechercher la cohérence avec la politique d’efficacité énergétique 35

4. Fiscalité environnementale : des signaux contradictoires 36

5. Le financement de la transition énergétique : mettre en adéquation les ambitions et les moyens 37

B. LES CONDITIONS D’UN CHANGEMENT DU MODÈLE ÉNERGÉTIQUE DE LA FRANCE 38

1. Un choc de simplification nécessaire pour les énergies renouvelables 38

2. Définir des filières industrielles de la transition énergétique 40

a. Des activités créatrices d’emplois 41

b. Donner un signal clair au secteur des énergies renouvelables 42

3. Énergie et écologie : le rôle primordial des collectivités territoriales 43

a. Les énergies renouvelables ou la décentralisation de fait 43

b. Les territoires à énergie positive 46

c. La multiplication des expériences locales d’économie circulaire 47

EXAMEN EN COMMISSION 49

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 51

INTRODUCTION

L’année 2013 a-t-elle permis d’établir une stratégie qui engage notre pays sur la voie de la transition écologique dès 2014 ?

Telle est la préoccupation qui guide l’examen par votre Rapporteur pour avis des crédits de l’écologie, du développement et de la mobilité durables, prévus par le projet de loi de finances pour 2014, plus particulièrement les programmes 174, 403 et 404.

Rappelons que le Président de la République a été élu sur un programme mettant l’accent sur la transition énergétique. Il a confirmé ses engagements devant la première Conférence environnementale des 14 et 15 septembre 2012. Cette conférence avait donné lieu à l’affirmation d’un principe clair. Le Président de la République avait en effet affirmé que la préservation de l’environnement ne devait pas être considérée comme une contrainte mais comme une opportunité, afin de dessiner un nouveau modèle de développement économique : « Notre pays fait face à des défis climatiques et énergétiques sans précédent. La lutte contre le réchauffement est non seulement une cause planétaire, mais peut aussi être le levier d’un nouveau modèle de croissance à la fois intelligent, durable et solidaire. La France doit s’engager résolument dans la transition énergétique ».

Parallèlement à l’affirmation d’une volonté politique, la Conférence environnementale engageait notre pays, pour la première fois de son histoire, dans un débat sur sa stratégie énergétique associant tous les acteurs : Gouvernement, Parlement, collectivités locales, syndicats de salariés et d’employeurs, organisations non gouvernementales (ONG) et experts scientifiques. Ce débat devait permettre non seulement d’organiser la transition énergétique, mais aussi de dégager de nouveaux consensus au sein de la société française, utiles pour l’environnement, justes socialement et favorables à l’emploi, à l’économie et aux territoires. En d’autres termes, définir une politique où les transports publics et privés pollueraient moins, où les logements et les bâtiments consommeraient moins d’énergies, où les énergies renouvelables se développeraient sur une base décentralisée, où enfin les nouvelles technologies permettraient de piloter intelligemment les réseaux de flux d’énergie. Le débat s’est achevé le 18 juillet 2013 et a permis de dégager une synthèse largement partagée par tous les acteurs, avec de nombreux consensus et un certain nombre de dissensus qu’il revient au pouvoir politique de trancher…

Huit mois de négociation ont en effet confirmé que la question énergétique, à l’instar de nombreuses autres, voit se manifester des résistances, parfois liées à des intérêts divergents difficilement conciliables, mais plus souvent signes d’une nécessité d’approfondissement du débat pour dépasser les postures et rechercher de vrais compromis. Une partie du Mouvement des entreprises de France (MEDEF), tout comme certains syndicats de salariés, défend ainsi l’actuel modèle électrique, fondé sur l’énergie nucléaire et une croissance continue de la demande en énergie, garante à ses yeux d’un prix bas de l’électricité qui préserve la compétitivité des entreprises. Ce point de vue n’emportait pas l’unanimité au sein des représentants du secteur privé, mais les industriels travaillant au service des économies d’énergie ou des énergies renouvelables ont été marginalisés par les seuls représentants des producteurs des vieilles énergies. La position de votre Rapporteur pour avis sur cette question est non seulement que la société française vit dans l’illusion d’une électricité peu chère parce que les coûts réels de l’énergie nucléaire ne sont pas répercutés dans les prix acquittés par les usagers (et sont donc assurés par l’État et les générations à venir) mais surtout qu’il convient dorénavant d’élargir la vision, de considérer que le prix de la facture est le résultat de la multiplication du tarif par la consommation, et donc – à prix de l’énergie et de l’électricité inéluctablement croissant – de privilégier l’efficacité énergétique pour éviter l’explosion des factures. Cette position a d’ailleurs été unanimement retenue par le groupe de travail sur la compétitivité dans le cadre du débat – que votre rapporteur pour avis a eu l’honneur de présider – pour peu qu’on accompagne les acteurs énergo-intensifs dans cette transition.

L’on peut déplorer que le résultat du débat n’ait pas occasionné une prise de conscience plus affirmée dans la société française, mais il a indéniablement constitué un exercice utile de démocratie participative, où des personnes d’horizons différents ont confronté leurs points de vue. Si le désaccord a été clair sur la production d’énergie, des points de convergence sont apparus sur l’efficacité énergétique et particulièrement sur la rénovation thermique.

Si l’an 1 du quinquennat a été celui du débat sur la transition énergétique, l’an 2 doit être celui des décisions et de la loi.

Les résultats obtenus par des changements de comportement et par le recours aux énergies nouvelles auront eux-mêmes une vertu pédagogique… La deuxième Conférence environnementale des 20 et 21 septembre 2013 a permis au Président de la République et au Premier ministre de rendre de premiers arbitrages à la suite du débat. Ont ainsi été affirmés ou réaffirmés l’objectif de baisse de la part du nucléaire dans la production électrique de 75 à 50% en 2025 et celle de la consommation d’énergie de 50% à l’horizon 2050 ; la baisse de la consommation d’énergie fossile de 30% à l’horizon 2030 ; le maintien d’un taux de TVA réduit pour les travaux de rénovation énergétique, la tenue d’une conférence bancaire qui permettra de dégager les outils financiers de la transition, ou encore la voiture à 2 litres aux 100 km. La prochaine étape se déroulera devant le Parlement dès le printemps prochain, avec le projet de loi sur la transition énergétique.

Votre Rapporteur pour avis a procédé à plusieurs auditions (fédérations d’entreprises, associations, organes publics agissant pour l’environnement et la maîtrise de l’énergie) préalablement à la rédaction du présent document, qui ont toutes commencé par la même question portant sur le bilan de l’année 2013 et sur les attentes pour 2014. La réponse de ses interlocuteurs a été identique : tous estiment que les résultats sont moins ambitieux que prévu, mais attendent en contrepartie de l’État qu’il fixe rapidement une ligne politique. Les stratégies d’investissement, l’engagement vers de nouvelles solutions technologiques dépendent de la vision que portera l’État.

Il y a d’autant plus urgence à engager notre pays dans la voie de la transition énergétique que les défis s’accumulent : l’année 2013 a enregistré de nouveaux records quant à la violence et aux effets des catastrophes naturelles, dont plusieurs sont d’origine anthropique. Le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) a publié des prévisions très pessimistes sur ce réchauffement, appelant les États à cesser de tergiverser lors des négociations climatiques annuelles. En parallèle, la place de l’énergie nucléaire dans le mix électrique français et son avenir posent notamment des questions de sûreté et de coûts croissant pour l’usager et le contribuable, qui vulnérabilisent la situation énergétique de la France. Face à l’urgence, existent déjà des solutions qu’il convient de combiner, notamment la maîtrise des consommations et le recours aux énergies renouvelables. Il est dorénavant indispensable que la France se dote d’une stratégie énergétique à la hauteur des enjeux du XXIe siècle.

*

* *

Le présent rapport pour avis examine les programmes 174, 403 et 404.

Le programme 174 du ministère de l’écologie et du développement durable porte sur l’énergie, le climat et la gestion de la période après-mines. Son objet principal est double :

– assurer la sécurité de l’approvisionnement énergétique de notre pays au moindre coût et contrôler les émissions de gaz à effet de serre ;

– garantir aux anciens mineurs la préservation de leurs droits après l’arrêt de l’exploitation minière.

Les programmes 403 et 404 prévoient respectivement des crédits en faveur d’innovations pour la transition écologique et énergétique et en faveur de projets industriels nécessaires à cette transition. Ils constituent la traduction budgétaire des investissements d’avenir dans le domaine de l’écologie, de l’efficacité énergétique et du développement durable.

L’un des objectifs de cette loi de finances doit être de favoriser la transition écologique et énergétique. Avec les nouveaux programmes 403 et 404, le projet de loi de finances pour 2014 donne un signal politique plus clair que la loi de finances de 2013, même si de nombreuses questions comme la qualité de l’air ou le soutien aux énergies renouvelables exigeraient une réponse plus volontariste.

Les crédits en faveur de la transition énergétique et écologique s’inscrivent dans un contexte d’urgence. La fréquence et la violence des événements climatiques ne font qu’augmenter tandis que leur coût économique dépasse chaque année 100 milliards d’euros (122 milliards en 2012).

Le dérèglement climatique est un constat de plus en plus alarmant. Le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat a gagné en légitimité car ses hypothèses sont hélas confirmées par la transformation accélérée de notre environnement. L’Union européenne est, de toutes les entités politiques, celle qui affirme avec le plus de constance une ambition de réduction des gaz à effet de serre même si pour l’heure, elle ne parvient pas à unir ses membres sur l’ensemble des aspects d’une politique de l’énergie, au-delà de la fixation d’objectifs ambitieux dans le paquet climat-énergie.

Les études du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC), décrivent les conséquences du dérèglement climatique : accentuation des cyclones, modification du régime des eaux (fonte de glaciers, étiage irrégulier des rivières, changement de la pluviométrie), atteintes à la biodiversité. La trajectoire actuelle qui peut conduire à une augmentation des températures moyennes de 5 degrés d’ici la fin du siècle, soit la différence, en sens inverse, entre les ères glaciaires et inter glaciaires. Au-delà de 2,7 degrés supplémentaires, l’Amazonie se transformerait en savane et entraîne mécaniquement une montée de la température de 1,7 degré. Au-delà de 3 degrés, trois milliards de personnes entreraient en pénurie d’eau. À 3,5 degrés, la fonte du permafrost sibérien enverrait dans l’atmosphère plus du double de carbone qui s’y trouve déjà. Si l’acidification des océans poursuit son rythme actuel, leur pouvoir chimique d’absorption du carbone sera trois fois moindre. L’Agence Internationale de l’Énergie tire elle aussi le signal d’alarme : la trajectoire actuelle est d’après elle insoutenable car elle conduit à un réchauffement de l’ordre de 6 °C si des actions de grande ampleur sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre ne sont pas engagées d’ici 2017.

Le cinquième rapport du GIEC, fruit de six ans de travail, a été publié le 27 septembre dernier. Il confirme une hypothèse proche de 4,8° d’augmentation des températures. Ce rapport est donc plus pessimiste que le précédent, qui date de 2007. Le réchauffement climatique conduit à la rétractation des neiges et glaces partout dans le monde. La banquise arctique estivale a perdu entre 9,4% et 13,6% de surface depuis 1979, avec un risque de disparition totale au milieu du siècle. Les glaciers de montagne ont perdu environ 275 milliards de tonnes de glace par an entre 1993 et 2009 ; le Groenland a livré à l’Océan atlantique 34 milliards de tonnes de glace entre 1992 et 2001. L’Antarctique est soumis au même stress climatique.

La fonte accélérée des glaces des deux pôles a conduit le GIEC à réviser la moyenne d’élévation des océans pour les années à venir. D’une fourchette de 18 à 59 cm, elle passe de 26 à 82 cm, mais elle n’est pas uniforme, variant selon les régions. Tous les reliefs côtiers inférieurs à 1 mètre sont donc potentiellement menacés par la montée des eaux au cours du XXIe siècle. Les vagues de chaleur se produiront plus fréquemment et dureront plus longtemps, le réchauffement ayant également pour effet de concentrer les pluies sur les régions humides et d’accélérer la sécheresse dans des zones en détresse hydrique.

Les impacts géographiques décrits par le GIEC sont les suivants :

– hausse des précipitations : Sibérie, Chine du Nord, Alaska, Nord du Canada, Himalaya.

– baisse des précipitations : Pourtour méditerranéen, Afrique australe, Californie, Sud des États-Unis, Nord de l’Inde.

– activité cyclonique accrue : Caraïbes, Japon, Philippines, Inde orientale, mer d’Oman.

– montée du niveau de la mer : littoral atlantique français, Tanzanie, Madagascar, Somalie, zone indo-pacifique, Bengale et Bengladesh, Pays-Bas, Danemark et Caraïbes.

– fonte des glaciers : Alpes, Scandinavie, Himalaya, Afrique orientale, Andes.

– désertification : Nord Chili, Sud du Sahara.

– fonte du permafrost : Extrême-Orient russe.

– dégradation des systèmes agricoles : Argentine, Chili, Brésil central, vallée du Mississipi, Espagne, Italie, Sud-Ouest de la France, pourtour méditerranéen, Iran, Inde, Sud de l’Australie, Philippines, Japon.

– menace sur les grands deltas : Yang-Tsé, Tonkin, Mékong, Gange, Mississipi, Amazone.

Le dernier rapport du GIEC confirme en les accentuant les hypothèses des rapports précédents. Mais plus que son contenu, qui était attendu, son intérêt réside dans son Résumé à l’attention des décideurs, qui comprend une vingtaine de pages pouvant servir de base pour les politiques à mener contre le réchauffement climatique. Le GIEC rappelle par ce biais que son travail est scientifique et que les mesures à prendre relèvent des chefs d’État et de Gouvernement.

Ce scénario n’est que l’application de lois de la physique et non de la science-fiction. Le dérèglement climatique touche déjà de nombreuses populations, principalement celles qui subissent des cyclones de plus en plus violents (États-Unis) ou la salinisation des terres côtières, devenues comme au Bengladesh impropres à l’agriculture. La notion de réfugiés climatiques est apparue dans les relations internationales et elle n’a rien d’abstrait puisqu’elle concernerait environ 16 millions de personnes déplacées en raison des modifications de leur environnement. Le vice-président de la Banque mondiale, Nicholas Stern, avait évalué dans son célèbre rapport de 2006 à 1% du PIB mondial le montant des investissements pour faire face à ce réchauffement, pointant en parallèle un risque de récession de 20% du PIB mondial en cas d’inaction. En 2008, il a indiqué qu’il avait sous-estimé les conséquences du dérèglement climatique et qu’il fallait intensifier les investissements dans les technologies vertes.

