N° 2267 tome XI - Avis de M. René Dosière sur le projet de loi de finances pour 2015 (n°2234)



N
° 2267

______

ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 octobre 2014.

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI (n° 2234)
de
finances pour 2015

TOME XI

OUTRE-MER

COLLECTIVITÉS D’OUTRE-MER, NOUVELLE-CALÉDONIE
ET TERRES AUSTRALES ET ANTARCTIQUES FRANÇAISES

PAR M. René DOSIÈRE

Député

——

Voir le numéro : 2260-III-33

En application de l’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), les réponses au questionnaire budgétaire devaient parvenir au rapporteur pour avis au plus tard le 10 octobre 2014 pour le présent projet de loi de finances.

À cette date, 98 % des réponses étaient parvenues à votre rapporteur pour avis qui se réjouit que les prescriptions de la loi organique aient été quasiment respectées, notamment grâce à la disponibilité des services du ministère des Outre-mer.

Il déplore, en revanche, la publication tardive du document de politique transversale relatif à l’outre-mer. L’absence de ce document de synthèse prive les députés, et notamment les membres de la commission des Lois, d’éléments indispensables à l’analyse de l’évolution de l’ensemble des crédits dédiés aux outre-mer.

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 5

PREMIÈRE PARTIE : LES CRÉDITS POUR 2015 EN FAVEUR DES COLLECTIVITÉS D’OUTRE-MER ET DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE 7

SECONDE PARTIE : LES ENJEUX ÉCONOMIQUES ET SOCIAUX DES COLLECTIVITÉS D’OUTRE-MER ET DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE 11

I. LA NOUVELLE-CALÉDONIE : RELEVER LES DÉFIS ÉCONOMIQUES ET SOCIAUX EN VUE DE LA CONSULTATION SUR L’AUTODÉTERMINATION 11

A. UN ÉQUILIBRE POLITIQUE QUASIMENT INCHANGÉ À L’ISSUE DES ÉLECTIONS PROVINCIALES 11

B. PRÉPARER SANS ATTENDRE L’AVENIR POLITIQUE ET INSTITUTIONNEL DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE 14

C. ENGAGER UNE VÉRITABLE POLITIQUE INDUSTRIELLE DU NICKEL À L’ÉCHELLE DU TERRITOIRE 22

II. LA POLYNÉSIE FRANÇAISE : SORTIR DE L’IMPASSE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE DANS UN CONTEXTE DE STABILITÉ POLITIQUE 25

A. UNE STABILITÉ POLITIQUE ET INSTITUTIONNELLE DÉSORMAIS GARANTIE EN POLYNÉSIE FRANÇAISE 25

B. UN DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE À BOUT DE SOUFFLE 28

C. UNE SITUATION BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE FRAGILE 30

D. UN RÉGIME DE PROTECTION SOCIALE AUJOURD’HUI EN PÉRIL 31

E. INVITER LA POLYNÉSIE FRANÇAISE À POURSUIVRE RÉSOLUMENT SES EFFORTS DE REDRESSEMENT ÉCONOMIQUE ET FINANCIER 35

III. LES ENJEUX ÉCONOMIQUES ET SOCIAUX DANS LES AUTRES COLLECTIVITÉS DE L’ARTICLE 74 DE LA CONSTITUTION 39

A. LES ÎLES WALLIS-ET-FUTUNA 39

B. SAINT-PIERRE-ET-MIQUELON 40

C. LES COLLECTIVITÉS DE SAINT-BARTHÉLÉMY ET DE SAINT-MARTIN 41

D. LES TERRES AUSTRALES ET ANTARCTIQUES FRANÇAISES (TAAF) 44

EXAMEN DES CRÉDITS EN COMMISSION ÉLARGIE 45

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS 81

ANNEXE N° 1 : RÉSULTATS DES ÉLECTIONS PROVINCIALES DU 11 MAI 2014 EN NOUVELLE-CALÉDONIE 83

ANNEXE N° 2 : COMPOSITION DU GOUVERNEMENT, DU CONGRÈS ET DES ASSEMBLÉES DE PROVINCE DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE 85

ANNEXE N° 3 : RECOMMANDATIONS DU RAPPORT DE JUIN 2014 SUR LE FINANCEMENT DU RÉGIME DE SOLIDARITÉ DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE ET DES POLITIQUES DE SANTÉ 87

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Les divers mouvements sociaux de protestation contre la vie chère, qui ont émaillé la vie locale de nos outre-mer ces dernières années (1), nous rappellent la nécessité de soutenir le développement de nos départements et collectivités d’outre-mer.

Tel est l’objet de la mission « Outre-mer », qui a vocation à contribuer à l’amélioration des conditions de vie et au développement des départements et collectivités d’outre-mer. Elle regroupe, dans cette perspective, des crédits relatifs aux dispositifs spécifiques aux territoires ultramarins, destinés à financer notamment la création d’emplois, l’amélioration de l’habitat social et le développement d’équipements structurants.

Alors que le budget de l’État poursuit, dans un contexte marqué par un ralentissement tant de la croissance économique que de l’inflation, la trajectoire courageuse de retour à l’équilibre de nos finances publiques, votre rapporteur pour avis constate avec satisfaction que, dans un contexte budgétaire aussi contraint, les crédits relatifs aux outre-mer ont été confortés.

En effet, s’il est indispensable, comme le Gouvernement s’y est engagé, de ramener le déficit public à 3 % du produit intérieur brut à l’horizon 2017, cette consolidation budgétaire ne saurait se faire au détriment des départements et collectivités d’outre-mer. Tel est le pari réussi du présent projet de loi de finances pour 2015.

Analysant l’évolution des crédits de la mission « Outre-mer » pour 2015, votre rapporteur pour avis se réjouit que la consolidation des crédits alloués assure pleinement le financement des politiques prioritaires de soutien à l’économie ultramarine, qu’il s’agisse de l’emploi ou du logement (I).

L’examen du budget de la mission « Outre-mer » est également l’occasion pour votre rapporteur pour avis de dresser un bilan des enjeux institutionnels, politiques, économiques et sociaux auxquels font actuellement face les différentes collectivités d’outre-mer ainsi que la Nouvelle-Calédonie (II).

PREMIÈRE PARTIE : LES CRÉDITS POUR 2015 EN FAVEUR DES COLLECTIVITÉS D’OUTRE-MER ET DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE

Alors que le redressement de nos finances publiques, amorcées depuis trois ans, se poursuivra encore l’année prochaine, le budget de la mission « Outre-mer » pour 2015 apparaît d’emblée comme un budget responsable, permettant à l’État de soutenir le développement économique des collectivités d’outre-mer et à ces territoires de participer aux efforts d’économie.

Priorité a été donnée à la relance de la production, de l’investissement public et de l’emploi, à la réinsertion professionnelle des jeunes, à la réhabilitation de l’habitat insalubre, au développement de l’offre de logement social et à la lutte contre la vie chère (A). L’évolution de l’ensemble des crédits en faveur des collectivités d’outre-mer et de la Nouvelle-Calédonie demeure toutefois plus contrastée (B).

Dotée, en 2015, de 2,09 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et de 2,06 milliards d’euros en crédits de paiement (CP), la mission « Outre-mer » comprend deux programmes :

—  le programme « Emploi outre-mer », qui finance divers dispositifs de soutien à l’emploi outre-mer, comme les exonérations de cotisations patronales propres aux départements et collectivités d’outre-mer, les aides à la formation professionnelle ou le service militaire adapté (SMA). Il représente, en 2015, 66 % des AE (1,39 milliard d’euros) et 67 % des CP (1,38 milliard d’euros) de la mission « Outre-mer » ;

—  le programme « Conditions de vie outre-mer », qui finance le développement économique, social et culturel des collectivités ultramarines, afin de rapprocher leur situation de celle de la métropole. Il représente, en 2015, 34 % des AE (0,7 milliard d’euros) et 33 % des CP (0,68 milliard d’euros) de la mission « Outre-mer ».

Comme l’indique le tableau figurant ci-dessous, les crédits ouverts en 2015 pour la mission « Outre-mer » dans le présent projet de loi de finances sont quasiment stables, en légère baisse de 2,3 % en AE et en augmentation de 0,3 % en CP.

CRÉDITS DE LA MISSION « OUTRE-MER » EN 2014 ET 2015

(en milliards d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Ouvertes en LFI pour 2014

PLF 2015

Ouverts en LFI pour 2014

PLF 2015

Mission « Outre-mer »

2,15

2,09

2,57

2,064

- 2,3 %

+ 0,3 %

– dont programme
« Emploi outre-mer »

1,40

1,39

1,39

1,38

- 0,7 %

- 0,5 %

– dont programme
« Conditions de vie outre-mer »

0,74

0,70

0,67

0,68

- 5,5 %

+ 2 %

À l’aune du contexte budgétaire actuel particulièrement contraint, votre rapporteur pour avis voit dans cette consolidation des crédits le signe de la volonté du Gouvernement, d’apporter des réponses adaptées aux enjeux auxquels sont confrontés les départements et collectivités d’outre-mer.

Le budget triennal 2015-2017, période au cours de laquelle les crédits de paiement de la mission « Outre-mer » devraient progresser de 4,5 %, témoigne de la durabilité de l’action résolue qui s’engage dans le présent projet de loi de finances pour 2015. Votre rapporteur pour avis se réjouit à ce titre que l’évolution des crédits de paiement, en 2015, assure quasiment le respect du plafond fixé au titre de la programmation pluriannuelle.

CRÉDITS DE LA MISSION « OUTRE-MER »
DANS LE CADRE DE LA PROGRAMMATION 2015-2017

(en milliards d’euros)

2015

2016

2017

Crédits de paiement

Évolution 2014/2015

Crédits de paiement

Évolution 2015/2016

Crédits de paiement

Évolution 2016/2017

2,019

+ 4,4 %

2,067

+ 2,4 %

2,109

+ 2 %

Il convient toutefois de souligner que la mission « Outre-mer » ne représente qu’une petite partie – de l’ordre de 15 % – des crédits consacrés par l’État aux départements et collectivités d’outre-mer.

Il convient en effet de distinguer trois niveaux de dépenses publiques à destination de l’outre-mer :

—  le premier niveau est la mission « Outre-mer » proprement dite, dont les crédits relèvent directement du ministère des Outre-mer et qui est dotée de 2,09 milliards d’euros en AE et de 2,06 milliards d’euros en CP pour 2015 ;

—  les crédits consacrés par l’État à la politique transversale de l’outre-mer en constituent le deuxième niveau. Ils regroupent des crédits de 85 programmes relevant de 26 missions. L’effort budgétaire global de l’État au titre de la politique transversale de l’outre-mer s’élève ainsi, en 2015, à 14,2 milliards d’euros en AE et en CP.

S’agissant de la répartition de ces crédits, il apparaît que les principales missions contributrices sont les missions « Enseignement scolaire », « Outre-mer » et « Relations avec les collectivités territoriales », qui représentent respectivement 33,2 %, 14,7 % et 13,3 % de l’effort global de l’État en faveur de l’outre-mer. La mission « Sécurités » représente près de 7,3 % de cet effort, contre 5,4 % pour la mission « Défense » ;

—  il convient enfin d’ajouter le coût des exonérations fiscales en faveur de l’outre-mer – 3,9 milliards d’euros en 2015 – pour obtenir l’effort budgétaire global de l’État à destination de l’outre-mer, qui s’élève en 2015 à 18,1 milliards d’euros en AE et en CP.

La répartition des autorisations d’engagement par territoire, contenue dans le document de politique transversale, fait l’objet du tableau ci-après. Ce tableau met en évidence des taux d’évolution variables d’un territoire à l’autre.

RÉPARTITION DES CRÉDITS DE L’ÉTAT PAR TERRITOIRE
(AUTORISATIONS D’ENGAGEMENT)

(en millions d’euros)

Territoire

Autorisations d’engagement

Évolution

Nombre d’habitants

Autorisations d’engagement par habitant

2013

2014

2015

2013/2014

2014/2015

Saint-Martin

54,98

53,43

53,1

- 2,8 %

- 0,6 %

32 992

1 609 €

Saint-Barthélemy

2,81

2,53

2,53

- 10,0 %

- 0,1 %

9 171

275,9 €

Nouvelle-Calédonie

1 186,9

1 239,6

1 213,9

+ 4,4 %

- 2,1 %

245 580

5 017 €

Polynésie française

1 230,2

1 270,5

1 325,7

+ 3,3 %

+ 4,3 %

269 047

4 536 €

Wallis-et-Futuna

87,82

83,73

84,1

- 4,7 %

+ 0,4 %

12 197

6 893 €

Saint-Pierre-et-Miquelon

78,62

75,0

77,76

- 4,6 %

+ 3,7 %

6 311

12 321 €

T.A.A.F.

23,59

24,2

22,51

+ 2,6%

- 7,0 %

Ensemble
des territoires

2 664,92

2 748,99

2 779,6

3,2 %

1,1 %

575 298

4 832 €

Source : document de politique transversale, projet de loi de finances pour 2015.

Alors que les crédits de la mission « Outre-mer » sont appelés à se stabiliser l’année prochaine, le montant des crédits à destination des collectivités d’outre-mer et de la Nouvelle-Calédonie s’inscrit, dans le même temps, en hausse de 1,1 % par rapport à 2014.

Votre rapporteur pour avis souligne cependant que cette hausse recouvre, en réalité, des évolutions très variables suivant les territoires. Alors qu’en 2015, les autorisations d’engagement vont progresser respectivement de près de 3,7 et 4,3 % à Saint-Pierre-et-Miquelon et en Polynésie française, elles vont, au cours de cette même, reculer d’un peu plus de 2 % en Nouvelle-Calédonie et de 7 % dans les Terres australes et antarctiques françaises.

Ces différences d’évolution s’expliquent notamment par la mise en place, territoire par territoire, d’opérations d’investissement, lesquelles ne présentent pas de périodicité régulière et ne font l’objet d’aucune véritable concertation entre les différents programmes budgétaires concernés.

Il n’en demeure pas moins qu’avec un budget consolidé (cf. supra), la mission « Outre-mer » garantira, en 2015, le respect des engagements pris par le président de la République et le Gouvernement dans des domaines d’intervention prioritaires, comme l’investissement public, l’emploi et l’insertion professionnelle des jeunes, le logement social et l’amélioration de l’habitat.

SECONDE PARTIE : LES ENJEUX ÉCONOMIQUES ET SOCIAUX DES COLLECTIVITÉS D’OUTRE-MER ET DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE

S’agissant plus particulièrement des enjeux économiques et sociaux dans les collectivités d’outre-mer et en Nouvelle-Calédonie, votre rapporteur pour avis s’est penché sur la préparation de l’avenir institutionnel et politique de la Nouvelle-Calédonie ainsi que sur les perspectives économiques et industrielles de ce territoire (I).

Il a également souhaité revenir sur la situation économique et financière toujours très fragile de la Polynésie française – notamment de son régime de protection sociale – et ce, en dépit du retour de la stabilité institutionnelle (II).

Enfin, votre rapporteur pour avis s’est attaché à analyser les diverses questions institutionnelles, économiques et sociales qui se posent aujourd’hui dans les autres collectivités d’outre-mer relevant de l’article 74 de la Constitution (III).

Alors que les élections provinciales du 11 mai 2014 n’ont que très peu modifié l’équilibre des forces politiques en Nouvelle-Calédonie (A), la nouvelle mandature qui s’ouvre doit être mise à profit par les élus calédoniens pour préparer l’avenir institutionnel de ce territoire dans le prolongement de l’Accord de Nouméa du 5 mai 1998 (B), avenir qui passe également par la mise en place d’une véritable politique industrielle du nickel à l’échelle du territoire (C).

Le 11 mai 2014, s’est déroulé l’élection des membres du Congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie. Ces élections revêtaient une importance particulière, dans la mesure où il s’agit, selon les termes mêmes de l’Accord de Nouméa, du dernier renouvellement des membres de ces assemblées avant la future consultation des populations sur l’avenir institutionnel de l’archipel.

À l’issue de cette élection, les équilibres politiques entre les formations indépendantistes et non-indépendantistes n’ont pas été profondément modifiés tant au niveau des assemblées provinciales que du Congrès (2) .

En province Sud, le scrutin a été marqué par la victoire de la liste Calédonie ensemble qui gagne 10 000 voix par rapport à 2009 et passe ainsi de 11 à 16 sièges au sein de l’assemblée provinciale. Cette victoire s’inscrit dans le cadre d’une progression de ce parti depuis les élections législatives de 2012. Les autres formations non-indépendantistes ont perdu 8 sièges, dont 3 au profit des indépendantistes et 5 de Calédonie ensemble. Si l’Union des indépendantistes (UNI) a permis à la liste dirigée par M. Rock Wamytan de gagner 3 sièges au sein de l’assemblée provinciale, ce gain est à relativiser compte tenu des voix gagnées – moins de 2 000 voix supplémentaires, quand le corps électoral a progressé de 15 000 électeurs au cours des cinq dernières années.

En province Nord, le bloc indépendantiste, traditionnellement plus important, a confirmé son avance. Au sein de ce bloc, le président de la province, M. Paul Néaoutyine, conserve sa position dominante, son parti l’UNI-Palika étant arrivé en tête avec 37,93 % des voix et 9 sièges au sein de l’assemblée provinciale. Toutefois, si l’Union Calédonienne (UC), qui a mené une campagne active contre l’UNI-Palika, gagne un siège, faisant jeu égal avec l’UNI-Palika avec 9 sièges également, son retard en voix s’est accentué (602 contre 211 en 2009). Le scrutin en province Nord a, par ailleurs, été marqué par l’effondrement du parti travailliste, lequel a perdu ses 3 sièges. S’agissant enfin des formations non-indépendantistes, elles rassemblent moins de voix qu’il y a cinq ans, mais gagnent 2 sièges, avec désormais 4 membres contre 2 seulement en 2009.

Dans la province des Îles Loyauté, l’UC a largement remporté le scrutin, conservant ainsi ses 6 sièges à l’assemblée. Le parti travailliste connaît pour sa part, comme en province Nord, une érosion de son électorat, même s’il conserve ses deux sièges. Le scrutin a enfin été marqué par l’échec de la liste unitaire non-indépendantiste menée par M. Simon Loueckhote, liste qui n’a pas franchi le seuil des 1 000 voix, soit un résultat inférieur à celui des trois listes non-indépendantistes qui s’étaient présentées en 2009. Cette mandature sera donc la deuxième au cours de laquelle les partis non-indépendantistes ne seront pas représentés à l’assemblée de la province des Îles.

Au Congrès, le rapport de force entre formations indépendantistes et formations non-indépendantistes tend à se resserrer, le bloc indépendantiste gagnant 2 sièges et comptant désormais 25 élus sur 54 contre 29 pour le bloc non-indépendantiste. Si le rapport de force n’a que peu évolué entre les formations indépendantistes au sein du Congrès (3), le bloc non-indépendantiste a vu le groupe Calédonie ensemble prendre l’ascendant avec 15 sièges, le Front pour l’unité – qui disposait de 19 sièges en 2009 (4) – ne conservant que 8 élus seulement.

Au-delà de ce rapport de forces quasiment inchangé, le premier enseignement qu’il convient de tirer de ce scrutin provincial réside dans la diminution constante depuis 2004 et pour chacune des provinces de la participation électorale, cette tendance s’étant confirmée lors du scrutin du 11 mai 2014.

Cette progression de l’abstention témoigne, de l’aveu même des personnes entendues par votre rapporteur pour avis, d’un certain désintérêt de la population calédonienne pour les questions institutionnelles, désintérêt surprenant au regard des enjeux du scrutin et du rôle essentiel que sera amené à jouer le Congrès dans l’organisation du scrutin d’autodétermination. Il semble que les thématiques institutionnelles demeurent éloignées des préoccupations quotidiennes des Calédoniens, que sont en particulier le logement, l’emploi et la vie chère. Pour autant, cela ne présage pas d’une faiblesse de la participation à l’occasion du scrutin de sortie de l’Accord de Nouméa.

Le second enseignement de ce scrutin tient au fait que les écarts qui se réduisent au Congrès de Nouvelle-Calédonie ne peuvent présager à eux seuls du rapport de force entre les deux blocs pour le scrutin d’autodétermination. En effet, des divisions internes traversent les deux blocs sans que l’on puisse en prévoir les conséquences. En outre, la composition des deux corps électoraux restreints, pour les élections provinciales et la consultation sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie est différente. Enfin, les modalités d’inscription sur la liste électorale de consultation de sortie de l’Accord de Nouméa pourraient aboutir à une déperdition d’électeurs de chacun des deux blocs. Dans ces conditions, les modalités d’inscription sur ces listes électorales doivent être clarifiées sans attendre (5).

Les modalités d’inscription sur la liste électorale de sortie de l’Accord de Nouméa, la formulation de la question mais surtout les stratégies que mettront en place les partis et leur capacité à se rassembler constituent autant d’inconnues que les mois prochains permettront de dissiper.

Le paysage politique actuel, du fait de la fragmentation des deux forces politiques historiques – Rassemblement pour la Calédonie dans la République (RPCR) et Front national de libération kanak et socialiste (FLNKS) – est donc très différent de celui qui prévalait en 1988 et 1998. Il est donc probable qu’en l’absence d’une majorité des trois cinquièmes au Congrès pour lancer les opérations de consultation sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie, les formations politiques s’en tiennent à une certaine forme d’attentisme, conduisant de facto l’État à organiser ces opérations en 2018 comme le prévoit l’Accord de Nouméa.

Alors l’Accord de Nouméa arrive prochainement à son terme (1), votre rapporteur pour avis considère que la sortie de ce processus, ultime étape de l’émancipation du territoire, exige de l’ensemble des parties prenantes la définition consensuelle d’une solution politique et institutionnelle pérenne (2).

L’Accord de Nouméa, signé le 5 mai 1998 pour une période de vingt ans, fixe lui-même les conditions dans lesquelles les citoyens calédoniens seront amenés à s’exprimer démocratiquement sur l’avenir politique et institutionnel de l’archipel.

Dans cette perspective, l’accord prévoit qu’« au cours du quatrième mandat – de cinq ans – du Congrès, une consultation électorale sera organisée. La date de cette consultation sera déterminée par le Congrès, au cours de ce mandat, à la majorité qualifiée des trois cinquièmes.

« Si le Congrès n’a pas fixé cette date avant la fin de l’avant-dernière année de ce quatrième mandat, la consultation sera organisée, à une date fixée par l’État, dans la dernière année du mandat.

« La consultation portera sur le transfert à la Nouvelle-Calédonie des compétences régaliennes, l’accès à un statut international de pleine responsabilité et l’organisation de la citoyenneté en nationalité ».

L’article 217 de la loi organique statutaire du 19 mars 1999 précise les modalités d’organisation de cette consultation.

Article 217 de la loi organique n° 99–209 du 19 mars 1999
relative à la Nouvelle-Calédonie

« La consultation est organisée au cours du mandat du Congrès qui commencera en 2014 ; elle ne peut toutefois intervenir au cours des six derniers mois précédant l’expiration de ce mandat. Sa date est fixée par une délibération du Congrès adoptée à la majorité des trois cinquièmes de ses membres. Si, à l’expiration de l’avant-dernière année du mandat du Congrès commençant en 2014, celui-ci n’a pas fixé la date de la consultation, elle est organisée à une date fixée par le Gouvernement de la République, dans les conditions prévues au II de l’article 216, dans la dernière année du mandat.

« Si la majorité des suffrages exprimés conclut au rejet de l’accession à la pleine souveraineté, une deuxième consultation sur la même question peut être organisée à la demande écrite du tiers des membres du Congrès, adressée au haut-commissaire et déposée à partir du sixième mois suivant le scrutin. La nouvelle consultation a lieu dans les dix-huit mois suivant la saisine du haut-commissaire à une date fixée dans les conditions prévues au II de l’article 216.

« Aucune demande de deuxième consultation ne peut être déposée dans les six mois précédant le renouvellement général du Congrès. Elle ne peut en outre intervenir au cours de la même période. »

Ainsi, à compter de cette année 2014, année au cours de laquelle le Congrès du territoire a été intégralement renouvelé au mois de mai (cf. supra), il revient désormais à cette assemblée nouvellement élue de décider, à la majorité des trois cinquièmes, d’une date de consultation sur l’accession à la pleine souveraineté. Si cette loi du pays n’est pas votée en mai 2018, cette date, ainsi que les modalités de la consultation, seront fixées par décret en conseil des ministres. Elle interviendra au plus tard en novembre 2018.

En cas de réponse négative, l’Accord de Nouméa reconnaît au Congrès de la Nouvelle-Calédonie la faculté – par un vote du tiers de ses membres – de poser une nouvelle fois la question de l’accès à l’indépendance et ce, au cours de la deuxième année suivant la première consultation (6) . Si ce refus est confirmé par les urnes, une troisième et ultime consultation est organisée, dans les mêmes conditions, dans un délai de deux ans, soit au plus tard en 2022.

Si la réponse est encore négative, l’Accord de Nouméa précise seulement que « les partenaires politiques devront alors se réunir pour examiner la situation ainsi créée », étant bien entendu précisé que « tant que les consultations n’auront pas abouti à la nouvelle organisation politique proposée, l’organisation politique mise en place par l’accord de 1998 restera en vigueur, à son dernier stade d’évolution, sans possibilité de retour en arrière, cette “ irréversibilité ” étant constitutionnellement garantie ».

Sans préjuger du choix démocratique qui sera fait par les citoyens de la Nouvelle-Calédonie, votre rapporteur pour avis estime que la consultation sur l’accès à la pleine souveraineté, aussi importante et symbolique soit-elle, ne peut se réduire à un débat manichéen « pour ou contre l’indépendance du territoire ».

Une formulation aussi simpliste que réductrice ne pourrait aboutir qu’à la constatation d’un désaccord fondamental sur l’avenir du territoire, se traduisant par la séparation des électeurs en deux camps hostiles. Personne n’y aurait intérêt, pas plus celui qui l’aurait emporté que celui qui aurait été vaincu.

À cet égard, le souvenir du référendum du 18 septembre 1987 est édifiant. Sans doute avait-il pu apparaître, dans un premier temps, comme un succès pour les loyalistes, puisqu’il concluait au rejet de l’indépendance à une majorité d’autant plus écrasante (98 %) que les partisans de l’indépendance avaient décidé de ne pas participer au vote (61 % d’abstention). Mais il avait très rapidement conduit à un paroxysme de violence que personne ne peut souhaiter voir se reproduire dans le territoire.

A contrario, en 1998, alors que les accords de Matignon arrivaient à leur terme, les forces politiques locales avaient considéré que l’échéance du référendum sur l’autodétermination, alors qualifié par Jacques Lafleur de “ référendum-couperet ”, était prématurée. Sur la base de ce constat, elles avaient conclu l’Accord de Nouméa, approuvé par 72 % des électeurs avec une participation de 74 %.

Alors que l’on approche du terme de l’Accord de Nouméa, votre rapporteur pour avis considère qu’il convient, pour éviter une situation de blocage politique, que les parties prenantes, à l’issue d’un important travail de réflexion, de discussion et de négociation, parviennent à s’accorder sur un nouveau compromis sur l’avenir institutionnel et politique du territoire.

À ce titre, votre rapporteur pour avis tient à saluer la qualité des travaux réalisés par MM. Jean Courtial et M. Ferdinand Melin-Soucramanien, dans le cadre de la mission de réflexion sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie, mission qui leur a été confiée le 20 septembre 2011 par le Premier ministre François Fillon et qui a par la suite été reconduite le 17 octobre 2012 par le Premier ministre Jean-Marc Ayrault. Le fait même que les travaux de cette mission aient pu être réalisés sans interruption sous deux gouvernements de sensibilité politique différente atteste du consensus souhaitable au niveau national sur la question calédonienne. Leur rapport particulièrement clair et pédagogique, qui a fait l’objet d’une présentation en octobre 2013 devant le XIe comité des signataires, a le mérite de poser sereinement les termes du débat avant le référendum. C’est pourquoi, votre rapporteur souhaite que ce rapport puisse être présenté et débattu par l’ensemble de la population calédonienne au cours de réunions citoyennes et participatives.

