N° 3115 tome II - Avis de Mme Isabelle Bruneau sur le projet de loi de finances pour 2016 (n°3096)



N
° 3115

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 octobre 2015.

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES
SUR LE PROJET DE LOI
de finances pour 2016 (n° 3096)

TOME II

DÉFENSE

ENVIRONNEMENT ET PROSPECTIVE DE LA POLITIQUE DE DÉFENSE

par Mme Isabelle Bruneau

Députée

——

Voir le numéro : 3110 (annexe 11)

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 7

PREMIÈRE PARTIE : LE PROGRAMME 144 9

A. LE RENSEIGNEMENT : OUTIL INDISPENSABLE À LA COMPRÉHENSION DE L’ENVIRONNEMENT DE LA POLITIQUE DE DÉFENSE. 11

1. Le renseignement extérieur 12

2. Le renseignement de sécurité et de défense 13

B. LA « PROSPECTIVE DE DÉFENSE », FER DE LANCE DE LA PRÉPARATION DU FUTUR DE LA DÉFENSE NATIONALE. 14

1. L’analyse stratégique 14

2. La prospective des systèmes de forces 15

3. Les études amont 16

4. La gestion des moyens et des subventions 18

C. LES RELATIONS INTERNATIONALES ET LA DIPLOMATIE DE DÉFENSE 20

DEUXIÈME PARTIE : L’OFFICE NATIONAL D’ÉTUDES ET DE RECHERCHES AÉROSPATIALES (ONERA) 23

I. LA CRÉATION DE L’ONERA, OU UNE VOLONTÉ AFFIRMÉE D’AUTONOMIE DE LA FRANCE EN MATIÈRE DE RECHERCHE AÉROSPATIALE 24

A. LES GRANDES MISSIONS ET LES MÉTIERS DE L’ONERA 24

1. Les missions de L’ONERA 24

2. Les métiers et les personnels de l’ONERA 26

3. Les moyens techniques et les souffleries 26

a. Les souffleries ou les grands moyens 26

b. Un atout pour les clients étrangers 27

c. Un soutien à l’exportation 27

d. Un gage de souveraineté 28

e. Un instrument d’avenir 28

f. Une surcapacité européenne 29

g. Un investissement durable 29

B. LES GRANDES RÉALISATIONS 29

II. UNE SITUATION DIFFICILE 33

A. DES PROBLÈMES DE GOUVERNANCE 33

1. Un passé récent lourd de conséquences 33

2. Des mesures adéquates 34

B. DES RESSOURCES EN BAISSE DEPUIS PLUSIEURS ANNÉES 34

1. La baisse des subventions publiques 34

a. La baisse de la subvention versée par la tutelle 35

b. Une subvention 2016 notoirement insuffisante 36

c. L’arrêt de la contribution versée par la Direction générale de l’aviation civile 37

2. La baisse de l’activité contractuelle 37

a. Les contrats publics 39

i. Avec la DGAC 39

ii. Avec la DGA 40

iii. Avec le CNES 40

iv. Avec d’autres partenaires 40

b. Les contrats privés 41

c. Vers une nouvelle architecture budgétaire 41

C. UNE TUTELLE TROP DISTANTE 43

1. Une tutelle défense qui a toujours un sens 43

2. Une relation susceptible d’améliorations 44

a. Un corpus de réunions formelles 44

b. Le point de vue de l’ONERA 45

c. Le point de vue de la DGA 45

d. Une optimisation indispensable 46

D. DES RESSOURCES HUMAINES À PRÉSERVER 47

E. DES PROBLÈMES D’INFRASTRUCTURE 48

1. La grande soufflerie de Modane 48

a. Ses caractéristiques 48

b. L’affaissement des sols 49

c. Des travaux urgents nécessaires 49

III. UN OFFICE OUVERT ET TOURNÉ VERS L’AVENIR 49

A. UN DÉFICIT DE NOTORIÉTÉ À COMBLER 50

B. UN PAYSAGE AÉRONAUTIQUE EN ÉVOLUTION 50

1. La nécessité impérieuse de renouer des liens 51

a. Avec les industriels 51

b. Avec les autres organes de recherche et le monde académique 53

c. Avec les instances mixtes 53

d. Intégrer des partenariats 54

2. Un soutien du ministère de la Défense à l’international 55

TRAVAUX DE LA COMMISSION 57

EXAMEN DES CRÉDITS 57

ANNEXE : Liste des personnes auditionnées par le rapporteur 61

INTRODUCTION

Le programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense » est un programme modeste, si l’on considère sa part dans le budget de la défense oscillant entre 4 et 5 % selon les années, mais ambitieux dans ses objectifs. Il lui revient en effet de fournir au ministère de la Défense les moyens d’appréhender l’avenir et de s’y préparer.

Il nous a été rappelé cette année avec violence combien il est important d’être en mesure de répondre à la menace et de jeter les bases permettant de répondre à la menace de demain. C’est un devoir vis-à-vis de notre pays et de nos forces. C’est à cela que contribue la prospective de défense.

Les équilibres du budget 2016 proposé pour ce programme ne sont pas bouleversés et la rapporteure se félicite de l’importance accordée au renseignement et aux études amont, dans une trajectoire cohérente depuis le début de la XIVe législature.

C’est à l’Office national d’études et de recherches aérospatiales (ONERA) que la rapporteure a choisi de consacrer un examen plus approfondi. Il lui a semblé en effet que, face aux difficultés qu’il rencontre, le rôle de cet office dans la recherche militaire et civile nécessitait une mise en lumière. Peu connu du grand public, qui ignore ce que lui doivent les avions dans lesquels il voyage, l’ONERA explore les ruptures technologiques de l’aéronautique de demain. Essentiel à la dissuasion, aux futurs aéronefs, missiles et radars militaires, il est à ce titre un élément central de l’avenir de notre défense.

La rapporteure avait demandé que les réponses à son questionnaire budgétaire lui soient adressées au plus tard le 10 octobre 2015, date limite résultant de l’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

À cette date, 38 réponses sur 42 lui étaient parvenues, soit un taux de 91 %.

PREMIÈRE PARTIE : LE PROGRAMME 144

Le programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense » a pour objectif la mise en œuvre des moyens permettant au ministère de la Défense d’appréhender son environnement stratégique actuel et futur. L’actualité de l’année 2015 n’a malheureusement cessé de rappeler l’importance de chacune des actions qui composent ce programme.

L’action 03 « Recherche et exploitation du renseignement intéressant la sécurité de la France » est plus que jamais essentielle et participe, comme l’ensemble du programme, de la fonction « connaissance et anticipation » du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013, et s’articule largement autour de la lutte contre le terrorisme. 19,5 % des crédits du programme sont affectés à cette action.

L’action 07 « Prospective de défense » permet la préparation du futur de la défense française notamment par la mise au point des nouveaux systèmes d’armes et équipements. Ainsi, ce sont les travaux de prospective passés, souvent très antérieurs, qui permettent l’évolution de l’équipement des forces et le développement de l’industrie de défense française. Ce sont précisément ces travaux qui permettent à terme, et votre rapporteure souhaite le rappeler avec force, l’exportation de technologies développées par des industriels et des laboratoires français dont les grands succès ont émaillé l’année 2015, avec le Rafale notamment. Cette action concentre 77,4 % des crédits du programme.

Enfin, l’action 08 « Relations internationales et diplomatie de défense » permet d’orchestrer les actions du ministère de la Défense en matière de coopérations internationales relatives à la défense de la Nation. Elle se caractérise surtout cette année par l’entrée en application du traité franco-djiboutien renégocié concernant le montant de la compensation versée à la République de Djibouti en contrepartie de la présence des forces françaises sur son territoire. Les forces prépositionnées, notamment à Djibouti, ont encore montré leur importance dans le dispositif militaire français. Cette action dispose de 3,2 % des crédits du programme.

Pour l’année 2016, cette dernière action est la seule du programme à connaître une augmentation de crédits tandis que les actions 03 « Recherche et exploitation du renseignement intéressant la sécurité de la France » et 07 « Prospective de défense » enregistrent des réductions, alors même que l’importance des activités qu’elles financent est rappelée fréquemment par le ministère. Il conviendra d’expliquer plus avant ces évolutions dans ce qui suit.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS ALLOUÉS AU PROGRAMME PAR ACTION

(en millions d’euros)

Hors titre 2

LFI 2015

PLF 2016

Évolution 2015-2016 (en %)

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Action 3 : Recherche et exploitation du renseignement intéressant la sécurité de la France

280,70

268,48

249,51

234,31

-11,11 %

-12,73 %

Sous-action 31 : Renseignement extérieur

270,00

257,78

237,26

224,26

-12,13 %

-13,00 %

Sous-action 32 : Renseignement de sécurité de défense

10,69

10,69

12,25

10,05

14,56 %

-6,01 %

Action 7 : Prospective de défense

1 034,03

1 030,03

992,42

1 009,70

-4,02 %

-1,97 %

Sous-action 71 : Analyse stratégique

6,13

6,13

9,76

6,06

59,31 %

-1,08 %

Sous-action 72 : Prospective des systèmes de forces

20,81

20,81

20,96

20,96

0,72 %

0,72 %

Sous-action 73 : Études amont

742,91

738,91

680,00

706,53

-8,47 %

-4,38 %

Sous-action 74 : Soutien et subventions

264,19

264,19

281,70

276,15

6,63 %

4,53 %

Action 8 : Relations internationales

35,41

35,41

40,76

40,76

15,12%

15,12%

 

1 350,14

1 333,92

1 282,69

1 284,77

-5,00%

-3,68%

Source : ministère de la Défense.

Depuis, 2015, le programme 144 ne reçoit plus de crédits du titre 2 pour la gestion de la masse salariale, ceux-ci ayant été transférés au programme 212 « Soutien de la politique de défense ». Ainsi, le pôle de dépense le plus important du programme reste les dépenses de fonctionnement du titre 3, désormais suivies par les dépenses d’investissement du titre 5, malgré une diminution de ces derniers crédits entre 2015 et 2016.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS ALLOUÉS AU PROGRAMME PAR TITRE

(en millions d’euros)

Titres

AE

CP

Évolution

LFI 2015

PLF 2016

LFI 2015

PLF 2016

AE

CP

Titre 3. Dépenses de fonctionnement

1 185,88

1 111,85

1 165,75

1 125,19

- 6,24%

- 3,48%

Titre 5. Dépenses d’investissement

114,68

105,45

118,59

99,74

- 8,04 %

- 15,89 %

Titre 6. Dépenses d’intervention

49,58

56,63

49,58

56,63

14,24 %

14,24 %

Titre 7. Dépenses d’opération financière

 

8,75

 

3,20

 

 

Total programme 144

1 350,14

1 282,69

1 333,92

1 284,77

- 5,00 %

- 3,68 %

Source : ministère de la Défense.

Le niveau de crédits ouverts au profit de ce programme doit lui permettre de réaliser les quatre principaux objectifs fixés pour l’année 2016 :

– renforcer une démarche prospective européenne en matière de sécurité et de défense en promouvant une démarche prospective commune ;

– améliorer le niveau de sécurité des forces et du patrimoine industriel et économique lié à la défense ;

– développer les capacités scientifiques, technologiques et industrielles nécessaires à la défense ;

– contribuer à l’autorisation et au contrôle des transferts des biens et technologies sensibles.

La responsabilité du programme 144 incombe depuis 2015 à la direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS) qui, en la matière, a pris la suite de l’ancienne direction des affaires stratégiques (DAS).

La direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS)

Dans la droite ligne des activités qui furent celles de la DAS avant son remplacement, la DGRIS assure le pilotage et la coordination de l’action internationale du ministère, notamment pour la mise en œuvre de ses relations bilatérales avec les pays étrangers. Elle participe également à la définition de la position de la France au sein des organisations internationales ayant trait à la défense.

Depuis la réforme engagée en 2013, la DGRIS voit son rôle se développer dans deux domaines : la stratégie de défense, la coordination des travaux de cadrage ministériel, actualisation de la loi de programmation militaire, et la politique d’influence, notamment par la mise au point de lettres de missions destinées aux attachés de défense. Dix mois après sa mise en place la DGRIS verra ses synergies avec les autres services stratégiques encore renforcées par son déménagement sur le site de Balard.

L’action de la DGRIS en tant que pilote du programme 144 se déroule en coopération avec l’état-major des armées (EMA), la direction générale de l’armement (DGA), la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et la direction de la protection et de la sécurité de la défense (DPSD). Chacun dans leur domaine, ces acteurs élaborent des études et des propositions en matière de prospective et de stratégie de défense, orientent et conduisent la diplomatie française de défense, recherchent le renseignement de défense et définissent les systèmes de force futurs tout en contribuant à la maîtrise de capacités industrielles et technologiques cohérentes.

Conformément aux objectifs fixés par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013, et en écho à l’actualité de l’année 2015 marquée par les attaques terroristes subies par la France, une attention toute particulière devra être portée au renseignement, à la collecte et l’analyse d’information, tant pour la sécurité intérieure qu’extérieure. Sans un outil de renseignement fort et performant, l’État ne peut prétendre à une bonne compréhension du contexte géopolitique et des menaces.

Cette importance étant rappelée, une lecture rapide des propositions faites dans le cadre du projet de budget pour 2016 indique toutefois que les crédits alloués à l’action « Recherche et exploitation du renseignement intéressant la sécurité de la France » sont en diminution de 12,7 % en crédits de paiement (CP) et de 11,11 % en autorisation de programmes (AE). Cependant, loin d’être en contradiction avec les objectifs poursuivis, cette baisse correspond tout simplement à un retour à la trajectoire de la LPM après deux années que l’on peut qualifier, pour cette action, d’exceptionnelles en matière de crédits budgétaires.

La sous-action 31 « Renseignement extérieur »  est essentiellement destinée à assurer le financement de la DGSE. Celle-ci prend en charge la collecte, l’analyse, la synthèse et la diffusion du renseignement extérieur au bénéfice des autorités gouvernementales afin de leur permettre une prise de décision éclairée. Elle est aussi seule en charge de l’action clandestine à l’étranger.

Par rapport à 2015, les crédits qui lui sont alloués passent de 270 millions d’euros en AE et 257 millions d’euros en CP à, respectivement, 237 millions d’euros et 224 millions d’euros, soit une diminution de 12,13 % en AE et 13 % en CP.

Cette évolution succède à deux années, 2014 et 2015, de croissance budgétaire significative correspondant à l’acquisition ponctuelle d’équipements opérationnels, notamment pour la cyberdéfense, au développement de moyens techniques spécifiques ainsi qu’à la réalisation prioritaire de travaux d’infrastructure pour l’accueil des effectifs supplémentaires prévus par la LPM 2014-2019.

