N° 3113 tome I - Avis de M. Philippe Baumel sur le projet de loi de finances pour 2016 (n°3096)



N
° 3113

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 octobre 2015

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
SUR LE PROJET DE
loi de finances pour 2016 (n° 3096),

TOME I

ACTION EXTÉRIEURE DE L’ÉTAT

Action de la France en Europe et dans le monde ;

Français à l’étranger et affaires consulaires

PAR M. Philippe BAUMEL

Député

——

Voir le numéro 3110

SOMMAIRE

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Pages

I. L’ÉVOLUTION GLOBALE DU BUDGET DU MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU DÉVELOPPEMENT INTERNATIONAL 7

II. LA DIPLOMATIE GÉNÉRALE 9

A. UN EFFET-CHANGE DÉFAVORABLE 9

1. Un impact massif sur le montant des contributions internationales 9

2. Les moyens de fonctionnement des ambassades 11

B. UNE PRIORITÉ RENFORCÉE À LA SÉCURITÉ 11

C. UNE POLITIQUE IMMOBILIÈRE ACTIVE, FINANCÉE PAR LES CESSIONS OPÉRÉES 13

1. Les crédits budgétaires : une rebudgétisation progressive des dépenses d’entretien 13

2. Un programme considérable de cessions de biens 14

3. Une gouvernance partagée 15

4. Une politique active d’acquisitions et de relocalisations 16

5. La poursuite de la politique de colocalisation, en particulier avec l’Allemagne 17

D. LA CONTRIBUTION DU MINISTÈRE À LA MAÎTRISE DES DÉPENSES PUBLIQUES 19

1. La réduction des plafonds d’emplois 19

2. Le maintien d’un réseau universel, mais des postes « reformatés » 19

a. Le maintien d’une présence importante dans des pays prioritaires 20

b. La multiplication des postes de présence diplomatique à format réduit 21

3. La réduction de la coopération de sécurité et de défense 22

E. LE CAS PARTICULIER DES COOPÉRATIONS RÉGALIENNES AVEC LA TUNISIE 22

1. La double crise sécuritaire et économique de la Tunisie 22

2. L’intensité des liens entre la France et la Tunisie 24

3. Une offre de coopération renforcée par la France et les autres pays occidentaux 25

a. La coopération de sécurité intérieure 25

b. La coopération judiciaire 26

c. La coopération de défense 26

III. LES ACTIVITÉS CONSULAIRES 29

A. UN RÉSEAU PUISSANT 29

B. DES MOYENS BUDGÉTAIRES EN LÉGÈRE BAISSE 30

C. LES FRANÇAIS DE L’ÉTRANGER 30

1. Une communauté qui continue à augmenter 30

2. Les redéploiements de crédits 30

3. La poursuite de l’application de la réforme des bourses 31

a. Une réforme visant à plus d’équité, mais aussi à la maîtrise budgétaire 32

b. Une gouvernance plus déconcentrée 32

c. Les premiers résultats : un dispositif plus progressif et un certain rééquilibrage géographique 33

d. La baisse des crédits en 2016 : une économie de constatation 34

D. LA GESTION DES VISAS 36

1. Une demande de visas toujours très dynamique 36

2. Une demande portée par les visas de visite 38

3. Des taux de refus qui restent hétérogènes 39

4. L’externalisation, réponse à la pression de la demande 40

5. Le développement des visas de circulation 41

6. Un exemple de gestion des visas : la Tunisie 42

a. Une gestion externalisée 42

b. La mobilité étudiante 44

IV. L’ORGANISATION DE LA CONFÉRENCE PARIS-CLIMAT 2015 47

TRAVAUX DE LA COMMISSION 49

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES RENCONTRÉES PAR LE RAPPORTEUR 53

Mesdames, Messieurs,

Les crédits de la mission « Action extérieure de l’État » proposés dans le projet de budget pour 2016 apparaissent en forte augmentation : ils s’accroîtraient, par rapport à la loi de finances initiale pour 2015, de plus de 240 millions d’euros, soit plus de 8 % de progression.

Dans le détail, on s’aperçoit vite que cette progression est concentrée sur deux postes de dépenses :

– une dépense ponctuelle, la Conférence Paris-climat 2015 (COP21), qui se tiendra en décembre de cette année et dont l’organisation, pour l’essentiel, sera réglée en 2016, d’où, en crédits de paiement, une augmentation de charge de près de 100 millions d’euros sur cet exercice ;

– les crédits destinés aux contributions que nous devons à diverses organisations internationales et pour le financement des opérations onusiennes de maintien de la paix, avec une enveloppe augmentée de près de 150 millions d’euros. Cette « rallonge » budgétaire vise seulement à couvrir l’effet-change défavorable consécutif à la dépréciation relative de l’euro depuis mi-2014, car une grande partie de ces contributions, obligatoires, doivent être versées en dollars, ou parfois en francs suisses.

On le voit, sans ces deux postes, les crédits de la mission « Action extérieure de l’État » seraient en légère baisse.

Or, le ministère des affaires étrangères et du développement international doit aussi augmenter d’autres dotations :

– nos ambassades hors de la zone euro subissent aussi l’effet-change, notamment sur leurs dépenses de fonctionnement courant – donc peu compressible –, ce qui oblige à adapter leurs moyens ;

– l’état du monde impose malheureusement la poursuite et l’amplification de la politique de sécurisation de nos postes à l’étranger et des communautés françaises qui y résident, qui reste donc une priorité budgétaire.

Dans ce contexte, le ministère devra aussi, en 2016, poursuivre et amplifier les actions qu’il a engagées, soit pour faire des économies, soit pour conduire ses politiques sans solliciter les crédits budgétaires : le financement des opérations immobilières à l’étranger à partir des produits des cessions de biens de même nature ; la réponse à la demande croissante de visas français par l’externalisation des taches matérielles de gestions de visas à des opérateurs privés rémunérés par les demandeurs…

Les économies budgétaires porteront notamment sur l’action culturelle et éducative (qui ne relève pas de la compétence de votre rapporteur), sur les bourses scolaires aux Français de l’étranger, dont la dotation budgétaire dépasse la dépense effective, et sur la coopération de sécurité et de défense.

Sur ce dernier point, votre rapporteur prend bien sûr en compte la contrainte budgétaire, mais n’en regrette pas moins la diminution d’une politique manifestement utile – et très sollicitée – dans le contexte international présent.

Votre rapporteur a pu en observer un point d’application intéressant dans un pays ami de la France où il s’est rendu pour la préparation du présent avis, la Tunisie.

Il n’est pas besoin de rappeler la remarquable transition démocratique qu’a su conduire ce pays, qui a été à juste titre saluée par l’attribution du prix Nobel de la paix aux quatre organisations issues de la société civile qui ont formé le « Dialogue national » fin 2013 pour résoudre la crise politique consécutive aux assassinats de MM. Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi et faciliter l’adoption de la nouvelle constitution. Un an après, les nouvelles institutions sont en place, mais le pays est confronté, suite aux deux terribles attentats qui ont frappé ses sites touristiques cette année, à un redoutable défi sécuritaire, doublé des grandes difficultés économiques qui résultent de l’effondrement de la fréquentation touristique.

La France a un devoir vis-à-vis de la Tunisie, et pas seulement à cause des liens du passé : nous restons de loin, non seulement le premier partenaire économique de la Tunisie, mais aussi son premier partenaire pour les échanges humains – communautés franco-tunisiennes, tunisienne en France et française en Tunisie ; échanges universitaires (mobilité étudiante) ; empreinte de la francophonie, qui reste particulièrement prégnante à Tunis ; flux de touristes français, du moins avant les attentats récents…

Comme l’a montré l’annonce le 5 octobre dernier d’un quadruplement de notre coopération militaire avec la Tunisie par le ministre Jean-Yves Le Drian, la France est bien présente aux côtés de ce pays. Les autres grands pays européens et les États-Unis le sont aussi, dans une complémentarité dont on sait qu’elle n’exclut pas une forme de concurrence. Il est donc déterminant que la réduction de certains de nos moyens budgétaires reste compatible avec le maintien d’une capacité à répondre, parfois en urgence, à des priorités pleinement légitimes, pour des raisons politiques aussi bien que sécuritaires.

 

LFI 2015

PLF 2016

2016/2015 en %

Mission Action extérieure de l'État

2957,5

3198,7

8,2

Mission hors programme Conférence « Paris climat 2015 »

2914

3059,4

5

Programme 105 : Action de la France en Europe et dans le monde, dont :

1791,8

1970,7

10

Crédits de rémunérations

604,6

590,7

- 2,3

Crédits hors rémunérations, dont :

1 187,2

1 380

16,2

– Contributions européennes et internationales

784,9

943,2

20,2

– Coopération de sécurité et de défense

29,5

24,9

- 15,6

– Coordination de l’action diplomatique (état-major, protocole)

22

32,1

45,8

– Soutien (administration centrale)

125,7

124,7

- 0,8

– Réseau diplomatique

224,1

254,2

13,5

Programme 185 : Diplomatie culturelle et d'influence

747,9

718,8

- 3,9

Programme 151 : Français à l’étranger et affaires consulaires, dont :

374,3

369,9

- 1,2

Crédits de rémunérations

218,2

222

1,7

Crédits hors rémunérations, dont :

156

147,9

- 5,2

– Bourses scolaires

125,5

115,5

- 8

– Action sociale

18,6

17,6

- 5,3

Programme 341 : Conférence « Paris Climat 2015 »

43,5

139,3

220,1

On constate donc une forte progression programmée en 2016 des crédits budgétaires de la mission « Action extérieure de l’État » dans son ensemble : + 8,2 %.

Cette évolution est d’abord due à un événement particulier, l’organisation de la Conférence Paris-climat 2015 (COP21), avec une charge budgétaire concentrée sur l’année 2016 (où auront lieu les paiements après la conférence qui se sera tenue en décembre 2015). Il s’agit naturellement d’une dépense ponctuelle.

Hors COP21, les crédits de la mission devraient cependant connaître aussi une progression substantielle entre les lois de finances pour 2015 et 2016 : + 145 millions d’euros, soit + 5 %.

Cette hausse est principalement une conséquence directe de la dépréciation relative de l’euro face au dollar et à d’autres devises depuis mi-2014, qui oblige à réévaluer les crédits destinés au paiement des contributions à diverses organisations internationales et pour le financement des opérations internationales de maintien de la paix. Ces contributions sont en effet dues en partie en devises (dollar ou franc suisse) et sont obligatoires, sauf à renier nos engagements internationaux.

L’augmentation prévue en 2016 de ces contributions, proche de 150 millions d’euros, équivaut à l’augmentation globale du budget de la mission « Action extérieure de l’État » hors COP21.

Il est à noter que l’effet-change défavorable dû à la dépréciation relative de l’euro pèse aussi sur les dépenses courantes de nos ambassades. Pour y faire face et aussi pour amplifier les actions de sécurisation de nos postes, les moyens affectés au réseau diplomatique (hors rémunérations) augmenteront de 30 millions d’euros en 2016 par rapport à 2015.

Par ailleurs, 12 millions supplémentaires seront inscrits (imputés sur les dépenses dites de protocole) au titre de la participation française au financement de deux grands événements internationaux en 2016 : le sommet de la francophonie à Tananarive et le sommet France-Afrique à Bamako.

Ces évolutions obligent à faire aussi des économies, qui porteront notamment sur la coopération de sécurité et de défense et sur la dotation des bourses scolaires, dont les crédits sont surévalués par rapport à la dépense effective.

Votre rapporteur ne peut que regretter la réduction d’actions très utiles, telles que les formations de cadres organisées au titre de la coopération de sécurité et de défense, qui sont un outil d’influence de la France et contribuent à la stabilité de pays amis, donc aussi à notre sécurité. Il est néanmoins conscient des contraintes budgétaires, les lignes de crédits « flexibles » n’étant pas si nombreuses dans le budget d’un ministère régalien dominé par les charges de personnel et cette dépense obligatoire que sont les contributions internationales.

Une part importante du budget du ministère des affaires étrangères est affectée au financement des contributions françaises aux différentes organisations internationales et européennes, ainsi qu’aux opérations de maintien de la paix de l’ONU. Ces contributions présentent pour la plupart un caractère obligatoire, compte tenu des engagements internationaux de la France : celle-ci doit financer les diverses organisations et opérations dont elle membre à due concurrence d’une quote-part prédéterminée.

Après une dépense totale au titre des contributions de moins de 756 millions d’euros en 2014 et des crédits fixés en loi de finances initiale à 785 millions pour 2015, les crédits proposés pour 2016 sont en très forte augmentation, à plus de 943 millions d’euros.

Comme on l’a dit, cette évolution rend principalement compte de l’effet-change défavorable subi depuis mi-2014. En effet, la majorité des contributions internationales doivent être versées en devises – dollars ou francs suisses, compte tenu de la localisation des sièges des différentes organisations.