Au-delà des quatre perspectives institutionnelles qui sont envisagées dans ce rapport (7), ces travaux de réflexion et de préparation ont vocation à se poursuivre en vue d’expliciter les conséquences concrètes qu’impliquerait au quotidien l’accès à la pleine souveraineté afin d’éclairer les termes de la question qui sera soumise au vote des Calédoniens. Votre rapporteur pour avis se réjouit, dans cette perspective, que le Gouvernement ait confié cet été une mission de réflexion d’écoute, d’analyse et de conseil sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie à MM. Alain Christnacht et M. Jean-François Merle. Comme le précise le compte-rendu du conseil des ministres en date du 23 juillet 2014, « outre l’appui à la réflexion et aux décisions de l’État, cette mission a aussi vocation à éclairer le Gouvernement et les responsables de la Nouvelle-Calédonie sur les enjeux de cette période et les modalités de la consultation à venir ».

Enfin, à l’heure où la consultation sur l’autodétermination fait l’objet d’une préparation entre l’État et la Nouvelle-Calédonie, il est essentiel que la représentation nationale puisse suivre attentivement l’ensemble de ces travaux et être le garant du respect tant de l’Accord de Nouméa que du consensus qui l’anime. Votre rapporteur se réjouit donc de la création, le 14 octobre dernier, par la Conférence des présidents de l’Assemblée nationale d’une mission d’information sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie (8), dont les membres issus de toutes les sensibilités politiques auront à cœur de demeurer les témoins attentifs et indispensables pour éviter que cette histoire ne se joue à huis clos.

L’évolution de la Nouvelle-Calédonie s’est faite, depuis plus de trente ans, grâce à un double consensus. Au niveau local, l’esprit de consensus implique que chaque camp fasse des concessions en vue de parvenir à un point d’équilibre, comme l’est depuis 1998 l’Accord de Nouméa. En métropole, l’esprit de consensus se manifeste par le fait que les problèmes calédoniens ne sont pas l’objet de débats à enjeux de politique nationale.

Votre rapporteur pour avis se montre très attaché à la préservation de ce double consensus, même s’il n’ignore rien de la difficulté de cette tâche, à l’heure où la compétition politique, au demeurant légitime en démocratie, ne doit pas conduire à ce que des querelles personnelles ou partisanes l’emportent sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie.

En cherchant à rapprocher leurs positions sur ce que pourrait être demain l’avenir institutionnel et politique de la Nouvelle-Calédonie, les différentes forces politiques offriront ainsi à chaque habitant calédonien l’opportunité, non pas de se positionner pour ou contre l’indépendance, mais bien d’adhérer à un véritable projet de destin partagé, qui n’est pour l’heure que très partiellement ébauché.

L’approfondissement de cette communauté de destin, préconisée par l’Accord de Nouméa, nécessite que les parties prenantes s’engagent résolument et sans attendre dans la voie du dialogue, afin de permettre aux camps « indépendantiste » et « non-indépendantiste » de confronter les sujets qui les opposent avec la volonté de trouver, sur chacun d’eux, des convergences.

Dans cette perspective, le XIIe comité des signataires qui s’est tenu à Paris le 3 octobre 2014 a notamment acté la mise en place de trois groupes de travail, présidés par le haut-commissaire et composés de toutes les forces politiques représentées au Congrès, afin d’approfondir la réflexion sur les transferts des compétences régaliennes, la transformation de la citoyenneté en nationalité et le statut international du territoire, aspects sur lesquels doit porter la consultation selon les termes de l’Accord de Nouméa.

Outre cette réflexion sur la future organisation politique et institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie, votre rapporteur pour avis considère que la sortie de l’Accord de Nouméa exige qu’aucune ambiguïté ne subsiste sur la composition de la liste électorale spéciale qui sera utilisée pour la consultation de sortie.

3.  … en veillant à clarifier les modalités de la consultation électorale et à garantir les ultimes transferts de compétences

S’agissant tout d’abord des modalités concrètes d’organisation de la consultation sur l’autodétermination, l’article 77 de la Constitution a renvoyé à une loi organique la détermination des conditions et des délais dans lesquels les populations intéressées seront amenées à se prononcer, dans le respect des orientations de l’Accord de Nouméa, sur l’accession à la pleine souveraineté.

Le titre IX de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie est consacré à cette consultation, son article 218 fixant les conditions permettant d’être électeur lors de ce scrutin et instituant, à ce titre, un corps électoral spécial distinct, à la fois du corps électoral spécial pour les élections provinciales et du corps de la liste électorale générale. Chacun de ces corps électoraux répond à des critères précis et distincts, l’inscription sur la liste électorale spéciale pour les élections provinciales ne garantissant pas une inscription sur la liste électorale spéciale de consultation sur l’autodétermination.

Article 218 de la loi organique n° 99–209 du 19 mars 1999
relative à la Nouvelle-Calédonie

« Sont admis à participer à la consultation les électeurs inscrits sur la liste électorale à la date de celle-ci et qui remplissent l’une des conditions suivantes :

« a) Avoir été admis à participer à la consultation du 8 novembre 1998 ;

« b) N’étant pas inscrits sur la liste électorale pour la consultation du 8 novembre 1998, remplir néanmoins la condition de domicile requise pour être électeur à cette consultation ;

« c) N’ayant pas pu être inscrits sur la liste électorale de la consultation du 8 novembre 1998 en raison du non-respect de la condition de domicile, justifier que leur absence était due à des raisons familiales, professionnelles ou médicales ;

« d) Avoir eu le statut civil coutumier ou, nés en Nouvelle-Calédonie, y avoir eu le centre de leurs intérêts matériels et moraux ;

« e) Avoir l’un de leurs parents né en Nouvelle-Calédonie et y avoir le centre de leurs intérêts matériels et moraux ;

« f) Pouvoir justifier d’une durée de vingt ans de domicile continu en Nouvelle-Calédonie à la date de la consultation et au plus tard au 31 décembre 2014 ;

« g) Être nés avant le 1er janvier 1989 et avoir eu son domicile en Nouvelle-Calédonie de 1988 à 1998 ;

« h) Être nés à compter du 1er janvier 1989 et avoir atteint l’âge de la majorité à la date de la consultation et avoir eu un de leurs parents qui satisfaisait aux conditions pour participer à la consultation du 8 novembre 1998.

« Les périodes passées en dehors de la Nouvelle-Calédonie pour accomplir le service national, pour suivre des études ou une formation ou pour des raisons familiales, professionnelles ou médicales ne sont pas, pour les personnes qui y étaient antérieurement domiciliées, interruptives du délai pris en considération pour apprécier la condition de domicile. »

Si le corps électoral spécial provincial était composé, au 6 mai 2014, de 152 462 électeurs, le nombre d’électeurs susceptibles de constituer le corps électoral spécial de sortie de l’Accord de Nouméa ne peut être précisément déterminé à ce jour, compte tenu notamment des interprétations divergentes dont les dispositions contenues dans la loi organique statutaire du 19 mars 1999 sont susceptibles de faire l’objet. Saisi en ce sens par le ministre des Outre-mer, le Conseil d’État a rendu, le 6 février 2014, un avis qui clarifie à plusieurs égards les modalités d’établissement des listes électorales spéciales en vue de la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté.

En premier lieu, le Conseil d’État a très clairement indiqué que « les articles 218 et 219 de loi organique [du 19 mars 1999] ne prévoient l’inscription d’office sur la liste électorale spéciale d’aucune catégorie d’électeurs » et « qu’en l’état actuel du droit, hors le cas des personnes âgées de dix-huit ans à la date de clôture des listes électorales, aucun électeur ne peut être inscrit sur la liste électorale spéciale à la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté sans en avoir fait la demande ». Or, l’ensemble des formations politiques locales sont aujourd’hui unanimes pour s’opposer à une inscription « sur demande » et souhaitent parvenir à une inscription « automatique » des électeurs, ce qui implique une modification de la loi organique statutaire.

Ainsi, lors du dernier comité des signataires du 3 octobre 2014, les partenaires calédoniens ont rappelé « leur attachement à ce que les citoyens calédoniens ne soient pas contraints d’entreprendre de démarche pour être inscrits sur les listes électorales spéciales pour la consultation de sortie de l’Accord de Nouméa », estimant que pourraient faire l’objet d’une inscription automatique sur ces listes électorales spéciales certaines catégories d’électeurs, tels que ceux ayant été admis à participer à la consultation du 8 novembre 1998, ceux ayant ou ayant eu le statut civil coutumier, ceux nés en Nouvelle-Calédonie et y étant ou y ayant été inscrits sur la liste électorale générale (9) et, enfin, ceux nés à compter du 1er janvier 1989, ayant atteint l’âge de la majorité à la date de la consultation et ayant eu un de leurs parents qui satisfaisait aux conditions pour participer à la consultation du 8 novembre 1998.

En second lieu, le Conseil d’État, toujours dans son avis du 6 février 2014, a précisé les modalités d’inscription sur la liste électorale spéciale de sortie de l’Accord de Nouméa, considérant en particulier que la commission administrative spéciale chargée de l’établissement de cette liste est la même que celle chargée de l’établissement de la liste spéciale à l’élection des membres du Congrès et des assemblées de province. La composition (10) et partant l’impartialité de cette commission ont fait l’objet, lors des élections provinciales de mai 2014, d’une contestation par certaines formations politiques, en particulier l’Union calédonienne.

Cette dernière, dans un courrier adressé le 30 septembre 2014 au Premier ministre, a dénoncé « les dysfonctionnements des commissions administratives spéciales chargées du contrôle des listes électorales », dysfonctionnements qui, selon elle, ont conduit à des pratiques divergentes d’une commission à l’autre et partant « au maintien sur la liste électorale spéciale de personnes qui ne remplissent pas les conditions telles que définies lors des négociations politiques qui ont abouti à l’Accord de Nouméa ».

Deux pistes sont actuellement à l’étude pour rénover la composition de ces commissions administratives spéciales. La première consisterait à maintenir à cinq le nombre de ses membres, mais à priver le représentant du haut-commissaire de sa voix délibérative. La seconde ferait passer de cinq à six le nombre de membres de ces commissions – qui se verraient dès lors adjoindre un deuxième magistrat –, dont tous les membres auraient voix délibérative et dont le président conserverait une voix prépondérante. Lors du XIIe comité des signataires, les partenaires calédoniens ont unanimement exprimé leur attachement, d’une part, à la présence de deux électeurs et, d’autre part, à la voix délibérative du représentant du maire et du représentant de l’État.

Dans le souci d’harmoniser les pratiques des commissions administratives spéciales, l’État a également proposé, toujours à l’occasion du dernier comité des signataires, la mise en place, pour l’ensemble du territoire calédonien, d’une « instance consultative », composée de plusieurs magistrats et chargée d’apporter des éclairages jurisprudentiels ou des recommandations de principe à toute commission administrative spéciale qui en ferait la demande.

Votre rapporteur pour avis estime que seule une modification de la loi organique peut :

—  d’une part, prévoir l’inscription d’électeurs sur les listes électorales générales en dehors des périodes de révision, afin de permettre leur inscription de plein droit et sans qu’ils aient à en faire la demande sur la liste électorale spéciale pour la consultation de sortie de l’Accord de Nouméa ;

—  d’autre part, modifier la composition et le fonctionnement des commissions administratives spéciales, afin d’en garantir l’impartialité et d’en harmoniser les pratiques et jurisprudences sur le territoire calédonien.

Votre rapporteur pour avis se réjouit donc que, le 3 octobre 2014, le comité des signataires se soit accordé sur la nécessité d’une telle révision de la loi organique du 19 mars 1999, l’État s’étant dès lors engagé à déposer un texte au Parlement avant la fin de l’année 2014.

Outre les conditions de mise en œuvre de la consultation électorale sur la sortie de l’Accord de Nouméa, la réussite de l’avenir politique et institutionnel de la Nouvelle-Calédonie exige également un accord sur les modalités d’organisation des ultimes transferts de compétences.

En effet, l’article 27 de la loi organique statutaire du 19 mars 1999 laisse au Congrès le soin d’adopter une résolution demandant le transfert à la Nouvelle-Calédonie, par une loi organique ultérieure, les compétences actuellement détenues par l’État dans trois domaines : règles relatives à l’administration des provinces, des communes et leurs établissements publics (notamment le contrôle de légalité et le régime comptable et financier de ces collectivités) ; enseignement supérieur et la communication audiovisuelle.

À ce jour, le Congrès ne s’est pas prononcé sur ces transferts. Lors de ces auditions, votre rapporteur pour avis a été interpellé sur cette question importante.

Lors de sa mission en Nouvelle-Calédonie (11), la commission des Lois avait constaté que les transferts de compétences n’avaient pas toujours été préparés de manière approfondie. Les enjeux de l’article 27 exigent un travail préparatoire conséquent, pour en définir les périmètres exacts et les modalités concrètes. Il importe, en effet, que le Congrès puisse se prononcer en pleine de connaissance de cause.

S’agissant des compétences et des établissements publics d’ores et déjà transférés, les différents interlocuteurs entendus par votre rapporteur pour avis ont mis l’accent, de manière unanime, sur le caractère irréversible de ces transferts, lesquels ont été réalisés le plus souvent dans des conditions diversement appréciées, mais globalement satisfaisantes.

Si les institutions calédoniennes maîtrisent désormais l’essentiel des leviers pour mener à bien le projet de développement de la société calédonienne – en matière de fiscalité, de santé ou bien encore d’éducation –, elles ne se sont pas encore vues transférer l’agence de développement rural et d’aménagement foncier (ADRAF) – dont le rôle est pourtant primordial pour la préservation et le retour des terres coutumières (12) –, agence qui relève toujours de la tutelle de l’État.

Alors que la question foncière est au cœur de l’évolution politique et institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et demeure particulièrement sensible pour nombre d’acteurs politiques locaux, votre rapporteur pour avis s’inquiète de ce que le processus de transfert de l’ADRAF aux institutions calédoniennes n’ait pas encore été engagé.

Il déplore le fait que l’ADRAF soit confrontée, depuis 2006, à une baisse constante et significative du montant des subventions qui lui sont versées respectivement par les ministères des Outre-mer et de l’Agriculture (13), creusant ainsi un peu plus chaque année le déficit structurel – 390 000 euros en l’année 2013 – de cet établissement.

Votre rapporteur pour avis considère que cette situation ne saurait perdurer plus longtemps sans remettre en cause les fondements mêmes de la réforme foncière au profit de la communauté kanak et risque, au contraire, d’obérer gravement la réussite du transfert de cette agence, s’il ne donne pas lieu à une compensation financière adaptée de l’État à la Nouvelle-Calédonie.

Dans son discours prononcé le 26 juillet 2013 à Nouméa, le Premier ministre avait rappelé que la perspective de la sortie de l’Accord de Nouméa ne pouvait raisonnablement se concevoir sans veiller à rassurer la société calédonienne « sur la possibilité de préserver ses traditions et ses coutumes, de conforter son identité, d’offrir à ses enfants la meilleure éducation, de trouver des perspectives d’emploi sur le territoire, d’y créer une entreprise, d’inventer, d’innover ».

Il a ainsi exprimé le fait que la question de l’avenir du territoire ne se posait pas uniquement en termes institutionnels, mais également et peut-être même davantage en termes économiques et sociaux.

De son déplacement en septembre 2013 en Nouvelle-Calédonie et de ses auditions réalisées dans le cadre du présent avis, votre rapporteur pour avis retient que l’un des principaux enjeux du processus de l’« après Nouméa » est de rassurer une société calédonienne, qui doit avoir confiance en la volonté intangible de ses responsables politiques de construire ensemble ce pays. La réussite de cette entreprise passera par un développement économique et social plus équilibré, seul capable de répondre aux aspirations de la population, en limitant les tensions inhérentes à une société plurielle.

Ainsi, au plan économique, les difficultés conjoncturelles auxquelles le territoire est confronté – lutte contre la « vie chère », inégalités, pénurie de logement social – ne pourront être résolues que si la Nouvelle-Calédonie parvient à retrouver le chemin de la prospérité, ce qui passe incontestablement par une meilleure valorisation de la filière du nickel.

En effet, la Nouvelle-Calédonie doit parvenir à se doter dans les années à venir d’une véritable stratégie industrielle commune aux trois provinces en matière de nickel. La définition d’une telle doctrine constitue un préalable indispensable à la résolution de la question institutionnelle. Le XIIe comité des signataires l’a encore récemment rappelé en invitant la Nouvelle-Calédonie à se doter d’une « politique minière cohérente » et à relancer les travaux sur la définition d’une « stratégie-pays » en matière de nickel.

Le territoire de la Nouvelle-Calédonie compte actuellement trois usines : Koniambo dans la province Nord, Doniambo et Goro dans la province Sud. L’existence de ces sites industriels majeurs sur le territoire calédonien impose une coopération étroite entre l’ensemble des acteurs – que sont La Société Le Nickel (SLN), filiale d’Eramet, la Société Minière du Sud Pacifique (SMSP), associée au groupe suisse Glencore-Xstrata, et la société Vale Nouvelle-Calédonie (VNC) –, pour que la concurrence profite à la Nouvelle-Calédonie dans son ensemble et ne fasse pas, à l’inverse, à son détriment.

Sur le modèle de l’accord de Bercy de 1998, lequel avait résolu la question minière préalablement à la signature de l’Accord de Nouméa, votre rapporteur pour avis considère qu’il est impératif que la Nouvelle-Calédonie, avant de définir une nouvelle organisation politique, s’engage dès à présent dans une véritable politique industrielle du nickel à l’échelle de son territoire. C’est à ce prix que l’archipel parviendra à mieux répartir et valoriser ses ressources minières.

La définition d’une telle politique industrielle suppose que soient résolues plusieurs questions distinctes mais cependant indissociables les unes des autres, au nombre desquelles figurent la gestion et la valorisation des ressources minières sur place, l’exportation du minerai brut, la structure de l’actionnariat des sociétés métallurgiques ainsi que la contribution du nickel à la richesse présente et future du pays.

À terme, la production de nickel transformé sur le territoire calédonien devrait devenir prépondérante et quasiment tripler à 180 000 tonnes par an, tandis que les exportations représenteraient 110 000 à 120 000 tonnes annuelles de nickel, soit un doublement de la production totale de nickel par la Nouvelle-Calédonie, laquelle deviendrait ainsi un producteur mieux proportionné à l’ampleur de ses réserves aujourd’hui estimées entre 15 à 25 % des réserves mondiales (14).

S’agissant de la structure de l’actionnariat des sociétés métallurgiques, le principal enjeu porte sur la SLN, qui exploite et transforme le nickel dans son usine de Doniambo à Nouméa depuis plus de cent ans. Le capital de la SLN est aujourd’hui détenu à 56 % par la société Eramet – qui en est donc l’actionnaire majoritaire –, à 34 % par la société territoriale calédonienne de participations industrielles (STCPI) et, enfin, à 10 % par l’aciériste japonais Nisshin Steel. Afin de donner à la Nouvelle-Calédonie la maîtrise de ses ressources, se pose la question de l’acquisition par la STCPI de parts supplémentaires dans la SLN, afin d’en devenir le nouvel actionnaire majoritaire.

À la fin de l’année 2013, l’assemblée de la province Nord a ainsi émis le vœu d’une montée à 50,1 % de la STCPI au capital de la SLN et demandé aux partenaires, dont l’État et le comité des signataires, « d’engager avec fermeté les efforts nécessaires ». Le XIe comité des signataires, qui s’est réuni à Paris le 11 octobre 2013, a seulement appelé à ce que s’engagent les discussions sur un nouveau pacte d’actionnaires de la SLN entre ERAMET et la STCPI, pacte qui pourrait marquer une nouvelle étape dans la « calédonisation » de la gouvernance de la SLN, accompagnée de nouveaux transferts de savoir-faire et de compétences aux instances calédoniennes.

Enfin, la question de la contribution du nickel à la richesse présente et future repose sur la mise en place d’une redevance d’extraction. Longtemps discuté, ce projet a été lancé en 2013, mais a dû faire face à deux rejets par le Conseil d’État. Si cette redevance fait aujourd’hui l’objet d’un large consensus sur place, la conférence économique, sociale et fiscale, qui s’est tenue à Nouméa le 20 août dernier afin de définir les grandes réformes à mettre en œuvre en Nouvelle-Calédonie au cours des quatre prochaines années, en a repoussé la mise en place au premier trimestre 2016, date à laquelle serait également créé un fonds pour les générations futures.

Évidemment, dans ce domaine comme dans bien d’autres, l’État aura un rôle essentiel à jouer, afin d’accompagner la Nouvelle-Calédonie dans la voie de l’émancipation, qui passe indéniablement par la mise en place, sur l’ensemble du pays, de projets industriels de grande ampleur. À cet égard, votre rapporteur pour avis a pu se rendre, en septembre 2013, à l’usine dite de Koniambo et mesurer le rôle majeur joué par la construction de cette nouvelle usine dans l’aménagement du territoire calédonien.

Née d’une revendication exprimée par le Front de libératioen nationale kanak socialiste (FLNKS) en 1996, faisant de l’accès à la ressource minière un préalable aux négociations politiques avec le Gouvernement français, et prévue par le protocole de Bercy signé le 1er février 1998, l’usine de valorisation du gisement de Koniambo, située dans la province Nord, a été construite afin d’exploiter ce gisement suivant la technique de la pyrométallurgie. Elle a reçu la visite du Premier ministre, M. Jean-Marc Ayrault, en juillet 2013. L’inauguration officielle devrait se faire le 17 novembre en présence du président de la République.

Les autorités de l’État et de la Nouvelle-Calédonie ont toutes fait part de leur soutien unanime à ce projet d’usine du Nord – dont le coût total s’élève aujourd’hui à 7 milliards de dollars – et ce, en raison de son intérêt déterminant pour le rééquilibrage économique et la stabilité du territoire.

Ce projet devrait ainsi générer près de 2 500 emplois en phase de pleine production – soit à partir de 2015 –, dont une grande majorité de population locale. Sa contribution au produit intérieur de l’archipel devrait également être vigoureuse, pour peu que les cours du nickel ne se maintiennent pas à un niveau structurellement bas.

Si la définition d’une stratégie calédonienne en matière de métal repose, pour l’essentiel, sur les efforts des responsables du pays, elle n’exonère pas l’État, à son niveau, de préciser sa vision à long terme dans le domaine du nickel. Il sera alors mieux outillé pour accompagner la Nouvelle Calédonie dans la recherche de solutions permettant à ce secteur de se structurer de manière durable.

Alors que la stabilité politique et institutionnelle semble être de retour sur ce territoire (A), votre rapporteur pour avis a souhaité revenir comme il l’avait fait l’année dernière, sur la situation économique particulièrement dégradée de la Polynésie française (B).

La situation financière et budgétaire de cette collectivité reste encore fragile (C) ; le financement de son régime de protection sociale est, en particulier, gravement compromis (D) et exige que la Polynésie française poursuive le redressement de son économie et de ses finances publiques (E).

Les élections territoriales, qui se sont déroulées au printemps 2013 selon le nouveau mode de scrutin de la loi organique n° 2011-918 du 1er août 2011 (15), ont donné à la Polynésie française, pour une période de cinq ans, une majorité politique claire, de nature à donner aux investisseurs une visibilité propice au redémarrage économique alors que, depuis juin 2014, ce ne sont pas moins de douze présidents qui se sont succédé à la tête de la Polynésie française.

Les présidents de la Polynésie française entre 2004 et 2014

–  Du 14/06/2004 au 21/10/2004 M. Oscar Temaru

–  Du 22/10/2004 au 02/03/2005 M. Gaston Flosse

–  Du 03/03/2005 au 25/12/2006 M. Oscar Temaru

–  Du 26/12/2006 au 12/09/2007 M. Gaston Tong Sang

–  Du 13/09/2007 au 23/02/2008 M. Oscar Temaru

–  Du 23/02/2008 au 15/04/2008 M. Gaston Flosse

–  Du 15/04/2008 au 09/02/2009 M. Gaston Tong Sang

–  Du 16/02/2009 au 23/11/2009 M. Oscar Temaru

–  Du 24/11/2009 au 01/04/2011 M. Gaston Tong Sang

–  Du 01/04/2011 au 17/05/2013 M. Oscar Temaru

–  Du 18/05/2013 au 05/09/2014 M. Gaston Flosse

–  Depuis le 12/09/2014… M. Édouard Fritch

Élections à l’assemblée de Polynésie française en mai 2004 [complémentaires en février 2005], en janvier-février 2008 et en avril-mai 2013.

Toutes ces recompositions successives n’ont pas permis de fournir un cadre stable pour la conduite de politiques publiques efficaces et ont même fait naître une situation économique et sociale préoccupante.

Pour mettre un terme à cette instabilité des astreintes. Le législateur, avec la loi organique précitée du 1er août 2011, a institué une circonscription électorale unique, composée de huit sections, en assurant la représentation effective des archipels les moins peuplés et les plus éloignés, avec un mode de scrutin de liste à deux tours et assorti de conditions de domiciliation et d’imposition précises.

C’est sur la base de ce nouveau mode de scrutin que se sont tenues, les 21 avril et 5 mai 2013, les élections à l’assemblée de la Polynésie française. À l’issue du second tour de scrutin, la liste « Tahoeraa Huiraatira », conduite par M. Gaston Flosse, a remporté la victoire, avec 45,11 % des suffrages exprimés et 38 des 57 sièges que compte l’assemblée de la Polynésie française. La liste de l’Union pour la démocratie (UPLD), menée par le président sortant, M. Oscar Temaru, n’est arrivée qu’en seconde position, avec 29,26 % des suffrages exprimés et 11 sièges à l’assemblée polynésienne. Une troisième liste « A Ti’a Porinetia » conduite par M. Teva Rohfritsch a obtenu 25,63 % des voix et 8 sièges. La liste « Tahoeraa Huiraatira » disposant de la majorité absolue au sein de l’assemblée de la Polynésie française, cette dernière a élu à sa présidence, le 16 mai 2013, M. Édouard Fritch et, le lendemain, M. Gaston Flosse président du gouvernement polynésien.

La démission d’office de ce dernier, le 5 septembre 2014, a constitué, pour la société polynésienne, un véritable choc compte tenu du rôle joué par l’intéressé dans la vie politique polynésienne depuis plus de 30 ans (16). Elle est la conséquence d’une condamnation devenue définitive par un arrêt de la Cour de cassation, le 23 juillet 2014, confirmant la décision de la cour d’appel de Papeete qui l’avait condamné, le 7 février 2013, dans une affaire d’emploi fictifs (17) à des peines de quatre ans d’emprisonnement avec sursis, 125 000 euros d’amende et trois ans d’inéligibilité.

Jusqu’à cet arrêt de la Cour de cassation et malgré de multiples condamnations antérieures – pour détournements de fonds publics, trafics d’influence, corruption et prises illégales d’intérêt –, M. Gaston Flosse avait toujours échappé à l’inéligibilité, seule sanction redoutée par les élus politiques, ce qui avait conduit l’intéressé à solliciter, pour cette peine complémentaire, la grâce du président de la République qui lui fut refusée. Autre conséquence, le Conseil constitutionnel prononça le 16 septembre la déchéance de son mandat de sénateur.

Avec le départ forcé et peu glorieux de M. Gaston Flosse et l’arrivée d’un nouveau président de la Polynésie, commence une nouvelle page de la vie politique polynésienne. Votre rapporteur pour avis espère qu’avec l’élection de notre ancien collègue Édouard Fritch, lequel dispose d’une majorité élargie – il a été élu par 46 voix –, de nouveaux rapports de confiance mutuelle pourront s’établir avec la métropole pour mener à bien les réformes qu’impose la situation budgétaire et financière du pays.

La loi organique du 1er août 2011 entendait en second lieu, rénover le statut de la collectivité d’outre-mer, afin de réduire les dépenses publiques et de rendre plus efficientes les relations entre l’exécutif et l’assemblée délibérante.

Ainsi, en vue d’accroître la stabilité des institutions, ce texte a encadré la mise en cause de la responsabilité du gouvernement en renforçant les conditions de dépôt et d’adoption d’une motion de défiance : la motion devra désormais être déposée par un tiers des membres de l’assemblée et adoptée par une majorité qualifiée des trois-cinquièmes des membres. En outre, la loi limite à deux mandats successifs le nombre de mandats que peut exercer le président de la Polynésie française.

Si le renforcement des conditions d’adoption d’une motion de défiance a permis d’asseoir la stabilité politique du gouvernement polynésien, il n’en subsiste pas moins une instabilité décisionnelle permanente liée à la procédure de contestation des « lois du pays ». Lorsque, dans le cadre des « lois du pays » des mesures de redressement sont adoptées, la minorité ou des Polynésiens directement concernés par les mesures en cause ne manquent pas de déférer ces textes au Conseil d’État.

