N° 2262 tome II - Avis de Mme Annick Le Loch sur le projet de loi de finances pour 2015 (n°2234)



N
° 2262

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 9 octobre 2014

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2015 (n° 2234)

TOME II

ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT ET MOBILITÉ DURABLES

PÊCHE

PAR Mme Annick LE LOCH

Députée

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Voir les numéros : 2234, 2260 (annexe 15).

SOMMAIRE

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Pages

I. DES CRÉDITS MAINTENUS MAIS RÉORIENTÉS 7

A. UN BUDGET QUI S’INSCRIT DANS LE CADRE DE LA NOUVELLE PCP 7

B. LA MISE EN œUVRE DU FEAMP A PRIS DU RETARD 12

II. LA PREMIÈRE MISE EN VENTE DES PRODUITS DE LA MER 15

A. LE CADRE JURIDIQUE ISSU DE LA LMAP 15

1. Les trois modalités de vente 15

2. La mise en œuvre 16

3. La libéralisation de l’accès aux halles à marée 19

B. LES OBLIGATIONS LIÉES À LA NOUVELLE OCM 19

1. Traçabilité et information du consommateur 20

2. Les plans de production et de commercialisation 22

C. AU-DELÀ DES TEXTES, LES ACTEURS DE LA FILIÈRE DOIVENT ÉVOLUER POUR PERMETTRE UNE MEILLEURE PRÉVISION DES PRODUITS DÉBARQUÉS 24

1. La mise en réseau des halles à marée et le développement de la vente à distance : l’exemple breton 24

2. Les ébauches de contractualisation 25

3. La prévente et le lissage des prix 26

EXAMEN EN COMMISSION 29

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 31

INTRODUCTION

Le projet de loi de finances pour 2015 prévoit, pour les crédits de l’action n° 6 consacrée à la gestion durable des pêches et de l’aquaculture au sein du programme 205 (sécurité et affaires maritimes, pêche et aquaculture) de la mission « écologie, développement et aménagement durables », une enveloppe de 47,9 M€ pour les autorisations d’engagement et les crédits de paiement. Toutes actions confondues, ces crédits sont en très légère baisse (0,2 %) par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2014 qui s’élevaient à 48 M€.

Il importe également de souligner que pour ces crédits de l'action 6, les autorisations d’engagement au titre de 2013 et des années antérieures non couvertes par des paiements sont estimées à 60 M€ dans les documents budgétaires. Ce montant se réduira toutefois au fur et à mesure de la clôture des dossiers du fonds européen pour la pêche (FEP), selon leur éligibilité définitive. Ces crédits de paiement permettront en priorité de couvrir les engagements ouverts à l'agence de service et de paiement (ASP), compte tenu de la fin de la programmation du fonds européen pour la pêche, prévue pour 2016.

Le secteur de la pêche est dans une situation paradoxale, peu touché par le chômage, il est en revanche confronté à une pénurie de main-d’œuvre du fait de la faible attractivité des métiers pour certains segments de flotte. Il enregistre une baisse de 2,5 % des effectifs chaque année (sur un secteur qui comptait 23 000 emplois en 2009), phénomène qui s’explique en partie par les conditions de travail difficiles et le caractère très physique de ces métiers. Le caractère vieillissant des navires représente également un danger pour la sécurité des pêcheurs.

De même, la population des aquaculteurs est vieillissante, avec des difficultés de transmission des entreprises, en particulier hors du cadre familial. Le secteur de la pêche subit de plus en plus les effets de la mondialisation avec la concurrence de marins employés à des conditions sociales inférieures aux standards français, tandis qu’il y a peu d’homogénéisation au niveau européen.

Or le secteur de la pêche se trouve considérablement bouleversé par les orientations de la nouvelle politique commune des pêches (PCP), la réforme de l’organisation commune des marchés (OCM) et le remplacement du Fonds européen pour la pêche (FEP) par le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP).

Sur le plan opérationnel, ce sont les dispositions de la nouvelle OCM qui produisent les effets les plus notables au cours de l’année 2014. La nouvelle OCM renforce le rôle d’acteur sur le marché des organisations de producteur (OP), avec pour objectif d’adapter la production de leurs adhérents à la demande des premiers acheteurs.

Dans ce cadre, le nouveau règlement prévoit l’élaboration et la mise en œuvre, par chaque OP ou association d’OP (AOP), d’un plan de production et de commercialisation (PPC). Le PPC, programme stratégique à moyen terme (2014/2020) de l’OP ou de l’AOP, cible les grands objectifs et décline les différentes mesures à mettre en œuvre. Ces plans pourront théoriquement faire l’objet d’un soutien financier par le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP) mas l’incertitude prévaut à l’heure actuelle en raison du retard pris pour la mise en œuvre de celui-ci.

Votre rapporteure rappelle, en outre, que le Gouvernement a confié à l'inspection générale des finances (IGF) et à l'inspection générale des affaires maritimes (IGAM) une mission portant sur les conditions du renouvellement de la flotte de pêche française, les modalités de transmission des entreprises de pêche et leur financement. Ce rapport qui devrait être rendu public début 2015 doit permettre d’avancer sur ce sujet majeur pour l’avenir de la pêche française qui fait l’objet d’une attention toute particulière de la part des parlementaires.

Parmi les nombreux enjeux auxquels la filière doit faire face, la problématique de la première mise en vente des produits de la mer est clairement identifiée dans la nouvelle OCM et fait également l’objet d’aménagements réglementaires importants dans le prolongement de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche votée en 2010. Un développement est consacré dans le présent avis à ce sujet crucial pour la valorisation des produits de la mer et en faveur d’une fixation des prix moins erratique au bénéfice des pêcheurs.

Le niveau des crédits afférents à la pêche et à l’aquaculture dans le projet de loi de finances pour 2015 apparaît globalement maintenu mais ces crédits font l’objet de réorientations importantes en fonction des objectifs de la nouvelle PCP et de son instrument financier, le FEAMP. La volonté de mener de concert le développement durable, l’exploitation raisonnée de la ressource et la compétitivité de la filière est source d’interrogations et d’incertitudes alimentées par le retard important de mise en œuvre du FEAMP.

Depuis 2013 la maquette du programme 205 « Sécurité et affaires maritimes », a été modifiée par l’intégration dans sa nomenclature de l’ancienne action 16 « Gestion durable des pêches et de l’aquaculture » du programme 154 « Économie et développement durable de l’agriculture, de la pêche et des territoires ». Ce changement budgétaire reflète l’intégration de la direction des pêches maritimes et aquaculture (DPMA) au ministère chargé de l’écologie.

