N° 2266 tome X - Avis de M. Charles-Ange Ginesy sur le projet de loi de finances pour 2015 (n°2234)



N
° 2266

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 9 octobre 2014

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2015 (n° 2234)

TOME X

RECHERCHE ET ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

RECHERCHE DANS LES DOMAINES DE LA GESTION DES MILIEUX ET DES RESSOURCES

PAR M. Charles-Ange GINESY

Député

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Voir le numéro : 2260 (Tome III, annexe 37).

SOMMAIRE

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Pages

I. LA RECHERCHE FRANÇAISE EN MATIÈRE DE DÉVELOPPEMENT DURABLE PROGRESSE EN TERMES DE QUALITÉ ET CONSTITUE UN ENJEU DÉTERMINANT POUR NOTRE ÉCONOMIE 7

A. LE PROGRAMME 172 « RECHERCHES SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES PLURIDISCIPLINAIRES » EST AU CœUR DE LA RECHERCHE SUR LA GESTION DES MILIEUX ET DES RESSOURCES 7

1. Un programme ambitieux visant à répondre aux enjeux sociétaux de demain 7

2. Des organismes fortement impliqués dans la recherche en matière de développement durable 8

3. Une coopération croissante entre opérateurs à travers les alliances de recherche 10

4. Des liens distendus avec le monde de l’entreprise, qui gagneraient à être renforcés 11

B. LE PROGRAMME 193 « RECHERCHE SPATIALE » CONSTITUE UN APPUI ESSENTIEL À LA RECHERCHE EN FAVEUR DU DÉVELOPPEMENT DURABLE 12

1. Un domaine de recherche fondamental pour la France et l’Europe, profitant notamment au développement durable 12

2. Le Centre national d’études spatiales : un opérateur fiable et déterminant au rayonnement européen 14

3. Un soutien important du Centre national d’études spatiales à la recherche en matière de développement durable 15

4. Une politique partenariale en plein essor dans un contexte de concurrence accrue 16

5. La recherche spatiale se situe aujourd’hui à un tournant qui appelle des choix de la part des pouvoirs publics français et européens 17

II. L’INSUFFISANCE NOTABLE DES MOYENS BUDGÉTAIRES ALLOUÉS AUX PROGRAMMES 172 ET 193 RISQUE D’ENTRAVER LES ENJEUX SOCIO-ÉCONOMIQUES DU DÉVELOPPEMENT DURABLE 21

A. LE BUDGET DE LA RECHERCHE PLURIDISCIPLINAIRE EST EN DIMINUTION EN 2015 ET MANQUE DE LISIBILITÉ POUR LES SECTEURS RELATIFS AU DÉVELOPPEMENT DURABLE 21

1. Une diminution globale des crédits alloués au programme 172 21

2. Une augmentation incertaine des crédits alloués à la recherche sur l’environnement et l’énergie 21

3. Le crédit d’impôt recherche est encore perfectible et son coût doit être maîtrisé 23

B. LA PROGRESSION DES CRÉDITS BUDGÉTAIRES ACCORDÉS À LA RECHERCHE SPATIALE EN 2015 NE S’EXPLIQUE QUE PAR LES ENGAGEMENTS EUROPÉENS DE LA FRANCE 24

1. Une augmentation des crédits budgétaires alloués au programme 193 en 2015 24

2. Une augmentation qui réside essentiellement dans le poids des engagements européens de la France 25

3. Ces engagements européens doivent impérativement être clarifiés d’un point de vue budgétaire 25

EXAMEN EN COMMISSION 29

INTRODUCTION

Faire face aux défis sociétaux, scientifiques et technologiques de demain constitue l’une des priorités de la recherche en France.

La mobilisation des acteurs scientifiques autour de la gestion sobre des ressources et l’adaptation au changement climatique, autour du développement d’énergies propres, sûres et efficaces, ou encore de la sécurité alimentaire et du défi démographique sont l’objectif principal énoncé par l’agenda stratégique « France Europe 2020 » pour la recherche, le transfert et l’innovation.

Par ailleurs, consciente de ses responsabilités, la France a décidé de faire preuve d’un volontarisme accru dans un contexte où la biodiversité continue de se dégrader, en dépit des engagements pris par l’Union européenne et par la communauté internationale. La stratégie nationale pour la biodiversité 2011-2020, adoptée sous la précédente majorité, insiste sur la nécessité de développer la recherche, d’organiser et de pérenniser la production, l’analyse, le partage et la diffusion des connaissances en la matière.

Les activités de recherche relatives à la gestion des milieux et des ressources s’inscrivent au cœur de ces thématiques. Les crédits des programmes 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » et 193 « Recherche spatiale » examinés dans le présent avis, qui dépendent de la mission interministérielle « Recherche et Enseignement supérieur » (MIRES), revêtent donc une importance particulière.

Le nouveau programme 172 est issu de la fusion des programmes 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » et 187 « Recherche dans les domaines de la gestion des milieux et des ressources ». Il finance les activités de recherche dans des domaines variés qui couvrent la totalité des disciplines scientifiques. Eu égard à l’agenda stratégique « France Europe 2020 », la recherche en matière de développement durable y occupe cependant une place importante et croissante. Ce programme vise notamment la promotion d’une gestion durable de l’environnement et des ressources, qu’elles soient minérales ou vivantes. Sa mise en œuvre relève de nombreux opérateurs, parmi lesquels doivent être mentionnés le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), l’Agence nationale de la recherche (ANR), l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), l’Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (IRSTEA), l’Institut de recherche pour le développement (IRD), l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (IFREMER) et le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD).

Au titre du programme 172, votre rapporteur pour avis souligne toutefois le manque d’information dont il a fait part concernant le changement de périmètre de son avis budgétaire. Bien que la fusion des anciens programmes 172 et 187 ait été recommandée par la Cour des comptes ces deux dernières années, votre rapporteur déplore avoir découvert incidemment cette fusion à l’occasion du dépôt du projet de loi de finances pour 2015.

En outre, la pertinence de cette fusion peut faire l’objet d’interrogations eu égard à la difficulté qui en résulte en termes de lisibilité. Le caractère très général du programme rend complexe l’évaluation de la recherche scientifique selon les différents domaines, dont le développement durable. Le travail parlementaire s’en trouve donc profondément perturbé.

Le programme 193 finance, quant à lui, des activités relatives aux technologies spatiales, à des fins de recherche, de sécurité, de développement économique, ainsi que d’observation et de protection de l’environnement. L’opérateur principal de ce programme est le Centre national d’études spatiales (CNES).

