N° 3112 tome XIV - Avis de M. Franck Reynier sur le projet de loi de finances pour 2016 (n°3096)



N
° 3112

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 octobre 2015

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES SUR LE PROJET DE
loi de finances pour 2016
(n° 3096)

TOME XIV

RECHERCHE ET
ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

GRANDS ORGANISMES DE RECHERCHE

PAR M. Franck REYNIER

Député

——

Voir les numéros : 3096, 3110 (annexe 37).

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 5

I. UNE STAGNATION DES DOTATIONS EN FAVEUR DE LA RECHERCHE 11

A. LE PROGRAMME 150 : FORMATIONS SUPÉRIEURES ET RECHERCHE UNIVERSITAIRE (ACTION 17 : RECHERCHE) 11

B. LE PROGRAMME 172 : RECHERCHES SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES PLURIDISCIPLINAIRES 12

C. LE PROGRAMME 193 : RECHERCHE SPATIALE 14

II. DES ORGANISMES TOUJOURS EN SITUATION DÉLICATE 19

A. LE BUDGET DE L’INSTITUT NATIONAL DE LA RECHERCHE AGRONOMIQUE (INRA) 19

B. LE BUDGET DE L’INSTITUT DE RECHERCHE EN INFORMATIQUE ET EN AUTOMATIQUE (INRIA) 22

C. LE BUDGET DE L’INSTITUT NATIONAL DE LA SANTÉ ET DE LA RECHERCHE MÉDICALE (INSERM) 25

D. LE BUDGET DU CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS) 28

E. LE BUDGET DU CENTRE NATIONAL D’ÉTUDES SPATIALES (CNES) 30

F. LE BUDGET DU COMMISSARIAT À L’ÉNERGIE ATOMIQUE ET AUX ÉNERGIES ALTERNATIVES (CEA) 34

G. LE BUDGET D’IFP-ÉNERGIES NOUVELLES 37

III. LES SATT : UN DISPOSITIF ENCORE JEUNE DE VALORISATION DE LA RECHERCHE PUBLIQUE CONFRONTÉ À DE MULTIPLES DÉFIS 41

A. DES RÉSULTATS ENCOURAGEANTS AU TERME DE TROIS ANNÉES D’EXISTENCE 41

1. L’amélioration du transfert des résultats de la recherche publique vers les entreprises grâce à la mutualisation des moyens 41

2. Un bilan positif des cinq premières SATT illustré par une reconduction des financements publics 42

B. DES FRAGILITÉS POUVANT NUIRE À L’EFFICACITÉ DU DISPOSITIF 44

1. Une structure supplémentaire de valorisation de la recherche publique dont le positionnement est à mieux définir dans le paysage français de recherche et d’innovation 44

2. Un modèle des SATT porteur de limites 45

a. Un modèle contesté par les organismes de recherche 45

b. Une adaptation au cas par cas : complémentarité ou subsidiarité ? 46

c. Un système hétérogène 47

3. Un financement fragilisant et incertain sur le long terme 48

C. VERS UN ASSOUPLISSEMENT DU MODÈLE ? 49

1. Les propositions d’évolution proposées par les organismes de recherche 49

a. Recentrer et prioriser les activités 49

b. Donner plus de flexibilité dans la forme et dans le cadre juridique 50

c. Mieux définir l’articulation avec les dispositifs préexistants 50

2. Quelle finalité pour les SATT : la nécessité de faire des choix ? 51

EXAMEN EN COMMISSION 53

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 55

INTRODUCTION

La France est au sixième rang mondial pour le nombre de publications scientifiques et quatrième rang mondial dans le système européen de brevets (1), et ses organismes de recherche tels que le CNRS, le CEA ou IFPEN sont aux premiers rangs des classements internationaux en tant qu’organisations innovantes (2). Le CEA, organisme de référence pour la recherche nucléaire et la recherche technologique en Europe, a d’ailleurs fêté ses 70 ans en 2015, ce qui témoigne de sa faculté à s’adapter et à se réinventer dans un paysage de la recherche en mutation, en s’inscrivant au service des grands enjeux de la société et de l’innovation industrielle. Avec 22 universités classées dans le top 500, la France conserve sa cinquième place mondiale au classement de Shanghai 2015. Le chercheur au CNRS Ludwik Leibler avec son « vitrimère » et l’ingénieur Philippe Maugars pour son travail sur la technologie « communication en champ proche » (NFC) ont reçu le prix de l’inventeur européen 2015 décerné depuis dix ans par l’Office européen des brevets (OEB).

Tous ces succès témoignent de la qualité de la recherche française – et en particulier de ses grands organismes – et de la confiance que les différents acteurs de recherche et développement y portent. Tous s’accordent pour s’efforcer de maintenir ce niveau d’excellence de la recherche française, gage de progrès scientifique et de compétitivité internationale.

Pourtant, la recherche française doit actuellement s’adapter après la période transitoire provoquée par l’évolution constante de son cadre législatif et territorial depuis 2006 – trois lois se sont succédées en 2006, 2007 et 2013 (3) – et par des restrictions budgétaires continues imposées par le Gouvernement dans un contexte budgétaire général de la France fortement dégradé. Au niveau territorial, les regroupements de sites par le biais notamment des communautés d’universités et d’établissements (COMUE), sont désormais achevés et l’élaboration de stratégies de site communes est en cours. L’Agence nationale de la recherche (ANR), qui avait également complètement revu sa programmation et sa procédure de sélection en 2014 – ce qui avait conduit à des taux de réussite globaux très inférieurs à ce qu’ils étaient auparavant – a poursuivi sur cette voie en 2015. Les universités – dont beaucoup peinent déjà à honorer leurs dépenses de fonctionnement – doivent faire à un afflux sans précédent de 38 700 nouveaux étudiants en cette rentrée 2015 (4). Ce ne sont pas les 40 propositions de la Stratégie nationale pour l’enseignement supérieur (Stranes), dévoilées le 8 septembre dernier dans le cadre fixé par la loi du 22 juillet 2013, et destinées à démocratiser l’accès à l’enseignement supérieur afin de faire en sorte que 60 % d’une classe d’âge (44 % aujourd’hui) soit diplômée au niveau du Master d’ici 2025, qui vont améliorer la situation. Surtout, se pose la question de leur financement : dans le contexte actuel de reconduction pure et simple du budget de la MIRES, comment faire en sorte que la dépense pour l’enseignement supérieur public soit portée à 2 % du PIB, contre 1,5 % actuellement ? Du côté de l’emploi, les universités et organismes de recherche sont confrontés à une véritable pénurie de postes ouverts aux concours, liée à plusieurs facteurs (5). Outre la question de la précarité des jeunes chercheurs et enseignants-chercheurs, cette situation pourrait détourner, à terme, les étudiants des carrières scientifiques avec des conséquences redoutables pour l’avenir de l’économie et du rayonnement scientifique de notre pays, d’autant plus que les docteurs sont toujours aussi peu nombreux en entreprise. Enfin, le poste de secrétaire d’État à l’enseignement supérieur et à la recherche est resté vacant de longs mois avant la nomination de M. Thierry Mandon en juin 2015, alors même que la recherche et l’innovation sont censées être une priorité du Gouvernement dans un contexte de compétition internationale intense. Aussi la lassitude et le mécontentement s’installent-t-ils chez les chercheurs et les enseignants-chercheurs, en particulier chez les jeunes, comme en témoignent les contestations ouvertes et le mouvement « Science en marche » dont la manifestation du 16 octobre visait en priorité à dénoncer le manque de moyens et à préserver l’emploi scientifique. Même le crédit d’impôt recherche, outil majeur du soutien à la recherche privée, fait régulièrement l’objet de vives contestations concernant son efficacité au regard de son coût de 5,3 Md€, encore en augmentation pour 2016.

Par ailleurs, en plaçant la compétitivité au centre de l’agenda politique depuis deux ans, le Gouvernement entend faire de l’innovation le levier du redressement économique du pays. Cela exige de maintenir la recherche française au meilleur niveau mondial puisque la recherche est à même de produire de l’innovation, d’irriguer le tissu économique en emplois hautement qualifiés et, ce faisant, d’alimenter la croissance de long terme. À cet égard, les 34 plans de la Nouvelle France industrielle, regroupés en 9 solutions industrielles autour de la matrice « Industrie du futur » en mai 2015 (6), ont un rôle moteur grâce aux engagements réciproques de l’État et des entreprises qui y ont souvent consacré des investissements poussés de recherche et développement. C’est dans ce même objectif que la nouvelle stratégie nationale de recherche (SNR) élaborée en mars 2015 dans le cadre fixé par la loi du 22 juillet 2013 met en exergue la nécessité d’une recherche fondamentale d’excellence et fixe les axes stratégiques pour les cinq prochaines années en collaboration avec les cinq alliances thématiques de recherche. L’année 2015 a vu les premières prises en compte de ces priorités au travers des contrats d’objectifs et de performance des organismes en renouvellement, de la programmation annuelle de l’ANR et des choix retenus dans le cadre de la deuxième vague des investissements d’avenir (PIA 2 – montant de 2,2 M€ pour la recherche). Dans un contexte général de maîtrise des dépenses publiques, votre rapporteur alerte le Gouvernement sur la nécessité de faire des choix stratégiques de long terme pour la recherche fondamentale et sur des thématiques restreintes pour la recherche sur projets, ces choix étant les seuls à même de permettre à la France de garder son avance sur des sujets d’avenir et donc porteurs d’innovation.

Le projet de budget 2016 de la mission recherche et enseignement supérieur tend au premier abord à rassurer les acteurs de la recherche en confirmant cet investissement pour la jeunesse et la croissance fondée sur la recherche et l’innovation. Outre la création de 1 000 postes pour les universités et la préservation de l’emploi public dans les organismes de recherche, les crédits progressent de 231 M€ en autorisations d’engagement (AE) soit + 0,90 % par rapport à 2015 malgré un recul de 8,5 M€ en crédits de paiement (CP). 100 M€ supplémentaires devraient être votés au cours du débat parlementaire, correspondant à la renonciation de l’État de ponctionner les fonds de roulement des établissements d’enseignement supérieur, comme cela avait été le cas en 2015.

Si votre rapporteur est conscient des efforts du Gouvernement en faveur de l’enseignement supérieur et de la recherche dans un contexte budgétaire extrêmement contraint, en matière de recherche proprement dite, il s’inquiète du décalage persistant – c’était déjà le cas dans les lois de finances pour 2014 et 2015– entre les objectifs annoncés par le Gouvernement et les moyens mis en œuvre pour y parvenir.

La dotation des programmes « recherche » (P 172 et P 193) est quasiment stable par rapport à 2015 et s’établit au total à 7,71 Md€ pour 2016. S’il est vrai que pour 2016, les crédits de l’Agence nationale de la recherche (ANR), opérateur principal du financement de la recherche sur projets en France, sont reconduits par rapport à 2015 à 585,15 M€ en AE et 590,03 M€ en CP, et qu’elle bénéficie d’1 ETPT supplémentaire hors plafond d’emplois (alors que son besoin serait de 16 ETPT eu égard à l’augmentation importante de son activité), la situation budgétaire de l’Agence n’en demeure pas moins difficile eu égard aux deux baisses de crédits consécutives dont elle a fait l’objet en 2014 et en 2015. En effet, lors du vote de la LFI pour 2015, l’ANR a vu ses crédits réduits de 20 M€ non seulement sur ses crédits de paiement mais aussi sur ses autorisations d’engagement, ce qui est plus préoccupant car ces autorisations d’engagement constituent le fondement de la programmation annuelle de l’ANR. Surtout, cette diminution de crédit n’a pas été officiellement notifiée en amont à l’ANR, qui s’est retrouvée devant le fait accompli. Votre rapporteur est très surpris et en total désaccord avec la méthode employée par la tutelle. De fait, les crédits d’intervention sont bien reconduits en 2016 (555,15 M€ en AE et 560,03 M€ en CP), mais à un niveau équivalent à celui résultant de l’annulation de dernière minute votée lors de l’adoption du PLF pour 2015 et qui est inférieur aux besoins de l’agence (les besoins en CP pour 2016 s’élèvent à 598 M€). Celle-ci se retrouve de plus, en cette fin d’année 2015, avec une trésorerie presque vide du fait d’annulations antérieures de crédits de paiement et d’une insuffisance de financement en crédits de paiement en 2015. Si les dotations de l’État restent au même niveau les prochaines années, l’ANR sera en incapacité de payer les porteurs de projets sélectionnés auparavant.

Votre rapporteur avait déjà fortement souligné l’année dernière le caractère préoccupant de la faiblesse des crédits de l’ANR (– 197 M€ de crédits d’intervention depuis 2011) qui remettait en cause l’équilibre du financement sur projets, en entraînant le report de plusieurs programmes de recherche et des réductions pour l’ensemble des secteurs, et pourtant, le Gouvernement persiste dans cette voie dangereuse, à rebours de la tendance mondiale en matière de financement de la recherche sur projets (7).