Or, le recours suspend la promulgation de la délibération adoptée, ce qui a des conséquences importantes, le Conseil d’État n’étant pas en mesure de statuer dans le délai de trois mois qui lui est fixé pour rendre sa décision.

À titre d’exemples, on citera le recours contre la loi du pays du 19 mai 2011 relative au régime de retraite des travailleurs salariés (18), qui a occasionné une perte de recettes de l’ordre de 30 millions d’euros pour la caisse de prévoyance sociale (CPS) à la date du 7 novembre 2012, date à laquelle le Conseil d’État a finalement statué sur ce texte et permis son entrée en vigueur à compter du 18 novembre de la même année, soit dix-huit mois après son adoption (19).

Dans ces conditions, pour éviter tout détournement de procédure et les recours abusifs, il conviendrait de réexaminer les conditions de recours devant le Conseil d’État et, le cas échéant, après consultation de la collectivité, de modifier sur ce point précis la loi organique statutaire du 27 février 2004, comme le préconisait déjà, l’an dernier, votre rapporteur pour avis.

Le nouveau gouvernement de M. Édouard Fritch a la responsabilité de conduire le redressement de la Polynésie française dans un contexte financier et économique difficile. Votre rapporteur pour avis souhaite que le Gouvernement de la République soutienne et encourage les initiatives des responsables polynésiens qui iront dans ce sens.

Avant de présenter plus en détail l’économie de ce territoire, votre rapporteur pour avis tient à souligner, une nouvelle fois, la rareté et l’insuffisance des statistiques disponibles auprès de l’Institut de statistique de la Polynésie française (ISPF).

Alors même que l’économie polynésienne souffre particulièrement du ralentissement économique mondial (cf. infra), les autorités politiques locales et nationales ne disposent pas des outils statistiques adéquats pour mener une politique économique et sociale adaptée à la conjoncture.

Il convient de remédier à cette situation. C’est pourquoi votre rapporteur pour avis renouvelle avec insistance la mise en place rapide d’une mission d’assistance sur place, conduite par l’Institut national des statistiques et des études économiques (INSEE), en vue d’accroître l’indépendance et l’expertise de l’institut statistique de la Polynésie (ISPF).

Selon l’Institut d’émission outre-mer (IEOM), il apparaît « l’économie polynésienne, toujours fragile et sans véritable souffle, n’a pu retrouver en 2013 le chemin de la croissance. L’élection au printemps d’une nouvelle majorité stable à la tête du territoire et les premières mesures de redressement financier qui ont été prises ont cependant permis un retour limité de la confiance ».

La grande majorité des indicateurs économiques disponibles soulignent actuellement que « la reprise pour l’année 2014 demeure encore incertaine (…) et reste tout particulièrement suspendue au défi majeur du redressement du marché du travail, seul capable de relancer la consommation des ménages. Une reprise vigoureuse des créations d’emplois est également fondamentale pour restaurer l’équilibre des régimes sociaux, chantier structurel de première importance pour le redressement des finances du Pays eu égard à l’ampleur des déficits cumulés » (20).

Le tourisme, qui représente l’une des principales richesses de l’économie polynésienne a connu, ces dix dernières années, une baisse tendancielle de son activité, alors que toutes les destinations comparables du Pacifique sud enregistrent une progression sensible. Pour la chambre territoriale des comptes qui a procédé, en 2013, à l’examen de la gestion touristique de la collectivité polynésienne, l’une des explications réside dans l’absence de mise en œuvre d’une véritable stratégie « plusieurs fois recherchée mais jamais validée » (21).

Les entreprises, confrontées à un faible niveau d’activité et à une demande peu vigoureuse tendent à réduire dans l’ensemble leurs investissements, à l’exception du secteur du bâtiment et des travaux publics grâce à quelques opérations d’envergure et des projets d’infrastructures routières en cours.

Plus globalement, il ressort qu’au cours de la décennie 2000, la croissance économique a été nulle en moyenne. Entre 2008 et 2011, le produit intérieur brut du territoire s’est même contracté de près de 10 %, plafonnant désormais à 4,3 milliards d’euros, soit 16 000 euros par habitant.

La faiblesse de la croissance économique a conduit à une diminution particulièrement forte des emplois salariés, comme le montre le tableau figurant ci-dessous :

ÉVOLUTION DES EMPLOIS SALARIÉS ENTRE 2008 ET 2013

(en milliers)

 

2008

2013

Évolution (en %)

Secteur primaire

1 934

1 759

- 9 %

Secteur industriel

5 367

4 772

- 11 %

Secteur de la construction

5 847

4 231

- 28 %

Secteur tertiaire

54 974

50 197

- 9 %

Dont hôtellerie et restauration

7 278

6 592

- 9 %

Total

68 122

60 959

- 10,5 %

Source : Caisse de prévoyance sociale (CPS) et Institut de la statistique de la Polynésie française (ISPF).

La consommation des ménages manque également de vigueur en dépit d’une inflation contenue à 1,5 % en moyenne : en 2013, les importations de biens de consommation non alimentaires ont ainsi reculé de 1,1 %, en raison d’une demande intérieure toujours en berne. Cette même année, les ventes de véhicules neufs ont diminué de 5,4 %, après une baisse équivalente de 5,3 % en 2012.

Conséquence de la crise économique, le taux de chômage mesuré par le dernier recensement réalisé en 2012 a presque doublé en cinq ans passant, selon l’Institut de statistiques de Polynésie française, de 11,7 % en 2007 à 21,8 % en 2012. Ce doublement du nombre de chômeurs a surtout touché les jeunes, près de la moitié des chômeurs ayant moins de 25 ans. Le taux de chômage est à un niveau quasiment équivalent aux départements d’outre-mer alors que, contrairement à ces derniers, la Polynésie française ne connaît ni garantie de ressources minimums – revenu minimum d’insertion ou revenu de solidarité active – ni indemnisation du chômage. Depuis longtemps la politique de lutte contre le chômage a consisté à développer les emplois publics dans le cadre d’un « clientélisme » traditionnel et partagé.

La Polynésie n’échappe pas à la « vie chère », à l’instar des autres collectivités d’outre-mer, conséquence tout à la fois de l’indexation des rémunérations, de l’absence de concurrence, du poids de la fiscalité indirecte, des habitudes de consommation et de l’isolement. Mais le phénomène de la « vie chère » frappe davantage les Polynésiens aux ressources faibles.

Il en résulte une dégradation régulière des conditions de vie des Polynésiens : le niveau de vie moyen s’établit aujourd’hui à un niveau proche de celui constaté à la fin de 1980. Un ménage sur cinq, représentant 28 % de la population, dispose d’un revenu inférieur au seuil de pauvreté (405 euros, soit 48 600 FCFP par mois et par unité de consommation) (22). À défaut de la mesurer avec précision, tous les observateurs constatent un accroissement considérable – et rapide – de la pauvreté.

La chute de l’activité économique a des conséquences immédiates et importantes sur les recettes de la collectivité qui reposent essentiellement sur la fiscalité indirecte et douanière : entre 2007 et 2012 la collectivité a perdu un cinquième de ses recettes de fonctionnement, dégradant d’autant une situation budgétaire déjà fragile.

Faute de données nouvelles, votre rapporteur renvoie à son rapport de l’an dernier concernant la situation budgétaire et financière de la Polynésie française.

Concernant l’avance de trésorerie de 42 millions d’euros sollicitée en fin d’année dernière par le gouvernement polynésien, il convient de préciser que le 20 décembre 2013, la Polynésie française et l’État ont signé un protocole d’accord et une convention relative à l’attribution de cette avance remboursable, laquelle a été conditionnée à la mise en œuvre d’un ensemble de mesures de redressement de la collectivité.

Cette convention prévoit que l’avance sera remboursée sur deux exercices, le premier remboursement ayant été fixé au 30 juin 2014 contre un taux d’intérêt de 2,25 %. Elle comprend également un mécanisme de contrôle de l’utilisation des fonds destinés en priorité à payer les créanciers de la collectivité, via la mise en place d’un comité paritaire de suivi, lequel se réunit chaque mois sous la co-présidence du président de la Polynésie française et du haut-commissaire. En échange de cette avance remboursable de trésorerie, le gouvernement polynésien s’est engagé à rembourser prioritairement :

—  les créances impayées à l’égard des entreprises et fournisseurs par ordre d’ancienneté – sous réserve éventuelle des difficultés financières propres à chaque entreprise et fournisseur, afin d’éviter toute cessation de paiement –, pour un montant de 63,7 millions d’euros ;

—  l’intégralité des sommes dues au fonds intercommunal de péréquation (FIP) au titre du budget primitif 2013, pour un montant de 35,4 millions d’euros ;

—  l’intégralité des sommes dues au fonds d’amortissement de la dette sociale (FADES) au titre des exercices budgétaires de 2012 et de 2013, pour un montant de 13,4 millions d’euros.

Il ressort des auditions réalisées par votre rapporteur dans le cadre du présent avis qu’à ce jour, l’ensemble de ces engagements financiers ont été honorés par la Polynésie à l’égard de ses créanciers – État, entreprises privées et autres collectivités publiques. Ainsi, le premier remboursement de cette avance à l’État est intervenu, comme prévu, le 30 juin 2014. Parallèlement, le stock des dettes à l’égard des fournisseurs a été régulièrement apuré et ce, à un rythme jugé satisfaisant par le ministère des Outre-mer. De la même manière, deux versements d’arriérés au fonds intercommunal de péréquation (FIP) ont été réalisés en mars et avril 2014, pour un montant de 22,6 millions d’euros. Enfin, les sommes dues au fonds d’amortissement de la dette sociale (FADES) ont été réglées pour moitié à la fin du mois de juillet 2014, le versement du solde étant prévu en octobre 2014.

À l’aune des dernières informations transmises par la Polynésie française dans le cadre du suivi de l’avance de trésorerie, le solde effectif de trésorerie s’établissait à 77,8 millions d’euros à la fin du mois de juin 2014 et le solde prévisionnel devrait également rester positif à la fin du mois de décembre, à hauteur de 25 millions d’euros.

Si cette avance remboursable a indéniablement permis à la Polynésie française de surmonter, à court terme, ses difficultés de liquidité, elle n’exonère pas la collectivité, si elle souhaite améliorer durablement ses performances budgétaires dans le prolongement du pacte de croissance adopté en juillet 2013 (cf. infra), de s’engager résolument dans la voie du redressement structurel de ses finances publiques et, en particulier, de son régime de protection sociale, dont le financement est aujourd’hui gravement compromis.

Quatre ans après la mission d’assistance de l’inspection générale des finances (IGF), de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l’inspection générale de l’administration (IGA) et à la suite de la lettre adressée par le président du territoire, le 12 juillet 2013, demandant une mission « pour étudier les conditions de reprise de la participation financière de l’État en matière sanitaire et sociale », la ministre des Affaires sociales, le ministère des Outre-mer et le ministre du Budget ont demandé à ces trois corps d’inspection, le 8 octobre 2013, d’évaluer les politiques de santé ainsi que le régime de solidarité de la Polynésie française (RSPF).

En l’état actuel, les politiques sociales et de santé relèvent de la seule compétence de la collectivité polynésienne, à laquelle il revient de les définir, de les piloter, de les financer, de les contrôler et de les évaluer. Au-delà de quelques compétences propres résiduelles, l’État intervient principalement par des financements, tels que des mises à disposition de personnels ou une participation au contrat de projet.

Le régime de protection sociale de la Polynésie française

La protection sociale généralisée (PSG), créée en 1994, est une compétence du territoire de la Polynésie française. Sa gestion est assurée par la caisse de prévoyance sociale (CPS).

La protection sociale généralisée (PSG) comprend trois régimes distincts :

—  le régime général des salariés (RGS), lequel est financé en quasi-totalité par des cotisations salariales et patronales ;

—  le régime des non-salariés (RNS), lequel est financé majoritairement par des cotisations des assurés ainsi que, de manière plus résiduelle, des dotations de la Polynésie française ;

—  le régime de solidarité de la Polynésie française (RSPF) : ce régime résiduel de solidarité est ouvert, sous condition de revenu, à ceux qui ne peuvent adhérer ni au RGS ni au RNS ; ce régime non contributif est financé en quasi-totalité par l’impôt ainsi que par des participations de la Polynésie française et, jusqu’en 2007, de l’État.

Ces trois régimes de la PSG couvrent la quasi-totalité de la population polynésienne – soit environ 260 000 bénéficiaires. Ils sont administrés de manière autonome par la caisse de prévoyance sociale (CPS), dont le total des frais de gestion s’élève à environ 38,4 millions d’euros en 2012, soit environ 4 % des dépenses de la PSG. Ils partagent une trésorerie commune.

Les prestations sociales délivrées par les trois régimes de la protection sociale généralisée (PSG) se rapprochent sans toutefois se confondre : une couverture maladie comparable ainsi que des prestations familiales et un fonds d’action sociale, dont les contours ne sont pas harmonisés à ce jour. La question des retraites est celle qui différencie le plus fortement ces trois régimes : si les salariés disposent d’un système complet d’assurance sociale, les non-salariés n’ont pas de couverture obligatoire. Cet ensemble est complété par un minimum vieillesse, lequel est servi soit par le RGS, soit par le RSPF.

De manière complémentaire, la sécurité sociale métropolitaine, laquelle couvre les fonctionnaires de l’État, concerne 9,6 % de la population sur place.

La situation financière des comptes sociaux de la Polynésie française a fait l’objet d’une analyse détaillée et de recommandations concrètes dans le rapport commun, remis en juin 2014, par la mission d’assistance sur le financement du régime de solidarité de la Polynésie française et des politiques de santé. Votre rapporteur souhaite, dans le présent avis, en rappeler les principaux constats (23)

De manière générale, le système de santé de la Polynésie française, jugée « particulièrement généreux et coûteux », mobilise des moyens financiers et humains importants. Les dépenses de santé y représenteraient ainsi 14 % du produit intérieur brut en 2010 – dernière année disponible des comptes de la santé –, contre 10 % en Nouvelle-Calédonie et 11,7 % en France hors collectivités d’outre-mer.

Conséquence de la non-maîtrise des dépenses sociales et de santé, la protection sociale généralisée (PSG) fait aujourd’hui face à une dégradation de ses comptes, dégradation que la crise économique a amplifiée en réduisant l’assiette des cotisations sociales – principales ressources de la caisse de prévoyance sociale (CPS). Dans le même temps, l’État a pris la décision, en 2008, de ne plus participer au financement du régime de solidarité de la Polynésie française (RSPF). Dans ces conditions, le déficit global de la PSG s’est élevé à 50,3 millions d’euros en 2012 et continuerait à se creuser de manière sensible en 2013 et en 2014.

Les trois régimes de la PSG sont aujourd’hui déficitaires. Ainsi, entre 2004 et 2012, les dépenses globales du régime général des salariés (RGS) ont augmenté de 56,8 %, principalement en raison de la hausse des dépenses de retraite et des dépenses de maladie et ce, en dépit d’une diminution du nombre de bénéficiaires de 0,8 % sur la période. Le RGS a enregistré, en 2012 un déficit de 48,4 millions d’euros, soit 7,2 % des recettes totales. Selon les prévisions disponibles, ce déficit devrait encore se creuser en 2013 et en 2014.

Entre 2004 et 2012, le régime des non-salariés (RNS) a également vu ses dépenses globales augmenter de 14,3 %, pour atteindre 29,5 millions d’euros. En définitive, le RNS a affiché, en 2012, un déficit élevé de 2,1 millions d’euros, représentant 7,7 % de ses recettes.

Mais c’est surtout le régime de solidarité de la Polynésie française (RSPF) qui concentre les principales difficultés de financement. Ce régime qui offre, sous condition de revenu (24), une couverture sociale aux personnes et à leurs ayants droit sans régime d’assurance, connaît, en effet, de grandes difficultés financières par suite :

—  d’une part, de l’augmentation considérable de ses ressortissants sous l’effet des difficultés économiques, de la réduction de l’emploi salarié et de l’accroissement de la pauvreté. Le nombre de ressortissants est ainsi passé de 47 000 à sa création en 1995 à 74 000 en 2013. Il approcherait même, selon les prévisions, le chiffre de 80 000 à la fin du premier trimestre 2014, soit entre le quart et le tiers de l’ensemble de la PSG ;

—  d’autre part, de l’explosion des dépenses de ce régime qui ont plus que doublé et s’élèvent, en 2013, à 226 millions d’euros. Du fait de l’absence de prise en charge du risque chômage, le RSPF est le seul amortisseur social de la Polynésie française, les personnes licenciées n’ayant d’autre choix, trois après leur licenciement, que de s’inscrire au RSPF pour bénéficier de la couverture du risque maladie ;

—  enfin, de la baisse de ses ressources, en raison notamment de la contraction des recettes fiscales (25) sous l’effet de la crise économique et de la diminution progressive de la participation financière de l’État depuis 2003 jusqu’à son extinction complète en 2007.

Malgré la fin de la participation de l’État au financement du RSPF à partir de 2008, les comptes de ce régime sont restés à l’équilibre jusqu’en 2010, grâce à l’augmentation subséquente de la participation du Pays. Ce n’est qu’en 2012, pour la clôture des comptes de 2011, que le gouvernement polynésien a considéré que la Polynésie n’avait plus l’obligation d’assurer l’équilibre des comptes du RSPF depuis que l’État a mis fin à la convention santé-solidarité. Ayant suivi ce raisonnement, les commissaires aux comptes ont également admis que les comptes du RSPF pouvaient être clôturés en déséquilibre. La subvention du Pays au RSPF a dès lors diminué pour ne plus couvrir, en 2012, qu’un tiers des dépenses de ce régime contre 48 % en 2008.

Cette subvention directe du budget général de la Polynésie française au RSPF a, de surcroît, disparu le 1er août 2013 au profit d’un financement exclusif par une subvention tirée du fonds pour l’emploi et la lutte contre la pauvreté (FELP). En effet, les recettes auparavant affectées au RSPF – la contribution de solidarité territoriale (CST) et les droits indirects – sont désormais affectées à ce fonds, qui bénéficie également de subventions du budget général. Alors qu’il s’agit désormais de la seule ressource du RSPF, l’enveloppe du FELP destinée à financer ce régime a été sous-calibrée. Il convient de noter qu’outre le RSPF et des actions de formation et de soutien à l’emploi auparavant prises en charge sur le budget général, le FELP finance également le contrat d’accès à l’emploi (26). La création de ce fonds a dès lors permis de détourner du RSPF le produit des taxes qui lui étaient auparavant réservées. Et la mission d’appui à la Polynésie française de conclure, dans son rapport de juin 2014, que « tout se passe donc comme si l’instauration de ce fonds avait conduit à détourner une partie des financements du RSPF destinés aux plus pauvres des Polynésiens vers le financement de contrats réservés à certains d’entre eux ».

Cette modification du mode de financement du RSPF a dès lors accru, dans une large mesure, le déficit de ce régime, qui devrait s’établir à 33,1 millions d’euros en 2013 et entre 45 et 50 millions d’euros en 2014. De manière générale, les comptes du RSPF ont tous été présentés en déficit depuis 2011 (27).

Les difficultés de trésorerie du RSPF se répercutent mécaniquement sur la situation – une nouvelle fois très critique – du CHPF, qui subit des retards de versement de la dotation globale que doit lui verser le RSPF. En effet, l’établissement présenterait des impayés dont l’ampleur menacerait tant l’approvisionnement en médicaments que la continuité des soins. Depuis la livraison de ses locaux en 2011, le CHPF n’est pas en mesure d’équilibrer son budget et de faire face au règlement de ses fournisseurs. Afin d’honorer ses engagements financiers, le centre hospitalier a bénéficié, le 15 octobre 2013, d’une avance de trésorerie de 4 millions d’euros, qui vient s’ajouter à celle de 8 millions d’euros versée à la fin de l’année 2012.

Alors que les comptes sociaux de la Polynésie française subissent, dans leur ensemble, d’importantes difficultés financières, c’est le RSPF qui concentre aujourd’hui l’attention des pouvoirs publics. La question posée est celle d’un éventuel retour de l’État au financement de ce régime. À la fin de l’année 2013, l’agence de notation Standard & Poors avait d’ailleurs conditionné une éventuelle réévaluation de la note polynésienne en 2015 à une nouvelle participation financière de l’État au RSPF.

Votre rapporteur pour avis considère que l’État ne peut contribuer de nouveau au financement du RSPF qu’en contrepartie d’un engagement du territoire à redresser durablement ce régime et, par conséquent, à mettre en œuvre dans les meilleurs délais les recommandations formulées, en juin dernier, par la mission d’assistance. Plus largement, il souhaite, à la faveur du présent avis, inviter la Polynésie française à poursuivre résolument ses efforts de redressement économique et financier.

Soucieux de démontrer sa volonté de redresser les comptes de la Polynésie, le gouvernement issu des élections territoriales d’avril et mai 2013 a fait adopter par l’assemblée polynésienne, le 13 juillet 2013, un collectif budgétaire prévoyant à la fois des économies et des augmentations d’impôts.

Concernant les réductions de charges, il s’agissait de favoriser le départ volontaire de 200 agents publics d’ici la fin de 2013, en leur versant une prime de départ égale à 15 à 20 mois de salaire (28), de réduire de 10 % les subventions attribuées aux satellites de la Polynésie (29) et, à titre d’exemplarité, de baisser de 10 % les rémunérations des ministres et des élus de l’assemblée polynésienne ainsi que de supprimer des véhicules de fonction pour les membres du gouvernement et les élus de l’assemblée.

Concernant les augmentations d’impôt, il s’agissait d’un relèvement de la contribution de solidarité territoriale (CST) (30), prélevée à la source sur les seuls revenus salariaux et souvent présentée comme une substitution à un impôt sur les revenus qui n’existe pas, ainsi que d’un relèvement du taux intermédiaire de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) (31) et de l’augmentation de certains impôts sectoriels – banques, assurances et grandes surfaces notamment.

Votre rapporteur pour avis ne peut que saluer ce signal positif et veut croire que l’élection d’un nouveau président à la tête du gouvernement polynésien, en la personne d’Édouard Fritch, disposant de la stabilité dans le temps est l’occasion de poursuivre les efforts déjà engagés et de mettre un terme aux graves difficultés financières de la collectivité.

Votre rapporteur pour avis se montrera particulièrement vigilant sur la réalité des efforts de redressement qui seront menés dans les prochains mois. En effet, l’histoire récente de la Polynésie française montre qu’il existe parfois un décalage important entre les intentions et leur application concrète. En témoigne l’exemple du haut conseil de la Polynésie.

Le haut conseil de la Polynésie française

Le 11 juillet 2013, l’assemblée de la Polynésie a adopté une loi du pays (32) ressuscitant le haut conseil de la Polynésie française que l’Assemblée nationale, suivie par le Sénat, avait supprimé, à l’initiative de votre rapporteur pour avis (33). Le rapport de notre collègue Didier Quentin précisait alors que « les difficultés financières de la Polynésie rendent cet organe d’expertise non indispensable » (34), en s’appuyant notamment sur les travaux de la mission d’assistance à la Polynésie.

Si la loi du pays du 11 juillet 2013 recréant le haut conseil de la Polynésie française a été annulée par le Conseil d’État, dans un arrêt rendu le 19 février 2014 (35) sur saisine du haut-commissaire au titre du contrôle de légalité, et n’a donc pu entrer en vigueur, la création et le fonctionnement du haut-conseil ont fait l’objet d’une délibération parallèle de l’assemblée polynésienne, prise ce même 11 juillet 2013 (36), sur le fondement de laquelle cette instance a pu être effectivement ressuscitée.

Cette délibération a été, par la suite, déférée par M. Oscar Temaru devant le juge administratif a été annulée, le 22 avril 2014 (37), par le tribunal administratif de la Polynésie française. Sans attendre ce jugement, l’assemblée de la Polynésie française a adopté, le 14 mars 2014, une nouvelle délibération destinée, selon ses auteurs, « à refonder le haut-conseil sur une base exempte des critiques retenues à l’encontre de la loi du pays par le Conseil d’État » (38).

Bien que cette nouvelle délibération, dont la légalité est très fortement contestée, ait fait l’objet, sur l’initiative du haut-commissaire – dont la décision est attendue pour décembre 2014 –, d’un recours contentieux devant le tribunal administratif de Papeete, elle a permis au haut conseil de poursuivre son activité jusqu’à ce jour.

Ces multiples décisions et ces procédures dilatoires destinées à recréer le haut conseil de la Polynésie française appellent deux remarques de votre rapporteur pour avis. Recréer par une décision locale un organisme supprimé par une loi organique manifeste un manque évident de respect envers le législateur organique.

Si la Polynésie a besoin, comme les autres collectivités d’outre-mer, de compétences juridiques, il aurait été plus judicieux de renforcer les effectifs du secrétariat général du gouvernement, dont c’est la vocation, plutôt que de créer un nouvel organisme au fonctionnement coûteux (39) et dont les textes concernant son fonctionnement sont régulièrement censurés par la juridiction administrative !

C’est donc au vu de résultats concrets, précis, chiffrés qu’il conviendra de vérifier si la Polynésie française rompt avec ses errements passés et s’engage résolument dans la voie du redressement structurel de ses finances publiques.

Grâce aux deux rapports remis en 2010 et 2014 par les missions d’assistance, qui ont été demandées par les gouvernements polynésiens, et à ceux de la chambre territoriale des comptes, les responsables politiques nationaux et locaux connaissent désormais la démarche qui conduira au redressement de l’économie de la Polynésie.

La collectivité et l’ensemble des satellites créés au fil du temps doivent réduire de manière drastique leurs dépenses de fonctionnement, en particulier leur masse salariale, afin de dégager une capacité d’investissement qui favorisera la croissance économique et la création d’emplois.

Simultanément, il convient de transformer une économie administrée en une économie reposant sur un capitalisme entrepreneurial, dynamique, concurrentiel doté d’un système fiscal juste où les bénéficiaires de revenus élevés contribueront davantage que les personnes pauvres, contrairement à la situation présente.

Afin de redresser l’économie polynésienne, votre rapporteur pour avis ne peut que renvoyer à l’ensemble des propositions qu’il avait formulées dans son précédent avis budgétaire (40). Même si la plupart d’entre elles n’ont pas été mises en œuvre à ce jour, elles restent toutes d’actualité.

En matière sociale, votre rapporteur pour avis avait notamment proposé que les mesures d’économie visent un objectif de baisse effective des dépenses d’assurance maladie de 10 % sur les trois années à venir, charge à la CPS de déterminer les modalités permettant d’atteindre cet objectif, qu’il s’agisse de la réduction des dépenses médicales et administratives.

Il avait également indiqué que le RSPF pourrait à nouveau bénéficier d’une contribution financière de l’État, dès lors que des garanties seraient apportées quant à son équilibre financier par l’affectation d’une part significative et pérenne de la CST.

S’agissant du fonctionnement de la collectivité et de ses filiales, votre rapporteur pour avis ne peut qu’une nouvelle fois rappeler l’importance des réductions de charges, lesquelles doivent concerner principalement la masse salariale – indemnités diverses comprises –, avec l’objectif de la diminuer, sur trois ans, de 15 %. Si les modalités permettant d’atteindre cet objectif sont du ressort de la collectivité, elles comportent nécessairement une diminution des effectifs et des hautes rémunérations, ce qui implique l’arrêt de tout nouveau recrutement et la mise en place d’un plan de départs volontaires.

Concernant la sincérité des comptes de la Polynésie française, le chantier de l’apurement des créances irrécouvrables ou douteuses, qui a été initié ces dernières années, doit être poursuivi et intensifié. Le rétablissement de la sincérité des comptes de la Polynésie demeure un objectif majeur et exige que qu’ils fassent désormais l’objet d’une certification comptable annuelle. Celle-ci pourrait être réalisée par la chambre territoriale des comptes de la Polynésie française avec le concours extérieur de magistrats de la Cour des comptes.

Enfin, concernant le système fiscal, domaine où la Polynésie, comme les autres collectivités d’outre-mer, est pleinement souveraine, au point que pas un centime d’impôt prélevé localement ne revient dans le budget de l’État, votre rapporteur pour avis considère, comme il l’a fait l’année dernière, qu’il convient désormais d’instituer un impôt progressif sur les revenus – des salariés et des non-salariés –, permettant ainsi de réduire la fiscalité indirecte qui contribue à la « vie chère ».