Les deux programmes sont placés sous la responsabilité du ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, chef de file de la mission.

Sur le plan budgétaire, la MIRES représentera une fois encore en 2015 l’une des plus importantes missions du budget de l’État, avec 25,84 milliards d’euros d’autorisations d’engagement et 25,98 milliards d’euros de crédits de paiement.

Si les crédits alloués à la MIRES augmentent globalement, les crédits proposés pour les programmes 172 et 193 connaissent deux orientations distinctes. Les autorisations d’engagement prévues pour le programme 172 s’élèvent à 6,324 milliards d’euros (- 0,17 % par rapport à 2014), tout comme les crédits de paiement (- 0,09 % par rapport à 2014). En termes de crédits, ce programme constitue donc une part déterminante de la MIRES. Les autorisations d’engagement et les crédits de paiement prévus pour le programme 193 s’élèvent, quant à eux, à 1,434 milliard d’euros (+ 0,37% par rapport à 2014).

Les crédits des programmes 172 et 193 ne représentent toutefois pas l’intégralité des financements des opérateurs, qui bénéficient de subventions pour charges de service public au titre d’autres programmes.

*

* *

Votre rapporteur a souhaité consacrer son avis budgétaire à une analyse de l’adéquation des moyens budgétaires aux enjeux de la recherche dans le domaine du développement durable en France. Si, à cet égard, l’importance des programmes 172 et 193 ne fait pas de doute, il n’en reste pas moins qu’elle est largement contrariée par l’insuffisance des moyens lui étant alloués.

Dans sa nouvelle mouture, le programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » répond à des enjeux sociétaux multiples couvrant la totalité des disciplines scientifiques et s’attache notamment à des questionnements majeurs liés à la nécessité de nourrir sept milliards d’êtres humains en assurant la sécurité alimentaire, ainsi que l’accès durable à l’eau et à d’autres ressources essentielles. Les pans de la recherche scientifique concernés sont donc nombreux : l’agronomie, la connaissance et l’ingénierie des milieux et des écosystèmes, les technologies environnementales, la transformation, l’exploitation et la gestion durable des ressources naturelles, minérales et vivantes, de l’eau, des territoires et des espaces terrestres, littoraux et marins. Tous les pans de la recherche sont concernés.

Ce programme, qui participe activement au concept de développement durable, est composé de onze actions et fixe ainsi les domaines couverts et les grandes orientations scientifiques des établissements de recherche, qui assurent ensuite de manière autonome la programmation et la réalisation de leurs travaux :

- action 1 : Pilotage et animation ;

- action 2 : Agence nationale de la recherche ;

- action 3 : Recherches interdisciplinaires et transversales ;

- action 4 : Diffusion, valorisation et transfert des connaissances et des technologies ;

- action 5 : Grandes infrastructures de recherche : cette action a un statut particulier, puisqu’elle identifie les budgets consacrés aux grandes infrastructures de recherche ouvertes à la communauté scientifique, en cohérence avec la feuille de route nationale des infrastructures de recherche ;

- action 6 : Moyens généraux et d’appui à la recherche ;

- action 7 : Recherches scientifiques et technologiques en sciences de la vie et de la santé ;

- action 8 : Recherches scientifiques et technologiques en sciences et techniques de l’information ;

- action 9 : Recherches scientifiques et technologiques dans le domaine de l’énergie ;

- action 10 : Recherches scientifiques et technologiques dans le domaine de l’environnement ;

- action 11 : Recherches scientifiques et technologiques en sciences humaines et sciences sociales.

Il est évident que certaines de ces actions participent de manière plus effective et pertinente à la recherche matière de développement durable. Il en est notamment ainsi des actions 9 et 10, qui se focalisent sur la recherche dans les domaines de l’énergie et de l’environnement.

Le programme 172 est mis en œuvre par tous les organismes de recherche français, à l’exception du Centre national d’études spatiales (CNES). Toutefois, toutes les disciplines scientifiques n’intéressent pas directement la recherche en matière de gestion des milieux et des ressources et plus généralement le développement durable.

Les organismes devant ainsi être prioritairement mentionnés sont les opérateurs de l’ancien programme 187 « Recherche dans les domaines de la gestion des milieux et des ressources ». Trois d’entre eux sont des établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST) : l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), l’Institut de recherche pour le développement (IRD) et l’Institut de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (IRSTEA). Les trois autres sont des établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC) : le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (IFREMER) et le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM).

La fusion des anciens programmes 172 et 187 permet cependant de relever la participation d’autres organismes de recherche en matière de développement durable. Il s’agit notamment de l’Agence nationale de la recherche (ANR), du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) à travers différents instituts, de l’Institut polaire français Paul-Émile Victor (IPEV) spécialisé dans la mise en œuvre des activités de recherche en Antarctique et Arctique.

Chacun de ces opérateurs fait preuve d’un réel investissement dans la recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources.

Plusieurs de ces organismes ont, en outre, signé la charte du développement durable des établissements publics et des entreprises publiques, qui invite à mettre en œuvre les stratégies européenne et nationale de développement durable dans le cadre de l'article 6 de la Charte de l'environnement, inscrite dans la Constitution à l’occasion de la révision constitutionnelle du 1er mars 2005.

Exemples de programmes et études des opérateurs

Réduire notre dépendance aux ressources pétrolières à travers les ressources renouvelables, tout en assurant une croissance économiquement durable, dans une spirale vertueuse pour la sécurité alimentaire et l’environnement est un enjeu pour nos sociétés. À la suite de l’agenda stratégique « France Europe 2020 » pour la recherche, le transfert et l’innovation, l’INRA a choisi la bioéconomie comme priorité forte de ses orientations 2010-2020. Depuis le début de l’année 2014, trois groupes de travail explorent les questions de recherche relatives aux systèmes de production agricole, marin et forestier, aux technologies de transformation de la biomasse et aux bioraffineries, à la durabilité et à la gestion des territoires.

La gestion durable des territoires et des ressources du sous-sol implique de mettre à la disposition des différents acteurs concernés une connaissance approfondie, fiable, précise, compréhensible et exploitable de la partie supérieure de la croûte terrestre. À cette fin, l’un des axes prioritaires de la programmation scientifique du BRGM réside dans la volonté d’assurer une représentation multi-échelles de la connaissance géologique de la France en trois dimensions.

