N° 3112 tome XIII - Avis de Mme Jacqueline Maquet sur le projet de loi de finances pour 2016 (n°3096)



N
° 3112

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 octobre 2015.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
SUR LE PROJET DE
loi de finances pour 2016 (n° 3096)

TOME XIII

POLITIQUE DES TERRITOIRES

VILLE

PAR Mme. Jacqueline MAQUET

Députée

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Voir les numéros : 3096, 3110 (annexe 35).

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 5

I. LA MISE EN œUVRE DES CONCLUSIONS DU COMITÉ INTERMINISTÉRIEL À L’ÉGALITÉ ET LA CITOYENNETÉ 7

1. Aider scolairement les enfants des quartiers : l’extension du programme de réussite éducative 7

a. Objectifs et situation du programme de réussite éducative 7

b. Une accélération bienvenue 8

2. La revalorisation du dispositif adulte-relais 9

a. Un programme efficace 9

b. Un dispositif d’insertion pour les bénéficiaires 10

c. Un budget en augmentation 11

3. Le renforcement des capacités de l’EPIDE 11

II. L’INDISPENSABLE MOBILISATION DU DROIT COMMUN 13

A. UNE MOBILISATION PORTÉE PAR LE GOUVERNEMENT 13

1. Une politique de l’emploi mieux centrée sur les quartiers prioritaires 15

a. Une situation de l’emploi très dégradée 15

b. Une pleine mobilisation des outils de la politique de l’emploi 16

c. De nombreux obstacles à surmonter 17

2. Les efforts de l’Éducation nationale pour rapprocher les géographies prioritaires 18

a. Les objectifs ambitieux de la convention 18

b. La convergence réussie des géographies 19

c. Une priorité respectée 20

3. Assurer la sécurité dans les quartiers prioritaires 20

a. Les objectifs de la convention 21

b. Un résultat encore inégal 21

III. LE FINANCEMENT DU NOUVEAU PROGRAMME NATIONAL DE RÉNOVATION URBAINE EST DÉSORMAIS CLARIFIÉ 23

1. Les outils du NPNRU sont désormais en place 23

2. Le financement de la rénovation urbaine est désormais clarifié 24

CONCLUSION 27

EXAMEN EN COMMISSION 29

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 31

INTRODUCTION

La refondation de la politique de la ville restera assurément comme l’une des grandes réformes de justice sociale de ce quinquennat. Initiée par François Lamy, elle a été poursuivie par l’ensemble des ministres qui ont eu en charge cette politique de rétablissement de l’égalité républicaine dans les quartiers.

Année après année, cette politique se construit : après un comité interministériel des villes fondateur en 2013, 2014 fut l’année du vote de la loi de programmation et de la délimitation des nouveaux quartiers prioritaires ; 2015 aura été l’année de la négociation des nouveaux contrats de ville et de la mise en place des outils nécessaires pour le lancement opérationnel du nouveau programme national de rénovation urbaine (NPNRU).

Cette priorité politique a pris un relief particulier avec les tragiques évènements de janvier dernier qui ont renforcé le Gouvernement dans sa conviction que tout devait être mis en œuvre pour permettre de garder ces quartiers défavorisés dans la République. C’est le sens des conclusions du premier comité interministériel à l’égalité et la citoyenneté (CIEC) qui s’est réuni le 6 mars dernier dont un certain nombre de mesures concerne directement la politique de la ville. Et cette volonté a été réaffirmée lors du très récent deuxième comité interministériel qui s’est tenu le 26 octobre dernier aux Mureaux dans les Yvelines.

Le projet de loi de finances porte la trace de cette priorité renforcée puisque hors zones franches urbaines, le budget est en progression de 18 millions d’euros grâce aux mesures issues du CIEC. Ainsi les crédits des actions territorialisés passeront de 337 millions d’euros en 2015 à 352 millions en 2016.

Pour ce rapport, votre rapporteure a choisi de se concentrer sur trois thématiques qui lui ont paru particulièrement importantes. La première concerne la mise en œuvre des mesures issues du CIEC, à savoir le renforcement du programme de réussite éducative, la revalorisation des adultes-relais et l’augmentation des capacités de l’EPIDE.

La deuxième porte sur la mobilisation des crédits de droit commun des ministères dans les quartiers prioritaires qui constitue un axe structurant de la réforme menée depuis 2012. Trois ministères ont été plus particulièrement ciblés : le Travail, l’Éducation nationale et l’Intérieur.

Le dernier thème enfin, porte sur la clarification achevée cette année du financement du renouvellement urbain pour les prochaines années.

Le comité interministériel à l’égalité et la citoyenneté (CIEC) qui s’est réuni le 6 mars dernier avait pour ambition de répondre au « profond malaise social et démocratique » que traverse la France depuis de trop nombreuses années et dont les évènements de janvier ont révélé l’intensité. L’objectif était de montrer une République « ferme et bienveillante, forte et généreuse » qui doit être une série de réalisations concrètes.

Ces réalisations concrètes, on les a vues dès cette année pour la politique de la ville avec un abondement de 27,7 millions d’euros pour le budget de la ville, abondement qui a permis de financer trois actions concrètes : l’extension du programme de réussite éducative, la revalorisation du dispositif adulte-relais et le renforcement des capacités de l’EPIDE.

Le programme de réussite éducative est budgétairement parlant le plus important des programmes de la politique de la ville. Son objectif est d’apporter un soutien aux élèves des quartiers prioritaires rencontrant des difficultés scolaires importantes. Dans le cadre du CIEC du 6 mars 2015, le Gouvernement a décidé de renforcer ce programme, renforcement confirmé dans le projet de loi de finances pour 2016.

Initié dans le cadre du plan de cohésion sociale et de la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005, le programme de réussite éducative (PRE) repose sur la définition d’« actions d’accompagnement au profit des élèves du premier et du second degré et de leurs familles dans les domaines éducatif, périscolaire, culturel, social et sanitaire ».

L’objectif de ce programme est d’inverser la logique des politiques d’accompagnement, qui privilégient traditionnellement l’offre institutionnelle, pour mettre en avant les besoins repérés des enfants, en tenant compte de leur famille.

La construction de parcours individualisés d’accompagnement social et éducatif pour les enfants (2 à 16 ans), avec leur famille, vise à surmonter ou atténuer les obstacles sociaux, familiaux, psychologiques ou sanitaires qui s’opposent à la réussite scolaire et éducative des jeunes concernés.

Ce programme favorise un partenariat étroit entres les acteurs locaux (collectivités territoriales, association, centres de santé, centres médico-psychologique) et le ministère de l’éducation nationale et une approche plus territorialisée.

Le territoire national compte plus de 510 PRE actifs (sur l’ensemble du territoire) et ce sont donc plus de 600 communes et 1500 quartiers qui sont directement concernés par un projet de réussite éducative.