Si 2013 avait été une année de rupture pour l’ANR avec une baisse drastique de ses crédits de financement, et 2014 une année de profonde réorganisation tant au plan structurel (nouvelle gouvernance et réorganisation interne (8) que scientifique (recentrage de sa programmation par un nouveau plan d’action (9) et simplification du mode de sélection), 2015 se sera inscrite dans la consolidation de ces réformes. Votre rapporteur – et les premiers résultats de l’année 2015 en témoignent – doute cependant de la capacité de ces évolutions à compenser la faiblesse récurrente des crédits de l’Agence, faiblesse qui compromet d’autant l’efficacité de l’ANR en tant que levier vers de nouvelles orientations de recherche. Surtout, et c’est la conséquence la plus regrettable, la diminution des crédits a impliqué une chute importante des taux de sélection aux appels à projets, ce qui a fortement été critiqué par la communauté scientifique. Pour l’appel à projet générique, qui rassemble 70 % des projets financés, ce taux s’avère extrêmement faible à 9,7 % en 2015. Ce taux résulte de la combinaison de la réduction de l’effort de soumission des chercheurs par la pré-proposition qui a provoqué une inflation de dépôts de projets (10) et des faibles crédits d’intervention de l’ANR, dans un contexte où les besoins de financements sur projets sont en augmentation. Beaucoup plus que le financement par voie récurrente, le financement sur projets peut être considéré comme un élément réellement moteur et dynamisant pour l'activité scientifique et l'innovation. En conséquence, la crainte majeure de taux de sélection trop faibles est de conduire, à terme, à une démobilisation de la part des chercheurs des organismes publics et pire encore, des entreprises (11), alors que l’un des objectifs de la recherche sur projet est justement de renforcer les collaborations et les partenariats publics-privés. Le programme des investissements d’avenir, largement apprécié pour le volume des financements accordés et pour sa rapidité de mise en œuvre, peut parvenir à compenser la baisse des financements de l’ANR pour les organismes, mais se pose la question de leur pérennité. Votre rapporteur veillera également à ce qu’ils ne se substituent pas aux financements récurrents des subventions pour les établissements, par un subtil jeu de vases communicants.

Du côté des organismes de recherche, les dotations (12) restent globalement stables par rapport à 2015 avec un total de 6,70 Md€ (+ 0,3 %), ce qui tend à pérenniser la situation de sous-dotation dans laquelle la plupart d’entre eux se trouvaient déjà l’année dernière. Cette situation délicate est aussi visible au niveau des effectifs qui restent stables à 50 033 ETPT sous plafond et 61 890 emplois globaux malgré la dispense d’application de l’objectif de réduction de l’emploi public aux établissements de recherche et d’enseignement supérieur.

Enfin, le succès de la recherche publique française se mesure également dans sa capacité à transférer ses résultats et ainsi à créer des applications concrètes pour l’économie. C’est pourquoi votre rapporteur a décidé cette année de s’intéresser aux sociétés d’accélération du transfert de technologie (SATT). Les résultats encourageants des SATT depuis trois ans, mais aussi les difficultés et les critiques auxquelles elles sont confrontées, conduit votre rapporteur à demander la création d’une mission d’information sur l’avenir des SATT.

*

Pour l’ensemble de ces raisons, votre rapporteur vous demande de donner un avis défavorable à l’adoption des crédits pour 2016 des grands organismes de recherche de la mission interministérielle « recherche et enseignement supérieur ».

Comme l’année passée, le projet de loi de finances pour 2016 se révèle périlleux pour le secteur de la recherche. En effet, malgré une stabilisation de ses crédits au sein de la mission interministérielle recherche et enseignement supérieur (MIRES), la recherche ne dispose pas des moyens que l’on est en droit d’attendre d’un Gouvernement qui prétend notamment fonder le redressement de la France sur l’innovation. Alors que les crédits de paiement de la MIRES sont en très léger recul de – 0,03 %, les autorisations d’engagement sont en augmentation de 0,90 % par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2015 pour atteindre 25,99 M€. L’enseignement supérieur (programmes 150 et 231) bénéficie d’une progression globale de ses moyens, porté par le programme 231 « vie étudiante », qui bénéficie d’un abondement significatif de 35,90 M€ (soit + 1,43 %) en autorisations d’engagement par rapport à 2015, en faveur principalement des bourses sur critères sociaux (qui augmentent depuis 2 ans) et des aides au mérite. Les crédits affectés à l’action 17 « recherche » du programme 150 « formations supérieures et recherche universitaire » et au programme 193 « recherche spatiale » connaissent une hausse limitée à respectivement 0,43 % et 0,51 %, tandis que le programme 172 « recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires », qui concerne la majorité des grands organismes de recherche, reste stable. De manière générale, la part des crédits de recherche de la MIRES au sein du budget général de l’État ne cesse de diminuer depuis 2011, passant de 4,92 % à 4,58 % en 2016.

Depuis le PLF pour 2015, les sept actions 6 à 12 de la recherche universitaire sont fusionnées en une seule action 17 « recherche » générique. Cette évolution de la nomenclature garantit la cohérence scientifique avec le nouveau programme 172 fusionné (avec le programme 187 qui a disparu) de la MIRES.

Cette action 17 « recherche », la plus importante du programme 150 (29,6 % des crédits), correspond à un budget global de 3,81 Md€ (en autorisations d’engagements et en crédits de paiement) dans le PLF pour 2016, en légère hausse par rapport à la loi de finances initiale pour 2015 (+ 0,43 % ; + 16,49 M€). Elle s’inscrit dans le cadre plus général d’une stabilité du P 150, qui, dans un contexte très contraint des finances publiques, traduit une certaine priorité du Gouvernement accordée au développement de l’enseignement supérieur et de la recherche universitaire.

Le détail des crédits par action se présente comme suit :

Programme 150

LFI 2015

PLF 2016

Part de l’action dans le programme

Évolution 2015-2016

Action n° 17 Recherche

3 798,20

3 814,69

29,6 %

+ 0,43 %

Les principaux opérateurs chargés de mettre en œuvre ce programme sont, soit des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP), soit des établissements publics administratifs, autonomes ou rattachés. Sont ainsi concernés les universités, les COMUE (13), les grands établissements, les instituts d’études politiques, les écoles d’ingénieurs indépendantes sous tutelle du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, les écoles normales supérieures et divers établissements à vocation de recherche et d’enseignement supérieur, dont les observatoires de Paris et de Nice et les cinq écoles françaises à l’étranger.

Ce programme, placé sous la responsabilité du MESR, joue un rôle central dans la conduite de la politique de recherche et d’innovation, tant par son volume financier (6,26 Md€ pour 2016 : premier programme dédié à la recherche au sein de la MIRES) que par son étendue, puisqu’il couvre l’ensemble des champs scientifiques, et enfin par le rattachement de l’Agence nationale pour la recherche (ANR), principal opérateur national de la recherche sur projets. Depuis le PLF pour 2015, dans un souci de simplification, de sincérité budgétaire et d’une meilleure coordination de l’ensemble des opérateurs de recherche dans toutes les disciplines (sauf le spatial), le programme 172 a été remodelé et ses actions redéfinies selon six items correspondant aux contours des cinq alliances (14) et à la thématique de la recherche interdisciplinaire et transversale.

Le détail des crédits par action se présente comme suit :

(en millions d’euros, autorisations d’engagement = crédits de paiement)

Programme 172

LFI 2015

PLF 2016

Part de l’action dans le programme

Évolution

2015-2016

Action n° 1 : Pilotage et animation

142,26

152,04

2,43 %

6,87 %

Action n° 2 : Agence nationale de la recherche

585,15

585,14

9,34 %

0,00 %

Action n° 11 : Recherches interdisciplinaires et transversales

62,94

62,72

1,00 %

-0,35 %

Action n° 12 : Diffusion, valorisation et transfert des connaissances et des technologies

149,12

149,01

2,38 %

-0,07 %

Action n° 13 : Grandes infrastructures de recherche

290,43

234,45

3,74 %

-19,27 %

Action n° 14 Moyens généraux et d’appui à la recherche

781,03

780,09

12,45 %

-0,12 %

Action n° 15 : Recherches scientifiques et technologiques en sciences de la vie et de la santé

1 217,13

1 214,46

19,39 %

-0,22 %

Action n° 16 Recherches scientifiques et technologiques en sciences et techniques de l’information

985,47

983,26

15,70 %

-0,22 %

Action n° 17 Recherches scientifiques et technologiques dans le domaine de l’énergie

547,91

601,50

9,60 %

9,78 %

Action n° 18 Recherches scientifiques et technologiques dans le domaine de l’environnement

1 097,88

1 096,52

17,50 %

-0,12 %

Action n° 19 Recherches scientifiques et technologiques en sciences humaines et sciences sociales

405,78

405,10

6,47 %

-0,17 %

TOTAL

6 265,13

6 264,29

 

– 0,01 %

Les principaux opérateurs concernés sont prioritairement les grands organismes de recherche mais aussi des fondations (au premier rang desquelles se trouve l’Institut Pasteur) et des groupements d’intérêt public (principalement l’IPEV – Institut Paul-Émile Victor).

S’agissant de ce programme, les principales caractéristiques du PLF pour 2016 sont :

– la quasi reconduction pour la deuxième année consécutive de la dotation globale 2015 de l’ANR en AE et CP après deux ans de forte baisse (- 81,50 M€ soit – 11,87 % en 2014) ;

– le transfert des crédits des actions portant les SCSP des opérateurs du programme vers l’action 01 au titre, d’une part, de la reprise des activités de l’Observatoire des sciences et des techniques (OST) (financé antérieurement en partie par des contributions des opérateurs de recherche) par le HCERES (15) (0,666 M€) et d’autre part, de la contribution des opérateurs du programme au financement de la licence nationale avec l’éditeur académique Elsevier (9,76 M€) ;

– la reconduction au même niveau qu’en 2015 des dotations aux fondations et associations, et des contributions françaises aux organisations scientifiques internationales et au projet ITER (16), avec le transfert de la contribution française à ESRF et ILL (17) de l’action 13 (TGIR) vers l’action 17 (recherche dans l’énergie), pour 54,48 M€.

Les dépenses fiscales rattachées à ce programme sont constituées à titre quasi-exclusif du crédit d’impôt en faveur de la recherche (CIR), instrument privilégié de la recherche privée qui permet aux entreprises effectuant des dépenses de recherche d’obtenir une créance fiscale sur l’État. En considérable augmentation depuis 2008, les prévisions pour 2016 sont de 5,51 Md€ (contre 5,27 Md€ en 2015 soit + 4,55 %), auxquels s’ajoutent 5 M€ au titre de l’exonération de l’impôt sur les sociétés en faveur principalement des établissements publics de recherche.

Programme 193

LFI 2015

PLF 2016

Part de l’action dans le programme

Évolution

2015-2016

Action n° 1 : Développement de la technologie spatiale au service de la science

182,16

183,14

12,77 %

0,54 %

Action n° 2 : Développement de la technologie spatiale au service de l’observation de la terre

277,87

278,83

19,44 %

0,35 %

Action n° 3 : Développement de la technologie spatiale au service de la recherche en sciences de l’information et de la communication

117,55

118,33

8,25 %

0,66 %

Action n° 4 : Maîtrise de l’accès à l’espace (càd lanceurs et Centre spatial guyanais à Kourou)

509,50

512,83

35,75 %

0,65 %

Action n° 5 : Maîtrise des technologies orbitales et de l’innovation technologique (càd ISS)

221,21

222,14

15,49 %

0,42 %

Action n° 6 : Moyens généraux et d’appui à la recherche

83,65

83,87

5,85 %

0,26 %

Action n° 7 : Développement des satellites de météorologie

42,57

42,57

2,97 %

0,54 %

TOTAL

1 434,50

1 441,72

 

+ 0,50 %

L’opérateur principal de ce programme est, naturellement, le Centre national d’études spatiales (CNES), qui en tant qu’agence de programmes et centre technique, œuvre dans le cadre du contrat pluriannuel 2011-2015 et de son plan moyen terme (PMT), tout en veillant à s’accorder avec les actions menées par ailleurs par l’Agence spatiale européenne (ESA). Le budget du CNES sera développé dans la deuxième partie de cet avis (II. E).

Le PLF pour 2016 propose une quasi-reconduction des crédits de 2015 du CNES au titre du budget multilatéral (P 193 et P 191), soit 727,77 M€ (– 6,10 €) et un accroissement de 7,32 M€ (pour atteindre une enveloppe annuelle de 824,14 M€, soit + 0,89 %) des crédits accordés au titre de la contribution française à l’Agence spatiale européenne (ESA).

RÉCAPITULATION DES CRÉDITS PAR PROGRAMME ET PAR TITRE

Source : BG 2016-MIRES

Fondé en 1946, l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) est depuis 1984 un établissement public à caractère scientifique et technologique, placé sous la double tutelle des ministères chargés de la recherche et de l’agriculture. L’INRA couvre des champs disciplinaires très différents, qu’il s’agisse des sciences de la vie, des sciences économiques et sociales, des sciences de l’environnement ou des sciences de l’aliment. Il occupe les premières places mondiales – et la première place européenne – par ses productions scientifiques dans le domaine de l’agronomie. L’institut emploie près de 10 000 personnes. Le dispositif de recherche de l’INRA compte 13 départements scientifiques et 235 unités de recherche dont 74 % des effectifs implantés en province. Par l’intermédiaire de ses deux filiales de droit privé, INRA Transfert et Agri-Obtentions, l’INRA gère un portefeuille de 377 contrats de licence ainsi que 1 127 licences sur 508 variétés.

Le document d’orientation 2010-2020 « INRA 2010-2020 : une science pour l’impact », adopté le 18 juin 2010 par le conseil d’administration de l’INRA, fixe le cap scientifique de l’institut pour la prochaine décennie de même que le contrat d’objectifs État-INRA 2012-2016 identifie quatre chantiers scientifiques prioritaires pour répondre aux défis de la sécurité alimentaire, de la protection de l’environnement et de la raréfaction des énergies fossiles (18).

