N° 3111 tome VI - Avis de M. Michel Françaix sur le projet de loi de finances pour 2016 (n°3096)


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N° 3111

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 octobre 2015.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2016,

TOME VI

MÉDIAS, LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES

PRESSE

PAR M. Michel FRANÇAIX,

Député.

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Voir les numéros :

Assemblée nationale : 3096, 3110 (annexe n° 32).

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 7

LES PRINCIPALES RECOMMANDATIONS DU RAPPORTEUR 9

PREMIÈRE PARTIE : ÉVOLUTION GLOBALE DES AIDES À LA PRESSE EN 2016 11

I. LES AIDES À LA PRESSE 11

A. LES AIDES À LA DIFFUSION ET À LA DISTRIBUTION 12

1. L’aide au transport postal de la presse 12

2. L’aide au portage de la presse 12

3. L’exonération des charges patronales pour les vendeurs-colporteurs et porteurs de presse 13

4. L’aide à la distribution de la presse quotidienne nationale 13

5. L’aide à la modernisation des diffuseurs de presse 13

B. LES AIDES AU PLURALISME 14

1. L’aide aux publications nationales d’information politique et générale à faibles ressources publicitaires 14

2. L’aide aux quotidiens régionaux, départementaux et locaux d’information politique et générale à faibles ressources de petites annonces 14

3. L’aide à la presse hebdomadaire régionale 14

C. LES AIDES À LA MODERNISATION 14

1. L’aide à la modernisation sociale de la presse quotidienne d’information politique et générale 14

2. Le fonds stratégique pour le développement de la presse 15

II. LE SOUTIEN À L’AGENCE FRANCE-PRESSE 15

DEUXIÈME PARTIE : DES AIDES PROGRESSIVEMENT PLUS LISIBLES ET MIEUX ADAPTÉES AUX ENJEUX DE LA FILIÈRE 17

I. RATIONALISER LE SOUTIEN À LA DISTRIBUTION 17

A. LES AIDES À LA DISTRIBUTION DES ABONNEMENTS DE PRESSE : L’HEURE DES CHOIX 18

1. Cibler l’aide postale : une nécessité 18

a. L’absence de ciblage de la principale aide à la presse : une anomalie majeure 18

b. La création opportune d’une catégorie de presse de la connaissance et du savoir 19

c. Une mise en œuvre dont les difficultés ne sauraient être sous-estimées 20

2. Clarifier dans la durée la finalité et les perspectives d’évolution de l’aide au portage 21

a. Une aide imprécise dans ses objectifs et excessivement erratique dans ses modalités d’application 22

b. Une réforme qui n’a pas permis de mettre fin aux interrogations sur la finalité et le calibrage de l’aide 25

3. Mettre en cohérence l’aide au portage et l’aide au transport postal : vers une aide unique à l’exemplaire ? 27

B. LE SOUTIEN À LA VENTE AU NUMÉRO : ACCÉLÉRER LA RESTRUCTURATION DE LA FILIÈRE ET RENFORCER LE SOUTIEN AUX DIFFUSEURS 29

1. L’accompagnement de la restructuration de la filière : un rocher de Sisyphe pour l’État 30

2. Inviter les acteurs à prendre toutes leurs responsabilités dans la restructuration de la filière 31

3. Mettre en œuvre la régulation renforcée décidée par le législateur 34

4. Améliorer le soutien aux diffuseurs 35

a. Une situation fortement dégradée 35

b. Une réforme de la rémunération des diffuseurs qui n’a que trop tardé 36

c. Renforcer le soutien public aux diffuseurs 37

II. MIEUX PRÉPARER L’AVENIR 38

A. VERS UN MEILLEUR SOUTIEN AU PLURALISME ET À L’ÉMERGENCE DE NOUVEAUX MÉDIAS 38

1. Vers des aides au pluralisme plus cohérentes 38

2. Le soutien à l’émergence de nouveaux médias 39

a. Élargir la palette des outils de soutien à l’émergence 39

b. Renforcer et étendre la réduction d’impôt pour souscription au capital des entreprises solidaires de presse d’information 40

B. VERS UN MEILLEUR ACCOMPAGNEMENT DE L’INNOVATION ET DE LA TRANSITION NUMÉRIQUE 42

1. Rappel du diagnostic posé il y a trois ans 42

2. D’importantes mesures d’adaptation du soutien public 42

a. L’application d’un taux de TVA super réduit aux services de presse en ligne 43

b. La réforme du fonds stratégique pour le développement de la presse 43

3. La presse et Google : des liaisons dangereuses 45

C. ASSEOIR LA LÉGIMITÉ DES AIDES SUR UNE EXIGENCE DE QUALITÉ ET D’EXEMPLARITÉ RENFORCÉE 47

1. Le renforcement de la conditionnalité : passer des intentions aux actes 47

2. Réaffirmer le rôle fondamental de la déontologie et des journalistes 48

3. Garantir la protection des sources 49

TRAVAUX DE LA COMMISSION 51

I. PRÉSENTATION DE L’AVIS 51

II. AUDITION DE LA MINISTRE 81

III. EXAMEN DES CRÉDITS 81

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS 83

INTRODUCTION

En octobre 2012, dans son avis sur les crédits en faveur de la presse dans le projet de loi de finances pour 2013, le rapporteur avait établi un bilan sévère des aides à la presse et mis en évidence de nombreux dysfonctionnements et contradictions, en rendant publique pour la première fois la liste édifiante des montants attribués aux trente titres les plus aidés par l’État. Il appelait à une remise à plat de l’intervention de l’État en faveur de la presse, fondée sur deux objectifs principaux : rationaliser les aides à la distribution et à la diffusion et recentrer l’effort financier sur une presse citoyenne de qualité ainsi que sur les investissements d’avenir et l’innovation. Il insistait également sur le nécessaire renforcement de la contractualisation et de la transparence des aides.

À la suite de ce rapport, la ministre de la Culture et de la communication mettait en place un groupe d’experts, piloté par M. Roch-Olivier Maistre et auquel participait le rapporteur, chargé de formuler des propositions de réforme des aides à la presse. Le rapport remis par ce groupe de travail en avril 2013 appelait à cibler davantage l’aide au transport postal mais à maintenir un taux uniforme de TVA 0 2,1 % pour toutes les familles de presse. Il préconisait à son tour une rationalisation des aides à la distribution et à la diffusion. Il proposait de faire d’un fonds stratégique pour le développement de la presse au périmètre élargi et à la gestion rénovée ? l’instrument central de la politique de l’État en faveur des éditeurs de presse, en lui rattachant les aides au pluralisme, les aides à la modernisation sociale, les aides à la modernisation de la distribution de la presse quotidienne nationale, les aides à la modernisation de la diffusion et les aides au portage. Le groupe de travail proposait également un plafonnement du montant total des aides accordées à chaque titre ainsi qu’un renforcement de la contractualisation et de la transparence des aides.

Sur la base de ces propositions, s’est engagée en 2013 et 2014 une réforme des aides à la presse qui se poursuit en 2015 et 2016 avec le chantier crucial de la réforme des aides à la distribution, alors que les accords « Schwartz », qui précisent les conditions de distribution de la presse par la Poste du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2015, arrivent à échéance.

Trois ans après le diagnostic sévère posé dans son avis précité, il est apparu opportun au rapporteur de dresser un premier bilan des évolutions intervenues depuis lors et de formuler des propositions pour les réformes à venir.

Dans le dossier complexe de la réforme des aides à la presse, un premier constat s’impose : il est tout aussi urgent de réformer un système qui présente des défauts majeurs qu’il est difficile de faire évoluer un secteur qui se porte mal. De fait, si face aux contradictions et incohérences du système, la première tentation est celle des solutions radicales, le conservatisme et les demi-mesures l’emportent rapidement à la lumière des risques que la moindre adaptation ou modification font peser sur un secteur d’une extrême fragilité.

Le rapporteur a donc dû se rallier à la conviction que la réforme des aides à la presse doit nécessairement procéder d’un équilibre subtil entre audace et prudence. De l’audace afin de mettre fin aux plus graves défauts et aberrations du système. De la prudence, afin d’éviter les effets trop brutaux et les ruptures fatales alors que le système d’aide a placé le secteur dans une situation de grande dépendance à son égard. Il faut donc avoir le courage de changer ce qui peut l’être, la sérénité d’accepter ce que nous ne pouvons pas changer, et la sagesse de voir la différence. À cette aune, les évolutions récentes et annoncées des aides à la presse, qui débouchent progressivement sur un ensemble plus lisible et mieux adapté aux enjeux de la filière, fournissent d’importants motifs de satisfaction.

L’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances fixe au 10 octobre la date butoir pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 95 % des réponses étaient parvenues.

LES PRINCIPALES RECOMMANDATIONS DU RAPPORTEUR

1. Appliquer à la presse d’information politique et générale (IPG) et à la presse de la connaissance et du savoir un même taux d’augmentation de leur tarif postal, autour de l’inflation.

2. Pour les titres de la presse du loisir et du divertissement, établir une trajectoire acceptable de convergence vers le tarif universel de La Poste, s’étalant au minimum sur quatre années.

3. Apporter une réponse à la distorsion de concurrence créée par la diffusion au tarif préférentiel IPG de suppléments spécialisés de titres IPG, concurrents des autres catégories de presse.

4. En vue de la lourde opération de « reparamétrage » de l’aide au transport postal, s’assurer de la bonne organisation administrative de la Commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP).

5. Clarifier dans la durée la finalité et les perspectives d’évolution de l’aide au portage. Présenter clairement l’impact attendu du ciblage de l’aide postale sur l’évolution du portage et les conséquences que le Gouvernement entend en tirer en ce qui concerne l’évolution de l’aide au portage.

6. Approfondir différents scénarii d’évolution graduelle vers une aide unique à l’exemplaire diffusé en envisageant son extension à la diffusion numérique et l’introduction d’une dégressivité en fonction du nombre d’exemplaires diffusés.

7. Pour le calcul de l’aide au portage, exclure le portage réalisé, non pas de manière individuelle mais par paquets à destination des hôtels, des entreprises de location d’automobiles etc.

8. Réexaminer le rôle de la Poste dans l’avenir du portage.

9. Accélérer la restructuration de la filière de la distribution de la presse vendue au numéro. Inviter les acteurs à respecter leurs engagements et à prendre leurs responsabilités. Mettre en œuvre la régulation renforcée de la distribution décidée par le législateur. Accélérer les mutualisations entre les messageries. Faire enfin évoluer de manière réaliste les barèmes des messageries. S’assurer de l’augmentation effective de la rémunération des diffuseurs.

10. Consacrer une partie des marges de manœuvre financières dégagées par la réforme de l’aide postale à la mise en place d’une aide publique plus structurante et pérenne en faveur des diffuseurs.

11. Inciter les collectivités territoriales à se saisir effectivement de leur faculté d’exonérer complètement les diffuseurs de la contribution économique territoriale.

12. Favoriser une diversification de la liste des produits qui peuvent être vendus en kiosque.

13. Redéployer une partie des crédits dégagés par la baisse de l’aide au transport postal vers le soutien aux initiatives émergentes et innovantes du secteur de la presse.

14. Renforcer et étendre la réduction d’impôt pour souscription au capital des entreprises solidaires de presse citoyenne. Relever les plafonds de la réduction d’impôt dont bénéficient les particuliers. Réactiver la réduction d’impôt pour souscription des entreprises au capital des sociétés de presse (ex-article 220 undecies du code général des impôts) en majorant l’avantage fiscal jusqu’à 50 % des sommes investies lorsque l’investissement concerne une entreprise solidaire de presse d’information.

15. Fournir un premier bilan d’impact de l’application d’un taux super réduit de TVA à la presse en ligne.

16. Maintenir l’éligibilité des services de presse en ligne de la connaissance et du savoir au fonds stratégique pour le développement de la presse.

17. Relever les taux de subvention du fonds stratégique pour le développement de la presse.

18. S’assurer que les mesures de gel budgétaire s’appliquent aux différentes aides de façon proportionnelle à leur montant pour ne pas pénaliser les dispositifs les plus structurants, en particulier le fonds stratégique. S’assurer que les crédits du fonds Google ne se substituent pas à l’action des pouvoirs publics en matière d’accompagnement à la transition numérique de la presse écrite. Approfondir la réflexion sur le partage de la valeur entre le moteur de recherche et les fournisseurs de contenus.

19. Accélérer la mise en place de la conditionnalité des aides. Mettre en place des critères relatifs au respect d’obligations déontologiques et à l’emploi de journalistes.

20. Inscrire à l’ordre du jour des assemblées le projet de loi sur la protection du secret des sources des journalistes.

PREMIÈRE PARTIE : ÉVOLUTION GLOBALE DES AIDES À LA PRESSE EN 2016

ÉVOLUTION DES CRÉDITS BUDGÉTAIRES EN AE ET EN CP INSCRITS AU PROGRAMME 180 ENTRE LA LFI 2015 ET LE PLF 2016

Les aides à la presse s’établissent à 247,7 millions d’euros dans le présent projet de loi de finances contre 260,2 millions d’euros en loi de finances initiale pour 2015. Ce montant résulte de l’addition des aides à la presse figurant sur le programme 180 « Presse » de la mission « Médias, livre et industries culturelles », qui s’établissent à 128,7 millions d’euros (contre 130,2 en loi de finances initiale pour 2015), et des 119 millions d’euros de l’aide au transport postal de la presse (contre 130 millions d’euros en loi de finances initiale pour 2015), qui figurent sur le programme 134 « Développement des entreprises et du tourisme » de la mission « Économie ».

Les aides à la presse enregistrent donc une diminution globale de 4,8 %. Cette diminution est pour l’essentiel imputable à la diminution de l’aide au transport postal. Elle recouvre des évolutions contrastées comme la diminution mécanique de l’aide à la modernisation sociale de la presse quotidienne d’information politique et générale et l’augmentation des aides au pluralisme, les autres aides étant globalement stables.

Le programme « Presse » distingue les aides à la diffusion, les aides au pluralisme et les aides à la modernisation. La classification proposée est d’une lisibilité et d’une pertinence toutes relatives. D’une part, parce que l’ensemble des aides poursuit un objectif de pluralisme. D’autre part, parce que le ministère de la culture et de la communication fait figurer parmi les aides à la modernisation ? des aides qui sont en réalité des aides à la diffusion (le soutien à Presstalis, à travers l’aide à modernisation de la distribution de la presse quotidienne nationale et l’aide à la modernisation des diffuseurs) et que le rapporteur présentera comme telles.

Jusqu’en 2012, une partie de l’aide au transport postal était inscrite sur le programme 134. Un regroupement de l’ensemble de l’aide postale sur le programme « Presse » avait été opéré en loi de finances initiale pour 2013, ce qui avait contribué à améliorer la lisibilité du budget. Depuis la loi de finances pour 2015, ces crédits ont été rebasculés vers le programme 134, ce que l’on ne peut que déplorer, s’agissant de la principale aide à la presse.

Cette aide passe de 130 millions d’euros en loi de finances initiale pour 2015 à 119 millions d’euros dans le présent projet de loi de finances. Cette diminution doit accompagner un recentrage progressif de l’aide sur la presse d’information politique et générale (IPG) et la nouvelle catégorie de la presse du savoir et de la connaissance ? dont les modalités de définition ne sont pas encore connues.

En complément de l’augmentation très importante de l’aide directe au portage décidée à la suite des États généraux de la presse écrite, le soutien au développement de ce mode de distribution s’est traduit par l’adoption, en loi de finances rectificative du 20 avril 2009, d’un dispositif d’exonération de charges patronales des rémunérations des vendeurs-colporteurs et porteurs de presse afin de développer un réseau structuré de portage.

L’enveloppe consacrée à cette aide est fixée à 21,7 millions d’euros dans le présent projet de loi de finances. S’agissant d’une dépense de « guichet », cette diminution découle d’une nouvelle prévision de l’organisme gestionnaire du dispositif, l’agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS).

L’aide à la distribution de la presse quotidienne nationale a été réformée et divisée en deux sections par le décret n° 2012-484 du 13 avril 2012 relatif à la réforme des aides à la presse et au fonds stratégique pour le développement de la presse.

La première section, qui sera dotée de 18 millions d’euros en 2016, correspond à l’aide à la distribution de la presse quotidienne nationale d’information politique et générale vendue au numéro en France. Cette aide permet aux quotidiens d’accompagner l’effort de restructuration engagé par la messagerie Presstalis.

La seconde section de l’aide à la distribution de la presse, qui sera dotée de 0,85 million d’euros en 2016, correspond à l’aide à la distribution de la presse française à l’étranger. Elle a pour objet d’encourager la réduction du coût de transport à l’étranger des titres diffusés par vente au numéro. Afin de renforcer son impact, cette section est prioritairement ciblée sur des zones géographiques déterminées par le directeur général des médias et des industries culturelles.

Instituée par l’article 134 de la loi de finances rectificative pour 2004, l’aide à la modernisation des diffuseurs de presse est une subvention directe, accordée sous certaines conditions aux diffuseurs qui souhaitent informatiser ou moderniser le mobilier de leur point de vente. Ce dispositif a pour objet d’accompagner le réseau des diffuseurs de presse dans l’effort de modernisation qu’ils doivent accomplir pour améliorer leur performance commerciale, dont dépend directement la diffusion de la presse vendue au numéro.

La dotation initiale était de 4 millions d’euros en 2014 et 3,8 millions d’euros en 2015. Pour l’année 2016, le niveau de financement subit une très légère baisse pour s’établir à 3,68 millions d’euros (frais de gestion inclus). Selon les informations transmises par le ministère de la culture et de la communication, « ce montant doit suffire à maintenir le soutien à la modernisation des marchands de journaux, compte tenu d’une démographie en attrition ».

L’intitulé de l’aide aux quotidiens nationaux d’information politique et générale à faibles ressources publicitaires change en 2016, afin de tenir compte de son extension aux publications d’une périodicité autre que quotidienne (hebdomadaires, bimensuels, mensuels, bimestriels et trimestriels). Cette aide vise principalement à soutenir, d’une part, les titres qui, du fait de leur positionnement éditorial, bénéficient structurellement de recettes publicitaires faibles et, d’autre part, les titres qui traversent de façon conjoncturelle des difficultés financières.

Pour permettre son extension aux titres nationaux d’IPG non quotidiens, prévue par un décret en cours de publication, cette aide bénéficie d’une augmentation de 4 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2015.

L’aide est également abondée en gestion dès 2015, par redéploiement au sein des crédits du programme.

La réforme des aides à la distribution constitue une priorité au regard de leur montant (200 millions d’euros dans le présent projet de loi de finances sur un total de 247,7 millions d’euros), soit 80 % du total des aides budgétaires. La rationalisation de ces aides constitue un enjeu majeur en ce qu’elles soutiennent concomitamment et sans cohérence d’ensemble des formes concurrentes de vente de la presse : la vente au numéro dans les points de vente et la vente par abonnement, cette dernière s’effectuant soit par transport postal, soit par portage.

Ainsi, l’avis du rapporteur sur les crédits en faveur de la presse dans le projet de loi de finances pour 2013 puis le rapport de mai 2013 piloté par M. Roch-Olivier Maistre sur la réforme des aides à la presse ainsi que le rapport de la Cour des comptes du 18 septembre 2013 ont-ils unanimement appelé à une rationalisation de ces aides à l’occasion de la sortie des accords « Schwartz », qui viendront à échéance à la fin de l’année 2015.

La réflexion se poursuit depuis sur la base de propositions plus ou moins radicales : ciblage accru de l’aide au transport postal accompagné ou non de la création d’une aide unique à l’exemplaire diffusé (par fusion des aides au transport postal et au portage), fusion des deux messageries ou mutualisations accrues au sein de la filière, continuité du schéma global de diffusion de la presse ou réorganisation radicale basée sur la distribution de la presse quotidienne nationale par les réseaux de vente au numéro de la presse quotidienne régionale ou la sous-traitance logistique à la Poste pour les magazines.

Les ministres de l’économie et des finances, du redressement productif et de la culture et de la communication ont lancé le 22 novembre 2013 une première mission d’expertise sur l’avenir du schéma de diffusion de la presse écrite. Confiée à l’inspection générale des affaires culturelles, à l’inspection générale des finances et au conseil général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies, cette mission était chargée, dans un contexte de diminution des volumes de presse achetée, de proposer des solutions visant à accroître la complémentarité entre les trois modes de diffusion (portage, postage et vente au numéro) et de réfléchir à l’évolution des relations commerciales entre la presse et la Poste après 2015. La mission a rendu au second semestre 2014 des conclusions qui n’ont pas été rendues publiques et qui n’ont pas permis de déboucher sur des propositions d’évolutions jugées réalistes.

Afin de préparer de façon plus concrète et moins radicale la fin des accords « Schwartz », une nouvelle mission a dû être confiée à M. Emmanuel Giannesini, conseiller-maître à la Cour des comptes, à l’été 2015. Les conclusions que le Gouvernement entend tirer de cette mission sont encore inconnues à ce jour. Elles doivent pourtant permettre de définir le cadre et l’évolution des tarifs postaux de la presse au 1er janvier 2016 et au-delà, mais aussi, plus globalement, l’évolution des aides à la distribution des abonnements de presse. Le Gouvernement doit en particulier se prononcer sur la pertinence d’une aide unique à l’exemplaire abonné et d’un plafonnement des aides à la distribution.

Si des annonces sont imminentes, le rapporteur ne peut que déplorer, pour le Parlement comme pour le secteur, leur caractère tardif. Il mesure néanmoins les enjeux et la complexité d’un sujet qui nécessite d’être tranché dans la durée, afin de garantir aux acteurs toute la visibilité dont ils ont besoin.

Dans le chantier de la rationalisation des aides à la distribution, il apparaît qu’un premier choix a néanmoins été opéré, celui de décorréler la réflexion sur l’avenir des aides à la distribution des abonnements de presse (soutien au portage et au transport postal) (A) de celle sur l’avenir de Presstalis et du soutien à la vente au numéro, le choix ayant été fait en 2012 de privilégier la continuité sur ce dossier (B).

En ce qui concerne la diffusion par abonnement, l’État soutient à la fois le transport postal de la presse et le portage à travers deux aides, pensées de manière autonome et sans aucune vision d’ensemble, qui ne répondent pas aux mêmes logiques et aboutissent de ce fait à des résultats contradictoires. Ainsi, le plan massif d’aide au portage mis en place à la suite des États généraux de la presse écrite a-t-il été conçu sans tenir compte de l’évolution des tarifs postaux. Or, les aides massives au transport postal, qui aboutissent à des tarifs postaux plus avantageux que ceux du portage, n’ont pu que limiter considérablement l’efficacité du soutien au portage. En outre, alors que la plupart des aides directes sont aujourd’hui ciblées, l’aide au transport postal bénéficie encore très largement à des titres non-IPG. À la faveur de la sortie des accords « Schwartz », l’heure est maintenant venue de faire des choix clairs en ce qui concerne l’évolution de ces deux aides pour les cinq prochaines années.

