N° 3114 tome VII - Avis de M. Bernard Perrut sur le projet de loi de finances pour 2016 (n°3096)


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N° 3114

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈMELÉGISLATURE

EnregistréàlaPrésidencedel’Assembléenationalele 8 octobre 2015.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2016,

TOME VII

TRAVAIL ET EMPLOI

FINANCEMENT NATIONAL DU DÉVELOPPEMENT
ET DE LA MODERNISATION DE L’APPRENTISSAGE

PAR M. Bernard PERRUT,

Député.

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Voir les numéros :

Assemblée nationale : 3096, 3110 (annexe n° 47).

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 5

I. UN FINANCEMENT DE L’APPRENTISSAGE STABLE EN 2016 7

A. UNE SÉRIE DE MESURES CONTRADICTOIRES QUI INSÉCURISE LES ACTEURS DE L’APPRENTISSAGE 7

1. Des mesures défavorables à l’apprentissage qui expliquent largement sa décrue en 2013 et 2014 7

2. Une prise de conscience avec le plan de relance de l’apprentissage en juillet 2014 8

3. Un rattrapage attendu pour 2015 9

B. UNE STABILITÉ DES CRÉDITS DU CAS FNDMA EN 2016 9

1. La réforme du financement de l’apprentissage 9

2. Des crédits du CAS FNDMA stable en 2016 18

II. LA NÉCESSITÉ D’UNE AMBITION À LA HAUTEUR DES ENJEUX, QUI DOIT ENCORE ÊTRE CONFIRMÉE 20

A. UN SECTEUR TRÈS SENSIBLE AUX MESURES LÉGISLATIVES ET RÉGLEMENTAIRES PRISES 21

1. Une série de mesures défavorables prise en début de législature 21

2. …qui expliquent en grande partie la chute constatée à partir de 2013 et 2014 et le rattrapage de 2015 22

3. Les mesures prises en faveur de l’apprentissage 25

B. UNE AMBITION QUI DOIT ÊTRE PLUS FORTE POUR PARVENIR AUX OBJECTIFS FIXÉS 26

1. Prendre exemple sur des pays qui font de l’apprentissage une voie d’excellence 26

2. Rapprocher davantage l’école de l’entreprise 27

3. Neutraliser le facteur de l’âge des apprentis 30

4. Valoriser les tuteurs d’apprentissage 31

5. Financer l’entrée dans l’apprentissage des titulaires du RSA 31

TRAVAUX DE LA COMMISSION 33

EXAMEN DES CRÉDITS 33

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS 37

INTRODUCTION

Le compte d’affectation spéciale Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage (CAS FNDMA) a été profondément remanié, pour l’exercice 2015, afin de traduire les modifications qui ont affecté la politique de l’apprentissage en 2013 et 2014. La réforme de la taxe d’apprentissage s’est traduite en particulier par une très importante majoration des recettes du CAS pour 2015, à la faveur de l’affectation aux régions d’une fraction de 51 % de la nouvelle taxe qui a réuni les deux contributions préexistantes, ce qui a représenté un total de 1,49 milliard d’euros en 2016, stable par rapport à 2015.

Le périmètre du CAS a évolué en conséquence en 2015. Il retrace depuis cette date uniquement les modalités de la répartition, au niveau régional, de la ressource consacrée au développement de l’apprentissage avec « une part fixe » qui maintient pour chaque région le montant des ressources précédemment affectées au titre de la taxe d’apprentissage comme au titre de la compensation des compétences transférées aux régions et en particulier des primes d’apprentissage qu’elles versent, et « une part dynamique », destinée à assurer une péréquation entre les régions.

Ont donc disparu les sommes jusqu’alors allouées aux contrats d’objectifs et de moyens (COM), qui avaient logiquement été supprimés par la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, en raison de l’affectation directe aux régions d’une fraction de la taxe d’apprentissage à compter du 1er janvier 2015. Ont également disparu du périmètre du CAS les sommes jusqu’alors allouées au titre du « bonus alternants », ce dernier ayant été transformé en réduction de taxe d’apprentissage, autrement dit, en mesure d’assiette ; ainsi que le financement des centres de formation d’apprentis (CFA) à recrutement national, dont le transfert aux régions a également été organisé dans le cadre de la loi du 5 mars 2014. Il a paru opportun de conserver le principe d’un compte spécial, qui permet de conserver une plus grande lisibilité des modalités de répartition entre les régions des crédits pour l’apprentissage qui leur sont affectés, et en particulier, de l’ampleur de la péréquation ainsi opérée. Le rapporteur pour avis a approuvé en tout cas le choix du maintien de cette présentation budgétaire, qui permet aussi au Parlement d’assurer le suivi nécessaire de la mise en œuvre de la réforme du financement de l’apprentissage.

Ce suivi est d’autant plus nécessaire que les paramètres du soutien financier à l’apprentissage ont également connu un certain nombre de bouleversements depuis 2013, avec la suppression de l’indemnité compensatrice forfaitaire (ICF) et son remplacement par une prime de 1 000 euros réservée aux seules entreprises de moins de 11 salariés, ainsi que par le resserrement du crédit d’impôt apprentissage. Ces mesures, intervenues à un moment où la situation de l’emploi était déjà difficile, ont donc entraîné les conséquences que l’on connaît, à savoir une chute des entrées en apprentissage de plus de 8 % en 2013 et de l’ordre de 3 % en 2014. Mesures sur lesquelles est partiellement revenu le Gouvernement et qui expliquent en partie le rattrapage en termes d’entrées dans l’apprentissage enregistré cet été.

Le recul important des entrées en apprentissage enregistré en 2013 et 2014 n’est pas sans lien avec la réforme des incitations financières à l’apprentissage qui a été initiée par le Gouvernement fin 2013 même si la baisse des entrées a débuté dès 2012 du fait de la mauvaise conjoncture économique.

Au motif que certaines aides bénéficiant à l’apprentissage n’étaient pas assez ciblées et étaient insuffisamment incitatives, la loi de finances pour 2014 (1) a en effet procédé à deux modifications majeures.

● Elle a tout d’abord resserré les conditions d’accès au crédit d’impôt en faveur de l’apprentissage, mis en place en 2005, et qui bénéficiait aux entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés ou à l’impôt sur le revenu, à hauteur de 1 600 euros par apprenti dont le contrat a atteint une durée d’au moins un mois dans l’entreprise : ce crédit d’impôt est, depuis 2014, limité aux entreprises qui embauchent des apprentis dans la première année d’une formation et pour la préparation d’un diplôme de niveau inférieur ou égal à bac+2.

● La loi de finances pour 2014 a ensuite substitué à l’indemnité compensatrice forfaitaire (ICF) égale à au moins 1 000 euros par apprenti recruté et pour chaque année du cycle de formation une nouvelle prime de 1 000 euros par apprenti et par année de formation, versée comme l’ICF par les régions, mais aux seules entreprises de moins de 11 salariés.