Selon le dernier rapport de l’ONZUS, les PRE totalisaient, à l’été 2013, un nombre de 4 902 postes affectés à la mise en œuvre des projets et des accompagnements de parcours. À ces postes dédiés au PRE et financés dans ce cadre s’ajoutent près de 3 800 personnes mises à disposition par les partenaires locaux, notamment dans le cadre des équipes pluridisciplinaires de soutien, chargées d’analyser, puis de suivre la situation de chaque enfant bénéficiaire du programme.

Axe majeur de ce programme, l’individualisation des parcours est désormais clairement majoritaire : après plusieurs années de progression, ce sont désormais 62 % des enfants qui bénéficient d’un parcours individualisé, adapté à leurs besoins identifiés par les équipes locales.

Parmi les actions menées dans le cadre du PRE, la dimension scolaire (incluant en général la prévention du décrochage) est notamment complétée par des actions de soutien aux parents ou de santé, tandis que les thématiques du sport et de la culture restent plus secondaires.

Depuis le début de la mise en œuvre du PRE, ce sont près de 1 000 000 enfants en difficulté qui ont bénéficié de la réussite éducative, dont, pour 2014/2015, plus de 104 000 enfants.

Le CIEC du 6 mars 2015 a décidé d’intensifier l’accompagnement individuel des collégiens des établissements inscrits dans le réseau REP+ du ministère de l’éducation nationale, de nouveaux programmes devant être mis en place sur les territoires prioritaires de la politique de la ville où les établissements scolaires du premier et second degré ne bénéficient pas à ce stade de ce programme (soit 35 sites concernés).

Concrètement, en 2015, 3,6 millions d’euros supplémentaires ont pu être délégués dans 68 départements afin de renforcer les actions des PRE auprès du public collégien scolarisé en REP +.

Pour 2016, le budget inscrit en projet de loi de finances est de 77,3 millions d’euros, auxquels il est prévu de rajouter un dégel en cours d’année de 9,3 millions d’euros, soit 86,6 millions d’euros mobilisables sur les PRE en 2016.

Le montant prévu pour 2016 doit permettre le financement des projets initiés dans les quartiers entrés dans la nouvelle géographie prioritaire et ceux concernés par le réseau REP + afin d’y créer ou d’y renforcer de nouvelles actions.

Les principales évolutions qualitatives prévues en 2016 consistent à :

Ÿ concentrer les moyens sur les quartiers et établissements scolaires les plus prioritaires, REP + en particulier ;

Ÿ poursuivre les exigences de hausse des cofinancements directs et la démarche de normalisation des coûts ;

Ÿ poursuivre la hausse du taux d’individualisation (objectif de 85 % en 2016) ;

Ÿ inscrire la réussite éducative au centre du volet Éducation des nouveaux contrats de ville ;

Ÿ suivre l’évolution possible du portage juridique du dispositif de réussite éducative au niveau intercommunal.

Autre décision forte du CIEC du 6 mars, la revalorisation de 5 % du forfait d’aide aux employeurs d’adulte-relais traduit la volonté du Gouvernement de soutenir la médiation sociale. Cette méthode est aujourd’hui reconnue comme un mode efficace de résolution des tensions et de mise en relation entre les populations des quartiers et les institutions.

L’objectif du programme adultes-relais est double : développer les actions de médiation (dans les domaines de l’éducation, des transports, de la santé, de la tranquillité publique…) et fournir une solution d’insertion sociale et professionnelle aux bénéficiaires des contrats adultes-relais.

La création de postes d’adultes-relais est destinée à améliorer les relations entre habitants et services publics, ainsi que les rapports sociaux dans les espaces publics ou collectifs des quartiers de la nouvelle géographie prioritaire de la politique de la ville.

Les postes d’adultes-relais sont réservés à des personnes sans emploi ou bénéficiant d’un contrat d’accompagnement dans l’emploi ou d’un contrat d’avenir, ayant au moins 30 ans, et résidant en quartier prioritaire de la politique de la ville. Fin 2015, le contingent de postes adultes-relais délégué aux départements était fixé à 4 200.

L’enquête que réalise annuellement le Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET) auprès des structures employeuses d’adultes-relais montre la prédominance du secteur associatif (77 %), suivi par celui des collectivités (13 %). Les employeurs des adultes-relais sont principalement des structures de taille modeste.

Selon le dernier rapport de l’ONZUS, on observe une priorisation croissante des adultes-relais sur trois domaines d’intervention : l’accès aux droits et aux services, le champ scolaire, et la prévention. À eux trois, ces domaines, regroupent 55 % des adultes-relais (soit 6 points de plus en 3 ans).

Ces interventions se traduisent concrètement par diverses activités, parmi lesquelles la mise en relation d’habitants avec les institutions (environ 94 000 personnes ainsi mises en relation en 2012), des visites au domicile (pour près de 15 000 personnes en 2012) ou encore des médiations avec l’institution scolaire (pour plus de 27 000 familles en 2012).

Autre activité, la prévention et gestion des tensions ou conflits concerne près d’un adulte-relais sur deux (46 %). Ceux-ci interviennent ainsi dans plus de 15 000 situations conflictuelles chaque mois. Très rares sont les situations où aucun accord n’est trouvé (2 %) mais tous les conflits n’aboutissent pas forcément à un accord ou une solution.

Âgés en moyenne de 44 ans, les adultes-relais sont majoritairement des femmes (62 %), et disposent à 65 % d’au moins un baccalauréat ou équivalent (et 36 % un diplôme de l’enseignement supérieur). L’ancienneté moyenne des adultes-relais dans leur poste diminue en 2012 : 60 % ont moins de quatre ans d’ancienneté, alors qu’ils étaient 55 % en 2011 et 54 % en 2010.

Comme on l’a indiqué, le second objectif du programme est d’aider à l’insertion professionnelle des bénéficiaires des contrats adultes-relais. Ici encore, cet objectif semble en grande partie atteint. 74 % des adultes-relais ont ainsi bénéficié d’au moins un type d’accompagnement professionnel depuis leur prise de poste (formation qualifiante, bilan de compétences…).

En 2012, 69 % des adultes-relais ont par ailleurs bénéficié de formation, notamment dans le cadre du plan de professionnalisation mis en œuvre par l’Acsé avec les directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale

Des enquêtes réalisées sur les sortants du dispositif au cours des dernières années montrent que 3 adultes-relais sur 5 trouvent un emploi ou une formation qualifiante à l’issue de leur contrat.