Dans son avis précité sur les crédits en faveur de la presse dans le projet de loi de finances pour 2013, le rapporteur avait dénoncé fermement l’insuffisant ciblage des aides à la presse et en particulier celui de la principale d’entre elles, l’aide postale. Alors que la quasi-totalité des aides budgétaires est aujourd’hui ciblée sur la presse IPG, cette aide présente en effet la particularité de ne bénéficier à la presse IPG qu’à hauteur de 45 % de son montant (1). Comme le rapporteur l’avait souligné dans son avis précité, en 2008, 20 % de l’avantage tarifaire postal, soit l’équivalent de 53 millions d’euros, bénéficiait ainsi à huit magazines télévisés. En 2014, la suppression du moratoire sur l’augmentation des tarifs postaux et les évolutions tarifaires prévues par les accords « Schwartz » ont permis d’atténuer ces chiffres mais on constate que 8 magazines télévisés bénéficient encore à eux seuls de près de 20 millions d’euros d’avantage tarifaire postal, à comparer à l’ensemble de l’aide à la modernisation des diffuseurs de presse qui s’établit à 3,68 millions d’euros

L’absence de ciblage de l’aide postale est donc largement responsable des principaux défauts ou aberrations de la répartition des aides à la presse que fait désormais chaque année apparaître la liste des titres les plus aidés, comme le montre le tableau suivant.

LISTE DES 30 TITRES DE PRESSE LES PLUS AIDÉS EN 2014

Source : DGMIC.

Le ciblage de l’aide postale ne peut donc que contribuer substantiellement à une meilleure lisibilité et à une plus grande cohérence du soutien public à la presse.

Si la nécessité d’un ciblage est largement reconnue, la principale difficulté est de tracer une frontière qui soit aussi acceptable que possible entre la presse d’information « citoyenne », dont la légitimité à bénéficier d’un soutien public est établie, et la presse purement récréative ou s’adressant uniquement au consommateur. En effet, de très nombreux titres se situent précisément à la frontière entre ces deux catégories. Se pose donc la question d’un ciblage pertinent alors que beaucoup de titres non « IPG », singulièrement au sein de la presse spécialisée et professionnelle dont le caractère utile, crédible et sérieux est reconnu, publient des articles d’information de qualité qui enrichissent tant la presse IPG que l’information du citoyen. Le groupe d’experts sur la réforme des aides à la presse auquel participait le rapporteur pour avis avait ainsi appelé à cibler l’aide au transport postal après la fin des accords « Schwartz » sur la presse IPG mais aussi sur la presse spécialisée (2).

C’est pourquoi le rapporteur ne peut que se féliciter de l’annonce, par la ministre de la Culture et de la communication, lors de la conférence des éditeurs du 2 juin 2015, de la création d’une nouvelle catégorie de « presse du savoir et de la connaissance » et d’un ciblage de l’aide postale sur cette nouvelle catégorie, au-delà des seuls titres d’IPG. Les autres titres reconnus par la Commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP) mais relevant de la presse du loisir et du divertissement n’auraient plus vocation à en bénéficier.

Si tous les journaux peuvent se prévaloir d’une égale dignité et s’il ne s’agit pas pour l’État de tracer une frontière entre une « bonne » et une « mauvaise » presse, le rapporteur souhaite rappeler que dans sa décision n° 2001-456 DC du 27 décembre 2001, le Conseil constitutionnel avait considéré « qu’il était loisible au législateur de créer une aide de l’État dans le but de compenser des surcoûts spécifiques de diffusion des quotidiens nationaux d’information politique et générale ; que, s’agissant de titres de presse appartenant à d’autres catégories, contrairement à ce qui est allégué, cette mesure n’entraîne pas de rupture injustifiée d’égalité ; qu’elle participe de la volonté de préserver le pluralisme des quotidiens d’information politique et générale, dont le maintien et le développement sont nécessaires à l’exercice effectif de la liberté proclamée par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ».

Cette réforme implique en premier lieu de tracer les contours exacts de la presse ayant vocation à continuer à bénéficier de l’aide au transport postal, avec l’objectif de limiter les contentieux qui ne manqueront pas de survenir.

Une fois les définitions de la presse du savoir et de la connaissance et de la presse du loisir et du divertissement établies, il conviendra de reclasser toute l’actuelle presse reconnue par la CPPAP, soit 6 500 titres, entre presse IPG, presse du savoir et de la connaissance et presse du loisir et du divertissement. Il s’agira inévitablement d’une tâche considérable en vue de laquelle le ministère de la culture et de la communication doit s’assurer de la bonne organisation administrative de la CPPAP.

Par ailleurs, la question du tarif postal applicable aux différentes familles de presse devra être tranchée. Le groupe d’experts sur la réforme des aides à la presse avait préconisé qu’au terme de l’accord tripartite, l’État veille à ce que les tarifs acquittés par les éditeurs de la presse IPG et de la presse spécialisée évoluent, après les augmentations intervenues au cours de la période 2008-2015, de façon modérée, soit autour de l’inflation. En cohérence avec cette proposition, le rapporteur est favorable à ce que la presse IPG et la presse de la connaissance et du savoir se voient appliquer un même taux d’augmentation de leur tarif, autour de l’inflation.

Pour les titres de la presse du loisir et du divertissement, qui devront progressivement rejoindre le tarif universel de la Poste, ce qui représente des augmentations des tarifs d’environ 70 %, il convient d’établir une trajectoire acceptable d’évolution de ces tarifs. Le rapporteur estime que la convergence de ces titres vers le tarif universel doit s’étaler au minimum sur quatre années.

Enfin, la presse IPG a développé des suppléments spécialisés, parfois concurrents de la presse récréative, qu’elle diffuse au tarif préférentiel IPG. Cette situation, dénoncée de longue date, crée une distorsion de concurrence, à laquelle le rapporteur souhaite que la réforme permette d’apporter une solution.

Parallèlement et en cohérence avec les évolutions qui seront proposées pour l’aide au transport postal, le rapporteur appelle de ses vœux une clarification de la finalité et des perspectives d’évolution de l’aide au portage.

On peut distinguer deux grandes catégories d’aides à la presse.

Les aides destinées à soutenir le pluralisme viennent compenser des surcoûts ou des faiblesses structurels du secteur. Les aides au pluralisme, l’aide postale, le soutien à Presstalis ou le taux réduit de TVA répondent à cette logique. La mesure de leur efficacité n’est pas pertinente : la baisse de la diffusion globale de la presse IPG et la disparition de certains titres ne doivent pas conduire à les remettre en cause, bien au contraire.

D’autres aides constituent des mesures transitoires de soutien ponctuel à des mutations technologiques, sociales et de marché conduites dans un contexte contraint. Les aides versées dans le cadre du fonds stratégique pour le développement de la presse obéissent à cette logique. L’efficacité de ces aides a au contraire vocation à être précisément évaluée.

Alors que l’aide au transport postal est définie comme une aide structurelle répondant à un objectif d’intérêt général de soutien au pluralisme, l’aide au portage a été présentée comme une mesure de soutien transitoire destinée à accompagner un basculement rapide des abonnements du transport postal vers le portage.

Pourtant, dans ses modalités de calcul, l’aide a été conçue comme un soutien de nature hybride, à la fois transitoire et structurel. Jusqu’en 2014, elle s’est en effet composée d’une « aide au flux » venant subventionner la progression du nombre d’exemplaires portés et d’une « aide au stock » venant subventionner le portage existant. L’aide au stock ne pouvait que venir subventionner les éditeurs ayant déjà massivement recours au portage, en particulier ceux de la presse quotidienne régionale, entraînant un effet d’aubaine en contradiction avec l’objectif d’une aide incitative. De fait, l’aide au portage est devenue la principale aide directe à la presse quotidienne régionale qui, n’ayant pas recours au réseau de Presstalis, ne bénéficie pas de l’aide à la modernisation de la distribution des quotidiens nationaux, et ne bénéficie que marginalement de l’aide au transport postal.

La répartition de l’aide au portage est ainsi devenue un enjeu particulièrement conflictuel entre les éditeurs de presse quotidienne nationale et régionale, les premiers souhaitant maximiser l’aide au flux et les seconds l’aide au stock. Les conditions d’attribution de l’aide ont été réformées chaque année, comme le montre le tableau ci-après, afin de limiter l’aide au stock, accusée d’entraîner en faveur de la presse quotidienne régionale un effet d’aubaine contraire à la vocation incitative de l’aide. La part de l’aide accordée au flux est ainsi passée de 11 % en 2009 à 40 % en 2012.

RÉPARTITION DE L’AIDE ENTRE « FLUX » ET « STOCK »

Année

Variables de l’aide

Montant unitaire
(en euros)

Rapport flux/stock

2009

Aide au flux

0,27

1 à 4,9

Aide au stock

0,055

2010

Aide au flux

0,27

1 à 6

Aide au stock

0,045

2011

Aide au flux

0,27

1 à 8,4

Aide au stock

0,032

2012-2013

Aide au flux

0,26

1 à 15,2

Aide au stock

0,0170

Source : DGMIC.

Par ailleurs, il est rapidement apparu nécessaire d’inciter, à travers cette aide, à une plus grande ouverture des réseaux de portage de la presse quotidienne régionale, laquelle se heurte toutefois à plusieurs obstacles :

– en matière de production et d’organisation de la distribution, l’horaire de fin de l’impression de la presse quotidienne nationale sur un site adapté à son format, cumulé au temps de transport nécessaire pour arriver sur les lieux de routage de la presse quotidienne régionale, n’est pas forcément compatible avec les horaires de départ des tournées de cette dernière ;

– d’un point de vue juridique, la mutualisation de ces réseaux – qui pouvait s’envisager non seulement pour la vente par abonnement mais pour la vente au numéro – se heurtait à la double contrainte de l’exclusivité du contrat Presstalis et de la loi « Bichet » du 2 avril 1947, obstacle qui vient d’être levé par la loi n° 2015-433 du 17 avril 2015 portant diverses dispositions tendant à la modernisation du secteur de la presse ;

– des raisons économiques peuvent freiner la mutualisation : alors que Presstalis offre aujourd’hui à la presse quotidienne nationale une solution nationale couvrant la totalité du territoire, la presse quotidienne régionale ne peut offrir que des solutions de distribution locales en raison de son organisation par définition décentralisée. Il convient donc de négocier avec chaque acteur de la presse quotidienne régionale les conditions de distribution de la presse quotidienne nationale. D’autre part, la presse quotidienne régionale n’est pas soumise au même cadre social que la presse quotidienne nationale et que Presstalis pour son impression et sa distribution. La mutualisation envisagée doit tenir compte des difficultés d’harmonisation de l’environnement social des différentes familles de presse ;

– pour des raisons d’opportunité, les éditeurs de presse quotidienne régionale ont pu considérer que porter les abonnés d’autres titres, notamment de la presse quotidienne nationale, faisait peser un risque de « cannibalisation » de leur propre lectorat. Ils se sont donc souvent montrés peu enclins à ouvrir leur réseau ou, lorsqu’ils le faisaient, à opter pour des conditions peu favorables pour les éditeurs de presse quotidienne nationale. Afin de lever cette difficulté, la réforme de l’aide au portage intervenue en 2014 oriente une partie de cette aide vers les réseaux de portage qui s’ouvrent au portage multi-titres.

ÉVOLUTION DE L’OUVERTURE DES RÉSEAUX DE PORTAGE
ENTRE 2011 ET 2014

En 2011

Réseau

Exemplaires des titres du groupe portés

Exemplaires des titres tiers portés

% d’exemplaires tiers portés

Alsace de portage (DNA)

50 394 048

378 366

0,8 %

La Dépêche

37 268 614

1 424 066

3,7 %

Mediaportage (L’Alsace)

28 635 023

228 812

0,8 %

Midi Libre

30 157 749

1 412 901

4,5 %

Nordispresse (La Voix)

92 885 077

348 075

0,4 %

Ouest Plus Service (Ouest France)

199 363 979

1 644 058

0,8 %

Presse Portage (NRCO)

20 013 795

630 837

3,1 %

Promoporte (Le Figaro)

23 370 487

3 833 431

14,1 %

PubliNice (Nice-Matin)

22 284 639

15 025

0,1 %

Pyrénées Presse

7 642 375

61 389

0,8 %

SDVP (Amaury)

40 132 588

12 252 591

23,4 %

Soprodif (La Montagne)

18 666 383

60 298

0,3 %

Sud-Ouest

40 557 183

503 589

1,2 %

Sud Presse Distribution (La Provence)

12 128 430

210 100

1,7 %

En 2014

Réseau

Exemplaires des titres du groupe portés

Exemplaires des titres tiers portés

% d’exemplaires tiers portés

Alsace de portage (DNA)

1 144 150

0

0,0 %

La Dépêche

34 658 464

2 154 248

5,9 %

Mediaportage (L’Alsace)

26 685 728

139 470

0,5 %

Midi Libre

27 027 472

1 696 417

5,9 %

Nordispresse (La Voix)

81 091 679

1 192 684

1,4 %

Ouest Plus Service (Ouest France)

184 051 992

2 547 614

1,4 %

Presse Portage (NRCO)

18 762 107

810 000

4,1 %

Promoporte (Le Figaro)

16 153 479

6 142 808

27,6 %

PubliNice (Nice-Matin)

22 647 199

1 064 076

4,5 %

Pyrénées Presse

7 407 000

80 000

1,1 %

SDVP (Amaury)

35 526 796

23 425 809

39,7 %

Soprodif (La Montagne)

18 568 004

33 116

0,2 %

Sud-Ouest

40 610 350

1 065 600

2,6 %

Sud Presse Distribution (La Provence)

13 187 610

821 906

5,9 %

Source : DGMIC

Les tableaux qui précèdent font apparaître une très forte hétérogénéité de l’ouverture des réseaux de portage. Deux groupes (Amaury et Le Figaro) ont pleinement joué le jeu de la mutualisation et plusieurs autres progressent dans cette voie, quoique de façon encore trop modeste. Il convient également de noter que dans le « grand est », l’absence quasi-totale d’ouverture des réseaux de portage d’EBRA a conduit à l’émergence de réseaux de portage indépendants, qui bénéficient également de l’aide au portage et assurent la distribution abonnée portée de titres de presse quotidienne nationale ou magazines.

Il aura fallu deux études, commandées par le ministère de la culture et de la communication (une première étude réalisée en mars 2013 par le cabinet Arthur D. Little, une seconde, par le Cabinet Roland Berger en 2014), pour définir en septembre 2014 un nouveau mode de calcul de l’aide, s’appliquant dès 2014, avec l’objectif de la rendre plus incitative au basculement du postage vers le portage et au développement du portage multi-titres.

Le nouveau dispositif, issu du décret n° 2014-1080 du 24 septembre 2014, est ainsi divisé en deux sections :

– la première section soutient les éditeurs de presse en fonction du taux de progression du nombre d’abonnés portés (parmi l’ensemble de leurs abonnés) entre l’année n-3 et l’année n de demande de l’aide ;

– la seconde section soutient les réseaux de portage en fonction de la progression du taux de portage multi-titres (défini comme le portage de titres édités par d’autres groupes de presse que le principal titre porté) entre les années n-3 et n.

Le rapport pour avis de Rudy Salles sur les crédits en faveur de la presse dans le projet de loi de finances pour 2014 avait souligné un autre type d’effet d’aubaine lié à la prise en compte du portage réalisé, non pas de manière individuelle mais par paquets à destination des aéroports, des hôtels, des entreprises de location d’automobiles etc. Si le décret de 2014 a exclu les exemplaires portés de manière collective aux compagnies aériennes, le rapporteur appelle de ses vœux l’exclusion des autres types de portage collectif, qui représentent encore environ 100 millions d’exemplaires portés.

Surtout, cette réforme ne semble pas avoir mis fin aux débats sur les enjeux de l’aide au portage.

En ce qui concerne son volet « éditeurs », l’aide se heurte, comme on pouvait s’y attendre, au tassement significatif des volumes portés de la presse quotidienne régionale (– 2 % entre 2011 et 2014) et départementale (-1 % entre 2011 et 2014). Si cette famille de presse continue d’accroître la part de ses abonnements portés (par rapport au total de ses abonnements), cette part atteint un taux très élevé (autour de 85 %) qui paraît difficile à dépasser, compte tenu des contraintes liées aux zones peu denses que seule la Poste est en mesure de servir. Comme l’indique le ministère de la culture et de la communication en réponse au questionnaire budgétaire du rapporteur, « le tassement des volumes conduit, en tendance, à une aide nulle pour cette famille de presse, ce qui aurait l’effet paradoxal d’accélérer leurs difficultés. C’est la raison pour laquelle un correctif a été mis en place, tant en 2014 qu’en 2015 ».

Pour l’année 2014, le décret précité prévoit en effet, dans la limite des crédits disponibles, que l’aide de la première section ne peut être inférieure à 90 % de l’aide reçue en 2013 par les éditeurs de presse. Selon les informations transmises au rapporteur, il a été décidé de reconduire un mécanisme correctif en 2015. En revanche, aucune précision n’a pu être apportée sur l’application éventuelle d’un correctif en 2016.

L’application successive de mécanismes correctifs montre que la réforme de l’aide au portage n’a pas permis d’apporter une réponse claire et définitive aux interrogations sur les objectifs et le calibrage de cette aide. Elle invite également à s’interroger sur le bon calibrage de l’enveloppe.

L’ouverture par le Gouvernement d’une réflexion sur la mise en place d’une aide unique à l’exemplaire par fusion des aides au transport postal et au portage, scénario qui conduirait à faire de l’aide au portage, comme l’aide au transport postal, une aide au pluralisme sans aucune dimension incitative, montre à l’évidence que la nature et la finalité mêmes de l’aide soulèvent encore des interrogations.

Dans son avis d’octobre 2012 sur le projet de loi de finances pour 2013, le rapporteur pour avis avait appelé à lancer une réflexion sur « la globalisation des aides à la distribution afin de neutraliser l’intervention de l’État et permettre à chaque titre de se distribuer selon le mode le plus adapté ».

Le rapport de la Cour des comptes de juillet 2013 sur la réforme des aides à la presse avait à son tour critiqué l’absence de neutralité des aides à diffusion et appelé à une remise en cohérence fondée sur « la création d’une aide unique et globale ne portant plus sur un mode de diffusion particulier mais laissant les entreprises de presse libres de choisir ceux leur paraissant les plus adaptés à leurs besoins ».

La Cour des comptes estimait que « s’agissant en particulier de la concomitance des aides au portage et au transport postal, aucun motif d’intérêt général ne justifierait que l’État fausse la concurrence en favorisant un mode de distribution plutôt qu’un autre. Or, ce principe de neutralité vis-à-vis des modes de diffusion est très inégalement appliqué.

D’une part, la multiplication des crédits d’aide au portage durant la période 2009-2011 témoigne, au contraire, d’une volonté d’inciter les éditeurs de presse à faire évoluer leur stratégie de diffusion, même si pour les raisons précédemment indiquées, cette politique n’a pas eu la cohérence souhaitée.

D’autre part, le choix d’une certaine neutralité supposerait que les titres relevant d’une même famille de presse bénéficient d’aides à la diffusion dans des proportions équivalentes. Or, en l’absence de cohérence et de vision consolidée des aides à la diffusion accordées à chaque titre, l’État n’a pas, jusqu’à il y a peu, été en mesure de s’en assurer. »

Le raisonnement n’est pas dénué de contradiction, reflétant les hésitations sur la nature de cette aide. Après avoir critiqué l’effet d’aubaine engendré par l’aide au portage, à travers « l’aide au stock » (portage existant) et appelé à un ciblage sur le « flux », la Cour des comptes se prononçait donc clairement en faveur de sa transformation en une pure aide au stock à travers la création d’une aide unique à l’exemplaire porté ou posté.

De même, après avoir transformé l’aide au portage en une aide purement incitative, le Gouvernement lance une réflexion sur la création d’une aide unique à l’abonnement distribué, laquelle ne peut qu’engendrer de puissants « effets d’aubaine ».

De fait, en réponse au questionnaire budgétaire, le ministère de la culture et de la communication indique qu’« une telle réforme des aides aux exemplaires portés et postés pourrait en première analyse présenter certains avantages :

– chaque titre serait libre de choisir le mode de diffusion le plus adapté à ses caractéristiques ;

– les éditeurs ne seraient plus conduits à percevoir comme commercialement plus attractif un mode de distribution économiquement plus onéreux ;

– le mécanisme pourrait faciliter l’introduction d’une logique de dégressivité dans le versement des aides.

Cependant, il est important de noter que les dotations budgétaires allouées à l’aide au transport postal et à l’aide au portage ne sont pas corrélées aux volumes d’exemplaires diffusés : la compensation de l’État à la Poste s’est élevée à 150 millions d’euros pour 1 126 millions d’exemplaires postés en 2014, tandis que l’aide directe au portage représentait 37,6 millions d’euros pour 987 millions d’exemplaires portés en 2014 (hors exonérations et allègements de charges).

Même si ces écarts s’expliquent par les conditions historiques dans lesquelles les deux catégories de réseaux se sont constituées, la création d’une aide unique à l’exemplaire n’en entraînerait pas moins des effets redistributifs considérables en faveur des publications déjà portées. Elle se traduirait par un accroissement considérable du niveau d’aide de certaines familles de presse, la presse quotidienne régionale notamment, qui représente la majorité des exemplaires portés (83 % du nombre total des exemplaires portés). »

Dans son rapport 2013, la Cour des comptes relevait que les quotidiens nationaux d’IPG et la presse magazine IPG sont les catégories de titres les plus aidées. Rapportées à l’exemplaire diffusé, les aides à la presse quotidienne régionale sont, sauf exceptions, d’un niveau moindre, de 4 à 7 centimes selon les titres. Selon les points de vue, on peut donc considérer qu’une aide à l’exemplaire diffusé engendre des effets d’aubaine ou un rééquilibrage des aides à la diffusion entre les différentes familles de presse.

Le rapporteur estime que cette solution présente des avantages majeurs en termes de lisibilité globale de la politique de soutien à la presse. Si l’on devait aujourd’hui concevoir ex nihilo les aides à la presse, la cohérence voudrait sans doute que l’on mît en place un tel dispositif.

Toutefois, il ne sous-estime pas les difficultés de mise en œuvre d’une telle proposition, en particulier au plan administratif, les aides au portage étant attribuées aux éditeurs et aux réseaux de portage, l’aide postale étant versée en une fois à la Poste qui accorde de son côté des tarifs préférentiels aux éditeurs de presse.

Il ne sous-estime pas non plus la difficulté à gérer des effets redistributifs substantiels, dans un contexte où des acteurs économiques d’une grande fragilité ont intégré dans leurs choix stratégiques les aides actuelles de l’État. Il serait néanmoins souhaitable d’envisager différents scénarii d’évolution graduelle vers une aide unique à l’exemplaire diffusé.

En outre, dans la mesure où l’objectif d’une telle réforme serait de soutenir le pluralisme et d’assurer une plus grande neutralité de l’intervention de l’État à l’égard des choix de diffusion des acteurs, il serait légitime de ne pas subventionner la seule diffusion papier et d’envisager l’extension de cette aide à la diffusion numérique.

Une dégressivité en fonction du nombre d’exemplaires diffusés pourrait également être envisagée.