La remise en cause pour le moins brutale des aides en faveur de l’apprentissage explique en grande partie l’attentisme dont ont fait preuve les entreprises vis-à-vis de l’apprentissage en 2013 et 2014.

En 2014, 265 000 nouveaux contrats d’apprentissage ont été comptabilisés dans le secteur privé, soit une baisse de 3 % par rapport à 2013. Si les entrées reculent toujours, la baisse a été freinée par rapport à 2013 où elles ont reculé de 8 % par rapport à 2012. En définitive, si l’hémorragie est bien importante, elle continue toutefois alors qu’entre 2003 et 2008, les entrées en contrat d’apprentissage ont été fortement orientées à la hausse – de l’ordre de 5 % en moyenne – et qu’entre 2008 et 2012, elles sont restées globalement stables du fait de la crise économique.

Dans le cadre du plan de relance de l'apprentissage présenté à la grande conférence sociale des 7 et 8 juillet 2014, les discussions ont montré une réelle attente de l'ensemble des acteurs et un désir fort d'avancer concrètement et rapidement en vue de rétablir et même de renforcer l'attractivité de l'apprentissage pour les employeurs, d'améliorer les conditions d'emploi de l'apprenti et d'adapter l'offre d'orientation et de formation.

Elles ont aussi permis de s'accorder sur le fait qu'au-delà de l'objectif de 500 000 apprentis en 2017, il s'agit avant tout de renforcer la qualité des formations dispensées et de mieux accompagner, suivre les entreprises mais aussi les jeunes afin qu'ils accèdent à un emploi et disposent d'un véritable métier. Le relevé de conclusions, remis à l'issue de cette journée, décliné par un programme de travail précis, traduit la volonté de tous les acteurs, l'État, les partenaires sociaux, les régions, les chambres consulaires de s'engager immédiatement et collectivement pour soutenir le développement de l'apprentissage.

Au-delà de mesures diverses sur lesquelles le rapporteur reviendra en deuxième partie de rapport, deux nouveaux dispositifs ont été mobilisés, qui constituent en partie une correction des mesures prises en début de législature :

– L’aide « TPE jeune apprenti », permettant à toute entreprise de moins de 11 salariés employant un apprenti mineur de percevoir 1 100 euros par trimestre pour tenir compte de son investissement en matière de formation, pour la première année du contrat. L’aide est effective pour tous les contrats conclus depuis le 1er juin 2015. Pour assurer la cohérence des aides aux employeurs, l’aide au recrutement d’un apprenti supplémentaire, dans les entreprises de moins de 250 salariés, devrait être accessible sans condition d’accord de branche ;

– La prestation « réussite apprentissage », ciblée sur des territoires prioritaires, qui devrait permettre à 10 000 jeunes de se préparer à l’apprentissage, et à l’employeur de les aider à s’intégrer durablement dans leur milieu de travail. L’appel à projets a été lancé en juillet.

Par ailleurs, le Gouvernement a informé le rapporteur que trois chantiers prioritaires ont été retenus à la suite de la conférence sociale de juillet 2014 :

– la mise en place, d’ici la rentrée 2016, d’une offre de services numériques complète pour permettre aux employeurs et aux apprentis de consulter les offres de contrats d’apprentissage disponibles dans chaque territoire, disposer d’informations et de services d’aide à la décision en matière de recrutement et mobilisation des aides existantes, d’enregistrer les contrats d’apprentissage ;

– le lancement d’une concertation en vue d’améliorer le statut des apprentis. En particulier, les aides aux employeurs font désormais l’objet d’une palette complète. Sur cette base, les efforts des employeurs doivent pouvoir porter sur l’amélioration des conditions de travail des apprentis.

– le lancement, dans le cadre du Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelle (CNEFOP), d’une démarche nationale d’engagements de services dans le domaine de l’appui aux employeurs d’apprentis et aux jeunes en apprentissage, qui concernera notamment des CFA.

Les premiers chiffres de l’apprentissage semblent plutôt encourageants. En effet, le ministère du travail et de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a fait état de 48 500 entrées dans l’apprentissage entre juin et août dernier, soit une augmentation de 6,5 % dans le secteur privé par rapport à la même période en 2014. Avec les recrutements en cours dans le secteur public, l’évolution du nombre d’entrées devrait être plus forte encore. En effet, un millier de contrats ont été conclus dans ce secteur.

Le rapporteur pour avis salue bien évidemment cette évolution enfin positive après deux années de fortes baisses. Il est toutefois encore trop tôt pour conclure qu’il ne s’agit pas d’un effet de rattrapage après les fortes baisses des deux années précédentes. Pour cela, il est nécessaire d’aller plus loin afin de faire de l’apprentissage une voie d’excellence.

La loi de finances pour 2015 a constitué une nouvelle étape dans la réforme du financement de l’apprentissage.

En effet, depuis la fin de l’année 2013, le Gouvernement s’est attelé à cette tâche dans pas moins de quatre textes : la loi de finances pour 2014, la loi de finances rectificative pour 2013 (2), la loi relative à la formation professionnelle et la loi de finances rectificative pour 2014 (3).

Il faut retenir de cette réforme les éléments suivants, qui se caractérisent par l’affirmation de la place centrale des régions et l’augmentation de l’effort en direction des centres de formation d’apprentis (CFA) :

– la taxe d’apprentissage (0,5 % de la masse salariale) et la contribution au développement de l’apprentissage (0,18 % de la même assiette) ont été fusionnées en une taxe d’apprentissage unique, au taux de 0,68 %. Avant la réforme, la taxe d’apprentissage représentait 1 929 millions d’euros ;

– le produit de cette taxe est affecté majoritairement (51 %) aux régions, et ne transitera plus à l’avenir par le compte d’affectation spéciale Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage (CAS FNDMA) (4).

La première fraction, est dédiée aux régions, fixée à 51 % du produit de la taxe d’apprentissage, soit 1 494 millions d’euros au total. Elle a vocation à être complétée par une fraction de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) de 148 millions d’euros (5), pour atteindre 1 642 millions d’euros au total pour 2016, somme qui représente donc la nouvelle « ressource régionale pour l’apprentissage ».