À ce jour, les négociations internationales en vue d’un accord mondial visant à limiter à 2° la hausse « admissible » des températures (objectif de Copenhague en 2009) se sont enlisées, faute de trouver un compromis entre anciens pays industriels, historiquement émetteurs de longue date de CO2 et pays en voie de développement, qui ne souhaitent pas hypothéquer leur développement par des engagements contraignants. Un accord doit être trouvé en décembre 2015, lors d’un Sommet que la France devrait accueillir. Il implique de créer une dynamique positive autour des atouts de la transition (emplois, pouvoir d’achat, compétitivité) et non uniquement des contraintes, et de lier lutte contre la pauvreté et lutte contre le dérèglement climatique.

Lors de la première Conférence environnementale des 14 et 15 septembre 2012, le Président de la République avait confirmé l’objectif de descendre de 75% – taux actuel – à 50% en 2025 la part de l’énergie nucléaire dans la production d’électricité, soit une réduction d’un tiers de la puissance nucléaire.

Cet objectif est significatif. Il correspond à une première étape car il signifie que la France continuera à recourir à une énergie dont le mode d’exploitation peut engendrer des catastrophes et dont les coûts non supportés par les usagers le sont in fine par les contribuables. Il est en conséquence légitime de s’interroger sur la place de cette énergie, non seulement d’ici 2025, mais aussi au-delà. Il implique par ailleurs de donner à la puissance publique la capacité à conduire la politique énergétique. Cela suppose de lui permettre de décider, pour des raisons de politique énergétique, de la poursuite ou de l’arrêt d’installations nucléaires. Le rapport de la Cour des comptes, publié en janvier 2012, sur les coûts de la filière électronucléaire, le rapport de la commission d’enquête du Sénat de 2012 sur le Coût réel de l’électricité, l’avis de la Commission de Régulation de l’Énergie sur les tarifs réglementés de vente de l’électricité de juillet 2013, ou encore la contribution de l’Autorité de Sûreté Nucléaire au débat national sur la transition énergétique apportent de ce point de vue des éléments d’analyse très éclairants.

Three Miles Island, Tchernobyl et Fukushima font partie du même syndrome que celui du Titanic : une confiance aveugle et irréfléchie en la technologie, qui ne saurait faillir… La centrale de Tchernobyl a irradié toute forme de vie dans un rayon de 80 km ; celle de Fukushima a eu des conséquences plus graves puisque les conséquences s’étendent à 120 km autour et que la chaîne alimentaire océanique a été contaminée. La société Tepco n’a toujours pas résolu la question de l’étanchéité des cuves et celle des piscines de refroidissement des réacteurs, particulièrement le n° 4, qui contiennent des centaines de barres de combustibles irradiés. Chaque nouvelle alerte sismique ou climatique dans cette région fait d’ailleurs craindre le pire pour ces installations.

La sûreté nucléaire absolue est un mythe. Quel que soit le professionnalisme des techniciens qui dirigent les centrales, un minimum de modestie intellectuelle oblige à accepter l’idée qu’un accident est toujours envisageable. La réputation d’excellence technologique des États-Unis et du Japon n’a pas empêché qu’un accident s’y produise. Les dénégations anciennes de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) à l’époque de Tchernobyl ont heureusement laissé place à plus de franchise. L’accident majeur est désormais reconnu comme possible en France. Il a même un coût, chiffré par l’IRSN entre 430 et 2000 milliards d’euros. M. André-Claude Lacoste, ancien directeur général de l’ASN, a ainsi mis l’accent sur ce qu’il qualifie de « défaut générique » du parc nucléaire français : comme la plupart des réacteurs relèvent du même type de technologie, un incident dans une centrale est susceptible de se reproduire quelques mois après dans d’autres centrales. Cela a été rappelé dans la contribution de l’ASN au débat national sur la transition énergétique, qui enjoint de se préparer à la fermeture simultanée ou rapprochée d’un grand nombre d’installations pour des raisons de sûreté. En outre, le vieillissement des installations s’accompagne d’une hausse des incidents et des arrêts fortuits année après année. Dans le même temps, les exigences de sûreté doivent sans cesse s’élever pour minimiser les risques, comme en témoignent les 1 000 recommandations post-Fukushima formulées aux exploitants par l’ASN et dont la mise en place se fait attendre. Ces multiples risques et incertitudes rendent vulnérable la production d’électricité, qui provient à 80% de l’énergie nucléaire.

La défense de l’énergie nucléaire repose sur un triptyque : sûreté de la technologie, indépendance nationale et électricité à bas coût. L’argument de la sûreté ne tient plus ; celui de l’indépendance nationale ne suscite curieusement que peu de questions, alors qu’il faut importer l’ensemble de la matière première : 30% de cet approvisionnement provient d’un pays politiquement vulnérable, le Niger. Enfin, la fourniture d’électricité à bon marché constitue une contre-vérité car il s’agit d’un prix administré qui ne tient pas compte de l’ensemble des coûts de la filière, comme l’ont rappelé la Cour des comptes, puis le Sénat, en 2012, dans leurs rapports respectifs.

La filière nucléaire comprend des dépenses de production étalées sur une très longue période. Ces dépenses comprennent les investissements initiaux, les charges d’exploitation actuelles et les coûts futurs représentés par le démantèlement des centrales et le stockage des déchets. La Cour des comptes a évalué à 188 milliards d’euros le total des investissements passés, destinés au développement de la production électronucléaire. Notons que le coût de construction au mégawatt progresse avec le temps, à hauteur de 1,07 million d’euros en 1978 (Fessenheim) et de 2,06 millions d’euros en 2000 (Chooz), notamment en raison de l’évolution des normes de sécurité.

Les charges courantes d’exploitation se sont élevées en 2010 à 8,954 milliards d’euros, à raison de 2,135 milliards pour l’achat de combustible, 2,676 milliards pour la rémunération des personnels, 2,095 milliards pour les consommations externes et 872 millions pour les fonctions centrales. Il convient de noter qu’elles ont progressé de 11% entre 2008 et 2010 en raison de l’augmentation des programmes de maintenance.

Comme le souligne la Cour des comptes, « les charges futures sont incertaines par nature ». Les dépenses de démantèlement sont évaluées à 18,4 milliards d’euros, avec une marge d’incertitude importante, due à l’expérience passée d’EDF et d’AREVA lors du démantèlement des centrales de première génération et au regard des évaluations retenues dans les autres pays nucléarisés. L’estimation du coût de gestion à long terme des déchets radioactifs est par ailleurs loin d’être claire. L’ANDRA a par exemple chiffré à 36 milliards d’euros, le projet CIGEO, ce qui constitue un doublement de l’évaluation de 2005. Les producteurs contestent le mode de calcul. L’estimation officielle doit en conséquence faire l’objet d’un arrêté ministériel avant 2015 sur le fondement duquel AREVA, EDF et le CEA seront le cas échéant conduits à revoir leurs provisions financières, et ce d’autant plus que ce coût pourrait être significativement renforcé en fonction de la politique de transition énergétique et des spécifications de sûreté de l’ASN.

La charge future la plus importante est constituée par les investissements de maintenance et de sûreté, qui assurent à la fois le bon fonctionnement des réacteurs, l’amélioration de la sécurité des centrales et l’éventuelle prolongation de leur durée de fonctionnement. Le montant annuel de ces investissements était de 1,5 milliard d’euros de 2008 à 2010 et devrait s’élever a minima à 3,7 milliards par an d’ici à 2025, soit plus de 50 milliards d’euros pour satisfaire les préconisations de l’ASN, en particulier à la suite de l’accident de Fukushima.

L’ensemble de ces facteurs va conduire à une augmentation globale des coûts de production, ce qui contredit l’idée d’une énergie bon marché. Le rapport de la commission d’enquête sénatoriale de 2012, mentionné dans le rapport du groupe de travail sur la compétitivité, lors du débat national sur la transition énergétique, chiffre ainsi à 75 euros par mégawattheure (mwh) le coût de production du « nucléaire prolongé ».

Le coût des nouveaux réacteurs est plus encore hors de toute compétitivité économique au regard des énergies renouvelables les plus matures. Le coût de l’EPR de Flamanville a ainsi été multiplié par 2,5, estimé aujourd’hui à 8,5 milliards d’euros. De même, les négociations récentes entre le Royaume-Uni et EDF ont débouché sur un coût de 19 milliards d’euros pour deux EPR et une demande de tarif d’achat garanti de l’électricité produite à hauteur de 109 euros par mwh pendant 35 ans, soit un tarif 50% plus élevé que l’éolien, et pour une durée de garantie double de celle nécessaire aux énergies renouvelables !

Selon l’exploitant, seule la prolongation de la durée de fonctionnement des centrales serait susceptible d’inverser cette tendance, dans la mesure où elle lui permettrait, en contrepartie d’investissements non chiffrables actuellement, de bénéficier de recettes supplémentaires et de reculer la période où il faut financer les charges du démantèlement. Cette approche comptable doit néanmoins être sérieusement nuancée car un parc nucléaire vieillissant augmente les risques d’accident et d’arrêts fortuits. En outre, l’ASN a fait savoir à plusieurs reprises que la validation technique n’avait pas été faite et que le niveau de sûreté exigible serait nettement revu à la hausse, entraînant des surcoûts chiffrables en dizaines de milliards d’euros. L’ASN elle-même estime qu’EDF aurait tort de baser sa stratégie énergétique sur une prolongation de la durée de vie des réacteurs.

La filière nucléaire ne couvre pas l’ensemble de ses coûts via le prix de vente de l’électricité qu’elle produit. Le consommateur acquitte un prix administré. La collectivité publique assure en effet un certain nombre de charges. La Cour des comptes évalue ainsi à 55 milliards d’euros depuis les années cinquante (soit 1 milliard d’euros par an) les dépenses de recherche. Le futur démantèlement des centrales, la gestion à long terme des déchets et des combustibles usés sont estimés par la Cour des comptes à 79,4 milliards d’euros. Ces provisions sont pour l’heure couvertes par des actifs dédiés essentiellement constitués de créances sur l’État, de titres du réseau de transport d’électricité pour EDF ou de titres d’AREVA dont il est prévu que le CEA puisse les vendre à l’État au fur et à mesure de ses besoins, représentant seulement 38,4 milliards d’euros inscrits dans les états financiers des exploitants en 2010.

La collectivité publique a donc financé dans le passé un montant considérable de charges et s’apprête à assumer des dépenses considérables liées au démantèlement.

Rappelons enfin que l’État assure une partie du risque en responsabilité civile en cas d’accident nucléaire. Cette filière n’intègre que faiblement les coûts d’assurance dans le prix de vente de l’électricité alors que l’ensemble des secteurs économiques a logiquement cette obligation. La survenance d’un accident est supposée statistiquement faible mais en cas d’accident notable, les plafonds de garantie à la charge des exploitants, fixés par des conventions internationales, seraient largement dépassés. L’État serait alors conduit à indemniser les dommages au-delà de ces plafonds et devrait supporter l’ensemble des dommages indirects sur le long terme, notamment les atteintes environnementales et économiques ainsi que le secours aux populations chassées des zones sinistrées en raison de la radioactivité ; sans oublier les conséquences sanitaires sur les populations, qui affectent par ailleurs pendant de nombreuses décennies les personnes touchées et leurs descendants.

La garantie qu’apporte l’État aux producteurs est quasiment gratuite alors qu’il lui reviendrait de faire face à des dépenses considérables de sécurité civile, puis d’indemnisation sur le court terme ; postérieurement, de décontamination pendant des périodes plus longues qu’une vie humaine. Les conséquences d’un accident nucléaire sont très difficiles à évaluer mais l’IRSN a évalué au minimum à 430 milliards d’euros le coût de l’accident majeur, celui-ci pouvant rapidement grimper si des agglomérations importantes étaient touchées. Le coût de la catastrophe de Fukushima pourrait atteindre plus de 1 000 milliards d’euros sous réserve que la situation soit rapidement maîtrisée. Rares sont les industries qui n’acquittent pas de prime d’assurance tout en faisant courir un tel risque à la collectivité. Le rapport de la Cour des comptes sur le recensement des engagements hors bilan de l’État du 30 mai 2013 pointe le fait que ces coûts, aujourd’hui supportés par l’État, ne sont pas intégrés aux engagements hors bilan de l’État. Votre Rapporteur pour avis déposera des amendements au présent projet de loi de finances pour que ces engagements soient explicités dans l’annexe du compte général de l’État, conformément aux recommandations de la Cour des comptes.

Si l’on examine l’effort public en faveur de la filière nucléaire, considérable depuis des décennies, l’on ne peut que souhaiter que les énergies d’avenir renouvelables puissent bénéficier d’un tel abondement de crédits pour opérer les sauts technologiques qui leur permettraient de prendre toute leur place dans notre pays.

L'Union européenne (UE) est en mesure d’atteindre les trois objectifs de 20 % du paquet énergie climat pour 2020, d’après l’Agence européenne de l’énergie (AEE), dans son rapport publié le 9 octobre dernier « tendances et projections en Europe en 2013 ». Grâce aux mesures déjà adoptées, l'UE pourrait réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES) de 21 % en 2020 par rapport à 1990. L'objectif de 20% d'énergies renouvelables dans la consommation finale d'énergie en 2020 est également en cours de réalisation, la part ayant atteint 13 % en 2011. L'UE aura en revanche plus de difficulté à respecter l'objectif de 20 % d'efficacité énergétique, dans la mesure où seulement quatre pays membres conduisent des politiques efficaces. La directive européenne sur l’efficacité énergétique défendue par le député européen Claude Turmes, part manquante du paquet climat énergie, a été adoptée en septembre 2012 mais n’est pas encore transposée dans l’ensemble des pays européens. Par ailleurs, les quinze États membres engagés par le protocole de Kyoto à diminuer de 8 % de leurs émissions de GES sur la période 2008-2012 par rapport à 1990 ont dépassé cet objectif pour atteindre 12,2 %. Ce chiffre doit cependant être fortement relativisé : une part importante des émissions de gaz à effet de serre a été « externalisée » dans les pays émergents desquels nous importons nombre de produits de consommation, dont l’impact en termes de GES n’est pas pris en compte dans ces résultats. Il n’est en effet tenu compte que des émissions endogènes des États, sans intégrer toutes celles qui, du fait de délocalisations et des échanges mondiaux de marchandises, sont produites ailleurs mais répondent aux besoins de consommation de la population européenne.