Comme on peut le voir sur le tableau ci-après, les crédits affectés aux contributions européennes et aux contributions internationales en euros seront maîtrisés en 2016, avec une stabilité des premières et une baisse des secondes. Ce sont bien les contributions à payer en devises qui seront responsables du « dérapage » d’environ 150 millions d’euros.

Évolution des crédits affectés aux contributions internationales

(en millions d’euros)

 

Exécution 2014

LFI 2015

PLF 2016

Contributions européennes

38,5

38,6

38,6

Contributions internationales en euros

169,8

166,3

160,2

Contributions internationales en devises

197,9

211,5

238,4

Opérations de maintien de la paix

349,5

368,5

506

Total

755,7

784,9

943,2

En effet, le coût prévisionnel de ces contributions a été établi en utilisant les taux de change dits de budgétisation, soit un euro pour 1,10 dollar et 1,04 franc suisse, évidemment beaucoup moins favorables que ceux utilisés pour construire le budget de l’année 2015, qui étaient d’un euro pour 1,36 dollar et 1,22 franc suisse. L’application du nouveau taux de change euro/dollar entraîne ainsi une augmentation de près de 24 % du coût en euros des contributions libellées en dollars à valorisation constante dans cette devise – soit un effet mécanique de l’ordre de 140 millions d’euros sur l’ensemble de ces contributions.

Il est à noter que les taux de budgétisation choisis cette année apparaissent pour le moment réalistes, puisque, après des points bas atteints en début d’année 2015, l’euro est depuis lors quelque peu remonté face au dollar et au franc suisse : en cet automne 2015, il se maintient aux alentours d’un euro pour 1,12 dollar et 1,09 franc suisse.

Pour le reste, les montants de crédits programmés pour 2016 intègrent un certain nombre d’évolutions :

– la perspective de la révision des barèmes des quotes-parts onusiennes (budget ordinaire et budget des opérations de maintien de la paix) fin décembre 2015, qui verra une fois encore la quote-part française se réduire du fait du recul de notre poids économique relatif dans le monde. Le projet de budget est donc fondé sur une estimation des nouvelles quotes-parts (par exemple, 6,45 % au lieu de 7,21 % pour les opérations de maintien de la paix). L’économie résultant de cette révision est estimée à 30 millions d’euros ;

– une augmentation prévisible du budget de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) et de son Fonds de coopération technique, notamment dans l’optique de nouvelles tâches de vérification dans le cadre de l’accord sur le nucléaire iranien, qui conduit à une contribution française supplémentaire d’environ 4 millions d’euros ;

– les moyens nécessaires à l’achèvement de la construction des nouveaux locaux de la Cour pénale internationale (la France y contribuera en 2016 à hauteur de 431 000 euros) ;

– le financement de l’augmentation de 5 % de son budget décidée par la Commission de l’océan indien.

Afin de sécuriser le paiement des contributions aux organisations internationales et aux opérations de maintien de la paix au plus proche du taux de budgétisation fixé pour 2016, le ministère a procédé, dans le cadre de sa convention avec l’Agence France Trésor (AFT), à l’achat anticipé de 600 millions de dollars en juillet 2015.

Mais cette couverture n’est utilisable que lorsque le taux de change au moment où elle est envisagée est plus avantageux pour nos finances publiques que le taux dit de budgétisation, ce qui n’était pas le cas, on l’a dit, au cours de l’exercice 2015 pour le paiement des contributions dues pour cet exercice. Les crédits manquants cette année devront donc être abondés en loi de finances rectificative.

Des réflexions sont en cours sur les éventuels dispositifs qui permettraient de remédier à ce type de situations, par exemple par des ouvertures plus automatiques de crédits complémentaires en cas de besoin.

Plusieurs événements dramatiques nous ont rappelé récemment l’ampleur de l’enjeu sécuritaire concernant les postes diplomatiques et les établissements français à l’étranger, et plus généralement les Français qui voyagent ou résident à l’étranger : l’attentat contre notre ambassade à Tripoli (avril 2013) ; les évacuations de nos postes à Tripoli (juillet 2014) et Sanaa (février 2015) ; les attentats ou destructions visant des instituts français (à Gaza à deux reprises en décembre 2014, à Kaboul en décembre 2014, au Niger en janvier 2015) ; les attentats de cette année dans un pays tel que la Tunisie où vivent de nombreux compatriotes et qui est (ou était, malheureusement) une de leurs destinations touristiques préférées…

Les moyens consacrés à la sécurité diplomatique ont été fortement renforcés ces dernières années et le seront encore en 2016 : après une dépense de 33,3 millions d’euros, sur crédits budgétaires, en 2014, et l’ouverture de 42,7 millions d’euros de crédits en 2015, complétés à hauteur de 10 millions d’euros par le décret d’avance du 9 avril 2015, les moyens budgétaires afférents devraient être portés à 55,9 millions d’euros en 2016 (+ 30,8 % par rapport à la loi de finances pour 2015).

À ces moyens budgétaires se sont ajoutés et s’ajouteront chacune de ces années 10 millions d’euros prélevés sur les produits des cessions immobilières, pour financer des travaux importants de sécurisation des postes.

La « sécurité passive » est en effet le premier poste pour les dépenses de sécurité, avec près de 25 millions d’euros – en comptant les ressources provenant des cessions immobilières – dépensés en 2014, probablement 35 millions en 2015 et plus de 41 millions prévus pour 2016.

En 2014, des chantiers dont le montant est souvent important (parfois de l’ordre de 2 à 3 millions d’euros) ont ainsi pu être menés à bien en Algérie, au Burkina Faso, au Congo, en Estonie, en Indonésie, en Iran, au Liban, en Libye (avant la fermeture du poste), au Mali, en Mauritanie, au Niger, au Sénégal, au Tchad, en Tunisie… On voit que nos postes dans les pays du Sahel ont, pour des raisons malheureusement évidentes, été particulièrement concernés.

En 2015, outre la poursuite de certains chantiers lancés en 2014, des travaux ont été ou doivent être engagés dans nos locaux diplomatiques de Moscou, Sofia, Washington, Tachkent, Islamabad, Nairobi, Brazzaville, Alger, Erbil, Rangoon…

Les autres postes de dépenses sécuritaires couvrent notamment le gardiennage (11,6 millions d’euros prévus en 2016), les missions de renfort de policiers et de gendarmes (frais de voyage et de déménagement) et l’achat de véhicules blindés (4,8 millions d’euros prévus en 2016).

La question de la sécurité ne se pose pas seulement pour nos ambassades, consulats et résidences. Les attentats ayant frappé les instituts français et les menaces qui pèsent donc aussi sur le réseau culturel et scolaire ont conduit le ministère à consacrer un million d’euros en 2015 à la sécurisation de nos établissements culturels. Ces opérations s’avèrent délicates, la sécurisation d’une ambassade différant de celle d’un institut, établissement qui, par sa mission, se doit de demeurer ouvert sur l’extérieur et de continuer à pouvoir recevoir du public. Une partie des crédits est donc dédiée au contrat avec un bureau d’études spécialisé qui doit proposer les préconisations et les normes de sécurisation, préparer les marchés et assurer le suivi des travaux de sécurisation des instituts. Le ministère prend en outre en charge des dizaines de missions d’audits de sûreté des établissements scolaires à l’étranger assurées par des policiers et des gendarmes.

En Tunisie, où il s’est rendu, votre rapporteur a constaté l’implication de l’ambassade mais aussi du réseau culturel et éducatif sur les questions de sécurité. Des aménagements ont été effectués dans les établissements scolaires français, tout en essayant de garder un équilibre, un lycée ne pouvant pas être cadenassé comme une chancellerie diplomatique ! Plus généralement, la capacité de nos diplomates à être à l’écoute des inquiétudes des communautés françaises expatriées, tout en les mobilisant sur les questions de sécurité, apparaît très importante.

L’immobilier à l’étranger bénéficiera en 2016 d’une augmentation des crédits budgétaires, inscris sur le programme 105, qui lui sont affectés :

– les autorisations d’engagement devraient passer de 86,3 millions d’euros à 103,3 millions, soit 19,7 % d’augmentation ;

– cependant, les crédits de paiement augmenteront plus modestement de 86,3 millions à 91,1 millions, soit de 5,5 %.

L’augmentation spécifique des autorisations d’engagement est liée à un changement de règles comptables et non à l’ouverture de nouveaux moyens : les autorisations d’engagement doivent désormais couvrir les loyers pour la durée totale du bail.

L’augmentation des crédits de paiement, qui est de 4,8 millions d’euros, correspond à la rebudgétisation partielle des crédits d’entretien à l’étranger.

Jusqu’à présent, le gros entretien de nos ambassades était pour l’essentiel financé sur les cessions immobilières, bien que cet entretien ne présente pas le caractère d’opération patrimoniale. Les crédits budgétaires d’entretien ne représentaient en effet jusqu’à présent que 2,2 millions d’euros, pour une dépense annuelle d’une quinzaine de millions d’euros. En conséquence, en 2015, le ministère des affaires étrangères a ainsi programmé sur ses recettes de produits de cessions des financements à hauteur de 14 millions d’euros pour près de 170 opérations d’entretien.

Cette dépense annuelle d’une quinzaine de millions d’euros est au demeurant très modeste et sans doute très insuffisante, étant rappelé que le patrimoine à l’étranger est évalué à 4,2 milliards d’euros : quel propriétaire soucieux de son patrimoine ne consacre annuellement que l’équivalent de 0,3 % de sa valeur vénale à l’entretien ?

Toujours est-il, ce qui est un point positif, qu’il a été décidé de rebudgétiser progressivement ces dépenses d’entretien du patrimoine immobilier. En 2016, les crédits budgétaires qui y sont dédiés seront augmentés de 5 millions d’euros et portés en conséquence à 7,2 millions d’euros. En 2017, une nouvelle rallonge de 5 millions devrait les amener à 12,2 millions d’euros.

Par ailleurs, pour ses implantations en France, le ministère des affaires étrangères, comme les autres administrations, reçoit des concours du programme budgétaire 309 « Entretien des bâtiments de l’État », qui y est consacré : 3,5 millions d’euros en autorisations d’engagement en 2014 et 2,7 millions en 2015.

Depuis plusieurs années, la politique immobilière du ministère des affaires étrangères est essentiellement financée par les cessions de biens, principalement à l’étranger.

Les produits bruts de cessions encaissés pour la France et l’étranger se sont élevés à 26,3 millions d’euros en 2012, 48 millions en 2013, 124,5 millions en 2014 et 57,8 millions sur le début de l’année en cours (jusqu’au 12 août).

Le montant susmentionné pour l’année en cours n’inclut pas une très grosse opération finalisée en avril, mais dont le produit n’était pas encore formellement comptabilisé mi-août, la vente de notre campus diplomatique à Kuala Lumpur. Celle-ci a rapporté environ 193 millions d’euros, produit cependant décevant du fait de la forte dépréciation du ringgit malais entre la signature de la vente en avril et le paiement de son solde : cette perte de change imprévisible est supérieure à une vingtaine de millions d’euros.

La cession du palais Clam Gallas de Vienne au Qatar est également en cours de finalisation pour 22 millions d’euros.

Le programme de cessions à venir reste considérable :

– sur l’année 2015, compte tenu notamment de la vente effectuée à Kuala Lumpur, le total des cessions devrait largement excéder 300 millions d’euros ;

– celles de 2016 approcheraient les 80 millions ;

– en 2017, ce seraient encore 200 millions d’euros de biens qui seraient vendus (notamment les bâtiments de la chancellerie et du consulat général à Londres, estimés à plus de 120 millions d’euros).

Les produits de cessions ne sont pas rattachés directement au budget général, donc a fortiori à celui du ministère des affaires étrangères : ce ne serait pas conforme au droit budgétaire. Ils sont donc versés au compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État », qui a été institué par la loi de finances pour 2006. Ce compte finance les dépenses du programme 723 « Contribution aux dépenses immobilières ».

Cette mise en commun des cessions des différents ministères permet au passage d’y procéder à des prélèvements : sur les cessions réalisées en France, 20 % au titre la mutualisation et 30 % au titre du désendettement de l’État. À titre dérogatoire s’agissant du ministère des affaires étrangères, le prélèvement n’est pas proportionnel mais forfaitaire sur les cessions de biens à l’étranger : il prend la forme d’un versement « volontaire » annuel, fixé à 22 millions d’euros en 2014, 25 millions en 2015, 100 millions en 2016 et 50 millions en 2017. Le niveau très élevé de versement accepté pour 2016 est lié à la cession exceptionnelle qui était programmée et a été effectuée en Malaisie, pour près de 200 millions d’euros. Il est à noter que, dans le passé, le ministère n’était soumis à aucun prélèvement.

Dans les documents budgétaires (1), la contribution totale des cessions immobilières de l’État à son désendettement est estimée à 155 millions d’euros en 2016 : avec sa contribution forfaitaire de 100 millions d’euros, le ministère des affaires étrangères fournira près des deux tiers du total de l’effort demandé à l’ensemble des ministères !