La Polynésie demeure le territoire français le plus peuplé qui ne connaît pas l’impôt sur les revenus. Une telle anomalie fiscale n’est pas conforme à l’article XIII de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen selon laquelle la contribution indispensable doit être « également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». Elle est d’autant plus choquante que les contribuables métropolitains contribuent – à hauteur de 1,2 milliard d’euros en 2015 – au budget polynésien.

Loin d’être exhaustives, ces mesures d’économies, qui pourraient être utilement complétées au fur et à mesure de l’évolution effective du profil de la trésorerie de la collectivité, devraient faire l’objet d’engagements précis, chiffrés et mesurables de la part de la Polynésie française et de l’État.

Enfin, votre rapporteur pour avis s’est attaché à analyser plus largement les enjeux économiques et sociaux qui se posent actuellement dans les autres collectivités d’outre-mer relevant de l’article 74 de la Constitution, à savoir les îles Wallis et-Futuna (A), Saint-Pierre-et-Miquelon (B), Saint-Barthélemy et Saint-Martin (C), ainsi que les Terres australes et antarctiques françaises (D).

Située dans le Pacifique Sud, Wallis-et-Futuna est la collectivité d’outre-mer la plus éloignée de la métropole, à 22 000 kilomètres de Paris et à 2 100 kilomètres de la Nouvelle-Calédonie. Elle est constituée de deux archipels principaux, Wallis et l’archipel de Horn, avec l’île de Futuna. Elle compte environ 15 000 habitants sous l’autorité d’un système juridique tripartite – pouvoir coutumier de trois rois, Église et État.

L’activité économique de Wallis-et-Futuna demeure très traditionnelle. Elle est ainsi axée sur une pêche artisanale et une agriculture orientée vers un élevage essentiellement avicole et porcin – notamment en lien avec la coutume – ainsi que vers des cultures vivrières. L’artisanat local y joue également un rôle important. L’économie du territoire, peu ouverte sur l’extérieur, reste faiblement monétarisée, se caractérisant notamment par une forte propension des ménages à l’autoconsommation, évaluée à 40 % de leur consommation totale.

Les administrations publiques sont nécessairement appelées à jouer un rôle prépondérant dans le soutien à l’économie de ces îles : elle est, aujourd’hui, à l’origine de près de trois quarts des salaires distribués, tandis que la demande publique représente à elle seule 54 % du produit intérieur brut de la collectivité. La contribution du secteur privé dans la création de richesses y reste encore trop faible.

Dans un rapport thématique consacré à « La santé dans les outre-mer » et publié en juin 2014, la Cour des comptes souligne les multiples défaillances du système de santé de cette collectivité, au point que l’espérance de vie y recule, cas unique en France. La santé repose sur un établissement public national à caractère administratif doté de l’autonomie administrative et financière – l’agence de santé (ADS) –, avec un conseil de tutelle composé des ministères des Outre-mer, de la Santé et du Budget. Le conseil d’administration est présidé par le préfet, administrateur supérieur et chef du territoire. Chaque année, les trois ministères de tutelle approuvent un budget qui reporte de 10 % à 20 % le paiement de dépenses courantes à l’exercice suivant, alors que reste à payer l’équivalent d’une année de dépenses de fonctionnement. En outre, subsiste à la charge du ministère des Outre-mer une dette de 20 millions d’euros pour des dépenses antérieures à 2013, date à laquelle le financement de l’agence a été transféré au ministère de la Santé.

Seule collectivité territoriale française de l’Atlantique Nord, Saint-Pierre-et-Miquelon, à l’entrée du golfe du Saint-Laurent, regroupe deux îles principales –à savoir Saint-Pierre-et-Miquelon (41) – et quelques îlots. Elle compte à ce jour environ 6 500 habitants.

Collectivité d’outre-mer au sens de l’article 74 de la Constitution depuis la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, la loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer a doté Saint-Pierre-et-Miquelon d’un statut spécifique.

Saint-Pierre-et-Miquelon est une collectivité enclavée, confrontée à de nombreux défis, notamment sur le plan économique. La reprise économique peine toujours à s’y affirmer dans un contexte de perspectives de croissance mondiale ralentie. De manière plus structurelle, le tourisme réalise de moins bonnes performances avec une fréquentation en retrait et la situation de l’industrie de la pêche s’est dégradée à la suite de la mise en liquidation judiciaire, en mai 2011, de la principale usine de transformation des produits de la mer, SPM Seafoods International.

Pour la troisième année consécutive, le bilan économique et social de Saint-Pierre-et-Miquelon demeure donc contrasté, l’économie de l’archipel étant toujours à la recherche de relais durables de croissance.

Alors qu’elle a été traditionnellement dominée par l’activité halieutique, l’économie de Saint-Pierre-et-Miquelon a été durement touchée par la diminution de sa zone économique exclusive en 1992 (42), à la suite d’un jugement sévère du tribunal arbitral de New York, et par la mise en place de quotas de pêche en 1994. À compter de cette date, aucune activité marchande n’a véritablement su émerger, l’économie locale reposant essentiellement sur la commande publique d’une part, et la consommation des ménages d’autre part.

L’avenir économique de la collectivité est aujourd’hui très largement conditionné par la résolution de la question de la délimitation du plateau continental au large de l’archipel. En effet, les perspectives tant en matière d’hydrocarbures, de métaux que de ressources halieutiques sont réelles dans l’Atlantique Nord. Un développement économique pérenne de Saint-Pierre-et-Miquelon passe donc par l’extension du plateau continental au large de l’archipel, sur lequel la France pourrait exercer des droits souverains, notamment en matière d’exploration et d’exploitation des ressources naturelles.

Une première étape a d’ores et déjà été franchie, le 8 mai 2009, avec le dépôt par la France, auprès de la commission des limites du plateau continental des Nations unies, d’une lettre d’intention revendiquant cette extension. Une seconde étape s’est engagée, le 16 avril 2014, date à laquelle le Gouvernement français a déposé le dossier final devant cette commission onusienne.

Ce dépôt fait suite à engagement pris par le président de la République, lequel avait, dans un communiqué publié le 24 juillet 2013, « rappelé que la France défendrait les intérêts de l’archipel concernant l’extension du plateau continental au large de Saint-Pierre-et-Miquelon » et même « confirmé l’intention de la France, à cet effet, de déposer un dossier devant la commission des limites du plateau continental ».

L’Assemblée nationale avait également apporté son soutien à cette démarche, avec l’adoption unanime, le 18 février 2014, d’une résolution déposée en application de l’article 34-1 de la Constitution et appelant à la reconnaissance des droits légitimes de la France sur le plateau continental de Saint-Pierre-et-Miquelon. Considérant qu’il s’agissait-là d’une « question d’intérêt national », l’Assemblée nationale avait estimé que « la France ne saurait renoncer à ses droits légitimes » et exprimé « son plus ferme soutien à la démarche engagée aux fins de faire reconnaître l’extension de son plateau continental au large de Saint-Pierre-et-Miquelon ». Elle avait, enfin, appelé de ses vœux « à ce qu’une fois le dossier déposé et la demande française examinée par la Commission des Nations unies, des négociations fondées sur le respect mutuel et la reconnaissance des droits légitimes de la France puissent être engagées avec le Canada, (…) afin de trouver une solution pérenne et permettre d’envisager l’avenir de Saint-Pierre-et-Miquelon avec confiance ».

Votre rapporteur se réjouit du dépôt de ce dossier de demande d’extension, tant le développement de l’archipel et la diversification de son économie marchande dépendent de la revendication française d’un plateau continental étendu au large de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Le 7 décembre 2003, les électeurs de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy consultés, en application de l’article 72-4 de la Constitution, sur l’abandon du rattachement au département et à la région de Guadeloupe au profit du statut de collectivité d’outre-mer, ont approuvé ce projet à une très large majorité.

Tirant les conséquences de ce vote, la loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer a érigé ces deux communes anciennement guadeloupéennes en collectivités d’outre-mer, dotées de l’autonomie, au sens de l’article 74 de la Constitution. Si les deux schémas institutionnels convergent très fortement, Saint-Barthélemy et Saint-Martin présentent en revanche des évolutions économiques et budgétaires divergentes.

La collectivité de Saint-Martin connaît, de longues date, des difficultés financières, liées notamment à un fonctionnement défectueux et à une fiscalité déficiente relevés par la chambre régionale des comptes. La modification statutaire de la collectivité, en particulier l’accession à l’autonomie fiscale a entraîné de grandes difficultés dans le recouvrement des impositions, qui ont conduit l’État à consentir à la collectivité des avances de trésorerie.

La détérioration continue des finances de la collectivité de Saint-Martin a nécessité la constitution d’une mission chargée de réaliser un diagnostic partagé et de définir, sur cette base, un scénario de redressement de la situation budgétaire et financière de la collectivité. En février 2012, une mission commune aux services du ministère des Outre-mer et à l’agence française de développement (AFD) a proposé la mise en œuvre d’un plan de redressement de la collectivité, lequel s’est traduit par la signature, en décembre 2012, d’un protocole financier liant l’État et la collectivité. Ce protocole prévoit la délivrance d’un prêt de restructuration de l’ordre de 25 millions d’euros (43) ainsi que l’octroi d’une avance de trésorerie d’un montant de 18 millions d’euros remboursable sur six ans. Un autre volet envisage une refonte de la structure de la fiscalité locale, afin d’en augmenter sensiblement le rendement.

De fait, la collectivité de Saint-Martin doit aujourd’hui relever de nombreux défis liés, notamment, à la coexistence sur un espace commun avec une entité néerlandaise – Sint-Marteen –, dont elle diffère par le droit applicable, la monnaie, le régime de protection sociale et les liens avec l’Union européenne.

C’est dans cette perspective que votre rapporteur pour avis et son collègue Daniel Gibbes, député de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin et membre de votre Commission, ont conduit une mission d’information (44) chargée d’évaluer le cadre statutaire issu de la loi organique précitée du 21 février 2007 et d’examiner les conditions de fonctionnement des pouvoirs publics locaux, les modalités de transfert de compétences, la qualité des relations établies avec l’État ainsi que l’impact du statut de la collectivité en droit européen et les conditions de son intégration dans l’environnement régional des Caraïbes.

À l’issue de ses travaux, votre rapporteur pour avis et M. Daniel Gibbes ont tiré la conclusion que le statut de la collectivité de Saint-Martin était satisfaisant dans la mesure où il assure aujourd’hui le fonctionnement régulier des pouvoirs publics locaux, tout en permettant à la collectivité d’affirmer son identité ainsi que de défendre ses intérêts au sein de la République. Les lourds défis économiques et sociaux auxquels la collectivité doit faire face sont en réalité anciens et ne mettent pas en cause les apports de la loi organique précitée du 21 février 2007.

C’est, en réalité, l’absence de coopération entre les autorités françaises et hollandaises qui conduit aujourd’hui à un développement social et économique déséquilibré du territoire, déséquilibre auquel il importe de remédier.

En effet, le territoire de l’île de Saint-Martin se caractérise par la libre circulation des personnes et des biens ainsi que par une faible fiscalité, dans une région où les flux migratoires sont importants et où existent d’importants trafics de drogue. Sur ce territoire unique s’appliquent deux législations différentes, françaises d’un côté, néerlandaise de l’autre avec des particularités tenant à la très large autonomie de la partie hollandaise de Sint-Maarten. Les immigrés arrivent principalement par la partie néerlandaise, dans laquelle les contrôles sont souples. Ils gagnent ensuite la partie française, où les prestations sociales et le système de santé sont plus attractifs ; à titre d’exemple, l’hôpital de la partie française de Saint-Martin accorde, conformément à la pratique médicale française, la priorité aux soins avant de demander au malade le paiement de ces soins, alors que l’hôpital néerlandais vérifie d’abord la solvabilité des personnes.

Il en résulte donc, au plan économique, de nombreuses distorsions de concurrence entre les deux parties de l’île et ce, en raison des différences de normes applicables, qu’il s’agisse du droit interne – les niveaux de salaire minimum par exemple – ou du droit européen. Ces normes étant peu contraignantes du côté néerlandais, les prix et les services y sont beaucoup plus attractifs. Les deux parties de l’île se situent également dans des zones monétaires différentes : la zone euro pour Saint-Martin et la zone dollar pour Sint-Maarten. La quasi-totalité des sommes versées en euros côté français – salaires, prestations sociales – sont immédiatement converties en dollars et dépensées à Sint-Maarten ce qui, du fait du taux de change, permet de bénéficier de 30 % de pouvoir d’achat supplémentaires.

Dans ces conditions, la partie française de Saint-Martin est en proie à un appauvrissement réel et régulier, alors que la partie hollandaise de Sint-Maarten s’enrichit dans le même temps. Tous les transferts en provenance de la métropole – traitements ou prestations – financent de facto la partie hollandaise. Votre rapporteur pour avis déplore l’absence de coopération au-delà des seules déclarations d’intention, la partie hollandaise n’ayant aucun intérêt à voir évoluer cette situation.

La seule issue est celle d’une véritable coopération entre les deux parties – française et néerlandaise – de l’île, coopération qui conditionne l’amélioration de la situation économique de la collectivité. À cet effet, la mission avait préconisé la création d’un « Congrès de Saint-Martin » réunissant les représentants locaux des deux collectivités et doté d’un pouvoir de décision dans les affaires communes d’intérêt local. À défaut, votre rapporteur pour avis appelle de ses vœux à une dénonciation par la France du traité de Concordia signé par les deux pays en 1648 (45).

La collectivité de Saint-Barthélemy ne connaît pas les mêmes difficultés. Le tourisme comme le secteur du bâtiment et des travaux publics montrent tous deux un dynamisme certain. En outre, le niveau de chômage est particulièrement faible. Il en résulte une situation financière favorable pour Saint-Barthélemy, laquelle a enregistré à nouveau un solde financier positif, lui permettant ainsi de maintenir un niveau d’endettement nul.

Votre rapporteur pour avis se montre confiant dans la capacité de Saint-Barthélemy à développer davantage ses échanges commerciaux extérieurs, notamment avec les États-Unis. Il insiste néanmoins sur la nécessité de diversifier l’économie de l’île pour la préserver, à l’avenir, des aléas de la fréquentation touristique, particulièrement sensible à la conjoncture économique mondiale.

Les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) sont formées d’un ensemble d’îles et d’archipels inhabités, très éloignés les uns des autres, et répartis en cinq districts administratifs : l’archipel de Crozet, l’archipel de Kerguelen, les îles de Saint-Paul et d’Amsterdam, la Terre Adélie et les îles Éparses. Le territoire représente une zone économique exclusive de 2,2 millions de km² – soit 20 % des zones économiques exclusives de la France –, permettant à cette dernière de se placer au deuxième rang mondial après les États-Unis, pour ce qui concerne son espace maritime.

Le budget des TAAF est alimenté par des ressources propres, parmi lesquelles figurent les taxes de mouillage, les droits de pêche et les ressources liées à la philatélie (46). Il reste cependant très dépendant des dotations de l’État. Dans cette perspective, votre rapporteur pour avis insiste, comme l’année précédente, sur la nécessité de conforter le niveau de la dotation de l’État aux TAAF, sans laquelle le territoire n’est pas à même d’asseoir, d’une part, la souveraineté française sur les zones économiques exclusives – en particulier les ressources gazières potentiellement exploitables dans la zone des îles Éparses – et de financer, d’autre part, les recherches scientifiques de première importance, notamment sur les questions relatives à la biodiversité ou à la préservation de l’environnement et de la faune marine.

EXAMEN DES CRÉDITS EN COMMISSION ÉLARGIE

Lors de sa réunion du 29 octobre 2014, la Commission procède, en commission élargie à l’ensemble des députés, dans les conditions fixées à l’article 120 du Règlement, à l’audition de Mme George Pau-Langevin, ministre des Outre-mer, sur les crédits de la mission « Outre-mer » pour 2015.

M. Dominique Lefebvre, président. Madame la ministre des outre-mer, nous sommes heureux de vous accueillir pour l’examen des crédits de la mission « Outre-mer » du projet de loi de finances pour 2015.

M. le président François Brottes. Cette mission est l’une des rares du projet de loi de finances dont les crédits augmentent. À l’occasion de cette commission élargie, je veux saluer le travail que nous menons, toutes tendances politiques confondues, sur la question ultramarine, notamment au sein de la Commission des affaires économiques.

Après la loi Lurel relative à la régulation économique dans les outre-mer, nous avons travaillé sur la transition énergétique avec la Délégation, afin de montrer à quel point les énergies renouvelables pouvaient trouver une place singulière dans ces territoires, puis sur l’habitat, un des secteurs de prédilection de Serge Letchimy. Tous les députés se sentent désormais concernés par les questions ultramarines et les actions défendues par les élus d’outre-mer prennent une dimension universelle, dans la mesure où nous pouvons, dans ces territoires, être plus démonstratifs qu’ailleurs, dans la mesure où, sur le plan environnemental, les richesses qu’ils recèlent nous donnent une place particulière en matière de biodiversité à l’échelle de la planète. La progression des crédits de cette mission n’est donc pas le fait du hasard.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. C’est peu de dire que la Commission des lois s’intéresse aussi à la situation des outre-mer. Le caractère récurrent de nos discussions budgétaires nous donne l’occasion, année après année, d’approfondir notre connaissance des questions qui se posent dans ces départements et collectivités. En Polynésie française, l’arrivée du nouveau président Édouard Fritch permet d’espérer que se retissent des liens de confiance et de responsabilité avec l’État.

Comme c’est l’usage, nos deux rapporteurs pour avis ont centré leurs efforts sur un sujet, de façon à assurer une continuité dans l’observation des finances. René Dosière, qui s’est penché sur les enjeux économiques et sociaux dans les collectivités d’outre-mer, nous alerte notamment sur la situation de la protection sociale en Polynésie française. Pour surmonter leurs difficultés, ces collectivités ont certains leviers à leur disposition. Philippe Gomes ne me démentira pas si je dis que la politique industrielle dans le domaine du nickel en Nouvelle-Calédonie est un sujet ô combien d’actualité.

De son côté, Alfred Marie-Jeanne poursuit sa réflexion sur la justice dans les départements d’outre-mer. Madame la ministre, vous connaissez très bien ce sujet : avec la garde des sceaux, vous avec été destinataire en juillet dernier d’un rapport sur les problématiques pénitentiaires en outre-mer qui faisait suite à un travail, effectué en 2012 et 2013, sur les établissements pénitentiaires de la Nouvelle-Calédonie et de La Martinique. Malheureusement, la situation se dégrade, année après année, alors que l’État fait des efforts de reconstruction car les outre-mer sont concernés à de multiples chefs par les plans adoptés par la chancellerie. Le rapport d’Alfred Marie-Jeanne est une mine d’informations sur la peine de probation et sur les raisons pour lesquelles elle ne se développe pas suffisamment dans les outre-mer.

Je les remercie tous les deux pour la qualité de leur rapport et je vous remercie par avance, madame la ministre, pour celle des réponses que vous leur apporterez.

M. Dominique Lefebvre, président. Monsieur le président des affaires économiques voulait ajouter un mot avant que Patrick Ollier, rapporteur spécial de la Commission des finances, n’intervienne sur les dispositions fiscales propres à l’outre-mer, qui font l’objet de nombre de nos débats.

M. le président François Brottes. Au temps où Patrick Ollier présidait la Commission des affaires économiques, j’avais du mal à prendre la parole, alors j’en profite aujourd’hui pour m’exprimer deux fois avant lui. (Sourires.)

Je voulais prévenir les membres de la Commission des affaires économiques que le vote sur l’excellent rapport d’Éricka Bareigts aurait lieu à l’issue de cette séance. Éricka Bareigts, qui était rapporteure du projet de loi relatif à la régulation économique outre-mer, a aussi co-écrit un rapport d’information sur l’adaptation du droit de l’énergie aux outre-mer, ces zones insulaires non interconnectées comme on les désigne dans le jargon.

M. Patrick Ollier, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président de la Commission des affaires économiques, je vous ferais remarquer que, malgré toute ma pugnacité, je n’ai jamais réussi à vous empêcher de parler durant mes dix années de présidence. Je vous sais gré de me reconnaître une autorité que je n’ai jamais pu avoir sur vous…

Madame la ministre, je tenais à vous remercier pour la qualité des échanges que j’ai pu avoir avec vous et avec les membres de votre cabinet, ce qui nous a permis de travailler en confiance. Aussi ai-je été étonné des délais tardifs avec lesquels les documents budgétaires me sont parvenus, et tout particulièrement le document de politique transversale. Je n’ai pas été informé non plus du retard pris dans la mise en œuvre des deux crédits d’impôt institués par la loi de finances initiale pour 2014, qui restent dans l’attente de la décision de la Commission européenne. Je n’ai pas pu obtenir les détails que je souhaitais à ce sujet. J’espère que vous ferez les remarques qui s’imposent afin que ces problèmes ne se reproduisent pas l’année prochaine.

Concernant la mission « Outre-mer », je me réjouis de constater une hausse de 0,3 % des crédits de paiement pour un budget qui s’élèverait donc à 2,06 milliards d’euros en 2015. Les autorisations d’engagement sont, quant à elles, en baisse de 2,3 %, ce qui ne sera pas préjudiciable à l’outre-mer, à condition que les perspectives du budget triennal prévoyant une progression de 4,7 % sur la période 2014-2017 soient respectées. Malgré la conjoncture économique, le budget de l’outre-mer est en partie épargné par les coupes budgétaires, ce dont, moi aussi, je me félicite : son caractère prioritaire pour le pays est ainsi reconnu comme nous l’appelions de nos vœux. Avec un taux de chômage qui dépasse 25 % et qui frôle même 60 % chez les jeunes, nos collectivités ultramarines ont plus que jamais besoin d’une politique responsable et efficace.

Aux crédits budgétaires s’ajoutent les dépenses fiscales qui représentent un effort supplémentaire de l’État à hauteur de 3,8 milliards d’euros. Si j’ai accepté d’être rapporteur spécial pour l’outre-mer, c’était précisément pour défendre le maintien de ces dispositifs de défiscalisation qui sont les seuls moyens de créer de la richesse et des emplois dans ces territoires, et qui ne méritent donc pas d’être qualifiés de niches fiscales.

Les dépenses en faveur de l’investissement productif et du logement social demeurent des leviers essentiels de mobilisation de l’épargne privée au service du développement économique. Représentant près de 1 milliard d’euros, elles confirment toujours davantage leur caractère incitatif pour les investisseurs et leurs effets bénéfiques pour les secteurs prioritaires de l’économie ultramarine. Je me réjouis donc de les savoir désormais consolidées.

De même, j’approuve la proposition du Gouvernement de majorer le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) pour les entreprises situées dans les départements d’outre-mer. Cette mesure, évoquée dans le rapport de la Délégation aux outre-mer de l’Assemblée nationale établi par Jean-Claude Fruteau et Daniel Gibbes, représentera sans aucun doute une aide précieuse pour les entreprises et un moyen supplémentaire de retrouver le chemin de la croissance et de l’emploi. Elle complète utilement les mesures d’exonérations prévues dans le cadre du programme « Emploi » pour un peu plus de 1,1 milliard d’euros. J’appelle cependant votre attention, madame ma ministre, sur le fait que le recentrage croissant sur les bas salaires constitue un levier important mais pernicieux : je crains qu’il entraîne l’emploi ultramarin dans un effet de trappe à bas salaires.

Je suis heureux que cette majoration soit également appliquée au crédit d’impôt recherche (CIR), conformément à la position que j’ai vivement défendue. La dernière étape à envisager serait d’étendre cette logique au crédit d’impôt innovation (CII) afin de cibler les PME qui en ont aussi besoin. Cette piste est-elle envisagée par le Gouvernement ?

Quel est l’avenir des deux dispositifs spécifiques que sont l’octroi de mer et la TVA non perçue récupérable ? Alors qu’ils constituent une réserve de ressources indispensables pour les collectivités et les entreprises ultramarines, leur pérennité ne semble pas assurée à court terme pour la TVA non perçue récupérable et à l’échéance de 2020 pour l’octroi de mer. Pouvez-vous nous éclairer sur ce point ?

Je dois également vous faire part de mon inquiétude concernant les crédits dévolus à l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité (LADOM), qui baissent de 17 % à périmètre constant. Lors des auditions, j’ai pu constater la volonté de la nouvelle direction de LADOM de moderniser les procédures et de rationaliser les dispositifs afin de participer à l’effort de maîtrise des coûts. Par ailleurs, j’ai conscience que le système de guichet illimité et « tout public » qui prévalait jusqu’à présent dans le dispositif de l’aide à la continuité territoriale ne pouvait perdurer au vu de la croissance exponentielle des demandes : elles ont augmenté de 10 % en 2014. La mise en place d’un droit triennal se justifie amplement afin d’éviter les dérives et abus en tout genre. Quelles sont les conclusions de l’étude d’impact menée sur le sujet ?

Enfin, je terminerai mon propos sur l’article 57 du projet de loi de finances qui propose la suppression de l’aide à la rénovation hôtelière dont le montant est de 3 millions d’euros. J’ai entendu les arguments du ministère visant à démontrer le caractère globalement inefficace de cette aide, mais je regrette qu’elle soit supprimée de manière brutale sans dispositif de sortie. Or cette aide est particulièrement utilisée par certains territoires, notamment par la collectivité de Saint-Martin dont l’activité touristique a besoin d’être soutenue pour résister à la concurrence de la partie néerlandaise de l’île et à celle des îles voisines.

Avec Daniel Gibbes, je présenterai donc un amendement visant à appliquer un taux majoré de 45,9 % aux travaux de rénovation et de réhabilitation d’hôtels réalisés à Saint-Martin. J’espère, madame la ministre, mes chers collègues, que cet amendement sera adopté.

Pour conclure, j’émets un avis favorable aux crédits de la mission.

M. Serge Letchimy, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques sur la mission « Outre-mer ». Dans le contexte actuel, il est appréciable que le budget des outre-mer soit stabilisé et que les crédits de paiement s’inscrivent même en légère hausse. Cela étant, la diminution des autorisations d’engagement – notamment en ce qui concerne le logement – nous invite à la vigilance.

Sur un budget de 18 milliards d’euros, la mission « Outre-mer » représente 2 milliards d’euros en crédits budgétaires et surtout 3,8 milliards d’euros en dépenses fiscales. S’agissant des crédits budgétaires, la baisse des crédits du Fonds de continuité territoriale et du Fonds exceptionnel d’investissement suscite mon inquiétude.

En quelque sorte victime de son succès, l’aide à la continuité territoriale voit ses crédits diminuer de 10 millions d’euros. Comme Patrick Ollier, je pense qu’il aurait mieux valu revoir les critères d’attribution que de procéder à une coupe sèche, d’autant que des conventions ont été passées avec les collectivités locales.

Les crédits du Fonds exceptionnel d’investissement baissent également de 10 millions d’euros, alors que le Président de la République avait promis que ce fonds serait doté de 500 millions d’euros en cinq ans, entre 2012 et 2017. L’abondement atteignait à peine de 25 millions d’euros la première année et il n’a jamais dépassé 50 millions d’euros par an. Personnellement, je plaide pour que l’engagement du Président de la République soit respecté. Qu’en pensez-vous, madame la ministre ?

Le projet de loi de finances pour 2015 comporte deux mesures fiscales qui me semblent très intéressantes : la majoration à 50 % du CIR et la majoration à 9 % du CICE. Cet effort en faveur du CIR est d’autant plus important que nous sommes dans une dynamique de recherche de filières économiques à exploiter et que la question de l’innovation est essentielle.

En ce qui concerne le CICE, le Gouvernement a été bien inspiré de reprendre la proposition de la Délégation aux outre-mer, présidée par Jean-Claude Fruteau. Pour les entreprises ultramarines, son taux passera à 7,5 % dès le 1er janvier 2015, puis à 9 % en 2016. Pour ma part, je plaide pour l’application d’un taux majoré de 12 % aux six secteurs d’activités que la Loi pour le développement économique des outre-mer (LODEOM) avait jugés particulièrement exposés à la mondialisation. Il ne faut pas le réserver au seul secteur du tourisme.

L’article 57 du projet de loi de finances prévoit la suppression de l’aide à la rénovation hôtelière (ARH), réservée aux établissements de moins de 100 chambres, que sa complexité a rendue quasiment inutilisable. Pourtant, il faut absolument maintenir une politique d’investissements, de rénovation et de construction d’hôtels. Outre son effet sur les comptes d’exploitations en termes de réduction des charges, le CICE doit aider les entreprises du tourisme à résoudre les trois problèmes auxquels elles sont confrontées : l’investissement, la formation professionnelle et l’approvisionnement.