La première fraction se décompose par ailleurs en deux parts : une part fixe, qui représente 1 544 millions d’euros pour 2016 (1 396 millions d’euros de fraction régionale de taxe d’apprentissage plus la fraction de TICPE de 148 millions d’euros), est reversée entre les 26 régions et le département de Mayotte, les montants correspondant, pour chaque collectivité, à la somme des financements perçus antérieurement ; et une part variable, qui représente 98,2 millions d’euros pour 2016, correspondant à l’excédent du produit de la fraction régionale au-delà du montant de la part fixe, qui a vocation à être répartie entre les régions en fonction de critères prenant en compte les disparités régionales dans le versement de la taxe d’apprentissage, mais également l’évolution des effectifs régionaux d’apprentis inscrits dans les CFA et les sections d’apprentissage et leur répartition dans les formations conduisant aux premiers niveaux de qualification (niveaux IV et V) et celles de niveau supérieur (post bac) ;

RECETTES AFFECTÉES AUX RÉGIONS EN 2016 POUR L’APPRENTISSAGE

Ressource régionale pour l’apprentissage

(1)

Fraction régionale pour l’apprentissage

(2)

Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE)

(3)

Solde dynamique de la ressource régionale pour l’apprentissage

(4) = (1) –[(2) +(3)]

1 642 313 884

1 395 775 620

148 317 780

98 220 484

Source : ministère du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

– le reste du produit de la taxe est partagé entre le « quota » (26 %) et le « hors quota » (23 %) (6). Le quota finance pour l’essentiel les CFA et les sections d’apprentissage des établissements d’enseignement ; le hors quota permet le financement d’établissements de formation professionnelle initiale, sur la base de listes déterminées par les préfets ;

– le produit de la contribution supplémentaire à l’apprentissage, taxe additionnelle à la taxe d’apprentissage qui pèse sur les entreprises de plus de 250 salariés, n’est plus affecté au CAS FNDMA, mais directement au financement des CFA ;

– les ressources des régions destinées au financement de l’apprentissage sont maintenues au même niveau qu’avant la réforme, grâce à l’affectation d’une fraction de TICPE.

Deux remarques peuvent être formulées :

– l’affectation aux régions de la majorité du produit de la taxe fait peser sur l’apprentissage le risque de devenir une activité « administrée » alors que les métiers sont souvent mouvants et que l’offre doit s’ajuster en permanence pour correspondre aux besoins des entreprises. Il sera nécessaire de veiller à mettre le plus de fluidité possible entre les conseils régionaux et les entreprises ;

– le « hors quota » doit également faire l’objet d’une attention particulière. En effet, s’il donne aux entreprises la liberté d’affecter une partie de la taxe d’apprentissage aux CFA ou à l’établissement de formation de leur choix à condition qu’il figure sur les listes préfectorales, beaucoup d’entre elles qui n’ont que peu d’intérêt à financer l’apprentissage, utilisent le « hors quota » à d’autres fins.

Pour une meilleure compréhension, le schéma de financement avant réforme est présenté par le graphique suivant, les montants afférents correspondant à l’exercice 2013.

Le nouveau schéma de financement, qui s’applique depuis l’exercice 2015, est retracé par le graphique suivant. Les chiffres sont ceux de l’exercice 2016.

Schéma de répartition en 2016 de la taxe d’apprentissage
























Au total, par rapport aux objectifs poursuivis, cette réforme de la taxe d’apprentissage conduit à maintenir inchangé le niveau de financement des régions. D’après les informations recueillies par le rapporteur pour avis, les éléments mis sur la table sont de nature à les rassurer sur la réalité de la compensation dont elles pourront bénéficier par rapport à la situation avant réforme.

En revanche, s’agissant de l’objectif de flécher davantage de sommes issues de la taxe d’apprentissage aux formations en apprentissage, les observations recueillies par le rapporteur pour avis auprès des différents acteurs de la politique de l’apprentissage sont plus contrastées.

En effet, de nombreux interlocuteurs se sont montrés préoccupés par la réduction de la fraction du « hors quota », dont le périmètre a, qui plus est, été restreint dans le cadre de la loi du 5 mars 2014 (7) qui a procédé à la rénovation des listes de formations initiales technologiques et professionnelles et des organismes éligibles à un financement du « barème » de la taxe d’apprentissage. Après réforme, la part du « hors quota », fixée à 23 % de la taxe d’apprentissage refondue, soit 674 millions d’euros pour 2016 après les 672 millions d’euros de 2015, baisse donc fortement – de l’ordre de 100 millions d’euros - par rapport à l’ancien schéma de financement, dans lequel le « hors quota » pour ces mêmes formations représentait 773 millions d’euros (8) en 2014. Les CFA ne seront plus éligibles à cette part du « hors quota » que pour le complément du concours financier obligatoire d’une entreprise qui a des apprentis aux CFA qui les forment, lorsque le montant de la part « quota » s’avérera insuffisant.

Le schéma ci-dessous rappelle l’effort de la Nation en faveur de l’apprentissage.

À la suite de la réforme de la taxe d’apprentissage, le compte d’affectation spéciale Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage (CAS FNDMA) a vu son périmètre profondément modifié en loi de finances initiale pour 2015.

Désormais, ce compte retrace :

1° En recettes :

– la fraction régionale pour l’apprentissage – 51 % de la taxe d’apprentissage – mentionnée au I de l’article L. 6241-2 du code du travail ;

– les versements opérés au Trésor public en application des articles L. 6252-10 et L. 6252-12 du même code, à savoir les sanctions prévues en matière d’apprentissage ;

– les fonds de concours.

2° En dépenses :

– le versement aux régions, à la collectivité territoriale de Corse et au Département de Mayotte d’une partie de la ressource régionale pour l’apprentissage prévue à l’article L. 6241-2 du code du travail, c’est-à-dire la ressource régionale pour l’apprentissage ;

– le reversement de recettes perçues au titre des années antérieures à l’exercice budgétaire en cours.

Jusqu’au 31 décembre 2016, le CAS assure également le reste à payer des dépenses engagées avant le 1er janvier 2015 sur les postes de dépenses antérieurement financés au titre du compte spécial.

Au total, les recettes du compte s’établiraient à 1,49 milliard d’euros pour 2016 au titre de la fraction régionale de 51 % de la taxe d’apprentissage ; le tableau suivant retrace la répartition prévisionnelle des dépenses du CAS, désormais réparties en deux programmes.

PRÉVISIONS DE DÉPENSES DU CAS FNDMA POUR 2016

(en millions d’euros)

 

PLF 2016
AE = CP

Programme n° 787 – Répartition régionale de la ressource consacrée au développement de l’apprentissage

1 395,77

Programme n° 790 – Correction financière des disparités régionales de taxe d’apprentissage et incitations au développement de l’apprentissage

95,07

Total

1 490,85

Source : projet annuel de performances pour 2016.

La répartition des crédits entre régions est prévue selon la même clé de répartition que celle inscrite au I de l’article L. 6241-2 du code du travail. L’article en question fixe une répartition d’une somme totale de 1 544 093 400 euros qui correspondent à la part fixe. Les crédits ont par ailleurs été additionnés en cas de fusion de deux ou plusieurs régions à la suite du redécoupage régional.