L’IFREMER a décidé d’apporter sa contribution à la stratégie nationale pour la recherche en sciences marines à l’horizon 2020. À travers son propre plan stratégique, l’Institut travaille, avec ses partenaires, à décliner sous l’angle marin, les grandes questions sociétales : changement climatique, ressources vivantes et minérales, biodiversité, risques naturels, gestion intégrée des écosystèmes marins. En juin 2014, un premier rapport a été rendu, en collaboration avec le CNRS, sur les impacts environnementaux de l’exploitation des ressources minérales marines profondes.

Le CEA travaille actuellement sur de nouvelles solutions énergétiques pour le XXIe siècle. Dans le cadre du « Forum Génération IV », débuté en 2000, il concentre notamment ses efforts sur l’étude du système nucléaire de quatrième génération ayant pour objectif de réduire le volume et la toxicité des déchets radioactifs issus du fonctionnement des réacteurs nucléaires, de produire de l’énergie en utilisant mieux la ressource en uranium et d’améliorer encore la résistance aux risques en matière de sécurité et de sûreté. La production de biocarburants de deuxième génération est aussi l’une des réponses privilégiées par la France et l’Union européenne aux défis énergétiques des transports à l’horizon 2020. L’Union développe notamment l’utilisation des biocarburants pour atteindre 10 % des carburants consommés par les transports en 2020. Le CEA privilégie la filière BtL (Biomass to Liquid) qui, entre autres avantages, permet de produire du biodiesel de haute qualité, tant du point de vue du fonctionnement des moteurs que de leurs émissions de polluants. Ainsi, au mois d’octobre 2014, le CEA a inauguré en collaboration avec le groupe Air-Liquide une première plateforme de prétraitement de la biomasse, nommée Syndièse.

L’ANR est à l’origine du programme « PRECODD » (Programme écotechnologies et développement durable) qui vise à dynamiser la recherche française et à favoriser un partenariat entre les principales parties prenantes – organismes de recherche, grandes entreprises, PME, pouvoirs publics en tant que donneurs d’ordres – dans le secteur des écotechnologies, c’est-à-dire des technologies ayant pour but la réduction des émissions polluantes à la source des procédés industriels, la préservation des ressources naturelles et la maîtrise des risques environnementaux.

Dans le cadre de la mise en œuvre de la stratégie nationale de recherche, de transfert et d’innovation, les alliances, créées par les organismes de recherche avec le soutien du ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, favorisent la mise en place d’une coordination de la programmation des moyens des opérateurs sur des thèmes communs.

En pratique, les organismes élaborent la programmation de leurs recherches en s’impliquant davantage dans les cinq alliances nationales de recherche créées en 2009 et 2010 :

– ALLENVI pour les sciences de l’environnement (y compris le vivant et la biodiversité) ;

– ANCRE pour les énergies renouvelables ;

– AVIESAN pour la santé ;

– ALLISTENE pour les sciences du numérique ;

– ATHENA, pour les sciences humaines et sociales, à laquelle les opérateurs participent à travers l’alliance ALLENVI.

Depuis 2008, plusieurs opérateurs sont également membres fondateurs de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB) qui porte la participation française à la plate-forme scientifique intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) créée en 2011.

Votre rapporteur pour avis souligne tout l’intérêt de la démarche des alliances de recherche, qui favorise la mise en commun sur de grandes priorités thématiques et tend à rationaliser la dispersion des acteurs scientifiques constatée à la fin des années 2000 par l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AERES). Eu égard à leur importance stratégique, votre rapporteur pour avis estime que leur prise en considération dans le circuit de financement doit néanmoins être encore renforcée.

La recherche dans les domaines de la gestion des milieux et des ressources est indissociable du milieu économique. Les défis du développement durable sont autant de défis pour les entreprises. La capacité des opérateurs du programme 172 à contribuer au développement économique, directement ou indirectement, fait donc partie des enjeux majeurs qui en sont à l’origine.

En pratique, la qualité des partenariats avec le monde économique et la culture de valorisation et de transfert des savoirs et des technologies peut être mesurée de deux manières.

Premièrement, la part des redevances sur titre de propriété intellectuelle dans les ressources des opérateurs permet d’apprécier la qualité et la pertinence des brevets déposés par les organismes. Or, force est de constater que la valeur de cet indicateur subit ces dernières années une baisse sensible, qui pourrait se prolonger en dépit d’une amélioration pour l’année 2014.

PART DES REDEVANCES SUR TITRE DE PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DANS LES RESSOURCES OPÉRATEURS

 

2012

2013

2014 Prévision PAP 2014

2014 Prévision actualisée

2015 Prévision

Montant des redevances sur titre de propriété intellectuelle (M€)

57,14

51,78

38

49,56

40

Part des ressources apportées aux opérateurs par les redevances sur titre de propriété intellectuelle (%)

0,82

0,83

0,7

0,7

n.d.

Source : Projet annuel de performance 2015

Deuxièmement, la part des contrats de recherche passés avec des entreprises dans les ressources des opérateurs permet de mesurer financièrement l’intensité du transfert de recherche vers les entreprises. Cet indicateur est déterminant. La part des contrats de recherche passés avec des entreprises dans les ressources des opérateurs a connu un réel fléchissement en 2013 et s’explique par une baisse conjoncturelle de la demande en matière de recherche et développement pour certains opérateurs. Si les prévisions pour 2014 et 2015 sont plus optimistes, il n’en reste pas moins que cette part des ressources des opérateurs reste très modeste dès lors qu’elle est inférieure à 5 % de leurs ressources totales.

PART DES CONTRATS DE RECHERCHE PASSÉS AVEC DES ENTREPRISES DANS LES RESSOURCES DES OPÉRATEURS

 

2012

2013

2014 Prévision PAP 2014

2014 Prévision actualisée

2015 Prévision

Montant des contrats de recherche passés avec des entreprises (M€)

262,25

259,43

232

290,32

300

Part des contrats de recherche passés avec des entreprises dans les ressources des opérateurs (%)

3,78

3,59

4,2

4,09

n.d.

Source : Projet annuel de performance 2015

Pourtant, il faut également préciser que l’intensité de la relation entre la recherche et le monde socio-économique diffère selon chaque organisme de recherche mettant en œuvre le programme 172. C’est ce qu’illustrent les différentes évaluations réalisées ces dernières années par l’AERES.