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

En euros

Ouvertes en LFI pour 2014

Demandées pour 2015

Ouverts en LFI pour 2014

Demandés pour 2015

Action n° 6. Gestion durable des pêches et de l’aquaculture

48 047 000

47 930 616

48 047 000

47 930 616

FDC et ADP (1)

3 000 000

6 000 000

3 000 000

6 000 000

Total

51 047 000

53 930 616

51 047 000

53 930 616

Source : Documents budgétaires

Le budget du secteur de la pêche se répartit entre les interventions économiques qui représentent près de la moitié de la dotation affectée au secteur – 48 % soit 24,60 M€ en AE et en CP - les interventions socio-économiques, 6,60 M€ soit 13,7 %, et les dépenses affectées à la protection des ressources halieutiques et à l’assistance technique – 16,73 M€, soit plus de 39 %. La mise en œuvre de cette action est en partie assurée par FranceAgrimer pour soutenir l’organisation économique des marchés et améliorer la valorisation des produits de la pêche et de l’aquaculture.

Les crédits alloués au secteur de la pêche et de l’aquaculture répondent aux objectifs de la PCP, soit que des crédits de l’État viennent en contrepartie de ceux de l’Union européenne (fin du programme 2007/2013 du Fonds Européen pour la Pêche et Fonds Européen pour les Affaires Maritimes et la Pêche pour la période 2014/2020), soit que l’Union participe aux dépenses engagées par l’État pour la mise en œuvre de certains règlements (contrôle des pêches), soit au cas par cas par le biais de la validation des aides d’État notifiées à la Commission européenne. Ainsi 21,5 M€ sont prévus au titre des interventions économiques cofinancées par l’Union européenne et 3,1 M€ pour celles non cofinancées.

Les nouveaux objectifs de la PCP se traduiront en 2015 par des actions nouvelles en vue de la gestion des stocks au rendement maximal durable (RMD), de l’interdiction progressive des rejets, de l’utilisation de navires plus économes et d’une valorisation accrue des produits.

L’interdiction progressive des rejets fait l’objet de débats au sein de la commission pêche du Parlement européen chargée d’étudier le projet de rapport sur l’Omnibus, règlement qui en modifie d’autres pour éliminer leurs contradictions et pouvoir rendre ainsi possible l’obligation de débarquement. Les pêcheurs devront débarquer toutes les captures involontaires non commercialisables en raison soit de l'absence de quota, soit d'une taille inférieure à la taille minimale de référence de conservation.

Un projet de rapport a été publié le 29 septembre 2014 par le député Alain Cadec, président de la commission pêche. Le calendrier est particulièrement serré pour l’adoption de ce texte avant janvier 2015, date à laquelle les premières pêcheries sont concernées.

Ce projet de rapport indique que les modifications introduites par l'omnibus doivent être strictement limitées à la mise en œuvre de l'obligation de débarquement aux seules pêcheries concernées au 1er janvier 2015, à savoir :

• les petites pêcheries pélagiques (c’est-à-dire les pêcheries ciblant le maquereau, le hareng, le chinchard, le merlan bleu, le sanglier de mer, l'anchois, l'argentine, la sardine, le sprat) ;

• les grandes pêcheries pélagiques (c’est-à-dire les pêcheries ciblant le thon rouge, l'espadon, le germon, le thon obèse, le makaire bleu et le makaire blanc) ;

• les pêcheries à des fins industrielles (c’est-à-dire les pêcheries ciblant le capelan, le lançon et le tacaud norvégien) ;

• les pêcheries ciblant le saumon dans la mer Baltique ;

• les espèces qui définissent l'activité de pêche en mer Baltique autres que celles visées plus haut.

Selon les documents budgétaires (2), l’accompagnement des nouvelles exigences communautaires et le respect des nouveaux objectifs de la PCP en faveur d’une pêche et d’une aquaculture durables, nécessiteront le renforcement de certaines actions et la mise en place de nouvelles, en particulier dans les domaines détaillés ci-après :

– gestion de l’ensemble des stocks au rendement maximal durable (RMD), (le nouveau règlement sur la PCP prévoit que tous les stocks halieutiques communautaires parviennent au RMD en 2015 ou au plus tard en 2020) : adaptation de la flotte française, par des aides à l’équipement en engins de pêche plus sélectifs, mesures d’ajustement de la capacité de la flotte et de préservation de la ressource, renforcement des partenariats scientifiques/pêcheurs ;

– interdiction progressive des rejets pour une interdiction totale en 2014 ou 2016 selon les espèces : projets de recherche et développement (R&D) et équipements des navires pour accroître la sélectivité, adaptation des navires pour le stockage des volumes supplémentaires à bord, soutien à des investissements à terre pour valoriser ces prises non commerciales, mise au point de nouveaux produits (conditionnement et transformation) ;

– environnement : mise en place d’expérimentations et de projets pilotes pour des navires plus économes en énergie, accompagnement des pêcheurs et des aquaculteurs par des mesures « halio-environnementales », notamment dans le cadre de la mise en place d’aires marines protégées et de zones Natura 2000 de plus en plus nombreuses, développement des partenariats scientifiques/pêcheurs ;

– gestion et valorisation des produits : mise en place de plans de production et de commercialisation par les organisations de producteurs afin d’améliorer l’adaptation de l’offre à la demande, mise en place de mesures d’accompagnement des entreprises de l’aval pour améliorer la valorisation des captures et la qualité des produits ;

– renforcement de l’innovation en matière technologique, en matière de process, mais aussi en matière organisationnelle pour l’ensemble des filières afin d’améliorer leur structuration et leur compétitivité.

En conséquence, deux dispositifs parmi les trois qui concentraient antérieurement une large part des crédits nationaux en faveur de la pêche n’apparaissent plus :

– les plans de sortie de flotte (PSF) qui correspondaient à 2,6 M€ en 2014 et qui sont utilisés cette année en faveur des navires de pêche à l’anguille en Méditerranée et pour l’utilisation du gangui (3) pour la capture de poissons de roches ;

– les contrats bleus dont les crédits s’élevaient à 6 M€ en 2014 et qui connaissent des difficultés d’exécution en raison de discordances avec l’Union européenne.