S’agissant d’un choix majeur pour l’avenir de la presse, le rapporteur appelle le Gouvernement à présenter les différentes options d’évolution des aides à la distribution, leurs avantages et leurs inconvénients, de la manière la plus transparente possible. Quoi qu’il en soit, et même si l’option d’une aide unique à l’exemplaire n’est pas retenue, le rapporteur attend du Gouvernement qu’il propose des scénarii précis, prévisibles et cohérents d’évolution conjointe des aides postales et de l’aide au portage, accompagnés d’une clarification de leurs finalités.

Il conviendra en particulier de présenter clairement l’impact attendu du ciblage de l’aide postale sur l’évolution du portage (qui devrait en particulier bénéficier du transfert de volumes très importants d’exemplaires, en particulier des titres de presse télévisée) et les conséquences que le Gouvernement entend en tirer en ce qui concerne l’évolution de l’aide au portage.

À cet égard, le rapporteur regrette le rendez-vous raté de la Poste avec le portage, à travers l’échec de Neopress, et appelle à un réexamen du rôle de la Poste dans l’avenir du portage.

La vente au numéro est le canal de distribution de la presse qui subit le déclin le plus significatif. Le nombre d’exemplaires vendus par an (toutes familles de presse confondues) a reculé de 11 % en 2013 et de 7,1 % en 2014. En chiffre d’affaires, la baisse du marché a été de plus de 25 % entre 2009 et 2013 et il y a consensus dans la filière pour considérer que cette tendance devrait se poursuivre en volume sur un rythme de - 7 % par an au cours des prochaines années. Le système de distribution de la presse vendue au numéro connaît donc aujourd’hui, à tous ses niveaux, une crise profonde et un besoin de réforme urgent.

En ce qui concerne la situation du réseau de vente au numéro, le rapporteur évoquait dans son avis précité sur le projet de loi de finances pour 2013 « une catastrophe collective dont le scénario était écrit d’avance », les réformes nécessaires ayant été sans cesse différées. De fait, à la fin de l’année 2012, Presstalis échappait in extremis au redressement judiciaire.

Son sauvetage a été obtenu de haute lutte par la signature le 5 octobre 2012 d’un accord tripartite entre l’État, la messagerie et les coopératives d’éditeurs pour la continuité d’exploitation du groupe dans une nouvelle organisation industrielle des messageries de presse. Les Messageries lyonnaises de presse (MLP) n’ont donc pas signé cet accord alors même que leur implication dans la réorganisation de la filière est absolument déterminante... Dans un contexte très difficile, le coût de ce choix est explosif et pèse lourdement et de manière croissante sur les finances de l’État et les marges de manœuvre disponibles pour faire évoluer les aides à la presse. Ce choix s’est par ailleurs accompagné d’un engagement de maintien du taux super réduit de TVA de 2,10 % pour toutes les familles de presse en contrepartie d’une solidarité sans faille de la profession dans la conduite des réformes structurelles de la filière.

Alors que l’État se trouve impliqué financièrement très lourdement dans l’accompagnement des restructurations de la filière (1), il convient aujourd’hui que les acteurs prennent toutes leurs responsabilités dans la mise en œuvre de ces restructurations, qui s’avèrent encore trop laborieuses (2), et de repenser le soutien aux diffuseurs (3).

Rappelons qu’au cours de l’année 2012, alors qu’était posée la question de l’avenir de Presstalis, l’option du divorce entre la distribution de la presse quotidienne et celle des magazines et de l’éclatement du système coopératif a été sérieusement envisagée. Des projets de distribution de la presse quotidienne nationale par les réseaux de vente au numéro de la presse quotidienne régionale, projets qui étaient loin d’être dénués de toute pertinence, ont été étudiés. Le choix a été fait de sauver Presstalis, dont le dépôt de bilan aurait impacté quelque 30 000 personnes dans l’ensemble de la filière.

Ce choix est lourd de conséquences financières pour l’État dont la contribution aux plans de restructuration de Presstalis a littéralement explosé depuis 2010. Depuis 2005, ce dernier aura versé au total près de 200 millions d’euros, dont 140 millions depuis 2010, pour éviter la cessation d’activité de la messagerie et les répercussions d’une telle cessation sur le secteur de la presse. Il convient d’ajouter à ces montants les aides exceptionnelles accordées par l’État aux diffuseurs mis en difficulté par les divers mouvements sociaux chez Presstalis.

AIDES VERSÉES PAR L’ÉTAT À PRESSTALIS DEPUIS 2005

Année

Contexte

Objet

Montant

2005

Plan 2004-2007

Financement du déficit de la distribution des quotidiens

12 M€

2006

Plan 2004-2007

Financement du déficit de la distribution des quotidiens

8 M€

2007

Plan 2004-2007

Financement du déficit de la distribution des quotidiens

8 M€

2008

Défi 2010

Financement du déficit de la distribution des quotidiens
et des investissements liés à la restructuration
de la branche quotidiens

12 M€

2009

Défi 2010

Financement du déficit de la distribution des quotidiens
et des investissements liés à la restructuration
de la branche quotidiens

18 M€

2010

Mesures d’urgence post-Mettling

Financement du déficit de la distribution des quotidiens
et financement de la réforme de la distribution

38 M€

(20 M€ + 18 M€)

2011

Préparation du plan stratégique

Financement du déficit de la distribution des quotidiens
et financement de la réforme de la distribution

18 M€

2012

Plan stratégique

Financement du déficit de la distribution des quotidiens
et financement de la réforme de la distribution

23 M€

(18 M€ + 5 M€)

2013

Plan stratégique

Financement du déficit de la distribution des quotidiens
et financement de la réforme de la distribution

28 M€

(18 M€ + 10 M€)

2014

Médiation Redding

 

32 M€

(18 M€ + 14 M€)

Total

 

197 M€

Source : DGMIC.

Alors que l’État a largement pris sa part de responsabilité dans ce dossier, une responsabilité qui ne lui incombait d’ailleurs pas nécessairement, l’implication des autres acteurs dans la mise en œuvre de la restructuration de la filière est plus que contrastée, comme le rapporteur l’a montré dans son rapport sur la proposition de loi portant diverses dispositions tendant à la modernisation du secteur de la presse (3).

Le nouveau plan de restructuration de Presstalis et de réorganisation industrielle des messageries de presse

Aux termes de l’accord-cadre tripartite signé le 5 octobre 2012, l’État, Presstalis et les coopératives d’éditeurs ont pris différents engagements.

Presstalis s’est engagée à mettre en place un certain nombre de mesures d’économies, essentiellement des mesures d’amélioration de la gestion de son besoin en fonds de roulement (amélioration du recouvrement des créances, renégociation avec les fournisseurs etc.) et des mesures de financements externes, par recours à l’escompte et au crédit-bail.

Les éditeurs sont surtout responsables de la restauration de l’équilibre d’exploitation. À ce titre, ils ont notamment dû consentir à un relèvement d’un point des barèmes des deux coopératives sur vingt-quatre mois et à l’augmentation des coûts de transport sur le niveau 2 (constitué par les dépositaires de presse répartis sur l’ensemble du territoire). Ils se sont également engagés à augmenter le capital de Presstalis à hauteur de 7,6 millions d’euros et ont accepté que Presstalis utilise en trésorerie une partie de l’encours ducroire (4), dans la limite de 90 millions d’euros.

L’État s’est de son côté engagé à verser une aide exceptionnelle à la distribution de 5 millions d’euros en 2012 et de 10 millions d’euros en 2013, à octroyer un prêt de 20 millions d’euros du fonds de développement économique et social (FDES) et, surtout, à garantir en trésorerie les gains de la réforme industrielle de Presstalis en 2014, à hauteur de 57,2 millions d’euros.

L’accord prévoit également une réorganisation de la filière reposant notamment sur la mise en place d’une péréquation inter-messageries des surcoûts de la distribution des quotidiens et sur un « décroisement des flux » entre les deux messageries, via la création d’une société commune de moyens, qui assurerait le transport logistique des flux de niveau 1 (les sociétés coopératives et les sociétés commerciales de messageries de presse) vers le niveau 2 (les dépositaires) pour le compte des deux messageries.

Le rapporteur ne peut que regretter vivement que les dispositions de l’accord tripartite n’aient pas été mises en œuvre par tous les éditeurs. En particulier, le journal Le Monde n’a pas, à ce jour, mis en œuvre l’engagement qu’il avait souscrit en matière d’augmentation du capital de Presstalis. Pourtant, fin 2014, à la suite de deux mouvements sociaux au sein des imprimeries de la presse quotidienne nationale ayant empêché la parution des journaux nationaux, l’État a accepté d’accompagner financièrement, à hauteur de 8,5 millions d’euros, la poursuite de la restructuration des imprimeries de la presse parisienne. Il convient de souligner que la participation de l’État est conditionnée à l’engagement du syndicat de la presse quotidienne nationale de ne plus solliciter le soutien de l’État pour une nouvelle opération de restructuration des imprimeries mais aussi au respect par le groupe Le Monde de son engagement à recapitaliser la société Presstalis…

En ce qui concerne la restructuration de la filière, si des avancées réelles sont constatées, elles s’avèrent encore trop laborieuses au regard de la situation très dégradée du secteur.

Après une très forte résistance des MLP, la péréquation inter-coopératives pour le financement des surcoûts de la distribution des quotidiens est aujourd’hui effective.

La mise en œuvre du schéma directeur du niveau 2 a en revanche pris un retard très important. En 2012, le niveau 2 comportait 133 dépositaires-mandataires. Pour assurer l’adaptation de ce réseau, le Conseil supérieur des messageries de presse (CSMP) a voté en juillet 2012 un schéma directeur prévoyant de le réduire à 99 plateformes et 63 dépôts en métropole avant le 31 décembre 2014. Les difficultés de trésorerie des MLP et les désaccords entre messageries et dépositaires sur la valorisation des dépôts ont entraîné le blocage des opérations d’acquisitions/ventes. On comptait au 1er janvier 2015 114 dépôts de presse sur le territoire métropolitain. Sur les 35 rattachements prévus par le schéma directeur entre 2012 et 2015, seulement 20 avaient pu être effectués, soit un état d’avancement de 60 % par rapport à l’objectif initial de 99 dépôts.

Les négociations sur la création de sociétés communes de moyens ont été difficiles. S’agissant du décroisement des flux, sa mise en place a été engagée : certaines plates-formes régionales de Presstalis accueillent désormais les palettes des MLP et inversement. En revanche, les négociations entre Presstalis et les MLP sur la création de la société commune de moyens pour assurer le décroisement des flux de niveau 1 semblent difficiles. Constatant le retard pris dans la réforme industrielle de la filière, le commissaire du gouvernement auprès du CSMP a dû demander à celui-ci, le 24 juillet 2014, d’inscrire à l’ordre du jour la mise en œuvre de la nouvelle organisation industrielle de la filière de distribution de la presse. Une société commune de moyens avec une gouvernance partagée a donc enfin été créée afin de permettre le développement du nouveau système d’information commun à l’ensemble de la filière. Il convient de souligner que l’État participe là encore activement au financement de ce projet via le fonds stratégique pour le développement de la presse à hauteur de 4,4 millions d’euros. Le rapporteur est convaincu que les mutualisations entre les deux messageries doivent s’accélérer et que la fusion demeure un horizon indépassable...

Enfin, le plan industriel prévu au sein de Presstalis a pris du retard et sa mise en œuvre s’est heurtée à d’importants surcoûts. À la suite d’un mouvement de grèves perlées à l’hiver 2012, le gouvernement a chargé M. Raymond Redding d’une mission de médiation entre la direction de Presstalis et les organisations syndicales. Cette médiation s’est soldée par un accord en mai 2013. Le surcoût issu de cette médiation est de 19,7 millions d’euros en pertes d’exploitation et de 13 millions d’euros pour les mesures d’âge supplémentaires, soit 32,7 millions d’euros. Le Gouvernement a pris à sa charge la moitié de ce surcoût dans la limite de 14 millions d’euros.

Alors que le plan de restructuration de Presstalis adopté par son conseil d’administration le 24 novembre 2011 visait à rétablir l’équilibre financier du groupe à l’horizon 2015, comme l’indique le Gouvernement en réponse au questionnaire budgétaire, comme on pouvait s’y attendre, la messagerie fait valoir des difficultés financières prévisibles en 2015 et 2016. Alors que le syndicat national des dépositaires de presse a déposé en janvier 2014 une plainte pour aides d’État à Presstalis auprès de la Commission européenne portant sur les conditions d’attribution du prêt du fonds de développement économique et social (FDES) prévu par l’accord cadre du 5 octobre 2012, en décembre 2014, le Gouvernement a acté le versement d’un nouveau prêt du FDES pour un montant de 30 millions d’euros.

L’avis précité du rapporteur sur le projet de loi de finances pour 2013 et le rapport du groupe d’experts sur la réforme des aides à la presse avaient appelé à un renforcement de la régulation de la distribution de la presse par la création d’une autorité de régulation unique en lieu et place de la régulation « bicéphale » exercée par le Conseil supérieur des messageries de presse (CSMP) et l’Autorité de régulation de la distribution de la presse (ARDP).

Issue d’une proposition de loi présentée par le rapporteur pour avis, la loi n° 2015-433 du 17 avril 2015 portant diverses dispositions tendant à la modernisation du secteur de la presse a renforcé la régulation de la distribution.

Le choix a été fait de renforcer les pouvoirs de l’ARDP pour permettre d’accélérer la mise en œuvre des réformes les plus complexes, tout en maintenant le rôle représentatif et décisionnel du CSMP. L’ARDP a ainsi la possibilité de demander l’inscription d’une question à l’ordre du jour du CSMP, d’imposer un calendrier ou de réformer les décisions du CSMP.

Surtout, la loi a renforcé les prérogatives de ces instances à l’égard des barèmes tarifaires fixés par les coopératives et applicables aux éditeurs. L’ARDP doit désormais les homologuer, après avis motivé du président du CSMP, l’objectif étant d’assurer l’équilibre financier des messageries de presse.

Les instances de régulation de la distribution de la presse doivent désormais se saisir de ces évolutions législatives. En particulier, il convient de faire évoluer de manière réaliste des barèmes opaques et incompatibles avec l’équilibre économique de la filière. Ce chantier est désormais lancé. Il s’avère en effet que les tarifs pratiqués n’ont jamais financé adéquatement les coûts supportés par les messageries et, du fait de leur opacité, limitent les efforts engagés de réduction des coûts du réseau de distribution.

Comme il a été indiqué précédemment, l’activité de diffusion s’inscrit depuis plusieurs années dans un marché en très forte érosion.

Parallèlement, le réseau des diffuseurs subit une perte de sa densité et de sa qualité. Fin décembre 2014, on comptait 25 866 points de vente actifs dans le réseau contre 26 816 à fin décembre 2013, soit une perte de 950 points de vente. Entre 2009 et 2014, la taille du réseau des diffuseurs a diminué de 3 880 points de vente (- 13 %).

Cette baisse du nombre global de points de vente actifs résulte à la fois de la pénurie de créations et d’une augmentation des fermetures. En outre, les créations de points de ventes concernent surtout des « points de ventes de capillarité », avec en particulier des « points de vente complémentaires » (PVC) à offre réduite (50, 100 ou 300 titres), présents notamment dans les grandes surfaces alimentaires, ce qui traduit une substitution inquiétante du réseau de capillarité au détriment du réseau traditionnel, à offre plus large. Cette reconfiguration du réseau au détriment des spécialistes conduit à une réduction du chiffre d’affaires moyen de la filière. En effet, alors qu’un point de vente spécialisé réalise un chiffre d’affaires annuel moyen de 150 000 euros, le chiffre d’affaires « presse » d’un PVC s’établit à seulement 15 000 euros.

Les diffuseurs sont également confrontés à des conditions de travail particulièrement difficiles. Un point de vente est ouvert en moyenne 13 heures 30 par jour et 80 heures par semaine. À ces contraintes horaires s’ajoute la pénibilité des tâches matérielles : un diffuseur spécialisé consacre quotidiennement quatre à six heures aux seules opérations de mise en place des produits et de gestion des stocks et des invendus. Le fort accroissement du nombre de produits à traiter, lié notamment au développement des produits hors presse (DVD, multimédias, livres, encyclopédies, etc.) et l’accroissement des taux d’invendus (40 % en 2007, 45 % en 2013) engendrent un encombrement croissant des linéaires, ce qui contribue largement à la dégradation des conditions de travail tout en nuisant à la bonne exposition des titres, et donc à leur vente. C’est pourquoi l’assortiment et le plafonnement des quantités servies aux points de vente constituent des enjeux particulièrement importants pour les diffuseurs.

Enfin, la répartition de la rémunération entre les différents acteurs est très défavorable aux diffuseurs. Évaluée à 17 % en moyenne du prix de vente contre 21 % à 26 % au Royaume-Uni et 20 % à 25 % en Espagne, la rémunération des marchands de journaux dans notre pays est l’une des plus faibles d’Europe. Les États généraux de la presse écrite avaient conclu à l’urgence d’une revalorisation de la rémunération des diffuseurs. L’État avait mis en place une aide exceptionnelle transitoire en faveur des diffuseurs en attendant que les réformes de la filière permettent une amélioration de leurs conditions de rémunération. Force est de constater que l’aide a bien été versée mais que les réformes structurelles n’ont parallèlement pas permis de revaloriser la rémunération des vendeurs de presse. Il aura fallu attendre 2014 pour que des avancées se concrétisent sur ce dossier…

La rémunération des diffuseurs de presse est fixée par des accords interprofessionnels conclus entre les éditeurs et les diffuseurs de presse. Elle dépend de plusieurs éléments, tels que le niveau de qualification du diffuseur, son implantation géographique et le type de produit vendu. Toutefois, le législateur a confié au CSMP la mission de fixer les conditions de rémunération des agents de la vente de presse après consultation de leurs organisations professionnelles, dans le cadre de sa mission générale visant à assurer le bon fonctionnement du système coopératif de distribution de la presse et de son réseau.

Il aura fallu une intervention du commissaire du Gouvernement lors de l’Assemblée générale du CSMP de juillet 2013 demandant que le sujet soit examiné en priorité pour que le CSMP lance, au cours du mois d’octobre 2013, une consultation publique sur l’évolution des conditions de rémunération des diffuseurs de presse, suivie d’une mission de synthèse confiée au cabinet Postmédia finance. Cette réflexion a abouti à la décision du Conseil supérieur n° 2014-03 du 1er juillet 2014 qui définit une nouvelle grille de rémunération simplifiée fondée sur une revalorisation de la commission moyenne perçue par le diffuseur de presse sur ses ventes comprise entre deux et trois points. Cette revalorisation représenterait un coût global supplémentaire de 27,6 millions d’euros pour les éditeurs, soit 1,7 % du coût de diffusion en l’état actuel des ventes.

Il s’agit là d’une avancée importante bien que tardive. L’Assemblée du CSMP du 2 décembre 2014 a adopté une décision n° 2014-07 qui précise une trajectoire permettant d’atteindre progressivement le dispositif cible en trois exercices. Deux augmentations de la rémunération moyenne de 0,5 % chacune seront prises en charge par les éditeurs respectivement en 2015 puis en 2016. Une dernière étape de 0,7 % en 2017 devra être financée par les économies réalisées par la filière. Cette dernière étape a donc un caractère conditionnel. Le président du CSMP devra présenter au plus tard le 31 octobre 2016 un rapport sur les ressources disponibles pour en assurer le financement.

Au vu de la situation particulièrement dégradée des diffuseurs, le rapporteur appelle de ses vœux un renforcement du soutien public qui leur est attribué, au-delà du maintien de l’aide à la modernisation des diffuseurs de presse à hauteur de 3,65 millions d’euros prévue par le présent projet de loi de finances, que le rapporteur ne peut s’empêcher de comparer aux 4,7 millions d’euros d’avantage postal dont bénéficie encore le seul magazine Télé 7 jours…

L’aide à la modernisation des diffuseurs a bénéficié, à la suite des États généraux de la presse écrite, d’un effort financier exceptionnel (à hauteur de plus de 10 millions d’euros en 2009, 2010 et 2011). Cette aide a été ramenée à 6 millions d’euros en 2012 puis à 4 millions d’euros en 2013 et 2014. Dans son avis sur les crédits en faveur de la presse dans le projet de loi de finances pour 2013, le rapporteur avait dénoncé le rôle de variable d’ajustement de l’aide à la modernisation des diffuseurs de presse.

En outre, trois aides exceptionnelles ont été mises en place. En 2009, à la suite des États généraux de la presse écrite, une aide de 4 000 euros a été accordée à 12 500 bénéficiaires pour un montant total d’environ 50 millions d’euros. En 2011, une nouvelle aide exceptionnelle a été accordée à hauteur de 14,7 millions d’euros pour apporter un soutien particulier aux diffuseurs qui ont eu à subir les conséquences de la grève de la distribution du dépôt SPPS de Presstalis en décembre 2010. Enfin, le mouvement social de l’automne 2012 à Presstalis a débouché sur la mise en place d’une nouvelle aide exceptionnelle de 720 000 euros en faveur des diffuseurs de presse indépendants et spécialistes les plus touchés.

Le rapporteur estime que les marges de manœuvre financières dégagées par la réforme de l’aide postale doivent permettre de financer la mise en place d’une aide plus structurante et pérenne en faveur de ces acteurs essentiels de la distribution. Cette aide pourrait être ciblée sur le « cœur » du réseau, à savoir les diffuseurs indépendants spécialistes.

Par ailleurs, la loi de finances rectificative pour 2013 a permis aux collectivités territoriales d’exonérer totalement les diffuseurs de presse de contribution économique territoriale. Il convient d’inciter les collectivités à se saisir effectivement de cette faculté d’exonération complète, qui demeure trop peu utilisée.

Le rapporteur serait également favorable à une diversification de la liste des produits qui peuvent être vendus en kiosque.

Cet effort ne doit aucunement dispenser les acteurs du secteur de la distribution de la responsabilité qui leur incombe de garantir une meilleure rémunération des diffuseurs.

Dans son rapport précité de 2013, la Cour des comptes avait dénoncé le mode d’attribution incohérent de l’aide aux quotidiens nationaux à faibles ressources publicitaires. Cette aide vise principalement à soutenir, d’une part, les titres qui, du fait de leur positionnement éditorial, bénéficient structurellement de recettes publicitaires faibles et, d’autre part, les titres qui traversent de façon conjoncturelle des difficultés financières.

La Cour observait que la détermination du montant des aides versées aux quotidiens remplissant les conditions d’éligibilité avait conduit, notamment en 2011 et en 2012, « à donner aux trois grands quotidiens concernés une aide à peu près équivalente (environ 3 millions d’euros), indépendamment de leur niveau de diffusion et du pourcentage de recettes publicitaires par rapport à leurs recettes totales ». La Cour estimait qu’une réforme complète de ce mécanisme s’imposait. Si les observations de la Cour ne sont pas dénuées de pertinence, il convient d’avoir à l’esprit que l’aide au pluralisme, qui a aujourd’hui le caractère de subvention d’équilibre indispensable à la survie des titres concernés, ne saurait être radicalement réformée sans menacer leur existence, en contradiction avec l’objectif même de cette aide.