D'après les projections de l'AEE, les États membres peuvent atteindre une réduction de 24 % des émissions en 2020 par rapport à 1990 en poursuivant les politiques nationales qu’ils conduisent actuellement. Cinq États (Autriche, Belgique, Finlande, Luxembourg, Espagne) doivent toutefois mettre en place des mesures supplémentaires pour atteindre leur objectif de réduction d'émissions.

Si aucun État membre n'est actuellement en mesure d’atteindre l'ensemble des objectifs, aucun n’est en situation de ne pouvoir y parvenir. Le constat est donc optimiste. La France enregistre ainsi des résultats insuffisants pour les énergies renouvelables mais a de meilleurs résultats, s'agissant de l'efficacité énergétique.

En 2011 les énergies renouvelables représentaient 13 % de la consommation finale d'énergie en Europe, sachant que l'objectif indicatif pour 2011-2012 était de 10,7 %. L'UE est globalement en mesure de respecter son objectif, même s’il existe de grandes disparités entre les États membres. L'Estonie a déjà atteint les objectifs de 2020 mais d'autres États n'ont pas atteint les objectifs indicatifs de leurs plans nationaux ni ceux de la directive 2009/28/CE de 2011-2012. Il s’agit de la France, de la Lettonie, de Malte, du Royaume-Uni et des Pays-Bas. Sept États n'ont atteint qu'un seul des objectifs indicatifs, quatorze ont atteint ou dépassé les deux (Bulgarie, Allemagne, Estonie, Finlande, Grèce, Hongrie, Italie, Lituanie, Luxembourg, Roumanie, Slovaquie, Slovénie, Espagne et Suède).

L’amélioration de 20 % de l’efficacité énergétique est parmi les trois objectifs celui qui présente le plus de difficultés. La consommation primaire d'énergie en 2020 sera proche de l'objectif de 1 483 millions de tonnes en équivalent pétrole (Mtep) « mais restera insuffisant pour atteindre l'objectif de 20 % » d’après l’AEE. Les politiques d'efficacité énergétique ont changé ces dernières années dans de nombreux États membres mais sans affecter de manière égale l'ensemble des secteurs. Ainsi le secteur du bâtiment a reçu une attention particulière mais les mesures relatives aux transports n’ont eu qu’un faible impact.

Seuls quatre États (France, Bulgarie, Danemark, Allemagne) réduisent leur consommation énergétique et leur intensité énergétique primaire. L'AEE souligne que des améliorations d'efficacité énergétique peuvent avoir des impacts positifs sur les émissions de GES, à la fois hors des secteurs soumis aux quotas ainsi que dans ceux qui sont concernés par le marché carbone, de même que le développement des énergies renouvelables. L’AEE rappelle que « réussir une cohérence optimale entre les différents domaines politiques est déterminant pour maximiser les bénéfices entre les secteurs ». En d’autres termes, c’est une stratégie qu’il faut conduire dans l’ensemble de la société.

Les quinze pays de l'UE engagés par le protocole de Kyoto, adopté depuis plus de 20 ans, ont dépassé l'objectif de réduction des émissions de GES : elles ont baissé de 12,2 % (hors importations) sur la période d'engagement 2008-2012, soit 236 millions de tonnes équivalent carbone. Dès lors, l’on peut légitimement s’interroger sur la nécessité pour l’UE d’en rester à cet objectif à l’horizon 2020.

Il est ainsi essentiel que les négociations sur les émissions de CO2 par le secteur automobile, malgré l’opposition des constructeurs allemands, n’affadissent pas encore plus les engagements auxquels les institutions européennes étaient parvenues. L’ONG Carbon Market Watch rappelle à cet égard que deux secteurs, les transports et l’agriculture, disposent d’un potentiel de réduction considérable. Par ailleurs, plus de 2,3 milliards d'euros ont été dépensés dans des crédits de compensation internationaux sur le marché carbone, pour un résultat limité, alors qu’ils auraient sans doute pu être plus utilement consacrés aux énergies renouvelables et à l’efficacité énergétique. Il apparaît alors nécessaire de renforcer les objectifs et que l’Union Européenne, dès la conférence des parties (COP) de Varsovie, s’engage sur une réduction de 30% en 2020. Il est également indispensable qu’elle s’inscrive dans un cap fixé pour un horizon plus lointain, prolongeant le triple engagement du paquet climat-énergie à 2030, portant ces objectifs à 40% (voire 50% si la communauté internationale prend des engagements significatifs).

Le Réseau Action Climat (RAC) opère pour sa part le lien avec le dernier rapport du GIEC et relève que pour respecter ses préconisations, il conviendrait de porter la réduction des émissions à 2% par an au lieu de 0,8% actuellement. Il préconise d’accentuer les efforts en faveur des énergies renouvelables et de l'efficacité énergétique qui ont fait leur preuve comme outil de réduction des émissions.

Le cadre européen demeure primordial dans le domaine de l’énergie et des GES. La situation est pourtant paradoxale : l’Union européenne met en place le cadre environnemental le plus contraignant – donc le plus stimulant pour l’émergence de nouvelles pratiques et de technologies de pointe – alors qu’il n’existe pas de politique communautaire de production d’énergie, la norme étant la libre concurrence au profit du consommateur. Le seul point qui rassemble les États de l’UE est l’objectif précité du paquet énergie climat. Chaque pays définit pour l’heure son bouquet énergétique en fonction d’atouts naturels, technologiques ou historiques nationaux. La Pologne par exemple recourt au charbon ; l’Allemagne (outre ses efforts importants en matière d’énergies renouvelables) à la lignite alors que la France continue à privilégier la filière nucléaire. La gestion des contrats pétroliers et gaziers demeure un élément strictement national de la politique étrangère des États européens. Le passage aux énergies renouvelables relève également des politiques de chaque État, une part importante du processus étant souvent de l’initiative des collectivités territoriales.

Cette dichotomie entre protection de l’environnement et production d’énergie peut-elle encore durer ? Le risque est réel car elle est fondée sur les intérêts divergents : d’un côté, intérêt public, de l’autre, intérêt des grandes entreprises productrices et/ou distributrices d’énergie concurrentes au sein même de l’Union. Comment par ailleurs concilier les positions des pays qui renoncent à l’énergie nucléaire et ceux qui continuent d’y recourir ?

À ce jour, l’UE semble avoir pris la mesure des enjeux mais faute de consensus minimal entre les États membres, ne joue pas le rôle qui pourrait être le sien. Les grands ensembles géopolitiques (États-Unis, Chine, Russie) disposent d’une stratégie bien définie de production d’énergie alors que l’UE demeure fragmentée en zones concurrentes. Ce constat milite en faveur de la construction d’une communauté européenne de l’énergie proposée à deux reprises par le Président de la République, qui fasse du passage du vieux couple « nucléaire – charbon » à celui de la maîtrise de l’énergie et des énergies renouvelables l’axe de la transition énergétique.

Le programme 174 « Énergie, climat et après-mines » présente un double objet :

– assurer la sécurité de l’approvisionnement énergétique de notre pays au moindre coût et contrôler l’émission de gaz à effet de serre pour préserver la qualité de l’air ;

– garantir aux anciens mineurs la préservation de leurs droits après l’arrêt de l’exploitation minière.

Le financement des actions de ce programme est retracé dans le tableau joint :

CRÉDITS DU PROGRAMME 174

Action

AE LFI 2013

CP LFI 2013

AE PLF 2014

CP PLF 2014

01 Politique de l’énergie

5 551 000

6 442 003

5 860 000

6 220 324

04 Après mines

589 178 962

594 158 772

549 516 962

549 416 962

05 Lutte contre le changement climatique

85 009 358

85 009 358

35 003 844

35 003 844

06 Soutien

1 847 446

1 847 446

1 847 446

1 847 446

Total

681 586 766

687 457 579

592 228 252

597 488 576

En euros - AE : autorisations d’engagement – CP : crédits de paiement –

Source : ministère de l’économie et des finances

Les crédits de paiement du programme 174 sont en diminution de 11,5 % mais cette diminution n’est qu’optique. Elle traduit d’une part la diminution démographique des anciens mineurs bénéficiaires de prestations, d’autre part l’ajustement du système de bonus-malus applicable aux automobiles, la dotation nécessaire à l’équilibre du compte d’affectation spéciale étant inférieure de 50 millions par rapport à 2013. Les missions essentielles du programme sont en conséquence maintenues.

● L’action n° 1 « Politique de l’énergie » forme 1 % des crédits du programme. Il y a un net contraste entre le titre de cette action et son contenu réel. Elle finance principalement certaines agences pour charges de service public, comme l’agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA), le comité local d’information et de suivi du laboratoire souterrain de recherche de la Meuse (CLIS), la contribution à des organismes internationaux et le contrôle de la qualité des carburants. L’action est mise en œuvre par l’administration centrale et par les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) dont les crédits de fonctionnement sont inscrits au programme 217.

L’ANDRA bénéficiera d’une dotation de 4,062 millions d’euros pour la réalisation de l’inventaire triennal des déchets radioactifs et pour ses activités d’assainissement de sites et de reprises de déchets lorsque le principe de « pollueur-payeur » ne peut être appliqué si le responsable ne peut être identifié ou qu’il est insolvable. Ces deux missions de l’agence relèvent de la loi du 28 juin 2006 relative à la gestion durable des matières et des déchets radioactifs. Cette dotation est une stricte reconduction des crédits inscrits en 2013, ce qui équivaut à une légère diminution équivalente au taux d’inflation.

Rappelons que l’ANDRA reçoit également 1,8 million d’euros inscrits au programme 181 « prévention des risques », au titre de la réhabilitation de sites pollués par des substances radioactives et de l’opération « diagnostic radium », soit un total de 4,8 millions d’euros au titre des subventions pour charges de service public, qui représentent 2 % de son budget. Ses recettes proviennent principalement des contributions des producteurs et de la taxe sur les installations nucléaires. Compte tenu du produit attendu, l’agence ne rencontrera pas de problème de financement en 2014. Elle devrait même dégager 13 postes supplémentaires. Le financement des activités de l’ANDRA n’est pas encore assuré pour 2015, car si la loi de finances rectificative de 2012 a prolongé pour 2013 et 2014 les valeurs majorées des coefficients multiplicateurs des taxes d’accompagnement et de diffusion technologique, assurant notamment une contribution au développement économique des collectivités qui accueilleraient le projet « Cigéo » (stockage des déchets radioactifs de haute activité et de moyenne activité à la vie longue) – dans le cas où celui-ci serait réalisé - un déplafonnement de ces taxes n’est pas encore à l’ordre du jour alors que l’agence devrait faire face à des missions fixées par son contrat d’objectifs.

Votre Rapporteur pour avis apprécie à sa juste valeur le travail conduit par l’ANDRA dans le cadre de la mission qui lui a été confiée et maintient son propos de l’an dernier quant à la pertinence des crédits de l’agence, mais il s’interroge plus globalement sur la stratégie nationale de la France qui conduit à l’accumulation continue de déchets radioactifs. Il s’interroge également sur la multiplication de transports de matières extrêmement dangereuses d’un bout à l’autre de la France, sans vision d’ensemble et au prix d’une vulnérabilité croissante aux risques d’agression extérieure. Il s’inquiète des conditions de sûreté d’une telle installation, qui a vocation à rester en exploitation durant un siècle, dont la démonstration de sûreté n’est pas faite. Enfin, il souligne que la stratégie énergétique, qui a fait l’objet du débat national et se traduira par une loi de programmation, peut amener à reconsidérer ou redimensionner ce projet, comme l’a rappelé l’ASN.

L’ADEME demeure inscrite à l’action n° 1 bien qu’elle ne bénéficie plus des dotations du programme 174 depuis la fin de 2010. Comme elle doit faire face à des engagements pluriannuels pris antérieurement, elle mobilise d’autres ressources comme la TGAP pour financer des contrats dont la validité oscille entre 36 et 48 mois. En cours d’année, l’ADEME informe le ministère chargé de l’écologie des montants qu’elle peut dégager sur le stock d’en-cours, dans le cadre d’un processus de réconciliation des dettes et des créances réciproques. C’est pour cette raison qu’aucun crédit n’est inscrit à la ligne de l’ADEME, l’abondement s’effectuant en cours d’exécution de la loi de finances.

Au 31 décembre 2013, il restera à l’ADEME un montant réduit (1,09 million d’euros) d’engagements à couvrir au titre du programme 174, le désengagement se poursuivant en 2014. Il s’agit principalement d’actions sur les outils de réduction des émissions de polluants.

Sur la question plus générale des ressources de l’ADEME, votre Rapporteur pour avis estime que la taxe générale sur les activités polluantes devrait être déplafonnée, ce qui permettrait de pérenniser son financement. Il est nécessaire que le rôle de l’agence soit renforcé, à l’occasion de l’élaboration de la loi sur la transition énergétique, car il importe qu’elle soit l’un des outils prioritaires de cette transition, tant par ses capacités d’expertise que par son travail de financement des projets.

S’agissant des dépenses de faible montant de l’action n° 1, le CLIS reçoit 157 000 euros, une dotation de montant identique étant versée par les opérateurs du laboratoire de recherche sur les déchets radioactifs de Bure par EDF, AREVA et le CEA. La contribution à certains organismes internationaux comme le Forum international de l’énergie s’élève à 151 000 euros. Enfin, 750 000 euros sont consacrés au contrôle de la qualité des carburants, destinés aux prestataires chargés d’opérer les prélèvements dans les stations-service et les dépôts et de les analyser.

● L’action n° 4 « Après-mines » représente 92,8 % des crédits du programme. Il s’agit d’assurer la garantie des droits des mineurs (prestations de chauffage et de logement, pensions de retraites anticipées, allocations de raccordement et de préraccordement, indemnités conventionnelles de cessation anticipée d’activité, tutelle sur l’agence nationale pour la garantie des droits des mineurs et sur la caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines) et le soutien à la réindustrialisation des bassins miniers. Notons que cette dernière ne bénéficie plus que de financements marginaux (4,9 millions d’euros pour 2014, à comparer avec 7,6 millions d’euros en 2013) dans la mesure où les aides à la reconversion économique de l’Aveyron et des régions Provence et Lorraine arrivent à leur fin.

Les crédits de l’action n° 4 s’établissent pour la première fois en deçà de 550 millions d’euros. Cette diminution trouve une explication naturelle dans la baisse régulière du nombre de personnes concernées. 145 696 personnes sont bénéficiaires des prestations, avec un âge moyen de 73 ans. Les trois quarts sont d’anciens mineurs ayant extrait du charbon, le solde étant représenté par des travailleurs ayant opéré sur d’autres minerais, comme l’ardoise.