En revanche la participation de l’État aux caisses de chômage pour intempéries et avaries gérées par le comité national des pêches maritimes et élevages marins (CNPMEM), pour un montant équivalent à celui des marins-pêcheurs cotisants, demeure à un niveau comparable à celui des précédents exercices : 6,6 M€ (- 3,5 %).

Parmi les autres postes budgétaires importants pour la filière, il convient de souligner l’effort en matière de suivi statistique et scientifique ainsi que le soutien aux organismes scientifiques spécialisés.

En matière de suivi statistique et scientifique, les crédits (4,57 M€ au total) sont consacrés :

– à la recherche de pistes de sortie de crise sur la surmortalité des naissains d’huîtres creuses ; la sélection génétique dont le programme de recherche initié en 2012 doit être prolongé pour porter ses fruits au niveau des exploitations ;

– à certaines actions plus ponctuelles destinées à améliorer le partenariat scientifique-pêcheurs et la connaissance sur les ressources (observations électroniques sur de petits thoniers tropicaux, ou mise au point de méthodes alternatives d’évaluation de stocks halieutiques notamment ceux classés comme ne permettant pas la fixation d’un total admissible de captures dit analytique, comme le stock de langoustine).

Ces actions de recherche mobilisent 0,5 M€.

– à des programmes d’observations scientifiques à la mer, 1,4 M€ en AE et en CP, ce qui constitue une baisse de 50 % par rapport à 2014 :

Les observations à la mer (embarquement d’observateurs à bord des navires de pêche) sont essentielles pour collecter des données connexes à l’activité de pêche, notamment l’étude des rejets dont l’interdiction est actée dans la réforme de la politique commune de la pêche, et lorsque celle-ci se déroule dans un contexte particulier : pêcheries profondes et protection des coraux, pêcheries pélagiques et captures accidentelles de cétacés, évaluation d’espèces à vie courte dans des zones de production importante (anchois du Golfe de Gascogne), pêcheries de crevettes en Guyane et captures accidentelles de tortues. Une part de 0,2 M€ de ces crédits sera mise en œuvre dans le cadre de la Priorité VI du FEAMP : contreparties nationales sur les mesures d’accompagnement de la PCP en gestion partagée.

Comme l’an passé, s’y ajoutent la campagne d’évaluation de la légine dans les terres australes et antarctiques françaises (0,25 M€) et le financement d’une étude pilote pour la mesure de l’activité de pêche des navires de moins de 12 mètres en France métropolitaine (0,5 M€).

– un nouveau programme concerne les observations scientifiques au débarquement pour un montant d’1 M€. Ce programme, complémentaire des observations en mer, répond à la nécessité d’assurer une observation de qualité à toutes les étapes de la création de la chaîne de valeur, sachant que le débarquement est amené dans le cadre de la nouvelle obligation à devenir une étape encore plus essentielle en termes de connaissance fine de l’activité ;

– enfin 0,92 M€ sont consacrés aux campagnes de suivi ainsi qu’à l’expertise technique. L’implication des structures professionnelles dans le développement de méthodes pour le suivi des stocks halieutiques permet de renforcer l’acquisition d’informations pouvant bénéficier au suivi et à la connaissance des espèces d’intérêt halieutique. Les montants mis en œuvre dans ce cadre permettent d’appuyer le déploiement de campagnes expérimentales de marquages, comptages ou prélèvements par les professionnels.

Le contrôle des pêches qui apparaissait antérieurement au titre des transferts aux entreprises figure dorénavant aussi en partie sous la rubrique « transferts aux autres collectivités ». Au total, les crédits afférents sont en augmentation de 14 %. La mise en œuvre de la nouvelle PCP entraîne l’acquisition et le déploiement de nouveaux moyens de surveillance et de contrôle afin d’assurer le contrôle de l’interdiction des rejets. Ces projets correspondent à un montant de 2 M€, au titre de la contrepartie nationale à la mobilisation de l’article 76 du FEAMP (Priorité de l’Union VI, contreparties sur mesures d’accompagnement de la PCP en gestion partagée). L’investissement dans de nouvelles technologies de surveillance se révèle particulièrement nécessaire. Ces nouvelles technologies comprennent notamment l’acquisition de caméras embarquées ou d’imageries satellitaires, ainsi que des moyens aériens (drones) ou hauturiers dédiés à plus de 60 % de leur temps d’utilisation au contrôle des pêches, zone sud océan indien notamment.

L’achèvement du développement du dispositif de mise en œuvre de la traçabilité des produits de la pêche et de l’aquaculture depuis leur capture ou récolte jusqu’à la vente au détail mobilisera la somme de 0,15 M€. La poursuite du programme d’observation du thon rouge est également prévue à hauteur de 0,15 M€. Les autres crédits portent sur le financement de prestations informatiques réalisées par différents ministères pour le développement et la maintenance de ses systèmes d’information dédiés au contrôle des pêches (2,3 M€).

Quant au soutien aux organismes scientifiques spécialisés, il concerne en premier chef les crédits versés à l’Ifremer, à un niveau identique à celui de l’exercice précédent, dans le cadre d’une convention qui recouvre la collecte, la saisie et le traitement des données relatives à l’activité des navires ainsi que la réalisation des travaux d’expertise sur la gestion des ressources halieutiques (1,35 M€). Un volet aquacole est inclus également dans la convention à hauteur de 0,50 M€. Votre rapporteure souligne la nécessité de disposer d’expertises scientifiques de haut niveau afin de pouvoir préserver les intérêts des pêcheurs face au principe de précaution trop souvent mis en œuvre par la Commission européenne en cas d’absence de données fiables. En l’état actuel des choses, il est clair que les capacités d’expertise de l’Ifremer ne permettent pas de répondre à tous les besoins, l’exemple de l’implication de France Filière Pêche en matière de stock de langoustine du golfe de Gascogne en est l’illustration. Or, Ifremer a pour mission de mettre ses capacités d’expertise et d’avis au service de l’autorité publique. Ces expertises sont indispensables pour faire des diagnostics sur l’état des ressources et leur niveau d’exploitation, et pour émettre des avis et recommandations permettant aux décideurs nationaux ou européens d’établir des mesures de gestion.

Le muséum national d’histoire naturelle bénéficie, quant à lui, d’une dotation de 0,45 M€, en diminution par rapport à 2014, dans le cadre de la gestion des pêcheries des zones économiques exclusives des terres australes et antarctiques françaises (TAAF : Kerguelen, Crozet, St-Paul et Amsterdam), la préservation des intérêts des pêcheurs dans les zones Natura 2000 en mer et les aires marines protégées (AMP) et la poursuite de l’action conduite dans le cadre de cette convention d’expertise sur la zone SIOFA (South indian ocean fisheries agreement) afin de déterminer les antériorités des armements français dans cette zone et fournir les données nécessaires à l’évaluation des stocks.