La revalorisation de 5 % du soutien financier aux postes d’adultes-relais, représente une enveloppe complémentaire de 3,58 millions d’euros en année pleine. Cette mesure doit permettre de diminuer le coût résiduel des postes pour les structures employeuses et ainsi faciliter l’embauche pour les petites associations. Elle devrait aussi avoir pour conséquence de réduire la vacance des postes et de diminuer le nombre de ruptures de contrats pour raison économique. Le montant annuel de l’aide financière de l’État aux activités des adultes relais sera ainsi porté à 18 823,09 euros par adulte-relais et par an.

Budgétairement, cette revalorisation s’est traduite dès 2015 par le dégel d’une enveloppe budgétaire et, en 2016, la dotation du programme est portée à 74 millions d’euros dans le projet de loi de finances sachant que 6 millions supplémentaires devraient être dégagés en gestion.

La répartition des adultes-relais a, par ailleurs, été revue suite à la réforme de la géographie prioritaire afin de les concentrer dans les quartiers les plus en difficulté. Les départements les plus dotés en 2015 sont désormais : le Nord (343), la Seine-Saint-Denis (220), les Bouches-du-Rhône (217), Paris (210), la Réunion (185), la Guadeloupe (180), le Pas-de-Calais (136), l’Essonne (100), les Yvelines (96). En 2016, le redéploiement de ce dispositif se poursuivra sur les quartiers les plus prioritaires, en conformité avec la nouvelle géographie prioritaire.

La dernière décision importante du CIEC du 6 mars a consisté à renforcer les capacités d’accueil de l’Établissement public d’insertion de la défense (EPIDE). Rappelons que ce dispositif a pour objectif d’offrir une deuxième chance à des jeunes désireux de consacrer les efforts nécessaires à leur inclusion dans la vie sociale et le marché du travail. Il contribue ainsi à l’insertion sociale et professionnelle de jeunes adultes volontaires, de 18 à 25 ans, sans qualification ni emploi et en voie de marginalisation.

L’implantation territoriale de l’EPIDE est nationale et le siège social de l’établissement coordonne les missions des 18 centres qui ont accueilli 3 227 jeunes en 2014, dont 37 % sont originaires des quartiers de la politique de la ville.

Le Gouvernement est convaincu de l’intérêt que présente le dispositif EPIDE notamment pour les jeunes des quartiers de la politique de la ville. D’où la volonté d’accroitre les capacités d’accueil : d’ici la fin de l’année 2015, l’établissement aura créé 570 places, réparties dans 15 centres, pour pouvoir accueillir 1000 jeunes supplémentaires par an ; et le projet pour 2016 est la création de 2 nouveaux centres dans le sud de la France afin de permettre une meilleure couverture territoriale.

Cette augmentation des capacités d’accueil est financée à la fois par la politique de la Ville (2,8 millions d’euros en 2015) et par le ministère du Travail et de l’emploi. En 2016, Cette mesure est prolongée au PLF 2016 à hauteur de 3,9 millions d’euros sur le budget Ville.

Par ailleurs, l’objectif de porter la part des jeunes résidents des quartiers prioritaires de la politique de la ville à 50% des bénéficiaires de l’EPIDE, qui figurait dans la convention signée le 25 avril 2014 entre le ministère de l’emploi et le ministère délégué à la ville, a été confirmé également par le CIEC.

Enfin, un nouveau contrat d’objectif et de performance 2015-2017 a été signé le 12 juin 2015 entre l’État et l’établissement public afin de fixer de nouvelles orientations stratégiques.

La mobilisation des politiques de droit commun constitue l’un des axes majeurs de la refondation de la politique de la ville engagée par cette majorité depuis 2012. L’objectif est de rompre avec un mouvement trop fréquemment constaté, les crédits de droit commun se retirant des quartiers prioritaires au fur et à mesure que les crédits spécifiques ville y arrivent, réduisant ainsi à néant les efforts de la collectivité. Cet effet de substitution était d’ailleurs justement dénoncé par la Cour des comptes dans son rapport de juillet 2012 (1).

Alors que s’achèvent à la fin de l’année un certain nombre de conventions triennales conclues entre le ministère de la ville et les autres ministères, votre rapporteure a souhaité se pencher sur trois ministères en particulier : le Travail, l’Éducation nationale et l’Intérieur. Emploi, éducation et sécurité sont en effet les attentes prioritaires des habitants des quartiers.

Le comité interministériel des villes (CIV) du 19 février 2013 a très rapidement fait de la mobilisation des crédits de droit commun une priorité, priorité qui s’est traduite dans les conventions interministérielles d’objectifs en faveur des quartiers populaires signées avec douze ministères : ministères en charge des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative (4 avril 2013), des affaires sociales et de la santé (19 avril 2013), du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social (25 avril 2013), des droits des femmes (21 mai 2013), des transports, de la mer et de la pêche (7 juin 2013), de la justice (8 juillet 2013), de la défense et les anciens combattants (15 juillet 2013), de l’intérieur (27 septembre 2013), de l’économie sociale et solidaire (27 septembre 2013), de l’éducation nationale (7 octobre 2013), de l’artisanat, du commerce et du tourisme (17 janvier 2014), de la culture et de la communication (5 mars 2014).

Cette mobilisation a, par ailleurs, été formalisée dans la loi n°2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine. L’article 1er prévoit en effet que la politique de la ville « mobilise et adapte, en premier lieu, les actions relevant des politiques publiques de droit commun et, lorsque la nature des difficultés le nécessite, met en œuvre les instruments qui lui sont propres ». Enfin la mobilisation interministérielle, et plus globalement des politiques de droit commun, a été renouvelée dans le cadre du comité interministériel à l’égalité et la citoyenneté du 6 mars 2015.

Au-delà des conventions interministérielles, une démarche similaire avec certains opérateurs de l’État a été engagée : signature d’une convention avec Pôle Emploi, de la convention d’objectifs et de gestion avec la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), de la charte « entreprises et quartiers », renouvellement de la convention avec la Caisse des dépôts et consignations.

Par ailleurs, en vue d’impulser la mobilisation du droit commun des collectivités territoriales, des conventions ont été signées avec des associations nationales d’élus : l’Association des régions de France (ARF), l’Assemblée des communautés de France (ADCF), l’Association des maires Ville et Banlieue de France, la Fédération des villes moyennes (FVM), l’Assemblée des départements de France (ADF), l’Association des maires des grandes villes de France (AMGVF), l’Association des communautés urbaines de France (ACUF) et l’Association des maires de France (AMF).