Pour 2016, après la question climatique et la Conférence Paris Climat 2015 (COP 21), l’accent sera mis sur les nouvelles filières de la biologie combinée au numérique, sur la santé et l’environnement, sur l’innovation dans l’agriculture et sur les systèmes alimentaires en général, notamment en milieu urbain.

Afin d’augmenter la capacité de programmation scientifique, huit méta-programmes transdisciplinaires ont été élaborés autour de thématiques comme « l’adaptation de l’agriculture et de la forêt au changement climatique » ou « la sélection génomique ». Environ un tiers des ressources de l’institut leur sont consacrées.

Le budget prévisionnel de l’INRA pour 2015 (net de la réserve de précaution) s’établit à 876,31 M€, en diminution par rapport à 2014 (- 5,05 M€ ; - 0,6 %). Il est financé à hauteur de 670,08 M€ par des subventions pour charges de service public relevant des programmes 142 « enseignement supérieur et recherche agricoles » et 172 « recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » en quasi reconduction par rapport à 2014 et qui représentent 76,5 % des financements (contre 75,8 % en 2014). L’INRA s’est ainsi encore vu appliquer en 2015 une nouvelle mesure d’économie sur sa subvention dans le cadre des orientations du Gouvernement portant sur les économies de fonctionnement des opérateurs de l’État tandis que la dotation du programme 172 correspondant à la répartition du dispositif post-doctoral ministériel a perdu 4 ETPT pour s’établir à seulement 12 contrats. Ces allocations budgétaires ne permettent plus à l’INRA, malgré la politique de maîtrise des charges, notamment salariales, engagée depuis 2011, de préserver les moyens directs de la recherche et de l’appui à la recherche : les moyens des laboratoires sur subvention restent à un niveau particulièrement bas en 2015 (36,1 M€ ; – 2 % par rapport à 2014).

En 2015, l’INRA a bénéficié de la décision favorable de reconduire aux EPST un taux de mise en réserve réduit, soit 0,35 % pour la masse salariale et 4,86 % pour les autres dépenses. Il est à noter que ce taux était moins favorable que celui appliqué jusqu’en 2013 (0,25 % et 3 % respectivement) et a diminué d’autant les ressources disponibles sur la subvention, soit 7,05 M€.

L’INRA peut, en outre, de moins en moins compter sur ses ressources propres – qui représentent 25 % des financements de l’institut – pour compenser la diminution des subventions. Leur montant prévisionnel rectificatif de 213,63 M€, en légère augmentation (+ 6,35 M€ ; + 3,06 %) en 2015 par rapport à l’exécution 2014 reste exceptionnel. Ces ressources propres proviennent à 73 % des contrats et soutiens finalisés à l’activité de recherche pour 155,93 M€, en légère augmentation par rapport à l’exercice exécuté précédent (+ 3,8 %) notamment grâce aux crédits reçus de l’Union européenne (Horizon 2020 et ERC) pour 33,54 M€ (contre 25 M€ en 2014 soit + 39 %) et au maintien des crédits reçus dans le cadre du programme des investissements d’avenir pour 25 M€. Les ventes de produits et prestations de service ont permis de compenser partiellement la baisse des financements provenant des collectivités locales et de l’ANR mais ne permettent pas de contrebalancer la tendance générale de diminution des ressources propres de l’organisme, en particulier celles provenant de la perte de redevances sur certaines licences tombées dans le domaine public et qui correspondent à près de 2 M€ par an.

La masse salariale connaît une légère hausse en 2015 malgré une baisse des emplois, et représente 71,5 % des crédits ouverts au budget (première dépense de l’institut). Pour faire face à la diminution récurrente de la subvention d’État, l’INRA a renforcé sa politique d’optimisation et de rationalisation de ses dispositifs et processus de production tant scientifique que d’appui (19), a amplifié ses mesures de gel d’emplois déjà initiées en 2011 (réduction de 100 ETP par an), a réduit sensiblement ses moyens consacrés à la politique incitative et a renoncé à certaines opérations d’investissement immobilier.

La situation reste toujours délicate pour l’INRA dans le PLF pour 2016 puisque les crédits sont simplement reconduits : la subvention pour charges de service public du MESR (programme 172 refondu) est en légère hausse et s’établit à 675,23 M€ (+ 6,72 M€ ; + 1 %) tandis que la subvention du ministère de l’agriculture (programme 142) diminue par rapport à 2014. Au total, les subventions pour charge de service public s’élèvent à 676,49 M€, stables par rapport à la LFI 2015 (+ 0,96 %).

De plus, l’INRA devra faire face à deux difficultés supplémentaires en 2016. D’une part, le changement de comportement du personnel qui retarde son départ à la retraite amplifie un peu plus la pression sur la masse salariale et engendre des difficultés de recrutement alors que les effectifs ont déjà baissé de 200 ETPT en quatre ans (avec encore la perte d’1 ETPT sous plafond dans le PLF pour 2016). D’autre part, eu égard à la très forte territorialité de l’INRA, la réduction probable des ressources disponibles au titre des contrats de plan État-région (CPER) pour la période 2014-2020, en particulier pour le financement des équipements dédiés à la recherche réduira d’autant les ressources propres de l’établissement. Par conséquent, un effort encore plus conséquent portera sur les dépenses de fonctionnement et d’investissement qui sont déjà largement touchées depuis 5 ans par des redéploiements et réductions successives, rendant l’exercice 2016 particulièrement délicat.

Votre rapporteur rappelle qu’il est indispensable que le taux réduit pour le calcul de la réserve de précaution (20) soit reconduit en 2016, pour l’INRA et pour l’ensemble des EPST. De manière plus générale, l’élargissement du volume des frais généraux éligibles aux financements sur projets, à l’instar des projets de l’ERC (European Research Council) (21), et une appréciation en fonction de la situation de chaque établissement permettrait de couvrir davantage les frais de gestion engagés à ce titre par les organismes de recherche. Enfin, il serait souhaitable que les obligations réglementaires liées notamment à la réforme de la gestion budgétaire et comptable publique (GBCP) soient prises en compte par la subvention pour charges de service publique dès l’exercice 2016.

Créé en 1967, l’Institut de recherche en informatique et en automatique (INRIA) est désormais un établissement public à caractère scientifique et technologique (EPST) placé sous la double tutelle des ministères chargés de la recherche et de l’industrie. Il a pour missions de produire une recherche d’excellence dans les champs informatiques et mathématiques des sciences du numérique et de garantir l’impact, notamment économique et sociétal de cette recherche. Membre des alliances Allistene et Aviesan, l’INRIA constitue aujourd’hui un ensemble de haute renommée internationale s’appuyant sur 178 équipes-projets déployées au sein de huit centres de recherche répartis dans toute la France et représentant plus de 2 600 personnes. À la suite d’un changement de statuts (22), une nouvelle organisation de la direction générale s’est mise en place en 2015.

La stratégie scientifique de l’INRIA, décrite dans le plan stratégique « Objectif INRIA 2020 » pour la période 2013-2017, est construite autour de deux axes complémentaires répondant au critère d’excellence scientifique : les sciences et technologies du numérique utiles à l’humain, à la société et à la connaissance (médecine et biologie, transport, communication et énergie) d’une part, et les développements scientifiques prioritaires au cœur de nos sciences (supercalculateurs, gestion des données et réseaux, interfaces) d’autre part. Ainsi, les trois principaux domaines à fort potentiel de valeur et de création d’emplois aujourd’hui sont le data, la sécurité et l’internet des objets.

En s’appuyant sur son plan stratégique « Objectif INRIA 2020 » et en veillant à inscrire ses actions en cohérence avec la Stratégie nationale de recherche, ainsi qu’avec les divers plans de la Nouvelle France industrielle, INRIA développe son action au cours de la période couverte par le présent contrat quinquennal, 2015-2019, autour des six grandes priorités suivantes :

– développer une science en interaction avec les grands défis pluridisciplinaires et sociétaux

– mettre l’accent sur le transfert et la création de start-ups ;

– participer à Horizon 2020 et faire rayonner l’INRIA à l’international ;

– développer des coopérations privilégiées au plan territorial ;

– dégager des moyens pour les activités de recherche et de transfert ;

– conduire une politique de ressources humaines ambitieuse.

Le budget prévisionnel de l’INRIA pour 2015 (net de la réserve de précaution) s’élève à 229,56 M€ en légère diminution par rapport à 2014
(– 0,88 %). Il s’appuie sur une subvention du MESR portée à 167,06 M€ (+ 1,86 M€ soit + 1,12 %) à laquelle s’ajoutent 1,40 M€ pour 40 contrats du dispositif post-doctoral ministériel (contre 62 contrats en 2014). La réserve de précaution à taux réduits s’élève à 2,56 M€ stable par rapport à 2014 (2,68 M€). En outre, la masse salariale limitative de l’INRIA augmente d’environ 1,8 M€ chaque année du fait du glissement vieillesse technicité et constitue une contrainte supplémentaire sur le budget de l’INRIA, surtout lorsque la masse salariale totale représente 73,2 % des crédits ouverts au budget. Au total, la dotation disponible nette pour l’INRIA est de 168,45 M€ soit 73,38 % du budget prévisionnel pour 2015.

Les ressources propres, estimées à 61,11 M€ (soit 27 % des ressources totales), diminuent sensiblement (– 4,45 M€ ; – 6,2 %) et intègrent principalement les contrats et soutiens finalisés à la recherche pour 51,70 M€ en légère baisse dont les financements les plus significatifs proviennent des contrats publics français hors PIA (15,03 M€) et des contrats de l’Union européenne (– 1,10 M€).

L’INRIA poursuit depuis 2012 la mise en œuvre de mesures d’économies sur les dépenses de fonctionnement et d’investissement non programmé (FCI), avec une baisse du budget initial de 1,5 % en 2015 par rapport au budget de 2014. Des efforts ont été menés par l’INRIA pour la rationalisation et l’optimisation de ses dépenses de fonctionnement dont les fonctions support.

Dans le PLF pour 2016, la subvention pour charges de service public s’élève à 170,18 M€, en légère hausse par rapport à 2014 (+ 0,57 M€ ; + 0,34 %). La dotation du dispositif post-doctoral, en baisse depuis plusieurs années, a été malheureusement complètement supprimée en 2016. Eu égard au succès de ce dispositif pour l’accueil de jeunes chercheurs, principalement étrangers, et partant, pour l’attractivité de l’INRIA sur la scène internationale, votre rapporteur s’inquiète de cette disparition très pénalisante pour l’INRIA. De même, l’arbitrage mi-novembre de la réduction des taux normaux de la réserve de précaution, à l’instar des années précédentes, fait l’objet de fortes attentes de la part de l’INRIA.

Par ailleurs, le plafond d’emplois de l’établissement reste inchangé en 2015 à 1 793 ETPT, ce qui est insuffisant au regard des missions actuelles. L’INRIA se caractérise par une population de permanents encore très jeunes avec des perspectives de départ à la retraite très limitées dans les années à venir, couplé de facto à un glissement vieillesse technicité important. Afin de garder les moyens de fonctionnement minimaux nécessaires pour conduire une politique scientifique, l’INRIA s’est efforcée de maintenir constante sa masse salariale limitative. Pour cela, elle a dû réduire le nombre d’agents sur des fonctions de support voire de soutien, au bénéfice des postes de scientifiques avec en particulier la limitation des contrats à durée déterminée alors que les deux tiers de l’ensemble des salariés de l’établissement sont titulaires de ce type de contrats : doctorants, post-doctorants, souvent étrangers, et ingénieurs et qu’ils n’ont aucune difficulté à trouver un emploi à l’issue de leur passage à l’INRIA.

En conclusion, le budget de l’INRIA ne correspond pas aux attentes placées sur le secteur du numérique par le Gouvernement qui en fait pourtant sa priorité. Votre rapporteur regrette d’autant plus cette situation que l’INRIA joue un rôle majeur dans le transfert des résultats de la recherche vers le monde économique. Depuis sa création, l’INRIA multiplie les dispositifs tels que les partenariats stratégiques avec les grands groupes (Microsoft, Alcatel-Lucent, Orange, EDF, Alstom - Inria Joint Lab…), la création de laboratoires communs avec les PME/ETI (label Inria Innovation Lab), ou la collaboration étroite avec les pôles de compétitivité. En matière de transfert, sa filiale INRIA-Participations permet d’améliorer la force de pénétration des start-up INRIA (120 créées au total pour 3 000 emplois), et grâce à l’outil d’amorçage IT-Translation Investissement, elle a contribué à la création d’une vingtaine d’entreprises depuis 2011, qui valorisent des résultats de travaux de recherche dans les sciences et technologies du numérique. Son programme de suivi et d’aide au transfert technologique (PSATT) (23) accompagne 15 projets de start-ups dont 4 ont déjà vu le jour en 2015. Réduire les moyens d’intervention de l’INRIA revient à priver la France d’un atout considérable en matière de continuum de la recherche vers l’entreprise, étape où la France connaît ses principales difficultés, et dans un secteur à fort potentiel de croissance.