En revanche, le rapporteur se félicite de l’extension annoncée de l’aide au pluralisme, aujourd’hui réservée aux quotidiens à faibles ressources publicitaires, aux publications fragiles d’une périodicité autre que quotidienne (hebdomadaires, bimensuels, mensuels, bimestriels et trimestriels). La réforme permettra ainsi d’atténuer la concentration de l’aide et de la rendre plus équitable. Elle contribuera aussi davantage au maintien de la diversité de l’offre de presse et au pluralisme du débat démocratique.

Pour permettre l’extension de l’aide aux titres nationaux d’IPG non quotidiens, prévue par un décret en cours de publication, une quatrième section de l’aide est créée, sur des critères dont on peut regretter qu’ils ne soient pas encore connus mais qui seront similaires à ceux existant pour les première et deuxième sections destinées aux quotidiens. Le nombre de bénéficiaires de cette quatrième section est évalué à 75 dans le projet annuel de performance, ce qui conduira à un montant moyen d’aide d’environ 53 000 euros.

Pour soutenir cet effort en faveur du pluralisme, la dotation de l’aide bénéficie d’une augmentation de 4 millions d’euros. L’aide est abondée en gestion dès 2015, par redéploiement au sein des crédits du programme. En 2016, cette augmentation est financée au moyen d’une mesure nouvelle inscrite au projet de loi de finances à hauteur du même montant.

Une cinquième section est également créée sur le modèle de la troisième section, destinée à atténuer pour les publications concernées leur sortie du dispositif.

Par ailleurs, le décret du 23 juin 2014 a prévu un plafonnement progressif de l’aide à la presse hebdomadaire régionale pour les groupes de presse éditant un grand nombre de publications de presse hebdomadaire régionale : aucun groupe ne peut toucher plus de 35 % du fonds en 2014, 30 % en 2015 et 25 % en 2016. Ce plafonnement concerne actuellement un seul groupe de presse (SIPA-Ouest France / Publihebdos). Elle permet de redistribuer les montants ainsi libérés à l’ensemble des autres publications de presse hebdomadaire régionale, l’enveloppe demeurant inchangée. Cette réforme contribue à renforcer l’équité du dispositif et sa mise en cohérence avec l’objectif d’encouragement du pluralisme poursuivi par l’aide.

Le soutien à l’émergence de nouveaux médias est aujourd’hui principalement mis en œuvre à travers deux dispositifs :

– le fonds stratégique pour le développement de la presse, qui soutient les projets d’investissement des sites de presse d’information politique et générale, professionnels ou de la connaissance ;

– le fonds d’avances remboursables aux entreprises de presse (FAREP) géré par l’institut de financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC), auquel sont éligibles les sites de presse tout en ligne d’information politique et générale pour leur création ou leur transmission.

Le rapport remis par M. Jean-Marie Charon à la ministre de la Culture et de la communication le 2 juin 2015, « Presse et numérique, l’invention d’un nouvel écosystème » appelle à mieux accompagner les acteurs émergents et les initiatives innovantes. Les modalités des soutiens existants se heurtent en effet à plusieurs limites s’agissant des médias émergents :

– la faiblesse des capacités d’investissement propres de ces sociétés et la réticence du secteur bancaire à accompagner des projets dans le secteur de la presse ;

– le caractère mixte de plusieurs des sites concernés entre presse écrite, blog, musique, vidéo et autres contenus qui les font parfois sortir des critères de définition de la presse en ligne ;

– les modalités de fonctionnement du fonds stratégique, adaptées à sa nature d’aide à l’investissement, qui reposent sur un versement de l’aide ex post, sur facture.

Compte tenu de ces freins, le rapporteur se réjouit de l’annonce d’un redéploiement d’une partie des crédits dégagés par la baisse de l’aide au transport postal vers le soutien aux initiatives émergentes et innovantes.

À la suite du comité interministériel à l’égalité et la citoyenneté (CIEC) du 6 mars 2015, le ministère de la culture et de la communication a lancé en 2015 un appel à projets doté d’un million d’euros, afin de soutenir les médias de proximité et les médias citoyens. Il s’agit souvent d’acteurs nouveaux ou de petite taille qui s’adressent prioritairement aux jeunes ou inscrivent leur action dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville et les zones rurales. Cet appel à projets s’adressait à tous les médias (presse imprimée ou en ligne, web-télés, webradios...) à l’exception des radios associatives, déjà aidées par le fonds de soutien à l’expression radiophonique (FSER). Le dispositif a bénéficié à 114 projets (sur 462 reçus par le ministère de la culture et de la communication). Il sera pérennisé en 2016 et doté de 1,5 million d’euros inscrits dans le programme « Livre et industries culturelles », ce dont le rapporteur se félicite.

Au-delà, une réflexion est engagée et un travail d’échanges avec les éditeurs est encore en cours, qui doivent aboutir à une diversification et à un approfondissement de la palette des outils disponibles pour les acteurs émergents. Comme l’a annoncé la ministre de la Culture et de la communication lors de la conférence des éditeurs du 2 juin dernier, ces dispositifs pourraient porter sur l’incubation des projets et leurs premières années et être développés dans le cadre du fonds stratégique pour le développement de la presse.

La loi précitée du 17 avril 2015 portant diverses dispositions tendant à la modernisation du secteur de la presse a consolidé le rescrit fiscal qui rendait déjà déductible (au titre du mécénat) les dons aux entreprises de presse.

Elle a également introduit, dans le code général des impôts, un nouvel article 199 terdecies-0 C qui institue une réduction d’impôt sur le revenu en faveur des particuliers qui souscrivent au capital d’entreprises de presse. Le taux de la réduction d’impôt est fixé à 30 % dans la limite d’un plafond de versement fixé à 1 000 euros par an pour les contribuables célibataires, veufs ou divorcés et 2 000 euros pour les contribuables soumis à une imposition commune.

La loi a par ailleurs créé le statut d’entreprise solidaire de presse d’information et porté à 50 % le taux de la réduction d’impôt évoquée ci-dessus quand les souscriptions sont effectuées au capital de ces entreprises, qui sont tenues de réinvestir dans l’entreprise au moins 70 % des bénéfices annuels. Ce dispositif doit permettre de rendre plus attractive la prise de participation des lecteurs-citoyens dans des projets innovants de la presse imprimée ou numérique ou la reprise d’entreprises en difficulté, sous la forme de financement participatif.

Pour aller au-delà du symbole fort qui a fait de Charlie Hebdo le premier journal à adopter ce nouveau statut d’entreprise solidaire de presse d’information, et pour que ce statut ne reste pas de l’ordre du symbole, le rapporteur appelle de ses vœux un renforcement et une extension de la réduction d’impôt pour souscription au capital des entreprises de presse, en particulier des entreprises solidaires.

S’agissant des particuliers, il souhaite que les plafonds de versement soient relevés pour atteindre par exemple 5 000 euros par an pour les contribuables célibataires.

Sur le modèle de la réduction d’impôt introduite en faveur des particuliers, le rapporteur souhaite également une réintroduction de la réduction d’impôt pour souscription des entreprises au capital des sociétés de presse qui avait été créée par l’article 14 de la loi nº 2006-1666 du 21 décembre 2006 de finances pour 2007 à l’article 220 undecies du code général des impôts mais qui n’a pas été prorogée par la loi de finances initiale pour 2013.

Les entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés pouvaient à ce titre bénéficier d’une réduction d’impôt égale à 25 % du montant des sommes versées au titre des souscriptions en numéraire réalisées au capital de sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun et exploitant soit un journal quotidien, soit une publication de périodicité au maximum mensuelle consacrée à l’information politique et générale. Aucun lien de dépendance ne devait exister entre l’entreprise souscriptrice et l’entité bénéficiaire de la souscription. Pour l’année 2012, la dépense fiscale afférente avait été estimée à à moins de 500 000 euros et pour l’année 2013, son coût s’élevait à 1 million d’euros. Ce dispositif avait bénéficié à 26 entreprises en 2012. En dépit de la demande du ministère de la culture et de la communication, ce dispositif n’a pas été prorogé au-delà de l’année 2013.

Il serait souhaitable de réactiver cet avantage lié à la prise de participation minoritaire dans une entreprise de presse. Ce premier niveau d’avantage fiscal pourrait bénéficier à toutes les entreprises de presse. L’avantage fiscal pourrait ensuite être majoré jusqu’à 50 % des sommes investies lorsque l’investissement concernerait une entreprise solidaire de presse d’information.

Dans son avis précité d’octobre 2012 sur le projet de loi de finances pour 2013, le rapporteur pour avis avait appelé à un recentrage urgent des aides sur les investissements d’avenir et sur la transition numérique. Pour mieux mesurer le chemin parcouru depuis, il n’est pas inutile de rappeler les constats formulés il y a trois ans :

« Trop occupé à tenter de préserver l’existant, le secteur oublie d’innover et de consentir les nécessaires investissements d’avenir. Les aides ne sont pas du tout ciblées sur l’investissement : la grande majorité des crédits d’intervention s’apparente à une subvention d’exploitation, qui n’a évidemment aucun effet incitatif aux réformes nécessaires, et, ce qui est plus grave, ne fait que les différer. Pire, les aides à l’investissement sont trop souvent des aides déguisées au fonctionnement ou peuvent avoir un effet antiéconomique, lorsqu’elles subventionnent massivement le développement de capacités d’impression en interne, alors même que l’externalisation de l’impression et la mutualisation des capacités d’impression sont une condition essentielle en vue de permettre aux titres de se recentrer sur la production de contenus et de maîtriser leurs surcoûts.

Rappelons par ailleurs que l’aide au développement de la presse en ligne n’atteint pas 20 millions d’euros sur près d’1,2 milliard d’aides et que la presse en ligne est toujours pénalisée par un taux de TVA prohibitif de 19,6 %.

Le fonds d’aide à la presse en ligne a par ailleurs subventionné massivement des dépenses de fonctionnement, notamment les salaires des journalistes. Son ciblage étant faible et discutable, il donne lieu à un « saupoudrage » important des crédits sur toutes les familles de presse et sur des « pure players » non IPG en nombre croissant. La liste des bénéficiaires d’une subvention au titre de l’année 2011 comprend ainsi entre autres moto-net, le journal de la moto, Hotels & Lodges, Surfsession, velo101.com…

Quant au fonds d’aide à la modernisation, il subventionne encore très majoritairement le développement de capacités d’impression… ».

La première mesure dont on peut unanimement se féliciter et que l’on doit collectivement défendre est l’application, à compter du 1er février 2014, d’un taux de TVA super réduit de 2,1 % à la presse en ligne par la loi n° 2014-237 du 27 février 2014 harmonisant les taux de la taxe sur la valeur ajoutée applicables à la presse imprimée et à la presse en ligne. Cette évolution est issue de l’adoption à l’unanimité d’une proposition de loi présentée par MM. Bruno Le Roux, Patrick Bloche et le rapporteur.

Cette mesure, pour consensuelle qu’elle soit, n’en demeure pas moins contraire à la directive 2006/112/CE relative au système commun de TVA. La Commission européenne a adressé à la France le 10 juillet 2014 une lettre de mise en demeure, première étape d’une procédure pré-contentieuse susceptible d’aboutir à la saisine de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). La France a défendu dans sa réponse la conformité de l’alignement du taux de TVA entre la presse en ligne et la presse imprimée sur la base du principe de neutralité fiscale reconnu par le droit de l’Union européenne. À ce stade, la Commission n’a pas adressé d’avis motivé à la France.

La France appelle la Commission européenne à proposer, comme l’a annoncé le président Juncker le 6 mai dernier, une révision du cadre fiscal pour permettre l’application d’un taux réduit de TVA aux livres numériques et à la presse en ligne.

Si le rapporteur se félicite évidemment de l’application de ce taux super réduit à la presse en ligne, il regrette que le Gouvernement ne soit pas encore en mesure d’en fournir un premier bilan d’impact.

Comme il a été indiqué précédemment, le rapport du groupe d’experts sur les aides à la presse d’avril 2013 proposait de faire d’un fonds stratégique pour le développement de la presse au périmètre élargi et à la gestion rénovée l’instrument central de la politique de l’État en faveur des éditeurs de presse, en lui rattachant les aides au pluralisme, les aides à la modernisation sociale, les aides à la modernisation de la distribution de la presse quotidienne nationale, les aides à la modernisation de la diffusion, les aides au portage. Cette proposition n’est pas apparue pertinente s’agissant d’aides qui obéissent à des logiques très différentes.

La réforme des aides à la presse, avec la parution du décret n° 2014-659 du 23 juin 2014, a néanmoins permis un certain nombre d’évolutions importantes, en particulier :

– la fusion des sections du fonds qui a permis d’unifier et de simplifier l’examen des demandes d’aide. Le comité chargé d’examiner ces demandes est lui aussi fusionné et ouvert, aux côtés des représentants de l’administration et des familles de presse, à des personnalités qualifiées ;

– le resserrement du champ d’éligibilité des services de presse en ligne (SPEL) : les SPEL d’information pratique du public ne sont plus éligibles au soutien du fonds ;

– la priorité accordée au soutien à l’innovation et aux projets mutualisés. L’innovation pour l’entreprise devient le critère premier d’éligibilité au soutien du fonds. Par ailleurs, le taux bonifié de soutien, fixé à 50 %, est désormais réservé aux projets présentant une innovation pour le secteur dans son ensemble et, comme précédemment, aux projets collectifs ;

– le resserrement des conditions d’éligibilité des projets liés à l’impression : les éditeurs devront démontrer l’absence de surcapacité d’impression dans la zone de production concernée, répondant à des besoins équivalents. À partir du 1er janvier 2016, les projets qui ne justifient pas de l’absence de surcapacité d’impression seront inéligibles, alors que le soutien du fonds était ramené à 20 % en 2014 et 10 % en 2015 ;

– la création au sein du comité d’orientation d’un club des innovateurs chargé d’une mission de veille technologique, économique et réglementaire, alimentant les échanges entre les éditeurs de presse et l’État ;

– et la possibilité de procéder à des appels à projets collectifs portant sur la réalisation d’une innovation devant profiter à l’ensemble de la presse.

Le rapporteur appelle néanmoins de ses vœux deux adaptations portant sur l’éligibilité des services de presse en ligne, d’une part et les taux de subvention, d’autre part.

Le décret n° 2012-484 du 13 avril 2012 modifié a prévu de maintenir l’éligibilité des services de presse en ligne qui développent l’information professionnelle ou qui favorisent l’accès au savoir et à la formation, la diffusion de la pensée, du débat d’idées, de la culture générale et de la recherche scientifique jusqu’au 31 décembre 2015. Toutefois, lors de la conférence des éditeurs du 2 juin dernier, la ministre de la Culture et de la communication a annoncé son intention de continuer à aider la presse de la connaissance et du savoir. Ce choix justifie par cohérence le maintien de l’éligibilité des services de presse en ligne de la connaissance et du savoir.

Le décret précité de 2014 a par ailleurs modifié les taux de subvention du fonds stratégique pour les diminuer et les mettre en cohérence avec l’objectif de soutien renforcé à l’innovation et à la mutualisation :

– pour chaque projet individuel : la subvention est plafonnée à 30 % des dépenses éligibles, l’avance remboursable est plafonnée à 40 % ;

– pour les projets collectifs ou représentant une innovation au regard des pratiques du secteur : la subvention est plafonnée à 50 % maximum des dépenses éligibles, l’avance remboursable est plafonnée à 60 %.

L’évolution à la baisse des taux du FSDP est apparue pertinente dans un contexte de fort afflux de demandes, en 2012-2014. Elle a permis de traiter sur une base équitable les dossiers soumis au fonds. Toutefois, la poursuite de la crise de la presse, les difficultés réelles de mobilisation de fonds propres par les éditeurs – notamment pour les titres les plus fragiles, tels ceux bénéficiant d’aides au pluralisme – et la concurrence du fonds « Google » qui propose des taux de subvention plus généreux, justifient de faire évoluer à nouveau les taux en sens inverse.

Enfin, le rapporteur relève que la dotation du fonds stratégique a été fixée en loi de finances initiale pour 2015 à 30,45 millions d’euros en AE et en CP, ramenés à 20,01 millions d’euros au budget opérationnel de programme (BOP) en application de la réserve de précaution. Le ministère de la culture et de la communication indique que, « selon les prévisions réalisables à mi-gestion, le fonds stratégique devrait être exécuté en 2015 à hauteur des crédits disponibles au BOP ». Le groupe d’expert sur la réforme des aides à la presse avait souhaité que les mesures de gel budgétaire s’appliquent aux différentes aides de façon proportionnelle à leur montant pour ne pas pénaliser les dispositifs les plus structurants, en particulier le fonds stratégique. En dépit de la « concurrence » du fonds Google, le rapporteur souhaite réaffirmer cette préconisation.

Google, principal moteur de recherche internet, utilise des contenus produits par la presse sans les rémunérer. Il en tire pourtant lui-même des revenus publicitaires (bannières, mots-clés achetés, données de navigation, etc.). La répartition de la valeur qui en résulte est contestée par les éditeurs.

L’Association de la presse d’information politique et générale (AIPG) s’est constituée en mai 2012 avec l’objectif immédiat de négocier tant avec les pouvoirs publics qu’avec Google et de trouver une solution mutuellement satisfaisante. Des négociations confidentielles entre Google et l’AIPG ont été engagées durant deux mois sous les auspices d’un médiateur nommé par l’État, M. Marc Schwartz, membre de la Cour des comptes, alors associé du cabinet Mazars. Au terme de ces discussions, un accord de principe a été annoncé en présence du Président de la République et du président de Google, M. Éric Schmidt, le 1er février 2013. L’accord trouvé entre Google et l’AIPG n’est pas connu de l’administration. On sait néanmoins qu’il porte sur la mise en place d’un fonds abondé par Google d’un total de 60 millions d’euros sur trois ans pour « faciliter la transition de la presse vers le monde numérique » et la mise en place d’une coopération en matière de régie publicitaire en ligne.

Le fonds pour l’innovation numérique de la presse (FINP) a été mis en place en 2013 pour une durée de trois ans. Il devrait avoir, mi-2016, distribué les 60 millions d’euros de sa dotation initiale.

Le 28 avril 2015, dans le contexte de l’enquête pour abus de position dominante engagée par la Commission européenne, Google a annoncé la création du Digital News Initiative (Initiative pour les médias numériques), fonds doté de 150 millions d’euros pour trois ans et destiné à soutenir l’innovation des titres de presse. Inspiré de l’expérience française, le projet est conçu comme un partenariat entre Google et des éditeurs de presse européens. Les Échos font partie des participants fondateurs, aux côtés du Frankfurter Allgemeine Zeitung et Die Zeit en Allemagne, The Financial Times et The Guardian au Royaume-Uni, NRC Media aux Pays-Bas, El Pais en Espagne et La Stampa en Italie.

M. Francis Morel, président du groupe Les Échos, a indiqué que la démarche qu’il avait entamée avait naturellement vocation à bénéficier à l’ensemble de la presse française d’IPG et que le dispositif européen donnerait lieu à une déclinaison nationale qui pourrait ainsi en France prendre la suite du FINP.

Comme l’indique Jean-Marie Charon dans son rapport précité de juin 2015, « depuis sa création, le fonds Google fait l’objet de diverses critiques parmi lesquelles figure la limitation de l’aide aux seuls éditeurs répondant aux critères de l’information politique et générale. Une telle limitation n’est pas cohérente avec l’objectif plus général de l’innovation numérique dans la presse, puisqu’il exclut par exemple la presse de culture, de connaissance ou encore tout le secteur de la presse technique et professionnelle. Une seconde critique porte sur la faiblesse du niveau de fonds, comme sa limitation dans le temps, au regard des revenus et profits réalisés par Google en France. Une troisième critique, de la part notamment de l’Open Internet Project, porte sur les principes. Elle souligne la contradiction entre l’acceptation d’un partenariat financier avec Google et la responsabilité pour l’État de faire respecter des règles de bonne concurrence, notamment vis-à-vis des fournisseurs de contenus et de services sur internet. Cette contradiction apparaît crûment au moment des actions de la Commission européenne sur ce sujet ».

Le rapporteur est conscient de l’utilité pour la presse de bénéficier de ressources supplémentaires pour des projets numériques innovants dans un contexte où aucune réponse satisfaisante n’a été trouvée à la question du partage de la valeur entre le moteur de recherche et les fournisseurs de contenus et où les aides publiques à l’innovation numérique ne peuvent représenter que des montants limités. Il partage néanmoins plusieurs des réserves de principe formulées à l’encontre du fonds Google. Le rapporteur estime qu’afin de trouver une solution durable et équilibrée à la question du partage de la valeur avec le moteur de recherche, il eût été préférable que les éditeurs de presse européens fassent front commun avec le soutien des pouvoirs publics. En tout état de cause, il convient que les crédits du fonds Google ne se substituent pas à l’action des pouvoirs publics en matière d’accompagnement à la transition numérique de la presse écrite.

Alors que le renforcement de la conditionnalité des aides est préconisé depuis plusieurs années, les intentions tardent trop à se concrétiser.

Les premières conventions-cadres ont été instituées par le décret n° 2012-484 du 13 avril 2012. L’objectif de ces conventions-cadres triennales, dans leur première formulation, se limitait à établir un cadre d’échange entre l’administration et les entreprises de presse sur leur stratégie économique, en particulier au regard des subventions reçues ou envisagées du FSDP.

Ces conventions ne reposaient pas sur une logique de conditionnalité des aides mais sur une logique de bonifications financières que pouvaient se voir attribuer les éditeurs signataires pour leurs actions permettant d’améliorer la responsabilité sociale et environnementale des entreprises, d’encourager l’innovation ou les projets collectifs.

25 conventions cadre ont été signées depuis leur mise en place en avril 2012. En l’absence de pouvoir de contrainte de l’administration, le suivi des conventions-cadre s’est avéré assez formel et peu efficace. La logique de bonification s’est évidemment avérée en totale contradiction avec le contexte récent pour plusieurs demandeurs (multiplication des plans sociaux, précarité critiquée par certains syndicats de salariés) et avec le souhait, formulé depuis longtemps, d’aller vers une logique de responsabilité appuyée sur un dispositif de sanctions lorsque les bonnes pratiques professionnelles ne sont pas respectées.

Face à ces constats, le groupe d’experts coordonné par M. Roch-Olivier Maistre qui s’est réuni en 2013 a invité à faire évoluer les conventions-cadres afin d’améliorer leur efficacité.