Enfin, l’Institut de recherche et de développement (IRD) bénéficie de crédits à hauteur de 0,4 M€ en AE et en CP. Dans le cadre de la gestion des pêcheries thonières (thon tropical), l’IRD, qui bénéficie d’implantations dans les pays de débarquement des navires français, fournit les données statistiques réglementaires concernant les pêcheries des grands migrateurs en Atlantique du Centre-est et dans l’Océan Indien. Ces données permettent de répondre à des obligations communautaires pour une pêcherie qui représente 20 % du chiffre d’affaires du secteur et sur laquelle la Commission européenne exerce une attention croissante pour veiller au respect des obligations des États membres.

À l’issue des discussions avec la Commission européenne sur la répartition entre les États membres du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP), la France a obtenu une augmentation significative des fonds qui lui sont attribués. La France bénéficiera d'une enveloppe globale de 588 M€ de crédits du FEAMP pour la période 2014-2020 (contre 216 M€ pour la période 2007-2013), elle est ainsi le deuxième pays bénéficiaire du FEAMP, qui permettra de financer la mise en œuvre de la réforme de la politique commune de la pêche dans ses différentes composantes :

– 369 M€ sont alloués pour la période 2014-2020 au développement durable de la pêche, de l’aquaculture et des zones côtières dépendantes de ces activités,

– la collecte de données (66 M€),

– le contrôle des pêches (56 M€),

– l’aide au stockage (4,7 M€)

– la politique maritime intégrée (5,3 M€).

– 86,45 millions d’euros sont prévus pour les départements d’outre-mer, sur la période 2014-2020, dans le cadre du régime de compensation des surcoûts additionnels supportés par les pêcheurs et aquaculteurs ultramarins, en raison de leur éloignement.

La préparation des actions dans le cadre du FEAMP génère un très lourd travail administratif pour la direction des pêches maritimes et de l'aquaculture (DPMA). La première phase concernait la stratégie globale inter-fonds européens. Elle s’est matérialisée par la rédaction de l’accord de partenariat qui comprend le diagnostic national, les objectifs thématiques, l’architecture des programmes, ainsi qu’un plan détaillé sur l’approche du développement territorial intégré et les conditions d’une mise en œuvre efficace de l’Accord. Cette phase était pilotée par la DATAR à l’échelon national.

L'Accord de partenariat français a été adopté le 8 août 2014 par la Commission européenne. La DPMA doit par ailleurs définir un « programme opérationnel national ». Un groupe de travail spécifique État-Régions sur le FEAMP a été mis en place, à cette fin, par la DPMA et une première réunion s’est tenue le 22 juillet en Bretagne. Ce comité État/Régions a validé la répartition des mesures entre celles qui seront gérées par l’État (mesures régaliennes et d’ampleur nationale, par exemple la collecte des données, le contrôle des pêches, les arrêts définitifs ou temporaires d’activité, le soutien aux organisations de producteurs, la recherche et l’innovation) et celles dont l’autorité de gestion sera déléguée aux régions qui le demandent. Ces dernières mesures seront liées principalement à l’accompagnement économique des filières et des entreprises (investissements à bord des navires ou dans les exploitations aquacoles, installation des jeunes, plans de compensation des surcoûts pour les régions ultrapériphériques) et au développement porté par les acteurs locaux.

Le retard pris dans la définition opérationnelle du FEAMP, qui devait à l’origine entrer en vigueur au 1er janvier 2014 mais qui ne sera sans doute pas effectif avant le mois d’avril 2015, génère un certain nombre d’incertitudes aussi bien pour l’administration que pour les différents acteurs du monde de la pêche. Lors des auditions menées par votre rapporteure, des interrogations se sont faites jour. Il est clair que la plus grande prudence s’impose dans la définition des premières actions à mener pour ne pas s’exposer à leur annulation par la Commission.

La DPMA est l’autorité de gestion unique du FEAMP mais, dans le cadre de la nouvelle étape de décentralisation voulue par le gouvernement, la gestion d’une partie des mesures sera déléguée aux collectivités régionales qui le souhaitent. Comme la question de la répartition des crédits entre les différentes collectivités régionales est, selon les informations fournies par le ministre lors de son audition, désormais arbitrée (4) , la rédaction du programme opérationnel doit désormais s’accélérer afin de tenir le calendrier évoqué ci-dessus. Votre rapporteure souligne qu’il en va, sur ce sujet, de la sécurité juridique des actions entreprises par les différents acteurs de la filière dans le cadre de la nouvelle PCP.

Au cœur des enjeux de traçabilité et de compétitivité, les modalités de première mise en vente ou de première mise sur le marché des produits de la mer, ont déjà considérablement évolué depuis une dizaine d’années. Ces mutations découlent également des modifications de textes juridiques issus de la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche (LMAP) et de la nouvelle OCM.

La loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l'agriculture et de la pêche comporte un titre VII relatif à la modernisation de la gouvernance de la pêche maritime et de l’aquaculture. Son article 86 crée un article L. 932-5 au sein du code rural et de la pêche maritime qui définit les modalités de première vente des produits de la pêche maritime débarqués en France par des navires français.

Cet article précise que les modalités de vente en halle à marée agréée, les conditions dans lesquelles sont organisées les relations entre, d'une part, les organismes gestionnaires des halles à marée agréées et, d'autre part, les producteurs, les acheteurs et leurs organisations, la durée minimale des contrats visés dans le cadre de la vente de gré à gré ainsi que les modalités de la vente au détail sont définies par décret.

Le décret n° 2012-64 du 19 janvier 2012 relatif aux modalités des premières ventes de produits de la pêche maritime débarqués en France par des navires français précise les trois modalités de ces ventes :

– La vente par l’intermédiaire d’une halle à marée ;

– La vente de gré à gré ;

– La vente au détail.

Pour la vente par l’intermédiaire d’une halle à marée, outre la première vente en gros aux enchères publiques des produits de la pêche maritime et de l’aquaculture marine, le texte prévoit aussi la possibilité, pour l’organisme gestionnaire de la halle à marée, d’intervenir en tant que mandataire du vendeur ou de l’acheteur des produits de la pêche maritime et de l’aquaculture marine.