● L’action n° 5 « Lutte contre le changement climatique » (5,9% des crédits du programme) rassemble le financement de politiques conformes à son appellation ainsi que la lutte contre la pollution atmosphérique. La justification en est quintuple :

– diminuer les émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques ;

– préparer le passage à une société « décarbonée » ;

– comprendre les mécanismes et les effets du réchauffement climatique ;

– agir à l’échelle internationale sur les enjeux et les solutions à adopter face au changement climatique ;

– user d’outils réglementaires et d’incitations pour réduire les émissions de polluants atmosphériques.

Cette action enregistre une diminution conjoncturelle des crédits, passant de 85 millions d’euros en 2013 à 35 millions pour 2014 : comme indiqué supra, cette diminution est optique et enregistre un moindre besoin d’ajustement du compte d’affectation spéciale qui gère le système du bonus-malus automobile.

Les dépenses de fonctionnement représentent 9,551 millions d’euros et concernent le financement des mesures mises en œuvre à l’issue du Grenelle de l’environnement. Il s’agit principalement des dispositifs suivants :

Politique de lutte contre l’effet de serre (2,099 millions d’euros) :

– Atténuation, adaptation et intégration de l’environnement (1,325 million d’euros) : inventaires des émissions de GES, modélisation des trajectoires des émissions futures, schémas régionaux de l’air et de l’énergie, évaluation de l’efficacité de ces politiques.

–  « Stratégie carbone » (0,498 million d’euros) : suivi de la gestion des actifs carbone de la France et des marchés de carbone.

– Efficacité énergétique (0,276 million d’euros) : études ponctuelles, subvention à l’Association technique énergie environnement et conventions passées avec l’Agence française de normalisation (AFNOR) pour ses actions dans le domaine de la maîtrise de l’énergie et de la qualité de l’air.

Politique de réduction des polluants atmosphériques et renforcement de la qualité de l’air (1,603 million d’euros) :

– Il s’agit principalement de réviser le Plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques, la France n’ayant pas respecté à ce jour les plafonds d’oxyde d’azote fixés en 2010. Il est également prévu de poursuivre la réalisation de l’inventaire national spatialisé et des inventaires régionaux spatialisés des émissions de polluants dans l’air, indispensables pour la modélisation de la qualité de l’air.

Politique de protection de l’atmosphère (2,444 millions d’euros) :

– Cette ligne budgétaire finance l’élaboration de 36 plans de protection de l’atmosphère (PPA), sur des zones couvrant 46% de la population française. Les crédits des années précédentes concernaient les études préalables de ces plans ; ceux prévus pour 2014 doivent permettre de finaliser leur élaboration et surtout d’assurer leur mise en œuvre. Le Gouvernement vise l’adoption de 18 PPA d’ici la fin de l’année 2013, d’après les engagements pris par le directeur général de l’énergie et du climat lors des assises nationales de la qualité de l’air, le 23 octobre dernier. Il y a effectivement urgence à agir car les mesures sectorielles sont insuffisantes et la France est menacée par la Commission européenne de deux contentieux et d’un pré-contentieux pour non-respect des valeurs limites de concentration de particules fines prévues par la directive n° 2008/50/CE. 34% de la population française respire un air empoisonné en vivant dans des zones concernées par les dépassements de limite. Ces particules ont par ailleurs été reconnues cancérigènes par l’Organisation mondiale de la santé, ce qui devrait pousser le Gouvernement davantage encore à agir.

Les dépenses d’intervention (25,452 millions d’euros) se répartissent en deux dotations : l’une, de 5,895 millions d’euros, à destination du Laboratoire central de la surveillance de la qualité de l’air (LCSQA) ; l’autre, de 19,321 millions, traduit le soutien de l’État aux associations agréées pour la surveillance de la qualité de l’air (AASQA).

Le rôle principal du LCSQA est de garantir la qualité des mesures et des modélisations effectuées par différents opérateurs comme les AASQA et d’assurer la coordination technique de la surveillance de la qualité de l’air. Il permet à l’État d’avoir une vision de long terme de sa politique de protection de l’air.

La dotation de 25,452 millions d’euros précitée peut être rapportée au coût sanitaire de la pollution de l’air. Une étude du Commissariat général au développement durable (CGDD), publiée le 3 octobre dernier, indique que ce coût est au minimum de 800 millions d’euros. La pollution atmosphérique est responsable de centaines de milliers de cas d’asthme, de bronchites aiguës, de cancers des voies respiratoires et bronchites chroniques et de broncho-pneumopathies chroniques. Le chiffre de 800 millions d’euros correspond à une fourchette basse de cette évaluation car le CGDD n’a pas eu les moyens de conduire son étude aussi complètement qu’il l’aurait souhaité. Le 17 octobre dernier, l’Organisation mondiale de la santé a confirmé un lien direct entre pollution de l’air et plusieurs cancers (poumons, vessie), avec des concentrations ahurissantes de gaz et de particules fines dans certaines mégapoles comme Pékin ou Sao Paulo. La situation est également très préoccupante en Europe, où les progrès sont considérés comme trop lents. Le nombre annuel de décès dus aux particules fines est évalué à 42 000 par an sur notre territoire.

ÉVALUATION DU COÛT SANITAIRE DE LA POLLUTION DE L’AIR EN FRANCE

Maladie et traitement

Coût (évaluation, en euros)

Cas attribuables à l’environnement (par an)

Asthme

De 335 millions à 1,1 milliard

De 400 000 à 1 400 000

Bronchite aiguë

170 millions

De 450 000 à 500 000

Hospitalisation

155 millions

De 13 800 à 19 800

Cancer des voies respiratoires

De 53 à 138 millions

De 1 685 à 4 400

Bronchite chronique

80 millions

134 000

Broncho-pneumopathie chronique

De 30 à 46 millions

De 26 800 à 40 200

Source : Commissariat général au développement durable

Les crédits de soutien aux AASQA sont stables par rapport à 2013. Les vingt-six AASQA agissent à l’échelon régional selon trois axes : collecte de données sur la qualité de l’air ambiant, information du public et soutien aux pouvoirs publics. Elles exercent à ce titre une fonction de veille à l’échelle locale en prévenant les élus et les préfets de toute pollution importante. Elles assistent le ministère pour plusieurs autres missions : travaux de modélisation, conformité du réseau de mesure à la directive européenne n° 2008/50/CE, ou encore la révision et le suivi des PPA… Ces missions de service public disposent d’un triple financement : 42 % par l’État au titre du présent programme budgétaire, 28 % par les collectivités territoriales et 30% par les industriels qui bénéficient d’une exonération de TGAP à hauteur de leur contribution. Au-delà des sommes versées par les opérateurs économiques, leur présence aux conseils d’administration permet d’assurer un dialogue permanent entre l’ensemble des parties prenantes, publiques comme privées, sur la lutte contre la pollution de l’air.

Les missions des AASQA ne cessent de s’élargir, ce qui est la reconnaissance de la qualité de leur travail. Il leur reviendra ainsi de veiller à la mise en œuvre dès 2015 des directives européennes sur la qualité de l’air dont le processus de révision a été engagé. Leur financement n’est en revanche pas pérenne, puisqu’il dépend de dotations allouées par l’État et les collectivités territoriales, sujettes à diminution dans le contexte budgétaire actuel, et pour un tiers de contributions volontaires des entreprises, susceptibles également de se raréfier. Votre Rapporteur pour avis souhaite qu’une partie du produit de la fiscalité environnementale assise sur la pollution de l’air vienne renforcer les moyens budgétaires de ces associations.

● L’action n° 6 « Soutien » rassemble 0,3% des crédits. Il s’agit principalement d’assurer le fonctionnement par la direction générale de l’énergie et du climat de la mission, avec des dépenses de communication, des frais de déplacement pour des négociations européennes ou internationales et la formation des personnels. Les crédits sont en stabilisation à l’euro près, à 1,84 million d’euros.

Les programmes 403 « Innovation pour la transition écologique et énergétique » et 404 « Projets industriels pour la transition écologique et énergétique » apparaissent pour la première fois dans la nomenclature de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». Les crédits inscrits, à savoir 1,1 milliard d’euros pour le programme 403 et 470 millions d’euros pour le programme 404, forment 16,06 % des dotations de la mission. Au-delà de leur montant, ils traduisent, dans le projet de loi de finances, la volonté politique de mettre en œuvre de manière concrète la transition écologique et énergétique.

Ces deux programmes sont en effet politiquement stratégiques. Abondés par des crédits nouveaux dont la gestion sera déléguée à l’ADEME et à la Banque publique d’investissement (BPI), ils permettront de réaliser des opérations concrètes dans de nombreux domaines (transports, bâtiments, industrie) ayant valeur d’exemple pour l’ensemble de la société française.

Le programme 403 tire le constat, souligné l’an dernier par votre Rapporteur pour avis et mis en lumière lors des débats postérieurs à la première conférence environnementale, que la transition énergétique et écologique ne peut être réalisée que s’il existe des opérateurs sur le terrain. Ceux-ci établissent des diagnostics et proposent des solutions technologiques ou pratiques, comme l’adoption de comportements sobres. L’inscription nouvelle de ces programmes dans le budget du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, prouve que la transition énergétique est non seulement une nécessité, mais également une opportunité économique, pour l’emploi, pour l’innovation et l’industrie, et pour la dynamique territoriale.

Les destinataires du programme sont en conséquence les collectivités territoriales et les entreprises. Là encore, il y a reconnaissance que la transition écologique et énergétique a une dimension décentralisée par nature, puisque les territoires ne sont pas également dotés en ensoleillement, flux éoliens, géothermie et que la densité de leur habitat détermine des choix différents de production d’énergie et de pilotage des réductions de consommation. La mise en avant du rôle des entreprises est aussi politiquement importante car elles inventent et mettent en œuvre les solutions technologiques qui concourent à bâtir, progressivement, une économie soutenable.

Le programme vise à accompagner des projets considérés comme ambitieux et exemplaires dans les domaines suivants : énergies renouvelables, renonciation à des énergies fossiles, prise en compte des bâtiments, de la mobilité et de l’ensemble des systèmes individuels et collectifs qui concourent au développement durable, santé et environnement et économie circulaire. La largeur de ce spectre pourrait laisser craindre une dispersion des crédits, mais il convient de rappeler la nécessité d’une politique transversale qui concerne quasiment tous les secteurs de la société.

L’on notera au passage que le Gouvernement reconnaît dans ce programme un concept porté par la représentation nationale. Lors de la discussion en première lecture du projet de loi sur la consommation (n° 1015), plusieurs amendements de M. Jean-Louis Bricout (SRC), rapporteur pour avis au nom de la commission du développement durable, de M. François-Michel Lambert (EELV) et de M. Jean-Jacques Cottel (SRC), portant sur des expériences d’économie circulaire, avaient été rejetés parce que le Gouvernement estimait qu’il était malaisé de définir ce type d’économie. Il est heureux que ce concept, mentionné explicitement dans ce programme, puisse désormais faire l’objet d’expériences pratiques sur le terrain, car il concerne de nombreux métiers : collecte et recyclage, prévention des pollutions, retraitement des matières premières et transformées, traitement des eaux et des déchets.

Le programme comprend deux actions : « Démonstrateurs de la transition écologique et énergétique » (n° 1) et « Transport de demain » (n° 2).

L’action n° 1, dotée de 800 millions d’euros, vise à faire émerger des expériences de terrain portant sur les énergies décarbonées et favorisant la transition énergétique et écologique selon 5 axes :

– biodiversité ;

– économie circulaire ; énergies renouvelables ;

– décarbonation des usages de l’énergie production, stockage, transport, distribution, maîtrise de la demande et réseaux intelligents) ;

– énergies renouvelables ;

– rénovation énergétique du parc de bâtiments existant.

L’action n° 2, dotée de 300 millions d’euros et relative aux véhicules, aux infrastructures et à l’ensemble des modes de transport, vise d’une part à promouvoir des projets permettant de réduire significativement la consommation d’énergies fossiles et les émissions de GES, d’autre part à soutenir des projets de recherche et de développement qui donneront lieu à des applications industrielles ou commerciales en France.

Les bénéficiaires potentiels du programme 403 sont les entreprises (quelle que soit leur taille) et ou/ leurs groupements (consortiums, GIE), les laboratoires de recherche, les entreprises incubatrices de nouvelles technologies et les collectivités territoriales.

La ligne de 800 millions d’euros de l’action n° 1 se répartit à raison de 150 millions au titre de prises de participation dans des entreprises existantes ou créées pour réaliser un projet, 100 millions au titre de subventions et 550 millions pour des avances remboursables. Subventions et avances remboursables permettront notamment d’assurer des dépenses immobilières et mobilières ainsi que des acquisitions de brevets et de licences d’exploitation.

La dotation de 300 millions d’euros de l’action n° 2 sera gérée de manière analogue, au travers de subventions (100 millions d’euros) et de prises de participation (200 millions d’euros). Les objectifs du Gouvernement porteront sur le développement dans les transports de l’utilisation d’énergies alternatives (électricité, gaz naturel liquide, hydrogène), ainsi que sur la mise au point de véhicules du futur dans l’ensemble des modes de transports, qu’il s’agisse de véhicules individuels ou collectifs.

Il est prévu que l’ADEME soit l’opérateur de l’État pour la gestion de ces crédits. Une convention entre l’État et l’agence en précisera les modalités.

Le programme 404 vise à intensifier les investissements à destination des filières industrielles, afin d’atteindre les objectifs de la transition énergétique et écologique. Il comprend un double objectif : moderniser le parc industriel pour qu’il renforce ses performances environnementales et soutenir plus spécifiquement des projets dans des filières qui engagent notre pays dans la phase de transition précitée. Le résultat attendu est de disposer en France d’une industrie limitant le recours aux énergies fossiles et disposant d’une meilleure compétitivité.

L’action n° 1 « Usine sobre ; prêts verts » est dotée de 70 millions d’euros, qui seront consacrés à des investissements dans des procédés consommant moins de matières premières ou d’énergie ou générant moins de déchets.

L’action n° 2 « Projets industriels d’avenir pour la transition énergétique » est dotée de 400 millions d’euros, qui se répartiront en subventions (125 millions), en avances remboursables (50 millions) et en prises de participations (225 millions). La Banque publique d’investissement a été désignée comme opératrice de cette action, à charge pour elle, dans le cadre de la convention qui la liera à l’État, de sélectionner des projets qui auront un impact écologique et énergétique, qui amélioreront le positionnement de l’industrie française sur les marchés internationaux et qui recèleront un potentiel de croissance.