Pour gérer le parc immobilier de l’État, un service à compétence nationale et interministérielle a été créé, France Domaine.

Cependant, ce service n’ayant pas d’antennes à l’étranger, il ne peut pas jouer pour nos biens à l’étranger le rôle qu’il joue pour ceux localisés en France (y compris pour le ministère des affaires étrangères), qui comprend notamment toute la gestion des éventuelles cessions. À l’étranger, le représentant de France Domaine, responsable des opérations immobilières, ne peut être que l’ambassadeur et il est nécessaire de s’appuyer, pour l’évaluation et la vente des biens, sur des agences immobilières locales.

Enfin, l’administration centrale du ministère des affaires étrangères est évidemment légitime à élaborer sa stratégie immobilière.

La gouvernance est donc partagée. Un dispositif interministériel a été établi avec une « Commission interministérielle chargée d’émettre un avis sur les opérations immobilières de l’État à l’étranger » (CIME), qui intervient sur toutes les opérations importantes, approuvant notamment les opérations de ventes effectuées et, en amont de celles-ci, la fixation du prix de réserve sous lequel la vente ne devra pas être signée.

Le rôle nécessairement central des chefs de postes a conduit à demander en 2014 à 22 de nos ambassades, qui détiennent plus de 50 % du parc immobilier du ministère à l’étranger représentant plus de 70 % de sa valeur, d’élaborer un programme stratégique immobilier comprenant un état des lieux détaillé et un volet stratégique à 5 ou 10 ans.

Une fois opéré le versement « volontaire » qui a été décrit supra, le reliquat des produits des cessions immobilières du ministère des affaires étrangères est disponible pour ses opérations.

Les cessions financent donc une politique active marquée par quelques très grosses opérations dans la période récente :

– constructions de campus diplomatique et/ou relocalisations d’ambassades dans des pays émergents, par exemple au Nigeria, au Qatar, en Indonésie, au Kenya, en Corée du Sud, en Thaïlande ;

– reconstructions ou relocalisations malheureusement imposées par l’actualité, notamment à Port-au-Prince (Haïti) après le tremblement de terre de 2010, et à Tripoli, après l’attentat d’avril 2013 ;

– acquisitions rendues nécessaires par certaines cessions dans le cadre d’opérations qu’on pourrait dire de rationalisation de nos implantations. En effet, on a pu constater que, dans certaines capitales, notamment quand il s’y trouvait plusieurs représentations françaises du fait de la présence d’organisations internationales, il y avait des possibilités de mutualisation, en particulier des espaces de réception. Cette politique de mutualisation est activement menée dans les capitales à postes multiples depuis 2013.

On peut prendre quelques exemples de ces opérations récentes d’adaptation de l’immobilier diplomatique.

● À Bangkok, le site de Sathorn, qui abritait un certain nombre de services français, notamment dans le domaine culturel et consulaire, a été cédé en 2011 pour plus de 31 millions d’euros. Le services ont été regroupés sur le campus diplomatique de Bangkrak, avec la chancellerie elle-même et le consulat. La relocalisation est effective depuis octobre 2014 et l’opération a dégagé un bilan positif de 8,6 millions d’euros.

● À Jakarta, les emprises diplomatiques françaises étaient réparties sur sept sites, avec des bâtiments surdimensionnés, une organisation peu fonctionnelle, certains immeubles vétustes, un dispositif de sécurité peu performant et un risque sismique. Le campus diplomatique regroupe depuis novembre 2014 les bâtiments de l’ambassade et de l’Institut français. L’ancien immeuble du service de coopération et d’action culturelle a été vendu en août 2013 pour 3,65 millions d’euros et la vente de l’ancien site de l’Institut français a été engagée. Par ailleurs un terrain avait été vendu dès juillet 2010 pour 11 millions d’euros. Une nouvelle résidence diplomatique, plus proche de la chancellerie et moins coûteuse a été prise à bail.

● À Bruxelles, la France dispose de plusieurs représentations diplomatiques : outre une ambassade bilatérale, nous y avons aussi une représentation permanente auprès de l’Union européenne, une représentation permanente au Comité politique et de sécurité de l’Union européenne et une délégation permanente auprès de l’OTAN. Ces dernières années, plusieurs cessions ont été réalisées, concernant notamment des résidences, l’idée étant de mutualiser les espaces de réception nécessaires aux ambassadeurs, de sorte qu’ils peuvent avoir individuellement des résidences plus modestes :

– l’ancienne résidence du représentant permanent au Comité politique et de sécurité de l’Union européenne a été vendue en 2007 au prix de 1,63 million d’euros et remplacée par une location (77 000 euros par an) ;

– l’ancienne résidence du représentant permanent adjoint auprès de l’Union européenne a été vendue en 2012 pour 1,33 million d’euros ;

– l’ancienne résidence du représentant permanent auprès de l’OTAN a été cédée en janvier 2014 pour 5,7 millions d’euros. Une villa a été acquise pour 1,6 million d’euros pour la remplacer. Compte tenu des travaux qui y ont été faits, le solde positif de l’opération a été de 3,6 millions d’euros ;

– le regroupement des locaux de l’ambassade bilatérale sur trois sites a permis de vendre en 2011 un immeuble pour 2 millions d’euros ;

– enfin, les immeubles des consulats d’Anvers et de Liège, supprimés, ont été vendus en 2011, pour des montants respectifs de 2,04 millions d’euros et 0,86 million.

Dans l’autre sens, le déménagement du siège de l’OTAN en cours entraîne des frais de réinstallation des délégations. Le coût de l’opération pour la France est évalué à 5,6 millions d’euros.

● À New York, l’ancienne résidence du représentant permanent auprès des Nations-Unies, bénéficiant d’une adresse de prestige, a été vendue en 2014 pour un montant de près de 52 millions d’euros ! Cette cession permet par ailleurs une économie de 33 000 dollars par mois de charges de copropriété. D’autres logements de fonctions très bien situés ont été cédés pour un total de 28,8 millions d’euros.

En contrepartie, la nouvelle résidence du représentant permanent a été acquise pour 11 millions d’euros, ainsi que plusieurs logements pour 12 millions d’euros. Les espaces de réception apparaissent certes fortement réduits dans cette nouvelle résidence, mais les grandes réceptions peuvent se tenir au consulat général.

Autre politique structurelle d’économies, le ministère des affaires étrangères et du développement international s’est engagé depuis plusieurs années dans la mutualisation de ses implantations immobilières avec ses partenaires européens. C’est avec l’Allemagne que les projets sont le plus avancés, sous des formes diverses.

Jusqu’en 2011, il s’est surtout agi de colocalisations culturelles, mais une nouvelle étape a été franchie depuis cette période avec des opérations lancées pour des colocalisations d’ambassades. Dans le domaine culturel, les opérations menées concernent :

– des colocalisations entre instituts français et Goethe Institut à Palerme et à Ramallah. L’Institut Goethe de Rangoun est temporairement accueilli au sein de l’Institut français depuis le 1er décembre 2013, pour une durée initiale de deux ans ;

– des colocalisations entre alliances françaises et Goethe Institut à Ekaterinbourg, Glasgow, Manchester, Porto ;

– des colocalisations entre alliances françaises et associations culturelles allemandes en Bolivie, au Pakistan, en Ouganda, au Brésil et en Italie.

Dans le domaine de l’enseignement, il existe deux euro-campus franco-allemands (Zagreb et Dublin), un euro-campus franco-germano-anglais (Taipeh) et deux lycées franco-allemands (Manille et Shanghai).

Plusieurs projets d’implantations diplomatiques ou consulaires franco-allemandes ont été finalisés à ce jour ou sont en cours :

– la France héberge depuis novembre 2012 la représentation allemande à Brazzaville au sein de son ambassade ;

– le Bureau de coopération français de Pyongyang est installé depuis septembre 2013 avec la représentation suédoise au sein de la chancellerie allemande ;

– l’Allemagne a ouvert le 13 décembre 2013 son consulat général à Rio de Janeiro au sein de la maison de France ;

– les chancelleries françaises en Érythrée et à Brunei sont accueillies au sein des ambassades d’Allemagne, respectivement depuis décembre 2014 et mars 2015 ;

– le projet de construction d’une ambassade franco-allemande à Dacca, lancé en 2009, prévoit un regroupement sur un site unique de l’ensemble des services français et allemands. La livraison du projet devrait intervenir à l’été 2016 ;

– les deux pays sont par ailleurs convenus en février 2014 de relocaliser leurs ambassades au sein d’un plateau de bureaux à Koweït-City. Le bail a été signé le 1er juillet 2014 et les ambassades ouvriront également leurs portes au cours du premier semestre 2016.

D’autres projets franco-allemands sont à l’étude.

En dehors de l’Allemagne, c’est avec le Service européen d’action extérieure que les projets sont les plus aboutis :

– deux colocalisations sont effectives à Juba (Soudan du Sud) et à Tegucigalpa (Honduras). À moyen terme, nos chancelleries au Paraguay, au Nicaragua et au Salvador pourraient également être colocalisées avec les délégations de l’Union européenne ;

– la future ambassade de France à Abuja (Nigeria) sera construite sur un terrain acquis avec le Service européen d’action extérieure et des partenaires européens.

En 2016, le plafond global de la mission « Action extérieure de l’État » devrait être réduit de 97 équivalents temps plein (ETP), à 12 041 ETP, soit 0,8 % de baisse. Sur le programme 105, la diminution devrait être de 88 ETP (– 1,1 %).

Sur le moyen terme, toutefois, il semble que l’évolution des emplois du ministère des affaires étrangères soit dans la moyenne de celle des services de l’État : de 2007 à 2015, tandis que le nombre des ETP civils de l’État a baissé de 14,6 %, passant de 1,894 million à 1,617 million, celui des ETP des affaires étrangères (programme 209 « Solidarité à l’égard des pays en développement » inclus) passait de 16 463 à 14 201, soit 13,7 % de baisse. En conséquence, la part de l’emploi civil de l’État représentée par les affaires étrangères reste stable : 0,87 % en 2007 ; 0,88 % en 2015.

États-Unis

401

Maroc

347

Chine

333

Algérie

303

Inde

234

Allemagne

218

Russie

217

Sénégal

215

Brésil

186

Royaume-Uni

182

Source : Gouvernement (questionnaire budgétaire).

S’agissant des seuls effectifs rattachés au programme 105, donc à ce qu’on pourrait appeler la diplomatie générale, la hiérarchie des postes est un peu différente, comme on le voit sur le tableau ci-après : après les États-Unis, viennent l’Algérie, l’Union européenne (représentation à Bruxelles), la Russie, le Maroc, le Sénégal, l’Allemagne, le Mali… Cette hiérarchie est sans doute un indicateur intéressant sur les priorités de notre diplomatie.

Les dix premiers postes français pour les effectifs rattachés au programme 105

États-Unis

133

Algérie

111

Représentation auprès de l’Union européenne (Bruxelles)

109

Russie

91

Maroc

86

Sénégal

86

Allemagne

78

Mali

78

Chine

76

Liban

75

Source : Gouvernement (questionnaire budgétaire).

Le maintien d’un réseau universel a été obtenu en évitant les fermetures d’ambassades, en dehors des fermetures temporaires imposées par les crises dans certains pays (Syrie, Libye et Yémen). En revanche, la fermeture d’un certain nombre de postes consulaires et de quelques antennes diplomatiques (postes sans ambassadeur résident) a été opérée ou va l’être.

Au cours de la période triennale 2015-2017, le réseau diplomatique et consulaire devrait ainsi voir : en 2015, la fermeture de l’antenne diplomatique à Sao-Tomé et Principe, celle des consulats généraux à Turin et Porto et celle des sections consulaires d’ambassade au Cap-Vert, en Jamaïque, en Papouasie-Nouvelle Guinée, en Zambie et en Namibie ; en 2016, la fermeture de la chancellerie détachée à Diego Suarez (Madagascar) ; sur 2016 et 2017 la fermeture de onze sections consulaires d’ambassade au sein des postes transformés en postes de présence diplomatique (voir infra).

Afin d’éviter les fermetures d’ambassades tout en réalisant des économies, la politique suivie consiste à transformer la plupart des 31 postes dits de présence diplomatique (les plus petites ambassades) en postes à format réduit. On ne maintient en place qu’un diplomate (l’ambassadeur), parfois deux, avec une équipe très réduite, tandis que plusieurs missions sont transférées à une autre poste de la région : activités consulaires (sauf la protection consulaire pour nos compatriotes en danger ou en difficultés, par exemple en prison), action culturelle… Il s’agit donc bien de maintenir seulement une présence centrée sur la diplomatie générale et économique.

Appliquée à une première vague de 13 pays au cours de la période 2013-2015 (Brunei, Cap-Vert, Érythrée, Guinée-Bissau, Honduras, Jamaïque, Kirghizstan, Liberia, Népal, Papouasie-Nouvelle Guinée, Tadjikistan, Trinité-et-Tobago et Zambie), cette réforme sera étendue à 12 autres d’ici à la fin de l’année 2017 (Botswana, Fidji, Moldavie, Monténégro, Namibie, Nicaragua, Paraguay, Salvador, Seychelles, Soudan du Sud, Surinam, Turkménistan).