Pour 2016, la répartition est la suivante :

RÉPARTITION DE LA PART FIXE DE LA RESSOURCE RÉGIONALE À L’APPRENTISSAGE POUR 2016

(en euros)

Alsace, Champagne-Ardenne et Lorraine

9,20617 %

142 151 837

Aquitaine, Limousin et Poitou-Charentes

9,44007 %

145 763 488

Auvergne et Rhône-Alpes

11,1340 %

171 919 332

Bourgogne et Franche-Comté

4,42505 %

68 326 924

Bretagne

4,43524 %

68 484 265

Centre

4,16195 %

64 264 468

Corse

0,47427 %

7 323 133

Ile-de-France

15,35530 %

237 100 230

Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées

7,44523 %

114 931 230

Nord-Pas-de-Calais et Picardie

8,65773 %

133 683 302

Normandie

5,46579 %

84 396 951

Pays de la Loire

6,33739 %

98 472 922

Provence-Alpes-Côte d’Azur

6,79127 %

104 863 542

Guadeloupe

1,65956 %

25 625 173

Guyane

0,43923 %

6 782 107

Martinique

1,83502 %

28 334 467

La Réunion

2,67429 %

41 293 546

Mayotte

0,02243 %

346 383

Total

100 %

1 544 093 400

Source : article L. 6241-2 du code du travail et PAP 2016.

Ces montants doivent a priori garantir, pour chacune des régions, la collectivité territoriale de Corse et le département de Mayotte, le maintien des ressources perçues en 2013 au titre de :

– la contribution au développement de l’apprentissage (CDA) ;

– la péréquation des disparités de la taxe d’apprentissage ;

– les contrats d’objectifs et de moyens (COM) 2011-2015, correspondant à la moyenne des enveloppes versées de 2011 à 2013 et des enveloppes plafonds 2014 et 2015, inscrites dans les COM, lesquels ne seront plus conclus à compter de 2015 ;

– ainsi que la compensation au titre des compétences transférées aux régions en matière d’apprentissage.

S’agissant de la part dynamique de la ressource régionale pour l’apprentissage, à hauteur de 95,07 millions d’euros pour 2016, l’article L. 6241-2 du code du travail fixe les modalités de sa mise en œuvre, qui obéit aux critères de répartition suivants :

– pour 60 %, à due proportion du résultat du produit calculé à partir du nombre d’apprentis inscrits dans les CFA et les sections d’apprentissage dans la région au 31 décembre de l’année n-1, selon un quotient dont le numérateur est la taxe d’apprentissage par apprenti perçue en n-1 par les CFA et sections d’apprentissage pour l’ensemble du territoire national, et dont le dénominateur est la taxe d’apprentissage par apprenti perçue en n-1 par les CFA et les sections d’apprentissage de la région ;

– pour 26 %, au prorata du nombre d’apprentis inscrits dans les CFA et les sections d’apprentissage dans la région au 31 décembre de l’année n-1 et préparant un diplôme ou un titre à finalité professionnelle équivalent au plus au bac professionnel enregistré au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) ;

– et enfin, pour 14 %, au prorata du nombre d’apprentis inscrits dans les CFA et SA dans la région au 31 décembre de l’année n-1 et préparant un diplôme ou un titre à finalité professionnelle supérieur au bac professionnel enregistré au RNCP.

Après la forte décrue des entrées en apprentissage constatée en 2013 et 2014, l’apprentissage a été réaffirmé comme une priorité. Les mesures annoncées dans le cadre du Plan de relance de l’apprentissage présenté lors de la Grande conférence sociale des 7 et 8 juillet 2014, ainsi que lors des Assises de l’apprentissage du 19 septembre 2014 ont certes rétabli une situation qui avait été sérieusement mise à mal notamment par la suppression de l’indemnité compensatrice forfaitaire mais n’ont pas encore fait de notre pays un pays phare pour l’apprentissage et les apprentis. En effet, l’objectif affiché de 500 000 apprentis d’ici 2017 apparaît extrêmement ambitieux au regard de la situation actuelle, qui reste très dégradée. Pour parvenir à cet objectif, il est nécessaire d’aller encore plus loin encore que les engagements qui ont été pris. Ces engagements doivent en outre être résolus et constants, car les entreprises sont plus que jamais soucieuses d’obtenir les garanties de la stabilité des règles pour l’avenir, afin que leur confiance puisse être rétablie.

On ne reviendra pas sur la remise en cause du soutien financier à l’apprentissage, à travers le resserrement du crédit d’impôt apprentissage et la suppression de l’indemnité compensatrice forfaitaire (ICF), trop tardivement remplacée par une nouvelle prime qui reste en tout état de cause inférieure à son niveau antérieur. Les personnes auditionnées par le rapporteur pour avis ont identifié ces mesures comme étant mécaniquement responsables de la baisse du nombre d’entrée dans l’apprentissage. Par ailleurs, les valses-hésitations qui ont caractérisé les mesures prises successivement à ce titre depuis la mi-2013 ont indéniablement introduit un climat de méfiance en donnant aux entreprises le sentiment que l’État se désengageait de l’apprentissage. La baisse drastique du nombre d’entrée dans l’apprentissage en 2013 et encore en 2014 ne trouve pas ailleurs leur explication.

Au-delà des aspects financiers, une série de mesures défavorables ont contribué à complexifier le recrutement et la formation des apprentis, et cela, alors même que des freins importants préexistaient.

Conformément à la directive 94/33/CE du 22 juin 1994 relative à la protection des jeunes au travail, les dérogations à l’interdiction du travail des mineurs sont particulièrement encadrées par le droit du travail, et en particulier, dans le cas de travaux présentant des risques pour leur santé et leur sécurité. Certains travaux leur sont ainsi formellement interdits, tandis que les conditions d’emploi de mineurs pour certains autres travaux sont interdites mais susceptibles de dérogation.

S’agissant de ces derniers, le décret n° 2013-914 du 11 octobre 2013 relatif à la procédure de dérogation prévue à l’article L. 4153-9 du code du travail est venu modifier le régime applicable aux apprentis mineurs, en théorie pour l’assouplir : en effet, il prévoit de passer d’une procédure de dérogation annuelle et individuelle demandée à l’inspection du travail par l’employeur à une dérogation triennale et collective, attachée à un lieu de travail.

La nouvelle procédure s’est révélé, dans les faits, quasiment impraticable dans certains secteurs d’activité et en particulier pour les petites entreprises. En effet, la procédure de dérogation requiert la mise à jour du document unique d’évaluation des risques, qui est difficile à mettre en œuvre pour une petite structure. En outre, alors que le passage d’une autorisation individuelle à une autorisation collective, attachée à un site, doit constituer un facteur d’assouplissement, son application à des travaux de chantier s’avère particulièrement complexe.

Les employeurs ont mis en avant à juste titre le fait qu’une telle procédure d’autorisation préalable a conduit à déporter la responsabilité de l’employeur vers un tiers, l’inspecteur du travail ; il s’agit, de ce point de vue, d’une mauvaise chose. Cela a eu des conséquences dans de nombreux secteurs d’activité, notamment le secteur agricole et celui de la forêt où l’accidentalité est encore importante, et où les exploitants maîtres d’apprentissage peuvent aujourd’hui se montrer réticents à recruter des apprentis en raison de cette réglementation. De ce fait, les employeurs ont refusé de recruter un apprenti mineur, ce qui a eu des conséquences sur le profil des apprentis et a conduit à évincer les tout jeunes apprentis issus de milieux sociaux souvent moins avantagés que leurs aînés.