D’une part, certains organismes comme l’IRSTEA ou l’IRD ont depuis longtemps développé des partenariats avec le monde socio-économique. Certains organismes comme le BRGM sont également de plus en plus sollicités pour leur capacité d’évaluation économique, afin de fournir aux acteurs économiques les connaissances et outils d’une meilleure gouvernance. D’autre part, les partenariats des organismes comme l’IFREMER ou le CIRAD avec le monde de l’entreprise sont très peu développés. Enfin, il est intéressant de noter que les partenariats du CNRS avec les entreprises ont diminué ces dernières années.

Votre rapporteur pour avis regrette que les partenariats entre les entreprises et les opérateurs ne soient pas plus développés. De tels liens permettraient à la fois de trouver de nouvelles sources de financement et de favoriser l’émergence de réponses concrètes aux enjeux du développement durable, tant en termes de contenus qu’en termes d’emplois.

Le programme 193 « Recherche spatiale » a pour finalité d’assurer à la France et à l’Europe la maîtrise des technologies et des systèmes spatiaux nécessaires pour faire face aux défis de recherche, de sécurité, de développement économique, d’aménagement du territoire ou encore d’environnement.

Au carrefour de multiples enjeux scientifiques, technologiques, économiques et politiques, le spatial pénètre un nombre croissant d’aspects de la vie quotidienne (télécommunications, télédiffusion, navigation, météorologie). L’outil spatial, parce qu’il peut procurer une couverture continue et globale de la planète, permet de nombreuses utilisations scientifiques et opérationnelles : la cartographie, la mesure des variables climatiques essentielles, l’océanographie, la physique et la chimie de l’atmosphère, le suivi de la végétation, les risques naturels, le contrôle des ressources naturelles, l’aménagement du territoire, l’évaluation des risques naturels ou politiques, le suivi des situations de crise. Les besoins en matière de développement durable et de sécurité/défense font appel à des techniques et technologies similaires, ou « duales ». Cela concerne l’observation de la terre comme les radiocommunications.

Le programme 193 se décompose en sept actions, chacune représentative d’une priorité budgétaire :

- action 1 : Développement de la technologie spatiale au service de la science ;

- action 2 : Développement de la technologie spatiale au service de l’observation de la Terre ;

- action 3 : Développement de la technologie spatiale au service de la recherche en sciences de l’information et de la communication ;

- action 4 : Maîtrise de l’accès à l’espace ;

- action 5 : Maîtrise des technologies orbitales et de l’innovation technologique ;

- action 6 : Moyens généraux d’appui à la recherche ;

- action 7 : Développement des satellites de météorologie.

Exception faite des satellites de télécommunications, largement financés par le secteur privé, les systèmes spatiaux sont financés, directement ou indirectement, par les États, leur utilisation commerciale n’étant pas suffisante pour couvrir l’ensemble des coûts de développement, de déploiement et d’opération. Dès lors, les orientations retenues par la puissance publique en matière d’orientation de la recherche spatiale sont primordiales.

Il apparaît aujourd’hui que la majorité des outils spatiaux, du moins les plus grands d’entre eux, doivent être développés à l’échelle européenne ; en effet c’est à cette échelle que peut être définie une politique spatiale d’envergure. C’est notamment ce qu’illustre le taux de présence des projets européens dans les projets financés par le Centre national d’études spatiales (CNES) français ces dernières années.

Historiquement, la maîtrise d’ouvrage est ainsi assurée par l’Agence spatiale européenne (ESA) ou par l’Organisation européenne pour l’exploitation des satellites météorologiques (EUMETSAT). L’Union européenne est appelée à jouer un rôle croissant en vertu de l’accord-cadre passé avec l’ESA en 2004 et, surtout, du traité de Lisbonne qui lui confère une compétence partagée dans le domaine spatial. L’Union européenne est par ailleurs engagée, en partenariat avec l’ASE, dans la réalisation du programme européen de navigation « Galileo » et du programme européen « Copernicus » (anciennement GMES) de surveillance mondiale pour l’environnement et la sécurité.

TAUX DE PRÉSENCE DES PROJETS EUROPÉENS DANS
LES PROJETS FINANCÉS PAR LE CNES

 

2012

2013

2014 Prévision

Proportion du budget du CNES consacré à des programmes en coopération européenne (%)

74

74

70

Part du CNES dans le financement de ces programmes en coopération (%)

19

20

20

Le Centre national d’études spatiales (CNES) est un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) placé sous la tutelle du ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, du ministère de la Défense et du ministère de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique.

Le CNES est en premier lieu chargé de conseiller le Gouvernement français pour l’élaboration et la conduite de sa politique spatiale, puis de mettre en œuvre cette politique. Il a donc la double fonction d’agence de programme et de centre technique. Il apporte une expertise technique au Gouvernement sur les questions spatiales et assure la maîtrise d’ouvrage des programmes spatiaux français.

En second lieu, le CNES gère, en plus d’un programme spatial multilatéral, la participation française aux programmes de l’ESA. Il en est l’un des membres éminents et historiques. L’ESA propose en effet à ses vingt États membres des programmes, au sein de comités de programmes thématiques : observation de la Terre, télécommunications, science, etc. Certains programmes sont dits « obligatoires », comme la science ou le programme de recherche technologique : les États doivent y participer au niveau de leur produit national brut (PNB). D’autres programmes sont « optionnels » : chaque État peut donc y participer, ou non, à la hauteur voulue.

En somme, il n’y a pas une seule activité financée qui ne soit menée en coopération avec des partenaires, qu’il s’agisse d’organismes nationaux de recherche ou de défense, d’agences spatiales nationales européennes ou hors Europe.

Le CNES intervient ainsi à travers trois grandes catégories de projets :

- projets régaliens : le CNES est maître d’ouvrage des projets spatiaux, notamment dans les domaines de la sécurité et de la défense pour le compte du ministère de la Défense ;

- projets scientifiques : le CNES assure le développement d’instruments scientifiques en partenariat avec les laboratoires, notamment dans le cadre des programmes de l’ESA, et le développement de missions dans un cadre multilatéral sur des objectifs scientifiques et technologiques ciblés en complément des missions ESA. En plus de son soutien technique et financier au développement des instruments et des missions, le CNES met en place des pôles thématiques consacrés au traitement et à l’archivage des données spatiales en association avec des laboratoires ;

- projets appliqués : dans le but de promouvoir de nouvelles utilisations du spatial au service du citoyen, le CNES ouvre de nouvelles possibilités, notamment économiques, mais n’a pas vocation à réaliser des filières opérationnelles récurrentes, le relais devant être pris, lorsque les applications sont arrivées à maturité et que leur modèle économique est viable, par les opérateurs privés ou institutionnels au service des utilisateurs ou des entités qui les représentent. Il propose des solutions qui peuvent éventuellement être concurrentes de solutions non spatiales (ex. radiocommunications) ou complémentaires de celles-ci (ex. désenclavement sanitaire) et démontre leur faisabilité.