Plus largement, le Gouvernement semble avoir pris la mesure des enjeux du numérique pour le pays au travers des actions comme le plan France très haut débit de 20 Md€, les douze plans numériques dans le cadre de la Nouvelle France industrielle, la mission French Tech, le grand plan numérique pour l’école expérimenté lors de cette rentrée 2015, l’enveloppe de 150 M€ dans le cadre de la deuxième vague des investissements d’avenir prévue pour le développement industriel de technologies numériques clés (l’appel à projet e-FRAN (24) vient d’être lancé) ou enfin le projet de loi pour une République numérique discuté au Parlement début 2016. Dans le contexte actuel de croissance exponentielle de la filière numérique des technologies de l’information et de la communication (TIC), dont l’Europe représente le deuxième marché mondial avec un tiers de l’activité globale (25), la France, grâce en particulier à l’INRIA, dispose d’un atout de premier plan. Aussi votre rapporteur souhaite-t-il que le Gouvernement renforce les moyens d’INRIA afin notamment qu’il puisse développer des programmes de recherche transversaux ou pluridisciplinaires, qui sont la clé d’innovations de rupture et de progrès dans les années futures.

Créé en 1964, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) est un établissement public à caractère scientifique et technologique placé sous la double tutelle du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche et du ministère de la santé. Seul organisme public de recherche français entièrement dédié à la santé humaine, l’INSERM assure la coordination stratégique, scientifique et opérationnelle de la recherche biomédicale, en incitant les partenariats avec les autres établissements de recherche publics ou privés et les hôpitaux. L’organisation interne de l’INSERM en 10 instituts thématiques multi-organismes (ITMO) est aujourd’hui en phase avec la structuration thématique mise en place dans le cadre de l’alliance pour les sciences de la vie et de la santé (Aviesan). Près de 8 500 personnes travaillent à l’INSERM.

En 2015, l’INSERM, en coordination avec Aviesan, est devenu leader mondial dans la recherche contre le virus Ebola, a participé à l’élaboration du plan d’action pour l’organisation de la programmation de la recherche en santé qui sera mis en place en 2016, à la mise en place du système national des données de santé (SNDS), à la mission NGS de séquençage des génomes à haut débit et au programme de recherche et d’innovation dédié à la lutte contre la résistance bactérienne aux antibiotiques.

L’INSERM rédige actuellement son plan stratégique 2016-2020 dont les trois grandes priorités seront : une recherche plus intégrée, plus adaptée aux besoins et attentes de la société et des politiques publiques avec un accent sur l’interdisciplinarité ; le développement, la capitalisation et l’organisation des compétences au service des enjeux stratégiques notamment par la dynamisation des carrières ; l’optimisation des partenariats académiques et privés afin de conforter le leadership de l’INSERM au niveau national et international. Le nouveau contrat d’objectifs État-INSERM 2016-2020 en sera la déclinaison opérationnelle.

Le budget prévisionnel 2015 de l’INSERM s’élève à 910,31 M€, en légère hausse par rapport au budget exécuté 2014 (+ 25,04 M€ soit + 2,83 %), alors que la subvention de l’État, de 608,39 M€ nette de réserve de précaution, ne représente plus que 67,05 % des financements, en baisse sensible depuis 2 ans (72,55 % en 2013 et 69,77 % en 2014). L’INSERM a bénéficié de 3,68 M€ supplémentaires en gestion 2015 pour le programme de recherche Ebola. La dotation du dispositif post-doctoral ministériel s’établit à 0,314 M€ et 9 contrats, soit deux fois moins qu’en 2014. Ce dispositif est d’ailleurs supprimé en 2016.

Les ressources propres exécutées pour 2015, d’un montant de 321,74 M€, sont donc en très nette progression (+ 12,67 %) par rapport à 2014 (285,57 M€) grâce notamment à l’augmentation des cofinancements des collectivités territoriales et des établissements publics locaux (+ 83 %) et aux ressources externes (prestations, redevances et brevets + 37,9 %). Ces ressources sont d’autant plus importantes pour l’INSERM qu’il constitue l’établissement public scientifique et technologique (EPST) ayant le plus fort taux de ressources propres, avec 1/3 de son budget.

Les recettes contractuelles proprement dites atteignent 90 % des ressources propres (290,32 M€) et progressent de 10,5 % par rapport à 2014 grâce à l’augmentation des financements sur appels à projets de l’Union européenne (71,30 M€ soit + 66 %) et des investissements d’avenir (36,10 M€ soit + 73 %), compensant ainsi la baisse des financements de l’ANR (45,70 M€ soit – 16 %). Néanmoins, la prise en charge des coûts indirects des projets de recherche sur appels à projet est systématiquement inférieure à leur coût réel (15 % des coûts directs pour l’ANR, soit 4 % de frais de gestion et 11 % de préciput et de 4 % à 8 % pour les investissements d’avenir, contre des coûts indirects pour les structures de 29 % en réalité), ce qui fait peser sur l’organisme des dépenses supplémentaires.

Dans le PLF pour 2016, la subvention pour charges de service public s’élève à 618,47 M€, en légère diminution par rapport à la LFI 2015. Votre rapporteur tient à souligner que cette faible réduction de la SCSP de l’INSERM (– 0,12 %) n’en constitue pas moins une contrainte considérable pour l’organisme dont les marges de manœuvre sur les fonctions support sont arrivées à épuisement. En effet, l’INSERM poursuit ses efforts en matière de réduction des dépenses (26). Les fonctions support, les moyens communs et les achats sont prévus au plus juste. La mutualisation des processus et la rationalisation de la gestion des unités mixtes de recherche par des plateformes de gestion sont plébiscitées. Mais les efforts consentis ces dernières années atteignent leurs limites, en particulier dans un contexte d’augmentation significative de l’activité.

Surtout, la principale inquiétude tient dans la prévision du montant de la réserve de précaution. Votre rapporteur rappelle qu’il s’agit d’une difficulté récurrente pour l’ensemble des organismes de recherche. Alors que des efforts substantiels sont demandés aux établissements, le retour aux taux normaux les contraindrait à réduire la dotation affectée à leurs unités de recherche tant en fonctionnement qu’en personnel. Pour l’INSERM, la différence représente 6 M€, ce qui est considérable dans la mesure où 90 % des ressources de l’INSERM sont dépensées en soutien aux unités de recherche et aux infrastructures. La réduction de la marge de manœuvre qui en résulte contraint fortement l’institut dont la masse salariale augmente toujours (+ 1,8 %) en parallèle. Toute diminution de la subvention aura des effets marquants sur le soutien aux unités et à leur équipement. Comme votre rapporteur l’a déjà rappelé, il est indispensable que les établissements publics scientifiques et technologiques (EPST) continuent à bénéficier des taux réduits de mise en réserve.

En matière de personnels, l’INSERM est confronté à un problème d’emploi scientifique majeur. Alors que les recrutements pour 2015 ont baissé de plus de 40 %, renforcé par un contexte démographique peu propice aux départs à la retraite, les perspectives pour 2016 sont encore plus pessimistes avec une diminution de 22 % des recrutements statutaires, soit 125 postes. L’institut est en capacité de répondre à seulement un besoin des laboratoires sur cinq. De surcroît, la pression de sélection très forte (taux de réussite au concours de 7 %), l’âge moyen de plus en plus élevé de recrutement (35 ans), la rémunération moindre qu’à l’étranger et l’impossibilité de faire plus de trois post-doctorats à la suite sont de nature à remettre en cause l’attractivité de l’organisme pour les jeunes chercheurs. Quant aux contractuels scientifiques ou techniques sur subvention publique, ils ont été fortement contraints par les baisses récurrentes de crédits (accueil de chercheurs étrangers, post-doctorants...) De manière générale, relevant l’inadéquation entre le mode de financement de la recherche biomédicale (appels à projets, financement sur ressources propres) et les règles de gestion des personnels contractuels de la fonction publique d’État, l’institut souhaiterait des dérogations permettant de mieux adapter la gestion des contractuels aux activités de recherche. La stabilisation des effectifs de contractuels conformément à sa charte de bonnes pratiques pour les personnels en CDD (27) est toujours un objectif de l’INSERM.

Enfin, grâce à ses filiales INSERM Tranfert et INSERM Tranfert Initiative, l’INSERM participe à la création de PME et ETI innovantes en santé humaine par le biais de multiples dispositifs d’accompagnement et de financement. Votre rapporteur considère que diminuer les moyens de l’organisme revient à se priver d’un levier de création de valeur économique en santé et en recherche biomédicale, qui figurent pourtant parmi les secteurs les plus porteurs aujourd’hui.

Créé en 1939, le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) est un établissement public à caractère scientifique et technologique, placé sous la tutelle du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. Organisme pluridisciplinaire et interdisciplinaire, il couvre l’ensemble des domaines scientifiques : sciences humaines et sociales, biologie, physique nucléaire et des particules, sciences de l’information, ingénierie et systèmes, physique, mathématiques, chimie, sciences de la Terre et de l’Univers, écologie et environnement. Le CNRS est organisé en 10 instituts qui orchestrent la politique scientifique et en 19 délégations régionales. Il coordonne et participe aux recherches menées dans les très grandes infrastructures de recherche (TGIR). Cela répond à l’une des cinq grandes priorités du CNRS, parmi lesquelles focaliser la direction du centre sur sa dimension scientifique et sa vision stratégique, et se recentrer sur la fonction de pilotage scientifique des unités mixtes de recherche en partenariat avec les universités. 32 915 personnes travaillent au CNRS.

Les missions et le fonctionnement du CNES ont été récemment modifiés par le décret du 16 septembre 2015 (28). Celui-ci enrichit la mission historique du CNRS en matière d’information scientifique et technique (IST) en l’orientant vers le numérique, donne au CNRS une nouvelle compétence en matière de mutualisation des achats et réaffirme le rôle d’expertise et d’évaluation du centre sur les questions de nature scientifique.

Les priorités thématiques du CNRS pour 2016 conservent le socle de l’interdisciplinarité et mettront davantage l’accent sur les sciences de l’information (informatique, robotique, automatique…) et les mathématiques, afin de prendre le tournant de la révolution numérique.

Le budget prévisionnel du CNRS pour 2015 s’élève à 3 228,49 M€ 3 272,29 M€ dont 2 596,24 M€ de subvention pour charges de service public (SCSP) et 0,87 M€ de dotation au titre du dispositif post-doctoral ministériel. Nette de la mise en réserve, la SCSP représente 79,5 % du budget. Ce budget est en recul de 1,34 % par rapport au budget prévisionnel pour 2014.

Le montant des ressources propres est évalué à 662,20 M€, en baisse de 5,5 % (– 38,4 M€) par rapport à 2014. Ce sont les contrats et soutiens finalisés à l’activité de recherche (556,34 M€) qui connaissent la plus forte baisse avec une perte de 40 M€ soit – 6,7 % par rapport à 2014, liée principalement à la réduction des crédits ANR estimée à 25 M€. Les redevances, prestations de services, ventes de produits, d’un montant de 36,13 M€ (– 0,90 M€ ; – 2,4 %) et les subventions autres que les contrats pour 69,74 M€ (+ 2,46 M€ ; + 3,66 %) se maintiennent. La chute importante des crédits provenant de l’ANR depuis 2012 (– 54 M€) a fortement impacté les laboratoires dans la mesure où les activités de recherche sont financées par des ressources extérieures, la subvention étatique servant à financer les emplois. Les crédits du PIA (69,2 M€) et ceux des appels à projets de l’Union européenne (stables à 69 M€ en 2015) ont permis de partiellement compenser cette perte de ressources pour le CNRS.

Les recettes contractuelles proprement dites sont en baisse et atteignent 395,2 M€ pour les contrats de recherche avec des tiers publics (– 6,9 % par rapport à 2014), et sont évaluées à 30 M€ pour les contrats avec des tiers privés, ce dernier montant étant sensiblement variable d’une année sur l’autre.

La dotation – incluse dans la subvention de l’État – destinée aux dépenses de fonctionnement, d’équipement et d’investissement (FEI) s’élève à 452,6 M€ en diminution de 0,9 % par rapport à 2014. En raison de choix opérés par l’établissement sur des redéploiements internes, la part du budget FEI des unités a légèrement augmenté de 1 %, à hauteur de 229 M€ en 2015. Cela témoigne de la volonté du CNRS de sanctuariser les dotations globales versées aux laboratoires.

Dans le PLF pour 2016, la subvention d’État versée au CNRS, d’un montant de 2 561,77 M€, semble relativement préservée : nette de réserve de précaution, elle diminue de seulement 2,5 M€ (– 0,1 %) pour un montant de 2 533,5 M€.

Si cette réduction de crédits ne remet pas encore en cause le fonctionnement et la programmation du CNRS, il n’en demeure pas moins que si la tendance se poursuit en 2016, il deviendra très difficile pour le CNRS de ne pas réduire l’effort en faveur de certains programmes de recherche.

Tout d’abord, à l’instar des autres organismes de recherche, la question de la réserve de précaution est très sensible pour le CNRS qui y a consacré 30,8 M€ en 2015. Si les taux normaux de 0,5 % sur la masse salariale et de 8 % sur les autres dépenses sont appliqués en 2016, ce sera 47,6 M€ qu’il faudra réserver, soit 17,7 M€ en moins pour les unités de recherche. Votre rapporteur souligne à nouveau la nécessité de maintenir les taux réduits de réserve de précaution pour l’ensemble des organismes de recherche. De même, les coûts induits par les contrats de recherche, en particulier de l’ANR, ne sont pas complètement pris en compte par celle-ci, ce qui fait peser 20 M€ supplémentaires par an sur la subvention d’État du CNRS.

Ensuite, en matière d’effectifs, le CNRS parvient encore à remplacer tous les départs à la retraite des personnels permanents. Cependant, en raison d’une situation démographique défavorable, les prévisions de recrutement pour 2015 sont en baisse par rapport à celles de 2014 et de 2013 (310 chercheurs et 278 ingénieurs et techniciens). Les contraintes pesant sur la masse salariale ((1)) conduisent également à réduire les effectifs des personnels sur contrats à durée déterminée rémunérés sur subvention d’État. Même si cette réduction répond de l’objectif de résorption de la précarité dans la fonction publique, les années 2016 et suivantes laissent toutefois présager des difficultés à niveau de subvention constant, car la capacité d’ajustement sur les CDD atteint ses limites fonctionnelles et opérationnelles. La conséquence sera une chute très importante des recrutements à partir de 2016.