Ces conventions ont enfin été complétées par une série d’instructions ministérielles qui précisent les engagements et les contributions des services dans le cadre des contrats de ville pour la période 2014-2020, permettant ainsi de répondre aux besoins d’instructions précises de la part des services déconcentrés. On notera ainsi les circulaires relatives à :

– l’intégration des enjeux de santé au sein des contrats de ville (05/12/2014) ;

– l’intégration des enjeux d’éducation au sein des contrats de ville (28/11/2014) ;

– la mise en œuvre des mesures en faveur des quartiers prioritaires de la politique de la ville dans le champ du développement de l’activité économique et de l’emploi (25/03/2015) ;

– l’intégration des enjeux et de la place du sport au sein des contrats de ville (25/03/2015) ;

– l’intégration des enjeux culturels au sein des contrats de ville (21/05/2015) ;

– l’instruction interministérielle sur la mise en œuvre de plans d’action pour l’égalité entre les femmes et les hommes habitant les quartiers de la politique de la ville (15/05/2015) ;

– les orientations en faveur de l’amélioration des relations entre la population et les forces de sécurité de l’État dans les zones de sécurité prioritaires et les quartiers politique de la ville (25/03/2015) ;

– la circulaire relative à l’intervention des Caisses d’allocations familiales (CAF) dans les contrats de ville dans le respect des engagements de la Convention d’objectifs et de gestion 2013-2017 (04/02/2015).

Dans son rapport de 2012, la Cour des comptes regrettait que la politique de l’emploi ne cible pas suffisamment les quartiers prioritaires. Or, l’emploi est depuis toujours la principale préoccupation des habitants des quartiers prioritaires et le ministère du travail a été un des premiers ministères à signer une convention d’objectifs avec le ministère de la ville. En effet, la situation de l’emploi est encore extrêmement dégradée dans ces quartiers même si la mobilisation des politiques de l’emploi en leur faveur est indiscutable.

En 2013, le taux de chômage était 2,5 fois supérieur en zones urbaines sensibles (ZUS) (23 %) qu’en dehors (9 %), et le taux d’activité (part d’actifs dans la population totale) plus de 10 points inférieur dans ces quartiers. Les jeunes, les femmes, les personnes ayant un faible niveau d’étude et les immigrés sont les personnes qui rencontrent le plus de difficultés.

Ainsi, les jeunes ni en emploi, ni au chômage, ni en formation, population par conséquent véritablement préoccupante car en dehors du marché de l’emploi et non insérée dans le système éducatif, représentaient, en 2013, 11,8 % des jeunes de ZUS (ils ne représentaient que 6,0 % des jeunes en dehors des ZUS). La part des chômeurs sur l’ensemble des 15-24 ans était, en 2013, de 16 %, pourcentage nettement plus élevé que dans les unités urbaines englobantes (8,2 %).

Il est par ailleurs observé une surreprésentation des 15-24 ans parmi la population active en ZUS (14,5 % contre 10,0 % en dehors) ce qui attesterait d’une entrée plus précoce dans la vie active des jeunes de ZUS et d’un insuffisant accès au diplôme. En effet, les faibles niveaux de qualifications (inférieurs au niveau BEP-CAP) sont très fortement surreprésentés en ZUS (39,0 % contre 18,4 %) au détriment des niveaux de qualification plus élevés notamment supérieurs au niveau bac (18,6 % contre 42,3 %).

Au-delà du taux de chômage, il faut également être attentif au taux d’activité, en particulier des femmes. Or, dans les ZUS, les femmes ne sont que 60,3 % à être actives contre 74,4 % dans les unités urbaines environnantes et cet écart s’accentue depuis quelques années, traduisant le retrait progressif de nombreuses femmes du marché du travail.

Pour autant, la situation, bien que fragile, est dans une phase de stabilisation. À mode de recueil d’information constant, en 2013, le pourcentage des résidents actifs des ZUS âgés de 15 à 64 ans au chômage est identique à celui de 2012. Dans le même temps, ce taux augmente de 0,6 point en dehors des ZUS entre 2012 et 2013. En proposant des dispositifs spécifiques de retour à l’emploi, comme les emplois d’avenir créés en 2012, l’État a contribué à limiter la progression du chômage, en particulier dans les quartiers.

La convention signée en 2013 visait avant tout à mieux faire bénéficier les résidents des quartiers des dispositifs emploi de droit commun. Cela supposait un profond bouleversement des pratiques administratives puisque ce n’étaient plus des populations qui étaient ciblées mais des territoires. Globalement, les objectifs de la convention étaient très ambitieux et ils n’ont pas tous été atteints mais des efforts ont été incontestablement faits avec des résultats qui commencent à apparaître.

Sans reprendre l’ensemble des objectifs fixés dans la convention, certains points peuvent néanmoins être soulignés. S’agissant des contrats d’avenir d’abord, l’objectif de 30 % de bénéficiaires résidant en ZUS ne sera pas atteint puisque en 2015, ce taux plafonnait à 20 %. Il faut néanmoins souligner que, compte tenu du volume d’emplois concernés, ce sont tout de même 35 000 jeunes issus des quartiers prioritaires qui ont bénéficié de ce dispositif.

Concernant les contrats aidés, le constat est assez proche : les objectifs ambitieux ne sont pas complètement atteints mais des progrès significatifs ont été réalisés. Ainsi, le pourcentage de contrats d’initiatives-emploi (CIE, pour le secteur marchand) bénéficiant à des personnes issues des quartiers prioritaires a atteint 10,5 % en septembre 2015, soit 6 386 bénéficiaires. L’objectif de 12 % figurant dans la convention n’est donc pas atteint mais la progression est réelle par rapport aux 9,7 % constatés en 2012.

Pour les contrats d’accompagnement dans l’emploi (CAE, pour le secteur non-marchand), le résultat est moins probant : 10,6 % des contrats pour les habitants des quartiers prioritaires alors que l’objectif était de stabiliser le taux à 13 %. Ce sont tout de même 20 643 personnes qui ont bénéficié de ce dispositif entre janvier et septembre 2015.

Sur les contrats d’insertion dans la vie sociale (CIVIS), le résultat est par contre assez décevant : alors que l’objectif était d’atteindre 20 % de bénéficiaires issus des quartiers prioritaires en 2015, ce taux n’était que de 13,6 % en septembre soit un taux inférieur à celui constaté en 2013. Des efforts doivent donc être faits sur ce dossier.

Enfin, au-delà de l’action du ministère, il faut souligner que c’est l’ensemble du service public de l’emploi qui est aujourd’hui mobilisé : une convention a ainsi été signée avec Pôle-emploi qui vise à renforcer et à adapter la présence de ses services dans les quartiers populaires grâce à la création de nouveaux sites ou de missions d’accueil et d’information, et prévoit de mobiliser tous les dispositifs de la politique de l’emploi.

Depuis 2013, Pôle emploi a ainsi déployé 230 conseillers dédiés à l’accompagnement intensif des jeunes dans les agences situées dans ou à proximité des quartiers prioritaires de la politique de la ville.