Dans le cas d’enchères publiques comme dans le cas d’un mandat, la halle à marée garantit la transparence, la publicité et la sincérité des mises sur le marché et des transactions et assure l’enregistrement et la transmission des informations relatives aux produits vendus, conformément aux obligations communautaires.

La vente de gré à gré est décrite comme la vente par un producteur de tout ou partie de la production de ses navires à un acheteur inscrit au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers, ou dans un registre équivalent à l’étranger. Conformément à l’article L. 932-5 du code rural et de la pêche maritime, le décret du 19 janvier 2012 définit l’obligation, pour les vendeurs et les acheteurs, de signer un contrat écrit qui doit porter sur :

– Les caractéristiques du produit, telles que définies à l’article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime : le nom de l’espèce, la qualité, la taille ou le poids, la présentation tels que définis par la législation de l’Union européenne relative aux normes communes de commercialisation ;

– La durée minimale du contrat, qui s’étend sur deux débarquements, espacés de six heures au moins.

La vente de détail est définie comme la vente de produits réalisée par un producteur à un acheteur et à des fins de consommation privée. Cette vente ne doit pas excéder trente kilogrammes de poids vif par acheteur et par jour.

Le circuit classique de commercialisation des produits de la mer frais est la mise aux enchères par l’intermédiaire d’une halle à marée. En métropole, 37 halles à marée constituent un réseau relativement dense, surtout en Bretagne, qui demeure le lieu principal de débarquement. Ainsi, selon Association des Directeurs et Responsables des Halles à Marée de France, pour une production de pêche fraîche estimée à environ 300 000 tonnes en 2011, les halles à marée ont vu transiter près de 232 000 tonnes, soit plus des 2/3 des captures nationales. Cette production commercialisée représentait une valeur de production de 690 millions d’euros. Les halles à marée assurent la première mise en marché de tous les types de navires, allant des navires hauturiers qui pêchent au large à une production côtière journalière.

Pour l’année 2013, le tonnage débarqué s’élève à 226 213 tonnes en baisse de 2,5 % par rapport à 2012. Les enchères publiques, pratique dominante sur les principales façades maritimes, apportent transparence, traçabilité et permettent une ouverture large du marché aux acheteurs. Par ailleurs, les enchères publiques sous halle à marée garantissent un paiement sécurisé aux producteurs, et permettent la perception de redevances portuaires pour faire vivre les ports. En effet, le fonctionnement d’une halle à marée nécessite un important déploiement d’équipements et de moyens logistiques. Le point faible de la vente aux enchères est qu’effectivement, à certaines périodes, pour certaines saisons, certains volumes et certaines espèces, les évolutions de prix peuvent être très erratiques sous criée.(5)

QUANTITÉS MISES EN VENTE EN 2013 DANS LES PRINCIPALES HALLES À MARÉE

Classement tonnage débarqué

Ports

Tonnage débarqué (T)

Valeur débarquée (K€)

Principales espèces

1

Boulogne sur mer

33 003

66 109

Merlan, lieu noir, maquereau

2

Lorient

26 241

73 544

Merlan, lingue franche, lieu noir

3

Le Guilvinec

18 415

66 437

Baudroie, églefin, raie

4

Saint-Guénolé

13 569

25 024

Sardine, baudroie, églefin

5

Erquy

12 141

33 140

Coquille St Jacques, églefin, lotte

6

Granville

10 918

18 420

Buccin, pétoncle, amande

7

St-Quay-Portrieux

10 153

23 377

Coquille St Jacques, palourde, églefin

8

Concarneau

8 876

25 086

Merlu, baudroie, églefin

9

La Turballe

8 527

23 117

Sardine, thon germon, anchois

12

Les Sables-D’Olonne

7 200

36 729

Merlu, seiche, sole

16

La Cotinière

5 132

26 151

Seiche, merlu, lotte

La vente de gré à gré peut s’effectuer sous le mandat d’une halle à marée mais elle peut également intervenir sans aucune intervention d’une telle structure. Dans le premier cas, les produits de la pêche sont débarqués et pris en charge par les agents de la criée, pesés, déclarés, triés et vendus à un opérateur sans être proposés aux enchères. Une telle pratique suppose des quantités assez importantes et intéresse donc tout particulièrement la grande distribution. Elle présente le triple avantage de donner lieu à la perception de la redevance portuaire, de mettre en œuvre un paiement sécurisé et un enregistrement des quantités vendues.

Dans l’autre hypothèse, le producteur vend directement ses produits (6) à un opérateur de la filière des produits de la mer. Le décret n° 2012-64, précité, énumère les clauses devant figurer dans le contrat de vente. Il s’agit du nom de l’espèce, de la qualité, de la taille ou du poids et de la présentation tels que définis par la législation de l’Union européenne relative aux normes communes de commercialisation. Dans les faits, la contractualisation ne rencontre pas un grand succès en raison de son important formalisme qui va à l’encontre des pratiques des acteurs. Elle est, en outre, fortement critiquée par les mareyeurs en raison de son absence de transparence. En effet, si les quantités vendues doivent être déclarées sur une plate-forme en ligne gérée par France Agrimer, il apparaît que cette plate-forme est très peu utilisée (7).

La vente directe de produits de la mer correspond à la commercialisation sans intermédiaire entre le producteur et le consommateur final des produits. Selon les façades maritimes, le type de pêche pratiquée, ou encore la saison, la vente directe concerne plus ou moins de producteurs et des volumes plus ou moins importants. Le choix pour un producteur de se lancer dans l’activité de vente directe peut correspondre à différentes stratégies selon le programme Cogépêche (8): « Ce peut être une activité régulière, permettant d’écouler tout ou partie des volumes pêchés, comme c’est le cas sur la façade méditerranéenne ou encore sur certaines îles bretonnes, où le réseau de halles à marée est très distendu. En général, c’est plutôt une activité de diversification pratiquée car elle apporte un revenu complémentaire. Enfin, ce peut être une activité saisonnière comme sur certaines zones en Bretagne où elle est plus pratiquée en saisons touristiques ou aux moments des fêtes de fin d’année. »

ORGANISATION DE LA FILIÈRE DES PRODUITS DE LA MER FRAIS ET RELATIONS COMMERCIALES ENTRE LES ACTEURS EN BRETAGNE

Source : publications du Pôle halieutique AGROCAMPUS OUEST

L’achat en halle à marée était jusqu’il y a peu soumis à plusieurs conditions :