C’est pourquoi je propose la création d’un nouveau type d’aide pour le tourisme, sur le modèle du programme d’action spécifique à l’éloignement et à l’insularité du secteur agricole. Avec ce « POSEI tourisme », il s’agit de subventionner l’effort d’approvisionnement en produits locaux, en partant du constat que plus de 80 % des produits consommés dans les hôtels sont importés, notamment de l’hexagone. Ce « POSEI tourisme » peut enclencher une véritable dynamique. Nous devrions avoir l’audace de mesurer les retombées d’un CICE à 12 % sur l’investissement, la formation professionnelle et l’approvisionnement.

Dans mon rapport, j’ai formulé dix propositions. L’une porte sur le désenclavement qui reste une question centrale, notamment depuis l’arrêt de desserte des Antilles au départ de Roissy qui avait pour but d’attirer des touristes internationaux. Une autre concerne l’assouplissement des procédures de délivrances de visas. Je préconise aussi une réforme du code du travail qui tienne compte de la saisonnalité : il faut accompagner les gens qui se forment en période creuse et leur accorder des droits. Enfin, nous devons préparer la session du Conseil national de promotion du tourisme, dédiée aux outre-mer, que vous avez appelée de vos vœux, madame la ministre, et qui va se tenir en 2015. Il s’agit d’entrer dans la dynamique d’une nouvelle ingénierie pour le tourisme.

Mon intervention a porté principalement sur le tourisme, mais tous les secteurs sont concernés par votre budget. J’invite d’ailleurs mes collègues à voter en faveur de ces crédits, en légère augmentation, de la mission « Outre-mer ».

M. René Dosière, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour les collectivités d’outre-mer, la Nouvelle-Calédonie et les terres australes et antarctiques françaises. Dans le bref temps de parole qui m’est imparti, madame la ministre, je me contenterai de vous poser quelques questions sur les territoires dont j’assure en quelque sorte le contrôle parlementaire.

S’agissant de la Nouvelle-Calédonie, nous entrons dans le processus de sortie de l’Accord de Nouméa, qui n’a rien d’une opération simple, en tout cas d’un chemin facile. Je voudrais vous interroger plus particulièrement sur la composition du corps électoral particulier retenu pour cette consultation de sortie, différent de celui qui existe pour les élections provinciales. Il conviendrait que tout soit mis en œuvre afin de prévenir toute contestation sur la régularité de ce corps électoral. D’après le Conseil d’État, il faudrait modifier la loi organique. Qu’en pensez-vous ?

Pour ma part, je suis résolument hostile à ce qu’une mission de contrôle de l’Organisation des Nations unies, quelle qu’elle soit, vienne vérifier si nous appliquons correctement notre législation. J’aimerais que vous puissiez nous donner votre sentiment sur cette idée émise par certains indépendantistes.

Le processus de transfert de l’Agence de développement rural et d’aménagement foncier (ADRAF) aux institutions calédoniennes n’a pas encore été engagé. Pouvez-vous me dire quand et comment vous envisagez ce transfert ?

S’il est important que les Calédoniens – j’en profite pour saluer notre collègue Philippe Gomes – mettent en place une stratégie nickel à l’échelle de leur territoire, il importe aussi que la France ait une politique nationale et internationale dans ce domaine. Je souhaiterais que vous puissiez sensibiliser votre collègue de l’industrie sur ce point.

En Polynésie française, une page de l’histoire politique se tourne avec le départ quelque peu forcé de Gaston Flosse et l’arrivée d’Édouard Fritch. Le nouveau président de la Polynésie française peut s’appuyer sur une majorité renforcée et manifeste le souci d’entretenir avec le Gouvernement français des relations beaucoup plus directes, franches et cordiales que son prédécesseur. C’est un effort que je salue. Une mission vient de souligner les difficultés du régime social, tout à fait particulier, de la Polynésie française. Envisagez-vous de rétablir l’aide que la France accordait traditionnellement à ce régime jusqu’en 2007 ? Si oui, à quelles conditions ? Quels sont les efforts que la collectivité devrait réaliser pour que la France puisse à nouveau s’engager à côté de la Polynésie dans le financement de régime social ?

Concernant Saint-Martin, je voudrais vous rappeler la proposition intéressante de mon collègue Daniel Gibbes : la mise en place d’une instance institutionnelle de coopération entre les deux parties de l’île. À défaut, quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de prendre pour éviter que les fonds que la France attribue à la partie française de Saint-Martin cessent de financer la partie hollandaise, sachant que des millions d’euros sont en jeu ?

Enfin, dans son dernier rapport sur la santé outre-mer, la Cour des comptes a insisté sur les difficultés et le fort endettement de l’agence de santé de Wallis-et-Futuna. Qu’envisagez-vous de faire pour résorber cette dette ?

M. Alfred Marie-Jeanne, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour les départements d’outre-mer. Dans le cadre des crédits de la mission « Outre-mer » pour 2015, j’ai pensé qu’il était opportun d’intervenir sur le développement de la probation et des peines exécutées en milieu ouvert outre-mer, dans le droit fil de mon précédent avis sur le milieu fermé et la surpopulation carcérale.

Dans le contexte budgétaire contraint que nous connaissons, je prends acte de l’effort annoncé par le Gouvernement en faveur de la justice dans les outre-mer : développement des aménagements de peine pour donner toute sa place au milieu ouvert, rénovation du parc pénitentiaire pour répondre à la surpopulation carcérale, renforcement des moyens humains et financiers pour accompagner la mise en œuvre de la contrainte pénale créée par la loi du 15 août 2014.

Le recours aux aménagements de peine demeure trop faible dans les outre-mer où seulement 15 % des personnes condamnées bénéficiant d’un aménagement contre 20 % sur l’ensemble du territoire national. Ce constat est d’autant plus important qu’il s’inscrit dans une situation très dégradée, car nous faisons déjà face à la vétusté et à la surpopulation de nos établissements pénitentiaires.

Sur toutes ces problématiques, je souhaiterais, madame la ministre, vous poser quelques questions.

Premièrement, c’est un fait que trop peu de peines sont exécutées en milieu ouvert, d’où un retard considérable dans la mise en œuvre d’alternatives crédibles et efficaces à la détention. Quelles mesures vont être prises pour développer une culture judiciaire et pénale plus favorable aux peines en milieu ouvert ?

Par ailleurs, je voudrais insister sur la nécessité d’adapter la politique pénale nationale aux spécificités de chaque territoire. Le manque de prise en compte de ces spécificités est l’un des facteurs qui explique le retard pris dans le développement de la probation. Je prends acte de la publication, depuis mai 2012, des quatre circulaires territoriales de politique pénale concernant respectivement la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et la Nouvelle-Calédonie. Cette territorialisation de la politique pénale était attendue.

Quel bilan le Gouvernement dresse-t-il de l’application de ces circulaires au regard des objectifs assignés ? Pouvez-vous également nous indiquer si de nouvelles circulaires propres à d’autres territoires seront prises ? Plus largement, quelles sont, selon vous, les adaptations qu’il convient d’apporter à la politique pénale pour mieux prendre en compte leurs contraintes, notamment géographiques ?

La loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines prévoit des outils d’évaluation de la personnalité, de la situation matérielle, familiale et sociale des personnes sous main de justice, dans le but de mieux individualiser les peines et de renforcer le suivi en milieu ouvert. Or, selon les données qui m’ont été transmises, ce programme d’études actuellement en cours de réalisation se déroule dans six services pénitentiaires d’insertion et de probation situés en France métropolitaine. À mon grand étonnement, les spécificités des outre-mer et de la population pénale de ces territoires ne seront donc pas prises en compte. Pouvez-vous, madame la ministre, nous indiquer si les services pénitentiaires d’insertion et de probation outre-mer seront directement concernés ou pas ?

Deuxièmement, s’agissant du milieu fermé, les établissements pénitentiaires en outre-mer se caractérisent par leur état de vétusté et de surpopulation, maintes fois dénoncé. Il ressort de mes travaux qu’en outre-mer, plus encore qu’ailleurs, le milieu fermé doit être pensé en complément du milieu ouvert. Les personnes détenues présentent, en règle générale, un taux de récidive plus élevé que celles exécutant une peine en milieu ouvert. Ce taux de récidive est d’autant plus élevé que les conditions de détention sont mauvaises. Ce constat, très largement connu et admis, a fait l’objet d’un rapport sur les problématiques pénitentiaires en outre-mer. Remis à la garde des sceaux en mars 2014, il formule une quarantaine de propositions.

Madame la ministre quelles sont les mesures envisagées, pour améliorer les conditions de vie des détenus dans les établissements pénitentiaires en outre-mer ? Plus précisément, quelles sont les mesures urgentes qui vont être prises concernant le centre pénitentiaire de Ducos en Martinique, pour lequel l’État a été condamné le 17 octobre dernier par le tribunal administratif de Fort-de-France ? Pouvez-vous enfin nous indiquer les suites qui vont être données aux propositions formulées par le groupe de travail sur les problématiques pénitentiaires en outre-mer ? Quelles sont les propositions qui ont vocation à être mises en œuvre et suivant quel calendrier ?

Troisièmement : cette situation particulièrement dégradée du milieu fermé comme du milieu ouvert est le résultat d’un manque global de moyens budgétaires et humains. Le parc immobilier est insuffisant ; il n’offre pas assez de places pour la détention et de structures d’accueil pour le milieu ouvert. Les nombreux travaux annoncés depuis plusieurs années figurent dans le budget pour 2015, notamment la construction d’un centre de semi-liberté en Martinique, d’un établissement pénitentiaire à Koné dans la province Nord de Nouvelle-Calédonie et la rénovation du centre pénitentiaire de Faa’a-Nuutania en Polynésie.

Pouvez-vous, madame la ministre, nous préciser l’état d’avancement de ces projets immobiliers, leur calendrier de réalisation ainsi que la répartition des places entre milieu fermé et milieu ouvert ?

L’entrée en vigueur, le 1er octobre 2014, de la nouvelle peine de contrainte pénale et de la nouvelle procédure de libération sous contrainte permettra indéniablement de diversifier la réponse pénale et de mieux individualiser le suivi de chaque personne condamnée. Quelque 1 000 créations de postes sont annoncées dans les services pénitentiaires d’insertion et de probation entre 2014 et 2017. Pouvez-vous, madame la ministre, nous indiquer combien de ces postes seront affectés aux outre-mer pour combler leur retard et mettre en œuvre la réforme pénale ?

M. Dominique Lefebvre, président. Je remercie nos rapporteurs d’avoir globalement respecté le temps qui leur était imparti.

Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer. Messieurs les présidents, messieurs les rapporteurs, je souhaite d’abord vous exprimer mes remerciements chaleureux pour votre mobilisation dans le cadre de nos travaux budgétaires. Mesdames et messieurs les députés, je vous remercie d’être aussi nombreux, ce qui témoigne de l’intérêt porté par la représentation nationale aux outre-mer.

Vous m’avez signalé quelques retards de transmission, que je regrette. Je ferai part de vos remarques à mes services, mais il faut reconnaître qu’ils font en général ce qu’ils peuvent. Quant aux retards concernant les instances européennes, ils ne nous sont pas forcément imputables : nous entretenons un dialogue suivi avec la Commission qui nous répond à son rythme. Mais j’ai une bonne nouvelle : ce matin, après des mois d’efforts, le collège des commissaires a enfin adopté la proposition de décision concernant l’octroi de mer. Tout arrive… Nous allons pouvoir engager la procédure en vue de son adoption par le Parlement européen.

Tout en s’inscrivant dans un contexte de crise où des économies sévères sont demandées à la nation tout entière, le budget que je vous présente exprime l’importance accordée par le Président de la République et du Premier ministre aux outre-mer : il est en hausse. Nous réaffirmons ainsi la volonté de décliner dans les départements et collectivités d’outre-mer une stratégie pour la croissance et l’emploi qui est amplement nécessaire.

En 2015, les crédits de paiement de la mission « Outre-mer » s’élèveront à 2,064 milliards d’euros, ce qui représente une progression de 0,3 % par rapport à 2014. Dans le cadre du budget triennal, les crédits de paiement augmenteront de 5,5 % et dépasseront 2,170 milliards d’euros en 2017.

Cette progression de nos crédits est en réalité plus importante que ne le laisse entendre cette première présentation. En effet, une mesure de périmètre conduit à déplacer une partie des crédits pour la compensation des exonérations de charges sociales vers le budget de la Sécurité sociale. Si l’on réintègre ces crédits, la croissance du budget des outre-mer atteint 2,7 % cette année et 8,3 % sur la période 2015-2017. Je tiens également à souligner que les indicateurs de l’action de l’État en outre-mer, qui sont présentés dans le cadre du document de politique transversale (DPT), font apparaître la même évolution positive sur l’ensemble des champs d’intervention de l’État.

Le budget des outre-mer est tourné vers la création et le développement de l’emploi, dans la droite ligne des orientations définies par mon prédécesseur Victorin Lurel dont je salue l’action très positive. Quelque 1,129 milliard d’euros seront consacrés à la compensation des exonérations de charges sociales patronales. Ce poste va progresser d’environ 200 millions euros sur l’ensemble du quinquennat, ce qui montre l’ampleur de l’effort consenti pour améliorer la compétitivité des entreprises ultramarines et les aider à faire face à la concurrence régionale et internationale qu’elles doivent affronter.

Nous avons aussi souhaité renforcer le CICE de manière à ce que les entreprises profitent au maximum de l’effort que nous faisons pour alléger le coût du travail dans les outre-mer. Nous ne le faisons pas seulement par amour pour l’entreprise, ce qui en soit est tout à fait louable ; nous avons l’espoir d’améliorer la situation de l’emploi dans les outre-mer, proprement catastrophique comme vient de le rappeler le rapporteur.

En matière d’aide au premier emploi et d’accompagnement de l’économie sociale et solidaire, nous avons signé une convention avec la Caisse des dépôts et consignations, le 30 septembre dernier. Il s’agit de faciliter la création de petites entreprises dans ce domaine, et de les aider à embaucher un premier salarié. Cette initiative devrait contribuer à améliorer significativement la situation de l’emploi dans les outre-mer.

Dans ce budget 2015, nous réaffirmons aussi la priorité accordée à la formation et à l’insertion des jeunes. En ce qui concerne le service militaire adapté au profit des jeunes ultramarins sortis du système scolaire sans qualification (SMA), nous maintenons l’objectif de porter le nombre des bénéficiaires à 6 000 au cours du quinquennat. Ses moyens sont donc maintenus voire augmentés pour qu’il puisse accueillir un plus grand nombre de stagiaires encore.

Nous avons aussi consolidé les crédits de LADOM dont le travail en faveur de l’accès des jeunes à la qualification et à l’emploi mérite d’être salué. Les crédits de LADOM intègrent désormais la dotation de l’Association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) de manière à assurer une unité de la formation des jeunes de l’outre-mer, avec en perspective l’accueil de 4 800 stagiaires.

Il me paraît indispensable de souligner la cohérence des choix opérés dans le cadre de ce budget. La priorité étant l’emploi, et notamment l’accès à l’emploi des jeunes, nous avons été obligés de sacrifier d’autres lignes budgétaires qui nous semblaient moins importantes.

S’agissant de l’aide à la continuité territoriale, nous avons préservé – voire augmenté – les crédits du passeport mobilité études et formation professionnelle. Nous considérons que les jeunes ont avant tout besoin de se former et d’accéder à un emploi ; il y va de leur dignité. Nous avons donc diminué les crédits de l’aide à la continuité territoriale « tout public », afin de préserver les moyens en faveur des familles les plus démunies et de la formation. Cette décision a provoqué un peu d’émotion dans les outre-mer, ce que je peux comprendre, mais nous avons besoin de nous concentrer sur l’essentiel. Nous verrons s’il est possible d’entendre certaines demandes, notamment des plus modestes ; reste qu’en multipliant les possibilités de voyage, notamment pour les familles des classes moyennes, certaines régions ont fait exploser le dispositif. Un coup d’arrêt s’imposait.

Ma troisième priorité, le logement, correspond à une aspiration profonde et à des attentes quotidiennes de nos concitoyens. Pour mener une vie digne, il est essentiel d’avoir un logement décent. J’ai eu beaucoup de plaisir à visiter récemment, avec Mme Gabrielle Louis-Carabin, députée maire du Moule, les opérations de résorption de l’habitat insalubre dans cette commune, en respectant les habitudes des gens, leur jardin, leur petite maison, etc. C’est un exemple tout à fait remarquable de ce qui peut être fait outre-mer pour apporter la modernité et le confort dans le respect des traditions locales.

Les crédits de paiement de la ligne budgétaire unique (LBU) sont stables mais affirmés en faveur de la construction de logements sociaux dont la ligne progresse de 2,8 %. Les capacités d’engagement en faveur de la construction neuve et de la réhabilitation sont intégralement préservées dans le budget triennal. Ce faisant, je réponds aux inquiétudes exprimées par le rapporteur car je n’ignore pas que la LBU, très importante pour les outre-mer, est scrutée par les élus et qu’il est très difficile d’y toucher.

Je connais aussi votre attachement au logement intermédiaire dont vous avez discuté ce matin avec Mme Pinel. Le ministère des outre-mer est bien évidemment à vos côtés pour maintenir ce logement intermédiaire qui marque souvent une étape dans le parcours d’une famille après le logement locatif très social et avant l’accès à une petite maison. Nous devons respecter ces trajectoires de vie. Vous avez demandé un relèvement du plafond à 18 000 euros et je suis persuadée que nous parviendrons à trouver une solution pour lever les contraintes qui s’imposent à ce dispositif.

Vous avez inscrit plusieurs autres amendements dans votre programme de travail : une meilleure adaptation au contexte particulier des outre-mer du crédit d’impôt de transition énergétique ; le recours au crédit d’impôt défiscalisation pour faciliter le désamiantage des immeubles locatifs sociaux de plus de vingt ans ; la levée des obstacles qui empêchent l’utilisation de l’aide fiscale à l’investissement pour la construction d’immeubles destinés à du prêt social de location accession (PSLA), ou encore le passage à un taux de 50 % du crédit d’impôt innovation.

Nous sommes en train de travailler ensemble sur un véritable plan logement, significatif et organisé, dans les outre-mer parce que nous avons besoin d’ordonner les nombreux dispositifs qui existent. Au passage, je salue Jean-Louis Dumont, le président de l’Union sociale pour l’habitat outre-mer (USHOM). Nous devrions essayer de faire mieux avec les lignes existantes et les montants de crédits en jeu.

Quatrième priorité de mon budget pour 2015 : l’investissement public qui bénéficie d’un effort substantiel. Certes, et cela ne vous a pas échappé, les crédits du Fonds exceptionnel d’investissement ne progressent pas. Cette ligne a donné lieu à une bagarre assez sérieuse avec les services du budget qui ne l’apprécient guère… En 2010 et 2011, elle était descendue à des niveaux inacceptables. Avec l’énergie qui le caractérise, Victorin Lurel était parvenu à la faire remonter. Cette année, elle a été maintenue à 40 millions d’euros et j’espère qu’elle sera augmentée au cours des prochaines années.

Les crédits de paiement de la politique contractuelle augmentent de près de 6 % entre 2014 et 2015, ce qui représente près de 11 millions d’euros. De surcroît, les outre-mer vont bénéficier de fonds structurels européens importants auxquels s’ajouteront les moyens issus du plan très haut débit à hauteur de plus de 80 millions d’euros et des plans séismes. Nous avons donc des possibilités pour améliorer la vie dans les outre-mer.

Cette revalorisation de nos autorisations d’engagement permettra aussi la préservation intégrale de l’effort consenti par l’État dans le cadre des contrats à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Martin et Saint-Barthélémy cette année, en Polynésie française en 2015, en Nouvelle-Calédonie en 2016 et à Wallis-et-Futuna en 2017. De même, j’ai souhaité que les collectivités puissent disposer de moyens suffisants pour assurer pleinement leur rôle de soutien de la commande publique qui, en outre-mer plus qu’ailleurs, joue un rôle essentiel pour l’emploi et les entreprises.

L’enveloppe de bonification des prêts de l’Agence française pour le développement (AFD) est préservée. L’effet levier des prêts consentis sera accru pour certains projets ; l’aide de l’État en faveur des constructions scolaires en Guyane et à Mayotte est maintenue. Certes, l’ampleur des besoins est telle, en Guyane notamment, que nous sommes encore loin du compte. Les crédits sont nécessaires mais encore faut-il être en mesure de les mobiliser : à Mayotte, par exemple, les réalisations ne suivent pas la mise à disposition des crédits.

Je suis pleinement consciente des effets de la baisse des dotations de l’État, notamment de la dotation globale de fonctionnement (DGF), et j’ai entendu les protestations des collectivités. Mon ministère sera à vos côtés pour faire en sorte que cette baisse soit limitée et que les ressources propres des régions n’en subissent pas les conséquences. De la même manière, j’ai demandé et obtenu que la dotation globale d’autonomie de la Polynésie française évolue de manière beaucoup plus favorable que ce qu’aurait imposé son alignement sur le droit commun de la DGF des régions métropolitaines. Je vous confirme à cet égard, monsieur le rapporteur spécial, que le Gouvernement entend bien préserver l’octroi de mer.

Serge Letchimy a fait un rapport extrêmement précis et documenté sur le tourisme. C’est un secteur qui va retenir toute notre attention au cours des semaines à venir : avec Laurent Fabius, nous allons préparer la session du Conseil national de promotion du tourisme, dédiée aux outre-mer. Ce secteur a souffert, notamment après la crise de 2009, mais donne des signes encourageants de reprise : la fréquentation s’améliore aux Antilles et en Polynésie française. Nous devons améliorer la valorisation des destinations en lien avec Atout France et moderniser les équipements touristiques.

Il est vrai que nous avons fait l’impasse sur l’aide à la rénovation hôtelière cette année. Comme Serge Letchimy l’explique très bien dans son rapport, la complexité de cette aide la rendait largement inutilisée : les hôteliers préféraient manifestement s’organiser autrement et passer notamment par des dispositifs de défiscalisation. Nous devons réfléchir ensemble à une nouvelle stratégie. Le rapporteur donne un exemple très intéressant, celui d’un hôtel de taille moyenne à la Martinique. Ces établissements, qui sont plus proches de leurs employés et de leur clientèle, réussissent peut-être un peu mieux que les grandes structures. En tout cas, cela vaut la peine que nous y réfléchissions.

Vous vous interrogez, monsieur le rapporteur, sur la mesure qui pourrait se substituer à cette aide et contribuer au renouvellement du parc hôtelier, tout en soulignant l’importance des investissements hôteliers pour Saint-Martin. À ce propos, je salue la manière dont les hôteliers de l’île ont effacé assez rapidement les conséquences de l’ouragan Gonzalo. En visitant Saint-Martin dimanche, j’ai été frappée de constater que les habitants avaient tout de suite retroussé leurs manches pour remettre l’île en état et être en mesure de démarrer la saison touristique dans de bonnes conditions. J’ai été très impressionnée.

Au-delà de la pérennisation de l’aide fiscale dans le domaine de la rénovation, le Gouvernement sera attentif à mobiliser tous les leviers, et notamment le CICE dont le taux va être majoré de 7,5 % à 9 %. Nous discutons d’une nouvelle majoration pour les secteurs exposés à la concurrence comme le tourisme. Nous avons saisi les instances européennes à ce sujet.

Pour répondre à M. Dosière, les questions institutionnelles relatives à l’avenir de la Nouvelle-Calédonie et aux suites à donner à l’avis du Conseil d’État du 6 février 2014, méritent d’être abordées dans un cadre dédié. Nous travaillons en liaison étroite avec les élus et les groupes politiques calédoniens sur des questions telles que la constitution de la liste électorale spéciale. Avec tous les acteurs politiques du territoire, nous avons créé des groupes de travail chargés de définir les conditions d’une consultation la plus efficace et la plus transparente possible.

Pour ma part, je ne pense pas qu’il soit indispensable d’avoir recours à des conseils extérieurs sauf, peut-être, si nous n’arrivons pas à nous mettre d’accord. Tous les acteurs du territoire travaillent à répondre aux questions qui se posent de la manière la plus équitable possible. Il est prévu que nous puissions déposer un projet de loi organique dès 2015, révisant la loi organique de 1999, de manière à résoudre les problèmes qui se posent quant à l’organisation de la consultation et à la composition du corps électoral. Le comité des signataires souhaite que l’on simplifie au maximum et que certaines catégories soient inscrites de manière quasiment automatique. J’espère que les groupes de travail pourront présenter assez rapidement des propositions.

Je précise également qu’un dialogue est engagé entre le ministère des outre-mer et le ministère de l’agriculture pour évaluer les modalités d’un redressement des subventions accordées par ce dernier à l’ADRAF.

Monsieur Dosière, vous m’avez aussi interrogée au sujet de la dette de l’agence de santé de Wallis-et-Futuna, relative notamment aux évacuations sanitaires. Comme je l’ai dit en Nouvelle-Calédonie, cette question relève de l’État, dans la mesure où c’est davantage une dette de l’État qu’une dette de Wallis-et-Futuna. Nous devons faire en sorte que le budget de cette agence de santé soit correctement calculé pour qu’il corresponde aux besoins et qu’il ne soit pas systématiquement sous-doté. Par ailleurs, nous avons fait des propositions pour apurer la dette ; les arbitrages sont en cours et j’espère qu’ils seront rendus rapidement.

M. Marie-Jeanne m’a posé une série de questions sur le système pénitentiaire. Comme lui, je pense que nous devons progresser en matière de prise en charge de la protection judiciaire de la jeunesse et de peines alternatives à l’emprisonnement. Pour l’instant, c’est encore un peu balbutiant.

L’immobilier pénitentiaire est dans un état extrêmement dégradé. Les arbitrages budgétaires rendus vont permettre de commencer à remédier à la situation : le budget triennal prévoit la création du centre de courtes peines de Koné, en Nouvelle-Calédonie, de même que la rénovation des prisons de Basse-Terre, de Faa’a-Nuutania et de Ducos – s’agissant de ce dernier établissement, la justice s’est condamnée elle-même, si j’ose dire, en jugeant les conditions de détention indignes. Enfin, une antenne du service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) sera créée à Saint-Martin, ce qui comblera un vrai manque.

Pour conclure, dans le contexte national et européen que vous connaissez, le budget des outre-mer pour l’année 2015 me semble de nature à concilier les impératifs de solidarité gouvernementale dans la réduction des dépenses publiques et la volonté, réaffirmée par le Président de la République, de faire des outre-mer une chance pour la France. Nos priorités ont pu être préservées, et c’est désormais dans le cadre du débat que nous allons rechercher des marges de progrès. Comme je l’ai indiqué, le Gouvernement sera attentif aux amendements d’origine parlementaire et les soutiendra à chaque fois qu’elles seront de nature à améliorer ce budget tout en correspondant à l’intérêt général.

M. Dominique Lefebvre, président. Nous en venons aux interventions des porte-parole des groupes.

Mme Ericka Bareigts. Madame la ministre, nous souhaitons d’abord saluer votre premier budget, qui n’est pas marqué par un désengagement de l’État en outre-mer, mais au contraire par une légère progression en dépit du contexte budgétaire que nous connaissons tous. Ainsi, ce budget fait émerger une priorité sur les questions sociales, notamment celle de l’emploi, avec un effort particulier sur la formation des jeunes et l’aide à l’insertion professionnelle, qui progresse d’une dizaine de millions d’euros en autorisations d’engagement.

Nous tenons également à saluer le financement du plan « économie sociale et solidaire » en outre-mer. Le recentrage de l’aide à la continuité territoriale sur les populations les plus défavorisées, qui prend la forme d’un deuxième billet d’avion annuel pour les étudiants passant des concours, mais aussi la prise en charge d’un deuxième billet pour les accompagnants des évacués sanitaires, participe aussi de ce mouvement social. Par ailleurs, un effort notable est fait en direction des territoires : je pense à la reconversion économique en Polynésie, ainsi qu’à diverses dotations importantes pour le rattrapage du retard en équipements de la Guyane et de Mayotte.