La remise en cause du soutien financier aux employeurs pour le recrutement d’apprentis, ainsi que diverses mesures prises depuis 2012 et conjuguées à des freins structurels au développement de l’apprentissage, expliquent en grande partie le recul important des entrées en apprentissage constaté en 2013 et 2014.

Alors que les entrées en apprentissage sont passées de l’ordre de 230 000 en 2003 à 297 000 en 2012 – avec, dans l’intervalle, une augmentation constante à peine relativisée par un léger recul avec la crise de 2008 -, l’année 2013 enregistre une véritable chute, de plus de 8 % avec moins de 273 000 entrées. En 2014, 265 000 nouveaux contrats d’apprentissage ont été comptabilisés dans le secteur privé, soit une nouvelle baisse de 3 % par rapport à 2013. Si la baisse a été freinée par rapport à 2013, l’apprentissage recule toujours en 2014 (dernière année où nous disposons de chiffres définitifs).

Ces évolutions sont retracées par le graphique suivant.

NOMBRE DE NOUVEAUX CONTRATS D’APPRENTISSAGE ENREGISTRÉS PAR ANNÉE SELON LE NIVEAU DE FORMATION PRÉPARÉ

Source : direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES).

On peut certes arguer que le recul de l’apprentissage va de pair avec une économie au point mort et un tassement de l’emploi au cours de la même période. Il est clair que l’apprentissage ne progresse pas si l’emploi global ne progresse pas, et, comme indiqué ci-dessus, on a pu constater un léger repli des entrées en apprentissage en 2009 et 2010, au plus fort des effets de la crise de 2008. Néanmoins, le recul constaté à partir de 2013 ne peut être entièrement imputé à la crise : en effet, en 2013, l’économie a détruit quatre fois moins d’emplois au total qu’en 2009, et pourtant, la diminution de l’apprentissage constatée en 2009 est presque trois fois inférieure à celle enregistrée en 2013 !

L’année 2015 connaîtrait toutefois une augmentation de l’ordre de 6,5 % du nombre d’entrées dans l’apprentissage du fait des corrections apportées aux mesures les plus néfastes prises en début de législature développés ci-dessus.

Le graphique précédent permet également de mettre en évidence le net recul des diplômes de niveau infra bac et, par conséquent, l’élévation du niveau de formation des jeunes recrutés en apprentissage : ainsi, si les jeunes de niveau BEP/CAP restent les principaux bénéficiaires des contrats d’apprentissage (61 % en 2012), ils ne représentent plus que 21 % des nouveaux contrats conclus cette année-là. Cette évolution correspond aussi aux évolutions du marché du travail et de la demande des entreprises ; elle n’est néanmoins pas sans poser de questions sur l’avenir des jeunes diplômés de niveau V. Car les besoins restent aussi importants, quoi qu’on en dise, s’agissant des faibles niveaux de qualification.

Le tableau suivant corrobore parfaitement les conclusions précédentes. En effet, on peut remarquer que les baisses les plus importantes entre 2013 et 2014 concernent des secteurs qui prennent des jeunes de niveau V : – 12 % pour la construction et – 10,2 % pour la coiffure et les soins de beauté.

Source : DARES.

Diverses mesures ont d’ores et déjà été prises :

– des mesures financières ont été votées : fraction régionale, augmentation du quota, aide au recrutement ;

– depuis le 2 mai 2015, le Gouvernement a pris le décret n° 2015-443 du 17 avril 2015 relatif à la procédure de dérogation prévue à l’article L. 4153-9 du code du travail pour les jeunes âgés de moins de dix-huit ans. Aux termes dudit décret, les employeurs pourront affecter des jeunes de moins de 18 ans à des travaux dangereux non plus après autorisation par l’inspection du travail, mais sur simple déclaration préalable dans le but de protéger les apprentis « sans créer de contrainte nouvelle de gestion (9)  ». Comme le soulignait le rapporteur pour avis dans son rapport sur le projet de loi de finances pour 2015, une telle procédure a l’avantage de responsabiliser les employeurs sans pour autant renoncer d’une quelconque manière aux exigences de sécurité. Le Gouvernement a fini par le comprendre mais que de temps perdu ;

– plusieurs campagnes de communication ont été diffusées et relayées par les différents réseaux institutionnels, y compris au sein de l’Éducation nationale ;

– pour adapter l’offre de formation aux enjeux, une évaluation de politique publique a été lancée pour améliorer les processus de création de nouveaux diplômes et certifications professionnelles. Elle se penchera notamment sur la manière dont les professionnels peuvent être mieux et plus impliqués dans l’élaboration des certifications ;

– pour favoriser l’orientation scolaire vers l’apprentissage, dès la rentrée 2015, les moyens d’information des collégiens et lycéens sont nettement renforcés. Outre la journée d’information des métiers, les professeurs principaux de collège et les conseillers d’orientation disposent désormais d’outils de formation leur permettant de mieux connaître cette voie de formation et le parcours d’avenir qui s’adresse à tous les collégiens et lycéens, intégrera l’apprentissage. L’outil d’affectation AFFELNET permettra de formuler un vœu d’orientation vers l’apprentissage et 8 académies prévoient de proposer à titre expérimental près de 3 000 places en CFA via cet outil, tout en assurant une affectation en lycée professionnel en l’absence de contrat d’apprentissage ;

– un travail de mobilisation et de formation des enseignants a été engagé dès septembre pour créer 20 000 places d’apprentis supplémentaires dans les établissements publics locaux d’enseignement ;

– pour assouplir les modalités de formation et d’évaluation des apprentis, les conditions d’habilitation des CFA sur le contrôle en cours de formation ont été simplifiées (décret en cours de consultation) et la possibilité a été ouverte d’organiser plusieurs sessions d’examen dans l’année ;

– l’objectif de développement de l’apprentissage dans la fonction publique sera effectif dès la rentrée 2015 avec une première tranche de recrutement de 4 000 apprentis.

Le rapporteur pour avis ne nie pas l’importance des initiatives, pour l’essentiel malheureusement trop récentes, qui ont été prises pour stopper l’hémorragie issue de mesures défavorables à l’apprentissage et en particulier, de la réforme du financement de l’apprentissage. Ce revirement est bienvenu, et il faut s’en féliciter. L’effort doit néanmoins encore être amplifié si l’on veut véritablement parvenir à « redresser la barre » de l’apprentissage dans notre pays et atteindre l’objectif fixé par le Gouvernement de 500 000 apprentis l’horizon 2017.