Art. 1er.- « Le règlement local d’exploitation de chaque halle à marée prévoit l’agrément de droit des acheteurs qui satisfont à la condition de dépôt d’un cautionnement prévue à l’article 3 du décret du 26 avril 1989 susvisé, ainsi qu’à l’une des deux conditions suivantes :

– un engagement d’achat minimum sur une période donnée, exprimé en tonnage ou en valeur, au choix de l’acheteur, ou

– un engagement sur un nombre minimum de jours d’achat, sur une période similaire ». (9)

Cet article a été abrogé par l’article 5 de l’Arrêté du 13 décembre 2013 fixant les dispositions communes aux règlements d’exploitation des halles à marée, qui permet un accès ouvert et plus libre pour tous les opérateurs qui souhaiteraient acheter, même de façon ponctuelle, une part de leurs produits en halle à marée (sous réserve d’une caution bancaire). À l’heure actuelle, les principaux acheteurs en halle à marée sont les mareyeurs et les poissonniers indépendants, implantés sur le territoire régional. La vente à distance avait déjà élargi le champ des acheteurs, mais la suppression des critères quantitatifs remet en cause de manière plus profonde l’organisation et le fonctionnement de l’achat en halle à marée. En effet, que des acheteurs puissent effectuer des achats ponctuels, opportunistes, sur des gros lots ou des gros volumes par exemple, pourrait déstabiliser le marché. Par ailleurs, la montée en puissance des achats directs, notamment par les restaurateurs, concourt à affaiblir la position des petits mareyeurs qui participent pourtant aux charges locatives au sein des halles à marée.

Le nouveau règlement portant organisation commune des marchés dans le secteur de la pêche et de l’aquaculture (10) est entré en vigueur le 1er janvier 2014, à l’exception des dispositions relatives à l’information des consommateurs qui entreront en vigueur le 13 décembre 2014.

De nouvelles obligations en matière d’information des consommateurs ont des conséquences pour l’ensemble de la filière de la pêche et tout particulièrement au stade de la première mise en vente.

Ce texte renforce également les responsabilités des organisations de producteurs considérés comme « les clés pour atteindre les objectifs de la PCP et ceux de l’OCM ». Elles sont notamment invitées à adapter la production aux exigences du marché et à canaliser les approvisionnements des produits de leurs membres et leur commercialisation. L’outil destiné à formaliser les actions mises en œuvre par les OP est appelé « plan de production et de commercialisation ».

À compter du 13 décembre 2014, les produits de la mer destinés à la vente aux consommateurs devront, en sus de la dénomination commerciale, du nom scientifique et de la méthode de production, présenter les informations relatives à l’indication de sous-zones de pêche en mer et de la catégorie d’engin de pêche utilisée. La traçabilité de ces informations implique leur indication dès la première mise en vente.

Il existe 19 zones de pêche FAO (Food and Agriculture Organisation) mais les pêcheries françaises ne concernent qu’un tiers de ces zones. Concrètement, la nouvelle réglementation exige que soit indiquée une zone de pêche plus précise que la zone FAO pour l’Atlantique Nord-Est et la Méditerranée. Pour ces deux zones, le nom de la sous-zone ou de la division de pêche figurant sur la liste des sous- zones de pêche et des divisions de la FAO est indiqué obligatoirement au consommateur.

La réglementation précise que l’information donnée au consommateur est le nom écrit de la sous-zone ou de la division figurant sur la liste de la FAO, ainsi que le nom de cette zone en termes intelligibles pour le consommateur, ou une carte ou un pictogramme indiquant cette zone. La liste des noms des sous-zones a été établie en concertation avec la profession et les consommateurs. Il s’agit de la liste des sous-zones des zones FAO 27 et 37. Ces appellations ont été retenues pour être à la fois simples, compréhensibles et concises. Dans le cas où le nom de la sous-zone FAO était intelligible, c’est ce nom qui a été retenu. Dans les autres cas, le nom a été simplifié. Il est également possible d’utiliser lorsque la traçabilité le permet, le nom de la division, par exemple « Manche ».

Outre ces informations, les opérateurs peuvent indiquer une zone de capture ou de production plus précise. L’indication de cette zone ne doit pas être de nature à créer une confusion pour le consommateur. Il convient en outre de souligner que la vente en mélange est autorisée, ce qui est une souplesse bienvenue pour les acteurs de la filière mais une source d’incertitude pour le consommateur. Ainsi, en cas de mélange dans un même lot de produits de même espèce mais provenant de zones de capture différentes, la zone du lot le plus représentatif en quantité sera indiquée accompagnée d’une mention du type : « et autres zones » (11).

Liste des sous-zones :

FAO 27

Sous-zone I : Mer de Barents

Sous-zone II : Mers de Norvège

Sous-zone III : Mer Baltique

Sous-zone IV : Mer du Nord

Sous-zone V : Islande et Féroé

Sous-zone VI : Ouest Écosse

Sous-zone VII : Manche et Mers Celtiques

Sous-zone VIII : Golfe de Gascogne

Sous-zone IX : Ouest Portugal

Sous-zone X : Açores

Sous-zone XII : Nord Açores

Sous-zone XIV : Est Groenland

FAO 37

Sous-zone I : Ouest Méditerranée

Sous-zone II : Centre Méditerranée

Sous-zone III : Est Méditerranée

Sous-zone IV : Mer Noire

La seconde novation est relative à la mention de la catégorie d’engin de pêche utilisée. Là encore, le mélange dans un même lot de produits de même espèce mais pêchés par des engins différents est autorisé sous réserve que la liste des engins soit indiquée au consommateur final. Il importe de souligner que cette obligation s’applique également aux produits en vente directe à la différence que, dans ce cas, l’information peut être donnée par voie d’affichage.

Il existe sept catégories d’engins dans la nomenclature européenne :

– Les sennes (de plage, danoise, écossaise, manœuvrée par deux navires) ;

– Les chaluts (à perche, de fond à panneaux, de fond, à panneaux, bœufs pélagiques, jumeaux à panneau) ;

– Les filets maillants et filets similaires (maillants calés, maillants dérivants, encerclants, trémails, trémails et filets maillants combinés) ;

– Les filets tournants et les filets soulevés (sennes coulissantes, lamparo, soulevés manœuvrés par bateau, fixes manœuvrés du rivage) ;

– Les lignes et hameçons (lignes à main et lignes avec canne manœuvrées à la main ou mécanisées, palangres calées, palangres dérivantes, lignes de traîne) ;

– Les dragues (remorquées par bateau, à main utilisées à bord d’un bateau, mécanisées, y incluses les dragues suceuses) ;

– Les casiers et pièges (nasses).