Enfin, le CNRS a travaillé à plusieurs axes d’optimisation des dépenses : la procédure d’allocation des moyens, dans un souci de transparence, fait l’objet depuis 2011 de dialogues de gestion avec toutes les unités de recherche et d’un référentiel budgétaire commun à l’ensemble des unités tandis que la politique des achats (30) fait l’objet d’un plan d’actions détaillé selon le type d’achat et de besoin dont le renouvellement, en cours de mise en œuvre, vise à intégrer la dimension stratégique et économique des achats. Les portefeuilles de brevets sont également révisés chaque année depuis 2013 afin de maîtriser leurs coûts de portage et l’utilisation des équipements et TGIR fait l’objet d’une facturation. Parallèlement, le plan d’action pour les fonctions support 2012-2015 permet, tout en gardant un taux de fonctions supports à 11,8 %, d’améliorer l’efficacité et la pertinence de leur niveau d’exercice (31). La rationalisation de la gestion des unités mixtes de recherche se poursuit également (32). Les efforts ainsi menés permettent pour l’instant au CNRS de compenser la baisse des dotations de base, mais ceux-ci finiront par trouver leurs limites. Dans ce contexte, des choix stratégiques d’arrêt de certains programmes de recherche sont inéluctables.

Institué en 1961, le Centre national d’études spatiales (CNES) est un établissement public industriel et commercial placé sous la double tutelle du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche et du ministère de la défense. Chargé de proposer au Gouvernement et de mettre en œuvre la politique spatiale de la France en Europe, le CNES est à la fois une agence de programmes et un centre technique dont l’activité s’inscrit depuis plusieurs années dans un cadre multinational, notamment en partenariat privilégié avec l’action menée par l’Agence spatiale européenne (ESA), où il représente la France. Les effectifs du CNES sont stables autour de 2 450 collaborateurs.

Les trois axes (33) du contrat de performance État-CNES 2011-2015 seront renforcés par les nouvelles orientations du prochain contrat de performance 2016-2020 encore en discussion. Celles-ci devraient mettre l’accent sur l’innovation avec les ruptures technologiques et les applications aval en développant les filières d’excellence françaises et les programmes de nouvelles générations qui serviront la compétitivité de l’industrie sur les marchés commerciaux, tout en tirant profit des dimensions européennes et internationales. Le CNES a ainsi créé une direction de l’innovation, des applications et de la science et il est en train de simplifier sa gouvernance afin de soutenir la créativité et la réactivité de l’établissement face à un environnement concurrentiel en évolution rapide et afin de développer les applications et l’écosystème spatial aval (34).

Les priorités thématiques retenues par le CNES en 2016 s’inscrivent dans le cadre d’Ambition 2020, la feuille de route destinée à développer l’innovation au CNES et maintenir la place de la France parmi les premières puissances spatiales. On peut notamment citer :

– dans le domaine de l’accès à l’espace, le lanceur Ariane 6 et son segment sol, sous maîtrise d’œuvre du CNES, et la disponibilité de la base du CSG pour l’exploitation des trois lanceurs Ariane 5, Soyouz et Vega ;

– dans le domaine des sciences, le programme Cosmic Vision de l’ESA pour la connaissance de l’Univers (Euclid, Solar Orbiter…), et la préparation des missions martiennes (Exomars 2016, Insight, mars 2020…) ;

– dans le domaine de l’observation de la Terre, le lancement de Jason 3 début 2016 pour la continuité des données sur la hauteur des océans, le démarrage du développement du nouveau sondeur IASI NG pour la météorologie et le lancement du satellite franco-chinois CFOSAT (2018) afin d’étudier le vent et les vagues à la surface des océans ;

– dans le domaine des télécommunications, la compétitivité de l’industrie sur le marché très concurrentiel des satellites géostationnaires de télécommunication (propulsion électrique, charge utile flexible et internet très haut débit) et sur celui des constellations internet en orbite basse ;

– dans le domaine de la Défense, la préparation des technologies de rupture pour les futures générations de systèmes d’observation (CSO) et l’observation optique haute performance et télécommunications duales en lien avec le programme COMSAT NG de la défense.

Le budget prévisionnel du CNES pour 2015 (avant déduction des mises en réserve) s’élève à 2 094 M€ dont 575,11 M€ de subvention pour charge de service public du programme 193 « recherche spatiale » et 158,76 M€ de dotation d’investissement du programme 191 « recherche duale » qui relève du ministère de la défense, soit un total de 733,87 M€. Le montant total de la réserve de précaution s’élevant à 101,3 M€, la subvention disponible pour le CNES en 2015 n’est plus que de 632,57 M€.

Pour 2016, la subvention pour charges de service public, est globalement stable par rapport à 2015 et s’élève à 727,77 M€ au titre du programme multilatéral, qui comprend les crédits du programme 193, d’un montant de 575,01 M€ et ceux du programme 191, d’un montant de 152,76 M€ (– 6 M€).

La stabilisation des ressources budgétaires du CNES – qui est remarquable dans un contexte de forte contrainte budgétaire et qui témoigne d’une certaine priorité accordée par le Gouvernement au secteur spatial – constitue néanmoins un changement important par rapport à la trajectoire actuelle qui reposait sur une hypothèse de croissance des crédits du programme 193 dédiés au plan à moyen terme (PMT) « multilatéral » de + 1,5 % par an. À titre illustratif, le maintien de la subvention au niveau de celle de la loi de finance initiale pour 2015 sur la période 2016 à 2020 (730 M€ par an) et la reconduction des taux de mise en réserve pratiqués en 2015 (4,86 % sur le P 193 activités multilatérales et 8 % sur le P 191) conduiraient le CNES à une perte totale de ressources de l’ordre de – 200 M€ sur 2016-2020 (ce qui équivaut au financement d’environ une dizaine de programmes de recherche et technologie), par rapport à la trajectoire validée dans le plan à moyen terme.

Dans un tel contexte, la priorité du CNES sera de poursuivre son effort de maîtrise des dépenses de fonctionnement (le Centre spatial guyanais représente 50 % des dépenses de fonctionnement du CNES) et d’investissement (– 2 % par an), d’éviter de remettre en cause les programmes décidés et les missions en exploitation, et de préserver autant que possible les crédits dédiés à la préparation de l’avenir comme le lanceur Ariane 6. En effet, compte tenu du caractère stratégique que revêt la maîtrise des technologies spatiales des points de vue politique, scientifique, technologique et industriel, votre rapporteur considère qu’il est essentiel qu’un établissement comme le CNES conserve une capacité à mener des dépenses de R&D significatives (634,81 M€ en 2015) et maintienne dans sa programmation des ouvertures de nouvelles missions.

Ainsi, votre rapporteur est attentif à ce que le taux réduit de mise ne réserve soit reconduit pour 2016 (sans quoi le CNES perdrait près de 14 M€) et que les crédits du CNES ne soient pas réduits au cours du débat budgétaire au Parlement. Il souhaite également que les annulations sans précédent qu’a connues le CNES en 2014 (– 70,3 M€) et qui ont fortement déstabilisé l’établissement ne soient pas reproduites en 2016.

Parallèlement, la subvention destinée à honorer la contribution française à l’ESA s’élève à 824,14 M€ 816,83 M€ (+ 7,32 M€ soit + 0,90 % par rapport à la LFI 2015). Mais compte tenu des annulations de crédits en 2014 (48,8 M€) et en 2015 (50 M€), la France ne sera pas en mesure d’avoir remboursé fin 2015 le solde de sa dette de contribution antérieure à 2010. La trajectoire de financement fait apparaître une dette française de plusieurs centaines de millions d’euros à horizon 2021 et un remboursement seulement à horizon 2024, ce qui est d’autant plus préoccupant que la France est le premier contributeur à l’ESA.

Votre rapporteur tient à souligner que le CNES et la recherche spatiale française connaissent des succès exceptionnels depuis 2003. Avec un chiffre d’affaires de 3 Md€ et 16 000 emplois générés en France, la filière spatiale est l’un des moteurs de notre économie et de notre compétitivité : 80 % du budget du CNES revient à l’industrie française du secteur et plus de 20 % du budget de R&T est orienté vers les PME innovantes. L’année 2014 avait été marquée par de nombreuses réalisations pour le CNES et par une évolution de la gouvernance du secteur spatial pour une plus grande intégration de la filière industrielle des lanceurs. L’année 2015 – en plus de l’accent mis sur le climat en prévision de la COP 21 poursuit cette dynamique avec la conclusion du contrat de développement du lanceur Ariane 6 avec Airbus Safran Launchers en août 2015 et de celui de la réalisation du segment sol au CSG avec le CNES, la réalisation de cinq tirs d’Ariane 5 portant à 68 le nombre de succès d’affilée (prochain vol le 10 novembre 2015) de la fusée en dix ans et la poursuite des lancements de Vega et Soyouz, la livraison de l’instrument SEIS de la mission Insight de la NASA ou l’ouverture opérationnelle de la plateforme PEPS pour la mise à disposition des données et produits Copernicus.

Votre rapporteur salue enfin les efforts réalisés depuis 2010 dans le cadre du programme des investissements d’avenir qui a permis d’allouer au CNES un montant pluriannuel de 540 M€ pour des projets additionnels destinés à assurer la pérennité des compétences et des technologies clés, et à renforcer et à développer la compétitivité de l’industrie française dans le domaine des lanceurs et des satellites. Ce montant a ensuite été complété par des allocations supplémentaires d’un montant total de 91 M€ dans le cadre de la deuxième vague des investissements d’avenir (PIA 2), ce qui a conduit à abonder le budget du CNES de 245 M€ en 2015.

Les actions « Espace » concernent deux grands défis actuels de l’industrie spatiale : la préparation du futur lanceur européen Ariane 6 et le développement de satellites à forts enjeux applicatifs. Il s’agit principalement de favoriser la propulsion électrique des satellites avec le développement et la validation en vol d’un propulseur à forte puissance (PPS 5000), et l’adaptation des plateformes actuelles à la propulsion tout électrique (plateforme adaptée d’ADS) (36 M€) ainsi que l’adaptation de la coiffe d’Ariane 5 pour l’emport de ces satellites (25 M€).

En parallèle, avec le projet THD-SAT, notre industrie spatiale bénéficie de perspectives favorables dans le domaine des télécommunications satellitaires à haut débit – et demain à très haut débit – qui font l’objet actuellement d’un véritable engouement, pour un montant total de 70 M€ (40 M€ du PIA 1 et 30 M€ du PIA 2).

Enfin, le PIA a aussi financé les activités menées par le CNES pour le compte de la Défense au profit de la composante spatiale optique de la prochaine génération de satellites d’observation militaire MUSIS (172 M€) et des activités de recherche duale (109,5 M€).

Votre rapporteur tient à souligner l’importance des outils des investissements d’avenir pour les organismes. Les financements conséquents, rapidement disponibles et ciblés sur des projets précis apportent la flexibilité et la réactivité nécessaires aux organismes confrontés à des écosystèmes de plus en plus concurrentiels. Votre rapporteur se réjouit de l’annonce récente d’un PIA 3 doté de 10 Md€, qui assurera la pérennité des projets à partir de 2017 et dont l’efficacité en termes d’effet levier est largement reconnue.

Créé en 1945, le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) est un établissement de recherche à caractère scientifique, technique et industriel relevant de la catégorie des EPIC. Il est placé sous la quintuple tutelle des ministères chargés de la recherche, de l’énergie, de la défense, de l’industrie et des finances. Le CEA intervient dans quatre grands domaines : les énergies bas carbone (nucléaire et renouvelables), les technologies pour l’information, les technologies pour la santé, la défense et la sécurité globale. Le CEA s’appuie sur une recherche fondamentale d’excellence et coordonne les recherches menées dans les très grandes infrastructures de recherche (TGIR). Le CEA est implanté sur 10 centres (5 civils et 5 militaires) répartis dans toute la France et représentant 15 838 emplois. Il développe de nombreux partenariats avec les autres organismes de recherche, les collectivités locales et les universités et exerce une présence croissante au niveau international. À ce titre, le CEA est partie prenante des cinq alliances nationales coordonnant la recherche française. Reconnu comme un expert dans ses domaines de compétences, le CEA est également un acteur reconnu de l’innovation et du soutien industriel par la recherche technologique avec par exemple la gestion d’un portefeuille de 5 500 brevets actifs ou par la création des plateformes régionales de transfert technologique (PRTT).

L’année 2015 fut marquée par la demande du Premier ministre de recentrer l’action du CEA autour de cinq missions bien définies (35) et par la réactualisation en conséquence du plan moyen long terme (PMLT) 2015-2025 se traduisant par une nouvelle segmentation des missions du CEA. Aussi, les modalités pratiques d’élaboration du contrat d’objectifs et de performance État-CEA 2015-2019 sont-elles toujours en cours de discussion avec les tutelles.

Les priorités pour 2016 concernent la consolidation du financement du réacteur Jules Horowitz (RJH), la finalisation de la stratégie pour la génération 4 des réacteurs (Astrid), l’établissement de la nouvelle stratégie et organisation pour le démantèlement des installations nucléaires (16 Md€), la consolidation des partenariats avec EDF et Areva, tirer le bilan des PPRT et plus largement, remettre la science au cœur du CEA.

