N° 3114 tome VI - Avis de M. Francis Vercamer sur le projet de loi de finances pour 2016 (n°3096)


ogo2003modif

N° 3114

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈMELÉGISLATURE

EnregistréàlaPrésidencedel’Assembléenationalele 8 octobre 2015.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2016,

TOME VI

TRAVAIL ET EMPLOI

TRAVAIL

PAR M. Francis VERCAMER,

Député.

——

Voir les numéros :

Assemblée nationale : 3096, 3110 (annexe n° 47).

SOMMAIRE

___

Pages

I. LES CRÉDITS DES PROGRAMMES NOS 111 ET 155 DE LA MISSION « TRAVAIL ET EMPLOI » EN 2016 7

A. LES CRÉDITS DU PROGRAMME NO 111 – AMÉLIORATION DE LA QUALITÉ DE L’EMPLOI ET DES RELATIONS DU TRAVAIL 8

1. La santé et la sécurité au travail 8

2. La qualité et l’effectivité du droit 10

3. Le dialogue social et la démocratie sociale 10

B. LES CRÉDITS DU PROGRAMME N° 155 CONCEPTION, GESTION ET ÉVALUATION DES POLITIQUES DE L’EMPLOI ET DU TRAVAIL 11

1. Une architecture du programme stable après la rénovation de l’année dernière 11

2. De faibles mesures d’économies sur les dépenses de personnel 11

II. LES RÉFORMES DE LA PRUD’HOMIE : QUEL BILAN ? 12

A. LA JUSTICE PRUD’HOMALE, UNE JUSTICE EN SOUFFRANCE 12

1. Un délai moyen de jugement de 15,4 mois 12

2. Un taux d’appel très important qui allonge encore les délais de jugement définitif 20

3. Un manque de moyens persistants 20

B. UNE RÉFORME DU MODE DE DÉSIGNATION ET DE LA PROCÉDURE 21

1. La réforme de la désignation des conseillers des prud’hommes 21

a. Une rupture profonde avec la tradition française 21

b. La formation des nouveaux élus : une question essentielle 23

2. La réforme de la justice prud’homale par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances 25

a. Vers l’échevinage ? 25

b. Vers une procédure de moins en moins orale 26

c. Le plafonnement des indemnités censuré par le Conseil constitutionnel 26

3. La création des commissions paritaires régionales interprofessionnelles pour les entreprises de moins de 11 salariés par la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi 27

C. PROPOSITIONS AFIN D’AMÉLIORER LE FONCTIONNEMENT DE LA JUSTICE PRUD’HOMALE 28

1. Proximité et accessibilité du droit : l’organisation d’audiences foraines 28

2. Adapter les effectifs aux réalités des territoires 29

3. Formation des conseillers élus mais également des juges professionnels 29

4. Établir un code de bonne conduite avec les barreaux 30

5. Mieux isoler les crédits alloués aux conseils des prud’hommes 30

TRAVAUX DE LA COMMISSION 33

EXAMEN DES CRÉDITS 33

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 37

INTRODUCTION

La mission Travail et emploi constitue l’un des principaux budgets d’intervention de l’État : ses crédits de paiement s’élèvent à 11,44 milliards d’euros dans le projet de loi de finances pour 2016. Elle comporte quatre programmes, dont deux fondent le présent avis : le programme 111 Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail, rassemblant les moyens consacrés à la politique du travail, et le programme 155 Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail, support de la mission (1).

Le présent avis n’a pas pour objectif l’analyse détaillée de l’ensemble des crédits des programmes 111 et 155, cet objet étant imparti prioritairement au rapport spécial établi au nom de la Commission des finances. Après un rappel des principales actions de ces deux programmes de la mission Travail et emploi, le rapporteur pour avis souhaite proposer un bilan des différentes réformes qui ont touché la justice prud’homale.

Il lui apparaît en effet nécessaire de préserver cette spécificité française qui confie au monde du travail le soin de trancher de manière paritaire les litiges entre employeurs et employés tout en lui permettant de mieux remplir son rôle auprès du justiciable en rendant notamment des jugements dans des délais plus courts.

Dans le projet de loi de finances pour 2016, le montant des crédits des programmes 111 – Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail et 155 – Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail, s’élève à 854,73 millions d’euros de crédits de paiement et à 807,32 millions d’euros d’autorisations d’engagement (2).

Ce budget apparaît donc stable par rapport à l’année dernière en crédits de paiement puisque le montant des crédits de ces deux programmes s’élevait à 851,79 millions d’euros de crédits de paiement. En revanche, il subit une forte baisse de l’ordre de 90 millions d’euros en autorisations d’engagement. En effet, les autorisations d’engagement ouvertes en LFI 2015 étaient de 897,78 millions d’euros.

Cette baisse est essentiellement concentrée sur l’action 3 Dialogue social et démocratie sociale du programme 111. En 2015, 97,5 millions d’euros d’AE ont été ouverts pour 45,4 millions de CP pour financer la mise en œuvre du fonds destiné à financer les organisations syndicales et patronales tel qu’introduit par l’article 31 de la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale. En 2016, deuxième année de financement du fonds, 55,4 millions d’euros de CP sont demandés pour 19,8 millions d’euros d’AE, la majorité des AE ayant été ouvertes en 2015.

Plus largement, les crédits demandés pour la mission Travail et emploi restent stables en 2016 par rapport à 2015 en CP alors qu’ils diminuent de plus de 5,6 % en AE comme le montre le tableau suivant :

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION « TRAVAIL ET EMPLOI » ENTRE 2015 ET 2016

(en milliards)

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

LFI 2015

PLF 2016

Évolution entre 2015 et 2016

LFI 2015

PLF 2016

Évolution entre 2015 et 2016

11,95

11,28

– 5,6 %

11,36

11,44

+ 0,7 %

Source : Programme annuel de performance 2016

Le programme 111 se voit doté de 91,81 millions d’euros de crédits de paiement dans le projet de loi de finances pour 2016, soit une augmentation de 10,2 millions d’euros par rapport à 2015 qui fait suite à une augmentation précédente de 11,9 millions d’euros. Il a pour but d’améliorer la qualité de l’emploi et des relations de travail, c’est-à-dire de garantir aux 15,9 millions de salariés du secteur privé, des conditions de travail conformes aux normes collectives et contrôlées, protégeant leur santé et leur sécurité, et reposant sur une négociation sociale dynamique.

La composition du programme 111 reflète ces objectifs. Il compte quatre actions, aux poids inégaux : « Santé et sécurité au travail » (27,5 % des crédits de paiement), « Qualité et effectivité du droit » (12 % des crédits de paiement), « Dialogue social et démocratie sociale » (60,3 % des crédits de paiement), et « Lutte contre le travail illégal » (3). Leurs crédits connaissent des évolutions contrastées en 2016, comme expliqué ci-dessous.

L’action Santé et sécurité au travail bénéficie de 25,3 millions d’euros de crédits de paiement dans le projet de loi de finances pour 2016, soit une diminution de 1,3 million d’euros par rapport à 2015. Elle est portée par deux opérateurs, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) et l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT).

Un budget global de l’ANSES en baisse

Premier opérateur du programme, l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) qui a pour mission principale de réaliser et de fournir aux autorités compétentes une expertise scientifique et pluridisciplinaire, reçoit en 2016 une subvention de 8,55 millions d’euros au titre du programme n° 111, soit une dotation inférieure à celle octroyée en 2015, qui était de 8,82 millions d’euros.

Au-delà du programme 111, l’ANSES concourt à la mise en œuvre de quatre autres programmes budgétaires relevant des ministères chargés de l’agriculture (programme 206 Sécurité et qualité sanitaire de l’alimentation), de la santé (programme 204 Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins), et de l’écologie (programmes 181 Prévention des risques et 190 Recherche dans le domaine de l’énergie, du développement et de la mobilité durable), au titre desquels elle reçoit des subventions. Les subventions sont plutôt orientées à la baisse.

Au final, le budget global de l’ANSES diminuera de 0,736 million d’euros entre 2015 et 2016, comme l’indique le tableau ci-dessous.

ÉVOLUTION DU BUDGET GLOBAL DE L’ANSE ENTRE 2015 ET 2016 EN CP

(en milliers d’euros)

 

LFI 2015

PLF 2016

Programme 204 – Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins

13 600

13 429

Programme 111 – Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail

8 820

8 554

Programme 181 – Prévention des risques

7 000

7 000

Programme 190 – Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de l’aménagement durables

1 588

1 562

Programme 206 – Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation

62 995

64 195

Total

94 003

94 740

Source : Programme annuel de performance 2016 – Mission Agriculture, alimentation, forêts et affaires rurales.