Dans les 13 pays de la « première vague », le passage d’un effectif moyen de 15 ETP par poste à un effectif de 5,5 ETP a globalement permis de reprendre plus de 120 ETP.

La réduction des effectifs s’est accompagnée d’une réduction des emprises immobilières : dans trois pays, l’ambassade de France est ou sera prochainement colocalisée avec un partenaire européen ; dans six autres, la chancellerie et la résidence ont été ou vont être regroupées sur un seul site.

En matière d’action culturelle et de coopération, il a été décidé de supprimer toute intervention dans les situations où aucun opérateur local ne présentait la solidité et la viabilité financière requises pour en assumer la charge, ou de recentrer l’action. Au total, les crédits d’intervention dans ces 13 pays ont été diminués d’un peu plus de moitié, soit une diminution des dépenses de 0,8 million d’euros.

Les moyens affectés à la coopération de sécurité et de défense seront lourdement mis à contribution pour l’effort d’économies en 2016 : la dotation sera réduite de 4,6 millions d’euros, soit de 15,6 %, pour s’établir à 24,9 millions d’euros. Sur le programme 105, cette dotation a le malheur d’être l’une des rares qui soient flexible : on peut assez facilement réduire le nombre des actions de formation effectuées…

Mais, politiquement, cette évolution risque aussi, à terme, de nuire à l’influence de la France, puisque ces actions de formation sont destinées aux cadres militaires et sécuritaires des pays étrangers. Elle peut aussi nuire plus généralement à nos grands intérêts diplomatiques : la défaillance des forces militaires ou de sécurité de certains de nos alliés traditionnels dans la lutte contre les mouvements terroristes nous oblige parfois à intervenir directement (par exemple au Mali) ; dans d’autres cas trop fréquents, on ne peut que regretter l’insuffisance des repères juridiques et déontologiques transmis à des cadres militaires que ne caractérisent ni le respect du pouvoir civil légitime, ni la capacité à gérer l’ordre public sans excès de brutalité… La formation, aussi bien technique que déontologique, des cadres militaires et policiers est un enjeu essentiel dans nombre de pays, non seulement dans l’intérêt de ces pays, mais aussi dans l’intérêt de la France et de sa sécurité.

C’est pourquoi il est vraiment nécessaire que la coopération de sécurité et de défense soit poursuivie avec des moyens corrects.

La Tunisie, où s’est rendu votre rapporteur, est une illustration de la nécessité des coopérations de sécurité. Heureusement, notre pays sait trouver, malgré la contrainte budgétaire, les moyens de répondre à la situation de ce pays.

Sans s’étendre sur un contexte bien connu de tous, il faut en effet souligner que, seule parmi les pays du « Printemps arabe », la Tunisie est en train de mettre réellement en œuvre l’agenda démocratique de sa révolution. Le 27 janvier 2014, la nouvelle constitution tunisienne a été adoptée dans un esprit de compromis entre l’affirmation des droits fondamentaux universels et la prise en compte de l’identité et des valeurs traditionnelles du pays. Ce nouveau cadre constitutionnel a permis la tenue des élections législatives du 26 octobre, remportées par le parti Nida Tounès, et de l’élection présidentielle des 23 novembre et 21 décembre 2014, dont M. Beji Caid Essebsi est sorti vainqueur. Le gouvernement dirigé par M. Habib Essid est entré en fonction le 6 février 2015, après avoir obtenu la confiance d’une large majorité de 167 élus sur les 217 membres du parlement, dont l’essentiel des députés de Nida Tounès et d’Ennahda.

Mais en trois mois, le pays a été frappé par deux attaques terroristes contre des sites touristiques – le musée du Bardo et l’hôtel Imperial Marhaba près de Sousse – qui ont coûté la vie à 59 ressortissants étrangers.

Le chaos libyen attise la menace terroriste en Tunisie. Les autorités tunisiennes peinent à contrôler la frontière commune, qui constitue actuellement le principal point de transit menant les futurs combattants vers la Syrie (quelques 3 000 Tunisiens auraient rejoint les rangs des djihadistes au Levant) ou permettant l’entrée en Tunisie de djihadistes libyens. Les Libyens installés en Tunisie en raison des troubles dans leur pays formeraient désormais près de 10 % de la population tunisienne.

L’éradication du terrorisme apparaît donc comme le défi majeur pour l’appareil sécuritaire tunisien. Le contrôle des frontières est également essentiel, que ce soit pour lutter contre le terrorisme, les trafics de tous genres et l’immigration irrégulière, encore que la Tunisie ne soit pas ici en première ligne (les départs vers l’Europe se font directement par mer depuis les côtes libyennes).

Vu le nombre de jeunes Tunisiens engagés dans le djihadisme, les autorités tunisiennes souhaitent aussi être assistées pour la conduite de programmes de « déradicalisation ».

Le choix de la démocratie implique enfin que l’appareil sécuritaire, tout en devenant plus efficace, adopte des méthodes de gestion des foules et de maintien de l’ordre conformes aux standards internationaux.

Ces défis sécuritaires sont rendus encore plus graves et plus difficiles à relever par les conséquences économiques du terrorisme.

Même si l’économie tunisienne est assez diversifiée, le tourisme y conserve un poids déterminant, représentant 7 % à 8 % du PIB et 470 000 emplois. Le ministère tunisien du tourisme a estimé le manque à gagner sur la saison 2015, suite aux attentats, à près d’un demi-milliard d’euros. Sur le premier semestre 2015, marqué par l’attaque du musée du Bardo en mars, mais avant celle de Sousse, la fréquentation touristique avait déjà baissé de 20 % par rapport à la même période en 2014. D’après des données comparant les mois de juillet 2010, 2014 et 2015 (après l’attaque de Sousse), le nombre de nuitées dans l’hôtellerie tunisienne serait en 2015 en retrait de 77 % par rapport à 2010 et 65 % par rapport à 2014 !

Le Fonds monétaire international travaille actuellement à une révision de ses perspectives de croissance afin de prendre en compte l’ensemble de ces effets sur l’économie tunisienne. Il s’agit de la troisième révision depuis le début de l’année : d’une fourchette de 2,5 % à 3 % de croissance pour 2015 envisagée fin 2014, on est passé à une fourchette de 2 % à 1,5 % après l’attentat du musée du Bardo et on devrait finir probablement vers 1 % de croissance au plus. Il n’est même pas certain que la croissance soit finalement positive en 2015. Techniquement, le pays est entré au premier semestre 2015 en récession (avec deux trimestres consécutifs au cours desquels le PIB a diminué par rapport au trimestre précédent).

Cette situation est d’autant plus préoccupante que l’économie tunisienne, avant même les attaques de cette année, était déjà très fragile, avec notamment un taux de chômage élevé (officiellement 15 %), un important déficit extérieur (le déficit de la balance courante représentant 8,9 % du PIB en 2014), un faible niveau d’investissements publics (les dépenses d'investissement dans le budget de l’État ne représentent plus que 4,6 % du PIB en 2015, contre 6,6 % en 2012), des flux d’investissements directs étrangers (IDE) qui n’ont pas retrouvé le niveau d’avant révolution (ils étaient en 2014 en retrait de 22 % sur le niveau de 2010)…

La Tunisie doit donc être aidée, sur le plan économique et sur le plan sécuritaire.

Or, compte tenu des liens non seulement historiques, mais aussi politiques, économiques et humains existant entre les deux pays, la Tunisie attend beaucoup de la France, qui reste à bien des égards la mieux placée pour apporter certaines formes d’assistance à la Tunisie.

L’intensité des liens entre les deux pays est évidente sur de nombreux plans.

Dans le domaine politique, l’excellence de la relation bilatérale transparaît dans la multiplicité des contacts au plus haut niveau : le président Hollande s’est rendu en Tunisie à trois reprises en un an et demi, avec une visite d’État en juillet 2013, puis des déplacements en février 2014 à l’occasion de l’adoption de la constitution tunisienne et en mars 2015 à la suite de l’attentat du musée du Bardo ; le président Essebsi a été reçu en visite d’État en France les 7 et 8 avril 2015 ; on ne compte plus les visites ministérielles…

En termes économiques, la France reste le premier partenaire de la Tunisie : s’agissant du commerce extérieur, elle est son premier fournisseur (assurant 16 % des importations tunisiennes en 2014) et son premier débouché (absorbant 28 % des exportations tunisiennes) ; elle reste également, en stock, le premier investisseur étranger en Tunisie, où environ 1 300 entreprises françaises implantées emploient quelques 126 000 personnes.

La France est aussi le premier pourvoyeur bilatéral d’aide publique au développement, l’un des premiers fournisseurs d’assistance technique et le premier pays d’origine des touristes en Tunisie, même si leur nombre est en chute libre : 1,4 million de touristes français en Tunisie en 2010, environ 850 000 en 2014 et un nouvel effondrement en 2015.

Quelques 680 000 Tunisiens vivraient en France et 30 000 Français (aux deux tiers binationaux) en Tunisie. Comme on y reviendra, la France accueille les deux tiers des jeunes Tunisiens qui vont étudier à l’étranger et entretient sur le sol tunisien un réseau scolaire dense (neuf établissements en gestion directe de l’AEFE, trois établissements privés homologués et un établissement scolaire public local enseignant les programmes français, qui accueillent au total près de 10 000 élèves).

Suite aux attaques du musée du Bardo et de Sousse, la France, en lien avec autres pays européens, a proposé à la Tunisie une coopération sécuritaire renforcée.

Le ministre français de l’intérieur s’est rendu à Sousse le 29 juin 2015, accompagné de ses homologues britannique et allemand. Premiers pourvoyeurs de touristes, les trois pays sont convenus de renforcer de manière concertée la coopération sécuritaire avec la Tunisie.

Cette coopération a été étendue à d’autres partenaires (« G7+ 3 », les « trois » étant l’Union européenne, l’Espagne et la Belgique). Un comité exécutif de coordination de la coopération a été constitué. Il dispose de quatre groupes de travail thématiques qui se réunissent régulièrement à Tunis : protection des sites, sécurité des frontières, contre-terrorisme et sûreté aérienne. La France a obtenu le rôle de facilitateur ou de co-facilitateur pour les deux derniers groupes.

Le 29 juillet, le ministre tunisien et français de l’intérieur ont signé un arrangement technique renforçant significativement la coopération bilatérale de sécurité intérieure.

Au printemps, plusieurs audits ou missions de conseil ont été menés en Tunisie par des experts des services français sur des questions telles que le déminage, la police aux frontières, la coordination de la lutte contre le terrorisme, la gestion démocratique des foules, la sécurité aéroportuaire, la formation des unités d’intervention spécialisées, etc.

Alors que les offres de partenariat à la Tunisie sont multiples, la position de la France se maintient du fait de l’héritage commun, qui comprend la langue, mais aussi de nombreux éléments de droit et d’organisation administrative ; de ce fait, nous pouvons offrir dans des domaines techniques des formes de modèles.

Les principales limites au développement de coopérations encore plus efficaces tiennent, semble-t-il, à une certaine réticence des autorités tunisiennes à préciser et motiver leurs demandes. D’après les constats de nos diplomates, la Tunisie semble parfois prélever les aides au gré des propositions sans véritable plan concerté évitant les redondances et sans se donner la peine de justifier ses besoins – ce qui effectivement pourrait être perçu comme une mise sous tutelle.

Les observateurs locaux constatent aussi que l’appareil policier, qui est largement hérité la période de dictature, présente encore des faiblesses qui rendent plus difficiles les coopérations : culture du secret et absence de partage des informations dans un climat de luttes intestines entre services ; fonctionnement très hiérarchique rendant difficile les contacts aux niveaux moyens des chaînes de commandement ; mais en même temps, application parfois peu scrupuleuse des ordres et désinvolture par rapport aux règles de sécurité…

La coopération de défense est également active. Elle repose en particulier sur le détachement d’officiers français auprès du commandement des écoles supérieures d’officiers, des forces spéciales, du directeur du personnel du ministère de la défense, du responsable du projet des centres militaires de formation destinés à former des jeunes sortis du système scolaire sans qualification, etc. De multiples actions de formation ou d’audit/conseil sont organisées, de même que des échanges d’élèves-officiers à l’occasion de projets de fin d’études (une vingtaine de stagiaires chaque année) et trois exercices annuels bilatéraux.

En visite à Tunis le 5 octobre dernier, le ministre de la défense, M. Jean-Yves Le Drian, a annoncé que la France mobiliserait 20 millions d’euros pour l’aide militaire à la Tunisie en 2016 et 2017. On passerait ainsi à un niveau annuel d’aide de 10 millions d’euros, contre moins de 3 millions encore cette année. Les priorités de cette aide seraient le renseignement, les forces spéciales et la lutte contre les engins explosifs.