Le budget initial du secteur civil pour 2015 s’élève à 2 784,1 M€ (hors ITER et Cratanem (36)). La subvention pour charges de service public, en diminution de 14,10 M€, représente après mise en réserve, 36,2 % du total des ressources, soit 1 008,10 M€ tandis que les recettes externes en représentent 34,20 % pour 952,10 M€. Cette subvention ne couvre pas les dépenses de personnel et l’entretien des centres de recherche fondamentale. Votre rapporteur tient à souligner que cette diminution des moyens, à laquelle se sont ajoutées en 2015, des annulations de crédits importantes (– 17 M€ et – 10 M€ pour ITER) et une réserve de précaution conséquente d’un montant de 50,7 M€ (en hausse de 3,3 M€ par rapport à 2014), rend difficile le développement d’une politique scientifique au soutien des missions surtout que le CEA pilote des projets ou des activités complexes nécessitant une inscription dans la durée. Votre rapporteur insiste pour que les prévisions budgétaires soient respectées, afin d’avoir une vision claire des moyens financiers d’investissement voire de fonctionnement

En effet, ce budget prévisionnel pour 2015 ne permet pas de couvrir l’évolution des dépenses inéluctables en particulier de masse salariale (glissement vieillesse technicité de 10 M€ par an), des charges obligatoires en croissance sur le financement de la construction du réacteur de recherche Jules Horowitz (RJH), principal investissement civil du CEA, les évaluations complémentaires de sûreté (ECS) et les conséquences financières du renforcement de la réglementation nucléaire post Fukushima (10 M€), le surcoût lié au nouveau régime de responsabilité civile nucléaire en vigueur le 1er janvier 2015, et surtout le renforcement de la protection physique des installations sensibles dans le cadre du décret n° 2009-1120 du 17 septembre 2009 relatif à la protection et au contrôle des matières nucléaires, de leurs installations et de leur transport PCMNIT) (5 M€), soit au total 91 M€ de dépenses supplémentaires à financer par subvention à horizon 2017.

Source : CEA

Enfin, au titre du projet européen ITER, la subvention de 84,6 M€ (nette de réserve) en 2015, en baisse de 3,7 M€ par rapport à 2014, est sensiblement inférieure au besoin. Un étalement des appels de fonds européens est envisagé, pouvant conduire à une situation de blocage d’ici 2 ans.

La subvention civile pour charges de service public pour 2016 (hors ITER, Cratanem et fonds dédiés comme le fonds démantèlement) ne permet pas d’améliorer la situation puisqu’elle est en diminution pour la quatrième année consécutive. Elle s'élève à 1043,50 M€, soit une diminution de 12,6 M€ par rapport à la LFI pour 2015 et un montant inférieur de 38,8 M€ à celui prévu dans le PMLT. Si pour l’année 2016, le CEA devrait parvenir à couvrir ses dépenses ordinaires, la question devient plus épineuse à partir de 2017 et surtout pour les dix années à venir. En effet, quatre grandes dépenses ne sont pas budgétées : les surcoûts du réacteur Jules Horowitz (RJH) (300 M€), le démonstrateur de réacteur de quatrième génération Astrid à partir de 2018 (200 M€), le financement des nouveaux TGIR et le renouvellement des plateformes expérimentales associées au RJH à compter de 2020 (entre 500 M€ et 1 Md€).

Pour faire face à ces difficultés et à la demande des ministères de tutelle, le CEA a arrêté un certain nombre de mesures structurelles dans son PMLT, constituant un effort d’économies très important de la part des unités : accent mis sur les recettes externes même si les perspectives de croissance sont plus faibles que par le passé, réduction des effectifs hors Direction de la recherche technologique (– 470 postes entre 2013 et 2017 en particulier en recherche fondamentale alors que les recrutements actuels ne concernent plus déjà que des techniciens de maintenance), fermetures de 4 installations nucléaires (Osiris…), absence de nouveau projet d’investissement et maintien de l’activité dans les secteurs clés comme les nouvelles technologies environnementales-NTE) et poursuite des économies de fonctionnement (– 3 % en euros courants, des coûts de support et de patrimoine sur 2014-2017 avec notamment un plan d’économie d’achats). Depuis le début de 2015, un tiers à la moitié des départs ne sont pas remplacés selon les secteurs, ce qui conduit à une baisse des effectifs et pose la question du maintien des compétences à terme.

Cependant, ces mesures structurelles et ces économies de gestion, déjà largement engagées par l’établissement, ni même le recentrage des missions du CEA récemment engagé, ne permettront pas de compenser à elles seules la baisse de subvention. Cela se traduit par une amputation des dépenses sur certains programmes et par une baisse du budget disponible des unités de recherche, salaires compris (– 4 % en 2014). De plus, le niveau des recettes venues de l’ANR est en diminution (– 15,6 % en 2015), ce qui vient un peu plus compliquer la situation budgétaire du CEA. Des compléments budgétaires sont attendus en 2016 au niveau des TGIR (37), en particulier pour couvrir les engagements pris par la France sur le projet ESS (European spallation source).

Un autre sujet majeur pour 2016, concerne la consolidation du financement du réacteur nucléaire Jules Horowitz (RJH) destiné à remplacer le réacteur expérimental OSIRIS de Saclay à horizon 2019. En effet, le projet présente un retard important et des surcoûts considérables qui repoussent d’autant la construction du réacteur. Après plusieurs années de blocage, un accord a enfin été trouvé en 2015 sur la répartition des responsabilités entre la maîtrise d’ouvrage CEA et le maître d’œuvre Areva : chacune des deux parties a pris à sa charge les surcoûts des contrats dont elle est responsable en direct, à avoir 200 M€ pour Areva et 300 M€ pour le CEA, ce qui a permis de redémarrer les travaux et la coopération entre le CEA et Areva-TA. Reste malgré tout une difficulté très importante avec le contrat passé avec DCNS qui est toujours en phase critique. Au total, l’ensemble des risques est susceptible de retarder encore le projet de 2 ans alors que le besoin financier supplémentaire est de l’ordre de 500 M€. Toute année supplémentaire coûtera de 80 M€ à 100 M€ de plus.

Surtout, pour le CEA, la difficulté budgétaire pour le RJH n’est pas en 2016, mais à partir de 2017 où il va falloir trouver, sur les années 2017 à 2020, 300 M€ en crédits de paiement. Avec une enveloppe constante à 1 Md€ en subvention pour l’ensemble du CEA (hors défense), il est indispensable d’obtenir ces 300 M€ sur une ressource exceptionnelle, soit par vente de titres Areva, soit par une dotation du PIA.

IFP-Énergies nouvelles (IFPEN) est un établissement public industriel et commercial dont la mission est de développer les technologies et les matériaux du futur dans les domaines de l'énergie, du transport et de l'environnement, et de favoriser leur transfert vers les filières industrielles associées, sources d’emploi et de développement durable. La formation, notamment par le biais d’IFP School, et la production de documentation figurent également parmi les activités de l’établissement. L’organisme, placé sous la double tutelle du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, et du ministère de l’économie et des finances, relève exclusivement du programme 190, consacré à la recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de l’aménagement durables. Il est membre fondateur de l’Alliance nationale de coordination de la recherche pour l’énergie (Ancre). Il dispose de 1 663 emplois. IFPEN a fait l’objet d’une évaluation assez positive par l’HCERES, dont les conclusions ont été rendues en mars 2015.

IFPEN est lié à l'État par un contrat d’objectifs et de performance couvrant la période 2011-2015 et qui se traduit par des programmes de recherche et de développement structurés autour de cinq priorités stratégiques :

– énergies renouvelables (biocarburants, énergies marines) ;

– production éco-responsable (captage et stockage du CO2, traitement des eaux de production pétrolière) ;

– transports innovants (motorisations thermiques, hybrides et électriques) ;

– procédés éco-efficients (amélioration des procédés de raffinage, carburants de synthèse) ;

– ressources durables (technologies innovantes d’exploration et de production des hydrocarbures).

Les discussions du nouveau contrat d’objectifs et de performance 2016-2020 devront prendre en compte le contexte de forte diminution de la subvention d’État et des incertitudes sur l’activité du groupe dans la conjoncture d’un prix du baril de brut extrêmement bas.

IFPEN a défini en 2013 un plan moyen long terme à échéance 2025, porteur d’une ambition au service de la transition énergétique fondée sur un mix équilibré entre activités hydrocarbures et nouvelles technologies environnementales (NTE) (38).

Sur le plan budgétaire, la situation d’IFPEN demeure préoccupante. Le budget initial pour 2015 était prévu à hauteur de 297,05 M€ dont 144,60 M€ de ressources propres et 139,61 M€ de subvention brute pour charges de service public (– 1,15 M€ soit – 0,4% par rapport à 2014). Il faisait apparaître une perte prévisionnelle de 6 M€. Or, compte tenu des efforts réalisés pour poursuivre la politique d’économies et l’augmentation des ressources propres d’IFPEN, ce déficit d’exploitation devrait s’élever en réalité à 3,9 M€. Cela n’en témoigne pas moins de la dégradation continue des finances d’IFPEN (perte de 9,3 M€ en 2011, de 1,7 M€ en 2012 (39) et de 6 M€ en 2014).

Pourtant, IFPEN a engagé plusieurs mesures d’économies depuis 2010 en réduisant ses dépenses de personnel et de fonctionnement de 14 M€ et son programme d’investissement de 8,5 M€, en stoppant certains programmes de R & D à haut risque et en réduisant fortement ses effectifs (150 emplois disparus depuis 2010, soit – 12 % des effectifs). Le dernier plan d’économies de 10 M€ de mars 2015 poursuit ces efforts mais les marges de manœuvres se tarissent inéluctablement.

Parallèlement, les ressources propres d’IFPEN (40), qui représentent 54 % du budget en 2015, et qui concernent essentiellement le secteur mature pétrolier ou parapétrolier, ne parviennent plus à compenser la diminution de dotation, à cause du ralentissement de l’activité économique et d’une concurrence accrue auxquels s’ajoute un prix du pétrole extrêmement bas depuis plusieurs mois. Dans ce contexte économique plus difficile, la contribution globale des filiales n’a pu être maintenue que grâce à une forte augmentation du taux de prélèvement sur leur résultat, obérant d’autant leurs moyens pour se développer.

Il est donc primordial qu’IFPEN s’efforce d’augmenter ses recettes issues des appels à projets de l’ANR, de l’Union Européenne (Horizon 2020 et ERC), de l’ADEME... Mais la marge d’augmentation supplémentaire reste faible au regard de la concurrence de plus en plus forte pour les appels à projets européens (41) et de l’attractivité moindre des appels à projets de l’ANR cumulée à la faible prise en charge des coûts indirects liés aux projets retenus.

La situation ne s’améliore pas dans le PLF pour 2016 : la subvention pour charge de service public s’élève à 130,86 M€, en recul de 8,74 M€ (- 6,27 %) par rapport à 2015, ce qui conduit l’institut à prévoir un budget pour 2015 d’ores et déjà en déficit. Surtout, cette tendance s’inscrit dans la durée puisque sur la période 2002-2013, l’institut a connu une baisse de 65 M€ de la dotation de l’État en euros courants, soit – 45 % en euros constants. De manière générale, compte tenu de la conjoncture économique actuelle, la croissance des moyens d’IFPEN est suspendue jusqu’en 2017 inclus.

Votre rapporteur tient à saluer les efforts de bonne gestion d’IFPEN, mais s’alarme de l’obligation à laquelle il a dû faire face de réduire ses programmes de recherche, ce qui tend à compromettre la réalisation de sa mission d’intérêt général. La recherche fondamentale, en particulier sur les nouvelles technologies de l’énergie (50 % du budget de R&I), a été particulièrement touchée en 2014 et 2015 (sauf le programme transport), et cela risque à l’avenir de réduire la performance de l’organisme en termes de dépôt de brevets (42) et d’innovations de rupture. De la même façon, l’institut craint de ne pouvoir soutenir autant qu’avant la compétitivité et l’emploi en France (43). Les nombreux partenariats stratégiques qu’IFPEN noue avec les milieux académique ou industriel, la création de filiales ou l’accompagnement technologique et le soutien à l’effort d’innovation dans les PME/ETI (44), la formation en relation avec les industriels aux métiers « verts » de demain, sont autant d’atouts que l’État devrait soutenir, en particulier dans le contexte actuel de la transition énergétique.

Votre rapporteur réaffirme la nécessité que la dotation d’IFP-Énergies nouvelles cesse de diminuer, afin que cet organisme ne soit pas contraint à remettre en cause les projets de recherche sur les énergies renouvelables pourtant indispensables à la transition énergétique, ou à licencier des chercheurs. Rappelons qu’IFPEN est l’organisme de recherche qui subit la plus forte diminution de sa dotation depuis 10 ans (- 22 %). Une application du taux réduit de mise en réserve, à l’instar des autres organismes de recherche ainsi qu’un arrêt des annulations de crédits et surgels en cours d’exercice pourraient aider IFPEN à équilibrer ses budgets futurs.

La France dispose d’une excellente recherche fondamentale, mais peine à traduire ses résultats en applications industrielles. Le très faible développement, au sein des universités et des laboratoires, de structures dédiées à la valorisation des travaux des chercheurs a conduit les gouvernements successifs à créer des structures extérieures dédiées à cette valorisation de la recherche publique et à son transfert vers les entreprises. Ce sont, par exemple, les incubateurs publics de la loi du 12 juillet 1999 sur l’innovation et la recherche dite loi Allègre, les dispositifs mutualisés de transferts de technologie (DMTT) créés par la loi de programme pour la recherche du 18 avril 2006, ou plus récemment les sociétés d’accélération du transfert de technologie (SATT) qui en sont les héritières, dans le cadre du programme des investissements d’avenir (PIA) créé par la loi de finances rectificative du 9 mars 2010.