L’ANACT : des objectifs redéfinis

Second opérateur du programme 111, l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT) se voit dotée d’une subvention de 10,8 millions d’euros de crédits de paiement dans le projet de loi de finances pour 2016. L’ANACT avait reçu une dotation de 10,8 millions d’euros en 2015.

La publication du décret n° 2015-968 du 31 juillet 2015 relatif aux missions et au fonctionnement de l'ANACT marque un tournant important pour l’agence et son réseau. À la suite des observations du référé de la Cour de comptes en janvier 2012 et de la « feuille de route sociale » adoptée à l’issue de la Grande conférence sociale pour l’emploi de 2013, un groupe tripartite entre l’État et les partenaires sociaux a produit des réflexions sur le positionnement de cet opérateur et de son réseau. L’ensemble de ces réflexions a permis de déboucher sur la signature, le 26 novembre 2013, du premier contrat d’objectifs et de performance (COP1) entre l’État et l’ANACT, qui couvre la période 2014-2017. La révision des décrets constitutifs de l’agence et du réseau des associations régionales pour l’amélioration des conditions de travail (ARACT) figurait au nombre des objectifs formulés par le ministre chargé du travail dans le cadre du groupe tripartite ainsi que de ceux figurant dans le COP.

Conformément à ces objectifs, le décret du 31 juillet 2015 procède notamment à l’actualisation des missions du réseau ANACT - ARACT, mises en cohérence avec le COP, ainsi qu’au renforcement du rôle de pilotage de l’ANACT sur le réseau. Par ailleurs, il organise les modalités de gestion et d’allocation du FACT, dispositif d’aide publique à caractère incitatif destiné à permettre à différents acteurs – entreprises, associations, branches professionnelles – de mener des projets d’expérimentation dans le champ de l’amélioration des conditions de travail conformément aux objectifs du COP.

Une augmentation des crédits destinés aux études

Les crédits du programme  111 consacrés à la santé au travail recouvrent non seulement les dotations de fonctionnement des deux opérateurs précités, mais aussi les subventions accordées aux études menées en matière de santé au travail et au Fonds d’amélioration pour les conditions de travail (FACT).

6,15 millions d’euros de CP permettant de financer les études destinées à la connaissance des risques professionnels et les interventions du FACT.

Le montant des crédits de paiement de l’action Qualité et effectivité du droit augmente en 2016, passant de 9,7 millions d’euros en 2015 à 11,1 millions d’euros en 2016 sans toutefois revenir au niveau de 2014 où il s’élevait à 14,4 millions d’euros. Ces fortes variations reflètent les incertitudes qui accompagnent la désignation des juges prud’homaux, qui devrait désormais être fondée sur la mesure de l’audience des organisations syndicales et patronales. Le rapporteur pour avis reviendra plus spécialement sur le sujet en seconde partie du rapport.

L’action Dialogue social et démocratie sociale se voit dotée de 55,4 millions d’euros de crédits de paiement dans le projet de loi de finances pour 2016, contre 45,4 millions en 2015. Les crédits de cette action connaissent une nouvelle hausse très sensible, due au caractère cyclique des dispositifs de mesure d’audience financés par cette action ainsi qu’à la mise en œuvre de la réforme du financement des partenaires sociaux.

En effet, 2016 est la dernière année de la mesure de l’audience des organisations syndicales portant sur la période 2013 – 2016, opération à laquelle seront consacrés 18,43 millions d’euros en 2015 (soit une hausse de 10 millions d’euros). De la même manière il convient de prévoir en 2016 les crédits nécessaires au lancement du premier processus de mesure de l’audience des organisations d’employeurs, conformément aux dispositions issues de la loi du 5 mars 2014 (4), et pour lesquelles sont prévus 0,8 million d’euros.

Au cours de l’année 2016, le Fonds paritaire destiné à financer les partenaires sociaux créé par la loi du 5 mars 2014 et mis en place en 2015 sera abondé 32,6 millions d’euros après les 34 millions d’euros de 2015. L’équilibre du Fonds repose également sur une contribution des entreprises et des organismes paritaires à la gestion desquels participent les organisations syndicales et patronales.

Le programme n° 155 constitue le programme support des politiques publiques de la mission Travail et emploi, regroupant l’essentiel de leurs moyens en personnel, fonctionnement, investissement et recherche. Le projet de loi de finances pour 2016 lui attribue 762,9 millions d’euros de crédits de paiement, contre 770,1 millions d’euros en 2015.

Depuis la LFI 2015, le programme 155 est organisé en douze actions, ce qui en améliore notablement la lisibilité. En effet, les intitulés des actions sont plus précis et permettent de cibler clairement la destination des crédits qui y sont inscrits. En effet, ils ne se contentent plus d’indiquer les crédits alloués aux différents programmes. Ces douze actions se répartissent en deux catégories :

– les dépenses de fonctionnement et d’intervention, regroupant les crédits finançant le fonctionnement des services (action n° 8) pour 34,2 millions d’euros, les systèmes d’information (action n° 9) pour 28,3 millions d’euros, les affaires immobilières (action n° 10) pour 29,1 millions d’euros, la communication (action n° 11) pour 4,5 millions d’euros, les activités de statistiques, d’études et de recherche (action n° 12) pour 12,4 millions d’euros, et la politique des ressources humaines (action n° 13) pour 33,2 millions d’euros ;

– et les dépenses de personnel, regroupant les crédits affectés aux personnels mettant en œuvre les politiques d’accès et retour à l’emploi (action n° 14) pour 97,3 millions d’euros, les politiques d’accompagnement des mutations économiques et du développement de l’emploi (action n° 15) pour 93,3 millions d’euros, personnels mettant en œuvre les politiques d’amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail (action n° 16) pour 288,2 millions d’euros, ainsi que les crédits destinés aux personnels responsables des activités de statistiques, d’études et de recherche (action n° 17) pour 21,7 millions d’euros et enfin aux personnels transversaux et de soutien (action n° 18) pour 127,9 millions d’euros.

Comme l’indique le tableau ci-dessous, la diminution des crédits du programme n° 155 est due aux mesures d’économies réalisées sur les dépenses de personnel, qui baissent de 4,5 millions d’euros après 10 millions d’euros l’an dernier. De fait, comme cela a été signalé au rapporteur pour avis, le plafond d’emplois a été réduit de 47 ETPT, passant de 9 750 équivalents temps plein travaillé (ETPT) en 2015 à 9 703 ETPT en 2016.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE PAIEMENT DU PROGRAMME 155 PAR TYPE DE DÉPENSES

(en euros)

 

LFI pour 2015

PLF pour 2016

Dépenses de personnel

628 490 760

623 991 017

Dépenses de fonctionnement

141 354 362

138 662 215

Dépenses d’intervention

321 500

270 791

Total

770 166 622

762 924 023

Source : Projet annuel de performances pour 2016.

Les montants des subventions pour charge de service public octroyées aux trois opérateurs connaissent, en revanche, des évolutions variables en 2016 :

– le Centre d’études de l’emploi (CEE) reçoit une dotation de 3,8 millions d’euros, stable par rapport à 2015 ;

– le Centre d’études et de recherche sur les qualifications (CEREQ) reçoit d’une dotation de 1,04 million d’euros, en légère diminution ;

– l’Institut national du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle (INTEFP) reçoit d’une dotation de 15,4 millions d’euros, stable par rapport à 2015.

Depuis 2012, un certain nombre de réformes a été mené dans le domaine de la justice prud’homale autant concernant le mode de désignation que la procédure. L’impact des changements apportés à ce qui reste l’une des juridictions les plus atypiques de notre système judiciaire, doit être mesuré afin de mieux accompagner leur mise en œuvre, et permettre aux conseils des prud’hommes de jouer pleinement leur rôle de régulation des relations du travail.

Aux termes de l’article L. 141-l du code de l’organisation judiciaire, « l’État est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service public de la justice ». Sa responsabilité étant engagée par une faute lourde, constituée par une déficience caractérisée par un fait ou une série de faits traduisant l’inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi, ou par un déni de justice.

Le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause, la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes ainsi que l’enjeu du litige pour les intéressés. Sur ces considérants, l’État est régulièrement condamné pour délai déraisonnable. Au cours d’une table ronde organisée par le rapporteur pour avis, une organisation syndicale a cité le chiffre de 71 condamnations entre 2011 et 2012 pour délai excessif.