Pôle emploi a, par ailleurs, décidé de recruter 1 800 jeunes en services civiques avec une priorité dans les agences des quartiers de la politique de la ville. Ces jeunes ont deux missions : faciliter les démarches des demandeurs d’emploi handicapés et aider les demandeurs d’emploi dans l’utilisation des services en lignes notamment ceux accessibles dans l’emploi store mais également à s’abonner aux offres de Pôle emploi, déposer son profil en ligne et rechercher par exemple des informations sur les entreprises pour préparer les entretiens.

Lors de son audition par votre rapporteure, le ministère du Travail a souligné deux difficultés auxquelles il était confronté dans sa politique en faveur des quartiers prioritaires.

La première est la capacité limitée du service public de l’emploi à « aller chercher » ces jeunes qui sont souvent très éloignés des structures publiques ; il est donc nécessaire de s’appuyer sur des partenariats locaux. Les associations implantées dans les quartiers ainsi que les adultes relais doivent mieux intégrer l’objectif d’orienter les publics vers les missions locales et Pôle emploi, condition sine qua non pour les faire bénéficier des dispositifs nationaux.

Par ailleurs, les discriminations vis-à-vis des jeunes des quartiers sont encore massives. Des études locales conduites par des associations régionales des missions locales montrent que les résidents des quartiers bénéficient proportionnellement significativement plus de l’accompagnement des missions locales, de positionnements sur des offres d’emploi, etc. Cependant, ils accèdent moins à l’emploi.

La politique de lutte contre les discriminations et contre les stéréotypes est donc absolument indispensable. Cela passe notamment par des modes de recrutement alternatifs comme le CV vidéo, les forums de l’emploi, les immersions en entreprise, qui permettent aux employeurs de rencontrer directement les jeunes et de dépasser leurs préjugés sur leur nom ou leur adresse qu’ils peuvent avoir via un CV.

Comme le soulignait la convention signée le 7 octobre 2013 entre le ministère de la ville et le ministère de l’éducation nationale, « l’éducation est l’enjeu fondamental pour la réussite collective et l’épanouissement individuel des jeunes des quartiers ».

Toutefois, force est de constater que de nombreux écarts subsistent en matière de réussite éducative entre les quartiers de la politique de la ville et le reste du pays. Le rapport 2012 de l’Observatoire national des zones urbaines sensibles (ONZUS) soulignait les retards dont souffrent les enfants de ces quartiers : à la rentrée 2009, 27,1 % des collégiens vivant en ZUS avaient pris une année de retard contre 22,5 % sur l’ensemble du territoire.

La politique de la ville s’intègre parfaitement dans l’objectif prioritaire du ministère de l’Éducation nationale consistant à réduire les écarts de résultat scolaire entre les élèves. La convention s’est logiquement inscrite dans cette priorité. Les principaux objectifs ont donc été les suivants :

– Faire converger la géographie de l’éducation prioritaire et la nouvelle géographie de la politique de la ville afin de faire en sorte que les écoles et les collèges accueillant une majorité d’élèves issus des quartiers prioritaires soient inclus dans l’éducation prioritaire avec les moyens pédagogiques correspondants.

– Mobiliser au bénéfice des quartiers prioritaires les moyens engagés par les ministères en charge de l’éducation nationale et de la réussite éducative dans le cadre de la Refondation de l’école :

. organisation prioritaire de la scolarisation des enfants de moins de 3 ans dans les zones défavorisées et notamment les quartiers prioritaires (ciblage de 25 % des postes dédiés dans les quartiers) ;

. « Plus de maîtres que de classes » (ciblage de 25 % des postes créés dans les quartiers prioritaires) ;

. pour lutter contre le décrochage (objectif de diviser par 2 le nombre de décrocheurs sur 5 ans) : création d’emplois dans les établissements difficiles et mise en place de dispositifs innovants en lien avec les plateformes de suivi et d’appui aux décrocheurs ;

. affectation prioritaire d’emplois médico-sociaux dans les établissements relevant de l’éducation prioritaire.

- Soutenir l’implication des parents dans le parcours scolaire des enfants en développant de nouvelles formes de coopération entre les familles et l’école : développement de la communication orale, création d’« espaces parents », actions de soutien aux familles dans le cadre des projets éducatifs territoriaux, etc. 

- Soutenir les dispositifs concourant à la réussite éducative :

. poursuite des PRE sur les quartiers de la nouvelle géographie prioritaire, avec pour priorité la prévention et la lutte contre le décrochage scolaire ;

. développement d’activités péri-scolaires et élaboration de parcours artistiques et culturels, en particulier pour les jeunes issus des quartiers ;

. soutien à l’internat scolaire, aux activités de médiation et aux cordées de la réussite.

- Intégrer les ministères de l’Éducation nationale et de la réussite éducative à la préparation et au pilotage des futurs contrats de ville : signature des contrats par les recteurs et participation de leurs représentants aux équipes interministérielles.

On le voit, l’un des principaux enjeux était que la refonte de l’éducation prioritaire engagée par l’Éducation nationale se fasse en cohérence avec la nouvelle géographie de la politique de la ville. Cela n’était pas a priori évident dans la mesure où, alors que le ministère de la Ville avait établi sa géographie avec un seul critère, l’Éducation nationale avait choisi de retenir quatre éléments d’information, tous légitimes, pour classer les établissements : le pourcentage de professions et de catégories sociales défavorisées, de boursiers, d’élèves résidents en ZUS et celui d’élèves en retard d’un ou plus à l’entrée en sixième.

Au final, le résultat est extrêmement satisfaisant puisque, pour la France métropolitaine, 99 % des collèges REP+ sont en quartier prioritaire de la ville ou à moins de 1 000 mètres d’un quartier (notion de « quartier vécu »), soit 289 collèges ; et 81 % des collèges REP sont dans la même situation, soit 545 collèges. Au total, 834 collèges relevant de l’éducation prioritaire sont en quartier prioritaire de la ville, soit 87 %. Et parmi les 195 collèges quittant l’éducation prioritaire suite à sa refonte, seuls trois sont situés dans un quartier prioritaire.

A contrario, cela veut également dire que l’ensemble des collèges situés dans les quartiers prioritaires ou à moins de 1 000 mètres d’un quartier ne relève pas de l’éducation prioritaire. Ainsi, 34 collèges situés dans un quartier prioritaire et 878 collèges situés à moins de 1 000 mètres sont hors éducation prioritaire, leurs indicateurs étant plus favorables que la moyenne nationale.

Interrogé par votre rapporteure sur cette situation, le ministère de l’Éducation nationale a souligné qu’ajuster totalement la carte de l’éducation prioritaire sur celle de la politique de la ville aurait conduit à plus que doubler le nombre de collèges concernés. Ce qui aurait provoqué une dilution des moyens de l’éducation prioritaire alors que l’objectif est au contraire de les concentrer au profit des élèves les plus défavorisés.