Cependant le partenaire principal de la Tunisie pour la coopération de défense reste les États-Unis : ce pays y consacrerait près de 100 millions de dollars en 2016, soit là-aussi une très forte augmentation par rapport à la moyenne annuelle de 40 millions de dollars débloquée entre 2011 et 2014. Cette aide américaine comprend une large part de dons d’équipements et de pièces détachées. Il a été annoncé en mai dernier que la Tunisie allait accéder vis-à-vis des États-Unis au statut d’ « allié majeur non-membre de l’OTAN », ce qui lui ouvrira une coopération militaire renforcée avec les États-Unis, notamment dans le développement et l’achat d’armements.

Le service public consulaire est assuré par un réseau de 89 consulats qui est comparable à ceux de la Russie (91 consulats) et de la Chine (88), et plus étendu que ceux du Royaume-Uni et de l’Allemagne (respectivement 70 et 61 consulats).

La répartition géographique des effectifs de notre réseau consulaire est plus ou moins corrélée à la taille des communautés expatriées et à la demande de visas. Des situations « historiques » se maintiennent toutefois, créant quelques distorsions que l’on peut observer sur le tableau ci-après :

– par exemple, nous conservons plus d’effectifs consulaires et deux fois plus de consulats au Maroc qu’en Algérie, bien que la communauté française au Maroc ne soit pas tellement plus nombreuse que celle en Algérie et que la demande de visas y soit deux fois plus faible ;

– de même, pour des raisons de taille géographique que l’on peut comprendre, le maintien d’un réseau consulaire comportant de nombreux postes entraîne aussi le maintien aux États-Unis et au Canada d’effectifs généreux ; il y a presque deux fois plus d’agents des services consulaires français aux États-Unis qu’au Royaume-Uni, alors même que les communautés françaises sont comparables en taille et que la demande de visas est plus forte au Royaume-Uni.

Les dix premiers postes français pour les effectifs rattachés au programme 151

 

Effectifs rattachés au programme 151

Nombre de consulats français

Communauté française fin 2014

Visas demandés en 2014

Maroc

210

6

49 195

237 604

Algérie

171

3

34 731

447 293

États-Unis

166

10

135 837

48 587

Chine

153

7

31 334

590 565

Inde

102

5

7 141

96 589

Royaume-Uni

92

2

126 804

79 644

Canada

81

7

86 837

12 693

Russie

75

3

3 665

313 149

Allemagne

71

7

117 782

758

Espagne

67

8

90 610

986

Source : extractions du questionnaire budgétaire.

Les moyens budgétaires du programme 151 devraient s’élever en 2016 à 369,9 millions d’euros, en diminution de 4,3 millions d’euros, soit 1,2 %, par rapport à la loi de finances initiale pour 2015.

Cette évolution recouvre une légère augmentation des crédits de personnel (+ 2,2 %), tandis que les crédits hors personnels diminueraient de plus de 8 millions d’euros, soit 5,2 %.

Le nombre d’emplois (ETP) devrait en effet être un peu augmenté, à 3 344, du fait de l’ouverture nette de 12 emplois pour l’activité « visas », qui bénéficiera donc en 2016 de 859 ETP.

La baisse des crédits hors personnels sera principalement imputée sur la dotation des bourses scolaires aux Français de l’étranger, réduite de 10 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2015 (voir infra).

Au 31 décembre 2014, 1 680 594 de nos compatriotes étaient inscrits au registre mondial des Français établis hors de France, soit une hausse de 2,3 % par rapport à l’année précédente. Cette augmentation est légèrement inférieure à la tendance moyenne d’accroissement de la communauté française à l’étranger au cours des dix dernières années, à savoir une croissance annuelle moyenne de l’ordre de 3 %. Il faut rappeler qu’en 2001, les Français inscrits au registre n’étaient encore qu’un million.

Il faut également être conscient que tous nos compatriotes expatriés ne s’enregistrent pas et que leur nombre réel est donc plus élevé, atteignant sans doute au moins 2 millions.

Les principaux pays d’implantation de nos compatriotes (inscrits au registre) restent, dans l’ordre, la Suisse (167 000), les États-Unis (près de 136 000), le Royaume-Uni (près de 127 000), suivis de la Belgique (118 000) et de l’Allemagne (113 000).

S’agissant des autres grandes zones géographiques, ils sont 131 000 en Asie et Océanie, près de 123 000 en Afrique francophone, 107 000 au Maghreb et près de 102 000 en Amérique latine.

Outre la diminution de la dotation des bourses, sur laquelle il faut revenir plus en détail (voir infra), les lignes dédiées à l’action sociale seront également réduites en 2016 (– 5,3 %), sans cependant qu’aucune intervention ne soit supprimée. Hormis les subventions aux organismes locaux d’entraide et de solidarité (OLES), toutes les lignes présenteront une baisse de crédits.

Un crédit nouveau d’un peu plus de 2 millions d’euros sera en revanche dégagé pour la préparation des élections nationales de 2017 (vote des Français de l’étranger).

Quelques moyens supplémentaires sont également prévus pour le financement des tournées consulaires (appelées à se développer compte tenu des fermetures de consulats) et le financement de la dématérialisation du registre des Français de l’étranger. Cependant, ensuite, cette dématérialisation devrait alléger les tâches de l’administration consulaire, libérant ainsi des emplois pour d’autres missions. D’autres chantiers de dématérialisation au moins partielle de procédures, par exemple les demandes de passeports, sont en cours, tout à la fois pour améliorer le service rendu et alléger les tâches administratives.

Globalement, les crédits de l’action budgétaire « Offre d’un service public de qualité aux Français de l’étranger », c’est-à-dire l’ensemble des moyens orientés vers ceux-ci hors bourses, augmenteront donc un peu, passant de 200,7 millions d’euros en loi de finances pour 2015 à 204,9 millions en 2016.

L’une des premières mesures prises en 2012 par la nouvelle majorité avait été, on le rappelle, de mettre fin à la prise en charge (« PEC ») des frais de scolarité des élèves français des lycées français à l’étranger, qui avait été instituée sous la précédente législature. Cette décision était motivée par des considérations à la fois budgétaires et d’équité : la PEC étendue à tous les niveaux scolaires aurait représenté à terme des coûts considérables (jusqu’à 700 millions d’euros par an selon certaines estimations) ; à plus court terme, telle qu’elle était appliquée, elle conduisait à concentrer beaucoup d’argent public (du fait de l’importance des frais de scolarité dans certains établissements) sur un petit nombre de nos compatriotes à l’étranger, indépendamment de tout critère social ou même objectif, au risque en outre de nuire à l’attractivité des établissements français à l’étranger en réduisant le nombre de places disponibles pour les non-Français.

En même temps étaient pris plusieurs engagements : accompagner cette suppression par des mesures spécifiques ; réformer le système des bourses scolaires versées à nos compatriotes résidant à l’étranger ; « recycler » les moyens économisés du fait de la suppression de la PEC en dépenses de bourses.

La réforme des bourses a été mise en place à la rentrée de septembre 2013 pour le « rythme nord » et à la rentrée 2014 pour les pays du « rythme sud » (2).

Le nouveau dispositif poursuit deux objectifs principaux : introduire davantage d’équité ; retrouver une capacité de maîtrise budgétaire.

L’exigence de justice sociale s’est traduite par la modification des règles d’attribution, qui prennent désormais en compte la réalité des ressources des familles. Ainsi, le montant de bourse auquel a droit une famille dépend-t-il du revenu net disponible par personne – déduction faite des impôts, des charges sociales et des frais de scolarité – rapporté au coût local de la vie. Le recours à un indicateur neutre, l’indice de parité de pouvoir d’achat, permet une comparaison objective des ressources entre les pays (et les villes dans les pays).

Afin d’atténuer les effets, lorsqu’ils étaient trop défavorables, de la réforme, un mécanisme d’atténuation a garanti qu’aucune famille, à situation inchangée, ne perdrait la première année plus de vingt points de quotité par rapport à la bourse accordée l’année précédente. On estime que 5,4 % des familles boursières en ont bénéficié.

La préoccupation budgétaire est également légitime dans le contexte actuel. Avant la réforme, la dépense relative aux bourses à l’étranger connaissait une croissance très rapide : elle avait quasiment doublé de 2007 à 2012. Le nouveau dispositif obéit à une logique d’enveloppes attribuées par poste. Le cas échéant, des outils de régulation budgétaire peuvent également être mis en œuvre au niveau local (par exemple le plafonnement de certains tarifs pris en compte, tels que les frais de scolarité) ou général (une « contribution progressive de solidarité » peut être mise en œuvre, conduisant à réduire les bourses en épargnant celles à 100 %).

Les responsabilités quant à la maîtrise des coûts ont été clarifiées en créant une phase de dialogue de gestion entre l’AEFE, l’administration centrale et les ambassades. En cas d’inadéquation des besoins constatés avec les moyens disponibles, cette phase est l’occasion de recourir aux outils de pilotage budgétaire susmentionnés.

Le rôle des conseils consulaires en formation « bourses » (CCB) a été renforcé en décembre 2013 : ils peuvent proposer des modulations de la bourse pour certains bénéficiaires, sont systématiquement informés du résultat de l’instruction des dossiers, peuvent « rattraper » des dossiers ajournés ou refusés… Un effort a été fait pour mieux prendre en compte les situations locales spécifiques, par exemple en ajustant des éléments du barème.

L’un des objectifs de la réforme était d’introduire une meilleure progressivité des quotités de bourses, pour mieux « coller » à la distribution des revenus des familles. Effectivement, on constate que le nombre de familles bénéficiant d’une bourse à taux plein a diminué : elles représentent aujourd’hui 42 % des familles contre 59 % dans l’ancien dispositif.

Source : Gouvernement (questionnaire budgétaire).

Cette redistribution des moyens est moins visible au niveau géographique du fait du niveau élevé des frais de scolarité dans certaines zones géographiques, notamment en Amérique du Nord. Si la moyenne mondiale des frais de scolarité s’élève à 4 560 euros en 2014/2015 dans le « rythme nord », elle cache en effet de grandes disparités. Ainsi, l’écart entre l’établissement le plus cher (le lycée français de New-York : 20 500 euros) et l’établissement le moins cher du réseau (l’école primaire de Mananjary : 242 euros) est-il énorme. Le niveau moyen de bourse reste donc très variable selon les pays : pour un coût moyen dans les pays du « rythme nord » de 3 673 euros pour l’année scolaire 2014-2015, on a encore un coût moyen supérieur à 10 000 euros aux États-Unis et même 12 000 euros au Venezuela !

L’Amérique du Nord et l’Europe conservent donc un poids prépondérant dans le dispositif : actuellement, ces deux zones concentrent toujours 38 % des moyens pour 27 % des bénéficiaires. Cependant, on constate un certain rééquilibrage, au profit de l’Afrique notamment. En effet, l’écart entre la proportion de boursiers et la part des crédits absorbée s’est réduit en Amérique du Nord et en Europe, au profit d’autres zones, comme les graphiques ci-après l’illustrent.







Source : Gouvernement (questionnaire budgétaire).

L’engagement avait été pris de « recycler » en augmentation des crédits de bourses sur trois ans l’enveloppe budgétaire consacrée à la PEC avant sa suppression, soit un peu moins de 32 millions d’euros.

Effectivement, de 2012 à 2015, la dotation des bourses en loi de finances initiale a été portée de 92,6 millions d’euros à 125,5 millions, soit un différentiel conforme à l’engagement.

Toutefois, la dépense effective de bourses, désormais mieux maîtrisée, reste en fait bien inférieure à l’autorisation budgétaire de plus de 125 millions d’euros atteinte.

Le rythme annuel de dépense est actuellement un peu inférieur à 100 millions d’euros : pour l’année scolaire 2014-2015, ce sont un peu moins de 89 millions d’euros de bourses qui ont été attribuées dans les pays du « rythme nord » ; un peu moins de 9 millions l’ont été pour l’année 2015 dans les pays du « rythme nord ». On voit que la somme de ces montants – qui ne représente pas exactement une dépense annuelle vu l’hétérogénéité des périodes couvertes, mais donne une idée de la charge annuelle – représente un peu moins de 98 millions d’euros.

Pour les montants globaux attribués, les États-Unis restent le premiers pays, compte tenu à la fois du nombre de boursiers et du niveau des bourses, avec près de 12 millions d’euros de dépense dans ce pays. Viennent ensuite l’Espagne (plus de 8 millions d’euros), Madagascar (6 millions d’euros), le Maroc, le Sénégal (environ 5 millions d’euros dans chacun des deux pays), le Liban (plus de 4 millions d’euros) et la Tunisie (moins de 3 millions d’euros).

La dépréciation relative de l’euro depuis mi-2014 pourrait entraîner une certaine augmentation de la charge exprimée en euros, toutes choses égales par ailleurs, mais cet effet-change défavorable devrait rester dans une fourchette de 5 à 10 millions d’euro au plus.

Dans le système actuel, la dépense de bourses devrait donc rester proche d’une centaine de millions d’euros.