Par ailleurs, aux termes des articles R. 1456-2 et R. 1456-4 du code du travail, en cas de litige portant sur des licenciements pour motif économique, le conseil de prud’hommes doit "statuer en urgence", l’audience de conciliation devant être fixée dans le mois de la saisine et l’audience devant le bureau de jugement dans un délai qui ne peut excéder six mois. Ce délai n’est malheureusement pas toujours respecté.

Le tableau ci-après montre que le délai moyen pour un jugement est de 15,4 mois mais qu’il peut atteindre plus de 3 ans comme à Niort ou à Cayenne.

ACTIVITÉ DES CONSEILS DE PRUD’HOMMES – DONNÉES PAR JURIDICTION – 2014

Juridiction

Affaires nouvelles

(yc référés)

Affaires terminées

(yc référés)

Durée des affaires

(non compris référés) en mois

Stocks au 31/12 (non compris référés)

Âge du stock (non compris référés) en mois

France entière

187 651

188 189

15,4

221 211

13,3

Abbeville

219

299

10,9

139

7,9

Agen

502

821

14,7

659

13,7

Aix-en-Provence

2 166

1 799

17,1

2 812

14,4

Aix-les-Bains

151

125

9,6

104

6,2

Ajaccio

432

411

13,5

427

10,1

Albertville

352

330

7,9

184

7,1

Albi

289

353

13,8

252

10,7

Alençon

620

425

10,6

462

12

Alès

420

502

14

451

11,7

Amiens

1 161

1 718

12,2

1 652

8,6

Angers

1 294

1 454

15,4

2 274

17,4

Angoulême

635

579

11

438

10,9

Annecy

792

723

9,4

463

6,7

Annemasse

598

599

10,4

399

11,3

Annonay

213

276

12

136

11

Argentan

300

376

15

268

14,1

Argenteuil

761

718

8,5

489

6,5

Arles

594

777

16,2

798

19

Arras

1 082

959

8,4

858

8,4

Aubenas

275

255

10,3

228

11,3

Auch

198

191

13,4

200

8,9

Aurillac

146

143

14,3

122

9,9

Auxerre

561

661

10,5

294

9,5

Avesnes sur Helpe

428

401

14

438

9,7

Avignon

1 090

1 260

15,4

1 467

14,4

Avranches

161

152

9

148

10

Bar-le-Duc

129

117

7,2

62

6,2

Basse-Terre

319

401

29,5

487

21,9

Bastia

460

404

14,1

499

12,5

Bayonne

625

582

14,6

561

9,8

Beauvais

851

1 065

15,5

1 328

15,4

Belfort

826

323

9,9

746

3,2

Belley

144

117

9,7

98

6,9

Bergerac

351

475

7,2

128

4,4

Bernay

350

207

13,9

321

6,5

Besançon

447

449

11,2

379

9,4

Béthune

1 001

656

18,1

1 251

11

Béziers

968

1 050

18,4

1 085

12,7

Blois

938

1 150

8,8

720

9,3

Bobigny

6 446

5 632

22,5

11 093

15,1

Bonneville

327

331

8,8

204

9,8

Bordeaux

4 397

4 267

14,2

4 818

13,8

Boulogne-Billancourt

2 679

2 721

17

3 445

13

Boulogne-sur-Mer

428

362

15,2

546

12,3

Bourg-en-Bresse

520

484

11,3

433

10,1

Bourges

797

839

9,5

560

6,6

Bourgoin-Jallieu

368

351

10,5

262

5,8

Brest

672

563

8,6

607

8,4

Brive-la-Gaillarde

340

285

12,2

294

9,7

Caen

1 979

1 842

18,6

2 344

13,1

Cahors

199

233

10,6

194

14,8

Calais

394

341

16,8

613

13,8

Cambrai

404

345

10,3

520

11,7

Cannes

824

804

15,9

774

11,1

Carcassonne

402

401

12,9

397

12,4

Castres

252

324

12,2

196

7,6

Cayenne

439

359

37,8

859

31,8

Cergy-Pontoise

1 024

1 031

10,9

832

9,3

Châlons-en-Champagne

311

600

12,5

402

11,3

Chalon-sur-Saône

693

857

15,2

583

8,1

Chambéry

474

487

12,3

351

8,5

Charleville-Mézières

586

689

17,8

650

11,1

Chartres

788

724

9,7

774

9,4

Châteaudun

111

170

20,2

156

12,3

Châteauroux

328

325

11,1

229

7,5

Chaumont

366

787

24,7

473

15,3

Cherbourg

289

292

11,2

369

13,3

Clermont-Ferrand

1 281

1 098

12,9

1 262

11,5

Colmar

939

881

7

496

6,3

Compiègne

500

633

11,8

398

9,1

Coutances

315

269

13,9

520

18,9

Creil

988

812

14,8

1 588

13,9

Créteil

3 439

3 263

21,2

6 179

17,2

Dax

431

417

11,8

260

8,4

Dieppe

426

459

9,6

356

8,2

Digne-les-Bains

361

407

11,6

678

14,4

Dijon

1 460

1 597

14,9

1 235

9,3

Dinan

165

161

7,8

80

6,4

Dôle

138

149

10,2

94

7,4

Douai

514

410

11,7

501

9,5

Draguignan

528

450

15,2

578

14

Dreux

421

357

10,5

314

10,5

Dunkerque

919

1 072

11,5

785

6,6

Épernay

149

141

7

96

8,7

Épinal

691

607

13,2

798

11,8

Évreux

700

763

15,1

550

11,4

Évry

1 686

1 811

12

1 278

9,5

Foix

185

168

14,9

287

16,6

Fontainebleau

486

371

10,3

547

10,4

Forbach

665

767

12,2

1 537

16,2

Fort-de-France

898

1 058

27,8

1 588

20,7

Fréjus

867

766

11,5

485

7,5

Gap

254

247

12,1

226

8,9

Grasse

1 541

1 546

11,5

1 395

8,9

Grenoble

1 769

2 046

13,6

1 849

11,6

Guéret

109

124

10,4

68

12

Guingamp

340

262

9,5

257

8,5

Haguenau

330

293

16,6

303

9,2

Le Havre

1 335

1 237

9,7

973

8,9

Hazebrouck

247

310

9,7

178

8,7

Lannoy

471

403

13,3

776

12,8

Laon

526

331

9,5

531

7,2

La Rochelle

465

580

10

297

8

la Roche-sur-Yon

449

762

17,9

608

18,7

Laval

299

324

10,4

304

9,8

Lens

1 021

779

13

1 567

13

Libourne

321

346

15,3

363

12,5

Lille

2 175

1 974

15,6

3 286

14,8

Limoges

821

773

8,2

719

9,8

Lisieux

378

491

22,2

539

13,1

Longjumeau

1 552

1 376

15,5

1 795

10,8

Longwy

286

296

8,3

216

9,1

Lons-le-Saunier

205

209

8,6

93

6,5

Lorient

458

1 184

24

560

15,1

Louviers

568

645

12,5

564

12,8

Lure

141

147

6,8

63

5,9

Lyon

6 409

6 170

18,7

9 439

15,3

Mâcon

333

345

13,7

425

12,7

Mamoudzou

         