Malgré l’augmentation du nombre d’entrée dans l’apprentissage depuis 2003, le nombre de personnes en formations en alternance (apprentissage ou contrat de professionnalisation) reste insuffisant comparé aux pays qui réussissent à intégrer efficacement les jeunes dans l’emploi. En effet, il y a une corrélation quasi homothétique entre le nombre d’apprentis et le taux d’emploi des jeunes. Le graphique ci-dessous montre qu’en Allemagne et en Autriche, respectivement près de 40 salariés sur 1 000 et 35 salariés sur 1 000 sont des salariés en formation par alternance. Le chômage des jeunes de moins de 25 ans qui y était de 10,4 % avant la crise de 2008 s’y élève aujourd’hui à 7,3 % dans le premier pays et de 9,4 % en 2008 et de 10,8 % aujourd’hui dans le second. Alors qu’en France où le nombre de salariés en formation par alternance ne dépasse pas les 23 pour mille, le taux de chômage des jeunes de moins de 25 ans qui était déjà à un taux alarmant de 20,1 % avant la crise atteint 25 % en 2015.

Source : conseil d’analyse économique. Pierre Cahuc et Marc Ferracci. L’apprentissage au service de l’emploi.

La caractéristique de pays comme l’Allemagne, l’Autriche et la Suisse est d’avoir un système simple, lisible, valorisant pour les acteurs et surtout prévisible.

S’inspirant de ces exemples, le rapporteur pour avis appelle le Gouvernement et la majorité à ouvrir les pistes suivantes.

L’un des axes majeurs de réforme qui mérite encore largement d’être exploré est constitué par la trop forte étanchéité qui continue d’exister aujourd’hui en France entre le monde de l’éducation et le monde de l’entreprise.

L’offre de formation gagnerait en effet à être plus adaptée aux besoins des entreprises, ce qui valoriserait mécaniquement la voie de l’apprentissage. Si des progrès doivent éventuellement être attendus de la mise en place des comités régionaux de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles (CREFOP) créés par la loi du 5 mars 2014, qui doivent permettre une meilleure articulation des régions, des rectorats et des partenaires sociaux dans l’élaboration de la carte des formations professionnelles initiales, il est indispensable que ce travail de concertation tienne davantage compte du taux d’accès à l’emploi et des débouchés professionnels.

Par ailleurs, il arrive encore trop souvent que les contenus de la formation conduisant au même diplôme diffèrent sensiblement si cette formation est assurée par l’éducation nationale ou par les chambres des métiers. En effet, dans le premier cas, elle reste encore trop souvent théorique ce qui obère le taux d’insertion dans le monde du travail des jeunes diplômés. En effet, l’apprentissage doit in fine garantir l’employabilité des diplômés. Pour cela, il est nécessaire d’adapter le contenu de la formation aux évolutions des métiers. Le délai de création de nouveaux diplômes et certifications professionnelles est aujourd’hui de six ans, soit le double d’un cycle économique, conduisant à une décorrélation totale des diplômes préparés et des débouchés professionnels réels. Aucun objectif de réduction du délai n’a été fixé : celui-ci devrait en toute rigueur être au plus de trois ans.

COMPARATIF DES DIPLÔMES ENTRE L’ÉDUCATION NATIONALE ET LES CHAMBRES DE MÉTIERS : EXEMPLE DES MÉTIERS DE LA PÂTISSERIE

L’éducation nationale a pour mission d’organiser une poursuite de parcours entamé en son sein, de former un citoyen et un professionnel. C’est une orientation que l’on retrouve dans ses référentiels où sont conservées des connaissances disciplinaires de type mathématiques, français, histoire-géographie, éducation physique et sportive.

L’Assemblée permanente des chambres des métiers et de l’artisanat (APCMA) lorsqu’elle développe un titre a pour objectif de fournir à la branche et à ses employeurs des collaborateurs qualifiés avec des compétences telles qu’attendues par le secteur professionnel. L’accent y est mis sur l’acquisition des compétences métier et, les apports théoriques porteront sur de la gestion de production, de la commercialisation, de l’animation d’équipe, au service de ces finalités professionnelles. La richesse de ce modèle se fonde sur la volonté de mettre en perspective et de contextualiser les contenus généraux dans un souci d’être au plus près de la réalité des entreprises et des métiers.

Ce sont donc deux approches complètement différentes

Les périodes de présence de l’apprenti en entreprises sont également différentes. L’ensemble des titres dont l’APCMA est le certificateur sont préparés lorsqu’il s’agit d’un public jeune exclusivement en apprentissage avec un rythme d’alternance d’une semaine en CFA, et de trois semaines en entreprise. Ce rythme permet à l’apprenti et à son maître d’apprentissage de mettre en œuvre, d’évaluer et de graduer la montée en compétence en l’articulant dans un temps compatible avec l’activité de l’entreprise. L’insertion du jeune dans l’emploi après l’obtention du diplôme est ainsi facilitée car il a acquis l’autonomie et la maîtrise du geste professionnel ainsi qu’un savoir-être adapté. En revanche, les diplômes de l’éducation nationale sont préparés sous statut scolaire ou par apprentissage. Lorsque c’est ce dernier mode qui est choisi et en raison des apports académiques forts, les périodes en entreprise sont plus courtes ce qui limite la progression opérationnelle du jeune en situation de travail.

À titre d’exemple, le Baccalauréat Professionnel (BP) Boulanger-pâtissier pour l’éducation nationale et le Brevet technique des métiers (BTM) de pâtissier – confiseur – glacier – traiteur pour l’APCMA : le BP prépare en 3 ans à une double compétence, celle de boulanger et celle de pâtissier. L’APCMA prépare en 2 ans un pâtissier compétent sur toutes les spécialités de la pâtisserie dont la viennoiserie, la chocolaterie, la glacerie et le traiteur. La polyvalence boulangère et pâtissière trouve un écho auprès des entreprises de l’agroalimentaire, des grandes et moyennes surfaces mais est peu en phase avec les entreprises artisanales qui recherchent quant à elles des compétences pointues distinctes dans ces deux domaines pour satisfaire les attentes de leur clientèle. Au sein de la formation dispensée par l’Éducation nationale, le travail du sucre n’est pas enseigné ce qui implique l’absence de compétences en chocolaterie et en confiserie.

Au niveau de l’évaluation des compétences, la différence majeure réside dans l’importance donnée à la pratique et au geste professionnel :

● Le geste professionnel est valorisé à 66 % de la note finale de pratique pour le BP ;

● Il est valorisé à 88 % de la note finale de pratique pour le BTM.

Le reliquat portant sur de l’organisation du poste de travail et la gestion du commis.

Source : APCMA.

Comme le montre l’exemple ci-dessus, l’implication des branches professionnelles dans la construction des diplômes représente un enjeu important pour l’apprentissage : une expérimentation de co-construction des diplômes au sein des commissions professionnelles consultatives (CPC) est en cours entre l’Éducation nationale et huit branches professionnelles ; cette démarche gagnerait à être généralisée.