Le décret n° 2014-659 du 23 juin 2014 portant réforme des aides à la presse a modifié le régime des conventions-cadres :

– le seuil d’éligibilité a été abaissé : le principal critère pour entrer dans le dispositif (le montant d’aides en moyenne annuelle sur trois ans) a été abaissé de 1,5 million d’euros à 1 million d’euros. En outre, il est décompté groupe de presse par groupe de presse et non plus entreprise par entreprise ;

–l’engagement conventionnel est rendu obligatoire a priori, et n’est plus subordonné à une demande d’aide du FSDP ;

– l’échange entre les titres et l’administration est approfondi : un rendez-vous annuel avec l’administration est expressément prévu, et la stratégie de l’entreprise doit être explicitée au regard de l’ensemble des aides reçues ;

– des engagements spécifiques doivent être pris dans la convention-cadre, concernant notamment le respect d’obligations réglementaires et contractuelles ou de bonnes pratiques professionnelles, en particulier en matière de relations professionnelles avec les vendeurs colporteurs de presse et les porteurs de presse salariés, de distribution et de vente au numéro, de rémunération des photojournalistes, de droit de la propriété intellectuelle ou de protection de l’environnement ;

– en lieu et place des bonifications, un dispositif de « malus » sur le versement des aides a été créé pour les entreprises signataires ne respectant pas les engagements pris dans la convention-cadre. En cas de non-respect des obligations par l’entreprise de presse, le ministre de la Culture et de la communication peut l’enjoindre de présenter des observations et la mettre en demeure de se conformer aux termes de la convention dans le délai d’un mois. Si l’entreprise n’a pas répondu à la mise en demeure dans le délai d’un mois, le ministre peut suspendre le versement d’une partie du montant des aides directes visées par la convention-cadre. À défaut de mise en conformité dans le délai d’un an, le versement des aides suspendues peut-être annulé.

Lors de la conférence des éditeurs, le 2 juin 2015, la ministre de la Culture et de la communication a affirmé sa volonté de mettre en œuvre les conventions cadre et de les signer d’ici la fin de l’année 2015. Ces conventions sont en cours d’élaboration.

Comme il l’avait affirmé dans son avis précité sur le projet de loi de finances pour 2013, le rapporteur est favorable à ce que le respect d’obligations déontologiques soit une condition au bénéfice des aides de l’État.

Par ailleurs, il souhaite rappeler qu’une bonne presse ne peut se faire qu’avec des journalistes et à cet égard, on ne peut que s’inquiéter de l’accélération de la diminution du nombre de journalistes, lequel a déjà baissé de 30 % au cours des trente dernières années. Là encore, il serait souhaitable que l’État puisse en tenir compte dans l’attribution des aides.

Dans son essai intitulé Sauver les médias, l’économiste Julia Cagé souligne qu’avec un nombre de journalistes de presse quotidienne représentant 0,03 % de sa population active, la France se situe dans la moyenne des autres pays industrialisés. Ce chiffre masque l’affaiblissement de chacun des titres pris individuellement. Car la diminution du nombre total de journalistes n’est pas seulement due à la disparition de nombreux journaux ; elle s’explique aussi par le fait qu’un nombre croissant de journaux se sont séparés d’une partie de leur salle de presse.

Comme l’expose Julia Cagé, « non seulement la taille de la salle de presse de chaque média pris individuellement a eu tendance à se réduire ces dernières années, mais une part croissante des effectifs se concentre aujourd’hui sur l’alimentation des sites internet, à tel point que l’on distingue de plus en plus les « journalistes web » de ceux qui ne le sont pas, les journalistes « tout court ». Avec en prime un cliché : les uns seraient jeunes et pleins d’avenir, les autres has been, condamnés à disparaître sous peu. (…) La révolution numérique s’est faite sous contrainte de ressources, ce qui fait que, pour la majorité des titres, les possibilités numériques ne sont pas venues en complément d’un contenu d’information de qualité (destiné au papier comme au web), mais à son détriment. Ce sont des journalistes, des producteurs d’information, certes « papier », qui ont été licenciés, pour être remplacés par des informaticiens ou par des journalistes habiles dans leur maîtrise de java, mais à qui l’on ne donnera pas l’opportunité de quitter leur écran pour aller sur le terrain. Les coûts excessivement élevés de mise en place de sites Internet ou de PDF compatibles sur plusieurs supports n’ont été réglés, le plus souvent, qu’au prix d’une diminution des ressources consacrées à l’investigation » (5).

Le rapporteur estime qu’on ne peut pas complètement considérer les entreprises de presse comme des entreprises comme les autres et que les restructurations en cours de ces entreprises, accompagnées massivement par des aides publiques, ne peuvent conduire à une presse sans déontologie et sans journalistes. Il appelle donc, pour l’application de la conditionnalité, à la mise en place de critères relatifs à la déontologie et à l’emploi de journalistes.

Enfin, le rapporteur souhaite rappeler qu’une bonne presse ne peut se faire sans une bonne garantie de la protection des sources. Le 19 janvier, dans un discours prononcé à l’occasion du 70ème anniversaire de l’Agence France-Presse, le Président de la République s’est engagé à ce qu’un projet de loi renforçant la protection du secret des sources des journalistes soit examiné au Parlement cette année. Alors que la fin de l’année approche, le rapporteur ne peut qu’appeler à la reprise du travail parlementaire sur ce texte.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission des Affaires culturelles et de l’Éducation procède à l’examen des rapports pour avis de M. Jacques Cresta (Audiovisuel ; Avances à l’audiovisuel public), de M. Michel Françaix (Presse) et de Mme Virginie Duby-Muller (Livre et industries culturelles) sur les crédits pour 2016 de la mission « Médias, livre et industries culturelles » lors de sa séance du mardi 27 octobre 2015.

M. le président Patrick Bloche. Mes chers collègues, nous poursuivons cet après-midi l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2016 avec la présentation successive des trois rapports pour avis sur les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » ainsi que ceux figurant au compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public », autrement dit, la répartition de la contribution à l’audiovisuel public (CAP), autrefois appelée redevance.

Comme leurs autres collègues rapporteurs pour avis, Jacques Cresta, Virginie Duby-Muller et Michel Françaix ont choisi un thème spécifique pour leur rapport, qui leur a permis d’approfondir un enjeu particulièrement important pour une entreprise ou un secteur professionnel des médias et des industries culturelles.

Je vous rappelle que Mme la ministre de la culture et de la communication nous présentera lundi prochain son budget pour 2016 en commission élargie. Ce même lundi 2 novembre, à quinze heures puis à dix-sept heures, nous procéderons au vote sur les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » puis sur ceux de la mission « Culture ».

Je vais tout d’abord donner la parole à M. Jacques Cresta, rapporteur pour avis sur les crédits de l’audiovisuel public, qui a porté son attention sur le projet numérique de France Télévisions dont nous auditionnerons demain matin la nouvelle présidente, Mme Delphine Ernotte. Elle nous présentera son plan d’action, qu’elle nous a fait parvenir, comme la loi du 15 novembre 2013 le prévoit, dans les deux mois suivant sa prise de fonctions, intervenue le 22 août dernier.

M. Jacques Cresta, rapporteur pour avis. Monsieur le président, mes chers collègues, dans un univers médiatique en pleine mutation, France Télévisions est confrontée à un véritable défi numérique, un défi qui doit être relevé avec fermeté, énergie et imagination. C’est pour cette raison que j’ai souhaité consacrer la partie thématique de mon rapport à son projet numérique.

Il s’agit d’un véritable enjeu démocratique. Cette révolution numérique pose en effet la question de la capacité du service public de l’audiovisuel à toucher les jeunes publics et à garantir, pour les nouvelles générations, une certaine diversité de culture et d’information.

L’année 2016 sera déterminante pour l’avenir numérique de France Télévisions car elle verra la signature du prochain contrat d’objectifs et de moyens qui devra impérativement faire une place importante à cette question. Le projet stratégique, que la nouvelle présidente de France Télévisions Mme Delphine Ernotte a présenté devant le Conseil supérieur de l’audiovisuel avant sa nomination, a d’ailleurs pleinement intégré cette dimension.

Nous assistons, en effet, à un véritable bouleversement des pratiques audiovisuelles en France. En 2015, l’usage de la télévision linéaire reste nettement majoritaire, 51,9 % des Français privilégient l’usage d’un téléviseur. La durée d’écoute quotidienne s’est maintenue à un niveau très élevé en 2014 : trois heures et quarante et une minutes par individu. Derrière ces chiffres se dissimule toutefois une érosion. La durée d’écoute individuelle a subi en 2013 une diminution de quatre minutes, tendance confirmée par une nouvelle diminution, de cinq minutes, en 2014. Ce recul est plus spécifiquement marqué chez les 15-24 ans : moins 19 minutes en six ans, de 2006 à 2014. On constate, par ailleurs, un vieillissement marqué des téléspectateurs des chaînes de télévision publiques et privées. L’âge moyen des téléspectateurs de France Télévisions s’établit à cinquante-huit ans en 2014.

Il est naturellement trop tôt pour tirer de ces chiffres des conclusions définitives. Ils sont néanmoins un reflet, parmi d’autres, des évolutions qui semblent à l’œuvre et des bouleversements qui modifieront peut-être radicalement les pratiques audiovisuelles des Français.

Les Français sont de plus en plus équipés en matériels et abonnés à des services qui constituent autant de moyens d’accès aux offres de télévision numérique : 76,1 % des foyers sont dotés de trois écrans – télévision, ordinateur, tablette ou mobile ; un téléviseur sur deux est connecté à internet via les boxes des opérateurs ; le nombre de smartphones explose avec 59,3 % des Français équipés, proportion qui s’élève à 81 % chez les 15-24 ans ; les deux tiers des foyers français sont abonnés à des offres ADSL, satellite ou câble, l’ADSL étant désormais le premier mode de réception de la télévision devant le mode hertzien.

De nouvelles pratiques audiovisuelles se développent rapidement.

C’est le cas notamment de la télévision de rattrapage. En 2014, plus de quatre milliards de programmes ont été visionnés en ligne en France, soit une progression de 106 % depuis 2011. Le recensement des consommateurs des services délinéarisés montre que ceux-ci pourraient potentiellement se détourner à terme de la télévision linéaire. Selon les estimations du Centre national du cinéma et de l’image animée, la moitié du public de la télévision de rattrapage a aujourd’hui entre quinze et trente-quatre ans.

Le développement de la vidéo à la demande par abonnement (SVOD) constitue une autre évolution notable du paysage médiatique, comme l’illustre l’arrivée de Netflix en France en 2014. Si ces nouveaux modes de consommation restent encore relativement peu développés en France, ils sont devenus massifs aux États-Unis. À la fin de l’année 2014, 38 % des foyers américains étaient ainsi abonnés à Netflix. Cette évolution a d’autant plus d’impact sur les chaînes de télévision en France que ces nouveaux acteurs peuvent se soustraire facilement à la réglementation française, notamment en matière de concurrence, de financement de la création et d’engagement de diffusion.

Si, face à ces évolutions, France Télévisions a développé avec retard son activité numérique, ce retard est aujourd’hui en partie comblé sous l’impulsion notamment de l’ancien président Rémy Pflimlin, qui a donné un coup d’accélérateur au développement de l’offre numérique à compter de 2011.

Le Gouvernement et France Télévisions ont fait de la stratégie numérique un axe central du contrat d’objectifs et de moyens 2011-2015, confirmé et renforcé par un avenant. France Télévisions a ainsi développé une stratégie autour de cinq axes.

Le premier axe consiste à proposer des offres dites de destination multi-écrans autour de cinq thématiques recouvrant le champ des missions de service public de France Télévisions : l’information, avec francetv info ; l’offre sportive, avec francetv sport ; l’offre culturelle, avec culturebox ; la mission éducative, avec francetv éducation ; l’offre jeunesse avec Les Zouzous et Ludo. France Télévisions a mis en œuvre dans le même temps une refonte de l’offre régionale et ultramarine.

Le deuxième axe à développer est la télévision sociale, « Social TV », et les écrans compagnons.

Le troisième axe passe par le renforcement de la présence des marques et programmes.

Le quatrième axe repose sur le développement de la télévision de rattrapage. Le service francetv pluzz est désormais distribué sur le web, les mobiles, ou les téléviseurs via les téléviseurs connectés et les fournisseurs d’accès à internet. Francetv pluzz permettait, en 2014, l’accès à environ 76 % des programmes diffusés sur les chaînes de France Télévisions entre dix-sept heures et minuit. France Télévisions a également lancé en 2012 son service payant de vidéo à la demande Pluzzvad. Ce service permet aux téléspectateurs de retrouver les programmes diffusés sur les chaînes de France Télévisions dès le huitième jour après leur diffusion, à l’issue de la période de gratuité.

Le dernier axe du projet numérique de France Télévisions est l’accompagnement du public et la promotion des innovations. Le groupe a ainsi lancé des services innovants comme Salto, qui permet de reprendre à son commencement un programme déjà en cours de diffusion, ou Maliste, qui permet de sélectionner un programme à regarder plus tard.

Cette stratégie a permis d’étendre significativement la présence numérique de France Télévisions qui se plaçait en juin dernier, avec 10,6 millions de visiteurs uniques, au premier rang des marques audiovisuelles devant MyTFl, Canal+ et 6Play. Record en la matière, 203 millions de vidéos ont été vues au mois de septembre dernier sur l’ensemble des supports, soit une progression de 85 % par rapport à septembre 2014.

Néanmoins, des progrès restent encore à accomplir pour faire connaître plus largement ces offres au grand public, notamment en matière de culture et de programmes pour la jeunesse. À titre d’exemple, l’audience du site culturebox pour les festivals de cet été est restée inférieure à celle d’Arte Concert.

Il conviendra donc d’aborder dans le prochain contrat d’objectifs et de moyens différents enjeux majeurs pour les développements numériques de France Télévisions.

Le premier enjeu est économique. Le développement du numérique par France Télévisions a généré des charges passant de 46 millions d’euros en 2011 à 78,3 millions d’euros en 2014. Les recettes nettes associées au numérique se sont élevées, quant à elles, à 22,3 millions d’euros en 2014. Un enjeu important pour France Télévisions résidera donc dans sa capacité à trouver des pistes de monétisation accrue pour les plateformes numériques, au-delà des sources actuelles de revenus. Une réflexion est en cours au sein du groupe sur un développement plus important de services payants de vidéos à la demande.

Mme Delphine Ernotte propose ainsi, dans son projet stratégique, de développer la vidéo à la demande pour les programmes dédiés à la jeunesse, premier motif de visite sur Netflix ou Canalplay. Les chiffres des programmes de France Télévisions les plus vus en replay tendent à montrer qu’il existe, en effet, une forte demande en matière de vidéos de rattrapage pour ce type de programmes. Le développement d’un tel service doit concilier l’impératif d’équilibre économique avec les exigences propres à une chaîne de service public.

En toute hypothèse, de tels développements resteront soumis à la capacité financière et juridique de France Télévisions à acquérir auprès des producteurs des droits d’exploitation en SVOD.

Le deuxième défi concerne la mise en cohérence d’offres multiples.

Afin d’accélérer le développement du numérique au sein du groupe, le précédent PDG de France Télévisions, M. Rémy Pflimlin, avait créé un service spécifique dédié au numérique. Ces équipes ont été, pour l’essentiel, regroupées au sein d’une entité spécifique, localisée dans un bâtiment situé à Issy-les-Moulineaux et non au siège du groupe.

Il est désormais nécessaire de diffuser ce développement numérique dans l’ensemble du groupe et de former les personnels à ces techniques numériques, à l’instar de ce qu’a fait Arte en développant la double compétence de ses agents
– télévision traditionnelle et télévision numérique. Il convient donc de parvenir à une réelle hybridation du groupe et des équipes autour d’une double mission, linéaire et numérique.

Or l’offre numérique de France Télévisions apparaît aujourd’hui foisonnante et peu lisible. L’enjeu est bien, dans un univers très concurrentiel, de promouvoir une « marque » reconnue en matière d’audiovisuel public, comme y sont parvenus de grands acteurs internationaux, et de proposer une meilleure ergonomie des différentes offres numériques.

Le troisième défi consiste à promouvoir une mutualisation des projets numériques à l’échelle du service public de l’audiovisuel. J’ai en effet constaté la dispersion des moyens dans le développement numérique au sein de l’audiovisuel public. Le lancement, en septembre, d’un service de SVOD par l’INA illustre très bien le fait que la mise à niveau des acteurs de l’audiovisuel public en matière numérique intervient en ordre dispersé.

Les moyens consacrés à l’information au sein de l’audiovisuel public sont également marqués par la dispersion. Les stratégies des sociétés publiques ne sont pas coordonnées et les moyens s’additionnent au sein des trois entités concernées : France Télévisions, Radio France, France Médias Monde. Or, l’audiovisuel public dispose de moyens considérables en matière d’information : les rédactions de ces sociétés totalisent environ 4 500 journalistes, au niveau national, régional et international.

Le projet de chaîne publique d’information en continu peut constituer une occasion historique de coordonner et mutualiser les moyens des différents groupes de l’audiovisuel public en matière d’information. L’objectif est de permettre à l’usager de disposer d’une analyse et d’une compréhension de l’information, le numérique étant le vecteur idéal pour permettre une réflexion et une analyse de l’actualité.

Cette nouvelle chaîne devrait être mise en place en 2016. Elle serait disponible en priorité sur les supports numériques, en particulier mobiles, et s’appuierait sur les moyens de la direction de l’information de France Télévisions, qui regroupe plus de 1 300 personnes et dispose, en 2015, d’un budget de 235,5 millions d’euros. Par ailleurs, les synergies obtenues grâce au regroupement des rédactions dans le cadre du projet « Info 2015 », dont la première phase sera réalisée début 2016, permettraient de dégager une partie des moyens financiers et humains dont aura besoin la chaîne d’information.

Une mise en commun des moyens d’autres acteurs de l’audiovisuel public, comme Radio France, l’INA et France Médias Monde, est également prévue.

Je tiens enfin à saluer la mise en place, sous l’égide de la ministre de la culture et de la communication, d’un comité stratégique de l’audiovisuel public réunissant les différents acteurs du secteur public de l’audiovisuel ; cette nouvelle structure devrait permettre de faire émerger des projets communs, de développer les mutualisations de moyens et d’assurer le pilotage et la coordination indispensables.

Lors de la première réunion de ce comité, le 21 octobre dernier, ont été abordées les questions relatives à la coordination de l’offre publique d’information, aux moyens de mieux s’adresser aux jeunes, notamment aux jeunes adultes, ainsi que la coordination des actions en faveur de la cybersécurité.

Sur l’ensemble de ces sujets, des actions communes devraient être mises en place très rapidement.

M. le président Patrick Bloche. Merci, monsieur le rapporteur : vous nous avez fourni une excellente entrée en matière pour l’audition de Mme Delphine Ernotte devant notre commission demain. Le projet numérique constitue, à l’évidence, un enjeu essentiel pour l’avenir de France Télévisions et plus largement de l’audiovisuel public.

Nous allons maintenant écouter Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure pour avis sur les crédits relatifs au livre et aux industries culturelles. Elle s’est, elle aussi, intéressée aux enjeux numériques, mais dans le secteur de l’exploitation cinématographique.

Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure pour avis. Monsieur le président, mes chers collègues, j’ai choisi cette année de consacrer l’avis budgétaire sur les crédits de la mission « Livre et industries culturelles » au cinéma et de me pencher plus particulièrement sur les salles de cinéma à l’heure du numérique.

Si un secteur est représentatif de l’exception culturelle française, c’est bien celui du cinéma, notamment la filière de l’exploitation des films. La France peut s’enorgueillir de disposer d’un réseau de salles important, avec plus de 2 000 salles sur tout le territoire, y compris en zone rurale, allant de la petite salle municipale aux multiplexes, sans oublier les 1 116 salles d’art et d’essai, véritable particularité française. En Haute-Savoie, nous disposons par ailleurs d’un réseau itinérant très dense, avec Cinébus et Écran Mobile CDPC. Cela représente au total 46 salles. Le département, à travers l’assemblée des pays de Savoie, a beaucoup oeuvré pour soutenir la partie fixe des investissements, notamment en matière de numérique.

La fréquentation demeure soutenue en France : notre pays comptabilise 209 millions d’entrées en 2014 alors que le Royaume-Uni affiche 157 millions d’entrées et l’Allemagne 122 millions. Ces bons chiffres ne doivent cependant pas occulter la réalité : à l’heure du numérique, la salle de cinéma doit relever deux défis.

Premièrement, la possibilité de regarder un film en dehors de la salle proprement dite s’est accrue. À la télévision et à l’ordinateur sont venus s’ajouter des appareils nomades comme les smartphones ou les tablettes. De nouveaux modes de consommation des films se sont développés : streaming, vidéo à la demande et même « e-cinéma ». Depuis 2014, quelques films ne sont d’ailleurs proposés que sur internet.

Deuxièmement, les bobines argentiques de 35 millimètres ont été remplacées par des fichiers numériques stockés sur des serveurs et diffusés au moyen de projecteurs électroniques. Ces transformations dans la diffusion induisent des bouleversements dans l’économie du film. Les copies circulent plus rapidement et peuvent être reproduites avec facilité ; les coûts sont réduits. Toute la chaîne de distribution et de diffusion est ainsi modifiée.

Ce passage au numérique comporte des points positifs. Il permet une plus grande souplesse de programmation et une offre accrue de films, notamment en exclusivité, qui profite au cinéma français : entre 2010 et 2014, le nombre de films français diffusés a ainsi progressé de soixante et onze titres.

Le revers de la médaille de cette souplesse et de cette offre abondante est une plus grande rotation des films. Comme il est plus facile de faire circuler les copies et d’augmenter leur nombre, la première semaine de diffusion devient décisive : les succès mais aussi les échecs sont accentués.

Ce phénomène se ressent sur la programmation. Les distributeurs privilégient des plans de sortie de leurs films qui leur assurent une rentabilité rapide. Les petites salles situées dans des petites villes ou des villes moyennes peinent à accéder aux films en exclusivité. Cette difficulté menace les salles indépendantes et favorise la concentration. La diversité des salles est ainsi remise en cause et, par là même, la diversité de l’offre de films.

Comment alors parvenir à préserver ce pluralisme de l’offre, ce tissu diversifié de salles ? Grâce à la loi portée par notre collègue Michel Herbillon en 2010, toutes les salles en métropole sont désormais équipées de matériel de projection numérique grâce à un mécanisme redistributif, dit virtual print fee (VPF). Cette contribution obligatoire, versée par les distributeurs pour l’ensemble des films et des salles, est fléchée vers les exploitants afin de les aider à financer leurs investissements en équipement numérique. Ce dispositif, salué par toute la profession, a permis d’éviter une fracture entre les grandes enseignes et les petites exploitations et de conserver un maillage territorial dense. N’oublions pas l’Outre-mer, où le mécanisme sera mis en place l’année prochaine.

Néanmoins, ces évolutions technologiques sont loin d’être achevées. On peut légitimement se demander si les petits établissements pourront continuer cette course à l’innovation. Se pose déjà la question des coûts annexes du numérique liés à la maintenance ou l’achat de consommables, plus coûteux.

Par ailleurs, les économies permises par le numérique profitent surtout aux grandes enseignes. Comme je le mentionnais, la concentration du secteur a été accentuée. Le nombre d’établissements diminue tandis que le nombre d’écrans augmente. Les chiffres sont significatifs. Entre 2005 et 2014, le nombre d’établissements a diminué de 2,6 % : chaque année en moyenne, une dizaine d’entre eux ferme. Dans le même temps, le nombre d’écrans a augmenté de 7,2 %. Ce phénomène traduit l’émergence des multiplexes, lesquels représentent en 2014 60 % des entrées et 64 % des recettes alors qu’ils ne forment que 9,4 % du parc. S’il est vrai que ces salles participent de la bonne tenue de la fréquentation, il n’en reste pas moins qu’elles constituent un danger pour les petites exploitations.