Une SATT est une société par actions simplifiées (droit privé mais à l’actionnariat strictement public) créée par un ou plusieurs établissements de recherche publique et chargée d’assurer l’interface entre les laboratoires publics et les entreprises.

Selon la convention État-ANR du 29 juillet 2010, les SATT « ont vocation à regrouper l’ensemble des équipes de valorisation de sites universitaires et à mettre fin au morcellement des structures pour améliorer significativement l’efficacité du transfert de technologies et la valeur économique crée. Elles devront conduire à une plus forte professionnalisation de la valorisation de la rechercher et renforcer les compétences. ». Il s’agit ainsi de rationaliser les structures de valorisation sur les sites universitaires en proposant un guichet unique de site, plus efficace et plus visible pour les chercheurs et pour les entreprises, et de disposer d’une taille critique pour professionnaliser les compétences. La SATT répond ainsi d’abord à une logique régionale de valorisation de la recherche publique, en priorité au profit des PME.

Les SATT ont une double mission :

– une activité principale consacrée au financement des phases de maturation des inventions et de preuve de concept ; cela consiste à traduire les découvertes et compétences de la recherche publique en application pour l’économie et en fin de maturation, à participer, le cas échéant, à l’incubation et à la création de start-ups. La phase de maturation permet de sécuriser l’opération de transfert en finalisant les points techniques (faisabilité, preuve de concept, prototypage…), juridiques (réglementation, normes…) et commerciaux (caractérisation de l’offre, du modèle économique, détection des marchés…) ;

– une deuxième activité consacrée à la prestation de services de valorisation auprès des acteurs locaux de la recherche et développement. Cela concerne la détection et la protection de la propriété intellectuelle (gestion des brevets et licences, sensibilisation des chercheurs, formation…) ou la gestion de contrats de recherche (négociation, montage de partenariats de recherche industrielle…).

Les SATT sont financées par le « fonds national de valorisation » doté de 950 M€ de dotations consommables :

– 856 M€ pour les SATT, somme sans équivalent dans le monde pour un dispositif de maturation ;

– 50 M€ pour les consortiums de valorisation thématique (CVT) (45) adossés aux alliances de recherche et 50 M€ pour France Brevets (46).

Chaque SATT est dotée au départ d’un capital de 1 M€, dont l’État apporte 33 % par le biais de la Caisse des dépôts et consignations, les 67 % restants étant répartis entre les établissements publics de recherche en région ou leurs structures porteuses (COMUE) et les grands organismes de recherche.

À la dotation en capital de départ s’ajoutent des dotations ultérieures en compte courant (de 30 M€ à 70 M €), versées sur 10 ans, dont le montant est calculé en fonction du potentiel de recherche du territoire sur lequel la SATT est implantée, et du succès des brevets déposés. Tous les trois ans, une nouvelle tranche est versée, conditionnée par des étapes d’évaluation de la performance.

À ce jour, 14 SATT sont effectivement créées et en activité sur l’ensemble du territoire (47). Elles sont réunies en association – le Réseau SATT – depuis avril 2014, afin d’inscrire visiblement le modèle SATT dans l’écosystème de l’innovation français et européen et de développer les synergies entre elles pour une meilleure efficacité des processus de transfert et de valorisation.

Les SATT se sont rapidement développées puisqu’au 30 juin 2015, elles emploient collectivement 470 professionnels spécialisés en propriété intellectuelle, en ingénierie de projets technologiques, en droit, marketing et développement commercial chaque SATT emploie quelques dizaines de salariés permanents – et font état de 4 500 projets innovants détectés et analysés, de 932 brevets prioritaires déposés, de 770 investissements sur des projets de maturation, de 248 licences d’exploitation signées avec des entreprises et de 77 start-up créées (48). La tendance est d’ailleurs à l’accélération des résultats du fait de la montée en puissance des dernières SATT.

Surtout, en tant qu’interlocuteur unique, elles ont simplifié le paysage de la valorisation : la plupart des universités et certains organismes de recherche, des Labex et des Equipex, ont confié l’exclusivité de la valorisation des résultats issus de leurs recherches et l’exclusivité de leur transfert de technologie aux SATT, qui par ailleurs participent à des collaborations et des partenariats avec les incubateurs (voire les ont intégré à leur structure comme pour les SATT Pulsalys ou Gift), les instituts hospitalo-universitaires (IHU), les consortiums de valorisation thématique (CVT), les IRT et les ITE et les instituts Carnot pour des prestations de services, des actions de valorisation, des investissements en commun ou la localisation de moyens scientifiques.

Les avantages des SATT se situent incontestablement dans leurs moyens financiers importants, leur compétence désormais reconnue, leur proximité de terrain avec les acteurs locaux et leur multidisciplinarité.

Au vu de ces résultats encourageants, l’évaluation triennale positive menée fin 2014 à la demande de l’ANR, de la vague A des SATT (les cinq premières créées en janvier 2012 : Conectus, Sud-Est, Idf-Innov, Lutech et Toulouse Tech Transfert) a conclu que les SATT étaient toutes en mesure de réaliser leur activité cœur de métier avec le niveau de professionnalisme attendu, à savoir la maturation technologique des résultats de la recherche publique. Cela s’est traduit par l’attribution de 104 M€ de dotations nouvelles par le Gouvernement. Il faut cependant rester vigilant sur la capacité des SATT à monter en compétence sur les thématiques prioritaires de chacune tout en limitant les dépenses de masse salariale.

Une seconde tranche de financement devrait très prochainement être accordée également aux quatre SATT de la vague B (créées en juin 2012) qui ont fait l’objet d’une évaluation globalement positive au premier semestre 2015, après trois ans d’activité (AxLR, Nord, Ouest Valorisation et Aquitaine Sciences Transfert). Le ministère de la recherche (DGRI) a recommandé à ces quatre SATT de concentrer désormais leurs efforts sur le développement d’affaires (trouver des applications et des marchés solvables pour les technologies maturées) et la génération de recettes. Les dernières SATT (vague C créées en 2013-2014 : Grand Centre, Grand Est, Pulsalys, Paris-Saclay et Gift) feront de même l’objet d’une évaluation au terme de trois ans d’activité, et qui devrait s’attacher davantage aux résultats en matière de transfert.

Un rapport remis à Bercy en septembre 2015 par trois inspections (IGF, CGEIET et CGEDD) sur la revue de dépenses relatives aux aides à l’innovation prévu par la loi de programmation des finances publiques du 29 décembre 2014 s’interroge sur l’efficacité de certains moyens de soutiens à l’innovation, comme la création par le PIA de nouveaux acteurs de transfert de technologie tels que les SATT, IRT ou ITE, qui viennent s’intégrer dans un paysage où il existe beaucoup d’autres dispositifs de ce type, et pour des montants conséquents, compris entre 880 M€ et 2 Md€. En effet :

D’un point de vue fonctionnel, les SATT ont vocation à mutualiser et simplifier le paysage de la valorisation en constituant un « guichet unique ». Or d’autres dispositifs de valorisation et de transfert persistent, tels que les services des activités industrielles et commerciales (SAIC) des universités, les structures d’accompagnement à la création d’entreprises des écoles d’ingénieurs, les services ou filiales de valorisation des organismes de recherche, les 30 incubateurs (activité création de start-ups) publics Allègre, les 6 CVT, France Brevets, les centres de ressources technologiques (CRT) et les plateformes technologiques (PFT) (49), les 5 plateformes régionales de transfert technologique (PRTT) du CEA, les 8 instituts de recherche technologique (IRT) et les 12 instituts pour la transition énergétique (ITE), qui intègrent systématiquement une activité de valorisation (50), les 33 instituts Carnot (recherche partenariale avec les entreprises), i-Lab (soutien à la création d’entreprises innovantes) et technopoles. Tout cela crée une confusion néfaste pour les entreprises désirant bénéficier des innovations des laboratoires, sans compter les interrogations sur l’efficacité du dispositif puisque certains grands organismes de recherche refusent d’être actionnaire ou même simple partenaire des SATT, à l’instar d’IFPEN.

D’un point de vue territorial, les SATT s’insèrent dans un territoire sur lequel peuvent déjà exister des pôles compétitivité (51) ou d’autres dispositifs à vocation territoriale comme les i-sites (Initiatives Science – Innovation – Territoires – Économie) (52) ou les 29 pôles étudiants pour l’innovation le transfert et l’entreprenariat (PEPITE) (53). Concernant les pôles de compétitivité, le risque de redondance d’activités devient plus fort au regard de leur phase 3.0 davantage tournée vers le marché. Les SATT devront en outre prendre en compte davantage les régions qui voient leur rôle économique renforcé avec la réforme territoriale, et qui agissent déjà historiquement en matière de valorisation par le financement des DMTT et d’incubateurs ou de fonds régionaux de maturation.

Il est donc indispensable de définir voire de redéfinir les articulations entre les différents outils pour que le foisonnement de dispositifs destiné à couvrir tous les modes de valorisation ne devienne pas complètement illisible pour les acteurs – que ce soit les chercheurs ou les entreprises – et nuise à l’efficacité globale de la chaîne de valorisation française.

Les SATT rencontrent toujours un problème d’adhésion des partenaires lié au « modèle unique imposé » ayant vocation à remplacer les différentes structures existantes (statut de SAS, répartition de l’actionnariat, modalités de gouvernance, modèle économique avec maturation et retours des revenus de licence des inventions maturées). Les difficultés proviennent essentiellement des grands organismes de recherche, qui possèdent en général déjà un service ou une filiale de valorisation. De fait, le CNRS est actionnaire de l’ensemble des SATT, l’INSERM est actionnaire de 7 SATT et partenaire de celles dans lesquelles est impliquée une de ses UMR, l’INRA est partenaire de cinq SATT mais d’autres partenariats sont à venir, le CEA et l’INRIA sont actionnaires des SATT dérogatoires Gift et Paris-Saclay (54) et entretiennent des relations avec quelques autres, le CNES est partenaire uniquement de la SATT Toulouse Tech Transfert et IFPEN est resté en dehors du dispositif.

Outre l’évocation pure et simple d’une redondance avec des dispositifs internes existants (IFPEN, CEA), c’est principalement l’obligation de transférer l’exclusivité de la gestion de la propriété intellectuelle à la SATT qui cristallise tous les griefs, surtout quand cette gestion représente une part importante du chiffre d’affaires de la filiale de valorisation de l’organisme. La Cour des Comptes, la Mission d’évaluation et de contrôle de l’Assemblée nationale (55) et les organismes eux-mêmes relèvent que cette obligation d’exclusivité serait de nature à compromettre le modèle de valorisation et le devenir des innovations aux niveaux national et international dans un contexte de compétitivité mondiale intense, voire leur pérennité économique.

Une autre critique provient de la difficulté à articuler une vision locale et multidisciplinaire de la valorisation des travaux de recherche portée par les SATT et une vision nationale et disciplinaire portée par les établissements de recherche. La dimension locale tendrait même à s’amplifier avec la loi Notre du 7 août 2015 qui autorise la région à devenir actionnaire à part entière des SATT (et non plus seulement observateur au conseil d’administration), redonnant ainsi aux régions leur place historique de financeur de la valorisation de la recherche.

Face à ces difficultés, la plupart des organismes ont choisi d’organiser leurs relations avec les SATT au cas par cas, par le biais de conventions bilatérales, prévoyant un partenariat plutôt qu’un actionnariat réel, et selon divers critères. Les critères déterminant le type de fonctionnement entre la SATT et l’organisme ou le laboratoire sont de nature diverse : enjeux régional, national ou international ; rapidité d’action ; domaine de recherche ; nombre d’acteurs ; projets du même type déjà gérés par la structure interne ; importance du portefeuille de propriété intellectuelle ; expérience ou réalisations existantes ; expertise ou compétences.

Pour certains, la complémentarité doit être l’axe de travail à privilégier entre les structures de valorisation et de maturation existantes. Par exemple, en matière de propriété intellectuelle, la gestion des dépôts de brevets serait prise en charge par la SATT mais les organismes devraient rester partie prenante de la démarche de protection des inventions pour s’assurer avec la SATT de l’opportunité d’un dépôt de brevet et formaliser, le cas échéant, la prise en charge du dépôt par la SATT (accord de copropriété à établir entre les établissements co-inventeurs, accord de licence entre les établissements copropriétaires et la SATT pour transférer la valorisation à la SATT). Cependant, il faut rester attentif à ne pas créer, de nouveau, de complexité inutile ou de délais supplémentaires avant la protection des innovations, en faisant appel à l’intervenant supplémentaire qu’est la SATT.

C’est pourquoi l’application du principe de subsidiarité, in fine, trouve davantage son sens. Un dialogue doit ainsi s’établir, dans les cas où la filiale de valorisation de l’organisme est susceptible d’assurer la valorisation (identification des entreprises susceptibles de demander une licence et négociation de la licence), pour décider de l’équipe la mieux placée pour valoriser (SATT ou filiale de valorisation). Les accords s’inscrivent toujours dans une logique de gagnant-gagnant ou de bénéfice général pour l’écosystème ou pour l’invention valorisée.