Marginalement, la diminution du budget de la sous-action 31 est également imputable à deux modifications de son périmètre budgétaire. D’une part, les crédits de l’indemnité compensatrice SNCF au profit des effectifs militaires gérés par la DGSE sont transférés au programme 178 « Préparation et emploi des forces » (soit - 753 602 €) et, d’autre part, les crédits consacrés aux abonnements des administrations de l’État aux services de l’AFP sont regroupés dans le programme 180 « Presse » (soit - 3 897 €).

Enfin, tous les efforts réalisés au profit des services de la DGSE n’apparaissent pas dans les lignes du programme 144. Ainsi, en 2016 le renseignement extérieur bénéficiera d’un effort réalisé en matière d’effectifs avec la création de 101 emplois au profit de la DGSE, imputés au titre 2 du programme 212 « Soutien de la politique de défense », de la poursuite des démarches de mutualisation des actions des services de renseignement et, enfin, de la réalisation d’investissements interministériels.

La sous-action « Renseignement extérieur » est divisée en trois opérations stratégiques (OS) :

– l’OS « Activités opérationnelles » (OS AOP) qui regroupe les dépenses d’alimentation et de déplacement des personnels sur les zones de crise (indemnités de mission, transports par voie aérienne et ferroviaire) : en 2016, les dépenses de cette opération stratégique augmentent de 5 % en raison de l’accroissement de l’activité opérationnelle ;

– l’OS « Fonctionnement et activités spécifiques » (OS FAS), qui finance les dépenses de fonctionnement courant pour le soutien des personnels et des structures mais aussi les dépenses spécifiques du ministère, est en baisse de 4 % en 2016 en raison du transfert précité de l’indemnité compensatrice SNCF, des crédits d’abonnement AFP et du résultat des efforts de rationalisation des dépenses ;

– l’OS « Renseignement » comprend les investissements et les dépenses opérationnelles de la DGSE pour lesquels sont proposés 199,4 millions d’euros en AE et 186,4 millions d’euros en CP. La rapporteure note toutefois que la baisse des crédits proposée n’est pas une tendance appelée à se poursuivre en raison des impératifs de renforcement des capacités des services de renseignement.

La sous-action 32 « Renseignement de sécurité et de défense » assure le financement de la sécurité du personnel, des informations, du matériel et des installations sensibles de défense, missions assurées par la DPSD, service de renseignement qui œuvre auprès des forces armées stationnées ou déployées en opérations et auprès des entreprises liées par contrat à la défense.

Pour l’exercice 2016, le niveau des AE est fixé à 12,5 millions d’euros (+ 15 %) et celui des CP est de 10,05 millions d’euros (- 6 %).

La loi n° 2015-912 du 24 juillet 2015 et le renforcement de la DPSD

Dans le contexte de la promulgation de la loi n° 2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement qui renforce les missions des services de renseignement et les autorise à acquérir et à employer des équipements nouveaux, la DPSD poursuit trois objectifs :

– le développement de ses capacités d’investigation technique et de son intranet métier pour les adapter aux menaces émergentes et aux défis de la contre-ingérence ;

– le développement de ses moyens de contre-ingérence en matière de cyberdéfense ;

– le renforcement de ses moyens de recherche sur les sources ouvertes.

Trois mesures de transferts internes, vers le programme 178 « Préparation et emploi des forces » (463 418 €), vers le programme 212 « Soutien de la politique de défense » (63 000 €) et vers le programme 180 « Presse » (11 822 €) modifient le périmètre de cette sous-action.

Elle est également composée des trois opérations stratégiques que sont :

– l’OS AOP, qui met à disposition les crédits de fonctionnement liés aux déplacements des personnels de la DPSD par voie aérienne, bénéficie d’une augmentation de 6 % en 2016 par rapport en 2015 en raison de l’augmentation des effectifs ;

– l’OS FAS, qui supporte les dépenses de fonctionnement courant directement liées à l’activité spécifique de la DPSD (crédits de formation, de communication et relations publiques, dépenses de fonctionnement du site de la direction centrale) ; en 2016 cette OS enregistre une diminution de 26 % par rapport à 2015 en raison de la prise en compte de gains budgétaires et d’une nouvelle répartition de ces dépenses ;

– l’OS « Renseignement », qui finance les investissements et les dépenses opérationnelles de la DPSD. Il est proposé une augmentation de 13 % en AE, pour un niveau de CP quasiment inchangé.

Action centrale du programme 144, l’action 07 « Prospective de défense » concentre l’essentiel des crédits du programme et assure le financement des activités d’analyse et de compréhension du contexte stratégique de la défense, d’une part, et les activités de préparation de l’avenir de la défense nationale, positionnements stratégiques et futurs systèmes de force, d’autre part.

Ainsi, en application de la LPM 2014-2019 et de son actualisation, l’effort en faveur de la pérennisation de la base industrielle et technologique de défense (BITD) est maintenu et soutenu par la commande d’études amont qui contribuent au développement des compétences industrielles et technologiques des bureaux d’études, indispensables à l’innovation, à la compétitivité de la BITD et à la réalisation des futurs programmes d’armement.

En 2016, les AE s’élèvent à 992,42 millions d’euros et les CP à 1 009,70 millions d’euros, soit une diminution respectivement de 4,02 % et de 1,97 %.

La sous-action 01 « Analyse stratégique » regroupe les activités de la DGRIS en matière d’analyse prospective de l’évolution de l’environnement international. Il est proposé un budget en légère baisse de 1,08 %. Votre rapporteure estime qu’il s’agit là d’un outil essentiel à la préparation de l’avenir et se félicite du quasi-maintien de ce budget.

Afin de réaliser ces travaux d’analyse, le ministère de la Défense commande à des prestataires extérieurs, sous pilotage de la DGRIS, des études et recherches dites études prospectives stratégiques (EPS). La programmation des EPS fait l’objet d’une expression de besoins annuelle par les membres du comité de cohérence de la recherche stratégique et de la prospective de défense (CCRP). Les principaux axes de recherche pour 2016 seront arrêtés par le CCRP fin novembre 2015. Les orientations comprendront toutefois les études 2016 lancées dans le cadre de quatre contrats-cadre mis en place en 2015 au profit de domaines structurels prioritaires pour le ministère de la Défense (cyberdéfense, dissuasion, Russie et Afrique du Nord – Proche et Moyen-Orient).

La réforme du dispositif ministériel de soutien à la recherche stratégique mise en œuvre en 2015 et 2016 donnant lieu à la notification de contrats-cadres, et donc d’engagements pluriannuels, justifie de ce fait un montant d’AE en 2016 (8,16 millions d’euros) supérieur au montant de CP (5,46 millions d’euros). Cette réforme, qui augmente par ailleurs la part prise par les observatoires et le champ universitaire, devrait permettre plus de visibilité pour un meilleur pilotage des études.

La sous-action 01 « Analyse stratégique » comprend également le programme « personnalités d’avenir défense » pour lequel il est proposé de maintenir des crédits de 250 000 euros.

Le programme « personnalités d’avenir défense »

Piloté par la DGRIS, le programme « personnalités d’avenir défense » (PAD) est mis en œuvre au ministère de la Défense depuis 2008 via trois acteurs : la direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS), la direction générale de l’armement (DGA) et l’état-major des armées (EMA). Il s’agit de sensibiliser les futures élites étrangères aux positions françaises en matière de sécurité et de défense et de contribuer ainsi à la constitution et l’entretien d’un réseau d’influence de long terme. Depuis 2009, la France a reçu 143 personnalités dans le cadre de ce programme, soit plus d’une vingtaine par an.

La sous-action 02 « Prospective des systèmes de forces » est, dans le cadre de la préparation du futur, un outil nécessaire à la programmation et à la planification.

Les activités comprises dans cette sous-action sont conduites par les services de l’EMA et de la DGA dans le cadre du comité des études à caractère opérationnel et technico-opérationnel (CETO) qui est l’organe de décision, d’orientation, de programmation, et d’évaluation des études à caractère opérationnel ou technico-opérationnel (EOTO). Ces études portent sur la définition des besoins futurs, la recherche du meilleur compromis entre les caractéristiques opérationnelles, les spécifications techniques et les coûts associés dans les systèmes en projet ou les évolutions des systèmes existants et sur l’emploi des systèmes d’armes.

Cette sous-action dispose en 2016 d’un budget de 20,96 millions d’euros en AE et en CP soit une augmentation de 0,72 % par rapport à l’année 2015. Elle comprend deux opérations stratégiques qui concernent l’une, les EOTO portant sur le nucléaire (3 millions d’euros), et l’autre, les EOTO hors dissuasion (18 millions d’euros).

Rattachées à un besoin militaire prévisible, les études menées dans le cadre de la sous-action 03 « Études amont » contribuent à constituer, maîtriser, entretenir et développer la base industrielle et technologique de défense ainsi que l’expertise technique de l’État, nécessaires à la réalisation des opérations d’armement.

En application de la loi de programmation militaire 2014-2019 et de son actualisation adoptée en 2015, les études amont se voient attribuer des crédits annuels de 730 millions d’euros en moyenne durant la période 2015-2019. En 2016, leur dotation s’élève à 680 millions d’euros en AE et 706,5 millions d’euros en CP, soit une légère inflexion à la baisse de 8,47 % en AE en 4,38 % en CP par rapport à 2015. Malgré cette diminution, ainsi que l’a assuré le délégué général pour l’armement à votre rapporteure en réunion de commission le 7 octobre 2015(1), la moyenne annuelle de 730 millions d’euros sera respectée, conformément aux engagements du ministre de la Défense. En tout état de cause, les études amont concentrent toujours plus de 50 % de l’ensemble des crédits accordés au programme.

La rapporteure tient ici à mettre l’accent sur l’importance de ces études pour une solide préparation de l’avenir de la politique de défense française et pour le soutien aux activités contractuelles des instituts de recherche français tels que l’ONERA. Elle rappelle aussi qu’il conviendra de veiller jusqu’au terme de l’application de la LPM 2014-2019 au maintien des crédits accordés à ces études au niveau prévu dans la loi de programmation.

L’opération stratégique « Prospective et préparation de l’avenir » couvre les études amont, hors dissuasion, de plusieurs agrégats sectoriels.

– Aéronautique et missiles (199 millions d’euros en AE et 164,3 millions d’euros en CP).

Les études dans le domaine aéronautique concernent l’ensemble des aéronefs à usage militaire ou gouvernemental : avions, drones de combat, hélicoptères, avions de transport et de mission. En 2016, les principaux enjeux dans ce domaine sont la préparation du système de combat aérien futur et des prochains standards de l’avion Rafale (guerre électronique et technologies de radars), de l’hélicoptère Tigre, des nouveaux types de leurres et d’autoprotection des aéronefs. L’année 2016 devrait également marquer le démarrage effectif de la coopération européenne tripartite autour du projet de drone MALE dont la rapporteure souligne le potentiel en termes de souveraineté nationale pour l’accès au renseignement, d’une part, et pour l’activité des industries de défense européennes, d’autre part.

Le drone MALE européen

Le 18 mai 2015 les ministres de la Défense allemand, français, et italien ont formalisé dans une lettre d’intention la décision commune de conduire une étude d’une durée de deux ans afin de préparer la phase de développement d’un drone Moyenne Altitude Longue Endurance (MALE). L’arrangement de coopération et la préparation du contrat industriel sont en cours pour un démarrage de l’étude début 2016. Cette étude a pour but d’instruire les nombreux compromis nécessaires sur l’expression du besoin et sur les choix de définition technique ; ils doivent être confiés à une alliance de trois avionneurs, Airbus Defence and Space, Alenia Aermacchi et Dassault Aviation. Les points principaux sont le partage du concept d’emploi, l’architecture du système, la cybersécurité, la certification, la navigabilité, le choix des capteurs et les liaisons de données et l’insertion dans l’espace aérien.

Pour les phases ultérieures, un élargissement de la coopération est prévu avec l’appui de l’Agence européenne de défense (AED). Si la poursuite des travaux est décidée, le premier système pourrait être livré d’ici à 2025.

Les études concernant les missiles ont pour objectif de maintenir l’excellence technologique de la filière européenne tout en adaptant le niveau de performance des matériels à l’évolution de la menace. Il s’agit en particulier de la capacité de frappe à distance de sécurité et dans la profondeur, au moyen de missiles de croisière, et de capacités de combat aérien, d’attaque au sol ou antinavire.

– Information et renseignement (96 millions d’euros en AE et 105,6 millions d’euros en CP).

Les études du domaine de l’information et du renseignement portent sur les technologies de recueil et de traitement des images, de guerre électronique (détection, interception, localisation des émissions électromagnétiques), d’exploitation et de traitement des données de renseignement, ainsi que sur les technologies relatives aux moyens de communication. Une partie de ces études concerne spécifiquement les systèmes spatiaux (satellites militaires de renseignement d’origine électromagnétique, d’imagerie et de communication). En 2016, l’accent est mis sur les technologies de traitement d’image, de surveillance, de détection, et de pistage des cibles. En matière de système d’information et de communication les études concernent les systèmes de communication à haute fréquence du futur et les liaisons à haut débit pour plateforme aéronautique.

– Naval (42 millions d’euros en AE et 31,3 millions d’euros en CP).

Les études navales concernent les évolutions des plateformes en service, la lutte sous la mer et en surface et la survivabilité des bâtiments. Elles portent sur les architectures des plateformes, les systèmes de combat, les senseurs (radars et sonars), les moyens de guerre électronique. En 2016, les travaux porteront plus particulièrement sur les bâtiments de surface, notamment les frégates, dans les domaines du radar, de la guerre électronique et de la lutte sous la mer.

– Terrestre, NRBC et santé (44 millions d’euros en AE et 43,5 millions d’euros en CP).

En 2016, les recherches dans le domaine terrestre porteront principalement sur les technologies permettant d’améliorer la modulation et la maîtrise de la fonction feu, sur des travaux de robotique et d’optronique pour la reconnaissance et la surveillance. Il est également prévu de poursuivre des études dans le domaine de la protection des véhicules et dans celui des munitions.

Dans le domaine de la défense nucléaire, radiologique, biologique et chimique (NRBC), les travaux concerneront en 2016 les contre-mesures médicales, la détection et l’approfondissement des connaissances des agents. Enfin, les études sur la santé militaire concernent le traitement des urgences vitales en opérations extérieures, la réparation tissulaire par thérapie cellulaire et la lutte contre le choc hémorragique, ainsi que l’amélioration de la résilience individuelle et collective des forces.

– Innovations et technologies transverses (141 millions d’euros en AE et 125 millions d’euros en CP).

Les études dans ce domaine ont vocation à renforcer les synergies autour des technologies duales. Elles se traduisent par le financement de projets innovants de PME – grâce au Pacte Défense PME ces financements ont progressé de 25 % en trois ans – ou de laboratoires de recherche académiques. L’enjeu est de démultiplier l’efficacité des budgets mis en commun avec la communauté scientifique de recherche civile. En 2016, ce soutien à l’innovation s’affirme par le maintien de dispositifs tels que RAPID, ASTRID et ASTRID maturation.