Au-delà de la surcharge en information des étiquettes sur les étals, nombre d’acteurs de la filière auditionnés par votre rapporteure ont pointé le risque de stigmatisation de certains engins de pêche, notamment les chaluts, en raison du combat mené par les associations environnementales à l’encontre du chalutage en eaux profondes qui fait pourtant l’objet d’un encadrement européen.

Le préambule du règlement portant organisation commune des marchés dispose que les OP doivent faire en sorte que « leurs membres exercent leurs activités de pêche et d'aquaculture de manière durable, améliorent la mise sur le marché des produits, rassemblent des données sur l'aquaculture et cherchent à augmenter leurs revenus ». Aussi importe-t-il que les OP « préparent et soumettent aux autorités compétentes de leurs États membres un plan de production et de commercialisation contenant les mesures nécessaires pour remplir les objectifs de l'organisation de producteurs concernée ».

Ces plans de production et de commercialisation (PPC) peuvent donner lieu à une aide au titre du FEAMP s’ils sont conformes aux recommandations de la commission (12). Ce document de douze pages détaille huit séries d’informations devant figurer dans les PPC : informations générales concernant l’organisation de producteurs, programme de production et stratégie de commercialisation, mesures visant à réaliser les objectifs énoncés à l’article 7 du règlement OCM, mesures visant à adapter l’offre de certaines espèces, sanctions et mesures de contrôles, dépenses à prendre en considération, calendrier de mise en œuvre, indicateurs.

Pour ce qui concerne plus particulièrement la mise sur le marché des produits de la pêche, les préconisations figurant au point 3.1.5 (Amélioration des conditions de mise sur le marché des produits de la pêche des membres de l’organisation) sont les suivantes :

Dans le cadre de cette rubrique, les plans doivent comprendre une ou plusieurs des mesures suivantes :

– identification de débouchés pour la commercialisation de la production et la canalisation des approvisionnements des produits des membres de l’organisation,

– élaboration de stratégies visant à améliorer la commercialisation de la production, y compris en matière de certification des produits,

– élaboration de procédures de certification, notamment dans les domaines de la nutrition et de la qualité,

– appui à la fourniture des informations complémentaires facultatives visées à l’article 39 du règlement OCM,

– conception et développement de nouvelles méthodes et de nouveaux outils de commercialisation,

– fourniture d’une aide et d’une formation aux membres des organisations de producteurs sur les techniques de commercialisation,

– participation à des foires commerciales, au niveau national, européen et international, dans le but de promouvoir la production des membres de l’organisation de producteurs.

À titre indicatif, les indicateurs prévus pour l’évaluation des résultats de ces mesures sont au nombre de 23 pour la pêche maritime. Ces quelques éléments donnent une idée de la complexité administrative de l’élaboration des PPC et, par voie de conséquence, les risques pour les OP de ne pas satisfaire à l’ensemble de ces recommandations requises pour obtenir une aide.

Il convient de souligner que si ces recommandations apportent un cadre pour la rédaction des PPC, il n’y a pas eu de validation de ces documents remplis par les OP ni par les autorités françaises ni par la Commission européenne. L’exercice consistant à réaliser le bilan de ces PPC par les OP pourrait donc s’avérer délicat. Par ailleurs, plusieurs personnes auditionnées ont indiqué à votre rapporteure que l’arbitrage entre les aides à la fusion des OP et celles relatives aux PPC, qui ne peuvent se cumuler, se ferait certainement en faveur des premières.

Sans doute convient-il de laisser un peu de temps pour juger de l’intérêt et de l’efficacité de ces nouveaux outils et permettre aux organisations de producteurs de s’en saisir pleinement. Votre rapporteure incline toutefois à penser que le sujet de la commercialisation gagnerait à faire l’objet d’une plus large concertation permettant d’associer les différents maillons de la chaîne, à commencer par les mareyeurs qui sont en première ligne sur ce sujet.

L’exemple des PPC est symptomatique de l’attention nouvelle apportée à la valorisation et la commercialisation des produits de la mer. Par nature, la difficulté à évaluer la ressource et à déterminer la quantité des arrivages induit une volatilité des cours (13) que l’aide au retrait jusqu’en 2013, et l’aide au stockage depuis, ne permettent pas de combattre efficacement.

De ses auditions, votre rapporteure retient les efforts d’ores et déjà entrepris par différents acteurs (OP, mareyeurs, halles à marée) qui participent d’une meilleure information sur les quantités disponibles et la nécessité de poursuivre la modernisation de la filière via les NTIC et la concertation.

Une telle évolution est d’autant plus nécessaire que 75 % des produits de la mer débarqués dans les ports français sont achetés par les enseignes de la grande distribution.

Selon M. Yves Guirriec, président de l’Association des directeurs et responsables des halles à marée de France, l’ouverture à distance des enchères publiques a permis la création d’un réel marché breton par la simultanéité des offres proposées par les criées et ainsi la création d’une seule halle à marée « virtuelle » bretonne en quelque sorte (14).

D’après une enquête réalisée par Cogépêche (15), la moitié des volumes vendus dans les halles à marée de la région Bretagne ont été achetés à distance en 2012. Il s’agit d’une évolution très importante car le fait d’acheter une marchandise sans possibilité de la voir était à proprement parler impensable il y a encore quelques années.

POURCENTAGE DES VOLUMES DÉBARQUÉS VENDUS À DISTANCE
DANS LES HALLES À MARÉE BRETONNES

Source : enquêtes Cogépêche, 2013.

Pour les acheteurs les avantages sont les suivants :

– Diminution du nombre d’intermédiaires,

– Diminution du personnel physiquement présent dans les halles à marée,

– Connaissance simultanée des caractéristiques des ventes dans plusieurs places de marché,

– Comparaison des espèces, des prix, des volumes des lots dans chaque port.

Ainsi les différents acteurs de la filière bretonne peuvent profiter de la diversité des espèces débarquées qui est une des spécificités, et à la fois une richesse et une contrainte de gestion, de la pêche française.