Afin de contribuer à la mise en phase des formations et des besoins économiques des bassins d’emploi, il serait intéressant, comme le préconisait le rapporteur pour avis l’année dernière, de permettre aux entreprises de se passer de l’aval de la région pour la création de CFA ou de sections d’apprentissage dès lors que ceux-ci seraient financés intégralement par les entreprises et les branches professionnelles.

Enfin, il est indispensable de sortir de l’idée assez typiquement française que la voie de l’apprentissage serait une voie par défaut. Pour ce faire, il est nécessaire de présenter l’apprentissage comme un choix d’orientation comme un autre à chaque étape du cursus scolaire.

Des progrès importants ont été réalisés dans les dernières années pour améliorer le statut de l’apprenti, qui vont de la création de la carte « Étudiant des métiers » par la loi du 28 juillet 2011 à l’instauration d’un CDI en apprentissage par la loi du 5 mars 2014, en passant par la prise en compte intégrale des périodes d’apprentissage dans le calcul des droits à retraite. Des avancées méritent néanmoins encore d’être réalisées pour conforter ce statut.

De nombreux interlocuteurs entendus par votre rapporteur pour avis se sont prononcés en faveur d’une refonte du système de rémunération des apprentis, qui est aujourd’hui déterminée, en pourcentage du SMIC, en fonction de l’âge de l’apprenti et de sa progression dans le cycle de formation : de l’ordre de 364 euros par mois pour un mineur en première année de formation, le salaire d’un apprenti est fixé à 772 euros pour un mineur en 3ème année de formation ou pour un apprenti de 21 ans ou plus en première année de formation ; il atteint environ 1 136 euros pour un apprenti de 21 ans ou plus en 3ème année de formation. Par ailleurs, depuis le 1er juillet 2015, les très petites entreprises de moins de 11 salariés sont exonérées de charges lorsqu’elles embauchent un apprenti mineur. Le Président de la République a estimé que cette mesure représentait un gain de 4 400 euros par an pour les entreprises.

Ce système présente cinq inconvénients majeurs :

– il est relativement dévalorisant pour les apprentis les plus jeunes ;

– l’exonération de charges favorise l’entrée en apprentissage des mineurs mais crée un effet de seuil à 18 ans et 1 jour ;

– il peut constituer un obstacle à l’embauche pour les apprentis plus âgés. En effet, si le coût d’un apprenti avoisine le SMIC alors que celui-ci ne passe pas l’intégralité de son temps dans l’entreprise, l’apprentissage est découragé alors qu’il existe une réelle demande la part de jeunes ayant décroché un baccalauréat puis effectué une ou deux années d’études universitaires avant de s’orienter vers une voie professionnalisante ;

– de plus, il ne tient pas compte du niveau du diplôme préparé, ce qui revient toutes choses égales par ailleurs, à une dévalorisation des niveaux de qualification les plus élevés ;

– enfin, il peut conduire des employeurs à préférer recruter des apprentis sur des contrats plus courts, le coût de l’apprenti s’élevant au fur et à mesure de la durée de sa formation.

Une refonte de la grille de rémunération des apprentis serait donc opportune, pour tenir davantage compte du cursus et gommer les effets pervers produits par le système actuel. En effet, le système actuel est trop discriminant à l’égard des jeunes majeurs et empêche la fluidité entre enseignement classique et apprentissage contrairement aux systèmes suisse, autrichien et allemand où l’âge est un facteur neutre.

La valorisation de l’apprentissage suppose également de valoriser ceux qui assument le rôle de tuteurs des apprentis dans l’entreprise. Or, il n’existe pas aujourd’hui de véritable statut du maître d’apprentissage. La plupart des grandes entreprises entendues par le rapporteur pour avis estiment que la valorisation du rôle du tuteur ne doit pas passer par une rémunération spécifique, mais par une reconnaissance interne à l’entreprise, et en particulier, dans le cadre de l’évolution de la carrière. La loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi qui a permis aux représentants du personnel de bénéficier d’un entretien à la suite de leur mandat n’a malheureusement pas prévu de dispositif similaire pour les maîtres d’apprentissage.

Lors de ces auditions, le rapporteur pour avis a recueilli une expérience utile, à savoir le financement par un conseil général de formations en apprentissage de personnes titulaires du revenu de solidarité active. Cette expérience est une expérience « gagnant – gagnant » puisqu’elle permet à certains allocataires de minima sociaux de retrouver le chemin de l’emploi et pour la collectivité territoriale de voir diminuer à moyen terme le nombre de bénéficiaires du RSA. Le rapporteur pour avis propose de tenter cette expérimentation sur un nombre plus important de départements afin d’en vérifier le caractère vertueux.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

À l’issue de l’audition, en commission élargie, de Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social (10), la Commission des affaires sociales examine, pour avis, les crédits pour 2016 de la mission « Travail et emploi » sur les rapports de Mme Chaynesse Khirouni (Emploi), de M. Francis Vercamer (Travail), et de M. Bernard Perrut (Compte d’affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage »).

Mme la présidente Catherine Lemorton. Mes chers collègues la commission des affaires sociales a six amendements à examiner.

La Commission est saisie de l’amendement II-AS 8 de la rapporteure pour avis, Mme Chaynesse Khirouni.

Mme Chaynesse Khirouni, rapporteure pour avis. Il s’agit du Fonds de cohésion sociale qui a été créé par la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005. Il a pour objet de garantir à des fins sociales des prêts à des personnes physiques ou morales, et des prêts à des demandeurs d’emploi ou titulaire de minimas sociaux créant leur entreprise. Le budget prévoit une diminution de ces crédits, or cette diminution du Fonds entrainerait une contraction des prêts pour les publics qui en ont le plus besoin ; je pense notamment aux publics qui accèdent aux microcrédits professionnels et sociaux. Cet amendement propose donc d’abonder l’action 3 « Développement de l’emploi » du programme 103 de 3,4 millions d’euros en AE et en CP, et de diminuer de 3,4 millions d’euros en AE et en CP les crédits de l’action 2 « Amélioration de l’efficacité du service public de l’emploi » du programme 102 concernant les contrats uniques d’insertion.

La Commission adopte l’amendement II-AS 8.

Puis elle examine l’amendement II-AS 9 de la rapporteure pour avis, Mme Chaynesse Khirouni.

Mme Chaynesse Khirouni, rapporteure pour avis. Il s’agit des dispositifs locaux d’accompagnement (DLA). Ce budget 2016 prévoit une baisse des financements de 0,84 million d’euros. J’ai rappelé l’efficacité des DLA dans l’appui aux structures aux associations de l’économie sociale et solidaire, leur permettant une plus grande professionnalisation. Je considère que l’État ne doit pas donner un signe de désengagement. Les propos de la ministre m’ont plutôt rassuré. Je propose en parallèle de diminuer de 0,84 million d’euros en AE et en CP les crédits de l’action 2 « Amélioration de l’efficacité du service public de l’emploi » du programme 102 concernant les contrats uniques d’insertion dans le secteur marchand.