Il convient de préciser, pour les deux programmes, que les crédits inscrits n’ont nullement un caractère évaluatifs mais qu’ils seront rapidement transférés aux deux opérateurs – l’ADEME et la BPI – afin que ces derniers puissent rapidement mettre en œuvre le financement des projets qu’ils auront sélectionnés.

Ce point est fondamental : alors que le chantier de la transition énergétique et environnementale s’engage, votre Rapporteur pour avis sera attentif à ce que les sommes inscrites dans la mission « écologie, développement et mobilités durables » soient effectivement disponibles et que les actions soient menées à bien. En effet, la loi de règlement pour 2012 a montré que certaines actions, notamment du programme 174, souffraient de difficultés de mise en œuvre. C’est le cas en particulier de l’action « politique de l'énergie », dotée en 2012 de 5,7 millions d'euros en autorisations d’engagement et de 6,5 millions d'euros en crédits de paiement. L'exécution budgétaire en 2012 s'est élevée respectivement à 0,5 million d'euros et à 4,6 millions d'euros sur ces deux lignes, soit des taux d'exécution respectifs de 9 % et 71 %. D’une manière plus générale, ce budget 2012 de l’écologie, du développement et des mobilités durables avait été exécuté à hauteur de 10,9 milliards d’euros alors que 11,215 milliards étaient prévus en loi de finances initiale. Cette situation s’explique en partie par une moindre consommation de crédits par l’ANDRA, dont des projets coûteux ont été décalés dans le temps.

Lors de son discours du 20 septembre 2013, prononcé à l’occasion de la deuxième Conférence environnementale, le Président de la République a déclaré vouloir faire de la France « la nation de l’excellence environnementale ». Il a rappelé que « la transition énergétique n’est pas un choix de circonstance, c’est une décision stratégique. Ce n’est pas un problème, c’est la solution ».

Le Président de la République, en réaffirmant que la transition énergétique et écologique constituait une priorité, a décliné une partie des axes de la politique du Gouvernement en la matière. L’action publique devra essentiellement se concentrer sur les économies d’énergie.

L’action du Gouvernement a pour objectif de réduire de 50% la consommation d’énergie d’ici à 2050 et de diminuer de 30% le recours aux énergies fossiles d’ici à 2030, considérant que le gain sur la facture d’énergie oscillerait entre 20 et 50 milliards, soit l’équivalent de deux chocs subis par la France lors de la crise financière. Il permet de répondre à deux impératifs : limiter les émissions de GES et réduire le déficit commercial.

Comme le rappelle régulièrement l’association Négawatt, le watt ou le mégawatt d’énergie que l’on ne produit et ne consomme pas a autant d’importance, sinon plus, que celui qui est produit. Il s’agit de faire de la sobriété énergétique un principe d’action politique. Ce principe suppose l’adéquation exacte de l’approvisionnement et de la consommation d’énergie par rapport aux besoins, et non une offre surabondante à bas coût pour stimuler la demande. Il suppose également une réflexion accrue sur l’adaptation du vecteur énergétique à son usage. Il s’agit d’une approche très différente de nos usages actuels.

L’objectif de sobriété ne peut être atteint sans efficacité énergétique, à savoir la capacité à faire face à un besoin en utilisant le moins d’énergie possible, ce besoin étant toutefois réduit grâce à la sobriété. En pratique : un logement isolé correctement permet de réduire le besoin d’énergie de chauffage (sobriété) ; si le rendement des appareils électriques et électro-ménagers est amélioré, on y ajoute l’efficacité. Le résultat en est une consommation encore minorée d’énergie.

Certains acteurs auditionnés par votre Rapporteur pour avis regrettent que la question de l’efficacité n’ait fait l’objet de développements plus précis lors de la deuxième Conférence environnementale alors que le Conseil économique, social et environnemental souligne dans un récent rapport qu’elle « constitue la première source potentielle d’énergie domestique à l’horizon 2020 » (1). Il est d’autant plus important de s’engager en ce sens que nos concitoyens ont pris conscience que le gaspillage d’énergie retentissait sur l’environnement, alourdissait le déficit commercial et pesait sur leur pouvoir d’achat, si l’on en croit le Commissariat général au développement durable (2) et les contributions issues des débats régionaux et de la conférence de citoyens, lors du débat national sur la transition énergétique.

Il ne peut par ailleurs y avoir de politique de l’énergie sans politique industrielle et sans politique de recherche. Le Grenelle de l’environnement avait mis en avant la problématique de la demande d’énergie, mais ne nourrissait pas d’ambition technologique. Or notre pays a besoin de filières industrielles dans l’ensemble des métiers liés aux économies et à la gestion de l’énergie et doit en outre structurer – et former - un réseau d’au moins 200 000 artisans pour réaliser les travaux qui seront entrepris à l’avenir, ne serait-ce que dans la filière du bâtiment. Ces métiers sont multiples et ne se limitent pas à la rénovation thermique des bâtiments. La sobriété énergétique concerne notamment l’électroménager, les réseaux de chaleur, les chaînes de froid, la conservation et le pilotage de millions de données, l’ensemble des modes de transports, qu’il s’agisse des véhicules sobres et propres ou de l’organisation des réseaux ; ou encore l’économie circulaire, réalité encore embryonnaire dans notre pays, mais qui fait pleinement partie d’un projet visant à limiter l’usage des ressources et matières premières, comme le réemploi des matières considérées comme déchets par les uns, et qui constituent une ressource pour d’autres (comme par exemple la méthanisation de déchets fermentescibles).

L’on peut en conséquence souhaiter que le Gouvernement sache combiner au même plan l’isolation et les technologies de gestion des flux d’énergie et qu’il lance un message essentiel : notre société doit offrir des services énergétiques et non des quantités à consommer. Cette approche permet de créer et stimuler des filières technologiques porteuses d’emplois qualifiés et non délocalisables dans les domaines précités. Les technologies existent déjà et peuvent encore être améliorées, notamment celles afférant à la gestion des réseaux d’énergie et à l’information sur les consommations et leurs coûts, vecteur essentiel de la mobilisation des consommateurs (particuliers et acteurs économiques). Un discours clair du Gouvernement est d’autant plus urgent qu’il est parfaitement conscient du problème, puisqu’il a rendu public le 27 septembre dernier une feuille de route sur l’emploi, annonçant le soutien renforcé à quatre filières : rénovation énergétique du bâtiment, efficacité énergétique « active », biodiversité et génie écologique. Les effets de la transition énergétique sur les métiers d’avenir permettront de développer fortement l’emploi dans les filières précitées.

La politique de sobriété ne se limite pas à la seule isolation. Mais à partir du moment où elle apparaît comme la mesure phare du Gouvernement, elle exige de mettre en place les moyens nécessaires, et notamment un réseau d’artisans formés aux différents métiers de l’énergie. Cet objectif n’a rien d’insurmontable, mais il n’est pas mis en œuvre actuellement, rendant complexe la rénovation de 4 millions de logements à moyen terme.

En outre, il est essentiel d’envoyer un signal à notre société sur l’importance des consommations d’énergie dans le secteur des transports. La sobriété y implique à la fois une meilleure efficacité des infrastructures existantes (voies réservées sur les autoroutes pour les transports collectifs, les véhicules sobres et le covoiturage, accroissement de la fréquence des transports ferrés…) et la sobriété des véhicules en développant des véhicules motorisés énergétiquement efficaces et adaptés à nos besoins.

Le discours du 20 septembre dernier a permis de replacer la transition énergétique et écologique au cœur de l’action du Gouvernement. Un signal important a été envoyé à nos concitoyens et aux acteurs économiques. La loi sur la transition énergétique, qui devrait être présentée au Parlement en 2014 est toujours dans sa phase de préparation. Raison de plus pour amplifier l’ensemble des actions qui concourent à cette transition. C’est d’ailleurs le sens des propos du Ministre de l’écologie, qui a rappelé que le politique devrait, à cette occasion, prendre ses responsabilités.

Le Président de la République dans son discours d’ouverture, le Premier ministre dans son discours de clôture de la deuxième Conférence environnementale ont évoqué le champ essentiel de la mobilité. Celle-ci constitue le premier poste de consommation d’énergie (45,1 millions de tonnes en équivalent pétrole en 2011, juste devant l’habitat, dont le niveau s’établissait à 43,2 millions de tonnes) et recourt massivement aux énergies fossiles. C’est dans ce secteur que peuvent être réalisés les principaux progrès en matière de sobriété et d’efficacité, grâce à la combinaison des progrès technologiques et de politiques intelligentes fondées sur la mobilité en tant que service.

L’État, en ce domaine, peut faire utilement œuvre de pédagogie, aux côtés des collectivités territoriales. Ce constat est partagé par plusieurs fédérations professionnelles, qui rappellent que les modes de transports ont au moins autant d’importance que l’habitat, compte tenu de leur part dans l’émission de GES et de leur dépendance quasi intégrale aux ressources fossiles.

Les engagements du Président de la République et du Premier ministre en matière de mobilité portent sur la promotion d’un véhicule sobre consommant au maximum 2 litres pour 100 km ainsi que le développement d’une nouvelle génération de véhicules électriques et d’un réseau de bornes de recharge d’ici à 2015. Ils sont incontestablement intéressants (même si d’autres pistes énergétiques ne doivent pas être négligées pour autant qu’elles s’appuient sur des énergies renouvelables), puisqu’ils peuvent accélérer le renouvellement d’un parc de véhicules qui deviendrait plus économe en hydrocarbures. Ils constituent l’un des aspects d’une politique plus large de la mobilité :

– centrer la politique des transports sur la satisfaction d’un besoin – se déplacer – et non sur la possession de véhicules, dont l’achat et l’entretien sont de plus en plus onéreux pour nos concitoyens ;

– favoriser en milieu urbain les transports collectifs, les circulations douces et les véhicules en partage pour éviter les congestions de trafic ; plus généralement, mettre en place des solutions intelligentes qui préservent la fluidité des voiries en ville et sur les infrastructures routières et autoroutières (espace réservé aux bus pour leur donner un avantage comparatif en régularité et en vitesse, obligation de covoiturage à certaines heures, voies réservées aux véhicules sobres en continu ou à certaines heures…) ;

– limiter les émissions de GES grâce à la réduction du trafic et de la vitesse et favoriser l’usage de véhicules sobres, hybrides, usant d’énergies renouvelables (électriques ou autres) et renforcer au plus vite l’encadrement européen des émissions de GES des véhicules ;

– relancer les lignes ferroviaires interurbaines, sacrifiées pour financer le TGV alors qu’elles transportent quotidiennement plus de passagers ;

– développer des réponses aux besoins de déplacement combinant l’ensemble des modes de transports collectifs ou en partage pour offrir à chaque moment une solution économique et écologique pour se déplacer ;

– rompre avec les avantages fiscaux qui subventionnent in fine maladies pulmonaires, cardiovasculaires et cancers pour améliorer la santé de nos concitoyens, victimes des particules fines rejetées par des moteurs diesel. Le diesel contribue massivement au déficit commercial : la France doit importer du gazole que ses raffineries ne peuvent produire et exporte de l’essence ou ferme ses raffineries en surcapacité. Il est nécessaire d’accompagner les usagers et les constructeurs dans cette « dédiesélisation » du parc ;

– concevoir le véhicule individuel du futur, les transports collectifs ne pouvant toujours résoudre la question du point à point ou du dernier kilomètre, en appuyant l’innovation et le développement industriel sur la motorisation des véhicules (diversification des énergies, innovations technologiques, évaluation environnementale globale de leurs impacts, priorité aux sources renouvelables), la sobriété dans la consommation (taille du véhicule, poids, vitesse de pointe, consommation à vitesse moyenne, autonomie du véhicule en usage sobre, réduction des gaspillages), la réduction des impacts négatifs (pollution de l’air, émissions de gaz à effet de serre, bruit, accidentologie) et donc économies induites sur les coûts externes de l’usage de l’automobile pour les finances publiques, l'amélioration de la fluidité par une moindre saturation de l'espace (réduction de l'encombrement facilité de stationnement), l’accroissement de la durée de vie des véhicules par la réduction de l’obsolescence, l’organisation dès l’amont de la réparation et du recyclage, la réduction des coûts à l'achat et à l'usage des véhicules (coût au 100 km parcourus) pour les usagers, la sensibilisation des consommateurs à ces critères de choix, la valorisation de l'usage sobre, écologiquement et citoyennement responsable, ou encore la diversification des usages (voiture partagée, choix d'un véhicule adapté en fonction de chaque besoin),

– adopter une politique nationale en faveur du vélo, combinant infrastructures cyclables, adoption d’un code de la rue et d’incitations économiques (sur le modèle de celles existant pour l’usage de l’automobile).

La politique de mobilité va bien au-delà des modes de transports. Elle englobe la gestion de l’espace urbain et rural, elle a des impacts sociaux pour les personnes qui ne peuvent posséder ou renouveler aisément un véhicule individuel, ou pour lesquels les coûts croissants de l’usage des véhicules pèsent sur leur pouvoir d’achat. Elle répond à des impératifs de santé. Elle correspond aussi à des enjeux industriels et d’emplois majeurs au moment où l’industrie automobile s’effondre dans une crise structurelle. Elle a des impacts environnementaux (émissions de GES, pollution de l’air, bruits) et concerne donc une vision plus sereine et plus conviviale de l’espace public. Il est essentiel que ces éléments fassent l’objet d’un débat plus approfondi avec nos concitoyens, qui ont besoin d’en comprendre les interactions.

Les certificats d’économie d’énergie (CEE) ont conduit à des résultats importants au cours des deux phases de leur existence. Ils font néanmoins l’objet de critiques eu égard à leur mécanisme, considéré comme complexe et à la difficulté d’évaluer la part qu’ils ont prise dans les économies d’énergie réalisées, par rapport à d’autres mesures incitatives, comme le crédit d’impôt pour le développement durable (CIDD) ou l’éco-prêt à taux 0. Le débat sur l’efficacité des CEE est donc légitime, mais votre Rapporteur pour avis, s’appuyant sur le récent rapport de la Cour des comptes et sur les auditions d’opérateurs qui les mettent en œuvre, considère qu’il ne doit pas servir de prétexte pour remettre en cause un système qui a abouti à des résultats incontestables et qui ne coûte quasiment rien aux finances publiques.