L’implantation des salles de cinéma est déjà fortement encadrée et, en 2014, le dispositif a été renforcé afin de préserver le pluralisme des salles. Ainsi, tout projet d’extension d’un cinéma qui atteindrait huit salles est soumis systématiquement à autorisation par la commission départementale d’aménagement cinématographique. Aujourd’hui, une plus grande régulation semble nécessaire. Des améliorations sont encore possibles s’agissant, en particulier, de la composition des commissions départementales, où les experts du secteur culturel sont trop peu nombreux, ou encore du contrôle du respect des engagements du projet présenté.

J’en viens au deuxième défi : comment maintenir une offre de film diversifiée sur tout le territoire ?

Association créée en 1983, l’Agence de développement régional du cinéma (ADRC) joue un rôle crucial dans l’accès aux films pour les petites salles. Elle finance des copies de film en sortie nationale pour celles d’entre elles qui en font la demande. En 2014, 2 000 communes ont bénéficié de ce dispositif. Je tiens à saluer leur travail qui permet d’assurer l’aménagement culturel dans des territoires reculés.

Il faut aussi noter les importantes mesures destinées à éviter la disparition des petites salles et à faciliter leur reprise. En premier lieu, l’État a créé une filière au sein de l’École nationale supérieure des métiers de l’image et du son, ex-FEMIS, afin de former les nouveaux exploitants. En deuxième lieu, un soutien financier sous forme d’un fonds d’avance remboursable sera mis en place. Géré par l’Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC), il permettra d’octroyer des avances qui pourraient représenter jusqu’à 40 % du montant de l’acquisition de petites ou moyennes exploitations sur une période de quatre ans à sept ans par des exploitants de moins de quarante-cinq ans.

Toutefois, le vrai danger réside aujourd’hui dans le piratage des films. Selon l’Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle, en 2015, 13,5 millions d’internautes ont consommé des vidéos de films illégales, que ce soit en streaming ou en téléchargement.

La signature de la Charte des bonnes pratiques entre annonceurs, professionnels de la publicité et représentants d’ayants droit, qui vise à exclure les sites pirates de leurs relations commerciales et à les priver de recettes publicitaires, ne produira que des effets limités car elle ne permettra pas d’atteindre des sites domiciliés à l’étranger. La dissuasion passe par la mise en œuvre de réelles sanctions.

Pour conclure, je soulignerai que l’engouement des Français pour la sortie au cinéma ne faiblit pas. Ce n’est pas la première fois que la salle de cinéma doit relever le défi d’innovations technologiques. Donnée moribonde avec l’arrivée de la télévision et du magnétoscope, elle a su résister. Les bons chiffres de la fréquentation du jeune public sont particulièrement encourageants : 22 % des spectateurs sont âgés de moins de quatorze ans et presque 20 % d’entre eux ont entre quinze et vingt-quatre ans. L’éducation à l’image doit être encouragée. Dans une société de plus en plus individualiste, la séance de cinéma reste un moment de convivialité et de partage.

L’une de nos grandes actrices françaises, Isabelle Huppert, définit le cinéma comme « un art beaucoup plus périssable que les pyramides ». Aujourd’hui, c’est à nous, législateurs, d’en prendre conscience et de mettre en place des politiques publiques afin d’agir efficacement pour sa conservation, son développement et son rayonnement international.

M. le président Patrick Bloche. Nous en venons à la présentation du rapport pour avis sur les crédits de la mission « Presse » de Michel Françaix, qui s’est consacré à la réforme des aides à la presse, sujet inédit, comme on le sait !

M. Michel Françaix, rapporteur pour avis. En octobre 2012, dans mon avis sur les crédits destinés à la presse dans le projet de loi de finances pour 2013, j’avais établi un bilan sévère des aides à la presse et mis en évidence de nombreux dysfonctionnements, en rendant publique pour la première fois la liste édifiante des montants attribués aux trente titres les plus aidés par l’État. Mon rapport appelait à une remise à plat de l’intervention de l’État en faveur de la presse, fondée sur deux objectifs principaux : d’une part, rationaliser les aides à la distribution et à la diffusion ; d’autre part, recentrer l’effort financier sur une presse citoyenne de qualité ainsi que sur les investissements d’avenir et l’innovation. J’insistais également sur le nécessaire renforcement de la contractualisation et de la transparence des aides.

Sur la base de ces propositions, s’est engagée en 2013 et 2014 une réforme des aides à la presse qui se poursuit en 2015 et 2016 avec le chantier crucial de la réforme des aides à la distribution, alors que les « accords Schwartz », qui précisaient les conditions de distribution de la presse par La Poste pour la période allant du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2015, arrivent à échéance.

Trois ans après le diagnostic sévère que j’ai posé, il m’est apparu opportun de dresser un premier bilan des évolutions intervenues depuis lors et de formuler des propositions pour les réformes à venir.

Dans le dossier complexe de la réforme des aides à la presse, un premier constat s’impose : il est tout aussi urgent de réformer un système qui présente des défauts majeurs qu’il est difficile de faire évoluer un secteur qui se porte mal. Si face aux contradictions et incohérences du système, la première tentation est celle des solutions radicales, les demi-mesures l’emportent parfois hélas à la lumière des risques que la moindre adaptation ou modification font peser sur un secteur d’une extrême fragilité.

J’ai donc dû me rallier à la conviction que la réforme des aides à la presse doit nécessairement procéder d’un équilibre subtil entre audace et prudence : de l’audace afin de mettre fin aux plus graves défauts et aberrations du système ; de la prudence afin d’éviter les effets trop brutaux et les ruptures fatales, alors que le système d’aide a placé le secteur dans une situation de grande dépendance à son égard. À cette aune, les évolutions récentes et annoncées des aides à la presse fournissent quelques motifs de satisfaction. Il faut donc avoir le courage de changer ce qui peut l’être, la sérénité d’accepter ce que nous ne pouvons pas changer et la sagesse de reconnaître un certain nombre de progrès.

Parmi les progrès, il faut compter la régulation renforcée. Nous pensons être en position de voir émerger un barème des messageries qui permettrait d’établir un juste prix. Nous avons assisté au développement des mutualisations entre les messageries – peut-être faudra-t-il d’ailleurs aller jusqu’à la fusion. Même si beaucoup de retard a été pris, des sociétés communes de moyens et un système d’information commun se sont développés. Des avancées ont également été enregistrées dans les réflexions sur la gouvernance et l’organisation de l’Agence France Presse.

Reste toutefois beaucoup à faire.

Premier chantier : le recentrage de l’aide postale sur la presse d’information politique et générale (IPG). J’aime à le rappeler : en 2008, 20 % de l’avantage tarifaire postal, soit l’équivalent de 53 millions d’euros, bénéficiaient à huit magazines de télévision ; en 2014, ceux-ci bénéficiaient encore à ce titre de près de 20 millions d’euros, alors que l’ensemble de l’aide à la modernisation des diffuseurs de presse s’établit à 3,68 millions d’euros.

Il faut également prendre en compte la création de deux nouvelles catégories de presse, la presse du savoir et de la connaissance et la presse de loisir et de divertissement à côté et de la presse IPG. Ces trois catégories ne bénéficieront pas des mêmes montants d’aides. Pour la presse IPG et la presse du savoir et de la connaissance, il faudrait que les tarifs postaux se rapprochent de ceux de l’inflation tandis que la presse de loisirs se verrait appliquer une augmentation sensible, l’objectif étant de parvenir à une convergence des titres vers le tarif universel. Concrètement, pour La Poste, le coût de distribution est aujourd’hui de 80 % de déficit pour un quotidien et de 70 % pour un titre de la presse de loisirs. L’évolution vers le juste prix – 70 % sur sept ans, soit 10 % par an – ne paraît pas simple.

Il faudra aussi définir les contours de ces nouvelles catégories de presse. Tout laisse à penser que sur 6 500 titres, la moitié relèverait de la presse du savoir et de la connaissance, l’autre moitié entrant dans la catégorie de la presse de loisirs. Vous aurez compris que ce classement sera source pour la commission paritaire des publications et des agences de presse (CPPAP) de soirées animées, chacun voulant être placé dans la bonne case afin de bénéficier des frais postaux les moins élevés !

L’aide au portage devrait être pensée en cohérence avec l’évolution de l’aide au transport postal. La question est complexe car si l’aide postale diminue pour la presse de loisirs, les clients abandonneront l’envoi postal au profit du portage, ce qui contribuera à augmenter le coût pour La Poste qui ne transportera plus les titres en quantité nécessaire. Il faudra sans doute aller plus loin dans le portage multi-titres. Disons-le : La Poste me semble avoir raté le coche avec Neopress. Il est évident que demain, si elle devait perdre en volumes transportés, il serait nécessaire qu’elle se lance dans le portage pour certains titres.

Parmi les choses positives que la ministre va nous annoncer, notons l’extension de l’aide au pluralisme aux publications fragiles qui ont une périodicité autre que quotidienne. Certains journaux bénéficient, en raison de leurs faibles recettes publicitaires, d’une aide particulière qui va être étendue à quelque soixante-quinze nouveaux bénéficiaires, des hebdomadaires et des mensuels. Rassurez-vous, cette enveloppe de 4 millions d’euros ne sera pas prise sur les autres aides accordées : il s’agit de crédits nouveaux.

Je pourrais vous parler du fonds stratégique pour le développement de la presse en ligne et des rapports de la presse avec Google, en vous montrant le danger que présentent certains phénomènes. Je pourrais aussi vous dire que nous devrions aller beaucoup plus loin en matière d’aides à l’innovation et au numérique.

Mais, en guise de conclusion, je vais plutôt vous lister une vingtaine de recommandations que je formule dans mon rapport :

– Appliquer à la presse d’information politique et générale (IPG) et à la presse de la connaissance et du savoir un même taux d’augmentation de leur tarif postal, voisin du taux d’inflation.

– Pour les titres de la presse du loisir et du divertissement, établir une trajectoire acceptable de convergence vers le tarif universel de La Poste, s’étalant sur plusieurs années.

– Apporter une réponse à la distorsion de concurrence créée par la diffusion au tarif préférentiel IPG de suppléments spécialisés de titres IPG, concurrents d’autres catégories de presse. Pour ne citer que deux exemples, Madame Figaro et le M Le magazine du Monde bénéficient du prix IPG de La Poste appliqué aux quotidiens. D’autres magazines se voient appliquer des postaux beaucoup plus importants, alors que ce sont des publications du même type.

– Clarifier dans la durée la finalité et les perspectives d’évolution de l’aide au portage.

– Approfondir différents scénarii d’évolution graduelle vers une aide unique à l’exemplaire diffusé, en envisageant son extension à la diffusion numérique.

– Pour le calcul de l’aide au portage, exclure le portage réalisé, non pas de manière individuelle mais par paquets, à destination des hôtels, des entreprises de location d’automobiles, etc. Notre collègue Rudy Salles avait relevé ce problème et le ministère de la culture et de la communication a déjà exclu le portage à destination des aéroports. Nous sommes bien partis, mais nous ne devons pas nous arrêter en chemin.

– Réexaminer le rôle de La Poste dans l’avenir du portage.

– Redéployer une partie des crédits dégagés par la baisse de l’aide au transport postal vers le soutien aux initiatives émergentes et innovantes du secteur de la presse.

– Renforcer et étendre la réduction d’impôt pour souscription au capital des entreprises solidaires de presse d’information ; relever les plafonds de la réduction d’impôt dont bénéficient les particuliers ; réactiver la réduction d’impôt pour souscription des entreprises au capital des sociétés de presse en majorant l’avantage pour souscription au capital des entreprises solidaires de presse d’information.

– Fournir un premier bilan de l’impact de l’application d’un taux super réduit de TVA à la presse en ligne. Pour l’heure, je n’arrive pas à en mesurer les conséquences.

– Maintenir l’éligibilité des services de presse en ligne de la connaissance et du savoir aux aides du fonds stratégique pour le développement de la presse.

– Relever les taux de subvention du fonds stratégique pour le développement de la presse.

– S’assurer que les crédits du fonds Google ne se substituent pas à l’action des pouvoirs publics en matière d’accompagnement à la transition numérique.

– Accélérer la mise en place de la conditionnalité des aides. Au vu de la concentration qui est à l’œuvre, je pense qu’il faudra établir une distinction entre les journaux qui se font sans journalistes et ceux qui respectent les obligations déontologiques et l’emploi.

– Plus important encore, il faut changer radicalement de politique vis-à-vis des kiosquiers et des marchands de journaux. Je propose de consacrer une partie des marges de manœuvre financières dégagées par la réforme de l’aide postale à la mise en place d’une aide publique plus structurante et pérenne en faveur des diffuseurs. Même si les sommes en jeu sont beaucoup moins importantes que celles dont je viens de vous parler, les mesures sont sans cesse reportées à l’année suivante. En tout cas, elles n’arrivent pas au rythme où les marchands de journaux et kiosquiers pourraient le souhaiter.

M. le président Patrick Bloche. Merci, Michel Françaix, d’avoir utilisé toute votre compétence et votre connaissance du dossier pour nous éclairer. C’est à la fois technique et compliqué ; il faut connaître l’histoire pour en comprendre tous les enjeux.

Vos propos suggèrent que vous êtes en attente, un peu au milieu du gué, et nous y sommes avec vous. Espérons que nous parviendrons à rejoindre l’autre rive car le pluralisme est en jeu. Je vous remercie d’avoir conclu en évoquant la situation des vendeurs de presse. Pour présider la commission professionnelle des kiosquiers parisiens, je sais combien leur situation reste particulièrement précaire.

Mme Lucette Lousteau. Dans le temps qui m’est imparti, je me bornerai à vous livrer quelques remarques que m’inspire le rapport pour avis de notre collègue Michel Françaix sur les aides à la presse.

Je tiens tout d’abord à remercier le rapporteur pour la qualité de son travail ; il nous fournit des clés de compréhension tout à fait essentielles sur la situation de la presse, sujet à la fois passionnant et complexe, qu’il maîtrise parfaitement.

Dans un contexte de réformes engagées depuis plusieurs années dans un secteur qui vit une profonde mutation, il était tout à fait opportun de dresser, comme il l’a fait, un premier bilan des évolutions récentes et de formuler des propositions pour les années à venir.

À cet égard, on peut remarquer la pertinence des recommandations contenues dans le rapport et se réjouir de l’annonce récente faite par la ministre de la culture et de la communication quant à la création d’une nouvelle catégorie de presse, afin de mieux cibler les aides postales. Comme le suppute notre rapporteur, il sera probablement délicat de la délimiter.

Depuis l’origine, le soutien public à la presse et à l’information trouve sa justification dans l’exigence de liberté et de garantie du pluralisme. Ces aides s’articulent autour de trois axes : la diffusion, le pluralisme et la modernisation. Ce dernier volet comprend le fonds stratégique qui intervient pour l’aide au développement de la presse numérique.

Comme l’indiquait notre collègue Jean-Noël Carpentier dans son rapport pour avis l’an dernier, le numérique est avant tout une chance pour la démocratie, mais son arrivée a fait bouger les lignes. Les nouveaux moyens d’accès à l’information et la révolution des technologies obligent toute la chaîne de la presse papier, de l’impression à la diffusion en passant par la distribution, à se réinventer pour ne pas disparaître.

Cependant, notre collègue Michel Françaix relève dans son rapport que les soutiens existants semblent insuffisants pour le secteur des médias émergents. Un rapport de Jean-Marie Charon, remis à la ministre de la culture et de la communication en juin 2015, s’en fait l’écho. Rappelons néanmoins que l’époque où la presse d’information citoyenne en ligne était pénalisée par rapport à la presse papier par un taux de TVA de 19,6 % est révolue : comme la presse écrite, elle bénéficie du taux de TVA super réduit de 2,1 % depuis février 2014, à la suite de l’adoption, à l’unanimité de l’Assemblée nationale, d’une proposition de loi portée par le président de notre commission et par le rapporteur pour avis.

Si le développement du numérique représente un enjeu majeur, nous devons veiller à ce qu’il ne se fasse pas au détriment de la qualité éditoriale. L’économiste Julia Cagé, que le rapporteur a auditionnée, remarque que les grands titres ont progressivement remplacé les journalistes d’investigation par des journalistes postés devant leurs écrans lorsque la presse en ligne a émergé. Cette substitution a parfois affecté la qualité du titre, papier et numérique. Or la presse d’information, quel que soit son support, ne survivra qu’en faisant le pari de la qualité.

La vigilance s’impose aussi en ce qui concerne la liberté d’expression des journalistes. Si certains repreneurs interviennent parce qu’ils sont convaincus de la nécessité de soutenir la presse pour défendre la pluralité de l’information, tous n’affichent pas cette même volonté. On peut redouter les conséquences de certains rachats sur le pluralisme ou même sur l’indépendance des journalistes vis-à-vis du propriétaire du journal. L’exemple récent de la reprise de Canal + peut légitimement nous alerter.

Certains financiers ou grands partons, qui ont fait fortune dans d’autres secteurs, semblent plutôt s’inscrire dans des stratégies personnelles ou purement financières lorsqu’ils achètent des journaux. La création du fonds d’investissement, baptisé Media One et destiné à racheter des médias, en est une illustration flagrante. Or, on est en droit de se demander si le pluralisme de la presse et des idées peut perdurer dans un pays où quelques financiers possèdent la plupart des médias.

Cette situation suscite des questions sur la qualité de l’information, la pertinence des aides publiques, la liberté des journalistes et le pluralisme. C’est pourquoi nous ne pouvons que suivre le rapporteur lorsqu’il suggère, pour l’application de la conditionnalité des aides, la mise en place de critères relatifs à la déontologie et à l’emploi de journalistes.

Mme Annie Genevard. Tout d’abord, je voudrais complimenter nos trois collègues – Virginie Duby-Muller, Jacques Cresta et Michel Françaix – pour la qualité de leurs rapports et de leurs exposés.

Ma première question concerne l’audiovisuel. Monsieur Cresta, vous avez choisi de centrer votre réflexion sur le développement de l’offre numérique de France Télévisions, à l’heure où les comportements exigent des opérateurs publics qu’ils prennent le train du numérique s’ils veulent rester des médias de référence.

Comme vous l’expliquez, le développement de l’offre de vidéos à la demande, par abonnement, est lié à la réglementation du droit de production, le diffuseur n’étant pas propriétaire des œuvres qu’il a pourtant en partie financées. Vous nous dites qu’un assouplissement des décrets Tasca serait envisagé par le Gouvernement. Avez-vous des informations sur le calendrier de la négociation interprofessionnelle annoncée et sur les principales orientations qui la guideront ?

En ce qui concerne les industries culturelles, je voudrais faire deux observations, l’une sur le cinéma et l’autre sur le livre. S’agissant du cinéma, vous avez parfaitement décrit l’évolution préoccupante en cours. En dépit de l’excellente loi portée par notre collègue et ami Michel Herbillon, qui a permis le vaste et utile mouvement de numérisation des salles, on constate la disparition d’une dizaine de salles indépendantes par an. Cette évolution n’est pas anecdotique et elle menace la diffusion du cinéma sur les territoires, alors qu’il s’agit de la première pratique culturelle des Français.

L’accès aux films dans ces petites salles indépendantes demeure assez difficile malgré la numérisation ; l’équilibre économique y est plus fragile ; l’implication des collectivités est nécessaire dans de nombreux secteurs. Le risque demeure malgré les dispositifs existants. Reste-t-il, selon vous, des mesures à inventer qui permettraient notamment d’anticiper certains changements ? Puisque nous connaissons l’âge des exploitants de cinéma, nous pouvons prévoir le moment auquel la transmission aura lieu et quand la pérennité de la salle se jouera.

S’agissant du livre, Madame la rapporteure, vous mentionnez les réflexions sur l’extension des périodes d’ouvertures des bibliothèques, en soirée ou le dimanche. Certaines collectivités font des expérimentations en la matière, notamment en mettant en œuvre les préconisations de la mission confiée à la sénatrice Sylvie Robert. Un point me semble préoccupant : le Président de la République a annoncé que le taux d’attribution du concours particulier de la dotation générale de la décentralisation serait modulé en fonction de l’ouverture des bibliothèques. Or l’extension des horaires ou des jours d’ouverture de ces équipements a des incidences budgétaires : 15 % des bibliothèques ont dû créer des postes de titulaires ; 19 % ont eu recours à des heures supplémentaires ou à des primes ; 25 % ont mis en place des vacations supplémentaires. À un moment où les moyens des collectivités s’amenuisent, il est dangereux d’assujettir la dotation aux amplitudes d’ouvertures, comme une récompense : certaines villes aimeraient ouvrir davantage leurs bibliothèques mais elles ne le pourront pas. Ce danger a-t-il été bien évalué ? Comment faire pour sensibiliser le Gouvernement à cette question ?

En ce qui concerne la presse, monsieur Françaix, vous prônez un nouveau calibrage des aides qui ne sont pas assez ciblées, qui créent des effets d’aubaine, qui doivent être rénovées, modernisées, etc. Tout le défi est de soutenir ce secteur dans la mue qu’il doit nécessairement effectuer afin de simplement survivre, sans entretenir sa dépendance aux aides publiques. Vous dites attendre des annonces imminentes qui tardent à venir. Comme elles ne sont pas toutes formulées, n’êtes-vous pas optimiste sur la prise en compte de vos préconisations nombreuses et pertinentes ?

Mme Isabelle Attard. Comme mes collègues, je tiens à vous féliciter tous les trois pour la qualité de vos rapports.

Monsieur Cresta, parmi les offres numériques les plus fréquentées de France Télévisions que vous pointez, certaines sont destinées aux enfants. Le Sénat vient d’adopter une proposition de loi écologiste qui prône la suppression de la publicité dans les programmes jeunesse du service public. En effet, les études scientifiques démontrent un impact sanitaire négatif de la publicité sur les enfants qui la subissent. Le chercheur français Michel Desmurget dénonce notamment le rôle de la publicité pour les produits alimentaires auprès des enfants : celle-ci entraîne l’émergence précoce d’habitudes de vie sédentaires et de préférences alimentaires inadaptées.

Avez-vous envisagé l’interdiction de la publicité pour les programmes diffusés via le numérique à destination des enfants ? Pensez-vous, comme nous, que la démarche d’intérêt général du service public de l’audiovisuel est incompatible avec le matraquage publicitaire à l’intention des jeunes enfants ?