Ainsi, le CNRS, en tant qu’actionnaire des 14 SATT, a choisi de s’appuyer totalement sur les SATT pour la valorisation. Cependant, les SATT peuvent confier la commercialisation de certaines technologies à la filiale nationale FIST SA (56), dès lors qu’il est signalé en amont d’un investissement en maturation, que les technologies s’insèrent dans un domaine pour lequel le CNRS dispose déjà d’un portefeuille de propriété intellectuelle conséquent. L’INSERM quant à lui, négocie des conventions avec les SATT au cas par cas, en fonction des enjeux que représente le territoire d’une SATT en matière de santé et la présence de sa filiale INSERM Transfert sur le territoire en question.

Le ministère peut intervenir pour dénouer des points de blocage entre une SATT et un organisme actionnaire. Des assouplissements à la règle de guichet unique sont possibles dès lors qu’une volonté est affichée par l’ensemble des actionnaires en ce sens et que cela ne remet pas en cause le principe d’exclusivité de valorisation par une SATT lorsque celle-ci a investi en maturation sur une technologie.

Cette adaptation au cas par cas – qui a le mérite de permettre aux acteurs de la valorisation de fonctionner ensemble – induit une grande hétérogénéité des SATT, visible par la diversité des activités et des modes de fonctionnement (palette des méthodes de valorisation très large, métiers très différents, thématiques variables). Cela devient une source de complexité pour les partenaires, surtout lorsqu’ils sont effectivement partenaires de plusieurs SATT à l’instar des organismes nationaux de recherche (57). On peut citer :

– le périmètre d’activités pas toujours bien déterminé : par exemple, certaines SATT comme Pulsalys à Lyon-Saint-Etienne ou Gift à Grenoble gèrent directement l’incubation des sociétés nouvellement créées en ayant intégré l’ensemble des incubateurs présents sur leur périmètre, mais la situation est variable d’une région à l’autre : les régions Languedoc-Roussillon et Aquitaine ont proposé d’intégrer les incubateurs dans la SATT tandis que la région Ile-de-France se refuse à toute fusion ;

– les prestations proposées qui diffèrent d’une SATT à l’autre : la SATT Conectus s’occupe de la gestion des contrats alors que ce n’est pas le cas pour Lutech ou Idf Innov, les établissements partenaires considérant que cette activité est trop liée à leur stratégie scientifique ;

– le principe général de financement similaire partout mais le mode de répartition des revenus des transferts entre la SATT et les partenaires tous différents.

En outre, peut se poser la question de la cohérence du dispositif des SATT si les 14 SATT fonctionnent toutes différemment. La création du « Réseau SATT », l’association des SATT en avril 2014 donne cette opportunité d’harmonisation du maillage territorial des SATT par l’échange de bonnes pratiques, la coordination des actions avec les CVT et France Brevets sans oublier les actions communes, la communication et la visibilité accrue du réseau. Cela permettrait aussi, à terme, la mise en perspective nationale et internationale sur le développement de certaines innovations, dimension fondamentale pour la compétitivité. Néanmoins, des divergences restent intrinsèques aux SATT et à leur écosystème local.

Selon la convention État-ANR du 29 juillet 2010, « le fonds national de valorisation interviendra pour une durée limitée à dix ans, afin de permettre l’émergence de SATT de haut niveau sur un nombre limité de sites, en mesure de s’autofinancer avant le terme du programme ». Autrement dit, les SATT doivent être totalement financées par le marché d’ici 10 ans, et même, doivent pouvoir rapporter des dividendes à l’État actionnaire. Concrètement, la SATT doit tirer ses revenus de la vente de prestations et d’une partie des revenus de licence générés par ses activités dont notamment son activité de maturation.

La Cour des comptes, de même que l’ensemble des acteurs de la recherche s’accordent pour considérer cet objectif comme irréalisable, quelle que soit la durée de vie de la structure. Les structures de valorisation équivalentes au Royaume-Uni (Imperial College), en Allemagne ou aux États-Unis ne sont d’ailleurs pas parvenues à devenir autonomes financièrement. Les structures de valorisation du CEA, de l’INRA ou d’INRIA, qui existent pourtant depuis des dizaines d’années, ne sont toujours pas « rentables » mais parviennent néanmoins complètement à remplir leur mission. De plus, le risque de non maîtrise des dépenses, notamment de masse salariale, compte tenu du rythme de développement attendu, est de nature à compromettre encore davantage l’objectif de rentabilité.

En outre, afin de remplir cet objectif d’autofinancement, les SATT pourraient avoir tendance à se focaliser vers les activités « rentables » financièrement comme la gestion de licences ou de brevets, au détriment parfois de leurs autres activités davantage en relation avec leur mission de développement de l’écosystème d’innovation territorial, comme la maturation ou l’accompagnement des entreprises. Cela peut également aboutir à un refus de déposer un brevet jugé pas assez rentable, ce qui constitue un frein pour la protection et la valorisation des innovations de rupture ou très en amont, dont la nature n’est souvent pas identifiable au moment de l’invention. Autrement dit, les SATT ne doivent pas céder à la tentation de la non-prise de risque, celle-ci étant par essence le corolaire des innovations majeures ou de rupture. Enfin, cela peut aussi engendrer une concurrence entre structures, les SATT devant chercher à tout prix à se financer et donc à s’accaparer certains projets que d’autres structures internes à des organismes par exemple, seraient plus à même de valoriser. Alors que la subsidiarité ou la complémentarité tend à être le moyen de coordination entre structures de valorisation le plus pragmatique et appliqué dans les faits, cette concurrence potentielle risque de remettre en cause cet équilibre déjà fragile. En conclusion, les actionnaires des SATT devront prioriser des objectifs, en bonne intelligence et stratégie collective, y compris en recherchant l’avis des entreprises des marchés actuels et futurs.

Une opportunité pour le financement à terme est peut-être à regarder du côté des régions. Comme elles peuvent désormais devenir actionnaire des SATT (la région Alsace a donné l’exemple en devenant actionnaire de la SATT Conectus, le Languedoc-Roussillon devrait en faire de même avec la SATT AxLR), elles pourraient, dès lors, apporter de nouvelles capacités d’investissements aux SATT (fonds de maturation), orienter les investissements et assurer ainsi le relais de l’État au-delà des 10 ans.

La première proposition de la plupart des organismes de recherche et reprise dans le rapport de la MEC de l’AN du 18 mars 2015, consiste à recentrer les SATT sur l’activité de maturation. En effet, les SATT ont tendance à agir sur un spectre très large d’activités essentiellement de prestation de valorisation occultant ainsi le véritable problème de la transformation d’une invention en innovation commercialisable. En recentrant l’activité, la maturation technologique serait systématiquement confiée à la SATT tandis que le transfert de technologie serait réalisé par la filiale de l’organisme.

L’INRIA propose aussi, au moyen d’un pilotage national, une spécialisation par SATT sur quelques activités comme la création d’entreprises ou l’intervention sur des domaines technologiques spécifiques et pas forcément dans tous les domaines thématiques.

Enfin, en prévision de l’entrée de la région au capital des SATT, il serait possible de renforcer la dimension régionale des SATT en privilégiant les innovations incrémentales susceptibles de valorisation régionale et relativement court-termes. Les organismes nationaux de recherche auraient, en conséquence, la responsabilité du développement et de la valorisation des innovations à vocation nationales et mondiales ou de rupture.

S’agissant de la problématique de l’exclusivité de la valorisation, dans un souci d’efficacité opérationnelle, il pourrait être envisagé que ce n’est pas nécessairement la SATT qui valorisera, et que la SATT aura seulement par défaut la responsabilité de choisir la solution la plus efficace pour réaliser la valorisation. D’autres aimeraient pouvoir reprendre ou garder sa propriété intellectuelle en copropriété avec un tiers.

Les retours sur investissement doivent également être entendus plus largement, en termes macro-économiques d’impact sur le développement économique territorial et national, et non seulement en termes de la rentabilité.

Enfin, il faudrait faire évoluer la méthode de valorisation. En effet, le brevet n’est plus aujourd’hui la seule voie de valorisation, en particulier dans le secteur du numérique, où c’est la vitesse de passage au marché qui est un facteur clé déterminant, bien plus que la protection intellectuelle elle-même.

Les conclusions des évaluations et celles de la MEC de l’AN dans son rapport de mars 2015 n’ont pas conduit à remettre en cause le modèle des SATT. Cependant, elles font ressortir qu’il est nécessaire d’obtenir une meilleure articulation entre les SATT et les organismes de recherche, avec plus de flexibilité dans le fonctionnement de cette articulation. Un travail est en cours entre le « Réseau SATT » et les organismes pour bien identifier les difficultés et trouver des solutions. Le ministère, dans son rôle de pilotage des dispositifs de valorisation, accompagne cette démarche.

L’INSERM ou l’INRA par exemple proposent de définir des domaines ou axes stratégiques d’innovation de portée et de gestion nationale par les grands organismes de recherche, mais dont les projets pourraient accéder au financement de la maturation technologique des SATT. En dehors de ces domaines, les SATT bénéficieraient de l’exclusivité de transfert de technologie et de maturation dans l’optique de soutenir le développement économique régional et en application du principe de subsidiarité.

Derrière l’objectif d’équilibre financier des SATT se pose la question de la réelle finalité des SATT et plus largement de l’intérêt général. Est-ce la rentabilité directe de court-terme ou les bons résultats macro-économiques – innovation et compétitivité des entreprises favorable à l’écosystème sur le long terme – qui importe ?

Actuellement, dans le processus d’évaluation des SATT, l’objectif « d’équilibre économique » de la SATT est très important. Or il serait judicieux que les indicateurs de performance des SATT appliqués lors des évaluations triennales tiennent davantage compte de l’impact économique de la SATT sur les PME et ETI de son bassin d’implantation, notamment le succès en matière de maturation ou la création d’emplois directs ou indirects, plutôt que la réalisation de profits qui proviennent pour beaucoup de portefeuilles de brevets monnayables mais pas forcément locaux.

En conclusion, le dispositif des SATT – bien qu’encore en phase de montée en puissance – a montré qu’il était capable de remplir sa mission, et les premiers résultats positifs de l’évaluation triennale ont conduit le Gouvernement à poursuivre les financements. Cependant, si le modèle SATT a fait ses preuves pour les universités, pour la mutualisation et la simplification des structures de valorisation et de maturation au niveau régional, il n’a pas assez pris en compte les dispositifs existants, et en particulier des filiales de valorisation des organismes de recherche. Si les acteurs n’articulent pas mieux l’ensemble, des choix devront être faits. Comme le dispositif est encore jeune – les dernières SATT n’ayant qu’un an d’existence – on ne pourra vraiment tirer les conséquences qu’après 4 ou 5 ans de fonctionnement et une évaluation rigoureuse, à la hauteur des 856 M€ consentis par la nation. Surtout, l’expérience montre qu’à terme, des fonds publics seront toujours nécessaires ; mais dans le contexte général de réduction des dépenses publiques, cumulé avec la multiplication des structures de valorisation de la recherche publique, un choix devra être fait par le Gouvernement sur celles qu’il estime les plus à même de remplir la mission. C’est pourquoi, au vu de tous les éléments décrits précédemment, votre rapporteur propose la création d’une mission d’information sur l’avenir des SATT.

EXAMEN EN COMMISSION

Dans le cadre de la commission élargie du 21 octobre 2015, la commission des affaires économiques a examiné pour avis, sur le rapport de M. Franck Reynier (Grands organismes de recherche), les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » (voir le compte rendu officiel de la commission élargie du 21 octobre 2015, sur le site internet de l’Assemblée nationale (58).

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À l’issue de la commission élargie, la commission des affaires économiques a délibéré sur les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

Contrairement à l’avis défavorable de M. Franck Reynier, la Commission a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » pour 2016.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Agence nationale de la recherche (ANR)

M. Michael Matlosz, président-directeur général

Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA)*

M. Daniel Verwaerde, administrateur général

M. Christophe Gegout, directeur financier et administrateur général adjoint

M. Jean-Pierre Vigouroux, chef du service des affaires publiques

Centre national de la recherche scientifique (CNRS)

Philippe Baptiste, directeur général délégué à la science

M. Jean-Marc Oléron, directeur de la direction de la stratégie financière, de l’immobilier et de la modernisation de la gestion

Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM)

M. Yves Lévy, président-directeur général

M. Arnaud Benedetti, directeur de la communication

Centre national d’études spatiales (CNES)*

M. Jean-Yves Le Gall, président

M. Pierre Tréfouret, directeur de cabinet du président

M. Antoine Seillan, directeur financier

M. Thierry Duquesne, directeur de la prospective, de la stratégie, des programmes, de la valorisation et des relations internationales

M. Guillaume de Blanchard, chargé des relations avec les Parlements français et européen

IFP-Énergies nouvelles (IFP-EN)

M. Didier Houssin, président

M. Georges Picard, directeur général adjoint

Institut national de recherche agronomique (INRA)*

M. François Houllier, président

M. Claude Ronceray, directeur général délégué chargé de l’appui à la recherche

M. Philippe Jarraud, directeur du financement et de l’administration générale

M. Antoine Momot, chef du cabinet du président

Institut national de la recherche en informatique et en automatique (INRIA)

M. Antoine Petit, président-directeur général

Association des Sociétés d’accélération du transfert de technologies (SATT)

M. Norbert Benamou, président de la SATT Nord et de l’Association des SATT

Mme Céline Clausener, directrice des relations extérieures de la SATT IDF INNOV et secrétaire déléguée du réseau SATT

M. Pierre Dufresne, président de la SATT Toulouse Tech Transfer

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

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