Le Mans

879

870

10,5

663

7

Mantes-la-Jolie

498

426

8,1

354

7,5

Marmande

137

163

11

106

8,4

Marseille

4 491

5 193

20,1

7 669

16

Martigues

1 533

1 530

13,4

1 852

10,8

Meaux

2 045

1 966

25,9

2 816

17,1

Melun

1 415

1 317

14,8

1 358

11,5

Mende

86

96

10,5

47

4,7

Metz

1 764

1 907

15,5

1 607

11

Millau

119

123

9,5

224

13

Montargis

264

279

7,6

120

6,3

Montauban

594

550

17,6

820

14,5

Montbéliard

246

253

12,5

225

11

Montbrison

228

242

11,4

158

8,2

Mont-de-Marsan

324

320

14,7

375

12,5

Montélimar

356

347

11,8

263

8,6

Montluçon

420

462

7,1

353

5,4

Montmorency

1 809

1 241

15,1

1 907

8,4

Montpellier

2 697

2 299

15,4

3 343

11,9

Morlaix

549

144

7,6

469

7,5

Moulins

181

167

8,9

113

6,1

Mulhouse

1 291

1 149

13,7

1 156

9,9

Nancy

1 225

1 270

11,8

1 237

10,9

Nanterre

4 315

4 590

23,6

8 090

17,2

Nantes

2 005

1 783

11

1 959

10,8

Narbonne

587

550

12,3

482

12,4

Nevers

301

448

11,4

306

11,2

Nice

2 220

2 372

15,2

2 117

10,1

Nîmes

1 704

1 611

13

1 762

16,4

Niort

257

630

38,4

241

27,5

Orange

470

550

13

412

9,9

Orléans

1 403

1 173

11,5

1 359

10,8

Oyonnax

228

205

9,8

230

10,3

Paris

19 871

19 638

19

28 862

15,6

Pau

874

987

15,5

621

7,8

Périgueux

454

430

10

313

15

Péronne

310

432

9,2

154

6,2

Perpignan

1 259

1 094

14,9

1 473

11,6

Pointe-à-Pitre

975

1 079

12,8

832

9,3

Poissy

685

782

14,6

617

9,9

Poitiers

711

686

11,5

735

16,2

Le Puy-en-Velay

261

249

11

245

14,5

Quimper

830

867

13

651

9,3

Rambouillet

499

1 257

10,2

388

8,1

Reims

971

784

13,3

805

16,1

Rennes

1 578

1 311

13,6

1 612

14,1

Riom

183

272

16,5

255

13,3

Roanne

215

251

10,9

158

8,1

Rochefort

313

267

6,4

152

5,4

Rodez

286

249

14,6

249

9,9

Roubaix

540

488

9,5

421

9,4

Rouen

2 293

2 454

14,1

2 455

11,5

Les Sables d'Olonne

234

220

11,5

179

8

Saint-Brieuc

475

718

12,2

275

9,4

Saint-Denis de La Réunion

1 010

1 087

14,6

940

11,4

Saint-Dié-des-Vosges

147

196

14,1

125

11,3

Saintes

579

538

10,7

328

7,1

Saint-Étienne

982

1 007

9,6

1 148

11,3

Saint-Gaudens

126

163

8,6

98

8,2

Saint-Germain-en-Laye

809

788

10,7

562

6,9

Saint-Malo

234

206

9,5

154

6,4

Saint-Nazaire

514

701

12,7

465

9,5

Saint-Omer

451

461

4,2

135

3,8

Saint-Pierre

515

427

7,7

328

7,9

Saint-Quentin

314

304

8,1

333

12,9

Saumur

207

171

7,3

115

6

Saverne

448

421

8,7

308

6,3

Schiltigheim

591

537

13,4

560

10,7

Sens

304

339

9,8

173

7,5

Sète

300

280

10,2

266

17,4

Soissons

356

339

6,4

253

10,1

Strasbourg

1 586

1 462

15

1 637

10,4

Tarbes

432

494

15,9

382

10,4

Thionville

402

413

9,3

295

10,4

Thouars

349

367

8,2

79

6,6

Toulon

1 949

1 729

15

2 767

13,3

Toulouse

3 611

3 470

20,8

4 968

13

Tourcoing

751

518

9,1

636

6,9

Tours

1 401

1 486

11,5

1 330

12,2

Troyes

619

589

11,1

537

10,6

Tulle

148

143

8,1

78

5,5

Valence

893

966

10,2

767

10,6

Valenciennes

826

863

17,1

1 123

12,6

Vannes

340

402

15,7

1 106

19,9

Verdun

101

97

8,1

82

11,6

Versailles

1 831

2 067

19,2

4 121

14,7

Vesoul

182

176

10,1

119

7

Vichy

299

305

10,6

214

8,8

Vienne

618

521

16,1

1 036

15

Villefranche-sur-Saône

444

550

10,2

290

10,2

Villeneuve-Saint-Georges

883

1 029

17,7

1 019

12,2

Source : Ministère de la Justice - Exploitation statistique du répertoire général civil.

Outre les difficultés matérielles dues au manque de moyens, les délais ne trouvent pas toujours, loin s’en faut, leur principale raison dans le fonctionnement des conseils des prud’hommes mais souvent aux parties elles-mêmes qui usent et abusent des demandes de renvois. Les auditions effectuées par votre rapporteur ont ainsi permis d’établir que le constat était largement partagé, d’un développement de pratiques inadaptées, retardant l’échange des pièces entre les conseils des parties, la mise en état du dossier et in fine l’examen des affaires au fond. Sur ce point, l’influence des modifications apportées à la procédure par la loi du 6 août 2015 pour la croissance, laisse perplexe nombre de représentants des partenaires sociaux auditionnés. De fait, ces modifications ne semblent pouvoir porter leurs fruits que si elles se combinent à un vrai changement des pratiques, que le rapporteur ne peut qu’encourager.

En ce qui concerne le taux d’appel des jugements, les chiffres de 2014 ne sont pas encore connus. En revanche, pour 2013, le taux d’appel au fond a été de 66,7 % et de 32,3 % en référé. Pour mémoire, de 2004 à 2013, le nombre d’appels formés contre des jugements rendus par les conseils des prud’hommes (fond et référés) a augmenté de 21 %, passant de près de 49 000 affaires à 59 000 affaires. Pour les affaires au fond, le taux d’appel sur les jugements ayant été rendus en départage a été en 2013 de 81,5 % (5).

Les jugements rendus par les juges départiteurs font donc également l’objet d’appel.

En définitive, les délais de jugement définitif sont en moyenne de 40 mois dont seulement un peu plus de 15 mois sont dus aux conseils des prud’hommes stricto sensu.

Il est estimé qu’environ 350 postes de personnels de greffes sont actuellement vacants. Il manque également des juges départiteurs.

Les emplois en catégorie B (greffiers et secrétaires administratifs) sont toutefois en augmentation continue, et sont passés de 8 709 à 9 782 entre 2009 et 2014. Les créations d’emplois de greffiers ont pour but à moyen terme de parvenir à une parité entre le nombre d’emplois de greffiers et celui de magistrats. Ce ratio s’améliore depuis 2009, il est passé de 0,86 en 2009 à 1,01 en 2014.

Le rapporteur pour avis, au cours des auditions, a également reçu de nombreux témoignages de manques de moyens matériels – matériels informatiques et de bureaux, mobiliers…

Les crédits alloués aux conseils des prud’hommes sont retracés dans l’action 1 Traitement et jugement des contentieux civils du programme 166 justice judiciaire. Il est toutefois impossible de retracer ce qui est effectivement consacré à la justice prud’homale puisque les gestionnaires de l’enveloppe globale sont les premiers présidents de chaque cour d’appel qui répartissent dans un second temps les crédits à l’ensemble des juridictions de tout type de leur ressort.

Les crédits de paiements demandés pour 2016 pour l’ensemble de l’action sont de 946,6 millions d’euros contre 927 millions d’euros en 2015, soit une augmentation de 2,11 %. Cette faible augmentation n’est pas à la hauteur des enjeux et elle ne profitera que marginalement aux conseils des prud’hommes au vu des restes à payer abyssaux des frais de justice.

Depuis 1979, le ministère du travail était chargé de l’organisation des élections prud'homales générales qui avaient lieu tous les cinq ans à une date unique pour l’ensemble du territoire national.

Ces élections se faisaient dans le cadre d’un scrutin de liste, proportionnel à un tour, avec répartition des restes à la plus forte moyenne. Elles concernaient l’ensemble des salariés et des employeurs, soit près de 20 millions d’électeurs. La dernière élection a eu lieu en 2008. Le mandat des conseillers élus en 2008 a été prolongé deux fois de deux ans. Il s’achèvera fin 2017.

Plusieurs raisons ont été avancées pour justifier la suppression des élections prud’homales :

– le budget de l’opération était de près de 100 millions d’euros, le coût étant majoritairement justifié par la nécessité de reconstituer la liste électorale à chaque scrutin ;

– au regard de ce coût élevé, la participation, en baisse régulière, avait juste atteint 25 % en 2008, contre 62 % en 1979 ;

– enfin et surtout, les élections prud’homales, seule consultation organisée au niveau national, étaient devenues, de fait, la seule mesure de l’audience des syndicats. Or, l’évaluation de la représentativité syndicale a été profondément réformée par la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps du travail complétée de la loi n° 2010-1250 du 15 octobre 2010. La représentativité syndicale se fonde désormais sur les résultats des élections professionnelles (comités d’entreprise, délégués du personnel), des résultats des élections aux chambres d’agriculture, et d’une élection spécifique destinée aux très petites entreprises – TPE (la première organisée en décembre 2012). La mesure de l’audience syndicale a ainsi été publiée en mars 2013. En complément, la loi n° 2014-588 du 5 mars 2014 a réformé la représentativité patronale. Celle-ci sera mesurée pour la première fois en 2017, en même temps que la seconde mesure de la représentativité syndicale. L’audience patronale se composera des adhésions collectées par les organisations professionnelles qui souhaitent voir reconnaître leur représentativité au niveau des branches ou au niveau interprofessionnel. La représentativité des organisations syndicales et professionnelles sera désormais mesurée et reconnue tous les quatre ans, et ce à compter de 2017.