L’écart entre crédits budgétaires et dépense effective a conduit à appliquer en 2013, 2014 et 2015 des mesures de régulation en cours d’année :

– « gels » de crédits de droit commun de 6 % à 8 % selon les années ;

– gels ou annulations supplémentaires au titre de l’effet-change lorsqu’il était favorable ou pour d’opportunes raisons de technique budgétaire (une sorte de fonds de roulement d’une quarantaine de millions d’euros avait été constitué du fait de versements anticipés des crédits de bourses à l’AEFE) qui permettaient de dégager des marges de régulation.

Sur les deux exercices 2014 et 2015 cumulés, ces différentes mesures de gels et annulations devraient tout de même représenter au total plus de 48 millions d’euros, soit près de 20 % des crédits ouverts par les lois de finances initiales !

C’est dans ce contexte que le ministère des affaires étrangères, à la recherche de réductions de crédits dans le cadre de l’effort général de maîtrise budgétaire, a décidé de « constater » dès la loi de finances initiale pour 2016 le niveau réel de la dépense de bourses en réduisant de 10 millions d’euros, à 115,5 millions, la ligne « bourses ». En appliquant à cette dotation le gel probable de 8 %, il devrait y rester 106,26 millions d’euros, soit bien assez pour faire face à une dépense tendancielle qui ne devrait guère dépasser 100 millions d’euros.

Le nombre de visas français demandés et délivrés continue à augmenter rapidement :

– en 2011, nos postes ont délivré 2,15 millions de visas pour 2,34 millions demandés ;

– en 2012, 2,31 millions de visas ont été délivrés pour 2,53 millions demandés ;

– en 2013, 2,51 millions de visas ont été délivrés pour 2,78 millions demandés ;

– en 2014, ce sont 2,83 millions de visas qui ont été délivrés pour 3,1 millions demandés ;

– enfin, sur le premier semestre 2015, on en est déjà à près de 1,6 million de visas délivrés, ce qui laisse augurer la poursuite du mouvement.

Le taux de croissance annuel de la demande, qui était de l’ordre de 8 % les années précédentes (2011-2013), approche les 13 % en 2014.

Le tableau ci-après permet de voir quels sont les pays où la demande de visas français est la plus forte – étant rappelé qu’outre les citoyens européens, ceux d’une quarantaine d’autres pays (notamment les vieux pays industrialisés et certains pays du voisinage européen) peuvent entrer en France sans visa pour un court séjour.

La hiérarchie des pays demandeurs de visas français est assez logiquement déterminée par les poids démographique et économique de ces pays, leur plus ou moins grande proximité géographique et l’existence ou non de liens historiques et humains avec la France.

Quatre pays où plus de 200 000 visas français sont demandés annuellement – la Chine, l’Algérie, la Russie et le Maroc – représentent ensemble près de 1,6 millions de demandes, soit plus de la moitié du total mondial. La hiérarchie de ces grands pays demandeurs a évolué en 2014 : la Chine est désormais en tête, devant l’Algérie, alors que la Russie, qui était encore au 1er rang en 2013, passe au 3ème.

En termes d’évolution, le nombre de visas français demandés a effectivement baissé de 2013 à 2014 de plus de 25 % aussi bien en Russie qu’en Ukraine, dans le contexte des difficultés politiques et économiques, accompagnées de dépréciations monétaires, que l’on sait.

Dans la plupart des autres pays, ce nombre a augmenté, parfois très fortement : la croissance a été de 55 % en Chine, de 39 % en Algérie, de plus de 30 % dans plusieurs pays asiatiques ou moyen-orientaux (Arabie Saoudite, Inde, Qatar, Iran). Ces résultats rendent bien sûr compte de l’émergence économiques des pays concernés, mais aussi du succès de la politique engagée visant à faciliter la délivrance des visas d’affaires ou de tourisme – s’agissant en particulier de la Chine, on ne saurait expliquer par la seule évolution de ce pays une progression aussi forte du nombre de visas français : on a dénombré en 2014 quelques 200 000 visas français donnés à des Chinois de plus qu’en 2013 !

Les vingt-cinq premiers pays pour les demandes de visa adressées à la France

 

2014

2013

 

Visas demandés

Refus

Taux de refus

Visas demandés

Refus

Taux de refus

Évolution des demandes 2014/2013 (%)

1

Chine

590 565

26 260

4,4

381 328

23 859

6,3

54,9

2

Algérie

447 293

105 241

23,5

321 877

83 138

25,8

39

3

Russie

313 149

5 206

1,7

422 260

5 967

1,4

- 25,8

4

Maroc

237 604

19 347

8,1

219 627

20 050

9,1

8,2

5

Tunisie

117 430

12 394

10,6

113 805

13 543

11,9

3,2

6

Turquie

105 487

4 798

4,5

109 993

5 053

4,6

- 4,1

7

Arabie Saoudite

105 206

2 183

2,1

78 971

2 540

3,2

33,2

8

Inde

96 589

6 087

6,3

74 196

5 280

7,1

30,2

9

Royaume-Uni

79 644

4 433

5,6

81 495

4 705

5,8

- 2,3

10

Égypte

54 880

5 771

10,5

47 148

5 553

11,8

16,4

11

Koweït

49 837

1 129

2,3

42 523

2 066

4,9

17,2

12

États-Unis

48 587

560

1,2

43 351

718

1,7

12,1

13

Nigeria

47 027

19 006

40,4

37 276

12 197

32,7

26,2

14

Liban

45 774

2 418

5,3

39 981

3 066

7,7

14,5

15

Émirats-Arabes-Unis

44 083

1 817

4,1

37 791

1 548

4,1

16,6

16

Thaïlande

41 634

1 718

4,1

49 187

2 615

5,3

- 15,4

17

Ukraine

38 850

569

1,5

52 370

632

1,2

- 25,8

18

Indonésie

32 874

69

0,2

35 358

108

0,3

- 7

19

Sénégal

32 659

9 999

30,6

30 966

7 902

25,5

5,5

20

Côte d’Ivoire

31 873

7 474

23,5

27 445

6 049

22

16,1

21

Afrique du sud

30 747

443

1,4

33 884

290

0,9

- 9,3

22

Qatar

27 283

258

0,9

18 373

124

0,7

48,5

23

Vietnam

26 809

2 142

8

21 318

2 685

12,6

25,8

24

Iran

26 457

3 477

13,1

19 725

3 053

15,8

34,1

25

Biélorussie

24 773

100

0,4

24 905

122

0,5

- 0,5

Source : Gouvernement (questionnaire budgétaire).

En 2014, 90,1 % des visas délivrés étaient des visas de court séjour, 6,25 % des visas de long séjour, le reliquat se répartissant entre les visas délivrés pour l’outre-mer et les visas officiels (diplomatiques et de service).

Si l’on regarde le nombre de visas délivrés par type de motif, on constate, s’agissant des principales catégories en nombre :

– une stabilité des visas motivés par des déplacements professionnels (459 000 en 2012, 457 700 en 2013, 459 500 en 2014) ;

– une stabilité également des visas pour établissement familial (66 500 en 2012, 64 900 en 2013, 66 600 en 2014) ;

– une progression régulière mais modérée des visas pour études (86 400 en 2012, 91 100 en 2013, 94 500 en 2014) ;

– une progression en revanche très rapide des visas individuels pour visite (touristique en général – 1,522 million en 2012 ; 1,702 million en 2013 ; 1,906 million en 2014) et des visas pour les groupes de touristes (135 800 en 2012 ; 157 600 en 2013 ; 263 800 en 2014).

De 2012 à 2014, le nombre total des visas pour visite, individuels ou en groupe, est passé de 1,66 à 2,17 millions, soit presque 31 % de progression en deux ans !

La progression des visas pour études rend compte de la réussite de la politique d’attractivité engagée dans ce domaine, qui repose sur deux axes :

– améliorer les conditions de séjour et d’installation des étudiants étrangers et plus généralement des publics ciblés (chercheurs, artistes, investisseurs, salariés qualifiés). Les mesures du conseil stratégique de l’attractivité mises en œuvre depuis février 2014 ont simplifié les démarches administratives pour les entreprises et talents étrangers. Le projet de loi relatif au droit des étrangers, qui sera examiné en octobre 2015 au Sénat, devrait apporter également des innovations en termes de droit au séjour : carte pluriannuelle pour les étudiants, création d’un « passeport talents » aux conditions attractives pour les étrangers qualifiés, etc. Enfin, dans le domaine de visas, les délais de délivrance ont été raccourcis ;

– développer des dispositifs innovants, tels que le réseau social France Alumni destiné aux étrangers ayant étudié en France. Inauguré en novembre 2014, il compte déjà 13 500 inscrits. En 2015, deux nouveaux outils seront mis en ligne. L’application « Immersion France » permettra aux étrangers de retrouver toute l’offre de séjours linguistiques et culturels française et d’être mis en relation avec un centre de langues. La plateforme « Études en France » permettra aux étudiants étrangers d’une trentaine de pays de postuler plus facilement auprès d’un établissement français.

 

2013

2014

2015 (7 premiers mois)

Pays

Visas demandés

Visas Refusés

Taux de refus

Visas demandés

Visas Refusés

Taux de refus

Visas demandés

Visas Refusés

Taux de refus

ALGERIE

323 826

83 065

25,65%

447 428

105 679

23,62%

342 455

85 112

24,85%

CAMEROUN

23 354

6 113

26,18%

23 759

7 080

29,80%

14 257

4 349

30,50%

CHINE

381 378

23 855

6,25%

590 582

26 304

4,45%

571 050

22 656

3,97%

COTE D'IVOIRE

27 441

6 048

22,04%

31 846

7 505

23,57%

21 649

4 238

19,58%

EGYPTE

47 133

5 552

11,78%

54 884

5 821

10,61%

36 062

3 412

9,46%

GUINEE

15 440

5 603

36,29%

15 204

6 031

39,67%

9 321

3 552

38,11%

MALI

14 149

4 278

30,24%

16 035

4 519

28,18%

8 988

2 075

23,09%

MAROC

219 612

20 036

9,12%

237 595

19 455

8,19%

178 865

13 359

7,47%

NIGERIA

37 294

12 195

32,70%

47 038

19 027

40,45%

18 314

6 720

36,69%

RUSSIE

424 044

5 967

1,41%

313 166

5 238

1,67%

122 977

3 228

2,62%

SENEGAL

30 965

7 902

25,52%

32 664

10 080

30,86%

22 523

5 942

26,38%

TUNISIE

114 029

13 540

11,87%

117 467

12 457

10,60%

83 300

9 979

11,98%

S’agissant en particulier des visas étudiants, les taux de refus restent en général un peu plus élevés et tout aussi hétérogènes.

Demandes de visa étudiant et taux de refus dans quelques pays

 

2013

2014

Pays

Visas demandés

Visas Refusés

Taux de refus

Visas demandés

Visas Refusés

Taux de refus

ALGERIE

6 620

2 873

43,40%

6 390

2 159

33,79%

CAMEROUN

1 447

469

32,41%

1 376

496

36,05%

CHINE

14 829

3 345

22,56%

14 850

3 138

21,13%

COTE D'IVOIRE

1 662

546

32,85%

1 924

626

32,54%

EGYPTE

874

118

13,50%

852

80

9,39%

GUINEE

1 135

633

55,77%

1 159

635

54,79%

MALI

821

326

39,71%

877

334

38,08%

MAROC

11 823

1 467

12,41%

12 088

1 436

11,88%

NIGERIA

422

64

15,17%

366

69

18,85%

RUSSIE

2 825

289

10,23%

2 878

441

15,32%

SENEGAL

2 988

878

29,38%

3 209

1 445

45,03%

TUNISIE

6 131

835

13,62%

6 558

571

8,71%

Source : Gouvernement (questionnaire budgétaire).

L’externalisation d’un certain nombre de tâches administratives liées à la gestion des visas est la solution choisie par la France (comme par les autres pays) pour faire face à une demande croissante, de surcroît marquée par une forte saisonnalité (avec des pics d’activité saisonniers), dans un contexte de maîtrise budgétaire, de plafonnement des emplois publics et cependant d’alourdissement de la charge de travail du fait d’exigences procédurales accrues : le recueil des données biométriques, l’obligation de motiver les refus…

Elle est censée permettre un meilleur accueil des demandeurs : les prestataires emploient un personnel nombreux (près de 1 200 personnes dans le monde pour l’activité « visas » opérée pour le compte de notre pays), mettent en place des locaux adaptés, permettent l’ouverture de centres d’accueil du public dans des villes dépourvues de consulat français… En contrepartie, ce service est pris en charge par les demandeurs, accroissant le coût des visas (la rémunération du prestataire s’ajoute aux droits de visa).