Michel Françaix, vous êtes un expert de la presse française et votre rapport est, comme d’habitude, extrêmement fouillé. Vous soutenez l’extension annoncée de l’aide au pluralisme pour atténuer la concentration des aides. Cependant, vous n’évoquez pas la question de la concentration de la propriété des titres. Le journaliste Fabrice Arfi écrit dans Mediapart : « Sept milliardaires, dont le cœur d’activité n’est pas l’information – c’est de vendre des armes, de faire du BTP, de la téléphonie mobile, de la banque – ont entre leurs mains 95 % de la production journalistique. »

Ce chiffre de 95 % déborde largement du journalisme de presse puisqu’il inclut radios, télévisions et sites d’information. Néanmoins, il devrait nous interpeller. Pour mémoire, le programme du Conseil national de la Résistance (CNR), intitulé Les Jours Heureux, mentionnait l’importance de rétablir « la liberté de la presse, son honneur et son indépendance à l’égard de l’État, des puissances d’argent et des influences étrangères. »

Soixante-dix ans plus tard, il semblerait que cet objectif de l’indépendance de la presse ne soit plus une préoccupation. Certes, votre rapport mentionne, page 39, qu’il est important de soutenir l’émergence de nouveaux médias. Dans un secteur autant dominé par l’argent, ne craignez-vous pas que ces nouveaux médias soient inaudibles ou, pire, qu’ils soient rachetés dès qu’ils deviennent audibles ?

Madame Virginie Duby-Muller, votre rapport mentionne l’importante augmentation du budget de la Hadopi : il remonte de 6 millions d’euros à 8,5 millions d’euros, sans que cette augmentation de 41,6 % ne soit justifiée quelque part. Notons que ce budget fluctue beaucoup puisqu’il était de 8 millions d’euros en 2013. Cette année, le document budgétaire indique que ces crédits permettent de « financer les missions d’appui au développement de l’offre légale et de protection des œuvres contre le téléchargement illégal. »

À ma connaissance, le bilan de la Hadopi est nul. Cette autorité indépendante peut tout au plus se vanter de subventionner La Poste à grande échelle, en expédiant des millions de lettres recommandées. Mais quel est l’effet de ces courriers ? La quasi-intégralité de la production culturelle est aujourd’hui disponible en téléchargement illégal. À quoi servent les millions dépensés ?

Je vous ai déjà parlé du blog « J’voulaispaspirater.tumblr.com ». Voici la dernière mésaventure qui y est contée. Un internaute voulait visionner une série récente appelée Mr. Robot. Après avoir tenté d’y accéder légalement en France, cet internaute s’est résolu à la télécharger. Quelques jours plus tard, il recevait un message de la Hadopi lui signalant qu’il avait violé l’article L. 331-25 alinéa 3 du code de la propriété intellectuelle, puisque son ordinateur avait été utilisé pour diffuser cette série. Après vérification, le site même de la Hadopi, www.offrelegale.fr, confirme que cette série n’est pas disponible en France.

Chers collègues, peut-on vraiment parler de contrefaçon d’une œuvre lorsque celle-ci est volontairement rendue indisponible par ceux qui sont chargés de la diffuser ? Les 8,5 millions d’euros de la Hadopi seraient bien mieux employés à financer la création et la diffusion, au lieu d’être utilisés pour payer l’envoi de millions de courriers inutiles.

Mme Annie Genevard. Ce n’est pas une raison pour pirater !

Mme Isabelle Attard. Il faut développer l’offre légale !

M. le président Patrick Bloche. Je rappelle que, dans le projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, nous avons adopté assez unanimement une disposition visant à la recherche d’une exploitation suivie des œuvres cinématographiques et audiovisuelles. En vous écoutant, je me disais que ce que La Poste gagne en frais d’envois recommandés de la Hadopi, elle pourrait peut-être le redonner sous forme de baisse des tarifs postaux de la presse.

M. Rudy Salles. À mon tour, je tiens à saluer la qualité des rapports et, bien entendu, celle des rapporteurs. On peut toutefois regretter que certains de ces rapports nous soient arrivés assez tard. Après quelques remarques sur les crédits de la mission, j’aurais quelques questions sur les thèmes choisis par les rapporteurs.

L’examen des crédits de soutien à la presse revêt un caractère tout particulier, notamment après les attentats que la France a vécus au début de l’année. Nous avons malheureusement été les témoins impuissants de la menace qui pèse sur la liberté d’opinion et de diffusion. Aussi, est-il plus que jamais de notre devoir d’assurer et de garantir la diffusion des courants de pensées et d’opinions dans notre pays. La liberté, l’indépendance et le pluralisme sont intrinsèquement liés à la démocratie et à la vitalité du débat citoyen.

Outre cette menace qui pèse sur la liberté d’opinion, le livre, la presse et l’industrie culturelle dans son ensemble sont confrontés à un environnement de plus en plus concurrentiel, marqué par des bouleversements technologiques. Le Programme 180, « Presse », doit par conséquent constituer le socle budgétaire solide sur lequel s’appuie l’évolution des dispositifs de soutien en faveur de la presse. Après avoir déploré une baisse des aides à la presse de 9 % l’année dernière, nous regrettons cette année que le soutien de l’État à la presse continue de cibler massivement la diffusion papier alors même qu’il est urgent de mettre l’accent sur l’innovation pour que le secteur prenne avec succès le virage du numérique. En outre, nous estimons que les aides à la presse doivent bénéficier davantage à la presse quotidienne régionale qui constitue le principal vecteur d’information du pays.

S’agissant du Programme 334, « Livre et industries culturelles », nous tenons à dénoncer la situation dans laquelle se trouve la Hadopi. Certes sa subvention augmente par rapport à l’année dernière puisqu’elle s’élève à 8,5 millions d’euros. Néanmoins, cette subvention demeure incontestablement insuffisante pour lui permettre de mener à bien ses missions. Ai-je besoin de rappeler que, pour 2012, la subvention de la Hadopi s’élevait à 11 millions d’euros ? Au mépris de la loi, le Gouvernement organise donc son extinction. Je tiens à rappeler que cette autorité a été créée par la loi ; elle ne peut être supprimée ou remplacée que par l’adoption d’une nouvelle loi.

Il aurait fallu un peu de courage si vous aviez des projets sur le sujet. Depuis deux ans et demi, aucun des grands changements que nous attendions ne s’est produit. La Hadopi devait disparaître et le CSA devait reprendre ses activités. Il ne s’est rien passé et il ne se passe toujours rien. Le Gouvernement ne peut ignorer que la Hadopi est exsangue. Chers collègues de la majorité, que voulez-vous faire de cette autorité ? Si rien ne change, l’institution court à la catastrophe, et la faiblesse de son budget lui interdit de remplir les missions que le législateur lui a confiées.

Permettez-moi de poser maintenant quelques questions plus précises sur les différents rapports.

Madame Duby-Muller, vous évoquez la délicate question de la chronologie des médias entre la sortie en salle, puis en DVD, puis à la télévision. D’après vos auditions, pensez-vous qu’il faudrait revenir sur cette chronologie et la rendre plus souple ? Le groupe de l’Union des démocrates et indépendants est particulièrement attaché aux structures culturelles qui maillent le territoire, que ce soit les librairies indépendantes ou les salles de cinéma, dans la mesure où elles garantissent le pluralisme. Après vos échanges avec les professionnels du secteur, pensez-vous que le modèle économique des cinémas d’art et d’essai soit pérenne, malgré les coûts annexes des nouveaux équipements, notamment de numérisation ?

Monsieur Françaix, quels éléments nouveaux pouvez-vous nous apporter sur l’évolution et la répartition de l’aide au portage entre les éditeurs de la presse quotidienne nationale et ceux de la presse quotidienne régionale ? Avez-vous des informations sur la solution privilégiée par le Gouvernement ? Le groupe de l’Union des démocrates et indépendants se joint au rapporteur pour regretter qu’il n’y ait pas de premier bilan de l’application du taux de TVA super réduit à la presse en ligne.

Monsieur Cresta, avant d’entendre Delphine Ernotte demain matin, votre rapport propose un premier éclairage sur les mutations à venir de France Télévisions. Nous aurions évidemment beaucoup à dire et nous n’en avons pas le temps. Néanmoins, je suis en désaccord total avec vous lorsque vous considérez que le projet de chaîne publique d’information en continu peut constituer une occasion historique pour coordonner et mutualiser les moyens des différents groupes de l’audiovisuel public en matière d’information. Dans un contexte budgétaire contraint et fortement concurrentiel, il n’est pas opportun de créer une chaîne d’information en continu supplémentaire, sachant que certaines de celles
– nombreuses – qui existent, sont déjà en difficulté. Qui va payer ?

Mme Gilda Hobert. Comme mes collègues, je tiens tout d’abord à vous remercier pour ces rapports excellents, intéressants et fournis, qui corrèlent véritablement nos politiques à destination de la culture et des médias avec les nouvelles pratiques liées au numérique.

La culture ne peut être figée. Mouvante, elle accompagne ou amorce des changements de société. Ceux que nous vivons sont justement liés au numérique qui bouleverse notre manière d’appréhender la lecture, la musique ou tout autre contenu multimédia. Ils sont également d’une étonnante rapidité : le streaming musical, par exemple, a engendré 73 millions de chiffre d’affaires en 2014, contre 54 millions en 2013, ce qui représente une augmentation de 34 % en un an.

Je tiens à saluer les mesures contenues dans ce PLF. À budget équilibré
– les autorisations d’engagement des crédits en faveur du livre et des industries culturelles n’ont diminué que de 2,2 % –, l’aide à l’innovation prend une place de plus en plus importante. C’est ainsi que le fonds de soutien à l’innovation et à la transition numérique est chargé de suivre, voire d’accélérer la mutation numérique des entreprises de production phonographique. S’il n’est pas le plus important, ce fonds concerne les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME) qui représentent pour notre pays une richesse que l’on doit soutenir et encourager. Ces entreprises permettent le maillage efficient et la diversité culturelle dont nous avons besoin.

Cette richesse, nous devons la protéger. Prenons l’exemple de l’industrie du cinéma. Le nombre d’écrans a augmenté de 7,2 % de 2005 à 2014 tandis que le nombre d’établissements cinématographiques diminuait de 2,6 % dans le même temps. Nous devons combattre cette uniformisation progressive, et défendre le développement du maillage territorial. Réjouissons-nous du fait que 14,6 millions d’euros vont être répartis entre les 1 148 établissements ayant le label « art et essai », qui participent activement au développement de l’exception culturelle française. C’est le cas à Lyon, où les deux salles du Cinéma national populaire (CNP) ouvrent à nouveau leurs portes après quelques mois de travaux, en gardant une programmation ambitieuse et iconoclaste, mais en y intégrant de nouveaux dispositifs numériques.

L’exception culturelle française est aussi liée à des pratiques qui sont bouleversées par le numérique. Entre 2007 et 2014, le nombre d’écrans par foyer est passé de 5,3 à 6,4, ce qui a considérablement augmenté le temps passé sur internet. Le phénomène pourrait avoir des effets négatifs – et l’on peut comprendre les réticences qu’il suscite – mais il peut être une force si nous l’accompagnons.

Il est impératif d’accompagner les cinémas d’art et d’essai, le streaming musical ou l’audiovisuel français vers le numérique. Arte a fait ce choix qui se révèle payant : il permet à la chaîne de se développer et d’attirer de nouveaux publics. Le groupe France Télévisions fait ce choix en ce moment et je ne doute pas de son succès.

Vos trois rapports témoignent, chacun à sa manière et dans son domaine, de la poursuite de la tradition progressiste de la France en faveur de l’indépendance, de la création et, à présent, du numérique. Pensez-vous que l’on puisse, en continuant de lier transition numérique et exception culturelle française, promouvoir et élargir l’audience des arts du spectacle ?

Mme Marie-George Buffet. Tout d’abord, je voudrais bien sûr remercier les rapporteurs pour la qualité de leur travail et de leurs interventions.

À l’instar de Jacques Cresta, je pense que France Télévisions doit accélérer sa mue numérique et innover en la matière. Mais on ne peut pas toujours exiger l’excellence de cette grande maison, sans lui donner les moyens de la chercher. Or la baisse des moyens compromet la capacité du groupe à avancer vers une modernisation nécessaire.

Contrairement à Rudy Salles, je pense que le projet de chaîne publique d’information en continu peut constituer une occasion historique de coordonner et de mutualiser les moyens, mais aussi de favoriser d’autres méthodes de recherche et de traitement de l’information. Lors d’événements particulièrement douloureux, nous avons eu l’occasion – et le CSA également – d’émettre des critiques sur la façon dont les événements étaient relatés par certaines chaînes d’information en continu. Du service public de l’audiovisuel, nous pouvons attendre une nouvelle entrée dans l’information en continu, faisant appel à la réflexion et à la connaissance, ce qui permettrait aux citoyens de mieux maîtriser les enjeux des débats actuels.

La création d’une chaîne publique d’information en continu nécessite une mise en commun de moyens, mais celle-ci ne doit pas être vécue comme une nouvelle manière de diminuer les ressources des différentes entités de l’audiovisuel public. Ne répétons pas la douloureuse expérience de la fusion de RFI et France 24, cherchons une mutualisation qui permette l’enrichissement de l’information des citoyens.

J’en viens au rapport présenté par Michel Françaix que je veux remercier pour sa ténacité en ce qui concerne les aides à la presse. Nous connaissons la situation extrêmement fragile de la presse mais aussi le rôle éminent qu’elle joue et l’importance du pluralisme pour le développement de notre démocratie. La liberté d’information permet de juger du degré d’émancipation d’une société.

Je partage les propositions du rapporteur sur le recentrage des aides, dont il nous a déjà démontré la nécessité. Il nous parle d’avancer vers une mutualisation et peut-être vers une fusion des messageries, en évoquant les difficultés qui pourraient survenir de la part de certains organes de presse. Ces propositions, cher collègue, vous les avez faites à plusieurs reprises et je les approuve complètement. Mais quel est le calendrier ? Nous ne pouvons pas attendre beaucoup plus longtemps.

Ma deuxième remarque porte sur les rachats et la concentration du secteur. Certes, nous devons obtenir le respect des règles déontologiques et l’emploi de journalistes, mais ne faudra-t-il pas aller plus loin pour empêcher cette marche vers la concentration ? Un certain individu, qui a pourtant un endettement extrêmement important, a pu ainsi racheter des titres très rapidement, sans que nous ayons les outils pour l’en empêcher.

Enfin, je regrette que vous n’ayez pas cité votre vingtième proposition qui est extrêmement importante : inscrire à l’ordre du jour des assemblées le projet de loi sur la protection du secret des sources des journalistes.

M. Michel Pouzol. Non sans avoir avant toute chose approuvé ce propos de Mme Buffet concernant la vingtième proposition de M. Françaix, je tiens à mon tour à féliciter les rapporteurs, en particulier M. Cresta pour son travail sur le projet numérique de France Télévisions, très utile étant donné l’évolution des usages audiovisuels des Français - un thème qui semble être au cœur du projet stratégique volontariste de Mme Ernotte. Il était temps, en effet, que France Télévisions prenne le tournant du numérique pour que le service public de l’audiovisuel touche l’ensemble des publics et se mette au diapason des nouvelles pratiques en la matière.

Comme le souligne le rapport du groupe de travail sur l’avenir de France Télévisions, coordonné par M. Marc Schwartz, ces pratiques sont en mutation : les Français sont mieux équipés en matériels et plus souvent abonnés à des services leur permettant d’accéder aux offres de télévision numérique. L’évolution des technologies et la multiplication des écrans offrent aux utilisateurs un accès aisé et transparent aux programmes, quels que soient l’heure, le lieu et le support de diffusion. De ce point de vue, le rapport de M. Cresta montre que la consommation de télévision de rattrapage est en forte augmentation, surtout parmi les jeunes de 15 à 34 ans qui, selon le CNC, représenteraient la moitié de ce public. Pensez-vous dès lors que la télévision de rattrapage offre une solution pérenne permettant de renouveler les audiences de France Télévisions ?

D’autre part, ce groupe doit-il s’inspirer des stratégies innovantes déployées en ce domaine par Arte, qui propose plus de 80 % de ses programmes en rattrapage et enregistre une hausse de vues de 22 % au premier semestre 2015, certains documentaires étant visionnés jusqu’à 400 000 fois ? Grâce à la diffusion non linéaire de ses programmes sur internet, Arte jette en effet les bases d’une chaîne multilingue de dimension européenne.

Enfin, l’essor de cette manière individualisée de vivre la télévision et la baisse du taux d’équipement en téléviseurs, surtout parmi les jeunes, doivent-ils selon vous entraîner l’extension de la base de calcul de la contribution à l’audiovisuel public à l’ensemble des appareils capables de diffuser ces nouvelles offres ?

M. Patrick Hetzel. Les documents budgétaires qui nous sont présentés ne donnent aucune indication concernant les incidences pourtant réelles de la loi NOTRe sur l’offre audiovisuelle du secteur public. Je m’interroge en particulier sur le devenir des émissions locales diffusées sur France 3 Alsace et sur France Bleu Alsace. Ces deux chaînes, l’une de télévision et l’autre de radio, se caractérisent en effet par une forte proximité avec leur public. Cette offre audiovisuelle sera-t-elle préservée ? Le redécoupage régional ne risque-t-il pas d’éloigner ces chaînes de leur public ? Ces services de proximité relevant d’un financement public, nos concitoyens sont en droit d’attendre non seulement qu’ils ne se dégradent pas, mais même qu’ils s’améliorent !

M. Stéphane Travert. Je me réjouis, madame Virginie Duby-Muller, de constater l’augmentation de 54,4 % en autorisations d’engagement et en crédits de paiement de l’action « Industries culturelles », qui s’explique non seulement par la hausse des crédits alloués à la Hadopi, mais aussi par le transfert au sein du programme des crédits alloués au Bureau export de la musique française et, enfin, par l’inscription au titre de cette action de nouvelles aides destinées à valoriser l’entreprenariat culturel.

Je vous félicite particulièrement, madame, pour votre rapport sur la numérisation des salles de cinéma : vous y soulignez la vitalité exceptionnelle de l’exploitation cinématographique en France, qui conserve l’un des taux de fréquentation les plus élevés d’Europe, et la grande diversité de l’offre que la numérisation permet de proposer en salles. Vous présentez également les motifs d’inquiétude du secteur : la concurrence d’autres modes de diffusion des films, comme la lecture en continu ou streaming, mais aussi le fait que les exploitants peuvent accélérer à l’excès la rotation des films grâce à la souplesse que leur offre le numérique. Vous indiquez en particulier qu’en dépit de l’augmentation du nombre d’écrans de cinéma en France, le nombre d’établissements diminue. L’émergence des multiplexes accentue en effet la concentration de ce secteur autour de grandes sociétés d’exploitation bien connues.

Pensez-vous que les exploitations indépendantes, qu’il s’agisse d’associations ou de sociétés coopératives et participatives, les SCOP – comme c’est le cas de l’Utopia à Toulouse – soient menacées par ces superstructures qui, alors qu’elles étaient 135 en 2003, sont désormais 191, soit un rythme moyen de six ouvertures par an ?

Vous soulignez d’autre part la nécessité d’apporter un soutien adéquat à la filière cinématographique ; les dispositifs proposés par le CNC vous semblent-ils adaptés à cette nouvelle donne ? Enfin, parallèlement à l’augmentation du nombre de multiplexes, nous pouvons nous réjouir du fait que le parc de cinémas d’art et d’essai se maintienne et même progresse – signe qu’une cohabitation fructueuse entre ces deux modèles d’exploitation est toujours possible !

Mme Claudine Schmid. Votre rapport, madame Virginie Duby-Muller, insiste sur l’importance de la filière du cinéma en France. Nous devons en effet préserver la singularité de son maillage composé tout à la fois de multiplexes et de salles d’art et d’essai. Pouvez-vous apporter des précisions quant à l’avenir des quelque 1 100 salles d’art et d’essai ? Comment pouvons-nous continuer de les soutenir pour garantir la diversité des œuvres ? Existe-t-il des dispositifs particuliers visant à accompagner leur transition auprès des distributeurs ?

D’autre part, les salles de cinéma jouissent actuellement d’un délai d’exclusivité de quatre mois. De ce point de vue, faut-il assouplir la chronologie des médias ?

Mme Colette Langlade. L’audiovisuel public, la presse écrite et l’industrie du livre sont des enjeux culturels majeurs pour notre société. Ces trois secteurs font aujourd’hui face à une révolution culturelle et à une crise de modèle liée à l’émergence du numérique. L’audiovisuel public doit reconquérir par de nouveaux supports un public qui a perdu l’habitude d’allumer la télévision pour s’informer, se divertir et accéder aux créations cinématographiques. La presse se heurte à une concurrence plus vive encore, tant l’information sur internet et les titres exclusivement numériques gagnent en importance. Enfin, le livre et les industries culturelles comme le cinéma doivent s’adapter à de nouvelles pratiques sans pour autant bouleverser un modèle économique créateur d’emplois. Il ne s’agit plus pour chacun de ces secteurs de se prononcer pour ou contre le numérique, mais de trouver la voie leur permettant de concilier au mieux l’adaptation à la demande et la préservation de notre patrimoine culturel.

Ma question est donc transversale : pouvez-vous, madame et messieurs les rapporteurs, nous éclairer concernant les mesures d’urgence que vous défendez afin de réorienter la dimension numérique de chacun de ces domaines ?

Mme Sophie Dessus. Vous l’avez indiqué, Madame Virginie Duby-Muller : les deux-cents multiplexes qui existent en milieu urbain représentent presque 10 % des salles et 60 % des entrées, tandis que les salles de proximité en milieu rural – souvent aidées par les communes – représentent 73 % des établissements pour 20 % des entrées. Pourtant, ce sont ces petites salles qui garantissent la diversité de l’offre culturelle et la présence du cinéma sur l’ensemble du territoire. La loi du 30 septembre 2010 relative à l’équipement numérique des cinémas visait d’une part à ce qu’aucune salle ne ferme en raison de la mutation technologique – objectif pleinement atteint – et à ce que tout distributeur mettant un film à la disposition d’une salle de cinéma lui verse une contribution numérique au cours des quatre semaines suivant la sortie nationale, et ce jusqu’en 2021. Cinq années après ce très bon point de départ, trois problèmes se posent. D’une part, la durée d’amortissement des équipements varie selon les salles, d’où une inégalité d’accès aux films. Ensuite, la fixation d’une durée de quatre semaines pendant laquelle les contributions sont dues entraîne la discrimination des salles de proximité, qui n’ont plus accès aux films qu’en cinquième semaine. Enfin, la diffusion simultanée de certains films sur un trop grand nombre d’écrans pourrait appauvrir la diversité culturelle de l’offre cinématographique.

Face à ces risques très graves pour la petite exploitation, peut-on envisager, comme le propose la Fédération française des cinémas français, de refuser le « plein programme » et d’instaurer un taux de location réduit des films, par exemple 40 % à partir de la cinquième semaine, de permettre à l’ensemble des salles d’accéder aux disques durs des films, de proposer un matériel publicitaire adapté, gratuit et unique au moyen d’une plateforme de téléchargement, et de simplifier la saisine du médiateur du cinéma ? Enfin, le comité de concertation, le CNC, le ministère de la culture et de la communication et le Parlement peuvent-ils prendre le problème à bras-le-corps en simplifiant – comme en 2010 – le cadre législatif ? À ces conditions, nous éviterons sans doute d’ici à 2021 la fermeture de cinq à six cents salles qui assurent la diversité et la proximité de la culture cinématographique, ainsi que son égal accès par tous les citoyens.