Votre rapporteur pour avis estime toutefois que si le CNES constitue un instrument efficace et fédérateur qui bénéficie d’une expertise remarquable, il demeure cependant un organe au service d’une vision, d’une ambition qui n’a probablement pas la place qu’elle mériterait dans le débat public. L’ambition spatiale est insuffisamment portée aux niveaux politique et administratif. Elle est donc peu partagée par la population. L’utilité de l’espace dans la vie quotidienne reste trop méconnue du grand public. Un effort de communication autour de ce secteur apparaît donc indispensable.

Le CNES est d’autant plus important que s’il ne participe pas directement à la recherche, il en est le support à travers la maîtrise d’ouvrage qui relève de ses missions. Ainsi, de multiples ouvrages qu’il supervise participent à la recherche en matière de développement durable. D’ailleurs, afin d'apporter des réponses aux diverses questions environnementales que pose le développement durable, le CNES a lancé de nombreux programmes d’observation de la Terre, dans le cadre national, européen et international.

Un certain nombre de projets peuvent être évoqués à ce titre :

- l’étude de la terre solide et de la biosphère par les satellites SPOT et PLEIADES : les systèmes d’observation à haute résolution comme la famille SPOT permettent de mieux connaître l’évolution de la couverture des sols ou encore d’aider à la mise en place d’une agriculture de précision. En France, SPOT a été remplacé depuis 2011 par le programme PLEIADES, utilisant des capteurs optiques et radar qui répondent aux besoins de suivi de l’environnement en mettant à disposition des produits en temps quasi réel ;

- le suivi par le système VEGETATION de l’évolution du couvert végétal mondial et l’anticipation des prévisions de rendement des cultures ou des problèmes liés à la sécurité alimentaire : l’instrument VEGETATION, embarqué sur les satellites SPOT, récolte chaque jour depuis 1998 une série d’informations, en faisant le tour du globe, « son œil » rivé sur la flore terrestre. Il permet d’étudier l’évolution des productions agricoles, des espaces forestiers et apporte ainsi des éléments de réponse sur les interactions entre la biosphère et le climat ;

- l’étude de l’atmosphère par l’instrument IASI : développé par le CNES en coopération avec EUMETSAT, l’instrument IASI (Interféromètre Atmosphérique de Sondage Infrarouge) équipe les satellites météorologiques européens METOP. Outre la température et l’humidité de l’atmosphère, IASI mesure plus de 25 composants atmosphériques (ozone, méthane, monoxyde de carbone, etc.) avec une très grande précision et participe à la surveillance du climat.

Le CNES a su, par la qualité de ses projets et de sa maîtrise d’ouvrage, développer une politique partenariale remarquable. Cela lui permet de résister, tout comme l’ESA, face à l’arrivée sur le marché spatial international de l’américain SpaceX (Space Exploration Technologies Corp.), dont l’approche intégrée permet de développer une certaine forme de « low cost » dans le domaine.

De multiples partenariats avec la communauté scientifique nationale doivent être soulignés. Une part importante de la politique de recherche et technologie (R&T) menée directement par le CNES est ainsi conduite avec les laboratoires de recherche placés sous la responsabilité des universités ou des organismes de recherche. Cela concerne le développement et la réalisation, tant des instruments embarqués que des chaînes de traitement des données, ou des pôles thématiques chargés d’en valoriser les contenus. L’apport du CNES à la communauté scientifique nationale a permis à celle-ci de conforter son expertise instrumentale, de disposer d’un accès privilégié à nombre de missions scientifiques de grande ampleur (avec l’ESA, mais aussi avec la NASA et l’agence russe).

Les partenariats avec les entreprises du secteur spatial sont, eux aussi, nombreux. Les politiques de programmation et d’investissement menées par le CNES depuis sa création ont largement contribué à développer puis à renforcer l’industrie spatiale française, ce qui lui permet de jouer un rôle qui dépasse largement le cadre national. Les partenariats industriels concernent tous les secteurs des activités spatiales du CNES avec une couverture variable selon qu’il s’agit de grandes entreprises ou de PME. Dans ses relations avec les industriels, le CNES veille à ce que le pilotage soit adapté à la variété du tissu industriel et que la maîtrise des situations de monopole (lanceurs et propulsion) soit assurée par lui.

Pour rappel, le secteur industriel spatial français est essentiellement composé de deux grandes entreprises spatiales Thales Alenia Space et SNECMA du groupe Safran, d’une vingtaine d’entreprises de taille moyenne et d’un nombre important de petites entreprises dont la situation est souvent fragile. Tout en évitant de créer des doublons onéreux, le CNES a su assurer le maintien d’une compétitivité durable entre ces entreprises qui leur permet aujourd’hui de disposer d’une bonne capacité d’intervention au niveau européen, voire international.

Il faut, par ailleurs, noter l’importance que devrait prendre le partenariat du CNES avec Airbus Defence and Space, division du groupe Airbus née en janvier 2014 du regroupement des activités de Cassidian, Astrium et Airbus Military. Cette nouvelle division est le leader européen de l’industrie spatiale et de la défense, le numéro deux mondial de l’industrie spatiale et fait partie des dix premières entreprises mondiales du secteur de la défense. Elle réalise un chiffre d’affaires annuel d’environ 14 milliards d’euros avec un effectif de quelque 40 000 employés.

Comme évoquée précédemment, la suprématie européenne dans le domaine spatial, principalement sur le marché des lanceurs civils, tend à être remise en cause par l’essor de nouveaux concurrents, dont l’entreprise américaine SpaceX. Les prévisions pessimistes du chiffre d’affaires à l’export de l’industrie spatiale française rapporté aux investissements des cinq dernières années illustrent parfaitement cette crise concurrentielle.