À cet égard, on observe que l’activité « visas » est une activité de plus en plus « rentable » pour l’État, en ce sens qu’elle est plus qu’autofinancée :

– la ligne de recettes non fiscales du budget général « Produits des chancelleries diplomatiques et consulaires », qui est essentiellement (3) alimentée par les droits de visa, voit son rendement augmenter très rapidement, parallèlement à la croissance du nombre de visas délivrés. Ce rendement, qui a été de 180 millions d’euros en 2014, atteindrait 209 millions en 2015 et 230 millions en 2016 selon les estimations des documents budgétaires (4;

– dans le même temps, le coût administratif de la gestion des visas pour l’État est très inférieur et évolue beaucoup moins vite, grâce à l’externalisation d’une part croissante de la charge de travail. Le coût budgétaire de l’action « Instruction des demandes de visa » est ainsi évalué à 48,1 millions d’euros pour 2015 et 49,6 millions pour 2016…

Dans sa forme la plus large, l’externalisation peut couvrir un grand nombre de tâches administratives : prise des rendez-vous par l’intermédiaire d’un centre d’appel, information et réception des demandeurs de visa, collecte des dossiers et vérification de leur caractère complet, saisie des données alphanumériques, recueil des données biométriques, perception des droits de visa, information des demandeurs sur l’état d’avancement de leur dossier, restitution des passeports...

Actuellement, l’externalisation peut prendre deux formes différentes :

– soit elle concerne seulement la prise de rendez-vous (c’est le cas dans 31 services consulaires) ;

– soit elle comprend l’ensemble des tâches d’accueil du public et de recueil des dossiers et, si besoin est, des données biométriques – un dispositif spécifique, dit « BIONET », a été conçu à cette fin, expérimenté à partir de 2011 dans quelques postes, puis généralisé depuis 2013. Il existe actuellement 36 centres externalisés équipés des systèmes de recueil BIONET et 161 stations BIONET déployées.

Cette externalisation maximale concerne aujourd’hui 42 postes diplomatiques dans 23 pays ; elle a donné lieu à l’ouverture de 75 centres de services externalisés (des centres se trouvent dans des villes où il n’y a pas de consulat).

Au premier semestre 2015, l’externalisation a été achevée dans les différents postes du Maroc. Au deuxième semestre, le processus est lancé dans sept nouveaux pays : Philippines, Côte-d’Ivoire, Vietnam, Azerbaïdjan, Biélorussie, Gabon et Madagascar. En 2016, nos postes au Bénin, au Burkina Faso, au Canada et aux États-Unis pourraient être concernés.

En 2014, près de 72 % des demandes de visa présentées à la France ont été collectées dans des centres externalisés. Au premier semestre 2015, ce taux d’« externalisation » atteint 83,6 %.

Par ailleurs, l’année 2015 sera aussi celle de déploiement du recueil des données biométriques pour les demandeurs de visa dans trois grands pays qui en étaient encore exemptés : la Russie, la Chine et l’Inde. Ce recueil y sera effectué dans les centres externalisés.

La distribution de visas de circulation, qui est l’une des priorités du ministère, continue à progresser. Ces visas permettent des courts séjours répétés échelonnés sur une période de un à cinq ans. Ils sont donc adaptés au cas des étrangers qui se rendent régulièrement dans notre pays, notamment dans un cadre professionnel. Leur généralisation tout à la fois allège la charge de travail des consulats et facilite la circulation d’une population généralement francophile qui contribue au rayonnement de la France.

Le nombre de visas de circulation délivrés est passé de 544 000 en 2012 à 665 000 en 2013, près de 819 000 en 2014 et 481 000 au premier semestre 2015. L’augmentation est encore plus rapide pour ceux dont la validité est longue : de 2012 à 2014, on est passé de 7 000 à 52 000 visas de circulation de cinq ans délivrés dans l’année !

La multiplication des visas de circulation signifie que la croissance du nombre de déplacements vers la France depuis les pays soumis à obligation de visa est plus rapide que celle, déjà impressionnante, du nombre de visas demandés.

Le consulat général de Tunis offre un bon point d’observation des problèmes de gestion des visas.

Certes, les visas ne sont pas sa seule activité. Le consulat a aussi en charge une communauté française probablement proche de 30 000 personnes (dont un peu moins de 23 000 inscrits au registre des Français de l’étranger). À ce titre, il dispose d’un budget d’action sociale proche d’un million d’euros ou encore traite plus de 2 000 dossiers de mariage par an, parfois délicats (100 à 160, selon les années, sont transmis au parquet, conduisant à 30 à 50 oppositions).

Cependant, la gestion des visas est centrale pour le consulat général. Sur ses 65 agents, 30 s’y consacrent. Étant le seul poste consulaire français en Tunisie, il a un niveau très élevé d’activité : c’est le 5ème consulat français au monde pour le nombre de demandes de visa traitées, après Moscou, Alger, Shanghai et Pékin. Ce nombre est croissant : 97 000 en 2012, 114 000 en 2013, 117 000 en 2014. Le consulat général délivre désormais plus de 100 000 visas par an.

Le traitement correct de cette demande de masse passe, à Tunis comme ailleurs, par une large externalisation.

L’externalisation répond à un double objectif d’amélioration du service offert aux demandeurs de visa et d’économies budgétaires. En effet, si l’on prend l’exemple de la Tunisie, il s’agit de garantir aux demandeurs un accueil de qualité, dans des locaux adaptés et avec peu de temps d’attente, car les dépôts de dossier se font sur rendez-vous ; mais, en contrepartie, les intéressés versent une contribution supplémentaire de 27,50 euros (pour le service de base, car il existe un service « premium » un peu plus cher) qui finance le service du prestataire.

De fait, le centre établi par le prestataire TLS à Tunis semble bien fonctionner, l’entreprise, qui assure ce genre de prestations dans de nombreux pays, ce pour plusieurs États européens (5), faisant manifestement preuve d’un grand professionnalisme. Le centre de réception des demandeurs qu’elle a créé lui permet d’assurer le traitement de masse exigé : 500 à 600 dossiers de demande de visa doivent y être réceptionnés chaque jour ouvrable.

Les missions du prestataire sont, à Tunis, purement matérielles : il s’agit d’attribuer un rendez-vous aux demandeurs de visa pour le dépôt de leur dossier, puis d’assurer ce rendez-vous en veillant à recueillir à cette occasion un dossier comprenant toutes les pièces demandées. TLS se charge également du recueil des données biométriques. En revanche, l’examen des pièces des dossiers – dont la vérification de leur authenticité – et a fortiori la décision d’octroi ou de refus du visa relèvent strictement des agents du consulat. Enfin, la remise des passeports après l’apposition (ou le refus) du visa est également effectuée par TLS.

Ce dispositif a pour effet d’alléger les tâches des agents du consulat, qui ne reçoivent plus les demandeurs (6), ce qui leur permet de se consacrer exclusivement à l’instruction des dossiers transmis par TLS. La disparition du contact direct entre les personnes et les instructeurs apparaît aussi comme un moyen d’éviter les risques de pratiques contestables…

Mais, dans l’autre sens, la question peut également se poser chez le prestataire. Les risques sont limités par l’absence de rôle décisionnaire de ses salariés, mais aussi par un système de contrôle interne et par le consulat qui semble assez au point, grâce à l’informatisation des procédures : la durée des entretiens entre les demandeurs et les agents de TLS qui recueillent leur dossier est suivie de près (un entretien trop long étant suspect) ; l’état d’avancement de chaque dossier peut être vérifié en temps réel par la direction de TLS et par le consulat… Reste à savoir dans quelle mesure ces moyens de contrôle sont effectivement mis en œuvre.

Le seul domaine de faiblesse éventuelle reconnu par les personnes rencontrées sur place concerne la prise de rendez-vous pour le dépôt des dossiers. Le délai maximal entre la prise de rendez-vous et le rendez-vous est en principe de quinze jours selon pour les visas « Schengen » de court séjour. En pratique, il est en général de l’ordre d’une semaine à Tunis (la procédure d’octroi étant ensuite très rapide, car la liste des rendez-vous est gérée en fonction des capacités de traitement des dossiers par le consulat). Mais évidemment, des personnes qui ont besoin d’un visa très rapidement ou n’aiment pas attendre cherchent à obtenir un rendez-vous anticipé, ce qui est parfaitement possible, mais pourrait donner lieu à des phénomènes de concussion. Pour éviter ces risques, les demandes de cette nature sont traitées exclusivement au consulat, et par la seule responsable du service des visas.

Pour autant, il peut y avoir quelques autres biais, par exemple la possibilité pour des agents, en cas d’annulation de son rendez-vous par un demandeur, de le proposer contre rétribution à une autre personne. Les services consulaires et TLS s’efforcent de détecter et de sanctionner les pratiques de cette nature. Mais plus généralement, ils ne peuvent pas grand-chose contre les officines d’aide à la demande de visa (ou à la rédaction des recours contre les décisions de refus de visa) qui sont apparemment nombreuses, parfois créées par d’anciens agents consulaires (de droit local), et se font rémunérer pour des prestations dont le contenu est présenté comme souvent inexistant par le consulat et TLS (puisque le système de contrôle est réputé empêcher les passe-droits).

Il existe une très forte tradition de mobilité vers la France des étudiants tunisiens.

À la rentrée scolaire 2013, il y avait selon les statistiques de Campus France (7) près de 12 000 étudiants tunisiens en mobilité en France, qui représentaient la 4ème nationalité d’origine des étudiants étrangers dans notre pays, derrière les Marocains, les Chinois et les Algériens. Aujourd’hui, Campus France-Tunis revendique plus de 15 000 étudiants tunisiens inscrits dans les établissements d’enseignement supérieur français.

Si l’on rapporte les contingents d’étudiants inscrits en France à leurs populations respectives, la Tunisie apparaît même, juste devant le Maroc, comme le pays étranger où l’appétence pour les études en France est la plus grande. De fait, deux tiers des étudiants tunisiens qui poursuivent des études à l’étranger vont en France.

Il y a un autre signe de cette appétence, au niveau des autorités publiques : le gouvernement tunisien consacre un budget annuel de 5,4 millions d’euros, soit la moitié de son budget mondial de mobilité étudiante, à la mobilité vers la France ; ce montant dépasse largement celui des bourses attribuées par notre ambassade, sur crédits budgétaires français, aux étudiants tunisiens (2,1 millions pour 1 000 bourses par an).

L’établissement Campus-France, chargé de promouvoir et aider la mobilité étudiante vers la France, a une activité importante en Tunisie :

– Campus-France y traite un nombre croissant de dossiers de mobilité vers la France, près de 6 400 l’an dernier, donnant lieu à environ 5 400 mobilités effectives. Par ailleurs, la création d’environ 16 000 identifiants individuels par an sur son site internet montre qu’un public plus large de jeunes est intéressé par les études en France, même si la démarche n’est pas toujours aboutie ;

– la procédure de mobilité comprend notamment un « entretien pédagogique » qui est important pour l’obtention d’une pré-inscription universitaire en France et déterminant pour celle d’un visa : bien que celui-ci ne puisse être de toute façon demandé qu’une fois acquise la pré-inscription, l’« avis pédagogique » de Campus-France est généralement suivi par le consulat. D’après les données transmises par ce dernier, le taux de refus des visas pour études a été de 13 % en 2013 et de 12 % en 2014 ;

– Campus-France mène de nombreuses actions de promotion, essentiellement en Tunisie (organisation d’un salon annuel de l’enseignement supérieur français et des double-diplomations tuniso-françaises, participation annuelle à vingt salons dans les grandes villes de Tunisie, opérations de présentation des études supérieures en France dans les établissements tunisiens, recrutement d’étudiants pour des établissements français…).

Ces activités reposent sur quatre agents permanents, assistés de vacataires (notamment pour réaliser les « entretiens pédagogiques »), localisés dans trois implantations (à Tunis, Sfax et Sousse). La tarification appliquée aux dossiers pédagogiques, soit 140 dinars (environ 65 euros), permet d’assurer un chiffre d’affaires annuel équivalent à environ 355 000 euros pour 2014 (en augmentation de 15 %) et d’obtenir ainsi un équilibre financier de l’activité.

Le financement de la préparation et de l’organisation de la COP21 repose sur un programme budgétaire dédié, le programme 341 « Conférence Paris Climat 2015 », qui a été ouvert en loi de finances initiale pour 2015 au sein de la mission « Action Extérieure de l’État ». Il s’agit d’un programme créé à titre transitoire pour les seuls exercices 2015 et 2016.

Il existe un décalage temporel entre les deux exercices 2015 et 2016 s’agissant des ouvertures d’autorisations d’engagement, concentrées sur 2015, et celles de crédits de paiement, concentrées sur 2016. L’organisation de l’événement en fin d’année 2015 signifie en effet que les dépenses seront engagées pour l’essentiel en 2015, mais payées principalement en 2016.

Le projet de loi de finances pour 2016 propose donc l’ouverture de seulement 7,8 millions d’euros d’autorisations d’engagement résiduelles, mais de 139 millions d’euros de crédits de paiement.

Le coût budgétaire total de l’opération est évalué par les lois de finances initiales à un peu plus de 180 millions d’euros : les autorisations d’engagement cumulées sur les deux exercices 2015 et 2016 devraient atteindre (si le projet de loi de finances pour 2016 est voté en l’état sur ce point) un montant de 187 millions d’euros et les crédits de paiement un montant de 183 millions.