La Commission adopte l’amendement II-AS 9.

La Commission examine ensuite l’amendement II-AS 1 défendu par M. Jacquat.

M. Denis Jacquat. Défendu.

Mme Chaynesse Khirouni, rapporteure pour avis. Défavorable.

La Commission rejette l’amendement II-AS 1.

Elle examine maintenant l’amendement II-AS 4 du rapporteur pour avis, M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer, rapporteur pour avis. C’est un amendement qui vise à ré-abonder les crédits des maisons de l’emploi de 13 millions d’euros, c’est-à-dire revenir au niveau de 2015, de façon à ce que les maisons de l’emploi puissent continuer à œuvrer sur les territoires. J’ai écouté attentivement Mme la ministre qui a rappelé un certain nombre d’orientations des maisons de l’emploi. Elle a indiqué qu’elles avaient encore leur place dans notre paysage de l’emploi, notamment sur l’ingénierie du développement de l’emploi, sur l’insertion, sur la création d’entreprise, sur la gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences (GPEC). C’est plus que l’année dernière, puisque le ministre, l’année dernière, avait indiqué que c’était seulement sur la GEPCT que les maisons de l’emploi devaient intervenir. La ministre a même augmenté le cahier des charges, donc il me parait important de revenir, au minimum, aux crédits budgétaires de l’année 2015.

Mme Chaynesse Khirouni, rapporteure pour avis. J’ai eu l’occasion de m’exprimer lors de la baisse des crédits aux maisons de l’emploi, et les collègues de la Commission partagent évidemment la nécessité de mieux structurer et de coordonner les politiques de l’emploi. Nous sommes en discussion avec le Gouvernement pour abonder ou en tous cas revoir à la hausse les financements des crédits des maisons de l’emploi. Je propose que nous poursuivions la discussion avec le Gouvernement pour que, lors de la séance dans l’hémicycle vendredi prochain, nous puissions arriver avec, je l’espère en tous cas, un avis favorable du Gouvernement. Mais les discussions sont en cours, donc pour le moment je vous demande M. Vercamer de retirer votre amendement, sinon je proposerais un avis défavorable.

M. Francis Vercamer, rapporteur pour avis. Compte-tenu des propos de Mme la rapporteure, je vais retirer mon amendement, en espérant bien sûr avoir satisfaction en séance.

L’amendement II-AS 4 est retiré.

La Commission examine ensuite les amendements II-AS 6 et II-AS 7 défendu par M. Jean-Patrick Gille.

M. Jean-Patrick Gille. L’amendement II-AS 6 concerne les missions locales sur l’accompagnement des emplois d’avenir. Tout le monde s’est félicité du travail des missions locales, l’heure est un peu maintenant aux preuves d’amour mais, sur les emplois d’avenir, il y a quand même des crédits qui ont baissé : ils étaient de 45 millions sur l’accompagnement en 2014, 30 millions l’an passé, 15 millions en 2016, alors que l’on arrive à la fin des premiers contrats. Le suivi est très important pour voir comment va se faire la sortie des contrats. La programmation est plus faible cette année néanmoins. Je propose donc de rétablir les crédits à la hauteur de l’année dernière.

L’amendement II-AS 7 porte sur la dotation globale qui concerne les missions locales, qui n’a pas été réévaluée depuis un certain temps. Là aussi, tout le monde s’est félicité de l’action des missions locales, mais vous avez bien vu que finalement leurs crédits baissent, c’est assez curieux. J’ai entendu la ministre dire qu’il faut les conforter, mais pour le moment les crédits missions locales, la dotation globale et ce qui vient pour le dispositif emploi d’avenir est en baisse, donc globalement ça baisse. Vous me direz, il y a éventuellement la garantie jeune, mais qui ne compense pas cette baisse et qui de surcroît demande des moyens supplémentaires. La garantie jeune, c’est à la fois un accompagnement très renforcé et même des séquences collectives. Ça nécessite à la fois des recrutements de personnel et même aussi de trouver des locaux nouveaux, parce qu’il n’y a pas que de l’accompagnement, il y a aussi des périodes de six semaines au démarrage du dispositif ; toutes les missions locales qui se lancent dans cette expérimentation, qui va être généralisée comme on l’a dit, ont quand même des besoins de moyens supplémentaires. Voilà le paradoxe dans lequel on est, à la fois tout le monde dit « c’est très bien, il faut faire plus », et en même temps on baisse un peu les crédits. Il faut me dire comment on sort de cela.

Mme Chaynesse Khirouni, rapporteure pour avis. Il y a effectivement deux sujets : une partie des dotations locales qui concerne le fonctionnement, pour laquelle les budgets sont maintenus à hauteur de la loi de finances 2015, donc à près de 189 millions d’euros, et une baisse sur les crédits d’accompagnement. C’est vrai que les missions locales se sont vu confier un certain nombre de dispositifs – la garantie jeune, les emplois d’avenir –, qui font d’elles des acteurs essentiels de la politique de l’emploi, donc il semble nécessaire de renforcer leurs moyens. La question qui est posée aujourd’hui est de savoir si les crédits doivent être versés à l’accompagnement des dispositifs ou au fonctionnement direct des missions locales. Nous sommes en discussion avec le Gouvernement sur cette question. Je vous propose, M. Gille, de retirer vos amendements afin que nous puissions retravailler cette question pour avoir une réponse en séance publique, sinon j’émettrai un avis défavorable.

M. Jean-Patrick Gille. J’entends bien la réponse de Mme la rapporteure, qui ne me satisfait pas tout à fait ; en même temps je reconnais que l’on est dans une discussion avec elle, avec le Gouvernement. Je proposerai une sorte de jugement de Salomon, c’est-à-dire que je proposerai bien volontiers à mes collègues que l’on adopte un des deux amendements, ce qui serait une manière d’expliquer au Gouvernement qu’il ne peut pas uniquement nous bercer de belles paroles, mais qu’il faut avancer sur le sujet. Je vous proposerais bien d’adopter de manière constructive l’amendement de 12 millions, et de retirer celui sur les emplois d’avenir.

L’amendement II-AS 6 est retiré et la Commission rejette l’amendement II-AS 7.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Travail et emploi », tels qu’ils figurent à l’état B annexé à l’article 24 du présent projet de loi.

ANNEXE :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS

(par ordre chronologique)

Ø Assemblée permanente des chambres de métiers et de l’artisanat (APCMA) – M. Alain Griset, président, et Mme Béatrice Saillard, directrice des relations institutionnelles (*)

Ø Direction générale Emploi et formation professionnelle (DGEFP) – M. Hugues de Balathier, chef de service, M. Jean Marc Huart, sous-directeur Politiques de formation et du contrôle, Mme Marianne Kermoal-Berthomé, sous directrice Financement et modernisation, et Mme Alexandra Noël, adjointe au chef de mission des affaires financières

Ce représentant d’intérêt a procédé à son inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

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