Rappelons que face à l’engagement de la France de réduire d’au moins 20% sa consommation énergétique et les émissions de GES d’ici à 2020, la loi de programmation fixant les orientations de la politique énergétique (n° 2005 – 781 du 13 juillet 2005) a mis en place les CEE. Aux termes de ses dispositions, codifiées aux articles L 221-1 et suivants du code de l’énergie, les vendeurs d’énergie (électricité, gaz, chaleur, froid, fioul domestique), dénommés « obligés » ont l’obligation de proposer et d’opérer des travaux d’économies d’énergie, ou bien de s’acquitter d’une pénalité. Ces travaux réalisés par les obligés ou sur leur incitation donnent lieu à l’attribution de CEE par les pouvoirs publics, dont l’unité de compte est le kilowattheure cumulé et actualisé (cumac) (3) sur la durée de vie conventionnelle d’un équipement.

L’intérêt des CEE est double : leur coût est limité pour l’État (une vingtaine d’emplois et quelques centaines de milliers d’euros de frais d’étude) et il s’agit d’un outil souple et pragmatique, associant une obligation réglementaire, à savoir un objectif fixé par l’État, et le jeu du marché, en permettant aux obligés de choisir la forme de leurs actions pour respecter leurs obligations. Rappelons que les trois principaux obligés sont EDF (41 %), GDF (19 %) et Total (11 %), qui ont développé une palette d’instruments auprès de leur clientèle, allant des conseils aux aides financières, en passant par la création de réseaux de professionnels. Au 1er janvier 2013, 269 opérations répertoriées sous forme de fiches étaient éligibles aux CEE. Ces fiches sont un guide pour calculer le montant de kwh cumac résultant d’une opération.

L’existence des CEE est attestée par leur inscription à un registre national (EMMY). Les CEE ont une valeur marchande et sont négociables sur un marché. Ils permettent de mesurer concrètement les économies réalisées.

Les CEE ont dépassé l’objectif de 54 terawattheures (twh) d’économies fixé par l’État pour la première période (2006-2009) avec 65,2 twh, soit l’équivalent de 80 % de la production annuelle d’un réacteur nucléaire, d’après le ministère chargé du développement durable. 3,9 milliards d’euros ont été investis dans des travaux qui ont permis la mise en place de 850 000 chaudières, 362 000 installations recourant aux énergies renouvelables et 570 000 travaux d’isolation. Au total, l’économie représente 1,5% de la consommation du secteur résidentiel et une réduction de 3,2% des émissions annuelles de GES de ce même secteur.

La deuxième période s’achèvera le 31 décembre 2013. Le bilan n’est pas encore effectué mais l’ADEME estime, en extrapolant les résultats déjà enregistrés, que les CEE devraient aboutir à une réduction de 78,8 twh, ce qui correspond à 1 % par an de la consommation des bâtiments. C’est ce secteur qui a essentiellement profité des CEE (environ 90%), avec une nette attractivité pour le bâtiment résidentiel (80%). L’industrie n’a guère utilisé le dispositif (environ 6% des certificats collectés) et le secteur des transports les a totalement ignorés (moins de 1 %), « pour des raisons (taille des investissements nécessaires, nécessité de relations personnalisées avec l’investisseur, etc…) dont aucune toutefois n’est rédhibitoire ; cette situation pourrait donc évoluer dans un contexte de plus grande concurrence entre les obligés», d’après la Cour des comptes.

La Cour des comptes comme l’ensemble des acteurs du monde de l’énergie estiment toutefois que les CEE sont rarement à l’origine de la décision d’effectuer des travaux, mais que conjugués au versement de primes et à l’octroi de conseils, ils accélèrent la prise de cette décision. Cette réalité révèle une faiblesse du dispositif mais ne peut servir de prétexte pour le remettre en question, puisqu’il suffirait de créer un système d’évaluation a posteriori pour que les pouvoirs publics l’améliorent alors qu’ils envisagent d’établir à plus de 200 twh cumac par an les gains à réaliser pour la troisième phase.

La principale critique formulée par la Cour des comptes ne concerne ni le coût des CEE ni leur gestion, mais la lutte contre la précarité énergétique, qui constituait un des objectifs de la loi du 13 juillet 2005 précitée. Cet objectif n’a toutefois pas été quantifié. Or il représente un intérêt considérable, tant pour les économies d’énergie que pour le gain de pouvoir d’achat pour les bénéficiaires.

Il est sans doute nécessaire, comme le soulignent nombre d’observateurs, d’améliorer la gestion matérielle des CEE. Tout dispositif doit être adapté au retour d’expérience qui en est périodiquement effectué et la Cour des comptes émet plusieurs propositions (périodicité de la révision des fiches, objectif à atteindre en faveur des ménages en situation de précarité énergétique, création d’une instance de concertation réunissant l’ensemble des parties prenantes du dispositif, renégociation de la délégation de service public pour la gestion du registre EMMY…). Mais il conviendrait surtout d’en faire un instrument mieux connu de nos concitoyens et des entreprises, afin qu’ils y recourent de manière croissante.

La transition énergétique et écologique concerne l’ensemble de notre société. Avec les CEE, celle-ci dispose d’un outil souple, d’un coût quasiment nul pour les finances de l’État. Ce facteur est d’autant plus intéressant que les objectifs européens d’efficacité énergétique enjoignent à notre pays d’intensifier ses efforts en la matière. Si l’objectif précité de plus de 200 twh cumac par an devait être retenu, il signifierait un rythme annuel moyen double de celui enregistré pour l’obtention des CEE entre juillet 2012 et juillet 2013. Ce chiffrage est contesté par les principaux opérateurs qui affirment craindre une augmentation des coûts des certificats dans cette hypothèse. L’argument n’est guère recevable, une augmentation devant théoriquement intensifier la concurrence entre les obligés, celle-ci pouvant en outre avoir un impact sur les types d’action donnant lieu à des CEE, sur leurs modalités d’obtention ainsi que sur leurs prix. L’ADEME pour sa part estime que cet objectif devrait être porté à 300 twh par an pour tenir les engagements internationaux pour la France, position que partage votre Rapporteur pour avis.

« L’effet prix » peut favoriser l’utilisation des CEE, mais l’amélioration de leur gestion doit être conçue pour qu’ils participent pleinement de la politique énergétique. Trois pistes pourraient être privilégiées :

– permettre à l’ensemble des acteurs politiques et économiques qui travaillent sur les questions de transition énergétique et écologique de concevoir ou de modifier les fiches d’opérations, au regard des objectifs que s’assigne notre société et des retours d’expérience ;

– rendre obligatoires les études a posteriori auprès des obligés ;

– partant du constat que les CEE ont principalement été mis en œuvre auprès de particuliers, adapter leur mécanisme pour qu’ils concernent des opérations plus lourdes et plus complexes, portant sur l’habitat collectif, la mobilité et les installations industrielles.

Les CEE pourraient ainsi bénéficier, en pratique, d’un champ d’intervention plus large et permettre la mobilisation d’un plus grand nombre d’acteurs, notamment dans le cas d’opérations complexes où ces derniers recourent à des technologies pour le pilotage des flux d’énergie.

La fiscalité est reconnue comme un puissant levier de modification des comportements individuels et collectifs. Elle constitue l’un des outils de la transition énergétique et écologique.

Le total des taxes environnementales prélevées en France atteint 1,8 % du PIB, à comparer à 2,4 % pour la moyenne européenne, nous plaçant en avant-dernière position. Pourtant, il est dorénavant reconnu que des taxes sur des activités polluantes ou visant à favoriser les énergies renouvelables comportent des enjeux environnementaux tout en favorisant la transformation de l’économie. Dans une récente note (24 juin 2013), la fondation Terra Nova a estimé que la fiscalité écologique devait constituer le premier échelon d’une réforme fiscale globale, qu’elle devait être équitable socialement en prévoyant des compensations au profit des ménages les plus modestes et qu’elle pouvait, sous condition, favoriser la compétitivité d’une économie.

La première partie du projet de loi de finances pour 2014, telle que votée à l’Assemblée nationale en première lecture, a livré des signaux contradictoires.

L’instauration d’une contribution climat énergie introduit pour la première fois une composante carbone dans la fiscalité française. Elle permettra d’augmenter progressivement les taxes intérieures sur la consommation des produits énergétiques polluants en fonction de leurs émissions de CO2. Cette mesure devrait rapporter 340 millions d’euros en 2014 ; 2,5 milliards en 2015 et 4 milliards en 2016.

L’extension de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) à sept nouvelles substances (plomb, zinc, nickel, cadmium, vanadium, chrome, cuivre), avec des taux allant de 5 à 500 euros par kilogramme rejeté constitue également une mesure positive. Mais alors que ces substances sont considérées à juste titre comme nocives, l’Assemblée nationale n’a pas adopté la réduction des avantages fiscaux accordés aux moteurs diesel, dont la responsabilité comme facteur cancérigène est désormais clairement établie (seule une évolution de la taxe sur les véhicules de société prenant en compte le critère « qualité de l’air » a permis de réduire très légèrement les avantages donnés au diesel et d’adresser un tout premier signal prix). Cette position est en totale contradiction avec les PPA que le Gouvernement souhaite mettre en place sur le territoire.

La baisse à 5,5 % du taux de TVA sur les travaux de rénovation thermique des logements de plus de deux ans, éligibles au crédit d’impôt pour le développement durable (CIDD), est positive, étant donné que le Président de la République a fait de cette rénovation l’axe principal de la politique de transition énergétique. La réduction du champ du CIDD est en contradiction avec cet axe et ne constitue pas, de la part des pouvoirs publics, un signal positif, notamment pour les énergies renouvelables.

En revanche, le rejet d’amendements visant à baisser de 10 % à 5,5 % le taux de TVA sur la gestion des déchets, sur l’eau et les transports publics est en contradiction avec les objectifs de préservation du pouvoir d’achat (les déchets ménagers coûtent un peu plus de 100 euros par habitant), de recyclage et de mise en valeur de nombreux matériaux dans un secteur qui représente déjà 150 000 emplois en France. Enfin, alors que les transports constituent le premier gisement d’économies en énergie, ne pas considérer les transports publics comme un service de première nécessité est dommageable pour la transition énergétique, l’emploi et le pouvoir d’achat.

Sans financement, il n’y a pas de transition énergétique. Celui-ci ne doit cependant pas être regardé comme un coût mais comme un investissement productif (générateur d’emplois, de pouvoir d’achat et de compétitivité) et ce d’autant plus que l’inaction a un coût bien plus élevé que la transition, comme l’a montré le rapport de Sir Nicholas Stern en 2006. Pour autant, ce financement n’a aucunement vocation à être majoritairement public. Le rôle des pouvoirs publics est de mettre en place les outils financiers permettant de guider les fonds privés (flux, épargne,…) vers ce qui est bénéfique pour la collectivité. Les programmes 403 et 404 du présent projet de loi de finances amorcent le financement de la transition énergétique au travers de la mobilisation de fonds publics pour l’investissement, sous forme d’avance et de subventions. La Banque publique d’investissement joue ici le rôle d’une banque de la transition énergétique, comme l’a souhaité le Président de la République. La Banque européenne d’investissement et la Caisse des Dépôts ont également une place à prendre dans cette architecture à venir du financement de la transition.

Cette initiative est bienvenue. En effet, les exemples étrangers, et en particulier l’action de la KfW allemande, montrent l’effet levier de l’investissement public dans la transition énergétique, tant d’un point de vue financier que du point de vue de l’emploi. Un euro déployé par la KfW génère 11 euros d’investissement et d’activité économique, et apporte 5 euros de recettes fiscales. On voit, au travers de cet exemple, l’importance de cet effet levier. La Conférence bancaire, annoncée par le Président de la République lors de la deuxième Conférence environnementale, doit permettre d’associer acteurs publics et privés au service du financement de la transition.

Votre Rapporteur pour avis souhaite également rappeler le travail de précurseur opéré par quelques sociétés d’économie mixtes, comme la SEM Énergie Posit’IF en Île-de-France, qui lancent des programmes de tiers-investissement. Le principe est le suivant : la société investit en lieu et place des particuliers dans la rénovation thermique et se rémunère sur les économies d’énergie générées, ce qui permet de répondre à de nombreuses problématiques, notamment sociales. Son action bénéficie tout autant au ménage qui réalise des économies financières qu’à la transition au travers des économies d’énergie générées. Il y a donc ici une piste intéressante permettant d’accélérer cette transition.

La transition énergétique et écologique comprend deux volets indissociables : le gisement des économies d’énergie et le recours croissant aux énergies renouvelables.

Faut-il rappeler que les énergies renouvelables sont par définition en quantités infinies ; que pour l’essentiel le combustible en est gratuit (à la différence des ressources fossiles), que tout territoire en est doté (ce qui garantit l’indépendance énergétique) et que leur impact sur l’environnement est faible ? Ces données sont connues… Et expliquent notamment l’objectif européen d’un renforcement de leur part dans le bouquet énergétique, à savoir 20 % dans la consommation finale en 2020. L’engagement de la France, à cette même échéance, est de 23 %.

Ces caractéristiques ont plusieurs conséquences :

– les énergies renouvelables génèrent de la richesse sur le territoire où elles sont produites, ce qui est renforcé par le fait qu’elles sont naturellement décentralisées ;

– par la proximité qu’elles peuvent engendrer entre production et consommation, elles substituent à de lourdes infrastructures des unités plus légères ;

– leur usage peut conduire à une réflexion et à une sensibilisation de l’ensemble des citoyens d’un territoire sur les enjeux du développement durable ;

– leur dispersion à travers le monde évite les aléas géopolitiques liés à l’extraction du gaz ou du pétrole. La plupart des pays producteurs d’hydrocarbures sont soit des dictatures, soit en crise grave.

La France dispose de ressources variées, qui dépendent selon les régions des conditions météorologiques et géologiques :

– énergie éolienne terrestre : Nord-Pas-de-Calais, Picardie, Île-de-France, régions du grand Ouest, Champagne, Lorraine, Alsace, Sud de la vallée du Rhône ;

– énergie éolienne en mer (offshore) : Nord-Pas-de-Calais, Normandie, Bretagne, Pays de Loire ;

– géothermie : Île-de-France, Champagne et Lorraine, Sud de l’Aquitaine ;

– énergie solaire : Sud de la Loire.

À ces atouts, s’ajoute la biomasse, qui présente l’avantage d’être répartie sur l’ensemble de notre territoire. Elle est en quantités considérables mais comme le rappelle le rapport d’information (n° 1169) de nos collègues François-Michel Lambert et Sophie Rohfritsch, déposé en juin 2013 au nom de la commission du développement durable, l’utiliser au service du développement durable tant comme source d’énergie que comme matière première et concomitamment comme un outil indispensable à l’équilibre climatique, à la pluviométrie, à la qualité de l’air ou au bien-être de nos concitoyens nécessite une rénovation de l’ensemble des circuits économiques liés à la filière bois.