En matière de dissuasion seront poursuivies en 2016 les études amont nucléaires portant sur la composante océanique, la préparation du programme de SNLE de troisième génération ainsi que sur la maturation des technologies liées aux évolutions du missile M51 et, pour la composante aéroportée, sur la préparation de la prochaine génération de missiles.

La sous-action « Gestion des moyens et subventions » assure le financement des subventions versées aux opérateurs de l’État rattachés au programme 144, l’ONERA et les écoles sous tutelle de la DGA, les subventions versées à des organismes d’étude et à l’Institut franco-allemand de recherche de Saint-Louis (ISL) et, depuis le projet de loi de finances 2015, la gestion de la masse salariale des étudiants polytechniciens.

En dehors d’une dotation en fonds propres(2)de 8,75 millions d’euros en AE et 3,20 millions d’euros en CP, les crédits de cette sous-action connaissent une légère augmentation en 2016, de 6,63 % en AE et 4,53 % en CP.

L’opération stratégique « Fonctionnement et activités spécifiques » (OS FAS) concerne les subventions destinées aux opérateurs précités. Ses crédits sont en hausse de 7 % en AE et de 5 % en CP par rapport à l’année 2015.

L’Office national d’études et de recherches aérospatiales (ONERA) a pour mission de développer, d’orienter, de coordonner et de promouvoir les recherches dans le domaine aérospatial. Il est proposé de lui allouer une subvention pour charge de service public qui s’élève à 105 millions d’euros en 2016, présentée comme une augmentation de 7 % par rapport au projet de loi de finances initial pour 2015 mais, de fait, égale aux crédits 2015, l’ONERA ayant reçu en cours d’année une subvention exceptionnelle du ministère de la Défense de neuf millions d’euros. Toutefois, le cas de l’ONERA étant très particulier, la rapporteure a souhaité lui accorder une étude plus approfondie dans la deuxième partie de cet avis.

Les écoles d’ingénieurs sous tutelle de la DGA se voient, pour leur part, attribuer une subvention pour charge de service public de 148,20 millions d’euros répartis de la façon suivante :

– 82,83 millions d’euros pour l’École polytechnique, l’allocation spécifique de 17,36 millions d’euros supplémentaires par rapport à l’année 2015 finançant la masse salariale des élèves polytechniciens depuis son intégration dans le plafond de l’établissement en 2015 ;

– 17,12 millions d’euros pour l’ENSTA Paris-Tech ;

– 14,19 millions pour l’ENSTA Bretagne, qui reçoit une dotation en fonds propres de 0,30 million d’euros pour travaux ;

– 34,06 millions d’euros pour l’ISAE, qui reçoit une dotation en fonds propres de 8,45 millions d’euros en AE et 2,90 millions d’euros en CP.

Enfin, l’ISL dont la mission est de mettre en œuvre une coopération étroite entre la France et l’Allemagne dans le domaine des recherches et études scientifiques et techniques du secteur de l’armement, reçoit une subvention de 17,74 millions d’euros, stable depuis 2011.

Pour terminer, l’opération stratégique « Prospective et préparation de l’avenir », concerne les subventions versées à des organismes d’études, des fondations, des confédérations amicales de corps d’officiers de l’armement ou au titre du soutien aux PME-PMI et bénéficie de deux millions d’euros de crédits.

L’action 08 « Relations internationales et diplomatie de défense » est directement gérée par la DGRIS au titre de sa mission de coordination de l’action internationale du ministère de la Défense et de définition de sa stratégie d’influence internationale. Elle recouvre l’aide versée par la France à la République de Djibouti en application du traité du 20 décembre 2011, la contribution française au budget de l’Agence européenne de Défense (AED), les dépenses liées à la mise en œuvre de la diplomatie de défense, fonctionnement et activité des postes permanents à l’étranger, soit 1 502 postes essentiellement affectés dans les organisations internationales dont l’OTAN, et les actions de coopération bi et multilatérales entreprises dans le cadre du partenariat mondial contre la prolifération des armes de destruction massive et des matières connexes.

L’opération stratégique « Activités opérationnelles » de cette sous-action couvre les dépenses de déplacement des personnels affectés aux missions de défense près les ambassades et des effectifs de la DGRIS ; elle subit une légère baisse du niveau de ses crédits en 2016 (-1 %, soit - 40 000 euros). On observe donc une stabilité des frais de déplacement et de missions.

LES ATTACHÉS DE DÉFENSE

Placés depuis début 2015 sous l’autorité du directeur général des relations internationales et de la stratégie, les attachés de défense constituent un réseau d’envoyés du Gouvernement déployé à l’étranger dans 86 missions de défense au sein des ambassades de France. Dans le cadre du lien hiérarchique les rattachant à la DGRIS, les attachés de défense représentent toutefois l’ensemble des autorités du ministère de la Défense et remplissent par conséquent des missions dont le spectre est très large. Ainsi, les attachés de défense sont chargés de conseiller l’ambassadeur en matière de défense, de conseiller le ministère quant aux questions de défense relatives à son ou ses pays d’accréditation, d’animer la relation bilatérale de défense, d’expliquer et de promouvoir la politique de défense française, de tenir informé le ministère de la Défense et de contribuer aux études comparatives, de promouvoir l’industrie française d’armement, de contribuer aux démarches de soutien et de contrôle des exportations d’armement, de remplir des missions à caractère opérationnel notamment, en cas de crise, de conflit ou d’événement grave dans son ou ses pays d’accréditation, voire dans la région, d’animer les réseaux d’influence du ministère de la Défense à l’étranger et enfin de contribuer à la politique mémorielle et aux Journées défense et citoyenneté.

La rapporteure est d’avis que l’action de l’ONERA pourrait bénéficier de l’action des attachés de défense de la DGRIS et contribuer ainsi au rayonnement de la diplomatie de défense française.

Elle estime que les chercheurs de l’ONERA pourraient en retour tirer profit des analyses géopolitiques commanditées par la DGRIS afin de nourrir leur réflexion quant à la préparation de l’avenir et à l’environnement dans lequel s’intégreront les finalités des recherches qu’ils conduisent.

L’opération stratégique « Fonctionnement et activités spécifiques » comprend pour sa part, les budgets alloués aux postes permanents à l’étranger (PPE) du réseau diplomatique, hors dépenses de déplacements ; les frais de déménagement liés aux mutations du personnel relevant de la direction générale de l’armement affecté dans les missions de défense près les ambassades et plus généralement en PPE ; l’aide versée au gouvernement de la République de Djibouti en compensation de l’implantation des FFDj et la contribution française au budget administratif de l’Agence européenne de défense. Cette OS voit son budget augmenter de 17 % (+ 5,37 millions d’euros) en 2016, principalement, comme cela a été mentionné, en raison de l’évolution de la compensation versée à la République de Djibouti – cette augmentation s’imputant sur l’OB « Relations internationales » qui augmente ainsi de 21 % en 2016.

La contribution annuelle au gouvernement de la République de Djibouti

En 2016 est observé un accroissement de la part imputable sur le programme 144 de la contribution annuelle forfaitaire de 30 millions d’euros versée au gouvernement de la République de Djibouti, en compensation de l’implantation des forces françaises (FFDj) sur son territoire. Cette évolution est liée notamment à la modification des dispositions fiscales dans le cadre du nouveau traité de coopération en matière de défense, signé le 21 décembre 2011 entre la France et la République de Djibouti et entré en vigueur le 1er mai 2014 suite à la ratification par les deux états. En effet, les différents impôts, droits et taxes précédemment perçus par l’État djiboutien le sont désormais par la France dont les rentrées fiscales sont ainsi majorées. En contrepartie, ces rentrées fiscales, précédemment déduites de la contribution versée à l’État djiboutien, ne le sont plus et sont compensées par une augmentation de cette contribution. L’impact de la mesure est progressif : nul en 2015, il sera partiel en 2016, estimé à 4,77 millions d’euros, et ne se fera pleinement sentir qu’à compter de 2017, en raison du décalage de deux ans entre la date de paiement des impositions et l’ajustement de la contribution différentielle due.

Enfin, l’OS « Prospective et préparation de l’avenir » couvre essentiellement la contribution française au partenariat mondial contre la prolifération des armes de destruction massive et des matières connexes (PMG8). Les programmes soutenus dans ce cadre le sont sous réserve qu’ils présentent une réelle valeur ajoutée pour la protection des forces ou en matière de lutte contre la prolifération. À ce titre, des coopérations scientifiques avec des instituts de recherche étrangers ont été mises en place et se poursuivront en 2016, parallèlement à un renforcement des vérifications opérées par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) en application de l’accord de juillet 2015 concernant les activités nucléaires iraniennes. Le financement de cet OS s’élève en 2016 à 1,08 million d’euros.

DEUXIÈME PARTIE : L’OFFICE NATIONAL D’ÉTUDES ET DE RECHERCHES AÉROSPATIALES (ONERA)

En cohérence avec la nature du programme budgétaire objet de cet avis, la rapporteure a souhaité mettre en lumière l’ONERA, organisme sous tutelle du ministère de la Défense, dont elle considère l’activité essentielle à l’avenir de l’aéronautique française et européenne, qu’elle soit militaire ou civile.

Il s’agit là d’une mission lourde et ambitieuse, que l’ONERA n’a cessé de remplir avec succès depuis sa création, dans une discrétion qui pourrait bien lui avoir été préjudiciable.

Sujet d’un récent rapport particulier de la Cour des comptes portant sur les années 2008 à 2013, rendu public en septembre 2015, l’ONERA se trouve aujourd’hui dans une situation qui, si elle est meilleure qu’en 2013, n’en reste pas moins préoccupante et mérite la plus grande attention.

Au cours du travail préparatoire à cet avis la rapporteure s’est d’ailleurs trouvée face un paradoxe. L’excellence de l’ONERA est unanimement louée. Son niveau international est reconnu et aucune voix discordante ne se fait entendre quant à la qualité de ses travaux. Néanmoins il lui semble que l’intérêt et l’ambition affichés pour l’Office ne sont pas tout à fait à la hauteur de cette excellence.

Des raisons, qui tiennent d’une histoire récente, existent à cela mais il paraît à fois urgent et de la plus haute importance de faire en sorte que l’ONERA s’affirme à la place qui lui revient dans la recherche aéronautique, c’est-à-dire la première. Cela ne se fera pas sans une remise en cause interne, déjà amorcée semble-t-il, ni un soutien externe. En effet, c’est aujourd’hui que les aéronefs, les radars, les missiles qui seront utilisés dans trente ou quarante ans se préparent à bas bruit. Une éviction, même partielle, de l’ONERA du champ de ces recherches aurait des conséquences dommageables pour la filière aéronautique dans son ensemble, dont il convient de rappeler qu’elle bénéficie elle aussi du soutien du ministère de la Défense.

Enjeu de souveraineté dans les champs de la défense et de l’économie, la France peut s’enorgueillir de disposer avec l’ONERA d’un outil hors pair qu’il convient d’accompagner.

Créé au sortir de la Deuxième Guerre mondiale, l’ONERA a vu le jour en 1946, peu après le Commissariat à l’énergie atomique (CEA), avec lequel il a de nombreux points communs, afin de soutenir la renaissance de l’industrie aéronautique. L’État souhaitait alors pouvoir disposer d’un organisme ayant pour mission de permettre à la France d’atteindre une excellence technologique en matière aéronautique tout en assurant la transition de ses savoir-faire vers l’industrie. C’est donc tout naturellement que l’ONERA fut placé sous tutelle unique du ministère de la Défense.

Au départ portant sur la seule recherche aéronautique, les missions de l’ONERA ont été étendues à la recherche spatiale après la création du Centre national d’études spatiales (CNES) fin 1961, dont il est complémentaire. L’ONERA devint donc alors aérospatial et non plus seulement aéronautique, le code de la défense intégrant la référence au CNES dans l’article R 3423-2. Le président de chaque organisme siège d’ailleurs dans les deux conseils d’administration.

Le choix du statut d’établissement public industriel et commercial (EPIC) a été arrêté afin de faciliter la liaison et les transferts vers l’industrie.

Si sa vocation est l’anticipation, l’ONERA n’en est pas moins pleinement ancré dans le présent afin de répondre aux grands enjeux d’aujourd’hui que sont l’environnement, la sécurité et la souveraineté.

Les missions de l’office s’articulent autour de ces trois grands axes :

– développer et orienter les recherches dans le domaine aérospatial ;

– concevoir, réaliser, mettre en œuvre les moyens nécessaires à l’exécution de ces missions ;

– assurer, en liaison avec les services ou organismes chargés de la recherche scientifique et technique, la diffusion sur le plan national et international des résultats de ces recherches, en favoriser la valorisation par l’industrie aérospatiale et en faciliter l’application en dehors de ce domaine, le cas échéant.

Article R 3423-1

L’Office national d’études et de recherches aérospatiales est un établissement public à caractère industriel et commercial, doté de l’autonomie financière et placé sous l’autorité du ministre de la défense.

Article R 3423-2

L’Office national d’études et de recherches aérospatiales a pour mission de développer et d’orienter les recherches dans le domaine aérospatial ; de concevoir, de réaliser, de mettre en œuvre les moyens nécessaires à l’exécution de ces recherches ; d’assurer, en liaison avec les services ou organismes chargés de la recherche scientifique et technique, la diffusion sur le plan national et international des résultats de ces recherches, d’en favoriser la valorisation par l’industrie aérospatiale et de faciliter éventuellement leur application en dehors du domaine aérospatial.

À ces divers titres, il est notamment chargé :

1° d’effectuer lui-même ou de faire effectuer, à son initiative ou à la demande, toutes études et recherches intéressant l’industrie aérospatiale ;

2° de réaliser des moyens d’essais et de calcul au profit de la recherche et de l’industrie aérospatiale et de les mettre en œuvre ;

3° d’assurer la liaison avec les organismes français, étrangers et internationaux dont l’activité peut contribuer à l’avancement de la recherche aérospatiale ;

4° d’assurer la diffusion et la valorisation des résultats obtenus, en particulier par publications, brevets, licences d’exploitation ;

5° de promouvoir le lancement ou le développement d’initiatives utiles à la recherche ou à l’industrie aérospatiale ;

6° d’assister, en tant qu’expert et à la demande, les organismes et services officiels ;

7° d’apporter son concours, dans son domaine de compétence, à la politique de formation à la recherche et par la recherche.

En liaison avec le Centre national d’études spatiales, il contribue par son action propre ou par le moyen de conventions aux recherches et aux réalisations expérimentales dans le domaine spatial.

Article R 3423-3

Dans le cadre des orientations générales données par le ministre de la défense et compte tenu de la politique scientifique proposée par le Haut Conseil scientifique de l’Office national d’études et de recherches aérospatiales (ONERA), les programmes de recherches et d’études et les programmes d’investissements techniques sont préparés par le président de l’office, avec le directeur des recherches, études et techniques du ministère de la défense en y associant les services et organismes concernés et notamment ceux de la direction générale de l’aviation civile.