M. Hervé Féron. Vous rappelez, madame Duby-Muller, que la France possède le parc cinématographique le plus important d’Europe, mais le nombre d’établissements est en recul. Pour préserver le pluralisme des salles, il existe un dispositif de régulation des implantations de cinémas selon lequel au-delà d’un certain seuil de salles, tout projet de création ou d’extension d’un établissement nécessite une autorisation de la commission départementale d’aménagement cinématographique, la CDAC. Or, ce dispositif est parfois menacé : nous venons ainsi de supprimer une mesure que la droite sénatoriale avait insérée dans le projet de loi défendu par M. Emmanuel Macron, qui consistait à relever de 300 à 600 sièges le seuil au-delà duquel l’approbation de la CDAC est nécessaire et, ce faisant, à favoriser les multiplexes. Il faut au contraire renforcer les mécanismes de régulation de l’aménagement cinématographique. De ce point de vue, le sénateur socialiste Serge Lagauche a proposé avec raison d’autoriser les collectivités territoriales à adopter dans leurs plans locaux d’urbanisme des règles spécifiques aux salles de cinéma, et de donner aux régions ainsi qu’aux directions régionales des affaires culturelles (DRAC), un rôle primordial en matière d’implantation des salles, afin de conserver le recul nécessaire à l’aménagement harmonieux des cinémas sur le territoire. Qu’en pensez-vous ?

D’autre part, vous indiquez qu’en 2014, toutes les salles de métropole étaient équipées pour diffuser une projection numérique, mais qu’en est-il en milieu rural et dans les cinémas indépendants, où le modèle du cinéma numérique est inadapté compte tenu du coût, de la complexité et des exigences de sécurité des équipements ?

Mme Sylvie Tolmont. Je tiens avant toute chose à saluer la constance et la cohérence de M. Françaix concernant les aides à la presse. Dans le projet de loi de finances pour 2016, les aides à la distribution représentent 200 millions d’euros : c’est un budget dédié au soutien aux titres de presse, qu’il s’agisse de la vente au numéro ou par abonnement. Vous plaidez dans ce contexte en faveur de la rationalisation de ces aides. Vous proposez notamment de mieux cibler l’aide postale, dont bénéficient de nombreux titres. La presse d’information politique et générale, dite IPG, ne bénéficie que de 45 % de cette aide alors que son rôle est indispensable au maintien d’une information accessible à tous et à la sensibilisation au civisme que permettent l’éclairage sur l’actualité et l’ouverture au monde.

Dans le même temps, huit magazines de programmes télévisés bénéficiaient en 2014 d’un avantage tarifaire postal équivalant en tout à 20 millions d’euros. Pour mieux cibler ces aides, monsieur le rapporteur pour avis, vous avez soutenu la proposition de Fleur Pellerin consistant à créer une catégorie de presse dite « du savoir et de la connaissance », qui regrouperait notamment les titres spécialisés et destinés aux professionnels. Distinguer cette catégorie de la presse IPG et de la presse de divertissement et de loisir permettrait de mieux différencier les aides postales. Cependant, une telle ambition se heurte à plusieurs défis liés à la porosité des frontières entre presse IPG et presse du savoir et de la connaissance. De surcroît, il ne faudrait pas réduire cet objectif à une opposition stérile entre « bonne » et « mauvaise » presse. Je rappelle toutefois qu’en 2001, le Conseil constitutionnel a jugé tout à fait légitime la classification des titres de presse afin de préserver le pluralisme de la presse IPG, qui contribue à l’information du citoyen.

Dans ce contexte, pourriez-vous tracer plus précisément les contours de la catégorie de titre qui pourrait relever de la presse du savoir et de la connaissance et les critères de définition qui pourraient être retenus ? D’autre part, vous proposez que les tarifs postaux appliqués à la presse du loisir et du divertissement rejoignent progressivement les tarifs universels de La Poste, soit une hausse de 70 % : quelles en seraient les conséquences pour les titres concernés et comment pourront-ils préserver leur volume d’abonnements ?

Mme Julie Sommaruga. Quel est selon vous, Madame Duby-Muller, l’effet de diverses opérations telles que le Printemps du cinéma sur l’accessibilité des tarifs et l’attractivité des salles de cinéma ? Il serait difficile, dites-vous, de rendre le cinéma encore plus accessible financièrement sans accentuer le fossé qui existe entre les cinémas de quartier et les grandes enseignes – et que les stratégies tarifaires de ces dernières aggravent. Quelles propositions vous ont été présentées sur ce point au cours des auditions ?

Nous partageons tous l’objectif visant à encourager le plus grand nombre de personnes à aller au cinéma, en particulier les jeunes. Ne faut-il pas que l’Éducation nationale valorise davantage le cinéma – l’art autant que le lieu – auprès de tous, et non pas seulement dans les filières spécialisées ?

Mme Martine Martinel. Le rapport de M. Cresta détaille l’évolution des pratiques audiovisuelles et la tendance qu’ont notamment les jeunes et les enfants à se détourner de la télévision linéaire. Vous indiquez d’autre part que la stratégie numérique de France Télévisions produit des résultats encourageants, mais que le projet numérique d’Arte est plus convaincant. Selon vous, comment mieux faire connaître la dimension numérique de France Télévisions ? Plus généralement, en quoi le fait de relever le défi numérique représente-t-il un enjeu démocratique ?

M. Jacques Cresta, rapporteur pour avis. J’ai le même attachement à France 3 Pays catalan que M. Hetzel à France 3 Alsace, et je suis très vigilant au sujet des antennes locales. Le rapport au Parlement sur les orientations de France Télévisions que vient de nous adresser Mme Delphine Ernotte indique il est vrai que la réforme de l’organisation territoriale entraînera l’évolution de France 3 afin de l’adapter aux nouvelles régions, mais cette adaptation sera principalement éditoriale et concernera pour l’essentiel les rendez-vous d’information.

La télévision de rattrapage, monsieur Pouzol, est pour France Télévisions tout à la fois un relais d’audience et un outil fondamental d’organisation. Quant à la chaîne Arte, elle a déployé une stratégie numérique sur diverses plateformes qui est un véritable succès. Sans doute les structures plus petites et moins bien dotées ont-elles plus de facilité à faire preuve d’innovation et de créativité.

J’en viens à la question de la chaîne d’information en continu pour m’étonner qu’il n’en existe pas encore dans le secteur public. Une chaîne publique pourrait pourtant mieux équilibrer le fonctionnement de notre démocratie. L’objectif, en effet, n’est pas de copier les journaux en continu des chaînes privées, qui reposent souvent sur l’émotion, mais de proposer une chaîne d’information s’adressant à l’intelligence des téléspectateurs.

Un amendement du Gouvernement, adopté à la suite d’une proposition de MM. Bloche et Beffara, a permis d’augmenter les dotations de France Télévisions de 25 millions d’euros pour 2016. Cet apport viendra partiellement combler le déficit de 50 millions d’euros prévu par le groupe pour ce même exercice mais il lui faudra trouver de nouvelles ressources, peut-être au moyen de réformes de structure. Je constate toutefois que les acteurs de l’audiovisuel public semblent travailler chacun dans leur coin au développement du numérique ; l’INA vient ainsi de lancer son service de vidéo à la demande. J’estime au contraire que France Télévisions doit promouvoir une offre numérique du service public dans son ensemble. De ce point de vue, la chaîne d’information en continu permettra de favoriser les synergies, d’éviter la multiplication des unités de recherche et développement dans chaque entité et de proposer une offre cohérente dans le respect des sensibilités de chaque chaîne.

Concernant les métiers, il faut en effet aller vite, sachant que chaque entreprise, qu’il s’agisse de France 2, de France 3 ou de l’INA, possède sa culture propre. Une action plus transversale permettra de rapprocher ces équipes du service public qui s’ignorent parfois, voire se méfient les unes des autres, et d’améliorer l’offre publique. Dans l’immédiat, il est urgent de renforcer la polyvalence des salariés de ces chaînes de sorte qu’ils puissent travailler tout à la fois sur les chaînes linéaires et sur les supports numériques.

À titre personnel, j’aurais certainement voté pour l’amendement concernant la suppression de la publicité durant les programmes pour enfants. En réalité, seule la chaîne Ludo diffuse des publicités ; la plateforme des Zouzous, quant à elle, propose des applications sans publicité pour les supports mobiles et encadre strictement les annonces diffusées sur certaines parties du site en les limitant à des jouets et films pour enfants et en excluant toute publicité pour des produits de consommation alimentaire, par exemple. J’y suis extrêmement attentif. Cela étant, pour se développer, ces chaînes doivent trouver un équilibre entre recherche de financements et respect des obligations du service public.

Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure pour avis. Chacun d’entre vous a relevé la vitalité du cinéma français, et je rappellerai à cet égard que les films français représentent plus de 40 % des parts de marché. Vous avez également tous souligné votre attachement à préserver ce vecteur de diffusion culturelle, le plus important dans notre pays.

Il faut en effet, Madame Annie Genevard, innover en matière d’aides. Des annonces ont déjà été faites au congrès de la Fédération nationale des cinémas français, à Deauville, en ce qui concerne la transmission de salles, en vue d’accompagner les nouveaux entrants, un vieillissement des exploitants étant constaté. Ces mesures seront lancées dès le mois de décembre, avec la création d’une filière – un module de formation – à l’École nationale supérieure des métiers de l’image et du son, et surtout celle d’un fonds d’avances remboursables, géré par l’Institut du financement du cinéma et des industries culturelles, ce qui sera sécurisant pour les futurs investisseurs, tant l’investissement pour reprendre une salle est lourd.

Je suis un peu surprise par la question concernant les bibliothèques et le fait de moduler les crédits du concours particulier de la dotation générale de la décentralisation en fonction des plages horaires des bibliothèques, dans une volonté d’encourager leur ouverture à des heures tardives ainsi que le dimanche. Des plages horaires plus larges sont un moyen d’ouvrir ces lieux et de lutter contre l’illettrisme. Il faudra poser la question à la ministre de la culture et de la communication pour s’assurer que ces mesures n’auront pas d’effets négatifs pour les finances des collectivités territoriales.

S’agissant de la Hadopi, M. Rudy Salles a déploré un budget insuffisant tandis que Mme Isabelle Attard constatait que son bilan était nul. Le budget pour 2016 s’élève à 8,5 millions d’euros. Il a été divisé par deux entre 2011 et 2014. Si, en 2012 et 2013, les réserves budgétaires ont été utilisées, il y a eu une évolution significative de son activité en 2015, ainsi qu’en 2016, afin de répondre aux missions définies par la loi. Le bilan n’est donc pas nul. En cinq ans, 5,4 millions de courriels ont été envoyés, donnant lieu à un premier avertissement, 500 000 personnes ont récidivé et ont donc reçu un deuxième courriel, 2 844 ont reçu un troisième courriel, et, au final, 400 dossiers ont été transmis à la justice. Ces chiffres indiquent que la Hadopi et la riposte graduée sont efficaces et ont un effet dissuasif. Il faut également rappeler que la possibilité de suspendre l’accès à internet a été supprimée en 2013.

La question de la chronologie des médias, posée par M. Rudy Salles et Mme Claudine Schmid, est controversée. L’exclusivité du film est une condition du succès en salle et nous y sommes attachés. Il pourrait cependant être envisagé d’abaisser la fenêtre d’exploitation de quatre à trois mois pour certains films, lorsque les entrées lors des quatre premières semaines d’exploitation sont insuffisantes – on a par exemple évoqué le chiffre de 20 000 entrées. Lorsque le départ sur ces premières semaines est raté, le délai d’exclusivité pourrait être écourté et la chronologie des médias assouplie.

Il a beaucoup été question également de l’importance du cinéma d’art et d’essai. Le danger vient moins de la numérisation des films que des films d’art et d’essai dits porteurs. En effet, les multiplexes diffusent eux aussi des films d’art et d’essai porteurs, et concurrencent ainsi les salles dédiées. Pour répondre à M. Stéphane Travert sur la menace représentée par des multiplexes, il faut rappeler que la loi du 18 juin 2014 exige un accord en CDAC lorsque la salle compte plus de huit salles : cette régulation est positive. Claudine Schmid a posé la question d’un soutien particulier au cinéma d’art et d’essai : il existe déjà des aides spécifiques prévues par le CNC, et cela fonctionne assez bien.

Mme Gilda Hobert a fait le lien entre les trois rapports, en indiquant que la mutation liée au numérique appelait un changement de modèle. Elle a aussi posé la question du spectacle vivant. Les salles de cinéma diffusent désormais ce que l’on appelle « le hors-film » : opéras, concerts… Les exploitants nous disent que c’est intéressant mais que cela doit rester marginal, et qu’il faut si possible éviter de diffuser ces programmes le week-end, à des moments plus porteurs pour les films. Il convient cependant d’utiliser les salles de cinéma pour diffuser d’autres modes de culture.

M. Hervé Féron a rappelé les propositions du sénateur Serge Lagauche et celles-ci nous paraissent assez intéressantes, notamment l’articulation au niveau régional. Il peut y avoir une différence de vues entre un aménagement purement commercial et un aménagement culturel, et la difficulté, comme je l’ai rappelé en préambule, est que les CDAC comptent moins de représentants du monde culturel que d’élus.

M. Hervé Féron a également indiqué que toutes les salles n’étaient pas équipées en numérique. Je n’ai pas les mêmes chiffres que lui : en métropole, 100 % du parc est équipé, y compris en zones rurales. L’étape suivante concerne les outre-mer. La loi de 2010 a permis de pérenniser nos salles, alors que, dans d’autres pays européens, tels que l’Espagne, 20 % des salles ont dû fermer.

Les modalités du taux de location, madame Sophie Dessus, sont fixées par le code du cinéma et de l’image animée et le taux est négocié de gré à gré entre distributeurs et exploitants. La durée de la période d’amortissement de l’équipement numérique représente un vrai souci ; il faut sans doute s’en remettre au comité de suivi parlementaire institué par la loi de 2010, dans lequel siègent nos collègues Michel Herbillon et Marcel Rogemont. En ce qui concerne la cinquième semaine d’exploitation, la question nous a beaucoup été posée, car c’est en effet souvent un moyen pour les distributeurs de contourner le paiement de la contribution dite VpF.

Julie Sommaruga a posé la question des actions pouvant être menées, comme le Printemps du cinéma, qui sont assez porteuses et fonctionnent, et celle de la politique tarifaire. Le prix moyen d’un billet, à 6,38 euros, reste assez accessible. Le tarif différencié de 4 euros pour les moins de quatorze ans, contrepartie de la diminution à 5,5 % de la TVA en 2014, a plutôt bien fonctionné. Mme Julie Sommaruga a également rappelé l’importance de l’Éducation nationale et je suis d’accord avec elle : il faut davantage associer celle-ci et travailler sur l’éducation à l’image. Les cinémas d’art et d’essai nous ont rappelé qu’ils étaient disponibles pour recevoir des classes scolaires.

M. Michel Françaix, rapporteur pour avis. On parle souvent de la crise : dans le domaine de la presse papier, elle existe bel et bien, qu’il s’agisse d’une baisse des recettes publicitaires de 9 ou 10 %, ou encore de la baisse de la distribution de 7 à 8 %, voire de 10 à 12 % chez les kiosquiers… C’est dans ce cadre que nous essayons de trouver des solutions d’avenir, et c’est plus difficile quand un domaine est en crise.

Vous êtes tous d’accord pour accompagner la transition et éviter la rupture, et vous demandez que l’on aille plus vite. Or il n’est pas facile d’aller plus vite.

Si nous souhaitons classifier les différentes formes de presse, par exemple, c’est parce que la presse de loisir, même si elle est tout à fait respectable, a moins de raisons d’être aidée par le citoyen qu’une presse plus citoyenne. Or La Poste nous indique que, si elle ne reçoit plus d’argent de l’État, les prix doivent augmenter de 70 % dans les sept ou huit ans ; cela signifie qu’un journal sur deux dans la catégorie des loisirs risque d’être supprimé. Si, donc, il serait décevant de ne pas distinguer différents types de presse, il est également compliqué de prévoir tout d’un coup que certains ne seront plus aidés, car cela conduira à la suppression de nombreux emplois.

J’ai souligné le fait que je suis favorable aux aides conditionnelles. Mais je pense que les concentrations sont obligatoires, à défaut de quoi ce sont des concentrations à l’international qui domineront. Toutefois, s’il faut que nos groupes de presse soient plus puissants, nous pouvons conditionner l’aide publique au respect du pluralisme. Le pluralisme n’est pas forcément opposé à la concentration. Je préférerais qu’il n’y ait pas besoin de concentrations, que nous vivions dans un monde formidable où chacun pourrait sortir son journal du jour au lendemain. Je fais partie de ceux qui ont cru, en 1981, aux radios locales : nous avons bien vu que les Nostalgie, les NRJ et les autres ont été rachetées au bout de quatre ou cinq ans. Il faut permettre à certains petits journaux de vivre selon des modèles différentes, mais la concentration est obligatoire.

Les plus aidés, c’est vrai, sont ceux qui en ont le moins besoin. Le Figaro, Le Monde, Libération, et tous les titres rachetés par de gros patrons de presse, pourraient se passer des aides, mais nous ne pouvons pas dire d’un seul coup qu’ils ne recevront plus d’aides parce que tout va bien pour eux. C’est un fait : une partie de l’argent public ne va pas là où ce serait souhaitable.

Enfin, comment ferons-nous pour différencier la presse de loisir et la presse du savoir ? Ce n’est pas la question la plus simple qui m’ait été posée. Il faudra peut-être modifier la commission paritaire des publications et agences de presse. J’attends du Gouvernement qu’il nous présente, la semaine prochaine, les décrets d’application définissant précisément une presse du savoir et une presse de loisir. Il ne faut pas que la commission paritaire mette trois ans à décider.

Je pense que nous récupérerons un peu d’argent pour l’innovation, pour l’IPG, pour de nouveaux journaux papiers et le numérique, mais ce sera le quart de ce que nous pourrions avoir si l’argent donné à La Poste n’allait pas à la presse de loisir. Le sujet n’est pas simple, et je vous remercie, les uns et les autres, d’avoir loué ma persévérance.

À l’issue de la commission élargie, la commission des Affaires culturelles et de l’Éducation examine, pour avis, les crédits pour 2016 de la mission « Presse ».

M. le président Patrick Bloche. La commission n’étant saisie d’aucun amendement, je mets aux voix les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles », avec un avis favorable des MM. Les rapporteurs Jacques Cresta et Michel Françaix, et une abstention de Mme la rapporteure Virginie Duby-Muller.

La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Médias livre et industries culturelles » pour 2016.

M. le président Patrick Bloche. Même vote sur les crédits du compte spécial « Avances à l’audiovisuel public » inscrits à l’état D annexé au projet de loi de finances pour 2016 ?

La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits du compte spécial « Avances à l’audiovisuel public ».

ANNEXE :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS

(par ordre chronologique)

Ø Syndicat national des journalistes (SNJ) – M. Vincent Lanier, premier secrétaire général, et Mme Dominique Pradalié, secrétaire générale

Ø Union nationale des diffuseurs de presse (UNDP) – M. Daniel Panetto, président, et M. Philippe Di Marzio, directeur

Ø Association de la presse d’information politique et générale (AIPG) – M. Georges Sanerot, président, président du directoire du groupe Bayard

Ø M. Alexandre Jevakhoff, inspecteur général des finances

Ø Mme Julia Cagé, économiste, professeur d’économie à Sciences Po

Ø Commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP) – M. Jean-François Mary, président, et Mme Axelle Hovine, secrétaire générale

Ø Syndicat de la presse quotidienne régionale (SPQR) – M. Jean Viansson Ponté, président, et Mme Haude d’Harcourt, conseillère chargée des relations avec les pouvoirs publics

Ø Messageries lyonnaises de presse (MLP) – M. Henri-Claude Prigent, vice-président, Mme Véronique Faujour, présidente, et M. Léonidas Kalogeropoulos, conseil

Ø Presstalis – Mme Anne-Marie Couderc, présidente du conseil d’administration, et M. Christian Carisey, responsable de la communication

Ø Syndicat de la presse hebdomadaire régionale (SPHR) – M. Vincent David, président, et M. Bruno Hocquart de Turtot, directeur

Ø M. Jean-Marie Charon, sociologue, spécialiste des médias

Ø Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) – Mme Françoise Benhamou, membre du collège, et M. François Lions, directeur des activités postales

Ø M. Emmanuel Giannesini, conseiller maître à Cour des comptes

Ø Société générale de presse (SGP) La correspondance de la presse – Mme Marianne Bérard-Quélin, président-directeur général et directeur de la publication

Ø Fédération nationale de la presse spécialisée (FNPS) – M. Christian Bruneau, président, et Mme Catherine Chagniot, directrice déléguée

Ø Cabinet de Mme Fleur Pellerin, ministre de la Culture et de la communication – M. Jérôme Bouvier, conseiller chargé des métiers de la presse et de l’information, de l’éducation aux médias et de la diversité auprès de la ministre de la Culture et de la communication

Ø M. Arnaud Mercier, professeur en information et communication à l’Institut français de Presse à l’université Paris 2 Assas

Ø Groupe La Poste (*) – M. Nicolas Routier, directeur général de la branche services-courriers-colis

Ø Mondadori France – M. Carmione Perna, directeur général

Ø Syndicat des éditeurs de la presse magazine (SEPM) – M. Bruno Lesouëf, président, et Mme Pascale Marie, directeur général

Ø Ministère de la culture et de la communication – M. Martin Ajdari, directeur général des médias et des industries culturelles, M. Fabrice Casadebaig, sous-directeur de la presse écrite et des métiers de l’information, Mme Sophie Lecointe, chef du bureau du régime juridique de la presse et des services d’information, et M. Patrick Comoy, chef du bureau de régime économique de la presse et des métiers de l’information

Ø M. Franck Annese, directeur des rédactions, fondateur du groupe So Press

Ø M. Roch-Olivier Maistre, président de l’Autorité de régulation de la distribution de la presse (ARDP) – Mme Julia Beurton, secrétaire générale

Ø Mediapart – Mme Marie-Hélène Smiejan, directrice générale

Ø Syndicat de la presse quotidienne nationale (SPQN) – M. Francis Morel, président, et M. Denis Bouchez, directeur

Ø Conseil supérieur des messageries de presse (CSMP) – M. Jean-Pierre Roger, président, et M. Guy Delivet, directeur général

Ø Syndicat de la presse indépendante d’information en ligne (SPILL) – M. Jean-Christophe Boulanger, président, et M. Laurent Mauriac, secrétaire général

Ø Groupement des éditeurs de contenus et services en ligne (GESTE) – Mme Corinne Denis, présidente, directrice générale adjointe et directrice multimédia France Belgique du Groupe Express Roularta, Mme Isabelle André, directrice des activités numériques, Groupe Le Monde, et Mme Louise Durand, juriste

Ø Cour des comptesM. Emmanuel Giannesini, conseiller maître

(*) Ce représentant d’intérêts a procédé à son inscription sur le registre de l’Assemblée nationale s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

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