Concernant les autres objectifs de la convention, les chiffres fournis à votre rapporteure attestent que les quartiers prioritaires ont pleinement bénéficié, du fait de la convergence géographique, des moyens alloués à l’éducation prioritaire.

Par exemple, sur les 2311 emplois consacrés au programme « plus de maîtres que de classe » lors de la rentrée scolaire 2015, 1 646 ont été affectés en éducation prioritaire (913 REP +, 733 en REP).

De même, concernant l’accueil des enfants de moins de trois ans, lors de la rentrée scolaire 2014, 52 % des réseaux REP + bénéficiaient d’un dispositif d’accueil contre seulement 33 % lors de la rentrée 2013. Ainsi, le taux de scolarisation des élèves de moins de trois ans est de 21,5 % en REP +, 16,5 % en REP et 8 % hors éducation prioritaire.

Enfin, sur les 515 emplois spécifiquement consacrés à la scolarisation des moins de trois ans, 313 (soit 60 %) sont implantés dans une école en quartier prioritaire ou située à moins de 1 000 mètres d’un quartier.

Selon le ministère, ce développement de l’accueil des enfants de moins de trois ans se heurte néanmoins à deux difficultés : la capacité des collectives locales à trouver les locaux nécessaires ; la réticence de certaines familles à confier leurs enfants de manières aussi précoce, ces enfants étant souvent, jusque-là, gardés par leur mère.

La convention triennale d’objectifs pour les quartiers populaires entre le ministre délégué à la Ville et le ministre de l’Intérieur a été signée le 27 septembre 2013. Elle soulignait que le sentiment d’insécurité était plus répandu dans les zones urbaines sensibles. Les habitants des quartiers sont deux fois plus nombreux qu’ailleurs à déclarer être témoins d’actes de délinquance ou à constater des destructions ou des dégradations volontaires d’équipements collectifs dans leur quartier.

La prégnance des trafics de stupéfiants et leurs effets sur le cadre de vie constituent également une préoccupation majeure. Comme le souligne la convention, lors de la concertation sur la réforme de la politique de la ville, les acteurs locaux et les habitants se sont largement exprimés et ont manifesté le souhait que les forces de l’ordre, garantes de l’ordre républicain, agissent davantage au plus près du terrain pour garantir la sécurité des habitants des quartiers.

En matière de sécurité et de la prévention de la délinquance, les principaux objectifs retenus ont été les suivants :

• Consolider les stratégies d’intervention dans les quartiers à l’aide de nouveaux outils de connaissance de la réalité des quartiers prioritaires, notamment en relation avec le ministère de la justice : réforme de la statistique policière et mobilisation de l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ) pour mieux prendre en compte la réalité des quartiers dans les indicateurs utilisés par les services ;

• Améliorer le lien entre la police et la population, notamment avec les jeunes : doublement du nombre de délégués à la cohésion police-population (59) et d’intervenants sociaux en commissariat et gendarmerie (170), meilleur accès des jeunes des quartiers aux métiers de la sécurité, extension du recours au service civique et développement des expérimentations locales favorisant le dialogue avec la police ;

• Renforcer et adapter l’action des services de police et gendarmerie dans les quartiers : coordination de l’extension des zones de sécurité prioritaires (ZSP) avec la nouvelle géographie de la politique de la ville, sensibilisation des agents de la police et de la gendarmerie à leur environnement professionnel, présence préventive et dissuasive dans les quartiers et affectation prioritaire de policiers expérimentés ;

• Renforcer l’effort de prévention dans le cadre des priorités fixées par le comité interministériel de prévention de la délinquance (CIPD) : accent mis sur la prévention de la récidive et priorité donnée aux quartiers de la politique de la ville dans le cadre de la mise en œuvre de la stratégie nationale de prévention de la délinquance et intégration de cette stratégie dans le cadre des nouveaux contrats de ville ;

• Développer un volet sécurité et tranquillité publiques dans les contrats de ville.

L’objectif d’amélioration du lien entre la police et la population semble partiellement atteint : si le nombre de délégués à la cohésion police-population a été effectivement doublé, ce n’est malheureusement pas le cas des intervenants sociaux en commissariat en gendarmerie, dispositif pourtant particulièrement efficace mais pour lequel il semble parfois difficile d’obtenir des co-financements auprès des collectivités locales.

Par ailleurs, la refonte de la statistique policière devant permettre l’approfondissement de la connaissance de la situation sécuritaire des quartiers ne semble pas être totalement aboutie si l’on en juge par la difficulté qu’a rencontré votre rapporteure pour obtenir auprès des services des informations précises sur l’état d’avancement d’objectifs quantitatifs figurant dans la convention, par exemple s’agissant de l’affectation de policiers expérimentés dans les quartiers prioritaires.

Concernant la géographie prioritaire, l’objectif est atteint puisque, au 1er janvier 2015, sur les 76 zones de sécurité prioritaires en France métropolitaine, seules trois n’étaient pas concernées par un quartier prioritaire. Les 73 autres ZSP concernaient 184 quartiers prioritaires : il y a ainsi, parmi les 4,8 millions d’habitants résidant en quartiers prioritaires, 1,5 million d’habitants couverts par une ZSP.

S’agissant du dernier volet, à savoir le développement d’un volet sécurité et tranquillité publiques dans les contrats de ville, votre rapporteure exprime une certaine inquiétude. Alors que la convention prévoyait d’ « insérer la déclinaison de la stratégie nationale de prévention de la délinquance dans les contrats de ville 2014-2020 », les réponses évasives apportées sur cette question par les services du ministère de l’Intérieur lors de leur audition laissent votre rapporteure dubitative et quelque peu inquiète.

Parmi les nombreuses mesures importantes de refondation de la politique de la ville figure le lancement d’un nouveau programme national de rénovation urbaine (NPNRU) doté de 5 milliards d’euros de budget par la loi du 21 février 2014.

Ce nouveau programme prend le relais du premier programme national de rénovation urbaine (PNRU), doté de 12 milliards d’euros, qui doit s’achever, s’agissant des engagements, à la fin de l’année et dont les premiers résultats sont extrêmement positifs : 46,5 milliards d’euros d’investissements mobilisés dans le cadre de 398 conventions ANRU se traduisant par la démolition de 145 000 logements, la production de 140.000 logements sociaux, la réhabilitation de 319 000 logements et la résidentialisation de 356 000 logements.

L’an dernier, votre rapporteur François Pupponi s’inquiétait du financement du nouveau programme de rénovation urbaine : les choses sont désormais clarifiées avec la signature il y a quelques semaines de la convention tripartite entre l’État, l’ANRU et l’Union des entreprises et de salariés pour le logement (UESL)/Action logement, principal financeur de la rénovation urbaine.