CHIFFRE À L’EXPORT DE L’INDUSTRIE SPATIALE FRANÇAISE RAPPORTÉ AUX INVESTISSEMENTS DES CINQ DERNIÈRES ANNÉES

 

2012

2013

2014 Prévision

2015 Prévision

Chiffre à l'export de l'industrie spatiale française rapportée aux investissements des dernières années (%)

120

136

120

130

Source : Projet annuel de performance 2015

La famille des lanceurs Ariane, historiquement développés par l’ESA et commercialisés par Arianespace, est aujourd’hui mise à mal par la création de lanceurs à bas coût. Tandis que le prix d’Ariane-5, développée depuis 1995, est évalué à environ 200 millions de dollars pour le lancement de deux satellites, SpaceX propose depuis 2010 un lanceur Falcon-9 dont le prix est établi à 60 millions de dollars pour un satellite. Si les capacités des lanceurs sont relativement similaires, les économies réalisées par SpaceX reposent majoritairement sur la rationalisation de la filière industrielle : alors que l’industrie spatiale européenne est disséminée à travers les États membres de l’Union européenne, SpaceX est une entreprise intégrée qui assure la conception, la fabrication, la vente et le lancement, ce qui lui permet de réduire considérablement ses coûts de production.

Il revient donc à l’ESA de réagir pour développer, en partenariat avec l’industrie spatiale européenne, des lanceurs fiables, peu chers et compétitifs.

Une première décision est intervenue en 2012 au niveau de l’ESA. Il s’agit de développer pour 2018 une fusée de transition Ariane 5-ME, dont les éléments serviront au futur lanceur Ariane 6 à l’horizon 2021. Une seconde décision, prise au mois de juin 2014 par les industriels européens, a bouleversé le compromis trouvé en 2012. Airbus Group et Safran ont en effet proposé, d’une part, de regrouper leurs activités « lanceur » au sein d’une coentreprise afin de mettre en place une approche industrielle intégrée, et, d’autre part, de développer dès à présent un projet d’Ariane 6 en vue d’un premier lancement dès 2020.

En partenariat et avec le soutien de l’ESA et du CNES, deux versions d’Ariane 6 ont déjà été imaginées durant l’été 2014 :

- une version avec deux boosters dont le lancement coûterait autour de 65 millions d'euros (Ariane 6-2) ;

- une version avec quatre boosters dont le coût de lancement est estimé à 85 millions d'euros (Ariane 6-4).

Toutefois, puisque d’un point de vue financier il semble impossible de réaliser les deux projets d’Ariane 5-ME et d’Ariane 6, il revient aux États membres de l’ESA de trancher. Cette décision doit être prise lors du conseil de l’ESA prévu le 2 décembre 2014. Si la France milite en faveur du développement d’Ariane 6, la secrétaire d’État à la Recherche, Geneviève Fioraso, affirmait encore récemment qu’il reste « encore un peu de chemin » pour que ce scénario soit accepté par tous les États membres, dont l’Allemagne. Votre rapporteur pour avis suivra avec une grande attention l’évolution de la situation.

Le projet de loi de finances pour 2015 propose de réduire sensiblement les crédits alloués au programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires ».

Les autorisations d’engagement diminuent légèrement de 11 millions d’euros en 2015 passant de 6,331 milliards d’euros en 2014 (1) à 6,320 milliards d’euros pour 2015 (- 0,17 %)

ÉVOLUTION DES AUTORISATIONS D’ENGAGEMENT (AE) ET DES CRÉDITS DE PAIEMENT (CP) DU PROGRAMME 172 (AU FORMAT 2015) ENTRE 2014 ET 2015

 

2014
(architecture 2015)

2015 (PLF)

AE (€)

6 331 251 153

6 331 251 153

CP (€)

6 320 079 602

6 324 959 540

Source : Projet annuel de performance 2015

De même, les crédits de paiement sont globalement maintenus, même s’ils diminuent très légèrement de 6 millions d’euros en 2015. Ils s’élèvent à 6,324 milliards d’euros pour 2015, alors qu’ils s’élèvent à 6,331 milliards d’euros en 2014 (-0,09 %).

En 2015, les crédits alloués à la recherche scientifique et technologique dans les domaines de l’énergie et de l’environnement connaissent une légère augmentation si l’on observe le seul programme 172.

Ainsi, concernant la recherche scientifique et technologique relative à l’environnement, les autorisations d’engagement et les crédits de paiement augmentent respectivement de 6 millions d’euros en 2015 (+ 0,5 % par rapport à 2014). Cette action représentera en conséquence 17,4 % du programme 172.

ÉVOLUTION DES AUTORISATIONS D’ENGAGEMENT (AE) ET DES CRÉDITS DE PAIEMENT (CP) POUR L’ACTION « RECHERCHES SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES DANS LE DOMAINE DE L’ENVIRONNEMENT » ENTRE 2014 ET 2015

 

2014

2015 (PLF)

AE (€)

1 094 882 020

1 100 882 560

CP (€)

1 094 882 020

1 100 882 560

Source : Projet annuel de performance 2015

Concernant la recherche scientifique et technologique relative à l’énergie, les autorisations d’engagement et les crédits de paiement augmentent quant à eux respectivement de 900 000 euros en 2015 (+ 1,15 % par rapport à 2014). Cette action représentera ainsi 9,2 % du programme 172.

ÉVOLUTION DES AUTORISATIONS D’ENGAGEMENT (AE) ET DES CRÉDITS DE PAIEMENT (CP) POUR L’ACTION « RECHERCHES SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES DANS LE DOMAINE DE L’ÉNERGIE » ENTRE 2014 ET 2015

 

2014

2015 (PLF)

AE (€)

579 014 665

579 914 926

CP (€)

579 014 665

579 914 926

Source : Projet annuel de performance 2015

Toutefois, votre rapporteur pour avis estime que cette augmentation des crédits budgétaires alloués à la recherche sur l’environnement et l’énergie doit être nuancée en raison des incertitudes issues de la fusion des anciens programmes 187 et 172. Il est en effet impossible de déterminer avec précision, dans le cadre du nouveau programme 172, une comparaison des crédits budgétaires alloués à la recherche sur la gestion des milieux et des ressources telle qu’elle existait auparavant dans le programme 187. S’il ne s’oppose pas au principe de la fusion, votre rapporteur estime cependant qu’il revenait au Gouvernement d’introduire dans les documents budgétaires accompagnant le projet de loi de finances pour 2015 des indications supplémentaires permettant d’éclairer le travail parlementaire sur l’impact de ce changement de périmètre.