Les grands principes de la réforme du mode de renouvellement des conseillers prud’hommes ont été mis en place par la loi d’habilitation n° 2014-1528 du 18 décembre 2014 relative à la désignation des conseillers prud'hommes : les conseillers seront désormais désignés sur proposition des organisations syndicales et professionnelles en fonction de leur audience et du nombre de sièges à pourvoir par conseil, collège et section.

Cette loi autorise le gouvernement à prendre par ordonnance les dispositions relevant du domaine de la loi prévoyant la désignation des conseillers prud'hommes en fonction de l'audience des organisations syndicales de salariés et de celle des organisations professionnelles d'employeurs, et remplace l'élection directe par une désignation. Celle-ci s’appuiera sur l’audience qui déterminera la répartition des sièges entre organisations syndicales et professionnelles. Son rythme sera aligné sur le cycle quadriennal de la mesure de l’audience des partenaires sociaux.

Le projet d’ordonnance et les projets de textes réglementaires nécessaires sont en cours d’élaboration en vue d’une publication échelonnée entre l’automne 2015 et début 2016. Un groupe de suivi spécifique « réforme du mode de désignation » a été mis en place. Piloté par la Direction générale du travail, il comprend les partenaires sociaux et associe en tant que de besoin les représentants des ministères concernés (Justice, Agriculture...). Le Conseil supérieur de la prud’homie est consulté aux étapes clefs du processus.

Pour un renouvellement à la fin de l’année 2017, le calendrier de la réforme nécessite de consacrer toute l’année 2016 à la conception et la réalisation des systèmes d’information nécessaires (construction des algorithmes de calcul des sièges, modalités de recueil des candidatures).

Le calendrier actuel de la réforme serait ainsi le suivant :

– 2015 : rédaction des textes réglementaires en concertation étroite avec les partenaires sociaux, après consultation du Conseil supérieur de la prud’homie ;

– 2016 : publication de l’ordonnance et du décret d’application, procédure de désignation d’un maître d’œuvre et réalisation des systèmes d’information ;

– 2017 : réalisation de l’opération de renouvellement.

Le coût prévisionnel du renouvellement des conseillers prud’hommes sur la base d’un dispositif de désignation est très sensiblement inférieur aux coûts liés à l’organisation d’une élection générale. Le coût du nouveau système de désignation devrait s’établir à un peu plus de 6 millions d’euros.

Les conseillers prud’homaux actuels ont été élus en 2008 pour 5 ans. Leur mandat a été renouvelé par deux fois, de deux ans. In fine, les conseillers élus en 2008 auront exercé leur fonction pendant 9 ans. Ces prorogations de mandats ne sont pas sans soulever un certain nombre de problèmes en soi. En effet, au cours des auditions, il a été fait part au rapporteur pour avis de « la fatigue » de conseillers qui pensaient devoir exercer un mandat durant 5 ans et non 9 ans. Il a été fait état d’un absentéisme parfois important jusqu’à une personne sur trois.

Par ailleurs, la question de la formation va être essentielle dès la prise de fonction des nouveaux conseillers prud’homaux. En effet, vu la longueur des mandats actuels, il est en général estimé qu’une moitié des 14 000 élus actuels seront des nouveaux élus, soit 7 000 conseillers. Ce sont autant de personnes à former aux règles de la procédure avant même leur entrée en fonction.

La formation continue des conseillers prud'hommes constitue, d'une part, un droit réservé aux juges élus, qu'ils soient employeurs ou salariés, et, d'autre part, revêt un caractère facultatif.

Conformément aux dispositions de l’article L. 1442-1 du code du travail, l’État organise et finance la formation des conseillers prud’hommes. Afin de dispenser cette formation, le ministère chargé du travail agrée pour 5 ans des instituts du travail et des associations rattachées aux organisations professionnelles et syndicales ayant obtenu au moins 150 sièges de conseillers prud’hommes répartis dans au moins 50 départements aux dernières élections prud’homales. En raison de la prorogation de deux ans du mandat des conseillers prud’hommes par la loi du 15 octobre 2010 complétant les dispositions relatives à la démocratie sociale issues de la loi du 20 août 2008, l’agrément délivré initialement pour les années 2009-2013 aux organismes de formation a été prorogé jusqu’au 31 décembre 2015 au plus tard par le décret n° 2013-1245 du 27 décembre 2013 relatif à la prorogation des agréments accordés à certains organismes et établissements publics et des conventions conclues avec ceux-ci pour assurer la formation des conseillers prud'hommes.

La loi du 18 décembre 2014 a prorogé une nouvelle fois le mandat prud’homal, en fixant son terme au plus tard au 31 décembre 2017. Un décret en conseil d’État prorogera en conséquence de deux années supplémentaires l’agrément des organismes de formation.

18 structures ont été agréées pour la mandature 2009-2015 :

– 6 instituts du travail des universités de Bordeaux, Grenoble, Lorraine, Paris, Rennes et Strasbourg ;

– 6 associations rattachées à des organisations syndicales : CFDT, CGT, CFE-CGC, CFTC, FO et UNSA ;

– 6 associations rattachées à des organisations professionnelles : l’association des entrepreneurs de l’économie sociale (AEES), CGPME, MEDEF, MEDEF Bourgogne, MEDEF Bretagne et UPA. Deux associations locales prennent en charge directement la formation des conseillers du MEDEF dans leur région respective.

Des conventions cadres, établies entre le ministère et ces organismes agréés, définissent pour la durée du mandat le nombre prévisionnel maximum de jours de formation à organiser, leur répartition par année et le montant de l’aide financière correspondante. Les conventions cadres actuelles étant initialement d’une durée de 5 ans, elles ont été prorogées de deux années supplémentaires par le décret n° 2013-1245 du 27 décembre 2013 et par avenant. Un nouvel avenant leur sera proposé en fin d’année 2015 pour proroger cette durée de deux années supplémentaires suite au décret à paraître.

Le financement tient compte à la fois des frais variables (frais engagés pour une session de formation) et des frais fixes (frais de structure des organismes). Le budget relatif à la formation des conseillers prud’hommes s’élève pour la mandature actuelle (2009-2017) à plus de 72 millions d’euros. En contrepartie de ce financement, les conventions définissent les obligations à respecter pour les associations et les instituts du travail : plusieurs pièces pédagogiques et comptables doivent être transmises au ministère pour vérification du service fait, notamment les rapports de stage et feuilles d’émargement des stagiaires.

Au cours de l’année 2014, environ 10 000 conseillers ont suivi 28 700 journées de formation pour un montant total de 5,9 millions d’euros. Le premier paiement de l’aide de l’État pour la formation prud’homale de 2015 est intervenu en juin 2015 pour un montant de 3,8 millions d’euros. Deux autres versements complémentaires interviendront fin 2015 et début 2016, sur la base des justificatifs que fourniront les structures.

Le budget des formations pour 2016 est stable par rapport à 2015, et s’élève à 7,75 millions d’euros. Cette stabilisation, qui permettra de réaliser plus de 31 000 journées de formation, se fonde sur deux éléments principaux : l’exigence du maintien en compétence des conseillers prud’hommes au regard des évolutions du droit du travail pour des juges élus depuis 2008 et un allongement de la durée du mandat jusqu’à décembre 2017.

Les conseillers prud’homaux actuels ont été élus en 2008 pour 5 ans. Leur mandat a été renouvelé par deux fois, de deux ans. In fine, les conseillers élus en 2008 auront exercé leur fonction pendant 9 ans. Ces prorogations de mandats ne sont pas sans soulever un certain nombre de problèmes en soi. En effet, au cours des auditions, il a été fait part au rapporteur pour avis de « la fatigue » de conseillers qui pensaient devoir exercer un mandat durant 5 ans et non 9 ans. Il a été fait état d’un absentéisme parfois important jusqu’à une personne sur trois.