Notre pays peine à respecter ses objectifs européens pour les énergies renouvelables dans son bouquet énergétique, comme l’a rappelé la Cour des Comptes, non par une quelconque fatalité, mais parce que sa politique manque de cohérence. Le cas de la filière photovoltaïque est emblématique de ces errements. La politique de soutien tarifaire, mal calibrée à ses débuts, a permis d’amorcer la constitution d’une filière. Elle favorisait certes l’importation de panneaux solaires chinois, qui dominaient le marché par des pratiques de dumping, mais leur impact sur notre déficit commercial était faible au regard du coût d’importation des hydrocarbures pour notre pays et elle stimulait malgré tout la filière photovoltaïque française dont l’essentiel de la valeur ajoutée (installation, maintenance,…) ne réside pas dans la fabrication des panneaux. Pour favoriser les PME françaises et européennes, dans la production industrielle des équipements comme celles réalisant leur installation, il aurait fallu poursuivre un soutien public au lieu de baisser brutalement en 2010 les tarifs d’achat. L’ensemble des PME a été fragilisé économiquement et l’on peut aujourd’hui qualifier la filière de sinistrée. De même, si l’énergie éolienne semble moins affectée par ces errements, il n’en reste pas moins que les procédures sont longues, complexes et soumises à des aléas juridiques nombreux. C’est pourquoi, pour votre Rapporteur pour avis, un choc de simplification, entamé à l’occasion de la proposition de loi défendue par François Brottes, devra trouver sa traduction dans la loi de transition énergétique.

Comment ne pas souligner la contradiction entre le soutien constant de l’énergie nucléaire par les pouvoirs publics et l’abandon du secteur solaire ? Un cadre réglementaire et tarifaire stable, des appels d’offre adaptés à nos PME et des actions de formation professionnelle peuvent relancer un secteur où nous disposons de compétences techniques.

Votre rapporteur pour avis avait consacré l’an dernier une large part de son rapport au rôle indispensable des entreprises et des filières industrielles pour la réussite de la transition énergétique et écologique. Il réitère cette conviction, partant du principe que si l’État, par la fiscalité et la législation, mais aussi dans une moindre mesure par la commande publique, fixe les orientations et pilote les externalités, la réalisation de projets d’économie d’énergie et le recours croissant aux énergies renouvelables sont effectués par des entreprises.

Il est en conséquence crucial qu’elles disposent d’un cadre législatif stable leur permettant de prévoir leur stratégie commerciale et leurs investissements avec un minimum de visibilité.

Le poids économique des entreprises liées à l’énergie est considérable en France. Quelques chiffres le rappellent :

– Industrie pétrolière : 17 600 emplois.

– Industrie gazière : 20 700 emplois.

– Électricité (production et distribution, y compris d’origine nucléaire) : 125 000 emplois.

– Équipement électrique, électronique et communication : 3 000 entreprises, 420 000 emplois, 98 milliards de chiffre d’affaires (dont 40% à l’export). 87% des entreprises sont des TPE ou des PME mais le secteur compte des leaders mondiaux comme Schneider. Ce secteur est stratégique pour la généralisation d’une gestion énergétique intelligente et connectée.

– Filière éolienne : environ 11 000 emplois, opérant sur la fabrication des huit composants fondamentaux, la préparation des sites, leur mise en service et leur maintenance. Il s’agit, pour le volet industriel, essentiellement de sous-traitants de pointe. Il est d’ailleurs à noter que les professionnels du secteur souhaiteraient qu’une grande entreprise généraliste nationale voie le jour.

– Filière photovoltaïque : environ 8 000 emplois, à comparer à 28 000 à la fin des années 2000, ce qui démontre l’effet négatif de l’abandon du soutien à l’énergie solaire.

Le syndicat des énergies renouvelables (SER), organisation professionnelle qui regroupe les industriels des énergies renouvelables, représente 500 entreprises adhérentes dont le chiffre d’affaires est de 10 milliards d’euros et qui assurent 80 000 emplois. La Fédération France Énergie Éolienne quant à elle regroupe 160 entreprises du secteur éolien, et l’association ENERPLAN près de 150 entreprises du solaire. Ces trois acteurs regroupent donc 800 entreprises, réparties sur le territoire national, qui œuvrent dans le domaine des énergies renouvelables. D’après les observateurs du secteur, le gisement potentiel d’emplois supplémentaires est au minimum de 150 000 pour 2020.

La politique de transition énergétique va placer l’ensemble de ces professions devant une mutation dont elles ont parfaitement conscience et dont elles sont demandeuses. À la relation classique entre producteur, distributeur, installateur et client final, relation essentiellement basée sur le prix de l’énergie, se substitueront des rapports fondés sur la mise en œuvre de solutions complètes : plutôt que la simple fourniture d’énergie, les métiers d’avenir sont liés aux services énergétiques.

La principale question qui se pose à ce stade peut ainsi être formulée. Les deux premières conférences environnementales et le projet de loi de finances pour 2014 donnent-ils un signal suffisant en faveur des filières industrielles ? Si l’on en croit les représentants d’entreprises ou de fédérations d’entreprises que votre Rapporteur a reçus (cf. liste en annexe), la réponse est négative, sans que la déception soit totale de la part de personnes habituées à constamment s’adapter dans des secteurs concurrentiels, mais tous ressentent le besoin d’une stratégie de l’État pour passer réellement à une nouvelle étape.

Il est difficile d’évaluer avec exactitude le nombre d’emplois que l’on peut attendre de la transition énergétique et écologique, mais il oscille vraisemblablement entre 150 000 et 400 000. Tout dépend de l’échelle de temps que l’on prend en compte. Rappelons qu’il s’agit d’emplois qui pour la plupart nécessitent des qualifications et sont donc rémunérés correctement, qui sont intellectuellement intéressants et qui ne sont pas délocalisables. Ils constituent une voie d’avenir dans un pays qui cherche à retrouver une excellence industrielle et à lutter contre le chômage.

Les programmes 403 et 404 précités, relatifs aux investissements d’avenir, peuvent constituer un premier levier, surtout s’ils se combinent avec le plan « priorité jeunesse » établi par le conseil interministériel de la jeunesse le 21 février 2013, qui vise entre autres objectifs à améliorer l’éducation et la formation. Il est nécessaire que l’action gouvernementale privilégie des filières intensives en emplois et qu’elle puisse y orienter de nombreux jeunes, souvent attirés par les métiers de l’environnement.

Le principal enjeu est de favoriser la mise en place de filières pour amorcer cette mutation. La théorie économique classique affirmera que la croissance est la principale source d’emplois, mais c’est oublier qu’une politique d’investissements dans des infrastructures porte un effet de levier. Or les énergies renouvelables comme les économies d’énergie – ces dernières par le gain de pouvoir d’achat qu’elles génèrent – exercent cet effet sur l’économie. L’Allemagne a ainsi bénéficié d’un solde de 360 000 emplois, par la création de 400 000 postes dans le secteur des énergies renouvelables et la disparition de 40 000 postes dans celui des énergies fossiles. Les études de l’économiste Philippe Quirion sur le scénario Negawatt démontrent les mêmes possibilités en France.

L’argument avancé par les grandes sociétés d’énergie, selon lequel la mutation du modèle actuel, avec une diminution de la part de l’électricité d’origine nucléaire, aboutirait à la destruction de centaines de milliers d’emplois ne peut décemment être retenu. Le renoncement à l’énergie nucléaire crée automatiquement une filière : celle du démantèlement des centrales, qui mobilisera des milliers d’emplois extrêmement qualifiés sur plusieurs décennies, susceptibles en outre de doter notre pays d’une filière d’excellence pour des processus analogues à l’étranger. Parallèlement, l’émergence de nouvelles filières et le renforcement de celles qui exercent dans l’ensemble des métiers de l’énergie et de l’environnement constituent un sérieux outil de réindustrialisation de notre pays. La mutation n’est donc pas source de chômage ; elle est source de transformation des emplois. À charge pour les responsables politiques, avec les partenaires sociaux, d’organiser cette transformation, via notamment l’éducation et la formation professionnelle des jeunes et des adultes.

Les entreprises françaises ne manquent pas de savoir-faire dans ces métiers, mais elles attendent du Gouvernement un signal clair, qui les conforte dans leurs choix d’investissement.

Le résultat des auditions conduites par votre Rapporteur pour avis ces dernières semaines montre indéniablement que la politique du Gouvernement est perçue comme insuffisante alors qu’il existe de fortes attentes.

La principale déception réside dans le fait que la transition énergétique semble se limiter à des actions sur l’habitat, dont l’objectif sera difficile à atteindre sans capacités humaines pour les mettre en œuvre. Or elle nécessite également la mobilisation de technologies, elles-mêmes porteuses de réorganisation dans de multiples domaines (urbanisme, circulation, flux et stockage d’énergie) ; ce point semble partiellement occulté alors que les besoins sont immenses.

L’exemple des réseaux électriques intelligents démontre pourtant l’excellent positionnement des entreprises françaises. Une des initiatives locales connecte par exemple 2 000 logements, soit 5 000 habitants, à 160 000 m² de bureaux réunissant 10 000 employés, auxquels s’ajoutent des bornes de recharge pour voitures électriques. Ce projet a réuni, outre des grands groupes, des PME innovantes travaillant sur les boîtiers de connexion mesurant à domicile les consommations des appareils électriques, sur les volants d’inertie de stockage d’électricité, sur des applications de cartographie ou encore sur des instruments de pilotage d’un éco-quartier. Le marché mondial est évalué à 100 milliards d’euros.

Pour les seules actions sur l’habitat, de nombreuses PME s’interrogent sur la pérennité des certificats d’économie d’énergie alors que la Cour des comptes a reconnu que ce système fonctionnait bien. Au moment où l’UE souhaite renforcer l’efficacité énergétique et où plusieurs pays s’intéressent à la politique d’économie d’énergie conduite par la France, il convient de renforcer les certificats, qui ont rempli leurs objectifs de phase 2 ; capitaliser l’élan plutôt que se perdre en conjectures sur une politique qui a fait ses preuves en créant pour les CEE un trou d’air comparable à celui que l’on a pu connaître dans le secteur photovoltaïque.

Les entreprises déplorent également l’absence d’une stratégie d’ensemble en faveur des énergies renouvelables. Elles font face à des signaux contradictoires : d’un côté, des objectifs européens et nationaux à respecter pour augmenter la part des énergies renouvelables ; de l’autre, une politique incohérente sur l’énergie photovoltaïque et la réduction du champ d’éligibilité au CIDD…

La politique de transition énergétique peut apparaître comme une novation au niveau national. Elle ne l’est pas pour de nombreuses collectivités territoriales, qui se sont engagées de longue date dans cette voie. C’est avant tout au niveau local que des élus ont amorcé la mise en œuvre des politiques écologiques, démontrant leur faisabilité, leur pertinence et le soutien de la population à ces mutations. Les énergies renouvelables entraînent une décentralisation de fait du modèle existant tandis que se multiplient les expériences de territoires à énergie positive et d’économie circulaire.

Le modèle énergétique français se caractérise par sa centralisation, qu’il s’agisse de l’importation et de la transformation d’énergies fossiles ou de la production d’électricité d’origine nucléaire. Le passage graduel – quoiqu’encore trop lent – vers les énergies renouvelables modifie ce schéma car celles-ci sont liées à la géographie et à la nature. En conséquence, les collectivités territoriales sont le terrain privilégié de la transition énergétique :

– les énergies renouvelables sont liées à la géographie physique d’un territoire : c’est en fonction de caractéristiques comme la présence de soleil, de bois, de géothermie dans le sous-sol, les cours d’eau ou la mer ou de vent qu’une collectivité décide d’un choix énergétique et mobilise autour d’elle des compétences ;

– l’échelle locale permet d’adapter l’offre d’énergie aux besoins de la population et à la densité de l’habitat. S’agissant de l’électricité (mais aussi de nombreux autres biens de consommation), elle permet également de privilégier des circuits courts entre la production et la consommation, ce qui allège la charge sur le réseau national.

Les travaux que les professionnels du secteur privé accomplissent chez les particuliers et dans les entreprises s’exercent le plus souvent dans un périmètre géographique communal ou cantonal. Statistiquement, 87% des entreprises opérant dans les métiers liés à l’énergie sont des PME ou des TPE dont le rayon d’action est local. Ce sont ces entreprises qui réalisent in fine les travaux d’isolation, de mise en réseau et de pilotage des flux énergétiques. Il est donc particulièrement pertinent de mettre en œuvre des politiques qui favorisent les dynamiques territoriales, et créent des emplois non délocalisables plutôt que d’importer des ressources énergétiques.

Les collectivités territoriales sont également les organisatrices des réseaux de chaleur, qui pour une part croissante fonctionnent avec des énergies renouvelables ou fatales. Elles sont épaulées dans ce travail par le fonds Chaleur géré par l’ADEME. Votre Rapporteur pour avis soutient la dynamique créée par le fonds Chaleur et est soucieux de l’accroissement de ses moyens financiers, condition nécessaire à l’atteinte des objectifs ambitieux que la France s’est donné en la matière.

Le projet de loi de décentralisation, actuellement en navette, prévoit de clarifier les compétences des différents échelons territoriaux, s’agissant des politiques environnementales et de l’aménagement du territoire. Le texte devrait prévoir que la région établira un Agenda 21 et qu’elle aura « qualité de chef de file » pour la protection de la biodiversité, pour le climat et l’énergie, l’intermodalité et la complémentarité des modes de transports. Il reviendra aux régions d’établir leur schéma régional de l’intermodalité, les communes étant compétentes pour la mobilité durable. Le texte ne leur donne en revanche pas compétence particulière en matière de transition énergétique

Les collectivités territoriales n’ont toutefois pas attendu que l’État détermine sa stratégie pour notre pays, via le débat national, les conférences environnementales et le projet de loi de décentralisation. Elles ont pris des initiatives, à la fois par conviction et parce qu’elles font face à des problèmes concrets, comme la mobilité des personnes et des marchandises, le coût de l’énergie ou la qualité de l’air. Ces initiatives sont tellement nombreuses que ni les pouvoirs publics, ni les associations et fondations œuvrant sur les questions d’environnement n’en ont une vision exhaustive. Rappelons que les politiques favorisant la rénovation des logements, les transports collectifs, l’autopartage, les réaménagements de voirie avec des pistes cyclables participent activement à la réduction de la consommation d’énergie et à celle des émissions de GES, mais plusieurs collectivités ont engagé des stratégies de développement durable d’une portée plus large. Il convient donc de permettre et d’encourager les initiatives des territoires qui le souhaitent. Les collectivités territoriales devraient ainsi pouvoir s’instituer en autorité organisatrice de l’énergie, dans le cadre d’une coordination, d’une mutualisation régionale et de la péréquation nationale.