Le comité scientifique et technique de l’office est consulté sur ces projets qui sont ensuite soumis à l’approbation du conseil d’administration.

Le ministre de la défense arrête les programmes et les notifie au président de l’office.

Article R 3423-4

Pour la sauvegarde tant des secrets touchant la défense que des intérêts économiques de l’office, les membres du conseil d’administration, du Haut Conseil scientifique, du comité scientifique et technique, ainsi que toutes personnes employées par l’office ou appelées à travailler pour lui, à quelque titre que ce soit, sont tenus d’observer la discrétion la plus absolue en ce qui concerne les délibérations, échanges de vues et travaux dont ils ont connaissance.

À cet effet, ils doivent veiller à la protection des secrets et des informations concernant la défense nationale dans les conditions prévues par les articles R. 2311-1 et suivants du code de la défense relatifs à la protection du secret de la défense nationale ainsi que par la réglementation prises pour leur application.

Sans préjudice des poursuites pénales pouvant être exercées pour violation du secret professionnel ou de secrets touchant la défense, l’exclusion immédiate et sans indemnité pourra être prononcée au cas de manquement aux obligations résultant du présent article.

Source : code de la défense.

Le métier de L’ONERA est la recherche finalisée au bénéfice de l’industrie aérospatiale et de l’État. Ses travaux concernent notamment : les avions civils et militaires, les hélicoptères, la propulsion des aéronefs, les systèmes orbitaux, le transport spatial, les systèmes de missiles, de défense, de sécurité et les systèmes aérospatiaux.

Toutes les disciplines scientifiques nécessaires sont couvertes et regroupées en quatre branches : matériaux et structures, mécanique des fluides et énergétique, physique, traitement de l’information et systèmes, chaque branche comptant entre trois et six départements. Doté d’un effectif de près de 2 000 salariés (1 918 effectifs physiques en moyenne annuelle 2014), dont près de 65 % d’ingénieurs et de cadres, l’office est implanté sur huit sites ainsi répartis : Lille (90 personnes), Meudon, Châtillon et Palaiseau (1 100 personnes), Toulouse et Le Fauga-Mauzac (370 personnes), Modane-Avrieux (150 personnes) et Salon-de-Provence (40 personnes).

Les moyens techniques vont des grands calculateurs aux bancs d’essai, dont la soufflerie, en passant par l’atelier mécanique. Il est impossible d’en faire ici la liste exhaustive mais on peut citer une tour de crash, des tunnels hydrodynamiques, des ateliers de conception de maquettes, etc. Ces moyens nécessitent maintenance et investissements.

Les grands moyens comportent différents éléments mais l’acception fait le plus souvent référence au parc des douze souffleries de l’ONERA et, particulièrement, à ses grandes souffleries qui sont, depuis 1952, un soutien majeur à l’industrie aéronautique militaire ou civile.

Instrument de conception indispensable, les souffleries ont contribué à la plupart de programmes aérospatiaux. Y ont notamment été soumis à des campagnes d’essais : le Concorde, le Mercure, l’A380, le Falcon, la séparation de l’Exocet sous Rafale, l’A400M, l’Exocet, l’A350, Ariane, les missiles MBDA, les moteurs Snecma et General Electric, etc.

Ces souffleries, qui répondent à des caractéristiques différentes et vont de Mach 0,1 à Mach 20, sont complémentaires. Elles permettent notamment le développement et la mise en œuvre de nouveaux bancs, de maquettes, de la métrologie ou de nouvelles techniques d’essai. Y sont actuellement testés, l’aile laminaire et l’Open Rotor.

Les trois grandes souffleries implantées au Fauga en Haute-Garonne et à Modane en Savoie présentent les caractéristiques suivantes, pour certaines rares et recherchées : basse vitesse pressurisée pour la soufflerie F1, transsonique atmosphérique pour la soufflerie S1MA et pressurisée, transsonique, supersonique pour la soufflerie S2MA. Les possibilités qu’elles offrent sont accompagnées d’un savoir-faire reconnu en matière de techniques et de méthodes d’essai ainsi que de métrologie des écoulements d’air.

La qualité des mesures est déterminante. Elle requiert des capacités de différenciation et de mesure extrêmement précise, les formes proposées étant souvent très proches ; l’ONERA a, pour cela, développé au cours des soixante dernières années une métrologie et des techniques d’essais particulières.

C’est ainsi que les grandes souffleries attirent de nombreux utilisateurs étrangers qui viennent y réaliser les essais de leurs programmes. Les principaux clients étrangers sont de grands industriels venant des États-Unis, du Canada, d’Asie, avec la Chine et la Corée, de l’Union européenne, de Turquie, d’Afrique du Sud et du Brésil.

Les prestations réalisées au bénéfice de clients étrangers atteignent ainsi en moyenne 25 % des revenus annuels des souffleries de l’ONERA. Ces dernières années, cette part d’activité a notablement augmenté, allant jusqu’à 63 % en 2015, atténuant ainsi les effets d’une utilisation historiquement basse par les clients nationaux.

Les perspectives d’activité avec les clients étrangers sont prometteuses.

Les souffleries constituent également un soutien essentiel à l’exportation d’avions de combat et d’armes associées. En effet, la validation de nouvelles configurations d’emport d’armement pour l’exportation ne peut se faire dans des souffleries étrangères. L’indépendance française quant à l’orientation de ses marchés d’exportation pourrait être remise en cause si cette capacité devait disparaître.

Les souffleries de l’ONERA sont évidemment un gage de souveraineté pour l’aéronautique militaire et pour la production d’armement. À titre d’exemple, le Rafale a connu pas moins de 160 campagnes d’essais, de une à quatre semaines, dans les souffleries de l’ONERA

Huit des douze souffleries sont considérées comme stratégiques. Mais au-delà de la défense, la souveraineté est également d’ordre économique et industriel, certaines entreprises ne pouvant envisager de confier à un prestataire étranger les campagnes d’essai d’un matériel en développement dans le cadre du marché concurrentiel mondial de l’aéronautique.

Enfin, bien entendu, tous les éléments de la dissuasion nucléaire ont été testés dans les souffleries de l’ONERA.

Les aéronefs de demain qui feront suite aux déclinaisons incrémentales des avions d’aujourd’hui représenteront une rupture technologique. La place des essais en souffleries sera alors prépondérante et permettra notamment aux constructeurs d’évaluer les chances de réussite et de rentabilité de tout programme de recherche avant son lancement.

Au début des années 1980, les États-Unis se sont fourvoyés en considérant que les essais aéronautiques seraient remplacés par des calculs sur ordinateur. Ils sont revenus en arrière suite aux conclusions d’un groupement d’acteurs de l’industrie aéronautique américaine et ont lancé le plan Aero Testing Program, doté d’une subvention de 600 millions de dollars sur dix ans. Mais relancer des dispositifs pour lesquels les savoir-faire ont parfois été perdus n’est pas chose aisée.

La Chine connaît une phase intense d’équipement en souffleries et, si elle ne représente pas aujourd’hui une concurrente en la matière, le niveau des investissements chinois consacrés à la recherche aéronautique et à la formation des ingénieurs pourrait faire évoluer rapidement cette situation.

Le futur drone de combat franco-britannique

Les compétences clés développées dans les souffleries de l’ONERA pourront être exploitées dans le cadre du programme conjoint de drone de combat FCAS DP (Future Combat Air System Demonstration Program).

En effet, les souffleries françaises, et l’excellence du savoir-faire qui leur est associé, devraient s’imposer en matière d’aérodynamique, qu’il s’agisse de la conception et de la détermination des caractéristiques des dispositifs d’entrées d’air, de la détermination et la caractérisation des capacités d’emport des armements, de celle des phases de largage des armements, de la caractérisation et de la validation des emports en soute, et de la caractérisation des phases de vol extrême (haute incidence, basse et très haute vitesse).

La rapporteure se félicite qu’il en soit ainsi.

La Direction générale de l’aviation civile a indiqué à la rapporteure que l’Europe présentait une surcapacité de souffleries industrielles. En dehors de la France, les parcs allemand et néerlandais sont parmi les plus importants.

Il pourrait donc sembler raisonnable de rationaliser ce parc à l’échelon européen. Une réflexion en ce sens semble avoir été initiée il y a cinq ans déjà. Il y a toutefois peu de chances qu’elle aboutisse, au moins prochainement. Si la compétence était le seul critère retenu, les souffleries françaises seraient à l’abri…

Les souffleries sont un investissement d’un montant peu élevé et surtout durable car les mises à niveau concernent essentiellement l’informatique. Certains éléments, les ventilateurs par exemple, sont toutefois vieillissants et nécessitent une rénovation.

Le soutien de la DGAC pour la rénovation des ventilateurs

L’opération « ventilateurs-pales hybrides » a démarré en 2004 pour remédier à la dégradation des pales et des moyeux des ventilateurs faisant suite à l’exploitation de la soufflerie dans des conditions plus sévères que celles prévues à l’origine. Des études menées en 2012 ont montré qu’une conception entièrement nouvelle de pales hybrides acier composite était une solution envisageable. À l’issue de la validation expérimentale réalisée en phase 1, la phase 2 est lancée mi-2015 pour la fabrication de 24 pales de série. Cette opération est financée par un contrat d’avance remboursable de trois millions d’euros de la DGAC.

Source : ONERA.

La valeur à reconstruction du parc de souffleries de l’ONERA est estimée à un milliard et demi d’euros courants.

Le cas particulier de la soufflerie S1 de Modane sera évoqué plus loin.

La synergie des missions, des hommes et des moyens a permis l’aboutissement de grands projets au service desquels l’ONERA a mis ses compétences et qui représentent, chacun dans leur domaine, un succès et marquent une avancée technologique.

C’est à dessein que votre rapporteure a choisi d’évoquer, dans une liste loin d’être exhaustive, certaines des réalisations de l’ONERA avant d’aborder les difficultés que l’office peut rencontrer. Il convient en effet de ne pas perdre de vue qu’il s’agit là d’un outil de premier plan, indispensable à l’ensemble de la filière aéronautique, comme en témoigne l’énumération suivante.

– Les missiles de la force océanique stratégique (FOST) : l’ONERA apporte son concours à la DGA pour les études amont et les programmes de missiles mer-sol balistiques. Ses actions ont notamment porté sur : la modélisation de l’éjection du sous-marin, la trajectoire sous-marine, la phase propulsée et la pénétration des défenses adverses. Plusieurs des solutions proposées par l’ONERA ont été intégrées dans les logiciels de bord après leur transfert à l’industrie pour évaluation et assimilation ;

– Les statoréacteurs : il s’agit là d’un domaine d’excellence de l’ONERA, qui en a été un pionnier. Après avoir, avec Aérospatiale puis MBDA, pris part à la conception des missiles ASMP et ASMPA qui équipent les Forces aériennes stratégiques (FAS), l’ONERA demeure le partenaire de la défense pour la rénovation à mi-vie du système ASMPA. L’office travaille également au développement de futurs missiles hypervéloces évoluant à des vitesses supérieures à Mach 6 ou bien à la furtivité accrue. Pour l’ensemble de ces activités de développement passées et présentes, l’ONERA et MBDA sont co-titulaires des contrats notifiés par la DGA ;

– Les radars transhorizon à onde de ciel (NOSTRADAMUS) ou de sol (ROS) : ils constituent des moyens uniques qui ont d’ores et déjà démontré leurs capacités pré-opérationnelles. Le radar NOSTRADAMUS est un radar qui « voit » au-delà de l’horizon et autorise la détection sur 360° et à plusieurs milliers de kilomètres de cibles aériennes et de cibles furtives situées entre 700 et 2 000 km de distance. Il représente le moyen de surveillance pour lequel le rapport coût / performance est le plus intéressant et pourrait être utilisé pour mener des études ionosphériques, dresser l’état de la mer ou des courants marins, repérer et suivre des bateaux en perdition ou encore détecter des météorites.

Le radar à onde de surface (ROS) permet quant à lui une surveillance côtière à longue distance et une détection des cibles au-delà de l’horizon. Cette technologie a été transférée à Thales en 2011, lui permettant ainsi d’étoffer son offre de produits de surveillance côtière ;

– Le radar de surveillance de l’espace GRAVES (Grand Réseau Appliqué à la Veille Spatiale) est l’unique système opérationnel de veille et de surveillance de l’espace en Europe, et le seul de cette ampleur en dehors des États-Unis et de la Russie. Il est utilisé depuis 2005 par l’armée de l’air qui exploite ses données au Centre national des opérations aériennes (CNOA), situé sur la base aérienne de Lyon-Mont Verdun. Sollicité pour mettre au point un démonstrateur d’observation, auquel aucun industriel n’a souhaité donner une déclinaison fonctionnelle, le système a été conçu et développé par l’ONERA jusqu’au niveau opérationnel, alors que cette étape finale n’entre théoriquement pas dans ses missions.

Ce radar permet de suivre en temps réel les satellites évoluant jusqu’à une altitude de 1 000 km. La France dispose ainsi en toute autonomie d’une base de données des éléments orbitaux des satellites. Depuis sa mise en service en 2005, il a répertorié et suivi plus de 2 200 objets. Les commandes attendues d’ici à la fin de l’année 2015 devraient inclure le développement des performances du système GRAVES.

Au-delà du succès technologique, cette réalisation illustre l’importance de pouvoir disposer d’une structure susceptible de répondre à un besoin de souveraineté, hors même du cadre industriel. Elle souligne également les conséquences diplomatiques d’une avancée technique, qui a permis de rééquilibrer la publicité et les échanges de données non classifiées et classifiées avec les États-Unis, ces échanges venant de faire l’objet d’un accord entre les ministres de la Défense des deux pays.

– L’imagerie aéroportée optique et radar : elle constitue un pôle d’excellence de l’ONERA mis en œuvre au profit des capacités de la défense avec des moyens tels que RAMSES-NG, SETHI et SYSIPHE, imagerie hyperspectrale (infrastructure LIMA). L’ONERA est également associé à Thales pour la conception d’outils spécifiques aux images radar.

– Le Rafale : dans le cadre de ce programme de Dassault Aviation, l’ONERA a joué un rôle majeur dans la mise au point des entrées d’air et de la réduction des signatures radar et infrarouge de l’avion. L’ONERA a également contribué au développement de plusieurs armes opérationnelles équipant l’aéronef :

• le missile de croisière SCALP, dans lequel l’ONERA est notamment intervenu sur le guidage terminal du missile ;

• l’armement air - sol modulaire (AASM), très utilisé en opération depuis 2010, pour lequel l’ONERA a été impliqué dans les travaux d’analyse fonctionnelle et d’analyse de valeur aux côtés de la DGA puis dans de nombreux travaux techniques pour la suite du programme ;

• le missile METEOR d’interception air – air, avec des travaux de l’ONERA sur l’aérodynamique et la propulsion.