Par ailleurs, la question de la formation va être essentielle dès la prise de fonction des nouveaux conseillers prud’homaux. En effet, vu la longueur des mandats actuels, il est en général estimé qu’une moitié des 14 000 élus actuels seront des nouveaux élus, soit 7 000 conseillers. Ce sont autant de personnes à former aux règles de la procédure avant même leur entrée en fonction.

La loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques comporte un volet consacré à la justice prud’homale ainsi qu’une disposition concernant l’ensemble des juridictions ayant à connaître du contentieux du droit du travail.

Certaines dispositions relatives aux litiges prud’homaux sont immédiatement applicables.

Ainsi, le bureau de conciliation joue désormais un rôle d’orientation des affaires et devient ainsi le bureau de conciliation et d’orientation (BCO). Conformément au droit commun de la procédure orale, les parties peuvent se présenter devant le BCO en personne ou être représentées. Pour favoriser la conciliation, le BCO peut entendre les parties séparément et de manière confidentielle. Il peut également procéder au jugement immédiat de l’affaire lorsqu’une partie ne comparaît pas sans motif légitime.

Sous certaines conditions, il peut ordonner le renvoi de l’affaire devant une formation restreinte (2 juges) ou devant une formation à quatre juges, présidée par le juge du TGI, sans attendre que l’affaire fasse l’objet d’un partage de voix. Le juge du TGI est également davantage associé à la vie du conseil des prud’hommes par sa participation à l’assemblée générale de la juridiction. Par ailleurs, le premier président de la cour d’appel a également le pouvoir de désigner un ou plusieurs juges du ressort pour connaître des affaires inscrites au rôle du conseil de prud’hommes, lorsque son fonctionnement est interrompu ou rendu impossible. Le recours aux modes alternatifs des règlements des litiges est autorisé (médiation conventionnelle, procédure participative). L’interprétation des conventions et des accords collectifs est facilitée et sécurisée par la procédure de saisine pour avis de la cour de cassation.

Le rôle du juge professionnel est en définitive renforcé. Ce faisant, il est loisible pour les partenaires sociaux auditionnés dans le cadre de la préparation de ce rapport, de se demander s’il n’existe pas une volonté de retirer à la justice des conflits liés au travail, sa spécificité. De fait, la réforme a été perçue, par nombre d’entre eux, comme une évolution vers l’échevinage remettant à terme en cause leur rôle et leur légitimité dans le règlement des conflits du travail. Votre rapporteur pour avis souligne à cette occasion que les échanges qu’il a pu avoir ces dernières semaines, ont mis en relief le profond attachement des partenaires sociaux à l’institution prud’homale, qu’ils entendent préserver autant que moderniser pour l’adapter aux réalités du monde du travail et de l’entreprise qu’ils sont les mieux à même d’appréhender.

Un décret, accompagné d’une circulaire explicative, sera prochainement adopté afin de préciser la mise en œuvre de la réforme législative.

Les grandes lignes seront les suivantes : rationalisation de la procédure orale en premier ressort par la formalisation de l’acte de saisine, mise en état obligatoire et sanctionnée, abandon des règles spécifiques de l’unicité et de la péremption de l’instance pour une harmonisation avec le droit commun.

En appel, la procédure écrite a vocation à devenir obligatoire, avec une dispense de recours à la communication électronique pour les défenseurs syndicaux.

La loi du 6 août 2015 prévoit également la création d’un statut du défenseur syndical, qui assiste ou représente le salarié ou l’employeur devant les prud’hommes. Ce statut (conditions de recrutement, rémunération des heures de délégation, formation, obligation de confidentialité) tend à garantir au salarié une défense de qualité. Elle constitue une contrepartie à l’instauration d’une obligation de représentation en appel.

Si le principe, en appel, pour les procédures avec représentation obligatoire, est celui du monopole des avocats, une exception est ainsi prévue au profit des défenseurs syndicaux, présents historiquement dans les procédures de droit du travail. Des décrets d’application de la loi du 6 août 2015 doivent être pris avant août 2016 pour définir réglementairement le statut du défenseur syndical : modalités d’établissement de la liste, de remboursement aux employeurs des salaires maintenus, mise en place du dispositif de formation.

Introduit par amendement gouvernemental en nouvelle lecture du projet de loi croissance et activité, sans concertation préalable, le plafonnement des dommages et intérêts accordés par les conseils des prud’hommes en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse visaient à donner une visibilité plus grande à l’employeur en cas de séparation d’avec son salarié et donc inciter celui-ci à embaucher.

Le plafonnement reposait sur deux critères :

– un critère directement lié au salarié, à savoir son ancienneté dans l’entreprise ;

– un critère extérieur au salarié, à savoir la taille de l’entreprise. L’article 266 avait distingué entre les entreprises de moins de 20 salariés, celles de 20 à 299 salariés et enfin celles de plus de 300 salariés. Le plafond des indemnités était fonction croissante de la taille de l’entreprise.

C’est bien le second critère qui a entraîné la censure de l’ensemble de l’article en ce sens qu’il introduisait une rupture d’égalité devant la loi. En effet, le Conseil constitutionnel a estimé que le législateur devait retenir « des critères présentant un lien avec le préjudice subi par le salarié (6) » et n’a donc pas contesté le principe du plafonnement.

Le Gouvernement par la voix du ministre chargé de l’économie s’est félicité que le principe du plafonnement n’ait pas été jugé contraire à la Constitution et a annoncé qu’« un travail rapide sera conduit… afin d’adapter le dispositif aux éléments soulevés ». Le rapporteur pour avis estime cependant qu’il sera très difficile de trouver un équilibre sans introduire un critère de taille de l’entreprise. Si le seuil est trop élevé, il y a un risque financier important pour les PME–TPE et aura un effet contraire au but poursuivi puisque ce seuil constituera un frein important à l’embauche. S’il est trop bas afin d’être adapté aux petites entreprises, il peut constituer une atteinte disproportionnée pour les droits des salariés des grandes entreprises licenciées sans cause réelle et sérieuse.

La loi relative au dialogue social et à l’emploi a institué une représentation à l’ensemble des salariés des petites entreprises qui en étaient dépourvus jusque-là avec la création des commissions paritaires régionales pour les salariés et les employeurs des entreprises de moins de 11 salariés (CPRI).

Ces commissions régionales ont vocation à représenter l’ensemble des salariés et employeurs des entreprises de moins de 11 salariés dont les branches n’ont pas mis en place de commissions remplissant la même fonction. Ces commissions seront composées de 20 membres – 10 représentants de salariés et 10 représentants d’employeurs désignés pour 4 années en fonction de l’audience de chaque organisation dans la région en question.

Initialement ces CPRI étaient conçues comme un simple lieu d’information et de débats relatifs aux spécificités des TPE. Toutefois, à l’initiative de plusieurs députés de la majorité parlementaire, les CPRI ont vu leurs prérogatives élargies afin de permettre aux membres de jouer un rôle de médiation dans les conflits individuels du travail.

Ces dispositions laissent votre rapporteur pour avis perplexe. Si le développement du dialogue social dans l’entreprise, y compris au sein des TPE-PME peut être une source d’échanges qui permette d’éviter, en amont, que des tensions ne se cristallisent et aboutissent à un conflit forcément préjudiciable, l’articulation entre les CPRI, les dispositifs de médiation et les conseils des prud’hommes devra faire l’objet d’une explication appuyée au grand public pour bien identifier les rôles de chacun. S’il existe une différence entre la médiation, terme civiliste prévu comme un mode de résolution des conflits, et la conciliation, déjà prévue dans la procédure prud’homale, les CPRI ne peuvent pas être perçues, avant même leur mise en place comme des conseils des prud’hommes de premier accès. Par ailleurs, il risque de se créer un véritable marché de la médiation où les parties se présentent dans différents lieux pour « trouver celui qui lui donnera raison ».

C’est donc une source de complexité supplémentaire qui a été introduite alors même que l’ensemble des textes réglementaires devant modifier la procédure prud’homale n’a pas encore été pris

Le réseau des conseils de prud’hommes a connu une réorganisation majeure en 2008, lors de la réforme de la carte judiciaire. La révision de la carte prud’homale visait une meilleure affectation des moyens de la justice et une plus grande professionnalisation de ses acteurs. En ce qui concerne la justice prud’homale, il s’agissait, plus particulièrement, de permettre aux conseillers prud’hommes de juger suffisamment d’affaires pour acquérir le niveau de technicité juridique nécessaire.