J’aimerais néanmoins vous faire part de quelques interrogations. Je commencerai par les observatoires des prix, sujet qui me tient particulièrement à cœur. Il est mentionné dans votre budget que ces six observatoires, renforcés par la loi de régulation économique outre-mer, peuvent prétendre à un financement à hauteur de 500 000 euros. Par leur activité, ces organismes permettent de contenir la hausse des prix en outre-mer, de faire la transparence sur les prix, marges et revenus, en menant des études. J’avais saisi vos services d’une réclamation sur le manque de moyens humains attribués à ces observatoires. Je souhaite qu’un travail approfondi soit effectué sur les ressources mises à disposition de l’un des dispositifs centraux de notre politique de lutte contre la vie chère, et que la situation actuelle soit améliorée, car la vie chère et les situations de monopole constituent des combats importants pour nos populations.

Pour ce qui est de la LBU, votre budget présente une stabilisation des dépenses pour le logement qui représente une belle victoire. Il me semble toutefois que nous devons rester très vigilants sur ce dossier, d’abord parce la démographie fait peser une très forte pression sur notre parc de logements, ce qui nous fait prendre du retard par rapport aux besoins de notre population : dans la seule Réunion, plus de 23 000 logements sont en attente. Qui plus est, la construction de logements sociaux sera amenée à ralentir en outre-mer, puisque la nécessité d’intégrer les 5 % de LBU dans les projets pour bénéficier de la défiscalisation aura une conséquence négative sur la dynamique de cette ligne.

Enfin, je tiens à souligner, comme je l’ai fait ce matin auprès de votre collègue Mme Pinel, qu’il n’y aura pas de maîtrise de la consommation d’énergie ni de transition énergétique dans nos territoires si nous n’intégrons pas dans le bouquet de travaux éligibles au Crédit d’impôt transition énergétique des normes RTAA DOM. Vous n’en avez pas parlé tout à l’heure, madame la ministre ; je crois que ce serait une grave erreur que de ne pas régler cette question.

Si on peut toujours demander plus, le bouclage de ce budget dans un contexte extrêmement tendu constitue un exercice difficile. Pour l’essentiel, il répond à nos attentes, c’est pourquoi le groupe socialiste votera pour.

M. Daniel Gibbes. Madame la ministre, comme sans doute l’ensemble des parlementaires ici présents, c’est avec un certain soulagement que j’accueille votre budget 2015 pour les outre-mer. En très légère augmentation par rapport à 2014, ce budget préservé montre qu’en cette période extrêmement contrainte, le Gouvernement a conscience des urgences auxquelles restent confrontés nos douze territoires ultramarins.

Votre budget présente plusieurs motifs de réelle satisfaction, sur lesquels j’aurai l’occasion de revenir lors des débats en séance la semaine prochaine. Qu’il me soit cependant permis d’appeler votre attention sur un point particulier, source d’inquiétude pour les professionnels de l’hôtellerie de la collectivité d’outre-mer de Saint-Martin, déjà évoquée par notre collègue Patrick Ollier. L’article 57 du projet de loi de finances rattaché à la mission « Outre-mer » supprime, pour les établissements des départements d’outre-mer de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon, l’aide à la rénovation hôtelière instaurée par l’article 26 de la loi pour le développement économique des outre-mer de 2009.

Je ne crois pas me tromper dans les chiffres lorsque j’avance que ce dispositif, certes peu utilisé par les professionnels en raison d’une certaine complexité, coûtait près de 3 millions d’euros en année pleine. Si le faible nombre de bénéficiaires concernés et le montant réduit de l’enveloppe ne semblent pas très significatifs, cette mesure de suppression va particulièrement affecter la communauté d’outre-mer de Saint-Martin, qui est le territoire qui recourait le plus à cette aide à la rénovation hôtelière. Or, l’un des arguments avancés par le Gouvernement est que la suppression de cette aide, certes peu sollicitée, sera compensée par la mise en place du fameux CICE renforcé, avec un taux porté à 7,5 % au titre de 2015 et à 9 % au titre de 2016. Vous avez précisé qu’une réflexion était en cours pour porter ce taux à 12 % pour les secteurs exposés, dont l’hôtellerie, et c’est sur ce point que je m’interroge : renforcé ou non, le CICE n’est pas applicable aux collectivités d’outre-mer régies par l’article 74 de la Constitution, en raison de leur compétence fiscale propre.

Ma question est donc la suivante, madame la ministre : qu’en est-il des dispositifs de compensation d’aide à la rénovation hôtelière pour les établissements de Saint-Martin, qui sont dans une situation d’autant plus critique que bon nombre ont été ravagés par le cyclone Gonzalo ? À ce sujet, je vous remercie de vous être déplacée dimanche dans les îles de Saint-Barthélemy et Saint-Martin afin de venir constater les dégâts par vous-même. Plus globalement, où en est la réflexion du Gouvernement quant au développement d’une politique contractuelle avec les collectivités d’outre-mer dotées de l’autonomie fiscale ? Je remercie Patrick Ollier pour son intervention et je cosignerai bien évidemment son amendement. Je remercie également René Dosière, avec qui j’ai rédigé un rapport que nous avons présenté à la commission des lois, pour avoir rappelé une question cruciale pour Saint-Martin, relative à la mise en place d’une instance institutionnelle de coopération entre les deux parties de l’île. Enfin, je rejoins les remarques faites par Serge Letchimy au sujet du tourisme, qui constitue un enjeu primordial pour nos territoires.

Mme Maina Sage. Je rejoindrai en préambule les avis qui viennent d’être exprimés sur le fait que nous nous félicitons du maintien des crédits à la mission « Outre-mer », bien que les répartitions des crédits de paiement soient plus ou moins disparates, et en baisse. Nous devons veiller à ce que les baisses de crédits de paiement soient supportables par nos collectivités, et à ce que les crédits restants soient suffisants pour être efficacement mis en œuvre au service de politiques qui demeurent centrales pour le développement de nos départements et collectivités.

À ce titre, le groupe UDI a relevé trois domaines clés, celui du logement social, celui de l’emploi et celui de la solidarité. Pour le logement, on note une stabilisation dans les DOM des crédits de paiement de la LBU, et la préservation des autorisations d’engagement pour la construction neuve et la réhabilitation, ce qui est une bonne chose. Pour l’emploi, il convient de souligner les dispositifs des chantiers de développement local et du service militaire adapté – qui est une vraie réussite en Polynésie également, où il vient soutenir massivement les actions d’insertion sociale.

Les crédits de la continuité territoriale sont en baisse, notamment pour le passeport mobilité. Je veux appeler votre attention, madame la ministre, sur la situation des Polynésiens vivant sur des archipels éloignés. La Polynésie souffre en effet d’un handicap structurel, dans la mesure où certains de ses habitants vivent à trois heures d’avion de la capitale. Ainsi, les étudiants doivent prendre en charge le transport de leur domicile à Papeete, où ils pourront bénéficier de la continuité territoriale. Les coûts de transport internes en résultant peuvent varier de 200 euros à 700 euros par voyage, et j’aimerais savoir s’il est envisagé de mettre en place une forme de prise en charge des étudiants résidant dans des archipels éloignés.

En ce qui concerne la relance de l’économie et le maintien des emplois, l’examen des grandes masses budgétaires fait apparaître des différences, nos collectivités d’outre-mer ne bénéficiant ni du CICE, ni du CITE, ni d’autres abattements. J’ai adressé au secrétaire d’État une question écrite sur la réduction drastique des agréments accordés à nos territoires. Pouvez-vous d’ores et déjà nous dire si ce dispositif sera pérennisé et si les conditions d’octroi des agréments pourront être assouplies ? Contrairement à ce que j’ai entendu dire, la Polynésie subit une baisse drastique de près de vingt points en autorisations d’engagement pour 2015, ce qui est difficilement supportable. Je vous demande de faire en sorte d’atténuer cet effort pour la Polynésie, madame la ministre : nous sommes tout à fait disposés à prendre part à l’effort national, mais nous souhaitons que cela se fasse dans des conditions beaucoup plus abordables pour la Polynésie.

M. François-Michel Lambert. Les enjeux de l’outre-mer exigent des approches adaptées, et c’est le cas de ce budget dont les objectifs et les moyens sont globalement très satisfaisants. La politique en direction de l’emploi joue judicieusement sur les deux leviers que sont la compétitivité des entreprises et le renforcement de l’insertion et la qualification des jeunes – l’un des grands défis de ces territoires. Il est également satisfaisant de constater que le Gouvernement semble avoir pris la mesure de la problématique du logement, en particulier du logement social.

Cependant, il nous semble que les moyens restent concentrés sur l’incitation au développement d’une économie marchande qui, si elle est hégémonique dans les territoires d’outre-mer, n’est peut-être pas ce que l’on peut faire de mieux. Il est annoncé dans le document budgétaire qu’une réflexion sera engagée sur le développement de l’économie sociale et solidaire (ESS). Vous nous avez déjà fourni quelques éléments de réponse sur ce point, madame la ministre, mais je me permets d’insister sur le fait le développement de cette économie sociale et solidaire doit être largement amplifié, notamment pour permettre la création d’emplois de façon connexe – car l’ESS a, on le sait, des liens directs avec les TPE, qui constituent la quasi-totalité des entreprises outre-mer. Les îles qui, si loin de l’hexagone, vivent de 90 % d’importation, ne sortiront de cette hyperdépendance qu’en renouant avec un modèle de préservation et d’utilisation des ressources locales fondé sur l’ESS et sur les TPE, mais aussi en retrouvant une nouvelle logique prioritaire, qui doit désormais favoriser la relocalisation et la transition vers un modèle d’économie circulaire source d’emplois et d’innovation. Pour peu que l’on s’en donne les moyens, madame la ministre, ce modèle pourrait d’ailleurs inspirer notre territoire hexagonal.

L’outre-mer dispose d’atouts formidables qu’il faut valoriser et structurer, et l’État doit s’appuyer sur les régions et territoires pour mettre en place des circuits courts, la souveraineté alimentaire, la gestion autonome des déchets et bien sûr le développement des transports publics et des énergies renouvelables. J’ajoute que l’économie circulaire est empreinte des valeurs de partage et de transmission propres aux cultures des territoires, des régions et des départements d’outre-mer. Les outils législatifs existent et doivent être renforcés : Serge Letchimy, Victorin Lurel et moi-même avons travaillé en ce sens dans le cadre de la loi relative à la transition énergétique et à la croissance verte. Je sais que, désireux de saisir cette chance pour l’outre-mer, nombre de territoires veulent s’engager sur cette voie et faire preuve de volontarisme en constituant un exemple pour toute la France. Aidons-les à avancer en ce sens.

M. Gabriel Serville. Tous les orateurs qui se sont exprimés avant moi ont noté avec satisfaction l’augmentation du budget de la mission « Outre-mer », qui constitue une réalité que personne ne peut nier. Nous nous réjouissons également de ce que la question des outre-mer intéresse de plus en plus les députés de la France hexagonale, dans l’espoir qu’ils deviennent rapidement, à nos côtés, les porte-parole et de vrais défenseurs de nos intérêts dans un contexte budgétaire de plus en plus contraint.

Toutefois, nous sommes toujours dubitatifs quant à la réelle capacité du Gouvernement à répondre aux attentes de nos populations respectives : le coût de la vie, qui demeure toujours très élevé, nonobstant la mise en œuvre de la loi de régulation économique en outre-mer de notre collègue Victorin Lurel ; nos taux de chômage, qui battent tous les records nationaux ; l’enclavement et des difficultés que nous rencontrons pour coopérer avec nos voisins ; les problèmes de développement économique en tous genres et les difficultés à décliner localement les dispositifs incitatifs pas tout à fait adaptés à notre environnement social et économique.

Comment ne pas parler des difficultés de scolarisation de nos enfants, ainsi que des problèmes de santé ? On connaît les ravages occasionnés par le chikungunya, mais nous sommes très inquiets depuis que nous avons découvert une filière d’immigration clandestine entre la Guinée et la Guyane, transitant par le Brésil – or il est impossible de prendre la température des personnes arrivant irrégulièrement sur notre territoire, donc de savoir si elles sont malades.

Les problèmes de logement, évoqués ce matin, demeurent très nombreux, sans parler des difficultés relatives à la gestion du foncier. Vous avez tous compris que les nombreux problèmes déjà identifiés sont récurrents et, de notre point de vue, ne sont pas près d’être résorbés, puisque la légère hausse des crédits pour 2015 ne saurait entièrement compenser l’inflation qui, par moments, peut être supérieure à deux, voire trois fois celle constatée en France hexagonale.

Si nous saluons les efforts réalisés pour stabiliser les crédits de la mission « Outre- mer », nous insistons néanmoins sur l’impérieuse nécessité de porter une attention toute particulière aux propositions et amendements émanant des députés des outre-mer. Si ces derniers sont tout à fait disposés à contribuer à l’effort national de redressement des comptes, ils insistent pour que le principe d’équité supplante la volonté d’égalité en raison des innombrables retards accumulés depuis des décennies, et je tiens par avance à vous remercier de l’attention que vous porterez à leur demande.

M. Dominique Lefebvre, président. Nous allons maintenant passer aux questions.

M. Philippe Gomes. Je souhaite aborder quatre dossiers. Le premier, qui ne concerne pas des crédits inscrits à la mission « Outre-mer », mais des crédits inscrits au budget du ministère de l’éducation nationale, a trait au financement des deux lycées prévu par la loi organique, à savoir le lycée de Pouembout et celui de Mont-Dore, pour des crédits inscrits dans le projet de loi de finances à hauteur de 25 millions d’euros. Je voudrais savoir si ces crédits correspondent bien aux attentes manifestées localement et si le calendrier de réalisation a vocation à être tenu – l’un des lycées devant ouvrir à la rentrée 2016 et l’autre à la rentrée 2017.

Le deuxième dossier ne concerne pas non plus la mission « Outre-mer », mais le budget du ministère de la justice : il s’agit de la réalisation du centre pénitentiaire de Koné. Un budget global de 272 millions d’euros d’autorisations d’engagement est prévu pour un ensemble d’établissements, mais pouvez-vous nous confirmer que ces crédits permettront bien de commencer la réalisation du centre pénitentiaire de Koné, un établissement attendu de longue date et qui permettra à environ 150 détenus de se rapprocher de leurs familles et de pouvoir accéder à des conditions de formation – donc de réinsertion à la sortie – à la hauteur des enjeux de notre société ?

Le troisième dossier est celui, connu, de la double peine dont les classes moyennes des territoires d’outre-mer sont victimes en matière de logement : pas assez nécessiteuses pour avoir accès au logement social, elles ne sont pas non plus assez aisées pour avoir accès au marché libre. Le manque de logements intermédiaires – il ne s’en construit pas, le levier prévu ne pouvant pas jouer faute d’un plafond adapté –, constitue une véritable Bérézina pour les classes moyennes dans notre territoire. Comme nous le disons depuis deux ans, tous clivages politiques confondus, il est indispensable que des décisions soient prises de façon à permettre la construction de logements intermédiaires, nécessaires à l’équilibre de nos cités.

Quatrième dossier : la continuité territoriale, dont vous annoncez qu’une réforme est en cours. La dernière en date, consistant en un abaissement du plafond de ressources, a ramené le nombre de bénéficiaires de 12 000 à 3 000. Du coup, la messe est définitivement dite : seules restent éligibles les personnes trop pauvres pour voyager : le billet pour la Nouvelle-Calédonie coûtant en moyenne 2 000 à 2 500 euros en classe économique, il leur faudrait mettre de côté pendant cinq années pour faire un seul voyage… Il faut absolument revoir cette question.

M. Stéphane Claireaux. Je salue moi aussi la qualité de ce budget qui constitue un soutien résolu de l’État à nos territoires ultramarins. Je m’interroge cependant au sujet de la contrepartie nécessaire aux nombreux dispositifs essentiels du PLF en termes de politique économique ou énergétique dont Saint-Pierre-et-Miquelon demeure exclu : je veux parler du CITE et du CICE, ou encore du financement du logement social via la LBU. Il faut se demander comment compenser un tel déficit dans l’action de l’État avec des instruments spécifiques adaptés à notre collectivité.

Je souhaite aussi appeler votre attention sur le volet relatif à la formation professionnelle du contrat de développement, en cours d’élaboration. La formation professionnelle revêt une importance particulière dans notre archipel marqué par l’absence de mobilité géographique, où l’adaptation permanente des ressources humaines constitue une nécessité vitale pour assurer la pérennité de l’activité économique et sociale.

La généralisation prochaine des produits financiers de la Banque publique d’investissement dans les collectivités d’outre-mer répond à un besoin particulièrement important à Saint-Pierre-et-Miquelon. Des produits BPI adaptés aux spécificités du tissu économique de l’archipel auraient, à mon sens, un effet considérable pour assurer la prospérité économique de notre archipel.

Pour conclure, je souhaite évoquer avec vous la problématique de l’extension à Saint-Pierre-et-Miquelon de prestations familiales existant partout ailleurs en France : je veux parler de l’allocation de soutien familial (ASF), du complément de libre choix du mode de garde (CMG), de l’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF), ou encore de l’extension des allocations logement, donnant lieu à un débat juridique dont la DGOM devait saisir le Conseil d’État. Je vous remercie, madame la ministre, pour les réponses que vous pourrez apporter aux Saint-Pierrais et Miquelonnais.

M. Jean-Claude Fruteau. Troisième budget du quinquennat, ce budget est fidèle aux engagements du Président de la République, qui a souhaité redonner toute leur place aux outre-mer dans la Nation. Avec une augmentation de 0,3 % de ses crédits de paiement, cette mission est sanctuarisée dans un contexte de forte contrainte budgétaire. C’est là un effort méritant d’être salué, d’autant que la situation économique et sociale dans nos territoires demeure très tendue. Ainsi, la préservation des crédits de paiement de la LBU, le soutien actif de l’investissement grâce à une nouvelle génération de contrats de développement et au contrat de plan, ou encore l’effort de compensation des charges sociales des entreprises, sont toutes des mesures qui vont dans le bon sens.

Lors de son récent déplacement dans l’océan Indien, le Président de la République a fait des annonces sur la mise en œuvre d’un CICE spécifique en faveur des outre-mer. Une telle mesure répond à la demande figurant dans le rapport de la délégation d’outre-mer, que j’ai rédigé avec mon collègue Daniel Gibbes. L’instauration d’un CICE à 9 %, inscrite à l’article 43 du PLF, permettra aux entreprises ultramarines de bénéficier d’avantages supplémentaires de plus de 160 millions d’euros en faveur des rémunérations inférieures à 2,5 fois le SMIC. Cependant, madame la ministre, nous considérons qu’il est nécessaire d’aller plus loin que ce taux de 9 %, notamment pour prendre en considération les difficultés auxquelles les entreprises ultramarines sont confrontées du fait de l’environnement régional très concurrentiel dans lequel elles évoluent. Suivant les propositions de la délégation d’outre-mer, le Président de la République a également souhaité qu’un CICE renforcé à 12 % pour les entreprises des secteurs exposés de la loi de développement économique pour l’outre-mer (LODEOM) soit instauré si cette différenciation est conforme au droit. Madame la ministre, je sais que vos services travaillent sur ce dossier pour apporter tous les éclairages juridiques nécessaires. À titre personnel, je considère qu’il n’existe aucune entrave juridique s’opposant à la mise en œuvre du CICE renforcé à 12 %. Pouvez-vous m’indiquer si vous partagez ce point de vue, et si le Gouvernement soutiendra l’amendement que je déposerai en ce sens pour traduire dans le budget les engagements fermes du Président de la République à l’égard des citoyens français de la Réunion ?

Mme Gabrielle Louis-Carabin. C’est un bon budget que vous nous présentez, madame la ministre, mais j’ai tout de même une question à vous poser. Efficacité et efficience sont les axes principaux des programmes 138 et 123 de la mission « Outre-mer ». Dans ce cadre, vous annoncez des mesures en faveur de l’économie sociale et solidaire, afin d’encourager de manière forte et innovante la création et le maintien de l’emploi dans nos petites entreprises locales. Votre choix s’inscrit donc pleinement dans la continuité de l’action du Gouvernement. En effet, la loi du 31 juillet 2014 permet à l’ESS de franchir une nouvelle étape en la reconnaissant globalement et en la sécurisant.

Dans une société où seule l’aptitude scolaire préjuge du potentiel professionnel, je décèle dans votre décision une stratégie de mise en valeur du capital humain, qui valorise le savoir-faire et le savoir-être dans l’entreprise, des savoirs nécessaires à l’employabilité de nos jeunes confrontés au chômage, dont le taux est deux à trois fois plus élevé qu’en métropole. Madame la ministre, quelles sont les perspectives de développement de l’économie sociale et solidaire en outre-mer ? Pourriez-vous nous préciser comment seront exploités les gisements d’emplois et quels secteurs seront concernés ? Enfin, comment ce mode entrepreneurial en outre-mer sera-t-il financé, et quel en sera le coût ?

M. Patrice Martin-Lalande. Comme je l’ai dit dans ma question écrite du 20 mai dernier, à laquelle vous avez répondu de manière très détaillée, madame la ministre, ce dont je vous remercie, les professionnels régionaux du tourisme aux Antilles françaises, notamment ceux du secteur de l’hôtellerie, soulignent leur très grande difficulté à devenir compétitifs par rapport aux destinations concurrentes immédiatement voisines. Il est relevé en annexe du projet de loi de finances pour 2015 consacré à l’outre-mer, page 117, « une montée en puissance de la concurrence touristique des autres pays, notamment de la Caraïbe ».

En effet, les Antilles sont placées dans une situation sans équivalent pour les autres territoires français ou même européens, puisqu’elles sont entourées de territoires touristiques ayant des coûts de travail jusqu’à dix fois inférieurs aux leurs, et des coûts de transport également beaucoup plus avantageux. Ces territoires concurrents bénéficient par ailleurs du différentiel encore trop lourd entre l’euro et le dollar. Dès le mois de février, la masse salariale consacrée à un emploi touristique en Martinique est égale à celle d’un emploi pour toute l’année à Sainte-Lucie, située à quelques dizaines de kilomètres !

J’ai donc déposé, avec plusieurs de mes collègues, un amendement ayant pour objet une augmentation progressive du taux renforcé du CICE, qui passerait de 6 % à 18 % sur deux ans, et qui serait applicable dans les départements d’outre-mer aux secteurs du tourisme exposés à la redoutable concurrence internationale. Une diminution significative du coût du travail doit permettre de renforcer la compétitivité des entreprises de ce secteur, afin qu’elles puissent maintenir, puis développer les emplois, et lutter ainsi contre le chômage plus élevé en moyenne outre-mer que dans l’hexagone.

Les aides à l’investissement ou à la rénovation n’auront pas d’effet si les abysses de compétitivité séparant les Antilles françaises de leurs voisins les plus proches empêchent l’investissement touristique de produire un minimum de rentabilité. Le renforcement du CICE en faveur du secteur touristique ultramarin est conforme à l’esprit du rapport présenté par les députés Jean-Claude Fruteau et Daniel Gibbes sur la déclinaison outre-mer du pacte de responsabilité. Madame la ministre, vous avez déclaré, lors d’un colloque organisé à l’Assemblée le 25 septembre dernier, que ce renforcement du CICE était une idée pertinente ; le Gouvernement soutiendra-t-il donc notre amendement ?

M. Bruno Nestor Azerot. S’il est légitime que l’outre-mer participe à l’effort de redressement des comptes publics, la très légère augmentation du budget qui y est consacré – 0,3 % – reste bien faible au regard de l’inflation s’élevant à 0,8 % outre-mer. J’ai cependant bien conscience de la difficulté de l’exercice, et pour que l’outre-mer, que le Gouvernement décrit comme une priorité, s’affirme mieux en tant que telle, il faut reconnaître que nos territoires participent aussi à l’effort demandé à tous. Nous n’avons pas à rougir de notre situation, et je me demande quelle portion du territoire national accepterait un taux de chômage de près de 25 % – et atteignant même 68 % pour les jeunes de moins de vingt-cinq ans.

J’aurais aimé, madame la ministre, que notre effort soit plus transparent et plus visible, et je regrette l’absence du document de politique transversale qui aurait permis à la représentation nationale de disposer d’une vision plus exacte de l’effort global de l’État outre-mer – certes, ce document existe, mais il nous a été communiqué tardivement, ce qui est bien dommage pour le débat démocratique, surtout quand on sait que la mission « Outre-mer » du ministère des outre-mer ne représente qu’une infime partie des crédits destinés à la politique de l’outre-mer.

Cela dit, je veux souligner l’impact positif qu’auront les crédits du service militaire adapté sur la formation des jeunes et leur insertion professionnelle, grâce à une hausse des crédits de 7,6 % qui porte ceux-ci à 54 millions d’euros, ainsi qu’une exonération de charges sociales pour les 41 073 entreprises d’outre-mer, qui vont concerner 171 314 salariés. Ce n’est pas rien : c’est le poste le plus important du ministère, ce qui est bien légitime compte tenu de la priorité que représente le soutien à l’emploi pour ce Gouvernement. Je note d’ailleurs avec satisfaction qu’entre 2012 et 2017, ces crédits sont appelés à croître de 20 %, ce qui représente près de 200 millions d’euros – ce qui reste loin, il est vrai, des 500 millions d’euros d’investissements publics promis par le chef de l’État.

Pour conclure, je me contenterai de vous dire que je vous accompagne et vous soutiens dans votre mission, madame la ministre, et je voterai votre budget sans hésitation.

M. Ibrahim Aboubacar. Dans la situation difficile que traversent les finances publiques de la nation, vous nous soumettez, madame la ministre, une mission « Outre-mer » qui traduit une forte volonté de faire face aux principaux défis de l’outre-mer, et nous vous apportons tout notre soutien. Je pense aux efforts accomplis d’une part en faveur de la formation professionnelle des jeunes ultramarins, d’autre part pour soutenir les entreprises.

Je veux insister sur les aspects liés à l’investissement en général et aux investissements réalisés en outre-mer en particulier, cruciaux pour renforcer l’activité. Outre les investissements spécifiques portés par le Fonds unique interministériel (FUI) et le plan « très haut débit », nous sommes actuellement en pleine discussion au sujet de la nouvelle génération des contrats de projets État-région dans les DOM, pour lesquels la contribution de l’État est en grande partie portée par le programme 123. Vous nous avez indiqué tout à l’heure le niveau d’effort de l’État dans cette nouvelle génération de contrats – ainsi, naturellement, que dans ceux déjà en cours dans les COM. En ce qui concerne plus spécifiquement le département de Mayotte, cette contractualisation sera la première effectuée dans le cadre de son statut de région d’outre-mer, en même temps que se négocie pour elle son premier programme européen pour émarger aux fonds structurels européens – puisque Mayotte est devenue région ultrapériphérique depuis le 1er janvier 2014. Dans ces conditions, pourriez-vous me donner votre avis sur l’évolution des crédits que l’État entend consacrer à ce contrat, ou à tout le moins m’indiquer votre sentiment sur la capacité financière du département de Mayotte, en cet instant de son évolution institutionnelle, à faire face à cette double contractualisation – avec l’État d’une part, avec l’Europe d’autre part –, qui constitue une chance pour cette nouvelle région ultrapériphérique dans laquelle la dernière estimation INSEE évalue le PIB à 7 900 euros par an et par habitant.

M. Patrice Verchère. Madame la ministre, je souhaite vous poser deux questions. La première concerne l’article 57 du projet de loi qui, comme l’a dit notamment Daniel Gibbes, supprime l’aide à la rénovation des hôtels situés dans les départements d’outre-mer, ainsi qu’à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon. Cette aide, instaurée par la loi pour le développement économique des outre-mer en 2009, devait produire ses effets jusqu’au 31 décembre 2017 : dès lors, pourquoi la supprimer dès cette année ? J’ai bien compris qu’elle était peu utilisée en dehors de Saint-Martin, mais en a-t-on analysé les raisons ? Je rappelle que la Cour des comptes a indiqué, dans un rapport sur l’outre-mer de février dernier, que le parc hôtelier était insuffisant et inadapté en outre-mer et qu’il fallait un indispensable sursaut du tourisme. Allez-vous proposer dans les mois à venir un plan d’investissement dans l’hôtellerie en outre-mer ?

Par ailleurs, le Président de la République a récemment indiqué qu’il réfléchissait à la demande de la Polynésie de voir l’État revenir dans le financement d’une partie du régime de solidarité territoriale : pouvez-vous confirmer cette possibilité, et nous indiquer dans quel délai et comment cela pourrait se faire ?