– Le système de reconnaissance de nouvelle génération « Pod-Reco-NG » qui équipe le Rafale : l’ONERA a travaillé en amont du programme pour lever des points durs scientifiques ou techniques, en participant à l’établissement des spécifications et en analysant les réponses de l’industrie ;

– Le programme ACCS (Air Command and Control System) : depuis 2008, l’ONERA apporte son expertise à la DGA pour assurer le suivi du programme visant à doter l’OTAN d’un système moderne, unique et interopérable de commandement et de conduite des opérations aérospatiales. Cette expertise importante est financée intégralement par des contrats de la DGA, soit quatre contrats successifs de trois ans, avec parfois une interruption entre deux contrats (3). L’ONERA participe activement, aux côtés de l’armée de l’air, à la préparation de la validation du CARS (centre de commandement et centre de détection et de contrôle) de Lyon Mont-Verdun.

– Le démonstrateur nEUROn : l’ONERA est principalement intervenu dans les domaines de la furtivité, de la propulsion et des commandes de vol. C’est avec un moyen technique réalisé par l’ONERA et mis en œuvre par des spécialistes de l’office que la signature électromagnétique de ce démonstrateur de drone de combat a pu être mesurée en vol fin 2014, au plus près des conditions d’utilisation opérationnelle.

– Le programme de SNLE NG « Le Triomphant » : l’ONERA a beaucoup travaillé entre les années 1980 et 1990 à sa discrétion acoustique. D’une manière plus générale l’ONERA a été, depuis les années 1960, au cœur des systèmes d’élaboration des lois de pilotage des sous-marins ainsi que des lois qui assurent la stabilisation du porte-avions Charles de Gaulle. Faute de soutien, cette compétence n’existe plus aujourd’hui au sein de l’ONERA.

– Les programmes d’aéronefs civils : l’apport de l’ONERA se retrouve dans tous les avions ayant vu le jour depuis les années 50. Depuis le Concorde, en passant par les avions Airbus de grande capacité et les avions d’affaire de Dassault Aviation, tous ont été optimisés grâce aux souffleries et codes de calcul de l’ONERA. Le développement des « winglets » de bout d’aile pour la réduction de la traînée doit, par exemple, beaucoup aux travaux de l’ONERA ; il en va de même pour les turbines et les tuyères des moteurs.

– Les hélicoptères : l’expertise de l’ONERA a contribué à l’amélioration des profils de pales et à la diminution du bruit, des vibrations et de la consommation d’énergie.

Cette liste déjà fort impressionnante n’est pourtant pas exhaustive, puisqu’il convient de citer encore les lanceurs européens, d’Ariane I à Ariane V, les Mirage, les nouveaux alliages très hautes températures pour aubes et disques de turbines, le système d’optique adaptative pour corriger les effets de la turbulence atmosphérique du Very Large Telescope installé au Chili, les accéléromètres ultra-sensibles embarqués dans l’espace pour la mesure du champ de gravité terrestre ou les instruments de mesure infrarouge à haute résolution.

Parmi les recherches en cours figure celle de l’avion civil de demain.

Next Onera Versatile Aircraft : NOVA un projet d’avion de ligne du futur

Qu’il s’agisse d’avion personnel ou de long courrier, tous les avions ont aujourd’hui peu ou prou la même architecture, quels que soient leur mission et leur constructeur. Partant de ce constat, les chercheurs préparent les prochaines ruptures technologiques et le développement des aéronefs du futur dans des configurations adaptées à leur usage.

L’ONERA s’inscrit pleinement dans cette dynamique et nourrit sa vision de l’avenir de l’aéronautique. Ainsi, l’Office travaille de façon avancée sur l’avion moyen courrier, le projet NOVA, présenté à la rapporteure. Cet avion qui pourrait voir le jour en 2025, transporterait 180 passagers, sur une distance de 5 600 km à une vitesse de 900 km/h. Son nouveau fuselage portant en « gueule de requin » serait plus court et plus large, la cabine comporterait deux couloirs pour une plus grande fluidité lors de l’embarquement et du débarquement des passagers, afin d’augmenter le nombre de rotations. Parmi les voies explorées figurent pêle-mêle les bouts d’ailes (winglets) orientés vers le bas, l’utilisation de matériaux composites, les ailes allongées à pointe repliable, les moteurs arrière semi-encastrés dans le fuselage, etc.

Mais surtout, NOVA est le témoin des travaux de l’ONERA pour la préparation de l’avenir, comme le démontrent ses grandes avancées en matière d’aéronautique verte, avec notamment une consommation de carburant réduite de 5%. Ce projet, présenté lors de l’édition 2015 du Salon du Bourget a bénéficié de réactions très positives de la part des professionnels du secteur aéronautique.

Mais NOVA n’est pas le seul projet d’avion futur de l’ONERA qui étudie également l’avion ALBATROS à ailes haubanées, l’aile volante AVECA 2, et l’avion AMPERE à propulsion électrique distribuée.

En dépit de ces développements et de la qualité indubitable des prestations proposées et effectuées, l’ONERA connaît depuis plusieurs années une situation difficile qui trouve sa source dans différents facteurs.

Au cours de la décennie écoulée les organes de direction de l’ONERA ont connu des dysfonctionnements soulignés dans le rapport de la Cour des comptes, qu’il s’agisse des conseils d’administration, des organes de gouvernance scientifiques ou encore d’une concentration des pouvoirs ou d’un manque global de transparence.

De plus, l’absence de document formalisant une vision stratégique pluriannuelle a pu conduire ipso facto à un certain repliement des différents départements sur leur activité entraînant, comme l’ont indiqué plusieurs interlocuteurs de la rapporteure, un isolement de fait de l’ONERA et une relative perte de contact avec la filière. La conséquence en a été un début de marginalisation laissant dans les enceintes européennes, par exemple, une place vacante que le Deutsches Zentrum für Luft-und Raumfahrt e.V. (DLR) (4) s’est empressé d’occuper alors même que l’ONERA est, aujourd’hui comme par le passé, toujours en position de rivaliser avec lui et de le devancer dans certains domaines, ce que l’industrie considère comme une saine émulation.

Certains virages semblent ne pas avoir été pris alors même que les compétences de l’ONERA le désignaient comme leader naturel de la recherche aéronautique non seulement française mais européenne. La rapporteure a toutefois pleine confiance dans les inflexions que saura donner la nouvelle direction de l’office, qu’elle estime impérieux de soutenir.

Les mesures nécessaires passent impérativement par le respect des modalités de fonctionnement des organes de gouvernance, préalablement à une révision globale de leur pertinence et de leur indispensable adaptation.

Par ailleurs, des efforts de rationalisation de diverses fonctions internes doivent être entrepris et une réflexion sur une nouvelle organisation doit être menée ainsi que le recommande le rapport de la Cour des comptes (5) auquel la rapporteure conseille de se référer.

Les ressources de l’ONERA se composent principalement d’une subvention pour charges de service public (SCPS) versée par le ministère de la Défense et par des recettes issues de son activité contractuelle, la subvention représentant un peu moins de la moitié du budget. Or, depuis plusieurs exercices et dans le contexte évoqué de défaut de gouvernance interne, l’Office fait face à une baisse de la subvention du ministère de la Défense, à la suppression de la subvention traditionnellement versée par le ministère en charge des transports et à une baisse des commandes publiques et privées, alors que ses missions sont inchangées et que son patrimoine s’érode.

L’ONERA reçoit une subvention du seul programme 144. La rapporteure s’étonne d’ailleurs à ce propos que l’ONERA ne perçoive rien du programme 191 « Recherche duale » de la mission Recherche et enseignement supérieur, alors que le CNES et le CEA bénéficient de subventions issues de ce programme.

Il est cependant important de souligner que la DGA, en tant qu’organisme de tutelle, ne restreint pas l’ONERA dans l’utilisation de sa SCSP, qui peut concerner un usage civil, militaire ou, très souvent, dual. L’usage de la SCSP, par domaine d’activité, se répartit comme suit.

ACTIVITÉ SUR SUBVENTION PAR DONNEUR D’ORDRE

 

2014

Prévision 2015

Défense

33%

32%

Aviation civile

3 %

3 %

ANR

7 %

7 %

Autres institutionnels civils

10 %

13 %

Union Européenne

11 %

11 %

Industries aérospatiales

32 %

26 %

Autres industries et divers

4 %

8 %

Source : DGA

Le montant brut de la subvention est le suivant de 2007 à 2015 :

(en millions d’euros)

Année

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

SCSP

123,29

120,06

120,07

123,91

76,05

109,74

108,98

96,43

105,00

Source : rapports annuels de performances de la mission Défense ; pour 2015 : LFI + mesure complémentaire de 7M€.

Les importants décrochages intervenus en 2011 et 2014 sont expliqués ainsi par le ministère de la Défense : « la baisse survenue en 2011 est consécutive à la neutralisation des effets du gain fiscal dégagé par l’ONERA sur la période 2008-2011 à la suite du changement de régime fiscal qui a conduit au non assujettissement de dépenses de fonctionnement de sa subvention à la TVA ». La même source indique que « la diminution de la subvention pour charges de service public en 2014 est liée d’une part, aux objectifs d’économies demandées aux opérateurs par le Gouvernement (2 M€) et d’autre part, à un abattement non pérenne de 10 M€ correspondant aux crédits qui avaient été gelés dans le fonds de roulement de l’établissement, fin 2010, pour le financement d’une opération immobilière, devenue sans objet. »

Dans le cadre d’un budget global de 229 millions d’euros, la subvention 2015 fut de 105 millions d’euros, soit une subvention de 98 millions d’euros complétée de sept millions d’euros de mobilisation de reports de crédit. À la suite d’une réunion interministérielle qui s’est tenue en mars 2015, l’ONERA a bénéficié d’une « subvention exceptionnelle du ministère de la Défense » de neuf millions d’euros, pour laquelle, au demeurant, le secrétaire d’État aux Anciens combattants et à la mémoire, M. Todeschini, avait annoncé un montant de 16 millions d’euros en réponse à une question orale du sénateur Jeanny Lorgeoux le 30 avril 2015(6). Il est à noter que, si le ministère en charge des transports a respecté ses engagements, ce ne fut pas le cas du ministère en charge de la recherche, dont la contribution avait été fixée à un million d’euros.

L’analyse de l’évolution de la subvention versée par le ministère de la Défense est toutefois complexe en raison de l’impact des mesures fiscales précitées intervenues entre 2008 et 2014. La rapporteure s’en remet donc au calcul effectué par la Cour des comptes qui estime que la SCSP retraitée en fonction de ces éléments a décru de 5 % au cours de la période considérée.

Ainsi que le montre le tableau ci-dessous, la subvention du ministère de la Défense occupe une part de moins en moins importante dans le budget global de l’ONERA.

PART DE LA SCSP VERSÉE AU TITRE DU PROGRAMME 144
DANS LE BUDGET DE L’ONERA

(en %)

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Budget 2015

50

52,1

51,6

48,2

47,3

46,6

44

46,8

46,8

46,6

45,9 (7)

Source : ONERA.

Cette évolution est analysée de façon diamétralement opposée selon qu’il s’agit de la DGA ou de l’ONERA. La DGA considère que, compte tenu des efforts budgétaires demandés à l’ensemble des entités de la défense, le niveau de la subvention a été maintenu à un niveau constant. En toute logique, l’appréciation de l’ONERA, qui note une baisse continue, diffère sur ce point.

En tout état de cause l’exercice budgétaire 2015 devrait afficher un déficit estimé à 3,7 millions d’euros, éventuellement minoré par l’activité contractuelle du dernier trimestre. L’année 2014 avait quant à elle affiché un déficit de 16 millions d’euros.

La subvention proposée pour 2016 est d’un montant de 105 millions d’euros, dont une mise en réserve de précaution de trois millions d’euros. L’Office estime qu’un budget 2016 bâti sur la base d’une subvention de ce montant ne lui permettra pas de faire face à ses obligations, dont la principale est le paiement des salaires, et pourrait nécessiter l’élaboration d’un plan social.

Une subvention majorée de 15 millions d’euros serait nécessaire pour lui permettre de présenter un budget 2016 à l’équilibre.

L’Office risque donc, comme lors de l’exercice précédent, de devoir s’en remettre à des subventions exceptionnelles en cours d’année et se trouve face à l’incertitude.

De plus, seul un financement exceptionnel permettra à l’ONERA de rationaliser ses implantations en Île-de-France, car la vente des emprises vétustes ne suffit pas à couvrir les frais de regroupement du personnel et de certaines installations. L’ONERA ne dispose pas des ressources propres suffisantes pour financer le coût résiduel de cette opération, estimé à environ 70 millions d’euros. Il en va de même pour les travaux nécessaires à la consolidation du sous-sol de la soufflerie S1MA de Modane, estimés à 20 millions d’euros, et à la rénovation des souffleries stratégiques, estimée à 218 millions d’euros.

La DGA fait remarquer à ce propos, à juste titre, que toute majoration de la subvention versée à l’ONERA vient minorer d’autant les sommes consacrées aux études amont. La rapporteure estime qu’il s’agit là d’une vision à courte vue car les études amont ne peuvent être conduites que si les conditions matérielles et humaines sont réunies.

La rapporteure rappelle qu’il est primordial de donner à l’ONERA les moyens de remplir sa mission sans éroder un capital humain qui est sa richesse et sa plus-value ; tout retard pris dans la préparation de l’avenir est, on le sait, exponentiel et quasiment impossible à rattraper. C’est ce qui s’est passé pour les drones, un domaine dans lequel l’Europe tente péniblement de reprendre pied, très loin derrière les États-Unis et Israël. La seule solution est alors d’abandonner des pans entiers d’activité, avec les conséquences que l’on sait. Est-ce ce que souhaite la France ?

Un grand organisme public de recherche aéronautique est vital pour le secteur tout entier. Ce serait une faute politique que de ne pas le soutenir. Seuls des fonds publics peuvent financer des études à risque sur le long, voire le très long terme. L’ONERA étant en quelque sorte l’assurance-vie de l’aéronautique, il convient de veiller à ne pas déchirer le contrat.

Le ministère en charge des transports, dont dépend la DGAC, versait traditionnellement à l’ONERA une subvention d’équipement variant selon les années de 2,5 à 3,8 millions d’euros. Ce versement s’est brusquement arrêté en 2011, sans concertation avec l’ONERA.

Parallèlement l’activité contractuelle a drastiquement chuté (voir infra).

L’activité contractuelle 2010 - 2015 de l’ONERA figure dans le tableau ci-dessous représentant le montant des prises de commandes intégrant les départements scientifiques et les grands moyens techniques, dont les souffleries.