L’année 2015 était une année charnière pour l’Agence nationale de rénovation urbaine (ANRU) puisqu’il fallait à la fois mener à son terme le premier programme et mettre en place les outils nécessaires au second.

La première étape fut d’identifier au sein des nouveaux quartiers prioritaires de la ville ceux souffrant de dysfonctionnement urbains majeurs. Au final, 200 quartiers d’intérêt national (concernant 2 millions d’habitants) ont été sélectionnés parmi les 1.300 quartiers prioritaires de la ville : ces quartiers vont concentrer la plus grande partie des efforts financiers, plus de 4 milliards sur les 5 prévus, l’idée étant d’éviter un trop grand éparpillement des financements et de mobiliser toutes les forces vives pour les territoires qui en ont le plus besoin.

Par ailleurs, 250 sites ont été retenus par les préfets de Région et bénéficieront d’un appui substantiel à hauteur de 850 millions d’euros. Ce seront des projets régionaux plus limités dans leur ampleur mais produisant un vrai renouvellement urbain dans ces quartiers.

La seconde étape fut d’adopter un nouveau règlement général précisant les modalités d’intervention et de financement des futurs projets de renouvellement urbain. Ce qui fut fait lors du Conseil d’administration de l’ANRU du 16 juillet dernier qui adopta le nouveau règlement à l’unanimité.

La dernière étape, essentielle, consistait, pour l’ANRU, à sécuriser le financement du nouveau programme en adoptant avec l’État et l’Union des entreprises et de salariés pour le logement (UESL)/Action logement une convention tripartite détaillant la contribution de cette dernière à l’effort de rénovation urbaine pour la période 2015-2019. Cette convention a été signée le 2 octobre dernier.

La loi du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine et la convention quinquennale (2015-2019) signée le 2 décembre 2014 par l’État et l’Union des entreprises et des salariés pour le logement (UESL – Action Logement), précisent que les moyens affectés au NPNRU s’élèvent à 5 milliards d’euros d’équivalent subvention et que la nouvelle contribution d’Action Logement au titre du NPNRU se fera sous forme de prêts bonifiés à hauteur de 40 %.

Afin de respecter ces cibles, les grands équilibres du financement global du NPNRU sont les suivants :

• les concours financiers consacrés au NPNRU s’élèveront à 6,4 milliards d’euros, répartis en 4,2 milliards d’euros de subvention et 2,2 milliards d’euros de prêts bonifiés ayant pour objectif de générer un équivalent subvention de 0,8 milliard d’euros ;

• la nouvelle contribution d’Action Logement au titre du NPNRU s’élèvera à 5,4 milliards d’euros de concours financiers, répartis en une enveloppe de 3,2 milliards d’euros de subventions et une enveloppe de 2,2 milliards d’euros de prêts bonifiés.

Par ailleurs, la convention signée entre l’État et Action logement prévoit une contribution de cet organisme à hauteur de 3,75 milliards d’euros à la rénovation urbaine (PNRU et NPNRU) sur la période 2015-2019 déclinées annuellement comme suit :

Les enveloppes consacrées par Action Logement au RU en millions d’euros

 En millions d’euros

2015

2016

2017

2018

2019

Total

Concours financiers consacrés à la RU

850

850

850

700

500

3 750

Compte tenu de ces éléments et des charges restant à couvrir pour le PNRU, le tableau ci-dessous présente le détail des charges de l’ANRU au titre de la rénovation urbaine pour les années 2015-2019.

Détail des emplois (concours financiers en millions d’euros)

Jusque 2014

2015

2016

2017

2018

2019

 

2020-2033

 

TOTAL cumulé
(2014-2033)

PNRU

7 855

970

885

780

650

310

 

301

 

11 751

Autres programmes

28

29

23

22

22

22

 

23

 

169

NP NRU

-

10

20

78

167

169

 

3 772

 

4 216

Sous-total Sub et frais de fonctionnement

7 882

1 009

928

880

839

501

 

4 096

 

16 136

NP NRU

-

-

8

43

134

228

 

1 833

 

2 246

Sous-total Prêts

-

-

8

43

134

228

 

1 833

 

2 246

Au regard de ces charges, le tableau ci-dessous présente les différentes ressources de la rénovation urbaine pour la même période :

Détail des ressources (concours financiers en millions d’euros)

Jusque 2014

2015

2016

2017

2018

2019

 

2020-2033

 

TOTAL cumulé (2014-2033)

PNRU Action Logement

5 897

840

827

781

593

301

 

423

 

9 662

PNRU autres ressources

2 088

-

-

-

-

-

 

-

 

2 088

Autres programmes

167

1

1

-

-

-

 

-

 

169

NP NRU
Action Logement

-

-

-

-

-

149

 

3 008

 

3 157

NP NRU CGLLS

-

30

30

30

30

30

 

300

 

450

NP NRU CDC

-

1

2

2

2

1

 

1

 

9

Reliquat PNRU (Action Logement)

-

-

-

2

107

114

 

377

 

600

Avances trésorerie
NP NRU

-

-

-

-

107

-

 

499

 

606

Remboursement des avances NPNRU

-

-

-

-

-

-

 

(606)

 

(606)

Sous-total Sub et frais de fonctionnement

8 152

872

860

815

839

595

 

4 002

 

16 136

Prêts – Action Logement NP NRU

-

-

-

-

-

(64)

 

2 311

 

2 246

Avances trésorerie au volet prêt sur le reliquat PNRU (AL)

-

10

23

67

-

-

 

(100)

 

(0)

Prêts – Avances trésorerie NPNRU

-

-

-

-

85

293

 

714

 

1 092

Prêts – Remboursement des avances de trésorerie NPNRU

-

-

-

-

-

-

 

(1 092)

 

(1 092)

Sous-total Prêts

-

10

23

67

85

228

 

1 833

 

2 246

Compte tenu de ces données, la situation de la trésorerie sur la période serait la suivante :

 

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Trésorerie ANRU tous programmes en millions d’euros

 

Sub – Avant optimisation

270

143

98

100

(7)

(12)

Sub – Après optimisation & avant avances

270

133

65

-

(107)

(12)

Sub – Après optimisation & avances

270

133

65

-

-

94

Solde cumulé volet prêts NPNRU en millions d’euros

 

Prêts – Avant optimisation

n/a

-

(8)

(51)

(185)

(378)

Prêts – Après optimisation & avant avances

n/a

10

25

49

(85)

(378)

Prêts – Après optimisation & avances

n/a

10

25

49

-

-

On le voit, ces tableaux de financement font l’hypothèse d’une montée en charge très progressive du NPNRU puisque fin 2019, moins de 600 millions d’euros de subventions auront été dépensés sur les 4,2 milliards programmés. De même, s’agissant des prêts bonifiés, moins de 400 millions d’euros auront été octroyés fin 2019 sur les 2,2 milliards prévus.