En effet, la carte prud’homale n’avait pas été modifiée depuis la suppression en 1992 de onze conseils de prud’hommes. Elle était devenue trop hétérogène : certains départements comptaient quatorze conseils de prud’hommes, quand d’autres n’en comptaient qu’un ou deux, sans que cette répartition géographique demeure justifiée par les bassins d’emplois ou les volumes d’activité des juridictions.

Au terme de la réforme, le nombre de conseils de prud’hommes est passé de 271 à 210. 34 départements ne comptent plus qu’un seul conseil, contre 21 auparavant. Or, l’éloignement géographique des juridictions peut conduire les justiciables les plus modestes à ne pas se déplacer pour faire valoir leurs droits, surtout si les sommes en jeu sont faibles par rapport aux dépenses à engager pour se rendre au tribunal.

Selon le rapporteur pour avis, la mission première de la justice demeure la défense des plus démunis. Il réitère donc sa proposition faite dans son rapport pour avis pour le projet de loi de finances pour 2011 de permettre aux villes qui le souhaitent d’accueillir, à échéances régulières, des audiences foraines. L’article R. 124-2 du code de l’organisation judiciaire prévoit, en effet, qu’en fonction des nécessités locales, les juridictions peuvent tenir des audiences dans des communes de leur ressort autres que celles où est fixé leur siège. L’organisation des audiences foraines relève du premier président de la cour d’appel qui fixe par ordonnance, après avis du procureur général, le lieu, le jour et la nature de ces audiences.

Cette solution présente l’avantage de ne pas recréer de structures judiciaires permanentes dans les villes où les conseils de prud’hommes ont été supprimés, tout en facilitant l’accès à la justice. Elle compléterait positivement l’action menée par les conseils départementaux d’accès au droit, les maisons de justice et du droit et les antennes de justice.

Au-delà des suppressions et créations, la réforme de 2008 a entraîné la modification des ressorts de très nombreux conseils et le redéploiement de plus de 2 000 conseillers et fonctionnaires avec la mise en œuvre d’un accompagnement matériel et humain.

Cependant, il existe encore aujourd’hui des inadéquations entre les effectifs et les réalités économiques des territoires. À titre d’exemple, il existe encore une section industrie et une section agriculture au conseil des prud’hommes de Paris alors que la quasi-totalité des litiges concerne le commerce.

Il convient donc d’adapter une nouvelle fois les effectifs aux réalités économiques des territoires.

Selon l’arrêté du 11 décembre 1981 relatif au contenu du dossier de demande d'agrément des stages de formation des conseillers prud'hommes prévus aux articles D. 1442-1 et suivants du code du travail, les stages de formation des conseillers prud'hommes comportent les enseignements suivants :

– thème n° 1 : le conseil de prud'hommes dans son environnement administratif et judiciaire (organisation judiciaire et administrative de la France, l’institution prud’homale et la procédure prud’homale) ;

– thème n° 2 : méthodologie judiciaire (outils et moyens de documentation, conciliation et jugement, moyens d’expression) ;

– thème n° 3 : procédure prud'homale (compétences d’attribution et territoriale des conseils de prud'hommes, procédure prud'homale devant le bureau de conciliation ou de jugement, le référé prud’homal, la départition) ;

– thème n° 4 : le contrat de travail (régime juridique du contrat de travail, salaire, durée du travail, droit au repos annuel, régime conventionnel, pouvoir disciplinaire) ;

– thème n° 5 : la rupture du contrat de travail (résiliation du CDI et du CDD, faute, le licenciement économique et celui des salariés protégés) ;

– thème n° 6 : les statuts particuliers.

S’il est fondamental de former les juges non professionnels aux techniques du droit, il est non moins fondamental de permettre aux juges professionnels de mieux appréhender la réalité du monde de l’entreprise. En effet, nonobstant le fait que le juge se prononce en droit et non en opportunité, le droit social est un droit vivant par excellence. Le rapporteur pour avis propose donc d’organiser également des cycles de formation qui pourraient, le cas échéant, intégrer une période d’immersion en entreprise, sous forme de stage, à destination des juges départiteurs et des juges qui interviennent en appel.

Toutes les personnes auditionnées par le rapporteur pour avis convergent vers le constat que la principale raison des délais de jugement trop longs provient d’une politique de renvoi pratiquée parfois de manière systématique par les parties et leurs avocats.

Toutes les réformes de procédures imaginables ne pourront pas venir durablement à bout de cette pratique. Il conviendrait d’établir des codes de bonne conduite avec les différents barreaux afin de limiter le recours au renvoi strictement aux cas qui le justifient.

Comme indiqué ci-dessous, les crédits alloués aux conseils des prud’hommes sont retracés dans l’action 1 Traitement et jugement des contentieux civils du programme 166 justice judiciaire. Il est par conséquent impossible de retracer ce qui est effectivement consacré à la justice prud’homale puisque les gestionnaires de l’enveloppe globale sont les premiers présidents de chaque cour d’appel.

Les difficultés de fonctionnement de la justice en raison d’un budget chroniquement insuffisant au regard de la judiciarisation croissante de la société font courir un risque important à la justice prud’homale. En effet, la justice des relations du travail est souvent une justice visant à réparer un préjudice que le salarié estime avoir subi alors que lui-même et son employeur ne sont plus liés par un contrat de travail depuis parfois plusieurs années, pour des montants parfois modiques. Cette « justice du quotidien » n’en a pas moins toute sa place dans notre système judiciaire.

Le rapporteur pour avis estime qu’il serait nécessaire d’isoler dans la nomenclature budgétaire les crédits alloués aux conseils des prud’hommes afin que le Parlement puisse mieux en suivre les évolutions. En effet, la justice prud’homale est à l’intersection des missions justice et travail – emploi. Dès lors, toutes les réformes touchant aux procédures ou à la manière de choisir les conseillers des prud’hommes – élections ou nominations – n’auront aucun effet sur le bon fonctionnement de la justice prud’homale si elles ne s’accompagnent pas d’une mobilisation des moyens nécessaires à leur mise en œuvre.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

À l’issue de l’audition, en commission élargie, de Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social (7), la Commission des affaires sociales examine, pour avis, les crédits pour 2016 de la mission « Travail et emploi » sur les rapports de Mme Chaynesse Khirouni (Emploi), de M. Francis Vercamer (Travail), et de M. Bernard Perrut (Compte d’affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage »).

Mme la présidente Catherine Lemorton. Mes chers collègues la commission des affaires sociales a six amendements à examiner.

La Commission est saisie de l’amendement II-AS 8 de la rapporteure pour avis, Mme Chaynesse Khirouni.

Mme Chaynesse Khirouni, rapporteure pour avis. Il s’agit du Fonds de cohésion sociale qui a été créé par la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005. Il a pour objet de garantir à des fins sociales des prêts à des personnes physiques ou morales, et des prêts à des demandeurs d’emploi ou titulaire de minimas sociaux créant leur entreprise. Le budget prévoit une diminution de ces crédits, or cette diminution du Fonds entrainerait une contraction des prêts pour les publics qui en ont le plus besoin ; je pense notamment aux publics qui accèdent aux microcrédits professionnels et sociaux. Cet amendement propose donc d’abonder l’action 3 « Développement de l’emploi » du programme 103 de 3,4 millions d’euros en AE et en CP, et de diminuer de 3,4 millions d’euros en AE et en CP les crédits de l’action 2 « Amélioration de l’efficacité du service public de l’emploi » du programme 102 concernant les contrats uniques d’insertion.

La Commission adopte l’amendement II-AS 8.

Puis elle examine l’amendement II-AS 9 de la rapporteure pour avis, Mme Chaynesse Khirouni.

Mme Chaynesse Khirouni, rapporteure pour avis. Il s’agit des dispositifs locaux d’accompagnement (DLA). Ce budget 2016 prévoit une baisse des financements de 0,84 million d’euros. J’ai rappelé l’efficacité des DLA dans l’appui aux structures aux associations de l’économie sociale et solidaire, leur permettant une plus grande professionnalisation. Je considère que l’État ne doit pas donner un signe de désengagement. Les propos de la ministre m’ont plutôt rassuré. Je propose en parallèle de diminuer de 0,84 million d’euros en AE et en CP les crédits de l’action 2 « Amélioration de l’efficacité du service public de l’emploi » du programme 102 concernant les contrats uniques d’insertion dans le secteur marchand.

La Commission adopte l’amendement II-AS 9.

La Commission examine ensuite l’amendement II-AS 1 défendu par M. Jacquat.