Les chiffres indiquent une baisse constante (– 25 % entre 2010 et 2014) de cette activité depuis 2010, avec une légère reprise en 2014, sauf pour les commandes émanant d’institutions civiles qui se redressent en 2015. Bien que les prises de commandes s’intensifient généralement en fin d’année, selon un rythme au demeurant fort regrettable, 2015 ne semble guère devoir être meilleure que 2014, malgré les bons résultats obtenus ces derniers mois au niveau européen (Cleansky, H2020) ou au niveau national (PIA2, DGAC, CNES, etc.) conjugués à une remontée de l’activité des souffleries.

PRISES DE COMMANDES PAR L’ONERA

(en euros HT)

 

2010

2011

2012

2013

2014

2015 (août)

Industriel (secteur privé)

32 843 413

44 239 617

31 017 748

28 373 075

40 756 459

12 641 796

Institutionnel civil

54 159 886

36 317 295

40 165 482

30 004 073

24 819 772

21 010 263

Sous-total (industriel. & institutionnel. civil)

87 003 299

80 556 911

71 183 229

58 377 148

65 576 230

33 652 059

Institutionnel défense

38 092 101

39 247 175

43 343 438

25 399 084

28 746 964

8 908 090

Total commandes

125 095 400

119 804 086

114 526 667

83 776 232

94 323 195

42 560 149

Source : ONERA.

À titre d’exemple, l’activité 2014 et 2015, qui connaît une remontée des commandes enregistrées, se répartit ainsi.

COMMANDES 2014 - 2015

(en %)

 

2014

2015

Avions

31,3

30,6

Hélicoptères

2,2

3,4

Turbomachines

6,8

6,8

Drones

0,7

2,8

Espace

13,6

12,1

Finalités Multiples

7,8

8,0

Missiles

13,6

12,1

Systèmes de défense, sécurité globale

19,2

16,7

Senseurs et équipement

1,3

2,0

Autres et civil hors aéronautique

3,6

5,6

Source : ONERA

L’ONERA a enregistré une diminution régulière des conventions de recherche avec la DGAC, lesquelles ont atteint un plancher historique en 2014 avec un montant de 276 000 euros, alors qu’il atteignait plus de 16 millions d’euros en 2010.

Les raisons invoquées sont de plusieurs ordres. La principale est la diminution de la dotation de la DGAC, passée dans l’intervalle de 120 à 60 millions d’euros. Par ailleurs la nature de l’offre de l’ONERA, qui aurait été jugée moins adaptée, ainsi que le repli de l’office évoqué plus haut ont également joué.

Mais en 2015, ce que l’on doit en partie aux bonnes relations qui ont repris entre les deux partenaires et à la participation plus active de l’ONERA au Conseil pour la recherche de l’aéronautique civile (CORAC), la DGAC a passé 12 millions d’euros de contrats avec l’ONERA. Ces contrats concernent des recherches fondamentales sur les sillages d’avion et leur influence sur le climat, les effets de la foudre et du givrage et la résistance au crash. Ces études sont contractualisées sur une base pluriannuelle de trois à cinq ans.

Le retour d’un office proactif dans les différents cénacles aéronautiques devrait encore accentuer cette tendance.

La rapporteure déplore, comme le souligne l’ONERA, que les commandes passées par la DGA arrivent souvent massivement en fin d’année, ne permettant donc pas une vision claire de l’activité ; toutefois le très faible niveau de commandes passées par la DGA à fin août 2015, autour de neuf millions d’euros, alors que l’état de prévisions et de dépenses voté en conseil d’administration le 10 juin 2015 en prévoit 33, fragilise la construction budgétaire.

La situation était identique en 2013 et 2014, exercices qui enregistrèrent respectivement des commandes notifiées pour 23 et 28 millions d’euros alors que les projections approuvées par la DGA étaient, selon les informations données à la rapporteure par l’ONERA, de 40 millions d’euros pour chacune de ces deux années.

Jusqu’à la fin des années 1990, l’ONERA a activement contribué au succès des différentes générations de lanceurs de la famille Ariane. La fin du développement d’Ariane 5 a entraîné un relâchement des liens depuis le début des années 2000. Celui-ci s’est traduit par une forte réduction des commandes notifiées par le CNES à l’ONERA, lesquelles ont atteint le seuil historiquement bas de 4,95 millions d’euros en 2013.

Depuis l’entrée en fonction des deux nouveaux présidents de ces organismes, des contacts ont repris et se sont rapidement traduits par la signature de nouveaux accords de partenariat renouvelé et renforcé ainsi qu’une nette remontée de contrats notifiés par le CNES à l’ONERA : 5,56 millions d’euros en 2014 et entre sept et huit attendus en 2015. Les travaux portent notamment sur les lanceurs réutilisables et les systèmes orbitaux.

Les baisses concomitantes de la subvention et des commandes peuvent avoir d’autres conséquences dommageables. L’ONERA a récemment remporté des contrats au profit de l’Agence nationale de la recherche (ANR), au titre du PIA ou encore à celui des programmes européens H2020 (8) ou CleanSky (9), soit pour ce dernier un montant de 30 millions d’euros sur une période de huit ans. Les contrats de cette nature nécessitent un apport financier de la part de l’ONERA ; si le montant de la subvention ne permet pas cet auto-financement, l’Office doit renoncer à ces contrats, générant ainsi toujours moins de recettes et d’activité, dans une spirale descendante.

Les plans d’investissement d’avenir (PIA1 & PIA2)

L’État a retenu l’ONERA comme opérateur des PIA 1 et 2 pour l’action Aéronautique. Il joue dans ce cadre le rôle de chef de file de la gestion et de l’évaluation ex post des programmes et contribue, avec d’autres partenaires, à la définition de la structure de dossiers et des critères et au suivi des projets. Il perçoit une rémunération pour cela mais déplore toutefois que ce travail s’exerce au détriment de ses activités de recherche.

Dans le cadre du PIA 1, l’ONERA a assuré, à partir de 2010, la gestion d’une enveloppe d’1,5 milliard d’euros consacrés pour 900 millions d’euros aux démonstrateurs technologiques aéronautiques et pour 600 millions d’euros aux aéronefs du futur afin d’accélérer l’intégration et l’innovation dans les futurs programmes aéronautiques européens.

L’ONERA n’a pas été directement bénéficiaire de crédits du PIA1. Il est en revanche partenaire du projet de contrat SEFA (systèmes embarqués et fonctionnalités avancées), lancé mi-2015, et touchera à ce titre pour la première fois directement des fonds issus du PIA2.

L’ONERA a également été nommé partenaire du PIA Santé dans le cadre du développement de technologies d’optique adaptative.

Après une baisse notable en 2013, due pour partie à l’absence de grand programme aéronautique, les commandes en provenance du secteur privé ont fortement progressé pour atteindre 40 millions d’euros en 2014. Le doublement des contrats avec les départements scientifiques, soit 23 millions d’euros en 2014, a partiellement compensé la diminution des commandes de grands moyens techniques depuis 2011.

L’ONERA s’est également positionné sur des marchés nouveaux en mettant son expertise à la disposition d’entreprises telles que la SNCF et Total. Il s’agit pour Total du développement de capteurs ultra-sensibles pour le repérage de gisements ou la détection de débuts de pollution et, pour la SNCF, de drones de surveillance des infrastructures.

La nécessité d’une nouvelle architecture budgétaire a été souvent évoquée lors des entretiens menés par la rapporteure et il semble qu’une réflexion est en cours avec la tutelle sur l’évolution du modèle économique de l’ONERA. Le futur contrat d’objectifs et de performance de l’Office pour la période 2016-2020, dont une première version sera disponible fin 2015, devrait traduire les conclusions de ces réflexions. Le niveau de la subvention pour charges de service public de l’Office ainsi que celui du plafond d’emplois dans les prochaines années seront arrêtés à l’issue de ces réflexions.

Le Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS) estime pour sa part qu’un bon équilibre voudrait que la subvention pour charges de service public représente 50 % du budget de l’ONERA.

L’ONERA propose quant à lui qu’une part d’études amont supplémentaire soit intégrée à la subvention, ce qui, à montant constant, la ferait augmenter au détriment de l’activité contractuelle tout en permettant une meilleure programmation de l’activité

Enfin, l’ONERA souhaiterait obtenir le soutien de sa tutelle pour que des mécanismes étatiques soient mis en place afin de réserver à la recherche publique, en particulier au sein du PIA, une part des activités de recherche à plus long terme, face à celles de court terme réalisées par, et pour, l’industrie.

En tout état de cause la rapporteure s’étonne de la part de la subvention dans le budget de l’ONERA. Elle note conjointement avec la députée Marie-George Buffet (10), la sénatrice Cécile Cukierman (11)et le député Guy Teissier (12) que l’ONERA présente parmi les EPIC de recherche l’un des plus faibles taux de subvention rapporté à son budget global ou au nombre de chercheurs.

Les EPIC

Les EPIC (établissement public industriel et commercial) ont pour objet la production et la commercialisation de biens ou de services publics. Ils se caractérisent par des modalités de fonctionnement identiques à celles d’une entreprise, privée ou non, et leurs ressources sont essentiellement issues des redevances payées par les usagers au titre des biens et services qu’ils produisent. L’État exerce un contrôle soutenu et permanent de ces établissements par le biais de leur placement sous la tutelle d’organismes publics (ministères) ; ce contrôle s’intéresse aux activités techniques, budgétaires et comptables des établissements.

En 2014, les ressources de l’ONERA étaient composées à plus de 50 % du produit de son activité contractuelle, tandis que la part de financement public par voie de subvention pour charge de service public ne représentait que 46,6 % des ressources de l’office. Si ce cas de figure semble correspondre au schéma classique de financement de tout EPIC, un travail de comparaison permet de constater que certains EPIC bénéficient d’un traitement nettement plus favorable.

PART DES SUBVENTIONS PUBLIQUES DANS LES RESSOURCES DES EPIC
À VOCATION SCIENTIFIQUE

EPIC

Tutelle

Montant de la subvention publique en 2014 (hors PIA)

Part dans le budget global

Evolution 2013-2014

ONERA

Ministère de la Défense

94 millions d’euros

46,6 %

- 13,7 %

CNES

Ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche

1 356 millions d’euros (13)

70,4 %

- 10,4 %

CEA

Ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer ;

Ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche ;

Ministère de la Défense

2 564 millions d’euros (14)

[1 015 millions d’euros pour le secteur civil

1 549 millions d’euros pour le secteur défense]

58 %

[38 % pour le secteur civil

88 % pour le secteur défense]

+ 12,2 %

S’il semble que pourrait être saluée la capacité de l’ONERA à assumer de façon autonome plus de la moitié de son financement, la tutelle de l’office exprime au contraire sa volonté de voir l’EPIC réaliser encore davantage d’efforts pour développer son activité contractuelle, jugée insuffisante. Cependant, il n’apparaît pas qu’une telle réflexion soit menée au sein d’autres EPIC, toutes choses n’étant pas égales par ailleurs, comme en témoignent les chiffres précités. Cette situation engendre naturellement une grande incompréhension au sein de l’ONERA.

Si, au moment de la création de l’ONERA, la tutelle en a été confiée au ministère de la Défense, les textes ne font pas mention dans le cadre de ses missions d’une activité spécifiquement militaire.

Toutefois, le poids des recherches au service de la défense en fait à l’évidence un partenaire de premier plan dont 60 % de l’activité présente un lien avec la défense et environ la moitié de façon exclusive. Ainsi, depuis trente ans, les études effectuées en amont par l’ONERA ont-elles apporté leur contribution à la quasi-totalité des systèmes d’armes ressortant de son périmètre d’activité.

Domaine de souveraineté par excellence, la dissuasion dans ses deux composantes océanique et aéroportée, préoccupation centrale de la DGA, doit beaucoup aux apports de l’ONERA. Comme on l’a vu précédemment, l’Office a également contribué à tous les programmes d’aéronefs et d’armements associés au travers de recherches sur les moteurs, les matériaux chauds, l’aérodynamique des aéronefs via des approches numériques et expérimentales, la furtivité dans les domaines radar et optique, l’emport des armements, les capteurs optiques et radars.

Enfin l’ONERA pourrait se voir confier par la DGA la position de référent de la scène optronique en raison de ses travaux dans le domaine des capteurs optiques et radars avec notamment la défense antimissile et le démonstrateur très longue portée (TLP), la surveillance des activités spatiales avec le système GRAVES, l’imagerie haute résolution radar avec le système RAMSES-NG, l’imagerie hyperspectrale, avec le moyen SISYPHE.

Si les deux parties portent un regard critique sur leur relation, elles conviennent de torts partagés.

Les mécanismes d’élaboration et d’approbation des programmes de l’Office, la composition et le fonctionnement du conseil d’administration (15), les responsabilités des principaux dirigeants de l’ONERA, le rôle et la composition des instances de réflexion et d’orientation scientifiques de l’office, le Haut-conseil scientifique (HCS) et le Comité scientifique et technique (CST), ainsi que les dispositions financières et comptables applicables à l’office sont fixés par le code de la défense. La DGA participe aux réunions de ces organes de gouvernance.

Dans le cadre de la préparation du conseil d’administration se déroulent avec la DGA les journées de présentation des programmes ONERA, soit trois demi-journées consacrées aux volets défense, aéronautique civile et espace, destinées à préparer le conseil de début d’année devant approuver le programme de l’année à venir.

Une réunion regroupant les ministères représentés au conseil d’administration est également organisée une semaine avant la réunion du conseil lui-même, à l’initiative de la tutelle.

En dehors de ces rendez-vous, la relation repose sur des échanges de courriers, de courriels et de réunions de travail entre services concernés.

Reconnaissant avoir eu des torts, l’ONERA estime toutefois que la tutelle aurait pu et dû intervenir face aux problèmes suivants, récents ou plus anciens, mentionnés par l’Office à la rapporteure :

– la vacance de la présidence de l’ONERA d’août 2013 à fin mai 2014 et l’absence de secrétaire général depuis 2003, de Haut conseil scientifique entre mars 2013 et octobre 2014, en dépit de l’alerte lancée par la tutelle en mars 2013 ;

– l’absence, depuis fin 2008, d’un contrat d’objectifs et de performance, fixant les objectifs et les engagements respectifs de l’ONERA et de la tutelle, qui a conduit à une dérive de part et d’autre, dont la principale conséquence est, du point de vue de l’ONERA, la forte réduction unilatérale et simultanée de la subvention et des contrats étatiques ;

– l’absence depuis 2002 d’un plan scientifique stratégique approuvé par la tutelle ;

– l’absence de réponse au courrier du président de l’ONERA, en date du 30 juillet 2012, relatif au regroupement des implantations en Île-de-France, courrier qui faisait suite à une demande conjointe des ministres de la Défense et du Budget. Ce courrier précisait notamment qu’une décision rapide de l’État était nécessaire, faute de quoi les conditions de réalisation du projet pourraient ne plus être réunies ;

– le délai de latence de plus de sept mois entre la fin du précédent mandat de l’actuel président et sa reconduction en juillet 2015, de cinq mois pour la nomination des administrateurs désignés par l’État, le budget 2015 n’ayant été voté qu’en juin de l’année en cours.