Par ailleurs, la Cour des comptes déplore chaque année que la nomenclature par actions des programmes ne fournisse pas d’informations pertinentes sur la destination réelle des dépenses, car la ventilation des crédits est seulement indicative.

Le dynamisme de la recherche dépend largement des instruments incitatifs que les pouvoirs publics mettent à la disposition des organismes scientifiques et des entreprises, au premier rang desquels le crédit d’impôt recherche (CIR) et l’exonération d’impôt sur les sociétés des organismes de recherche pour leurs seuls revenus tirés des activités conduites dans le cadre des missions du service public de l'enseignement supérieur et de la recherche. Ces deux dépenses fiscales sont rattachées au programme 172.

Si l’exonération d’impôt sur les sociétés des organismes de recherche ne soulève pas d’inquiétude en ce qu’elle ne représente qu’un faible coût pour l’État (5 millions d’euros en 2013), le CIR fait cependant l’objet de nombreuses critiques et pourrait être optimisé.

Créé en 1983, le CIR a été profondément réformé par la loi de finances initiale pour 2008. Il permet aux entreprises d’imputer en réduction de leur impôt sur les sociétés une part de leurs dépenses de recherche et développement (R&D) correspondant aujourd’hui à 30 % jusqu’à 100 millions d’euros de dépenses, puis 5 % pour la fraction des dépenses de recherche supérieure à ce montant. En 2013, 16 200 entreprises ont bénéficié de ce mécanisme, pour un coût de 3,2 milliards d’euros pour l’État. Ce coût est estimé à 5,5 milliards pour 2014.

Il est à noter que la réforme du CIR en 2008 a eu d’importantes conséquences sur la position de la France dans le classement international des mécanismes d’incitation fiscale pour la R&D. Elle prend ainsi la troisième place du classement des pays en fonction de l’aide fiscale pratiquée pour un euro de R&D. Par ailleurs, le CIR se révèle particulièrement utile et a permis de stabiliser les dépenses de recherche en France dans un contexte économique difficile. Un récent rapport du ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (2) en a précisé l’impact :

- le renforcement du CIR depuis 2004 a eu un impact avéré sur les dépenses de R&D des entreprises, ce qui exclut l’hypothèse d’un effet d’aubaine ;

- les plus petites entreprises bénéficient du taux de CIR le plus élevé ;

- les dépenses déclarées pour les travaux confiés à des institutions de recherche publiques augmentent fortement.

Votre rapporteur pour avis est conscient du rôle déterminant qu’ont les petites et moyennes entreprises (PME) dans l’investissement en faveur du développement durable. Ainsi, près de la moitié d’entre elles a déjà investi dans le secteur (49 %). Par ailleurs, le secteur agricole est celui qui déclare avoir le plus investi dans le développement durable (48 %). Pour cette raison, votre rapporteur insiste sur l’impérieuse nécessité de favoriser la recherche au sein des PME.

Votre rapporteur pour avis rappelle cependant que la Cour des comptes, dans un rapport remis à la commission des finances de l’Assemblée nationale au mois de septembre 2013 (3), a souligné certaines limites du CIR qui appellent des ajustements. Parmi ceux-ci, il est souhaitable que le Gouvernement tienne compte de certaines recommandations :

– accélérer la production de données relatives à l’exécution du CIR et améliorer les outils permettant de déterminer la dynamique prévisible de la dépense fiscale lors de l’élaboration de la loi de finances ;

– clarifier et perfectionner la gestion du CIR tant pour les entreprises que pour l’administration fiscale, eu égard aux pratiques de « contournement » que la Cour des comptes a pu constater ;

– mieux maîtriser le régime du CIR, notamment son assiette et son mode de calcul, afin de limiter l’accroissement élevé de son coût.

Comme le relève également l’Observatoire du CIR « les véritables modifications à apporter au CIR relèvent d’abord d’une amélioration qualitative du dispositif : il est nécessaire de simplifier et de sécuriser son utilisation, tout en évitant de le déséquilibrer ou de le complexifier par une nouvelle modulation des taux ou un élargissement de son assiette » (4).

Le projet de loi de finances pour 2015 propose une légère augmentation des crédits budgétaires du programme 193 « Recherche spatiale ».

Les autorisations d’engagement et les crédits de paiement s’élèveront en 2015 à 1,434 milliard d’euros (+ 0,37 % par rapport à 2014), soit une augmentation supérieure à 5 millions d’euros.

ÉVOLUTION DES AUTORISATIONS D’ENGAGEMENT (AE) ET DES CRÉDITS DE PAIEMENT (CP) DU PROGRAMME 193 ENTRE 2014 ET 2015

 

2014

2015 (PLF)

AE (€)

1 429 108 560

1 434 501 498

CP (€)

1 429 108 560

1 434 501 498

Source : Projet annuel de performance 2015

Si le programme 193 ne finance directement qu’un organisme unique, le CNES, il n’en reste pas moins qu’une partie très importante du budget de ce dernier est ensuite reversée à des organismes européens. À travers ses dépenses de transfert, le CNES finance en effet la participation de la France à deux organisations scientifiques internationales :

- la contribution française à l’ESA à hauteur de 816,8 millions d’euros en 2015 – soit 23,7 % du total des contributions directes des États membres ;

- la contribution française à l’EUMETSAT pour 42,5 millions d’euros en 2015 – soit 14,8 % du total des contributions des États membres.

En conséquence, il est important de souligner que l’augmentation des crédits alloués au programme 193 pour l’année 2015 ne concerne que les dépenses d’interventions du CNES au titre de la participation de la France à l’ESA et à l’EUMETSAT, ce qui correspond à un total de 859,3 millions d’euros. La subvention pour charges de service public attribuée au CNES est, quant à elle, maintenue au même niveau que 2014, soit 575,1 millions d’euros.

Deux sujets concernant les engagements européens de la France dans le domaine spatial soulèvent des interrogations. Il s’agit en premier lieu de la dette de la France auprès de l’ESA, qui repart à la hausse en 2015. En second lieu, il s’agit de l’augmentation des frais d’intermédiation facturés par l’ESA à la France.

Premièrement, les crédits alloués au CNES au titre de la participation française à l’ESA ayant été pendant la dernière décennie tendanciellement inférieurs aux appels à contributions de l'ESA, il en résulte une dette de la France envers l'agence depuis 2003. Cette dette, qui augmente rapidement, atteint au total 9 millions d’euros fin 2002, 332 millions d’euros fin 2007 et 377 millions d’euros fin 2010.