M. Denis Jacquat. Défendu.

Mme Chaynesse Khirouni, rapporteure pour avis. Défavorable.

La Commission rejette l’amendement II-AS 1.

Elle examine maintenant l’amendement II-AS 4 du rapporteur pour avis, M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer, rapporteur pour avis. C’est un amendement qui vise à ré-abonder les crédits des maisons de l’emploi de 13 millions d’euros, c’est-à-dire revenir au niveau de 2015, de façon à ce que les maisons de l’emploi puissent continuer à œuvrer sur les territoires. J’ai écouté attentivement Mme la ministre qui a rappelé un certain nombre d’orientations des maisons de l’emploi. Elle a indiqué qu’elles avaient encore leur place dans notre paysage de l’emploi, notamment sur l’ingénierie du développement de l’emploi, sur l’insertion, sur la création d’entreprise, sur la gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences (GPEC). C’est plus que l’année dernière, puisque le ministre, l’année dernière, avait indiqué que c’était seulement sur la GEPCT que les maisons de l’emploi devaient intervenir. La ministre a même augmenté le cahier des charges, donc il me parait important de revenir, au minimum, aux crédits budgétaires de l’année 2015.

Mme Chaynesse Khirouni, rapporteure pour avis. J’ai eu l’occasion de m’exprimer lors de la baisse des crédits aux maisons de l’emploi, et les collègues de la Commission partagent évidemment la nécessité de mieux structurer et de coordonner les politiques de l’emploi. Nous sommes en discussion avec le Gouvernement pour abonder ou en tous cas revoir à la hausse les financements des crédits des maisons de l’emploi. Je propose que nous poursuivions la discussion avec le Gouvernement pour que, lors de la séance dans l’hémicycle vendredi prochain, nous puissions arriver avec, je l’espère en tous cas, un avis favorable du Gouvernement. Mais les discussions sont en cours, donc pour le moment je vous demande M. Vercamer de retirer votre amendement, sinon je proposerais un avis défavorable.

M. Francis Vercamer, rapporteur pour avis. Compte-tenu des propos de Mme la rapporteure, je vais retirer mon amendement, en espérant bien sûr avoir satisfaction en séance.

L’amendement II-AS 4 est retiré.

La Commission examine ensuite les amendements II-AS 6 et II-AS 7 défendu par M. Jean-Patrick Gille.

M. Jean-Patrick Gille. L’amendement II-AS 6 concerne les missions locales sur l’accompagnement des emplois d’avenir. Tout le monde s’est félicité du travail des missions locales, l’heure est un peu maintenant aux preuves d’amour mais, sur les emplois d’avenir, il y a quand même des crédits qui ont baissé : ils étaient de 45 millions sur l’accompagnement en 2014, 30 millions l’an passé, 15 millions en 2016, alors que l’on arrive à la fin des premiers contrats. Le suivi est très important pour voir comment va se faire la sortie des contrats. La programmation est plus faible cette année néanmoins. Je propose donc de rétablir les crédits à la hauteur de l’année dernière.

L’amendement II-AS 7 porte sur la dotation globale qui concerne les missions locales, qui n’a pas été réévaluée depuis un certain temps. Là aussi, tout le monde s’est félicité de l’action des missions locales, mais vous avez bien vu que finalement leurs crédits baissent, c’est assez curieux. J’ai entendu la ministre dire qu’il faut les conforter, mais pour le moment les crédits missions locales, la dotation globale et ce qui vient pour le dispositif emploi d’avenir est en baisse, donc globalement ça baisse. Vous me direz, il y a éventuellement la garantie jeune, mais qui ne compense pas cette baisse et qui de surcroît demande des moyens supplémentaires. La garantie jeune, c’est à la fois un accompagnement très renforcé et même des séquences collectives. Ça nécessite à la fois des recrutements de personnel et même aussi de trouver des locaux nouveaux, parce qu’il n’y a pas que de l’accompagnement, il y a aussi des périodes de six semaines au démarrage du dispositif ; toutes les missions locales qui se lancent dans cette expérimentation, qui va être généralisée comme on l’a dit, ont quand même des besoins de moyens supplémentaires. Voilà le paradoxe dans lequel on est, à la fois tout le monde dit « c’est très bien, il faut faire plus », et en même temps on baisse un peu les crédits. Il faut me dire comment on sort de cela.

Mme Chaynesse Khirouni, rapporteure pour avis. Il y a effectivement deux sujets : une partie des dotations locales qui concerne le fonctionnement, pour laquelle les budgets sont maintenus à hauteur de la loi de finances 2015, donc à près de 189 millions d’euros, et une baisse sur les crédits d’accompagnement. C’est vrai que les missions locales se sont vu confier un certain nombre de dispositifs – la garantie jeune, les emplois d’avenir –, qui font d’elles des acteurs essentiels de la politique de l’emploi, donc il semble nécessaire de renforcer leurs moyens. La question qui est posée aujourd’hui est de savoir si les crédits doivent être versés à l’accompagnement des dispositifs ou au fonctionnement direct des missions locales. Nous sommes en discussion avec le Gouvernement sur cette question. Je vous propose, M. Gille, de retirer vos amendements afin que nous puissions retravailler cette question pour avoir une réponse en séance publique, sinon j’émettrai un avis défavorable.

M. Jean-Patrick Gille. J’entends bien la réponse de Mme la rapporteure, qui ne me satisfait pas tout à fait ; en même temps je reconnais que l’on est dans une discussion avec elle, avec le Gouvernement. Je proposerai une sorte de jugement de Salomon, c’est-à-dire que je proposerai bien volontiers à mes collègues que l’on adopte un des deux amendements, ce qui serait une manière d’expliquer au Gouvernement qu’il ne peut pas uniquement nous bercer de belles paroles, mais qu’il faut avancer sur le sujet. Je vous proposerais bien d’adopter de manière constructive l’amendement de 12 millions, et de retirer celui sur les emplois d’avenir.

L’amendement II-AS 6 est retiré et la Commission rejette l’amendement II-AS 7.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Travail et emploi », tels qu’ils figurent à l’état B annexé à l’article 24 du présent projet de loi.

ANNEXE :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre chronologique)

Ø Table ronde syndicats de salariés :

– Confédération française démocratique du travail (CFDT) (*) Mme Marie-Andrée Seguin, secrétaire nationale, Mme Maud Renaud, secrétaire confédérale, et M. Laurent Loyer, secrétaire confédéral

– Confédération française de l’encadrement Confédération générale des cadres (CFE-CGC) M. Fabrice Richard, juriste en droit social et M. Gérard Behar, expert confédéral secteur développement syndical, titulaire au Conseil supérieur de la prud'homie

– Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) – M. Denis Lavat, représentant CFTC au Conseil supérieur de la prud'homie

– Confédération générale du travail (CGT) – M. Bernard Augier, membre du Conseil supérieur de la prud’homie, président du Conseil de prud’hommes de Lyon, Mme Véronique Hosson, conseillère prud’homme à Versailles, et M. Jean-Pierre Gabriel, responsable confédéral du service juridique de la CGT

– Force Ouvrière (CGT-FO)M. Didier Porte, secrétaire confédéral FO du secteur juridique - M. Jean de Maillard, permanent syndicat de la magistrature, et Mme Mélanie Serre, assistante juridique du secteur juridique

Ø Table ronde syndicats patronaux :

– Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) – Mme Geneviève Roy, vice-présidente chargée des affaires sociales, M. Georges Tissié, directeur des affaires sociales, et M. Richard Muscatel, chef de file CGPME sur la question des prud’hommes et Président de section au Conseil de prud’hommes de Paris

– Mouvement des entreprises de France (MEDEF) (*) –Mme Chantal Foulon, directrice adjointe relations du travail, Mme Ophélie Dujarric, directrice adjointe en charge de la Direction des affaires publiques, M. Jacques-Frédéric Sauvage, Vice-Président du Conseil de Prud’hommes de Paris

– Union professionnelle artisanale (UPA) – M. Pierre Burban, secrétaire général, et Mme Caroline Duc, conseillère technique chargée des relations avec le Parlement

Ø Conseil supérieur de la prud’homie – M. Jean-François Merle, président, ancien Conseiller d’État en service extraordinaire

Ø Direction générale du travail (DGT) – M. Yves Struillou, directeur général

Ø Mme Marie-Hélène Rabecq, vice-présidente chargée du départage du conseil de prud’hommes de Paris, et Mme Nelly Cayot, juge départiteur au conseil de prud'hommes de Paris

(*) Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de l’Assemblée nationale s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale

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