Lors de la demande annuelle de subvention, c’est là un grand étonnement de la rapporteure, l’ONERA sollicite une somme sans être préalablement entendu par sa tutelle qui lui fait ensuite connaître le montant de la subvention proposée dans le cadre du projet de loi de finances.

La DGA reconnaît que l’absence de contrat d’objectifs et de performance, si elle est imputable à un manque de volonté de la direction de l’ONERA, l’est également à un manque d’exigence du ministère de la Défense, contribuant ainsi à la fragilisation de l’Office.

Par ailleurs, l’isolement de l’ONERA associé à une certaine opacité n’a pas facilité l’exercice de la tutelle, qui peinait à obtenir les informations et attend aujourd’hui une dynamique menant vers davantage d’interaction.

À la décharge de la DGA, la rapporteure note que les fortes déflations de personnel supportées ces dernières années ne sont peut-être pas étrangères aux lenteurs de la tutelle.

De nombreuses voies d’amélioration existent dont certaines sont déjà suivies :

– un comité financier a été mis en place, dans lequel la tutelle est largement représentée, afin d’améliorer la relation entre l’ONERA et sa tutelle et de permettre une plus grande transparence ;

– la rédaction d’un contrat d’objectifs et de performance (COP) liant l’État et l’ONERA, fixant des objectifs, déterminant des indicateurs de suivi, et les moyens nécessaires pour y parvenir dans une perspective pluriannuelle qui fait gravement défaut aujourd’hui. Le COP, associé au plan stratégique scientifique, constitue un préalable indispensable à la détermination des moyens alloués à l’ONERA pour atteindre les objectifs fixés ;

– depuis deux ans, l’élaboration du programme annuel de « Projet de Recherche » et de « Projet de Recherche Fédérateur » est réalisée en étroite concertation avec la direction de la stratégie et la direction technique de la DGA ;

– demander à la tutelle de répondre plus rapidement concernant certains sujets sensibles tels que les implantations géographiques, l’urgence budgétaire ou la soufflerie S1MA ;

– étudier, comme cela a déjà été évoqué, la possibilité, à montant constant, de faire basculer dans le périmètre de la subvention des petits contrats de recherche portant sur des activités récurrentes exercées par l’ONERA pour le compte de la DGA, afin d’alléger le travail administratif de notification de contrat et d’éviter les ruptures ;

– poursuivre la mise en œuvre des recommandations de la Cour des comptes à la majorité desquelles souscrit le président de l’ONERA ainsi qu’il l’indique dans la réponse de l’ONERA à la cour, en date du 15 juillet 2015 ;

– faire adopter rapidement un plan scientifique stratégique (PSS) dont les bases sont posées et que l’ONERA a déjà proposé à la discussion ;

PLAN STRATÉGIQUE SCIENTIFIQUE

Conception des systèmes aérospatiaux du futur

Défi 1

Concevoir les systèmes aérospatiaux par une ingénierie pluridisciplinaire intégrée

Défi 2

Concevoir des systèmes intelligents performants et sûrs

Défi 3

Concevoir et préparer les essais en grandes souffleries de demain

Conception des véhicules aérospatiaux du futur

Défi 4

Contrôler les écoulements et atteindre la maîtrise de la turbulence

Défi 5

Concevoir la mécanique des fluides numérique de 2030 pour l’aérospatial

Défi 6

Développer des matériaux stratégiques pour l’aérospatial et la défense

Défi 7

Développer des structures aérospatiales plus légères et plus tolérantes à leur environnement

Défi 8

Répondre aux exigences les plus sévères sur les systèmes de propulsion

Observation et décision de demain

Défi 9

Exploiter la diversité de l’observation optronique et optique

Défi 10

Augmenter l’acuité et la richesse de l’observation électromagnétique en conditions opérationnelles

Défi 11

Maîtriser la robustesse de la perception artificielle dans l’analyse des scènes dynamiques

Défi 12

Concevoir de nouveaux capteurs et maîtriser l’environnement spatial

Source : ONERA.

– et enfin, associer l’Office au processus de prise des décisions qui le concernent tout en l’entendant comme force de proposition et non seulement comme requérant.

Si le personnel de l’ONERA, qui constitue sa principale richesse, est stable, les contraintes budgétaires pèsent sur le renouvellement des effectifs en raison du poids de la masse salariale. Ainsi, après une hausse de 3,3 % en 2010, les effectifs subissent une baisse régulière qui s’accentue en 2014 en raison de la réduction des ressources financières de l’ONERA qui conditionnent sa politique de recrutement. Le rebond attendu en 2015 ne se produira toutefois pas à cause de l’adoption tardive du budget prévisionnel, qui a entraîné le gel des embauches au cours du premier semestre.

Composée d’environ 80 % de salariés en contrat à durée indéterminée et d’une majorité de cadres, la population de l’ONERA est relativement âgée(16), 27 % de plus de 55 ans, bien qu’elle compte une proportion non négligeable de stagiaires, 264 en 2014, et de doctorants, 168 en 2014. Compte tenu des compétences recherchées et des contraintes budgétaires, l’ONERA peut rencontrer des difficultés à recruter et à fidéliser, les entreprises privées proposant des salaires plus élevés.

Mais la contrainte budgétaire laisse peu de marges en matière de primes et de gratifications et a des conséquences sur la formation professionnelle continue indispensable à l’évolution des compétences. Au terme d’un fléchissement régulier, l’ONERA a consacré seulement 2,66 % de sa masse salariale à la formation en 2014, alors que le CNES, par exemple, envisage d’y consacrer 5 % en 2015.

Le climat social qui avait pu être tendu, comme l’a relevé la Cour des comptes, s’est apaisé mais le personnel reste inquiet.

La rapporteure insiste sur la nécessité de cultiver le capital humain, terreau des compétences de l’ONERA, par des mesures appropriées passant immanquablement par une augmentation du budget.

Le patrimoine immobilier de l’ONERA est ancien et vieillissant. L’Office envisage un regroupement francilien et l’abandon de certaines emprises vétustes qui nécessiteraient des travaux de rénovation trop importants.

Toutefois la vente de ces emprises serait loin de couvrir les frais de regroupement et l’ONERA ne dispose pas des ressources propres pour financer le coût résiduel, estimé à 70 millions d’euros.

Il en va de même pour la rénovation des souffleries stratégiques, estimé, lui, à 218 millions d’euros. Parmi les problèmes urgents figure celui de la soufflerie S1MA de Modane.

Si le site de Modane abrite six installations stratégiques, l’arrêt de la soufflerie SM1A, qui possède une configuration recherchée et indispensable à la défense, mettrait en péril économique l’ensemble du site.

La soufflerie SM1A est la soufflerie la plus puissante au monde. Capable d’atteindre la vitesse du son, longue de 400 m, d’un diamètre de 24 m, d’un débit d’air maximum de 10 tonnes d’air par seconde et d’une puissance de 100 MW fournie par l’énergie hydraulique, elle est sans équivalent. Sa grande taille la désigne comme outil d’exploration pour les futurs avions civils et les drones de combat.

Si un affaissement des sols a été constaté sur l’ensemble du site, il est particulièrement prononcé sous le périmètre occupé par la soufflerie S1MA. Le processus continu a connu plusieurs enfoncements brutaux en 2009, puis à nouveau durant l’été 2015 en période de canicule. Le point de rupture a été établi à - 75 mm, limite très proche à présent, au-delà de laquelle le bâtiment deviendrait dangereux et techniquement inexploitable avant un effondrement partiel, voire total.

Face au danger, des travaux exploratoires de définition du phénomène géologique et de premier renforcement ont été financés par l’ONERA pour un montant de deux millions d’euros. Il a été établi que le sous-sol était dégradé sur une profondeur d’environ 50 mètres.

Le montant de l’opération complète de renforcement des sols estimé à 20 millions d’euros, que l’Office n’est pas à même d’assumer seul, est somme toute modeste compte tenu de l’enjeu.

À plusieurs reprises l’attention de la tutelle, et plus largement des services officiels et des industriels de la filière aéronautique, a été attirée par l’ONERA sur cette situation, sans grand écho jusqu’à présent. La rapporteure a elle-même interrogé ses différents interlocuteurs et n’a pas senti de mobilisation sur ce sujet dont chacun semble penser in petto qu’il ressort uniquement de l’ONERA et de sa tutelle défense.

L’affaissement du bâtiment impliquerait une remise en état estimée à 300 millions d’euros ; s’il venait à s’effondrer, sa valeur à reconstruction est estimée à 700 millions d’euros. Ces chiffres parlent d’eux-mêmes.

La rapporteure estime qu’il est des plus urgents d’intervenir au risque soit de devoir engager à terme des sommes très importantes, soit de perdre un instrument essentiel à la préparation de l’avenir de la filière aéronautique civile et militaire.

Les interlocuteurs de la rapporteure sont tous convenus, ONERA compris, d’un éloignement de l’Office de l’ensemble de la filière au cours des dix dernières années. Certaines décisions, qui semblent aujourd’hui à rebours de l’évolution du secteur aéronautique, ont été prises. Cela est regrettable mais il s’agit à présent de regarder vers l’avenir.

La rapporteure déplore à ce propos le calendrier des travaux de la Cour des comptes qui publie à l’automne 2015 un rapport portant sur une période d’observation se terminant en 2013. Elle jette ainsi un voile sombre, quoique justifié pour la majorité de ses observations, sur un organisme qui, dès l’intérim de sa présidence puis à l’arrivée de son nouveau président, a su très rapidement corriger la trajectoire et initier les changements indispensables. Il convient d’en savoir gré à l’équipe de direction de l’ONERA qui devra mener une réforme de grande ampleur.

La rapporteure a constaté l’immense déficit national de notoriété de l’ONERA en dehors du cercle aérospatial et ne croit pas exagérer en affirmant que l’office est tout à fait inconnu du grand public qui, en revanche, a déjà entendu parler du CEA, du CNES ou de l’INRA, par exemple. Dans un environnement où la communication joue un rôle essentiel, il est nécessaire, qu’on le déplore ou non, d’être visible afin d’exister. Interlocuteur privilégié de la NASA, l’ONERA semble paradoxalement plus connu à l’étranger que dans son propre pays. Des efforts de communication sont donc indispensables.

L’ONERA dispose pour ses relations internationales d’un service de quatre personnes, secrétariat compris, dont une est en poste à Bruxelles. À titre de comparaison, le DLR allemand, quatre fois plus grand que l’ONERA puisqu’il compte 8 000 personnes pour un budget qui se chiffre en milliards, a ouvert quatre représentations, à Paris, Bruxelles, Washington et Tokyo. Il est donc indispensable d’étoffer ce service qui devrait, selon l’ONERA, compter au moins huit personnes. Ceci correspondrait d’ailleurs à un souhait du GIFAS qui réfléchit, en concertation avec l’ONERA, aux orientations de l’Office.

Ainsi que l’ont indiqué tous les interlocuteurs de la rapporteure, le paysage aéronautique d’aujourd’hui n’est plus celui de l’après-guerre dans lequel l’ONERA était le leader incontesté de la recherche aéronautique, son apport étant jugé « considérable jusqu’à la fin des années 1990 » par la DGAC.

Les choses sont différentes aujourd’hui, l’industrie ayant acquis, notamment grâce aux transferts de savoir-faire opérés par l’ONERA, des compétences qui la rendent plus autonome.

Il ne s’agit par ailleurs plus d’une industrie nationale mais européenne et mondiale dynamique dans un secteur porteur, le trafic aérien mondial croissant toujours de 5 % par an. Les préoccupations ont également évolué vers une meilleure acceptabilité environnementale et, déjà, la consommation de kérozène a été réduite de 80 %, le bruit à la source de 20dB et les émissions d’oxydes d’azote ont été divisées par quatre. Le défi est aujourd’hui pour l’aéronautique française et européenne d’aller d’ici à 2050 vers une nouvelle diminution de 50 % du bruit perçu et des émissions de dioxyde de carbone, et de 80 % des émissions d’oxyde d’azote.

Dans un tel contexte, où la concurrence internationale est particulièrement vive, toute réduction de l’effort dans le domaine de la préparation de l’avenir de la filière aurait des conséquences directes et durables sur l’emploi industriel.

La recherche demeure donc primordiale et l’ONERA doit s’adapter à cet environnement très évolutif : les compétences de l’industrie se sont étendues, les sources de financement se sont multipliées, avec parfois un effet d’émiettement, de nouveaux acteurs sont apparus et des regroupements régionaux se sont formés.

Le contrat d’objectifs et de performance et le plan stratégique scientifique donneront une feuille de route à l’ONERA qui pourra ainsi mettre l’accent sur des domaines particuliers et s’adapter aux besoins de l’industrie. Si l’ONERA doit étudier l’abandon de certains domaines dans lesquels l’industrie a beaucoup progressé et adapter son offre, il doit toutefois conserver les compétences et les disciplines nécessaires pour mener à bien les projets de synthèse qui sont sa spécificité. Il s’agit là d’une réflexion nécessaire mais à mener avec la plus grande prudence et dans une vision de très long terme tout en orientant les recherches par finalités.

La rapporteure rappelle cette nécessité tout en constatant qu’une dynamique a été lancée pour regagner le terrain perdu, avec succès semble-t-il.

Un consensus se dégage une fois encore quant à l’excellence de l’ONERA et à son apport décisif à l’industrie aéronautique, d’une part, et quant au regrettable repli constaté aux cours des dernières années, d’autre part. Le retour actif de l’ONERA au sein du conseil pour la recherche aéoronautique civile (CORAC) est également salué.

L’industrie voit l’ONERA comme un catalyseur permettant d’identifier et de capter dans le monde académique les ruptures technologiques présentant un intérêt potentiel pour des applications au secteur aéronautique et spatial. L’Office doit pour ce faire avoir une bonne connaissance du besoin final. Son rôle de passeur implique une présence dans les deux mondes. Pour Airbus par exemple, la bonne gouvernance est celle qui est capable d’animer les versants académiques et industriels de la coopération. Les chercheurs de l’ONERA devraient pour cela pouvoir être détachés ponctuellement dans d’autres organismes, ce qui n’est jusqu’à aujourd’hui pas dans la « culture maison ».

Dans cet esprit il convient de saluer le projet ONERA Tech, filiale conjointe avec des industriels représentatifs des secteurs du transport, de l’énergie, de la santé ou de l’environnement, dont Airbus, destinée à aider les PME à se saisir de technologies de rupture. Elles pourront ainsi disposer des compétences de l’ONERA ainsi que de l’accès à un fonds d’investissement pour financer les différentes étapes du processus de transfert de technologies jusqu’au déploiement sur le marché.