Si ce rythme de décaissement peut paraître raisonnable compte tenu de celui constaté lors de la mise en œuvre du PNRU, toute accélération, pourtant souhaitable, risquerait de fragiliser la trésorerie de l’ANRU. C’est pourquoi la convention tripartite prévoit des dispositifs spécifiques devant couvrir des besoins de trésorerie supérieurs aux prévisions ci-dessus.

Deux dispositifs sont ainsi prévus : des compléments de trésorerie apportés par Action logement jusqu’à concurrence de 100 millions d’euros maximum en cumulé ; un pré-financement complémentaire d’un montant maximal de 1 milliard d’euros auprès de la Caisse des dépôts et consignations.

CONCLUSION

On le voit, l’année 2016 sera une année très importante pour la politique de la ville : application des mesures du CIEC, lancement opérationnel du nouveau programme de rénovation urbaine, mise en œuvre concrète des nouveaux contrats de ville…

En conclusion, votre rapporteure souhaiterait souligner l’importance de l’évaluation des politiques conduites. Dans son rapport de juillet 2012, la Cour des comptes dénonçait justement une « mesure encore défaillante des résultats de la politique de la ville » et « des évaluations de l’État multiples, sans cohérence et non partagées ». Elle préconisait donc de « réformer les modalités d’évaluation des actions de la politique de la ville et d’établir une méthodologie partagée par l’ensemble des intervenants (État, collectivités territoriales, associations).

La loi de 2014 a tenu compte de ces recommandations puisqu’en transformant l’ONZUS en Observatoire national de la politique de la ville (ONPV), le législateur a souhaité qu’il contribue, de manière indépendante, à l’évaluation de la mise en œuvre des politiques en faveur de ces quartiers prioritaires. L’ONPV doit, dans ce cadre, élaborer une méthodologie nationale et apporter son concours aux structures locales d’évaluation.

Votre rapporteure est néanmoins dubitative sur les capacités de l’ONPV, à moyens budgétaires constants, à mener à bien cette nouvelle mission. Il doit déjà mener à bien un très important travail de recueil et de traitement de données sur la situation économique et sociale du quartier, mission dont il s’acquitte avec beaucoup de talent. Mais aller au-delà du constat et passer à l’évaluation des politiques suppose des moyens dont l’ONPV ne dispose pas aujourd’hui.

EXAMEN EN COMMISSION

Dans le cadre de la commission élargie, la commission des affaires économiques a examiné pour avis, sur le rapport de Mme Jacqueline Maquet (Ville), les crédits de la mission « Politique des territoires » (voir le compte rendu officiel de la commission élargie du 3 novembre 2015, sur le site internet de l’Assemblée nationale (2)).

*

À l’issue de la commission élargie, la commission des affaires économiques a délibéré sur les crédits de la mission « Économie ».

*

Mme la présidente Frédérique Massat. Nous allons désormais passer à l’examen des crédits de la mission « Politique des territoires » dans le cadre de la commission des affaires économiques.

Je ne suis saisie d’aucun amendement déposé à la commission des affaires économiques mais le Gouvernement a déposé un amendement de crédits en Séance relatif à la « Politique des territoires ». Je vais donc demander à la rapporteure son avis sur cet amendement II-448.

Mme Jacqueline Maquet, rapporteure pour avis. J’émets un avis favorable sur cet amendement qui vise à dégager les crédits nécessaires au lancement de l’Agence France Entrepreneur dont l’objectif est de favoriser le développement économique dans les territoires les plus en difficultés.

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’amendement II-448.

Conformément à l’avis favorables de Mme Jacqueline Maquet, rapporteure pour avis sur les crédits de la Ville, la commission a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Politique des territoires ».

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Ministère de la ville, de la jeunesse et des sports

M. Camille Vielhescaze, directeur adjoint en charge de la politique de la ville

Mme Armelle Daam, conseillère budgétaire

Mme Julie Lavet, conseillère parlementaire

M. Benjamin Giovannangeli, chargé de mission Parlement

Association des maires Ville et Banlieue de France

Mme Hélène Geoffroy, députée, maire de Vaulx–en-Velin

Union des Entreprises et des Salariés pour le Logement (UESL) – Action logement

M. Bernard Gaud, président du Conseil d’administration

M. Jean-Baptiste Dolci, vice-président du Conseil d’administration

M. Bruno Arbouet, directeur général

Observatoire national des zones urbaines (ONZUS) – Observatoire national de la politique de la ville

Mme Brigitte Baccaïni, sous-directrice en charge de l’observation et des analyses statistiques au commissariat général à l’égalité des territoires

Mme Valérie Darriau, responsable, au sein de cette sous-direction, de l’observation des territoires en politique de la ville

Union sociale pour l’habitat (USH)

Mme Béatrix Mora, directrice du service des politiques urbaines et sociales

Mme Francine Albert, conseillère pour les relations avec le Parlement

Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET) – Direction de la ville et de la cohésion urbaine (DVCU)

M. Raphaël Le Mehauté, préfet, commissaire général délégué à l’égalité des territoires, directeur de la ville et de la cohésion urbaine

M. Pierre Gmerek, adjoint à la cheffe du bureau de la programmation et de  la stratégie financière

Direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO)/Ministère de l’Éducation

M. Alexandre Grosse, chef de service à la DGESCO

M. Marc Bablet, chef du bureau politique d’éducation prioritaire

Caisse des dépôts et consignations (CDC)

Mme Odile Renaud-Basso, directrice générale adjointe de la Caisse des dépôts

Mme Brigitte Laurent, directrice des relations institutionnelles

Mme Françoise Duquesne, responsable du département politique de la ville

Ministère du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

M. Sébastien Jallet, directeur adjoint de cabinet, formation professionnelle

Mme Claire Rabes, conseillère parlementaire

Mme Sophia Agoumi, conseillère service public de l’emploi

Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU)

M. Nicolas Grivel, directeur général

Mme Anne Peyricot, directrice des relations institutionnelles

Ministère de l’Intérieur

M. Emmanuel Dupuis, conseiller budgétaire de la Direction générale de la police nationale (DGPN)

Mme Carine Vialatte, commissaire

Mme Françoise Gouin, commandant de police à l’échelon fonctionnel

Colonel Loïc Baras (zones de sécurité prioritaire (ZSP))

Lieutenant-colonel Karine Lejeune, membre de la Direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN) (prévention de la délinquance)

Capitaine Marion Saleur, membre du département politique de la ville

© Assemblée nationale