M. Jean Jacques Vlody. Madame la ministre, après les lois de finances de 2013 et 2014, la nouvelle augmentation accordée au budget et à la mission que nous examinons aujourd’hui confirme, on ne le répétera jamais assez, la priorité donnée à l’outre-mer par votre gouvernement. Cette augmentation de 0,3 % des crédits pour l’outre-mer peut paraître modeste, mais dans le contexte de réduction des dépenses publiques, le simple fait que les crédits ne soient pas minorés représente déjà un effort tout à fait significatif.

Les moyens alloués semblent désormais à la hauteur des défis qui doivent être relevés outre-mer. Le budget 2015 finance des mesures pour l’insertion professionnelle et sociale des jeunes, notamment au moyen du service militaire adapté, qui connaît cette année une augmentation qui va lui permettre d’atteindre l’objectif de 6 000 recrutements pour la période triennale, ce qui représente une augmentation de 5,6 % par rapport au nombre de jeunes suivis en 2014. Il finance également des mesures destinées à améliorer les conditions de vie outre-mer, en particulier le logement, et je salue la quasi-stabilité de la ligne budgétaire unique et les incitations fiscales pour l’investissement social, de même que l’aide à la rénovation urbaine. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, je soutiendrai la nécessité de revoir le plafond de défiscalisation pour le logement intermédiaire.

Ce PLF finance un certain nombre de mesures pour le développement économique et la création d’emplois, permettant leur adaptation dans nos territoires ultramarins : on pense en particulier au CICE et à la déclinaison du pacte de responsabilité. Le Gouvernement a pris en compte l’ampleur du fléau qu’est le chômage pour nos départements, avec un taux global de 30 % et un taux de 60 % pour les jeunes. Nous avons déjà dénoncé hier le nombre important de contrats aidés qui ne sont pas utilisés ou qui risquent de ne pas l’être d’ici à la fin de l’année, et je veux à nouveau souligner le cynisme des élus locaux qui refusent d’utiliser le dispositif gouvernemental pour des raisons partisanes, alors que l’urgence de la situation et la détresse des personnes vivant en dessous des minima sociaux devraient inciter tout le monde à faire abstraction des rivalités politiques.

Pour ma part, madame la ministre, je suggère trois mesures. La première serait d’ouvrir plus largement les emplois d’avenir au secteur marchand. Alors que seuls certains secteurs d’activité sont éligibles au dispositif, je propose de l’étendre au commerce, à la vente, au secteur bancaire et à l’agriculture, comme cela se fait dans d’autres régions en métropole. Ma deuxième proposition consiste à permettre aux groupements d’employeurs du secteur agricole de bénéficier du même taux de prise en charge par l’État que le secteur associatif, soit 75 %, au lieu de 35 % comme c’est actuellement le cas – une telle mesure paraît légitime dans la mesure où le groupement d’employeurs est une structure intermédiaire entre l’association et la société. Enfin, je propose que l’on revoie le financement des formations, devenu complètement inadapté pour les seniors et qui devrait être concentré de manière plus efficace sur les jeunes qui, dans le cadre de contrats aidés, sont parfois obligés de suivre des formations qui ne leur servent à rien. Nous devons nous mobiliser pour ne pas perdre ces emplois potentiels pour nos jeunes, et je pense que les mesures proposées pourraient redonner de la dignité à ceux de ces jeunes qui désespèrent.

M. Patrick Lebreton. Dans le cadre de l’examen de la présente mission outre-mer par notre commission élargie, j’ai choisi de parler de la continuité territoriale, qui fait couler beaucoup d’encre. Les premiers débats relatifs à cette mission « Outre-mer » ont donné lieu, à La Réunion et ailleurs en outre-mer, à une véritable opération politicienne de désinformation. En dépit des contraintes qui pèsent sur nos finances publiques, la mission « Outre-mer » pour 2015 est en augmentation – comme c’est le cas chaque année depuis 2012. La situation dont nous avons hérité impose une gestion rigoureuse et une utilisation efficace des deniers publics, et le triste spectacle auquel on assiste en ce moment à La Réunion nous afflige d’autant plus. On veut nous faire croire qu’un budget en constante augmentation depuis 2012, c’est moins bien que la décennie de régression sociale qui a précédé. On veut nous faire croire que les finances de la France sont un coffre-fort ouvert dans lequel on peut puiser à volonté pour servir ceux qui en ont le moins besoin. On veut nous faire croire qu’une mesure sociale peut et doit être transformé en subventions indirectes aux compagnies aériennes. On veut nous faire croire, encore, que le modèle corse est celui qui doit nous être appliqué, alors qu’ils ont repoussé ce modèle par deux fois, en 2003 et en 2009, lorsqu’ils étaient au pouvoir. Bref, on veut tout faire croire, tout travestir, tout manipuler, mais peut-on véritablement tromper les ultramarins et singulièrement les Réunionnais ?

Je le redis, madame la ministre : l’aide au voyage doit continuer à concerner les plus modestes, mais surtout les jeunes qui vont étudier, les ultramarins qui vont rechercher un emploi dans l’Hexagone, les familles frappées par un deuil soudain, et non servir à payer les vacances annuelles des foyers les plus aisés – justifiant même d’un salaire mensuel de 9 000 euros. Cette situation est d’autant plus révoltante que, dans le même temps, on refuse un contrat aidé à plus de 17 000 Réunionnais qui ont pour unique et légitime ambition de pouvoir s’insérer professionnellement et socialement.

Madame la ministre, confirmez-vous que 85 % des crédits de la continuité territoriale – c’est-à-dire 17 millions d’euros sur 20 – bénéficient aux plus aisés, et que 439 bénéficiaires de l’aide régionale déclarent un revenu annuel supérieur à 100 000 euros – et 2 500 autres un revenu situé entre 80 000 et 100 000 euros ? Enfin, le cas échéant, ne croyez-vous pas qu’il importe d’organiser désormais, sous l’égide de LADOM, une véritable opération vérité sur la continuité territoriale ?

Mme Huguette Bello. Madame la ministre, je souhaite également évoquer un poste qui représente à peine 2 % de la mission « Outre-mer », mais qui provoque à la Réunion une émotion inversement proportionnelle à son importance budgétaire, à savoir l’aide à la continuité territoriale, qui fait l’objet d’une sorte d’OPA sur l’ensemble de ce budget. Au-delà des discours, des postures et des arrière-pensées, il y a une réalité vécue et ressentie par l’immense majorité des Réunionnais : les billets d’avion sont trop chers dans une île comme la Réunion. La lutte contre la vie chère passe aussi par une baisse des tarifs aériens ; une réflexion générale est donc devenue urgente sur la question du désenclavement aérien, dont la continuité territoriale est un aspect.

Le logement demeure une priorité de votre ministère, et nous saluons votre ambition pour construire davantage, pour réhabiliter l’existant, pour faciliter l’accès à la propriété. Les besoins sont chiffrés, les blocages sont identifiés, la simplification est en marche. La transition énergétique est le nouvel horizon et le plan logement outre-mer doit voir le jour. Pour qu’une telle volonté puisse se concrétiser rapidement, il faut lever dès à présent les obstacles d’ordre financier qui risquent d’entraver la construction des logements sociaux.

La première difficulté est une conséquence directe de la défiscalisation appliquée au logement social. Il semble que, même pour les instances européennes, le logement social comme une niche fiscale ne va pas de soi, puisque, suite à la réforme de 2010, Bruxelles a placé le logement social des régions ultrapériphériques non plus sous le régime des services d’intérêt économique général, mais sous celui des aides à finalité régionale. Ce classement parmi les secteurs productifs n’est pas anodin, puisqu’il s’accompagne d’une révision à la baisse de 45 % à 50 % des plafonds des aides de l’État et donc, au bout du compte, d’une augmentation des loyers. Nous savons que le Gouvernement a saisi la Commission à ce sujet et qu’une réponse est attendue pour 1er janvier prochain : d’ici là, les agréments fiscaux des projets en cours d’instruction ne pourraient-ils pas être délivrés avec les montages initiaux ? À la Réunion, une trentaine de programmes, soit un millier de logements, sont en attente.

Souligné dès l’an dernier à la même époque, le second obstacle réside dans l’obligation de financer des programmes de logements qui font appel à de la défiscalisation avec au moins 5 % de subventions publiques, posée par l’article 21 de la loi de finances pour 2014. Selon les simulations réalisées à partir de la dotation LBU pour 2015, ce seuil obligatoire risque de compromettre de manière mécanique la construction d’environ un millier de logements. Par conséquent, ne serait-il pas opportun de ne pas appliquer cette disposition aux opérations dont l’instruction a déjà commencé, ni aux opérations qui ne relèvent pas de la LBU, mais font appel au prêt social en location-accession et au prêt locatif social ?

Mme Monique Orphé. Madame la ministre, qu’il me soit d’abord permis de saluer votre tout premier budget, qui a résisté aux coupes budgétaires en ces temps de réduction des déficits. L’engagement du Président de la République a été maintenu et, même si nous aurions aimé obtenir davantage, je comprends aussi que nous devons participer à l’effort de réduction des déficits. C’est pourquoi votre volonté de recentrer la continuité territoriale ne me choque pas, même si c’est un sujet important et qu’il faudra reprendre le débat une fois la polémique passée, car c’est un sujet qui conditionne notamment le développement de notre tourisme – et qui dit tourisme dit création d’emplois. Il faudra l’aborder de façon globale afin d’obtenir des solutions concrètes et réalistes visant à réduire la fracture territoriale, mais dans les deux sens.

En ces temps de disette financière, il est important de mobiliser les deniers publics sur des priorités favorisant le développement de nos territoires, à commencer par la formation des hommes, qui constitue l’accès à l’emploi – à condition, bien sûr, qu’elle soit qualifiante. À la Réunion, 15 % des jeunes sortent du système scolaire sans qualification, soit le double de la métropole, et 4 000 emplois sont restés vacants selon les chiffres du MEDEF, ce qui est inadmissible et surréaliste alors que nous avons un taux de chômage massif et structurel. La région, l’État et l’Europe investissent dans la formation, mais le résultat ne semble pas être au rendez-vous. J’ai rencontré beaucoup de jeunes qui passent de formation en formation sans pour autant déboucher sur un emploi pérenne. A-t-on évalué le dispositif d’aide à l’insertion et à la qualification et surtout son impact sur l’accès à l’emploi ? Par ailleurs, dans les 76 % de taux d’insertion des volontaires stagiaires du SMA en fin de contrat, avez-vous une idée du pourcentage des jeunes qui accèdent à un contrat de travail par rapport à ceux qui obtiennent une attestation d’entrée en stage qualifiant ? Je pose cette question car les deux sont confondus.

M. Alain Fauré. J’ai lu dans le rapport de notre collègue Patrick Ollier, membre de la commission des finances, que le soutien administratif aux entreprises est défaillant en outre-mer, notamment pour la tenue des registres de commerce. Le délai d’obtention d’un numéro SIRET ou d’un extrait Kbis est de plusieurs mois, alors que ces documents sont essentiels pour la vie et l’activité des entreprises. Madame la ministre, quelles mesures comptez-vous prendre pour améliorer cette situation qui pénalise le secteur privé d’outre-mer, car l’emploi est un problème crucial sur ces territoires ?

M. Serge Letchimy. Comme vous le savez certainement, madame la ministre, les crédits destinés au soutien de la filière de la canne-sucre sont en réduction de 2,4 millions d’euros. Nous serons présents en séance pour mener la bataille sur cette question, mais pouvez-vous d’ores et déjà nous faire part de votre position ? Avec la diminution drastique de 3,6 millions d’euros sur la filière « diversification » dans le cadre de la mission « Agriculture », cela fait 6 millions d’euros en moins sur deux secteurs essentiels pour l’outre-mer. Je sais qu’il y a une explication technique – la réaffectation des programmes d’investissements d’avenir (PIA) –, mais comment savoir si ce nouveau fléchage va suffire à compenser la perte subie ? C’est bien de parler de développement local, madame la ministre, mais si l’on commence à s’attaquer à l’agriculture, cela pose un vrai problème.

M. Gabriel Serville. Le 11 septembre 1997, François Mitterrand en déplacement en Guyane avait déploré qu’on continue à lancer des fusées sur fond de bidonvilles. Aujourd’hui, la question de l’habitat en Guyane est toujours d’actualité. En effet, la sanctuarisation de la LBU à 243 millions d’euros est une bonne nouvelle… en trompe-l’œil. Cette ligne budgétaire, socle du financement du logement social, n’est en effet pas à la hauteur des enjeux, car on estime à près de 100 000 le déficit de logements sur l’ensemble des outre-mer.

Je sais bien que la répartition de cette ligne par territoire est du domaine du réglementaire, mais je tiens à redire ici à quel point celle-ci, calculée au prorata de la population, est parfois inadaptée aux réalités spécifiques de chaque territoire.

Les besoins en logement sont particulièrement criants en Guyane où la population double tous les vingt ans. Là-bas, 80 % de la population est éligible au logement social et, faute de logements disponibles, 15 % d’entre elle vit dans des conditions de salubrité précaires. Il n’est plus possible d’admettre que 13 % des logements guyanais soient dépourvus d’électricité, que 20 % n’aient pas accès à l’eau potable ou que 60 % ne soient pas reliés au tout-à-l’égout. De même, on ne saurait admettre que 37 % des logements guyanais soient suroccupés : là encore, il s’agit d’un record national.

Permettre à nos populations de vivre dans des conditions dignes doit être l’une des priorités de la mission dont nous discutons aujourd’hui. Aussi comprendrez-vous ma profonde consternation en apprenant que les crédits alloués à la Guyane au titre du programme 123 « Conditions de vie outre-mer », dont dépend la LBU, sont en diminution de 23 % par rapport aux exécutions de 2013. C’est simple : les 30 millions d’euros alloués à la Guyane au titre de la LBU sont à mettre en parallèle avec les besoins réels estimés à 600 millions d’euros par le Conseil général du développement durable, dans un rapport de mars 2013…

Je vous demande donc, madame la ministre, de bien vouloir m’apporter des précisions sur les solutions concrètes que vous prévoyez pour l’amélioration du logement en Guyane, notamment dans le cadre du plan de relance du logement outre-mer que vous avez récemment annoncé.

M. Jean-Philippe Nilor. Je crois en votre bonne foi, madame la ministre, et en votre profonde honnêteté. Je crois aussi que vous avez dû batailler ferme pour sauver un budget en légère augmentation, de 0,3 %, qui échappe ainsi partiellement à la guillotine impitoyable de Bercy.

Deux volets retiennent particulièrement mon attention.

Le logement social, d’abord. En effet, tant les opérateurs de logement social que les familles les plus démunies rencontrent les pires difficultés pour finaliser les opérations de réhabilitation nécessaires. C’est la raison pour laquelle j’ai proposé ce matin à la ministre du logement d’étendre le dispositif du crédit d’impôt-défiscalisation aux opérations de réhabilitation du parc de logements sociaux, et notamment aux opérations de désamiantage. Je compte sur votre soutien : in fine, c’est sur les résultats concrets de cette négociation avec vos collègues du Gouvernement que nous serons fixés – et jugés.

Je m’inquiète également de la situation de l’emploi outre-mer et, plus particulièrement, de celle de l’emploi des jeunes : 68 % des jeunes Martiniquais sont aujourd’hui au chômage. Les statistiques, qui suivent une courbe exponentielle, les confortent dans le sentiment d’avancer inexorablement vers un gouffre, au point qu’une frange de plus en plus diplômée de notre jeunesse n’envisage plus d’avenir au pays, alimentant ainsi une fuite des cerveaux qui hypothèque sérieusement notre avenir collectif.

J’aimerais tant croire que les orientations que vous déclinez, qu’elles concernent le SMA ou le développement de l’économie sociale et solidaire, seront de nature à créer une nouvelle dynamique propre à rassurer les acteurs, à créer un engouement et à favoriser une embellie pérenne pour nos jeunes. Mais nous savons tous que, pour l’instant du moins, il n’en est rien.

Tout en reconnaissant les efforts accomplis, il m’incombe d’exprimer quelques regrets, notamment celui que ce budget en hausse cache une diminution des crédits pour la Martinique, et ce pour la deuxième année consécutive. Devons-nous y voir le signe que la métropole se désintéresse du potentiel humain que recèle la Martinique, dont les habitants contribuent pourtant à l’impôt, comme tous les Français ?

Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer. Je remercie tous les députés pour leur contribution au débat. Je crains ne pouvoir, faute de temps, répondre précisément à toutes les questions, mais je vais m’y efforcer, en regroupant au besoin celles qui portent sur le même sujet.

Ericka Bareigts a évoqué la question du logement, préoccupation essentielle dans les outre-mer. Le plan de relance pour le logement que j’ai annoncé réaffirme le différentiel de onze points entre les taux de défiscalisation en métropole et outre-mer. En ce qui concerne le logement intermédiaire, nous soutenons auprès de la ministre du logement l’idée qu’il faut augmenter le plafond de la défiscalisation et le porter à 18 000 euros, l’alternative étant de prolonger la durée de la défiscalisation. À ce jour, nous n’avons pas encore abouti, mais j’espère bien que nous allons progresser.

Je partage l’idée que le crédit d’impôt pour la transition énergétique doit s’adapter aux réalités spécifiques de l’outre-mer. Si les équipements de protection contre le rayonnement solaire sont désormais éligibles à ce crédit d’impôt, il doit aussi être étendu à d’autres dispositifs – on a parlé des brasseurs d’air et aux toitures végétalisées. Un réel intérêt pour la transition énergétique émerge aujourd’hui dans les territoires ultramarins, et nous avons à cœur, avec la ministre de l’écologie, d’encourager les initiatives locales, qui ne doivent pas être le simple décalque de ce qui se fait en métropole.

Il est prévu d’affecter 600 000 euros aux observatoires des prix et des revenus, qui ont besoin de davantage de moyens humains. Nous travaillons à améliorer la situation avec les préfectures et les directions des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIECCTE).

Daniel Gibbes et Patrice Verchère ont évoqué l’aide à la rénovation hôtelière. Il faut certes soutenir la rénovation des établissements de Saint-Martin et de l’ensemble des outre-mer, mais les hôteliers s’appuient davantage sur la défiscalisation que sur cette aide. Par ailleurs, certaines mesures sont plus difficiles à transposer dans les territoires dotés d’autonomie que dans les départements. C’est la rançon de la responsabilisation, qui emporte aussi quelques contraintes.

Maina Sage a raison d’insister sur le fait que l’image paradisiaque de la Polynésie cache d’importantes difficultés sociales. L’État, en 2013, a accordé à la Polynésie une aide de 42 millions d’euros pour soutenir son redressement. Par ailleurs, la collectivité bénéficie pour sa dotation globale d’autonomie d’un régime plus favorable que le droit commun, ce qui lui permet de bénéficier d’une dotation de 84 millions d’euros au lieu de 79. Nous sommes très attentifs aux difficultés de ce territoire, mais également au respect de nos engagements réciproques. Enfin, nous travaillons avec le président Fritch à régler les questions concernant le système de santé.

Je conçois qu’il soit difficile pour les jeunes Polynésiens de partir étudier à trois heures d’avion de chez eux. C’est sans doute l’une des raisons qui explique le fort taux de décrochage scolaire que l’on constate en Polynésie. Compte tenu des distances et du prix des billets d’avion, la solution passe par le développement des internats ou des familles d’accueil. La situation justifie, quoi qu’il en soit, que les lycéens et les étudiants puissent bénéficier d’une dotation supplémentaire.

François-Michel Lambert a relié la problématique de l’écotourisme à celles de la transition énergétique et de l’économie circulaire. Les régions à fort potentiel touristique doivent retraiter convenablement leurs déchets et développer des initiatives originales qui préservent l’environnement et permettent de valoriser les productions locales. Les ultramarins doivent renoncer à importer tout ce qu’ils consomment comme c’était le cas autrefois : c’est une manière tout à la fois de réduire leur empreinte carbone et d’assurer la survie des producteurs locaux. D’où l’importance de diversifier les productions et de proposer aux touristes ces produits locaux plutôt que des denrées importées. Des efforts sont encore à faire en la matière.

Nous avons mis en place, avec la Caisse des dépôts et consignations et la secrétaire d’État à l’économie sociale et solidaire, un plan quadriennal destiné à développer l’économie sociale et solidaire en outre-mer. Ce sont 2,5 millions d’euros qui, dès cette année, seront consacrés à soutenir les crédits et les prêts aux entreprises, tandis que l’Association pour le droit à l’initiative économique (ADIE), dont je salue ici le travail outre-mer, renforcera son rôle d’accompagnement des petits créateurs d’entreprise.

Gabriel Serville a évoqué les difficultés que connaît la Guyane, qu’il s’agisse des difficultés de scolarisation, du chômage ou du coût de la vie. Malgré ses atouts – un vaste territoire et d’importantes richesses naturelles – la Guyane est en effet confrontée à une démographie dont le dynamisme implique des investissements considérables dans les équipements et les infrastructures, notamment à destination des plus modestes. Je rappelle que je me suis battue, dans mes fonctions antérieures, pour que les élèves des écoles bénéficient d’une collation, la restauration scolaire en Guyane laissant encore beaucoup à désirer.

Quant à la filière d’immigration clandestine en provenance de Guinée, je rassure M. Serville sur le fait qu’il s’agit d’une filière qui remonte de Guinée-Bissau, et non de la Guinée-Conakry, ce qui limite les risques d’infestation par le virus Ebola.

En matière de logement enfin, les crédits ont augmenté de manière significative. Nous faisons en sorte qu’ils soient utilisés au mieux, dans l’intérêt des Guyanais. J’admets néanmoins qu’ils restent insuffisants compte tenu de la croissance démographique et du fait que 80 % de la population guyanaise est éligible au logement social.

Philippe Gomes m’a interrogée sur les lycées calédoniens ; l’État tiendra ses engagements. La construction du lycée polyvalent du Mont-Dore a toutefois été retardée par une succession de problèmes qui ont considérablement allongé les délais : le terrain retenu est plus ou moins de la mangrove, et de surcroît comblé par des matériaux contenant de l’amiante. Bref, c’est une histoire à rebondissements… Mais la volonté de l’État de construire ce lycée est sans faille, quand bien même il y aura forcément des retards de livraison. Pour ce qui est du lycée de Pouembout, les crédits ont bien été dégagés mais, là encore, le projet d’extension a été retardé par des difficultés rencontrées dans la phase préliminaire des travaux.

La construction du centre pénitentiaire de Koné est actée, la collectivité locale a cédé l’emprise et les crédits sont inscrits. Il est important en effet que cet établissement voie le jour en province Nord pour rapprocher les détenus de leurs familles. J’insiste néanmoins sur le fait que la construction de ce centre ne doit pas nous dispenser d’une réflexion sur la manière d’améliorer la protection de la jeunesse, mais également sur l’aménagement des peines et le développement de peines alternatives.

En ce qui concerne la continuité territoriale, le nombre de bénéficiaires de l’aide a baissé car nous avons souhaité recentrer le dispositif sur les personnes les plus modestes, même si le reste à charge reste important. Reste qu’en 2012, trois mille cinq cents bons ont été émis.

Stéphane Claireaux a évoqué les inconvénients de l’autonomie, qui empêche certaines dispositions de s’appliquer de plano, compte tenu des compétences propres dévolues à la collectivité. Nous devons réfléchir à des solutions permettant de surmonter ces difficultés, notamment en ce qui concerne l’engagement de la BPI à Saint-Pierre-et-Miquelon. Le Président de la République a prévu de se rendre dans l’archipel le 23 décembre prochain : ce sera sans doute l’occasion d’évoquer ces questions avec lui.

Pour ce qui concerne en revanche les mesures de défiscalisation en faveur du logement, leur application à Saint-Pierre-et-Miquelon ne pose guère de problème.

La mise en place d’un CICE à 9 % pour l’outre-mer répond aux demandes relayées par Jean-Claude Fruteau. Néanmoins, s’appuyant sur le rapport de la délégation aux outre-mer qu’il a rédigé avec Daniel Gibbes, le Président de la République s’est prononcé, lors de son voyage à La Réunion, en faveur d’un effort supplémentaire, qui porterait le CICE à 12 %. Il nous appartient désormais de traduire cette annonce dans les faits, ce qui implique de vaincre les réticences des services du ministère du budget qui avaient accueilli cette proposition avec une certaine froideur. De même, il importe que se concrétisent les orientations annoncées par le Président de la République en matière de crédits agricoles et de quotas sucriers.

Je confirme à Gabrielle Louis-Carabin que le protocole que nous avons signé avec la Caisse des dépôts et consignations et le secrétariat d’État en charge de l’économie sociale et solidaire devrait nous permettre de soutenir les très petites entreprises en outre-mer. J’ai eu l’occasion au cours de mes déplacements de voir à quel point ces petites structures avaient un effet particulièrement roboratif : on voit que nombre de gens outre-mer ne se contentent pas de se plaindre et d’attendre, mais sont déterminés à prendre le taureau par les cornes. C’est très encourageant.

J’ai entendu la requête de Patrice Martin-Lalande sur un renforcement du CICE dans le secteur du tourisme. Nous y travaillons, car je pense comme lui qu’il s’agit d’un secteur névralgique pour l’outre-mer mais qui doit faire face à une redoutable concurrence régionale – je m’en suis rendue compte en passant à Saint-Domingue. En marge des dispositifs fiscaux, il est donc essentiel de mettre en œuvre des mesures permettant de renforcer la professionnalisation du secteur, en mettant par exemple à profit les périodes de basse saison pour engager des actions de formation des personnels, notamment dans le domaine des langues étrangères.

Nestor Azerot m’a interrogée sur les contrats aidés. Nous avons constaté que, malgré un fort taux de chômage des jeunes, ces contrats n’étaient pas tous utilisés dans les outre-mer. À titre expérimental, nous avons donc décidé de porter, pour l’île de La Réunion, le taux de prise en charge de l’État à 90 %, y compris pour les contrats en cours. Reste – et c’est regrettable – que les élus persistent à consacrer davantage d’énergie à défendre le maintien des dispositifs d’aide à la continuité territoriale qu’à faire usage de ces contrats aidés. Nous travaillons néanmoins à mieux adapter les emplois d’avenir au secteur marchand, tout en veillant à ne pas peser, par la création d’effets d’aubaine, sur l’emploi normal. Avec le concours des fonds européens, nous faisons par ailleurs, depuis plusieurs années, des efforts pour accroître les moyens en matière de formation des jeunes. Il faut désormais faire porter nos efforts sur l’accès des jeunes qualifiés à l’emploi, notamment en renforçant les missions d’encadrement et d’accompagnement de LADOM, en liaison avec les préfets et les directions du travail.

Ibrahim Aboubacar a souligné que Mayotte entre aujourd’hui dans une nouvelle phase de son évolution institutionnelle et qu’elle s’apprête à négocier le futur contrat de projets État-région avec des moyens incomparablement supérieurs à ceux qu’elle a connus jusqu’alors, puisque les fonds européens qui lui seront alloués devraient s’élever à 200 millions d’euros. J’insiste sur le fait que, pour garantir une gestion efficace de ces sommes, il est essentiel que les élus soient correctement accompagnés pour éviter qu’ils ne se retrouvent écrasés par une telle responsabilité.

J’ai été interpellée sur le délai de transmission des documents de politique transversale. Préparés par Bercy, ceux-ci sont traditionnellement communiqués fin octobre, et ont davantage une valeur rétrospective que prospective.

Jean-Jacques Vlody est revenu sur la sous-utilisation des contrats aidés à La Réunion. Je redis que des efforts doivent être faits, en lien avec les branches professionnelles, pour les développer dans le secteur marchand et les groupements agricoles. La jeunesse est une richesse, mais nos jeunes doivent être accompagnés pour trouver leur place dans la société. Il faut s’y atteler avec résolution et je regrette que tous les élus de La Réunion ne fassent pas preuve de la même détermination.

En matière de continuité territoriale, il fallait revenir aux fondamentaux et rendre au dispositif sa vocation première, qui n’est pas de subventionner les agences de voyage mais de constituer une aide sociale au transport. Les voyages en métropole ont certes du bon, mais les ultramarins doivent comprendre qu’ils ne sont pas obligés de s’y rendre chaque année – au demeurant, les gens modestes ne le peuvent pas, car ils n’ont pas les moyens de payer le reste du billet. Ce recadrage devrait en outre soulager les services de LADOM et lui permettre de se recentrer sur ses missions de formation. J’ajoute par ailleurs que le dispositif n’a aucun effet bénéfique sur le tourisme à La Réunion, dans la mesure où il fonctionne à sens unique : la continuité territoriale devrait pourtant fonctionner dans les deux sens et permettre aux Réunionnais modestes qui vivent en métropole de rentrer chez eux. C’est une piste à creuser lors de la remise à plat du dispositif. Quant aux vertus du dispositif corse, dont on parle beaucoup à La Réunion, elles méritent d’être relativisées : il ne se porte pas très bien, puisque la SNCM est en cours de liquidation… Je ne souhaite pas que la même chose arrive pour la continuité territoriale à La Réunion !