Plusieurs filières agricoles, dont celle du lait, connaissent des mécanismes de contractualisation plus ou moins contraignants. Les objectifs de la contractualisation sont de sécuriser à la fois les apports pour les opérateurs, tout particulièrement les industriels et la grande distribution, et le niveau des prix pour les producteurs.

Depuis 2010, la vente de gré à gré est encadrée par la LMAP qui prescrit la signature d’un contrat entre les parties. Mais l’application de la contractualisation aux produits de la pêche requiert un certain nombre de prérequis difficile à réunir. Il est tout d’abord important d’améliorer la prévision des apports, afin de planifier les modalités de volumes dans les contrats. Il importe, ensuite, que la qualité des produits soit bonne et régulière. Le tri et le calibrage des débarquements sont donc des points sur lesquels il faut particulièrement travailler pour aller vers une vente contractualisée. Enfin, la contractualisation nécessite le plus souvent de passer par une phase de massification des apports afin de pouvoir fournir aux industriels des volumes satisfaisants pour faire tourner leurs chaînes de production.

À l’heure actuelle, des formes de contractualisation existent pour des produits bien identifiés comme la coquille Saint-Jacques et la sardine. Parmi les enseignes de la grande distribution, seul Intermarché via l’armement « Scapêche », les marques de production et de transformation « capitaine Houat » et « Les viviers de la Méloine » dispose d’une réelle logique industrielle propice à la contractualisation.

La vente à distance a rendu possible la constitution d’un marché régional des produits de la mer qui peut demain devenir national. C’est une façon de répondre aux besoins des acheteurs, en leur donnant accès à plusieurs places de vente simultanément et en incitant fortement à la standardisation des lots permettant l’achat de marchandise sans la voir au préalable.

Dans un objectif d’amélioration de l’efficacité de la première vente des produits de la mer, une prévision fiable et régulière des apports dans les halles à marée françaises, de 24 à 48 heures en avance, ouvrirait la voie à un autre mode de commercialisation : la prévente de produits de la mer frais. Selon les personnes auditionnées, une telle visibilité des apports est aujourd’hui possible pour les navires hauturiers mais pas pour la flotte côtière qui ne dispose le plus souvent pas de système de transmission des données informatisées et qui pratique une pêche journalière.

Ce système permettrait de rendre « visible » et prévisible un stock dit flottant, c’est-à-dire des volumes encore non débarqués, voire non pêchés, et de les vendre aux enchères. L’intérêt principal serait de lisser les volumes vendus et les prix des produits débarqués dans une halle à marée.

À l’heure actuelle, peu d’opérateurs disposent d’un système individuel de prévision des apports mais des systèmes plus ou moins intégrés ont été mis en place. C’est le cas de la chambre de commerce de Quimper-Cornouaille pour les ports de Douarnenez à Concarneau et de l’OP Yeu qui dispose d’un système qui centralise et diffuse les informations obtenues par toutes les halles à marée.

C'est aussi pour réguler les prix et tenter de les tirer vers le haut que l'organisation de producteurs « Les Pêcheurs de Bretagne » a mis en place, depuis février 2013 avec la Chambre de commerce et d'industrie de Quimper-Cornouaille, un système de prévente d'une partie des apports pour les mareyeurs. Trois espèces sont concernées : la lotte, l'églefin et la raie. Le volume du poisson inscrit en prévente est communiqué aux mareyeurs 48 heures à l'avance, ce qui leur permet, par un système de vente aux enchères, d'anticiper leurs propres ventes et d'être sûr d'obtenir la marchandise souhaitée le jour J. De telles initiatives doivent être encouragées au même titre qu’une concertation renforcée entre l’amont et l’aval de la filière,  autour du point nodal que constituent les halles à marée.

EXAMEN EN COMMISSION

Dans le cadre de la commission élargie, la commission des affaires économiques a examiné pour avis, sur le rapport de Mme Annick Le Loch (pêche) et de Mme Marie-Noëlle Battistel (énergie), les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » (voir le compte rendu officiel de la commission élargie du 6 novembre 2014, sur le site Internet de l’Assemblée nationale (16)).

*

À l’issue de la commission élargie, la commission des affaires économiques a délibéré sur les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

La Commission, conformément à l’avis favorable de Mme Annick Le Loch et de Mme Marie-Noëlle Battistel, donne un avis favorable à l’adoption des crédits de la Mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Agrocampus ouest Pôle halieutique

M. Stéphane Gouin, maître de conférences au département d'économie rurale et de gestion (DERG)

Association des directeurs et responsables des halles à marée de France (ADRHMF)

M. Yves Guirriec, président

M. Christophe Hamel, vice-président

M. Pascal Bouillaud, secrétaire

M. Marc Delahaye de Cherbourg

Mme Mathilde Pollet, chargée des affaires économiques et européennes à l’Union des ports de France

Association nationale des organisations de producteurs (ANOP)

M. Antoine Dhellemmes, président

M. Julien Lamothe, secrétaire général

Carrefour *

M. Frédéric Rezki, directeur des achats marée

Mme Agathe Grossmith, responsable développement durable

M. Eric Adam, responsable des affaires publiques

Comité national des pêches maritimes et des élevages marins (CNPMEM)

M. Hubert Carre, directeur général

Mme Émilie Gélard, juriste

Confédération nationale des poissonniers écaillers de France (CNPEF)

M. Pierre Jessel, président

Fédération des organisations de producteurs de la pêche artisanale (FEDOPA)

M. José Jouneau, président

M. Victor Bouvard, coordinateur

Ifremer

M. Patrick Vincent, directeur général délégué

M. Jacques Bertrand, adjoint au directeur de département ressources biologiques et environnement

Scapêche

M. Fabien Dulon, directeur général

Scapmarée – Leclerc

M. Benoît Denni, directeur

Union du mareyage français

M. Gaël Michel, secrétaire général

*

Auditions communes avec le rapporteur spécial sur le programme Sécurité et affaires maritimes, pêche et aquaculture, M. David Habib

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche

M. Eamon Mangan, conseiller pêche et aquaculture

M. François Lambert, conseiller mer, outre-mer, ports et transport fluvial

Direction des pêches maritimes et de l’Aquaculture.

Mme Cécile Bigot, directrice

FranceAgrimer

M. Hervé Jeantet, président du Conseil spécialisé Produits de la mer, de l’aquaculture et de la pêche professionnelle en eau douce

M. Dominique Defrance, délégué filière pêche et aquaculture

France Filière Pêche

M. Gérard Higuinen, président

Mme Emmanuelle Sauvion, déléguée générale

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

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