Il convient de souligner en outre que les frais liés au dispositif de sécurité spécifique déployé par les forces de l’ordre ne sont pas incluses dans le périmètre du programme 341 et resteront à la charge du ministère de l’intérieur.

La gestion devra être rigoureuse car différents facteurs de surcoûts ont été identifiés :

– l’augmentation des surfaces à aménager, qui seraient de 180 000 m² contre 130 000 m² initialement évalués, suite notamment à l’analyse détaillée du cahier des charges imposé par les Nations-Unies dans le cadre de l’accord de siège signé au printemps 2015 ;

– l’annonce de la venue de nombreux chefs d’État et de gouvernement pour un sommet le 30 novembre 2015 dès le début de la Conférence ;

– des exigences de sécurité accrues dans le contexte actuel ;

– la volonté d’associer très largement la société civile au débat en lui consacrant des lieux de conférence et d’exposition dédiés au sein des Espaces Générations Climat.

Pour ce qui concerne les concours extrabudgétaires attendus, le gouvernement français a, comme les hôtes de plusieurs COP antérieures, lancé un appel aux entreprises pour qu’elles apportent, au titre du mécénat, des contributions financières et en nature. Ces contributions bénéficieront de la défiscalisation à hauteur de 60 % prévue pour le mécénat. Elles ouvriront droit au titre de « partenaire officiel de la COP21 ».

À ce stade, plus d’une cinquantaine d’entreprises ont marqué leur intérêt. 35 conventions de mécénat ou de partenariat avaient été formellement conclues au 1er octobre 2015, pour un total de contributions de 16 millions d’euros. Une quinzaine de conventions supplémentaires en cours de finalisation devraient porter le montant total des contributions à environ 25 millions (au moins, puisque d’autres promesses peuvent encore être faites). Ces contributions sont principalement en nature, mais environ 5 millions d’euros (au moins) de dons en numéraire sont attendus.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

À l’issue de l’audition, en commission élargie (8), de M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international, le lundi 26 octobre 2015, la commission des affaires étrangères examine pour avis, sur les rapports de M. Philippe Baumel (programmes Action de la France en Europe et dans le monde et Français à l’étranger et affaires consulaires) et François Loncle (programme Diplomatie culturelle et d’influence), les crédits de la mission Action extérieure de l’État du projet de loi de finances pour 2016.

La commission est saisie des amendements AE9 et AE11.

M. Pouria Amirshahi. L’amendement AE11 s’inscrit dans le prolongement des interventions précédentes sur l’importance du réseau, pour notre pays, pour notre coopération car sur 330 000 élèves scolarisés par ce réseau, 200 000 ne sont pas français. Il s’agit donc d’un enjeu stratégique majeur pour la diffusion de la culture française dans le monde d’accueillir ces jeunes et de tenir compte des augmentations du coût qui ont été évoquées.

Je suis bien conscient des contraintes budgétaires et j’ai bien entendu les réponses du ministre, que je prends comme des encouragements, puisqu’il nous rejoint sur le constat. Le présent amendement entend précisément donner un coup de pouce au ministre en augmentant par transfert les subventions de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) de 15 104 000 euros afin de revenir au niveau de 2014.

J’ajoute que dans beaucoup de pays il ne s’agit pas de venir en aide à des familles aisées. De plus en plus d’expatriés français subissent une augmentation du coût de la scolarité et si une part revient aux familles, une autre au concours des États qui accueillent les écoles françaises, une troisième revient à l’État français par l’attribution d’une subvention pour charges publiques. C’est cette part qui diminue. J’ajoute que la diminution était de 2 % l’année dernière, 3,4 % cette année et qu’en 2017, on arriverait à une baisse de 4 %. Avec mes collègues cosignataires et sans doute d’autres, vous comprendrez que je sois enclin à demander une modification de cette ligne budgétaire.

M. Thierry Mariani. J’interviens sur l’amendement AE9 dans la droite ligne de ce que j’ai défendu précédemment et j’aurai peu de choses à ajouter à ce qui vient d’être dit par mon collègue Amirshahi, car nous partageons le même constat. Ce constat est simple : 9 millions d’euros de moins en 2014, 8,2 millions de moins en 2015, 14,6 millions en 2016. Depuis trois ans, les budgets de l’AEFE sont en baisse. Qu’il s’agisse des enseignants, des crédits d’investissement, des crédits de scolarité, il y a forcément un impact, même si les établissements peuvent dans une certaine mesure s’adapter. La première année, on trouve des économies, la deuxième plus difficilement et la troisième on n’y parvient plus. Cela finit par entraîner des conséquences, qu’on ne raconte pas le contraire.

L’éducation nationale est une priorité pour ce Gouvernement. Faisons en sorte qu’il s’agisse d’une priorité pour les Français en France comme pour les Français à l’étranger, qu’ils n’aient pas le sentiment d’être traités différemment.

Enfin, je l’ai peut-être dit avec passion, mais je vous assure que l’on ne sait pas quoi répondre aux parents qui sont obligés d’enlever leurs enfants de l’école française à cause du coût de la quotité de frais d’inscription restant à leur charge. Cela créé parfois des situations dramatiques pour les familles.

M. François Loncle, rapporteur. Je comprends bien les préoccupations de mes collègues et il serait effectivement agréable de pouvoir augmenter une ligne du budget du programme 185, mais je suis défavorable à ces amendements pour trois raisons.

Tout d’abord, la diminution des subventions à l’AEFE est inférieure à la norme de 4 % fixée pour les opérateurs qui s’applique à un opérateur du programme 185 : Campus France. Encore une fois, modérer la diminution de la subvention prévue pour l’AEFE, c’est aggraver à enveloppe constante celles prévues pour le réseau ou d’autres opérateurs, comme Campus France donc et l’Institut français, en grande difficulté.

Ensuite, le ministre a évoqué la qualité de la direction actuelle qui conduit des réformes structurelles qui devraient aboutir à une amélioration du système actuel et qui permettent de faire face aux diminutions

Enfin, j’insiste à nouveau – Yves Durand l’a fait également – sur le fait qu’on peut s’étonner que les nombreuses créations d’emplois du ministère de l’Éducation nationale ne bénéficient pas du tout au réseau de l’enseignement français à l’étranger. Pourtant, un tiers des élèves du réseau à l’étranger sont des Français qui devraient bénéficier de cette priorité. J’ajoute que si on appliquait cette priorité au réseau à hauteur d’un tiers, cela permettrait de recruter 600 enseignants de plus, ce qui serai peu de choses pour l’Éducation nationale mais un apport énorme pour l’AEFE. Cela aiderait incontestablement l’AEFE à conduire les redéploiements d’effectifs.

C’est pourquoi je suis défavorable à ces amendements, mais favorable à ce que le ministre prenne langue avec sa collègue de l’Éducation nationale pour obtenir l’an prochain une participation accrue du ministère de l’Éducation nationale au financement de l’enseignement français à l’étranger.

M. Philippe Baumel, rapporteur. On peut être sensible à l’argumentation de nos collègues, mais il convient de regarder la consommation effective des crédits. Il se trouve que certains crédits sur la ligne budgétaire consacrée à l’AEFE ne sont pas consommés. Peut-être faudrait-il commencer par regarder ce qu’il en est.

M. Sergio Coronado. Dans le même sens que les deux intervenants précédents, je souhaiterais restituer le contexte de ces amendements pour montrer qu’il s’agit d’une erreur stratégique que de diminuer la subvention. L’opérateur se déploie dans un contexte extrêmement concurrentiel d’offre éducative, parfois changeant. Cela explique que les lignes ne soient pas toujours consommées. Certaines opérations immobilières sont réalisables au moment où elles sont envisagées, puis cessent de l’être un peu plus tard en raison d’une évolution des prix, comme ce fut le cas récemment à Buenos Aires. C’est pour cette raison que certains crédits ne sont pas consommés.

La baisse des subventions de l’AEFE est un très mauvais choix stratégique car cela empêche l’Agence de participer à l’accroissement du réseau. Certaines ouvertures récentes d’établissements se sont faites sans participation financière de l’Agence. Par exemple le lycée français de Medellin, juste inauguré, n’a reçu aucune subvention, alors qu’il accueillera sur 10 ans environ 1.500 élèves. C’est un problème. En outre, cela affaiblit l’opérateur dans sa relation avec les fondations et les associations locales. Il s’agit d’établissements privés locaux qui soit ont reçu une homologation de la France, soit ont signé une convention avec l’agence.

Or, on assiste de plus en plus souvent à des « déconventionnements » ou des « déshomologations », c’est-à-dire à des ruptures de relations avec la France. Le lycée français de Mexico, principal établissement français à l’étranger, s’est ainsi déconventionné de fait avant la visite du président de la République. Des tentatives similaires ont eu lieu à Rio de Janeiro et à Montevideo.

Le réseau a du mal à se déployer. Lui couper les jambes en réduisant sa voilure budgétaire aujourd’hui n’est pas un bon choix stratégique.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Je partage évidemment les préoccupations qui ont été exprimées par les députés des Français de l’étranger. Nous savons l’importance de ce réseau des lycées français ; il est un vecteur majeur de notre influence et une vitrine de l’excellence française.

Toutefois, je partage l’avis des rapporteurs. La solution réside dans une plus grande implication de l’Éducation nationale qui a par ailleurs un budget bien plus élevé que le ministère des Affaires étrangères. Nous reconnaissons tous les immenses qualités de l’Agence mais nous sommes dans un contexte actuel de contrainte budgétaire. Je suis défavorable à ces amendements, bien qu’ils mettent l’accent sur un vrai sujet.

La commission rejette les amendements AE9 et AE11.

La commission est saisie de l’amendement AE10.

M. Thierry Mariani. Cet amendement complète le précédent et concerne les bourses.

Je veux insister sur les chiffres.

En 2008, l’aide à la scolarité était de 67 millions d’euros. En 2012, elle était de 125 millions.

L’aide à la scolarité pour les Français de l’étranger a quasiment doublé sous la présidence de Nicolas Sarkozy.

M. Philip Cordery. Pour ceux qui ont les moyens !

M. Thierry Mariani. Aujourd’hui, ceux qui n’ont pas les moyens n’ont pas de bourse.

La scolarité était quasiment gratuite. Vous avez décidé d’annuler cela.

Vous avez dit que la baisse de trente millions serait compensée par une augmentation des bourses, mais vous n’avez pas tenu vos engagements, sauf brièvement en 2015. En 2016, on est à 115 millions.

Ainsi, l’aide à la scolarité des expatriés a diminué de 10 % alors que le nombre des expatriés augmentait.

Vous avez attribué la hausse des coûts de la scolarité à l’ancien gouvernement, mais ce n’est pas vrai. Cette évolution est due à une évolution structurelle qui entraîne notamment une hausse des prix du foncier, et cela va continuer, comme vous le savez parfaitement.

Je demande simplement que l’on traite les expatriés de la même façon que les Français de métropole. Je vous le rappelle, Madame la Présidente, ce sont des enfants que l’on retire de l’école française.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Quel est l’avis du rapporteur ?

M. Philippe Baumel, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente Élisabeth Guigou. Je partage l’avis défavorable du rapporteur.

La commission rejette l’amendement AE10.

Puis, suivant les conclusions des rapporteurs, elle émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Action extérieure de l’État » tels qu’ils figurent à l’état B annexé à l’article 24 du projet de loi de finances pour 2016.

ANNEXE :
LISTE DES PERSONNES RENCONTRÉES PAR LE RAPPORTEUR

À Tunis, les 10 et 11 septembre 2015 :

Ø Son Exc. François Gouyette, ambassadeur de France, et ses proches collaborateurs, notamment Mmes Anne Gueguen-Mohsen, ministre conseillère, et Céline Place, première secrétaire

Ø M. Christian Reigneaud, consul général, et Mme Claudine Bastard, chef du service des visas

Ø MM. Patrick Flot, conseiller de coopération et d’action culturelle, et Jean-Luc Tholozan, attaché de coopération universitaire et directeur de l’espace Campus France en Tunisie

Ø Les colonels Jérôme Lurat, attaché de défense, et Philippe Ott, attaché de sécurité intérieure, et les responsables de la DGSE et de la DGSI

Ø Mme Émilie Bailly, responsable de l’antenne immobilière

Ø MM. Bernard Lemasle, proviseur du lycée Pierre Mendès-France, et Jean-Jacques Moiroud, proviseur du lycée Gustave Flaubert

Ø MM. Romain Bouthors, directeur Moyen-Orient, Afrique et Turquie de TLScontact, et Wessim Chater, directeur du centre TLS de Tunis (prestataire de services pour la gestion des visas)

Ø Mme Bochra Belhaj Hamida, députée, présidente de la commission des droits et libertés et des affaires extérieures

Ø M. Houcine Jaziri, député, membre du bureau de l’Assemblée des représentants du peuple

Ø M. Mongi Rahoui, député, président de la commission des finances

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