ÉVOLUTION DE LA DETTE FRANÇAISE AUPRÈS DE L’ESA

 

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

Dette nette au 31/12/N (M€)

377,3

298,4

220,1

170,7

103,6

193,4

257,6

232,5

202,9

174,7

146,3

0

Variation de la dette (%)

51,7

-78,9

-78,3

-49,4

-67,1

89,9

64,2

-25,1

-29,6

-28,1

-28,4

-146

Source : Source : PMT ESA CNES - CA CNES 4 juillet 2013

Pourtant, il était initialement prévu que la dette française auprès de l’ESA soit apurée à la fin de l’année 2010. Toutefois, eu égard aux ambiguïtés du contrat de plan État-CNES 2005 – 2010, le délai a été ramené à 2015 en vertu du contrat 2011 – 2015.

Le remboursement de cette dette a de nouveau été remis à 2021, principalement en raison du lancement des programmes Ariane 5-ME et Ariane 6 précédemment mentionnés.

Votre rapporteur pour avis s’inquiétait déjà de la dette française auprès de l’ESA dans son précédent avis budgétaire. Il constate que les efforts réalisés depuis 2011 pour résorber celle-ci dans les plus brefs délais sont aujourd’hui mis à mal. Aussi, le calendrier d’évolution de la dette montre qu’un effort très important devra être réalisé avant 2021, ce qui particulièrement irréaliste, dès lors qu’aucune décision définitive n’a encore été arrêtée concernant le choix du projet Ariane 5-ME ou du projet Ariane 6.

Une fois encore, votre rapporteur pour avis souligne le décalage entre le discours du Gouvernement, qui annonce l’assainissement de la situation financière publique, et ses actes, quand il choisit délibérément de s’endetter auprès de l’ESA. Un peu de cohérence serait appréciable.

Deuxièmement, la Cour des comptes a récemment relevé, dans un rapport d’octobre 2014 (5), une augmentation significative des frais d’intermédiation facturés par l’ESA à la France. Lorsque l’ESA procède à ses appels de fonds en vue de couvrir les montants nécessaires à la réalisation des programmes souscrits par les États, elle facture en effet des frais lui permettant de couvrir ses propres charges. Ces frais, qui n’ont pas pour objet de couvrir les coûts industriels, sont dits « d’intermédiation ».

Entre 2003 et 2012, les frais d’intermédiation de l’ESA s’élèvent à 440,7 millions d’euros, soit 6,1 % de l’ensemble des contributions. La France y participe pour 176,5 millions, soit 5,1 % de sa participation.

RÉPARTITION DES DÉPENSES SPATIALES SUR LA PÉRIODE 2003 – 2012 (M€ COURANTS)


Une approche par secteurs montre de manière nette l’augmentation de ces frais d’intermédiation. Ainsi, par exemple, les frais ESA au titre du développement, de l’évolution et des infrastructures du Centre spatial guyanais, ont augmenté de 11,5 millions en 2003 à 21,1 millions d’euros en 2012 (+ 8,2 %), alors que les coûts totaux des programmes correspondants ont baissé sur la même période. Il en est de même pour différents programmes relatifs au transport spatial.

Plus inquiétant, la Cour des comptes constate que, « pour les programmes engagés à partir de 2010, une modification des règles d’imputation des charges générales de l’ESA, décidée en 2009, aboutira mécaniquement à elle seule, pour les programmes de développement et d’évolution décidés à partir de 2010, à un doublement des frais d’intermédiation » (6). L’une des raisons principales évoquées concerne les rémunérations d’activité des agents de l’ESA, qui sont près du double de celles des agents du CNES (supérieures de 82 % en 2012).

Votre rapporteur pour avis estime que cette augmentation des frais d’intermédiation facturés par l’ESA à la France n’est pas convenable dans une période de rigueur budgétaire qui doit contraindre déjà une grande partie des États membres de l’Union européenne. Il est donc impératif que la France renégocie les décisions précédemment prises lors du Conseil ministériel de l’ESA, en contrepartie de son engagement sur d’importants programmes de lanceurs.

*

* *

Votre rapporteur pour avis est pleinement conscient des enjeux budgétaires auxquels fait face la France. L’assainissement des finances publiques n’ira pourtant de pair avec la croissance économique que si les bons choix sont faits dès à présent. À ce titre, le Gouvernement ne peut passer outre les recommandations de la Cour des comptes. Il ne peut pas non plus continuer d’ignorer la source immense de croissance que constitue la recherche en matière de développement durable.

En 2015, la France devra saisir les opportunités qui se présentent à elle. À bien des égards, le développement durable en constitue la clef de voûte, à condition de ne pas attendre.

Parce que notre pays dispose de chercheurs et d’organismes scientifiques d’une qualité remarquable que nous devons valoriser dans le contexte actuel, il convient à présent de les mobiliser tous ensemble en faveur d’un projet économique durable, et de leur apporter des moyens à la hauteur de nos ambitions. Notre futur en dépend.

En conséquence, votre rapporteur pour avis émet un avis défavorable sur la diminution des crédits du programme 172 et à l’augmentation en « trompe-l’œil » du programme 193. Il considère également que, dans le contexte actuel, il n’est pas possible de continuer à s’endetter auprès d’Agence spatiale européenne, alors même que nous débattons sur le budget 2015 avec comme mot d'ordre « la réduction de la dette publique ».

EXAMEN EN COMMISSION

Dans le cadre de la commission élargie, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné pour avis, sur les rapports pour avis de MM. Philippe Plisson et Charles-Ange Ginesy, les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » (voir compte rendu officiel de la commission élargie du vendredi 31 octobre 2014, sur le site Internet de l’Assemblée nationale (7)).

*

* *

À l’issue de la commission élargie, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a délibéré sur les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

Le Président Jean-Paul Chanteguet. Nous en venons à l’examen par notre commission des crédits demandés au titre de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». Je rappelle que M. Philippe Plisson, rapporteur pour avis pour la Recherche dans les domaines du développement durable émet un avis favorable et que M. Charles-Ange Ginesy, rapporteur pour avis pour la Recherche dans les domaines de la gestion des milieux et des ressources émet quant à lui un avis défavorable à l’adoption des crédits.

M. Philippe Plisson. Je le confirme.

*

La commission a alors donné un avis favorable à l’adoption des crédits relatifs à la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

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