Ces initiatives varient selon le caractère rural ou urbain des collectivités. Il est plus facile d’organiser des processus d’autonomie énergétique en milieu rural où les acteurs sont facilement identifiables et où les investissements sont moins coûteux qu’en milieu urbain. Les grandes agglomérations sont en revanche le terrain d’élection des politiques de mise en réseau.

La France recense environ 36 000 communes mais n’en compte seulement que 900 de plus de 10 000 habitants. La concentration de l’habitat est loin d’y être excessive. Plus de la moitié du parc de logements se compose de maisons individuelles.

Toute politique de rénovation de l’habitat doit tenir compte de cette dispersion et s’organiser en conséquence, qu’il s’agisse des points rénovation info service (PRIS), qu’il faut rendre facilement accessibles à la plus large partie de la population ou des offres de travaux. Autant il est facile à un particulier de décider d’une opération ponctuelle, comme un changement de chaudière, autant il peut hésiter à s’engager dans un bouquet de travaux pour améliorer le rendement énergétique de son habitation, à moins de bénéficier d’une offre groupée dont un artisan accepte d’être juridiquement chef de file.

Le thème de la structuration des filières revient souvent dans le débat sur la transition énergétique, notamment de la part des fédérations professionnelles. Au regard d’une réalité qui unit un client, un artisan et un conseiller en énergie, c’est au niveau local qu’il convient vraisemblablement d’opérer cette structuration pour présenter une offre en énergie (nature de la ressource, modalités de sa consommation) et les techniques et travaux qu’elle nécessite. Or, cette offre est encore trop faible en France. L’une des solutions pourrait être de favoriser les appels à projet des collectivités territoriales pour la rénovation des bâtiments publics, afin que les entreprises qui y souscrivent alimentent leur trésorerie et puissent faire bénéficier les particuliers d’économies d’échelle.

Le caractère décentralisé des énergies renouvelables joue également sur la distribution de l’électricité sur notre territoire. Actuellement, nous vivons dans un système où les centres de production nourrissent un réseau qui établit un équilibre à la fois spatial (certaines régions ont des surplus d’énergie quand d’autres en manquent) et temporel (les consommateurs n’achètent pas tous l’énergie aux mêmes heures). Ce système exige un réseau étendu de lignes.

La politique d’économie d’énergie ne modifie pas fondamentalement ce schéma puisqu’elle concerne les quantités d’énergie que l’on achète. En revanche, les politiques de production d’énergies renouvelables locales l’affectent notablement et obligent à innover en matière de stockage, pour lequel les technologies doivent être développées, ainsi que la distribution. Certaines énergies renouvelables, qui sont le produit de la nature, peuvent avoir un rendement variable en fonction du vent, de l’ensoleillement ou du débit des fleuves, obligeant le transporteur et le distributeur à organiser la compensation. Au-delà de ce problème ponctuel qui n’est d’ailleurs pas propre aux énergies renouvelables – 800 arrêts non programmés ont été enregistrées depuis janvier 2013 dans les centrales nucléaires – la transition énergétique a pour objectif d’augmenter la part de ces dernières. Comme elles sont produites localement, deux cas de figure se présentent : soit elles ont vocation, dans des aires géographiques précises, à être consommées sur place, soit, compte tenu de la puissance qu’elles dégagent, elles sont susceptibles d’être diffusées sur l’ensemble du territoire. Il faut donc prévoir de nouveaux investissements dans le réseau de distribution. Il faut en outre encourager l’auto-production et l’auto-consommation de l’énergie.

Le cahier des charges, dans les dix à vingt années à venir, est donc d’insérer de nouvelles sources d’énergie qui seront produites non par quelques dizaines de points sur notre territoire, mais par plusieurs centaines de milliers ; de gérer une production électrique variable ; d’assurer une solidarité entre les régions et au sein de celles-ci ; d’amplifier les actions de sobriété énergétique afin de limiter les pointes de consommation que le réseau actuel ne peut satisfaire. RTE, gestionnaire du réseau, estime à 2 000 km la longueur des nouvelles lignes à lancer dans les prochaines années, qu’il y ait ou non transition énergétique.

Un territoire à énergie positive est un territoire dont les besoins d’énergie ont été réduits au maximum et sont couverts par les énergies renouvelables locales, selon les trois principes de la démarche prônée par l’association Négawatt : sobriété énergétique, efficacité énergétique et énergies renouvelables. Les quelques projets en cours en France (Montdidier, Mené, Val d’Ile) permettent un retour d’expérience utile pour la mise en œuvre de la transition énergétique à l’échelle locale. Hors de France, ce concept existe chez nombre de nos voisins européens (Güssing, Prato-allo-Stelvio, Samsoe, Jühnde...)

Un tel territoire adopte des approches spécifiques répondant à de nombreux autres enjeux (économiques, sociaux, démocratiques et environnementaux) en faveur d’un développement soutenable. Ces approches sont autant d’outils qui ne limitent pas la transition énergétique à un changement de mode de consommation d’énergie mais lui assignent l’ambition de changer graduellement notre société. Le bilan que l’on peut en retirer depuis 2010 ne permet évidemment pas d’affirmer catégoriquement que ces expériences sont généralisables – le concept est encore jeune – mais il confirme qu’elles conviennent bien aux territoires ruraux, qu’elles permettent la réappropriation par l’ensemble des citoyens des questions d’énergie, la mise en œuvre concrète d’actions de réduction des consommations d’énergies et de production d’énergies renouvelables ; enfin qu’elles démontrent aux États et à l’Union européenne que la transition énergétique et écologique peut prendre plusieurs voies.

Investir localement dans les économies d’énergie et concomitamment dans la production d’énergies renouvelables permet de créer des emplois tout en concourant à l’autonomie énergétique des territoires. Le principal défi est ensuite de trouver un mécanisme de mise en réseau et un système de prix qui permettent à des collectivités territoriales d’échanger des flux d’énergie en fonction de leurs besoins. Le bénéfice que notre pays peut en retirer est potentiellement considérable. En privilégiant les énergies renouvelables, on instaure un dispositif soutenable qui ne dépend pas de l’extérieur ni de ressources en quantité limitée. En relocalisant la production à proximité de la consommation, on limite les besoins de capacité des réseaux et leurs risques de rupture. Pour autant, l’interconnexion reste nécessaire. Le but n’est pas de créer des collectivités autarciques, mais de développer au travers d’une démarche associant les habitants, les économies d’énergie et les énergies renouvelables.

La première Conférence environnementale accordait une importance certaine au rôle que pourraient jouer les collectivités territoriales dans la transition énergétique et écologique. La deuxième Conférence s’est attachée à des sujets moins directement liés à la transition énergétique mais a jugé prioritaire le concept d’économie circulaire. Le Premier ministre a indiqué qu’à l’instar des déchets, la France devrait organiser à l’avenir les flux de matériaux pour de meilleures synergies avec les industries qui les utilisent. Il s’agit d’une reconnaissance claire, au plus haut niveau de l’État, de l’utilité de ce concept. Un institut de l’économie circulaire a ainsi vu le jour en février 2013, associant des ONG, des entreprises, des chercheurs, des associations et des représentants politiques pour populariser ce mode de gestion innovant des flux de matières.

En attendant que le Gouvernement lui donne une impulsion par la prise en compte de l’économie circulaire dans la prochaine génération de contrats de plan État-régions, les collectivités territoriales et les entreprises multiplient les projets d’écologie industrielle et territoriale. Il en existe une quarantaine actuellement en métropole, répartis sur l’ensemble du territoire, qui partent tous de la prise de conscience qu’il faut réduire les importations et économiser les ressources naturelles. Ces projets ont essentiellement pour objectif de valoriser entre entreprises les rejets de matière première et les pertes d’énergie en les connectant.

Le principe de ces projets est de considérer le tissu industriel comme une forme particulière d’écosystème, dont les déchets et rejets peuvent devenir des ressources pour d’autres activités. Les entreprises peuvent utiliser entre elles ou avec les collectivités publiques et les particuliers leurs résidus de production (gaz, déchets organiques, effluents, vapeur…), qui leur fournissent des revenus supplémentaires au lieu d’être une charge pour elles comme pour les territoires où elles sont implantées. L’idée centrale est de parvenir à des circuits économiques courts en réalisant un « bouclage » des flux de matières premières et d’énergie à l’échelle d’une filière, d’une zone urbaine ou d’une zone d’activités. Les solutions résident entre autre dans la valorisation et l’échange des flux industriels (eaux usées, coproduits), la mutualisation des services aux entreprises (collecte et réutilisation des eaux pluviales, gestion des déchets) et le partage d’équipements (chaudière, production de vapeur). Cette approche permet en outre de créer de nouvelles activités – donc des emplois supplémentaires - de transformation des produits et sous-produits que s’échangent les entreprises.

Les deux premières villes qui ont lancé des projets sont Dunkerque et Troyes au début des années 2000. Depuis, la plupart des régions métropolitaines abritent un ou plusieurs projets. D’après l’association Orée, qui s’efforce de donner une impulsion à l’écologie industrielle en fédérant toutes les parties prenantes, la zone d’activité de Périgny, près de La Rochelle, est la plus dynamique, avec 55 sociétés sur 250 qui sont engagées dans une démarche de valorisation et d’échange de matières premières aussi variées que des sacs à café, des coquilles de moules ou encore des chutes provenant de briqueteries.

Le taux d’échec des projets est d’environ 25%. Après la phase d’étude, certaines entreprises hésitent à entrer dans une telle démarche pour des raisons de secret commercial. Dans d’autres cas, la structure censée assurer l’animation du projet était insuffisante. Pour autant, les expériences réussies démontrent que l’économie circulaire constituera un élément appréciable de la transition énergétique et écologique. Il convient, comme cela transparaît dans les discours de la Conférence environnementale, de les appuyer.

EXAMEN EN COMMISSION

À l’issue de l’audition en commission élargie de M. Philippe Martin, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, et de M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué, chargé des transports, de la mer et de la pêche (voir compte rendu officiel de la commission élargie du jeudi 7 novembre 2013, sur le site Internet(4) de l’Assemblée nationale), la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné pour avis, sur les rapports pour avis de M. Jacques Krabal, Mme Geneviève Gaillard, MM. Denis Baupin, M. Jean-Marie Sermier, Rémi Pauvros, Jacques Alain Bénisti et Jean-Christophe Fromantin, les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

M. le président Jean-Paul Chanteguet. 6 amendements ont été déposés par notre collègue Bertrand Pancher, mais ils ne sont pas défendus.

M. Denis Baupin. Monsieur le président, je souhaite formuler une protestation : deux amendements qui avaient été déposés par le groupe Écologiste, placés par leurs auteurs dans les articles non rattachés du projet de loi de finances, ont été déplacés par le service de la Séance et rattachés à la mission « Écologie, développement et mobilité durables », après l’article 63. Or, en raison de leur placement initial, seuls les députés Écologistes membres de la commission des finances avaient le droit de les signer, et je ne peux donc pas les défendre ici aujourd’hui. Bien entendu, nous les re-déposerons en vue de l’examen en séance publique, mais je vois là un vrai problème, qui a d’ailleurs été évoqué en Conférence des Présidents.

Ces deux amendements visent à faire prendre en compte les risques que font peser sur les finances de l’État un certain nombre d’engagements pris en matière de sûreté nucléaire, qu’il s’agisse de démantèlement ou de déchets. Nous demandions la présentation d’un rapport sur ces risques.

M. Pierre-Alain Muet, vice-président de la commission des finances. La procédure d’examen des lois de finances est différente de la procédure législative ordinaire, ce qui explique que les amendements déposés en commission des finances ne puissent être signés que par les membres de celle-ci.

M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances. C’est en effet la procédure propre aux lois de finances, et le point particulier évoqué par M. Denis Baupin n’est ni contraire au règlement, ni inhabituel. La Conférence des Présidents a effectivement évoqué cette question, et le Président Claude Bartolone a indiqué qu’une réflexion sera menée sur ce sujet.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Nous en venons au vote sur les crédits de la mission.

Suivant l’avis favorable de M. Jacques Krabal, Mme Geneviève Gaillard, MM. Denis Baupin et Rémi Pauvros, et contrairement à l’avis défavorable de MM. Jean-Marie Sermier et Jacques Alain Bénisti, M. Jean-Christophe Fromantin s’abstenant, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a donné un avis favorable à l’adoption des crédits relatifs à la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

M. Guillaume Leforestier, conseiller en charge des questions budgétaires, Mme Anaïs Delbosc et M. Nicolas Ott, Mme Aurore Gillmann, chargée des relations avec le Parlement au cabinet de M. le ministre chargé de l’environnement et du développement durable.

M. Bruno Léchevin, directeur général, Mme Virginie Schwarz, directrice générale déléguée et Mme Nadia Boeglin, chargée des relations avec les institutions, Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME).

Mme Marie-Claude Dupuis, directrice générale et Mme Gaëlle Saquet, secrétaire générale, Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA).

M. Raphaël Claustre, Réseau pour la transition énergétique (CLER).

Mme Myriam Maestroni, société Économie d’énergie SAS.

M. Olivier Appert, Président et Mme Armelle Sanière, chargée des relations institutionnelles, Institut français pour les énergies nouvelles (IFPEN).

M. Guy Bergé, Président et Mme Anne Laborie, fédération Atmo.

M. Thierry Kalfon, directeur de la stratégie et M. Etienne Giron, délégué aux affaires réglementaires, GDF-Suez énergie France.

M. Gérard Moutet, directeur pour l’énergie et le climat et M. François Tribot-Laspiere, chargé des relations publiques, Total.

M. Loïc Heuzé, président du groupe de travail efficacité énergétique et Mme Florence Monier, responsable pour l’environnement, Fédération des industries électriques, électroniques et de communication (FIEEC).

M. Antoine de Fleurieu, délégué général du GIMELEC.

M. Jean-Louis Bal, président, M. Damien Mathon, délégué général et M. Alexandre de Montesquiou, consultant, Syndicat des énergies renouvelables (SER)

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