Huguette Bello nous a fait part de ses critiques concernant l’obligation d’inclure au minimum 5 % de subventions LBU dans les opérations immobilières éligibles à la défiscalisation. Certes le dispositif n’est pas entièrement satisfaisant, mais cette obligation est le fruit du compromis qui a permis de préserver les bénéfices de la défiscalisation pour l’outre-mer. Je crois préférable de ne pas y toucher pour l’instant afin de ne pas donner de mauvaises idées à Bercy… Il serait souhaitable en revanche de se pencher sur la question des opérations financées par exemple par le prêt social location-accession, qui, au motif qu’elles ne sont pas subventionnables, ne sont pas éligibles à la défiscalisation. Quoi qu’il en soit, dans le cadre du plan logement outre-mer, nous avons engagé des concertations pour revoir l’ensemble des dispositifs concernant l’habitat. Une première rencontre a eu lieu le 14 octobre dernier ; une deuxième réunion devrait avoir lieu le 7 novembre au ministère : je vous invite à vous associer à notre démarche.

Je partage avec Monique Orphé l’idée qu’il faut améliorer le fonctionnement des contrats aidés à La Réunion pour favoriser l’insertion des jeunes sur le marché du travail grâce à un meilleur accompagnement. Nous sommes plutôt satisfaits du taux d’insertion des jeunes passés par le SMA, et mes services vous communiqueront au plus vite les chiffres concernant les stagiaires ayant obtenu un contrat de travail ou une attestation d’entrée à un stage qualifiant.

Pour améliorer le suivi des jeunes en formation, nous disposons sur le terrain de l’aide des comités régionaux de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles (CREFOP). Ils doivent nous permettre de mieux adapter les formations aux besoins du marché, et notamment à la commande publique. Dans ce domaine, chaque projet devrait, en amont de son démarrage, faire l’objet d’une analyse approfondie des compétences qu’il requiert. Cela doit notamment être le cas pour la construction du futur pas de tir de Kourou, en Guyane, et il convient d’anticiper dès à présent les modules de formation à mettre en place pour permettre à la main-d’œuvre locale de bénéficier d’investissements considérables.

La question des registres du commerce évoquée par Alain Fauré ne dépend pas directement de ma compétence. Je ne lui promettrai pas par ailleurs la mobilisation de fonctionnaires supplémentaires, car nous n’en avons pas les moyens, Consciente néanmoins des difficultés propres à l’outre-mer en ce domaine et de l’entrave que constitue pour les entreprises le fait de ne pouvoir obtenir de Kbis dans des délais raisonnables, je lui suggère de se tourner vers Emmanuel Macron, dont le futur projet de loi sur la croissance aborde ces questions.

La fin des quotas sucriers est pour nous un sujet de préoccupation. Après les annonces du Président de la République, il est essentiel que nous nous assurions auprès du ministre de l’agriculture que les crédits destinés en particulier à la filière canne-sucre soient préservés. Serge Letchimy a eu raison de rappeler l’importance de la diversification qui doit permettre de faire émerger de nouvelles filières économiquement et écologiquement nécessaires.

Jean-Philippe Nilor est revenu sur la question du logement social et souligné avec raison les enjeux liés à l’amiante et les surcoûts qui en découlaient. Une réflexion est en cours sur l’implantation de filières de traitement de l’amiante dans les territoires ultramarins. Pour l’heure, nous ne disposons pas des compétences nécessaires au niveau local, mais nous entendons bien y travailler.

Quant à l’emploi des jeunes, il demeure pour moi une priorité. Il n’y a rien de mal à chercher à trouver sa place dans notre pays ; encore faut-il avoir un minimum de choix. De jeunes Martiniquais réussissent brillamment en Chine, au Québec, en métropole ou ailleurs : je m’en félicite, tout en regrettant que certains se croient obligés de quitter leur île pour trouver un emploi.

Un mot enfin sur les crédits du sport. La différence constatée en défaveur de la Martinique est, d’après ce que j’ai cru comprendre, pour une large part imputable à l’existence du CREPS Antilles-Guyane.

Je crois avoir répondu à toutes les questions. Au demeurant, nous aurons l’occasion de nous revoir lors de l’examen de mon budget en séance publique ; je me réjouis en tout cas de votre soutien et de vos apports.

M. Dominique Lefebvre, président. Après avoir constaté la grande convergence des points de vue autour de ce budget sanctuarisé, il me reste, madame la ministre, à vous remercier, d’avoir répondu de manière très détaillée à nos questions.

*

* *

À l’issue de l’audition de Mme George Pau-Langevin, ministre des Outre-mer, la Commission examine pour avis, sur le rapport de M. Alfred Marie-Jeanne, rapporteur pour avis « Départements d’outre-mer », et de M. René Dosière, rapporteur pour avis « Collectivités d’outre-mer, Nouvelle-Calédonie et Terres australes et antarctiques françaises », les crédits de la mission « Outre-mer » pour 2015.

Conformément aux conclusions de M. Alfred Marie-Jeanne, rapporteur pour avis « Départements d’outre-mer » et de M. René Dosière, rapporteur pour avis « Collectivités d’outre-mer, Nouvelle-Calédonie et Terres australes et antarctiques françaises », la Commission donne un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Outre-mer » pour 2015.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS

• Ministère des Outre-mer

—  M. Thomas DEGOS, directeur général à l’outre-mer.

—  M. Rodolphe JUY-BIRMANN, chef du service des affaires juridiques et institutionnelles.

—  M. Hervé JONATHAN, sous-directeur de l’évaluation, de la prospective et de la dépense de l’État.

• Ministère de la Justice – Cabinet de la garde des Sceaux

—  Mme Lara DANGUY-DES-DÉSERTS, conseillère pénitentiaire.

—  M. Éric LAFONTAINE, conseiller spécial.

—  M. Élie PATRIGEON, conseiller parlementaire.

• Représentants de l’État dans les outre-mer

—  M. Vincent BOUVIER, haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie.

—  M. Lionel BEFFRE, haut-commissaire de la République en Polynésie française.

—  M. Gilles CANTAL, secrétaire général du haut-commissariat de la République en Polynésie française.

—  M. Pascal BOLOT, administrateur supérieur des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF).

• Mission d’écoute, d’analyse et de conseil sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie

—  M. Alain CHRISTNACHT, conseiller d’État.

—  M. Jean-François MERLE, inspecteur général de l’agriculture.

• Société Eramet

—  M. Bertrand MADELIN, directeur général délégué, en charge du nickel.

—  M. Jean DE L’HERMITE, secrétaire général, chargé de la Nouvelle-Calédonie.

• Autres personnalités qualifiées

—  Mme Anne DUTHILLEUL, ingénieure générale des mines.

ANNEXE N° 1 : RÉSULTATS DES ÉLECTIONS PROVINCIALES
DU 11 MAI 2014 EN NOUVELLE-CALÉDONIE

Les élections provinciales en Nouvelle-Calédonie se sont tenues le 11 mai 2014, avec taux de participation a été de 69,97 %.

TAUX DE PARTICIPATION AUX ÉLECTIONS PROVINCIALES DEPUIS 1999

 

1999

2004

2009

2014

Évolution 1999/2014

Province Sud

76,86 %

77,44 %

74,25 %

71,97 %

- 4,89 points

Province Nord

67,19 %

72,29 %

67,43 %

66,16 %

- 1,03 point

Province des Îles

78,64 %

79,07 %

73,32 %

67,16 %

- 11,48 points

Total Nouvelle-Calédonie

74,79 %

76,44 %

72,48 %

69,97 %

- 4,82 points

À l’issue de ces élections, la répartition des suffrages entre les différentes formations politiques indépendantistes et non-indépendantistes était la suivante en province Sud :

RÉPARTITION DES SUFFRAGES EXPRIMÉS
AUX ÉLECTIONS PROVINCIALES DE 2009 ET 2014 EN PROVINCE SUD

 

2009

2014

Évolution 2009/2014

Nombre de voix

En %

Nombre de voix

En %

Nombre de voix

En %

Bloc indépendantiste

11 758

19,41 %

12 289

18,01 %

531

+ 4,52 %

Bloc non-indépendantiste

48 815

80,59 %

55 947

81,99 %

7 132

+ 14,61 %

Total suffrages exprimés

60 573

100 %

68 236

100 %

7 663

+ 12,65 %

La répartition des suffrages entre les différentes formations politiques indépendantistes et non-indépendantistes était la suivante en province Nord :

RÉPARTITION DES SUFFRAGES EXPRIMÉS
AUX ÉLECTIONS PROVINCIALES DE 2009 ET 2014 EN PROVINCE NORD

 

2009

2014

Évolution 2009/2014

Nombre de voix

En %

Nombre de voix

En %

Nombre de voix

En %

Bloc indépendantiste

16 249

74,99 %

18 647

79,69 %

2 398

+ 14,76 %

Bloc non-indépendantiste

5 418

25,01 %

4 752

20,31 %

- 666

- 12,29 %

Total suffrages exprimés

21 667

100 %

23 399

100 %

1 732

+ 7,99 %

La répartition des suffrages entre les différentes formations politiques indépendantistes et non-indépendantistes était la suivante en province des Îles :

RÉPARTITION DES SUFFRAGES EXPRIMÉS
AUX ÉLECTIONS PROVINCIALES DE 2009 ET 2014 EN PROVINCE NORD

 

2009

2014

Évolution 2009/2014

Nombre de voix

En %

Nombre de voix

En %

Nombre de voix

En %

Bloc indépendantiste

13 081

91,37 %

12 694

93,11 %

- 387

- 2,96 %

Bloc non-indépendantiste

1 236

8,63 %

939

6,89 %

- 297

- 24,03  %

Total suffrages exprimés

14 317

100 %

13 633

100 %

- 427

- 4,78 %

Sur l’ensemble du territoire de la Nouvelle-Calédonie, la répartition des suffrages entre les différentes formations politiques indépendantistes et non-indépendantistes était la suivante :

RÉPARTITION DES SUFFRAGES EXPRIMÉS AUX ÉLECTIONS PROVINCIALES
DE 1999 ET 2014 EN NOUVELLE-CALÉDONIE

 

1999

2009

2014

Évolution
1999/2014

Nombre de voix

En %

Nombre de voix

En %

Nombre de voix

En %

Nombre de voix

En %

Bloc indépendantiste

31 905

40,22 %

41 088

42,51 %

43 630

41,45 %

2 398

+ 7,52 %

Bloc non-indépendantiste

47 416

59,78 %

55 469

57,39 %

61 638

58,55 %

14 222

+ 30,00 %

Total suffrages exprimés

79 321

100 %

96 657

100 %

105 268

100 %

25 947

+ 32,71 %

ANNEXE N° 2 : COMPOSITION DU GOUVERNEMENT, DU CONGRÈS ET DES ASSEMBLÉES DE PROVINCE DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE

La délibération n° 133 du 12 mai 2011 du Congrès de la Nouvelle-Calédonie a fixé à 11 le nombre de membres du gouvernement calédonien. La répartition des sièges entre les différentes formations politiques est la suivante :

RÉPARTITION DES SIÈGES AU GOUVERNEMENT AU 31 AOÛT 2014

Mme Cynthia LIGEARD, présidente

Liste Calédonie Ensemble – 3 sièges

Philippe GERMAIN

Thierry CORNAILLE

André-Jean LÉOPOLD

Liste Front de libération nationale kanake et socialiste (FLNKS) – Union Calédonienne (UC) – 3 sièges

Gilbert TYUIENON

Anthony LECREN

Jean-Louis D’ANGLEBERMES

Liste Front pour l’unité – Rassemblement-UMP – 2 sièges

Cynthia LIGEARD

Bernard DELADRIÈRE

Liste Union nationale pour l’indépendance (UNI) – Palika – 2 sièges

Déwé GORODEY

Valentine EURISOUKE

Liste Union pour la Calédonie dans la France (UCF) – Mouvement populaire Calédonien (MPC) – 1 siège

Sonia BACKES

Le Congrès de la Nouvelle-Calédonie est une assemblée délibérante, composée d’élus issus des trois provinces formant la Nouvelle-Calédonie : 7 membres de l’assemblée de la province des Îles Loyauté, 15 membres de l’assemblée de la province Nord et 32 membres de l’assemblée de la province Sud. Il comprend au total 54 membres, dont la répartition entre les partis politiques est la suivante :

RÉPARTITION DES SIÈGES AU CONGRÈS AU 31 AOÛT 2014

M. Gaël YANNO, président

Calédonie Ensemble (CE)

15 sièges

Union Calédonienne (UC) – Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS)

15 sièges

Front pour l’unité (FPU) – Entente provinciale Nord (EPN)

8 sièges

Union nationale pour l’indépendance (UNI) – Palika

9 sièges

Union pour la Calédonie dans la France (UCF)

6 sièges

Dynamique autochtone – Libération kanak socialiste (LKS)

1 siège

Nombre total de sièges pour les formations loyalistes

29 sièges

Nombre total de sièges pour les formations indépendantistes

25 sièges

L’assemblée de la province des Îles Loyauté est composée de 14 conseillers provinciaux élus pour une durée de cinq ans, dont 7 sont membres du Congrès de la Nouvelle-Calédonie. Seules les formations indépendantistes sont actuellement représentées à l’assemblée de la province des Îles Loyauté.

RÉPARTITION DES SIÈGES À L’ASSEMBLÉE DE LA PROVINCE DES ÎLES LOYAUTÉ

M. Néko HNEPEUNE, Président

Union Calédonienne (UC) – Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS)

6 sièges

Palika Îles

2 sièges

Dynamique autochtone – Libération kanak socialiste (LKS)

2 sièges

Parti travailliste

2 sièges

Union pour construire les Loyauté

2 sièges

Nombre total de sièges

14 sièges

L’assemblée de la province Nord est composée de 22 conseillers provinciaux élus pour une durée de cinq ans, dont 15 sont membres du Congrès de la Nouvelle-Calédonie.

RÉPARTITION DES SIÈGES À L’ASSEMBLÉE DE LA PROVINCE NORD

M. Paul NÉAOUTYINE, Président

Une province pour tous

3 sièges

Union nationale pour l’indépendance (UNI)

9 sièges

Entente provinciale Nord

1 siège

Union Calédonienne (UC)

9 sièges

Nombre total de sièges pour les formations loyalistes

4 sièges

Nombre total de sièges pour les formations indépendantistes

18 sièges

L’assemblée de la province Sud est composée de 40 conseillers provinciaux élus pour une durée de cinq ans, dont 32 sont membres du Congrès de la Nouvelle-Calédonie.

RÉPARTITION DES SIÈGES À L’ASSEMBLÉE DE LA PROVINCE SUD

M. Philippe Michel, président

Calédonie Ensemble

16 sièges

Front indépendantiste et progressiste

7 sièges

Front pour l’Unité

9 sièges

Union pour la Calédonie dans la France

8 sièges

Nombre total de sièges pour les formations loyalistes

33 sièges

Nombre total de sièges pour les formations indépendantistes

7 sièges

ANNEXE N° 3 : RECOMMANDATIONS DU RAPPORT DE JUIN 2014 SUR LE FINANCEMENT DU RÉGIME DE SOLIDARITÉ DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE ET DES POLITIQUES DE SANTÉ

OBJET

1

Faire de l’abondement du FADES une dépense obligatoire en modifiant la loi organique. Dans l’attente, provisionner dans le budget et les comptes du Pays les versements manquants, dans le respect du principe de sincérité énoncé à l’article 185-10 de ladite loi organique.

2

Déplafonner totalement les cotisations maladie au RGS et les cotisations au RNS. Le gain théorique, vraisemblablement limité, ne peut être estimé en l’absence de données sur les assiettes concernées

3

Augmenter le taux de cotisations du RNS dans une première étape à 11,06 % (soit la part patronale des cotisations maladie RGS) ou prévoir une sur-cotisation au-delà d’un niveau de revenu, avec un rendement équivalent. Gain théorique : 463 millions F CFP (47). Ce gain pourrait permettre d’affecter au RSPF la subvention actuellement versée au RNS

4

Augmenter les cotisations maladies du RGS à hauteur de 17,73 % pour accélérer la réduction du déficit et le rythme de remboursement de la dette maladie du RGS. Gain théorique : 2 214 millions F CFP.

5

Affilier les fonctionnaires de l’État au RGS. Gain estimé pour le RGS : 4 042 millions F CFP pour le RGS (hors personnels militaires) ; coût supplémentaire pour l’État employeur : 3 161 millions F CFP ; pour les agents : 1 636 millions F CFP ; pour les pensionnés : 414 millions F CFP

6

Élargir le ticket modérateur à l’hospitalisation (à l’exception des bénéficiaires du RSPF) et harmoniser les conditions de prise en charge à 100 % selon les régimes. L’économie ne peut être estimée précisément

7

Créer un forfait hospitalier à hauteur de 1 000 F CFP par jour d’hospitalisation avec un plafond de six jours pour les ressortissants du RGS et du RNS, en prévoyant des exonérations pour certaines catégories de patients. Économie estimée : 89,4 millions F CFP par an, en tenant compte de l’exonération éventuelle de certaines catégories de patients

8

Instaurer une franchise de 100 F CFP par consultation médicale, acte paramédical, évacuation sanitaire inter-îles et de 50 F CFP par boîte de médicaments. Économie estimée : 1 132 millions F CFP par an hors plafonnement et l’exonération des ressortissants du RSPF devraient réduire ce gain de moitié, soit 566 millions F CFP par an

9

Diminuer le taux des indemnités journalières à 70 % du salaire net. Économie estimée : 560 millions F CFP selon la CPS.

10

Diminuer le plafond des indemnités journalières à 1,8 SMIG brut. Économie estimée : 449 millions F CFP.

11

Actualiser et harmoniser les listes des affections de longue durée pour tous les régimes

12

Baisser les lettres clés et plafonds d’efficience manifestement trop élevés. Gain théorique : 800 millions F CFP

13

Fermer l’école des sages-femmes. Cette fermeture devrait être assortie d’un gel des installations jusqu’à ce que le nombre de sages-femmes corresponde aux besoins. Économie estimée : la fermeture de l’école permettrait d’économiser 35 millions F CFP. Le gain financier associé au gel des installations ne peut être précisément estimé. Ces mesures contribueront à la maîtrise des dépenses de santé.

14

Réduire les marges des grossistes répartiteurs. Économie estimée : 520 millions F CFP par an.

15

Réaliser une étude sur les marges des distributeurs pour valider les possibilités d’une baisse supplémentaire du prix des appareillages. Économie estimée : 190 m FCFP.

16

Cesser les avances gratuites de trésorerie aux officines. Économie estimée : 190 m FCFP

17

Reconfigurer les hôpitaux de la direction de la santé. Économie estimée : 660 millions F CFP.

18

Sur la base d’une évaluation précise des besoins de la population, faire évoluer une partie de l’offre de court séjour des hôpitaux périphériques vers une offre de moyen séjour.

19

Optimiser le réseau des régies existantes et créer, à moyen terme, une régie dans chaque établissement de santé qui n’en dispose pas encore (dispensaires etc.). Organiser le parcours du patient et des consultations de manière à ce que la régie soit un point de passage obligé. Recette estimée : 30 millions F CFP.

20

Installer des terminaux à carte bancaire dans les établissements de santé, en commençant par ceux qui accueillent des touristes.

21

Créer un pôle de santé privé dans les bâtiments prévus pour la clinique Cardella en y installant les activités de la clinique Paofai. Fermer les deux cliniques actuelles.

22

Prévoir une dotation annuelle d’amortissement à hauteur de 2,38 milliards F CFP environ (20 millions €), à répartir entre le budget de la collectivité et celui du CHPF de manière à assurer le financement de l’entretien et du renouvellement des équipements et bâtiments et à garantir la sincérité des comptes.

23

Supprimer jusqu’à 20 postes de PH au CHPF. Économie estimée : jusqu’à 300 millions F CFP.

24

Supprimer cinq postes de cadres de santé. Économie estimée : 50 millions F CFP.

25

Améliorer la productivité du laboratoire du CHPF. Économie estimée : 230 millions F CFP

26

Faire absorber par la CHPF les activités de biologie de l’Institut Malardé. Économie estimée : 230 millions F CFP.

27

Étudier les modalités de développement de la chirurgie ambulatoire au CHPF.

28

Réduire les capacités des services de pédiatrie, de néonatologie, de chirurgie gynécologique, de chirurgie otorhinolaryngologique (ORL) et de chirurgie ophtalmologique.

29

Travailler à la réduction des durées moyennes de séjour.

30

Supprimer l’HAD « suite de couche ». Économie estimée : 30 millions F CFP

31

Revoir l’organisation des gardes et astreintes au CHPF. Économie estimée : 225 millions F CFP

32

Contrôler la transformation des astreintes en gardes

33

Fixer le tarif des gardes et astreintes à 1,25 fois celui de la métropole. Économie estimée : 60 millions F CFP.

34

Annualiser le temps de travail des infirmiers et des aides-soignants. Économie estimée : 60 millions F CFP.

35

Passer le financement du CHPF et des cliniques privées à la tarification à l’activité, sous réserve d’un cadrage ferme de l’enveloppe budgétaire par une régulation éventuellement à la baisse sur les tarifs, et unifier le coefficient géographique. Économie estimée sur les cliniques privées : 315 millions F CFP ; sur le CHPF : 920 millions F CFP.

36

Modifier le pilotage et le contrôle des autorisations d’activité de soins. Économie estimée : l’économie ne peut être estimée précisément. La proposition contribuera à maîtriser les dépenses de santé.

37

Définir chaque année un objectif d’évolution des dépenses en faveur de la maladie construit par la CPS et le ministère en charge de la santé et présenté lors du débat d’orientation budgétaire, avant l’adoption des budgets des trois régimes de protection sociale.

38

Concentrer l’activité de la direction de la santé sur ses missions de production réglementaire, de pilotage stratégique et de contrôle.

39

Regrouper les établissements de santé sous une direction unique, distincte de la direction de la santé ou dans un établissement public.

40

Se doter rapidement d’un document stratégique exposant les objectifs du système de santé pour une période de cinq ans, notamment à partir des travaux déjà réalisés (plan stratégique sanitaire et médico-social 2013-2023 notamment)

41

Donner plus d’autonomie au directeur général du CHPF.

42

Favoriser un élargissement du recrutement de médecins généralistes à des titulaires de titre de docteur en médecine ressortissants de pays hors Union européenne.

43

Dans les zones à densité médicale faible, permettre aux professionnels de santé non médicaux d’effectuer des actes médicaux. Permettre l’installation de cabinets secondaires dans les zones à densité médicales faible. Les dépenses de santé seront réduites grâce à une réduction des évacuations sanitaires et à une meilleure prévention. Le gain ne peut être estimé précisément.

44

Confier officiellement le projet de développement de la télémédecine à la direction du CHPF. Économie estimée : le nombre d’évacuations sanitaires sera réduit et la prévention sera développée. Le gain ne peut être estimé précisément.

45

Modifier la délibération n° 98-145 APF du 10 septembre 1998 pour permettre le recrutement de praticiens hospitaliers métropolitains par voie de détachement

46

Transférer tout ou partie des financements des personnels du CEAPF au Pays, au travers d’une augmentation à due concurrence, de la DGA, afin que celui-ci puisse les affecter à des chantiers prioritaires et en assumer la gestion de façon autonome

47

Recenser sans délai les textes régissant la santé, les simplifier, les actualiser, voire les supprimer le cas échéant

48

Renégocier la convention d’entreprise et, dans cette attente, utiliser toutes les marges de manœuvre possibles pour dégager des gains de productivité

49

Dans l’hypothèse d’une absence durable de couverture du risque chômage, envisager la possibilité de maintenir pour les salariés ayant perdu leur emploi l’affiliation au RGS, pendant une durée d’un an ou plus

50

Faire procéder à une revue complète des actions des FAS par un consultant extérieur

51

Intégrer à la délibération du 6 février 1994, et à défaut, à la loi organique statutaire, une obligation d’équilibre par le Pays, de la couverture du risque maladie du RSPF

52

Rendre contraignant le délai d’instruction d’un mois par les communes en donnant à la DAS le pouvoir de retourner aux communes les dossiers non complets ou qui dépassent ce délai (obligation de dépôt d’un nouveau dossier)

53

Prévoir explicitement (par une délibération) que tous les revenus doivent être pris en compte pour l’appréciation du plafond de revenu : salaires, pensions, revenus fonciers (sous réserve des terres indivises), soutien par la famille ou un tiers, avantages en nature et recourir aux signes extérieurs si nécessaires

 

Valoriser et rendre publics les avantages en nature fréquemment rencontrés tels que le logement et la nourriture en cas de concubinage, de manière à constituer une grille commune pour l’instruction des dossiers

 

Mettre fin à l’absence de comptabilisation, dans le plafond de revenu, de l’allocation aux adultes handicapés

 

. Prévoir que les jeunes sans emploi de plus de 21 ans vivant au domicile de leurs parents suivent le régime des parents

54

Prévoir sans délai des modules de formation pour les services RSPF des communes

55

Rendre possible, dès le dépôt de la demande, la consultation, puis le croisement de fichiers (CPS, services des contributions, services de Polynésie ayant à connaître de certaines activités non salariées comme celles des pêcheurs, ISPF pour les déclarations de patente, fichier des comptes bancaires, etc.). Cette amélioration, à moyen terme, permettrait une réduction du nombre de pièces (21 actuellement) demandées au demandeur et constituerait une alternative heureuse aux déclarations sur l’honneur. Elle nécessite une loi du Pays (droit de communication et échange d’informations)

56

Prévoir un service d’instruction et de contrôle commun à la DAS et à la CPS, clarifier les procédures d’investigation des agents assermentés (CPS) et non assermentés (DAS) et renforcer les pouvoirs des agents assermentés notamment en matière de visite domiciliaire

57

Instaurer un contrôle par sondage des demandes de renouvellement de l’admission

58

Renforcer les sanctions administratives en cas de fausse déclaration aussi bien pour les assujettis (retrait d’affiliation et dépôt d’un nouveau dossier à l’issue d’un délai d’un an) que pour les communes (retrait pendant un certain délai du pouvoir d’instruction et de transmission des dossiers des nouveaux demandeurs obligeant ces derniers à déposer leurs dossiers dans les circonscriptions d’action sociale)

59

Remplacer la procédure déclarative d’admission au RSPF par une autorisation préalable. Dès le dépôt du dossier d’autorisation, le demandeur (et ses ayants-droits) bénéficie immédiatement de la couverture maladie

60

Dans l’objectif d’un retour à l’équilibre du RSPF :

Prévoir pour 2014 un complément de subvention à verser au RSPF sur le budget général à partir des marges de manœuvre dégagées par l’augmentation de la fiscalité

Revenir dès 2015, à titre de mesure de sauvegarde, dans l’attente d’une solution définitive, à un financement du RSPF par des taxes affectées

 
 

61

Unifier dans un premier temps et sans délai, le montant des prestations familiales au niveau du montant actuellement versé au RGS (7 000 F CFP). Réfléchir, dans la perspective de la création d’une branche famille, à la mise sous conditions de ressources des prestations familiales

62

Pour rendre le système plus équitable, prévoir un plafond de ressources qui tienne compte du nombre de personnes dans la famille. Le plafond actuel de 87 346 F CFP (731,90 €) pourrait être celui applicable aux familles de deux personnes et augmenté pour les familles de trois personnes ou plus

63

Mettre en place dès 2015 sur les revenus 2014 une fiscalité sur les bénéfices des professions jusqu’à présent soumises à l’impôt sur les transactions (BNC, BIC et BA), qui devrait être démantelé sans tarder

64

Mettre en place une contribution de solidarité, sur le modèle de celle instaurée en métropole. Gain théorique : entre 856 et 972 millions F CFP suivant le calibrage de la mesure

65

Transférer l’aide sociale aux communes après recentrage des aides sur les besoins vitaux des familles et, dans l’attente d’une réforme de la fiscalité communale, doter celles-ci d’une ressource spécifique, prélevée sur le FIP

66

Restituer aux secteurs ministériels compétents de la collectivité les actions de politique publique qui les concernent ainsi que les financements correspondants

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