Les drones au sein de l’ONERA

La recherche en faveur du développement des technologies de drone est un objet d’étude très important au sein de l’ONERA, tant dans le domaine civil que dans le domaine militaire et principalement dans le cadre de coopérations européennes. De manière générale, l’ONERA travaille au développement de la filière drone en France, notamment par sa participation au Conseil pour les drones civils mis en place par la DGAC, par la prise de contacts avec de nouveaux donneurs d’ordres potentiels et par des partenariats avec des PME. L’ONERA a activement participé à la mise au point du démonstrateur nEUROn et du démonstrateur de drone pour lancement aéroporté de microsatellites au profit du CNES. L’Office a également réalisé des travaux reconnus dans les domaines des capteurs et senseurs nécessaires aux drones et de la navigation et du pilotage en milieu contraint. Enfin, l’ONERA s’est positionné en tant qu’expert au cœur des dispositifs de détection des drones potentiellement malveillants par une analyse, pour le compte de l’État, de la menace qu’a constitué le survol de la capitale par des drones non identifiés en mars 2015.

Pour le groupe Airbus les principaux secteurs d’excellence de l’ONERA sont les simulations et les modélisations, les technologies de capteurs et la connaissance des mécanismes de command control and system. Mais l’ONERA doit poursuivre la revitalisation de son offre de recherche.

Dans sa démarche de rapprochement des entreprises, l’ONERA a été désigné par le Premier ministre responsable coordinateur de la filière aéronautique Carnot. Le label « Instituts Carnot » a pour objectif la reconnaissance et la valorisation des laboratoires privilégiant la recherche partenariale et la prise en considération des besoins des entreprises. Labellisés pour cinq ans, les instituts reçoivent de l’agence nationale de la recherche (ANR) une aide financière proportionnelle aux contrats de partenariat. Le label est doté d’un montant de 57 millions d’euros par an répartis entre les 34 instituts Carnot selon leurs performances. L’ONERA aura ainsi reçu 60 millions d’euros de 2007 à 2015.

Le label Carnot

La création de ce label est le fruit d’une certaine frustration face à l’efficacité allemande, caractérisée depuis soixante ans par l’existence des instituts Fraunhofer spécialisés dans la recherche contractuelle avec les industriels. La recherche aérospatiale allemande est structurée différemment de la recherche française avec, d’une part, la recherche fondamentale dévolue au DLR et, d’autre part, la recherche contractuelle pour les entreprises aux instituts Fraunhofer. La France s’est inspirée de ce système pour créer le label Carnot.

Dans le cadre de sa démarche de repositionnement en tant que « fédérateur de l’écosystème » de la recherche publique orientée vers les besoins de l’industrie aéronautique, spatiale et de défense, l’ONERA a pris, en 2015, la tête d’un consortium de dix instituts Carnot autour des besoins des PME et ETI de la filière en y associant tous ses acteurs. Des discussions devraient avoir lieu en fin d’année quant à la concrétisation de cette initiative.

Le monde de la recherche et le monde académique ont également évolué avec l’apparition de nouveaux acteurs dans une relation parfois clairement concurrentielle. Il est donc devenu nécessaire de mettre en cohérence les missions des différents acteurs.

La création, dans le cadre du PIA, de l’Institut de recherche technologique (IRT) Saint-Exupéry à Toulouse en 2013, qui répondait à une logique régionale de développement de pôle aéronautique, a, par exemple, été vécue par l’ONERA comme une duplication de savoir-faire. L’IRT, fondation de coopération scientifique cofinancée par l’État, l’industrie et les collectivités, ayant trouvé sa place dans l’intervalle en se spécialisant notamment dans les nouveaux matériaux, l’ONERA a signé un accord de coopération avec cet institut. La rapporteure a noté combien un rapprochement de l’ONERA avec cet IRT paraissait essentiel à l’ensemble de ses interlocuteurs, pour certains très insistants.

L’ONERA, comme le souligne le GIFAS, n’accueille pas suffisamment de doctorants. Le président de l’ONERA partage cet avis et déclare souhaiter faire croître leur nombre de 250 à 400.

Dans le sens d’un rapprochement du monde académique, les souffleries de recherche de l’office installées à Meudon, pourraient être transférées sur le site du campus de Palaiseau-Saclay de l’École Polytechnique et de l’ENSTA. L’ONERA fait partie de la communauté universités et d’établissements (COMUE) de Paris-Saclay.

Par ailleurs, la DGA encourage vivement le rapprochement de l’ONERA et de l’Institut supérieur de l’aéronautique et de l’espace (ISAE), école sous tutelle de la défense.

Les instances qui regroupent acteurs publics, institutionnels et privés sont essentielles à la structuration des filières industrielles et il est absolument indispensable que la recherche y soit représentée.

Le CORAC

Le CORAC est le COnseil pour la Recherche Aéronautique Civile. Il a été créé en juillet 2008 à partir d’engagements pris fin 2007 lors du « Grenelle de l’Environnement ». S’inspirant du modèle de l’ACARE(*) européen, il regroupe sous l’impulsion de la DGAC et du GIFAS, l’ensemble des acteurs français du secteur du transport aérien, c’est-à-dire l’industrie aéronautique, les compagnies aériennes, les aéroports, l’ONERA, les institutionnels et ministères concernés. La mise en place du CORAC s’inscrit dans une volonté de mise en cohérence des efforts de recherche et d’innovation dans le domaine aéronautique, notamment pour la préservation de l’environnement et le développement durable. Parmi ses premières réalisations, il a établi la feuille de route technologique pour la recherche aéronautique, base de la mise en œuvre d’une stratégie de recherche ambitieuse et coordonnée autour d’objectifs de maîtrise de l’empreinte environnementale du transport aérien, à l’horizon 2020.

(*) Advisory Council on Aeronautics Research in Europe.

Source : CORAC http://aerorecherchecorac.com/tout-savoir-sur-le-corac/

Après s’être éloigné du CORAC, l’ONERA y reprend sa place et s’est vu confier par le comité « feuilles de route » l’organisation de la réflexion concernant la sélection des activités de recherche dites à bas niveau de maturité (à bas TRL (17)), c’est-à-dire les thématiques amont.

Le Comité de concertation État-industrie sur l’espace (CoSpace), créé en 2013 sur le modèle du CORAC, est chargé d’élaborer des feuilles de route technologiques permettant la convergence des efforts de l’ensemble des acteurs nationaux publics et privés de la politique spatiale. L’ONERA en fait naturellement partie.

Le diagramme ci-dessous propose une représentation non exhaustive de l’écosystème dans lequel évolue l’ONERA, avec ses différents partenariats nationaux et internationaux. Loin d’être isolé aujourd’hui, l’ONERA doit néanmoins s’employer à intensifier et à formaliser les liens qu’il entretient avec les différents acteurs du secteur.

L’ONERA ET SON RÉSEAU DE PARTENARIATS

Il serait souhaitable que la défense utilise davantage les atouts et les apports potentiels de l’ONERA dans ses relations internationales, notamment les partenariats stratégiques. Le soutien des industriels français à l’export fait partie des missions de l’ONERA. Il les accompagne à ce titre dans leurs obligations de transfert technologique, comme ce fut récemment le cas au Brésil avec Airbus Helicopters. Ce type de partenariat avec Airbus Helicopters et Dassault Aviation mériterait d’être développé.

En conclusion, la rapporteure a noté avec satisfaction les paroles de M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l’armement, à propos de l’ONERA, en réponse à sa question, lors de la réunion de la commission de la Défense et des forces armées le 7 octobre 2015 (18) : « L’ONERA, qui est sous tutelle de la DGA, est confronté à plusieurs types de problèmes : un problème d’infrastructure globale – il occupe un immeuble de grande hauteur à Châtillon qu’il faudra évacuer, le coût de cette opération étant initialement estimé à 70 millions d’euros – ainsi que des problèmes sur les bancs d’essai, comme celui de Modane, affecté par un glissement de terrain et d’affaissement de plusieurs centimètres par an, qui met en cause la viabilité de l’installation – des estimations seront produites sur le coût de sa sécurisation. Nous sommes attentifs à la soufflerie S1, que nous utilisons pour nos programmes d’armement, mais la réparation entraîne une charge importante, qui ne peut être assumée dans le cadre de la subvention à l’ONERA ou des recettes de celui-ci. En ce qui concerne plus globalement les perspectives de l’Office, nous avons demandé des travaux à différentes personnalités de manière à pouvoir disposer rapidement d’un plan stratégique tenant compte des contraintes d’infrastructure et de ce que doit faire l’ONERA en matière de recherche. Cela devrait nous permettre de disposer d’une vue d’ensemble d’ici la fin de l’année. Les travaux menés doivent notamment vérifier que le lien entre cet organisme et le monde industriel se fait bien, sachant que nous souhaitons que le rôle du premier se place très en amont et que les travaux puissent être transférés de façon fluide vers l’industrie lorsqu’ils s’approchent de la réalisation, ce qui n’a pas toujours été le cas. Il faudra également vérifier la capacité d’embauche de l’ONERA, afin de renouveler la pyramide des âges, le personnel étant en moyenne assez âgé. »

Les difficultés sont donc connues et la rapporteure ne doute pas que les actes succèderont aux déclarations, en synergie avec tous les acteurs, dont l’ONERA, afin de pérenniser une institution essentielle à la recherche aérospatiale.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Après l’audition de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense, lors de la commission élargie (voir le compte rendu de la réunion du 21 octobre 2015 à 16 heures 15 (19)), la commission de la Défense examine, pour avis, les crédits de la mission « Défense » pour 2016.

Article 24 : État B – Mission « Défense »

La commission examine l’amendement DN3 de M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Cet amendement propose de diminuer les crédits affectés à la composante aéroportée de la dissuasion nucléaire pour abonder la dotation annuelle consacrée aux opérations extérieures (OPEX). Je rappelle que la composante aéroportée ne représente que 15 % des missions de la dissuasion, qu’elle coûte environ 300 millions d’euros par an, et que cette somme est appelée à augmenter du fait du renouvellement des missiles ASMP-A. En effet, comme vous le savez, nous concevons des missiles dont la durée de vie est de 25 ans mais nous finançons leur remplacement dès leur mise en service.

J’attire également l’attention sur le fait que des voix de plus en plus nombreuses contestent le caractère indispensable de cette composante. Nous en avons eu la démonstration au cours du cycle d’auditions organisé en 2014, y compris de la part d’anciens responsables militaires. Par ailleurs l’actualité est venue nous rappeler que nos soldats déployés en opérations disposent de matériels souvent usés voire dégradés. Cela a été évoqué dans la discussion générale.

Cet amendement propose donc, dans un esprit pragmatique, de supprimer les crédits uniquement affectés à la composante aéroportée de la dissuasion – les crédits transversaux étant maintenus – pour abonder les crédits relatifs aux OPEX.

M. Jean-Jacques Bridey, rapporteur pour avis. En 2014, notre commission a organisé un cycle d’auditions sur la dissuasion nucléaire au cours duquel nous avons entendu l’ensemble des acteurs. Le général Mercier, alors chef d’état-major de l’armée de l’air, avait assuré qu’un tel effet d’éviction d’existait pas. Il soutenait au contraire, et nous le rejoignons sur ce point, que les forces aériennes stratégiques « tirent vers le haut » les forces conventionnelles aussi bien pour le ravitaillement en vol, la planification des missions ou encore l’entraînement. Par ailleurs cette mission ne représente que 7 % de l’ensemble des crédits de la dissuasion. Je pense que cela fragiliserait nos armées de réduire les crédits affectés à la dissuasion et j’émets donc un avis défavorable à l’amendement.

M. François de Rugy. Je me souviens parfaitement de l’audition du général Mercier. Je l’avais interpellé suite à ses propos et je ne me souviens pas qu’il ait avancé d’argument concret à l’appui de ceux-ci. Nous sommes en réalité dans l’ordre de la proclamation, mais cela est courant sur ce sujet.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement DN3. Elle examine ensuite l’amendement DN2 de M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Cet amendement propose de rompre avec le principe souvent évoqué de « sanctuarisation » des dépenses dans le domaine de la dissuasion nucléaire. Il y a souvent débat autour de la crédibilité de cette dissuasion et des crédits qui y sont affectés. Mais la dissuasion doit être fondée sur un éventail de forces, et la crédibilité de la défense française doit aussi être fondée sur la crédibilité des forces conventionnelles.

Or ces forces conventionnelles souffrent d’un effet d’éviction et, parfois, d’un déclassement capacitaire. Elles nécessitent d’être entretenues, modernisées ou remplacées. Je rappelle que nos missiles M 51 transportent chacun une charge nucléaire équivalente à 35 fois la puissance de la bombe larguée sur Hiroshima.

Autant dire qu’avec trois jeux de 16 missiles M 51 et 45 missiles ASMP-A, nous avons atteint le paroxysme de notre force de dissuasion nucléaire. Aussi le présent amendement propose-t-il de diviser par deux les crédits alloués aux études amont qui auraient vocation à permettre une énième modernisation de nos capacités de dissuasion. Ils seraient redéployés afin de satisfaire les besoins plus urgents de nos forces conventionnelles : financement de la politique immobilière afin de réaliser les travaux nécessaires aux troupes déployées notamment dans le cadre de l’opération Sentinelle, et pour accompagner les effectifs supplémentaires déployés dans les unités de la FOT.

Mme Isabelle Bruneau, rapporteure pour avis. Cet amendement propose de diviser par deux le budget des études amont nucléaires. Bien que je pense comme vous qu’il est nécessaire de donner à nos forces conventionnelles les moyens de remplir leurs missions, je ne peux souscrire à la réduction que vous proposez.

En effet, le niveau des crédits accordés aux études amont « nucléaire » dans le cadre du programme 144 suit les recommandations formulées dans le Livre blanc ainsi que les dispositions de la loi de programmation militaire, qui font de la dissuasion nucléaire un élément essentiel de la stratégie de défense nationale.

Or, une dissuasion forte est une dissuasion qui évolue et élève son niveau technologique afin de maintenir sa crédibilité. Il ne peut donc être question de réduire les crédits permettant cette évolution. J’émets donc un avis défavorable.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement DN2. Elle examine ensuite l’amendement DN1 de M. Yves Fromion.

M. Yves Fromion. Je n’en voudrais à personne de voter contre mon amendement ! Il n’avait d’autre intérêt que de permettre d’avoir le débat sur la question du financement de l’opération Sentinelle. Les propositions de réaffectation de crédits ne sont évidemment pas opérantes ; je fais de « l’économie circulaire », ce qui n’apporte rien, mais on a les arguments qu’on peut avec les moyens que l’on a ! (Rires). Je souhaite que l’on évoque ce débat dans l’Hémicycle pour montrer que les parlementaires aident le ministre de la Défense dans sa lutte pour obtenir un financement interministériel des missions intérieures.

Mme la présidente Patricia Adam. Nous allons donc remercier M. Fromion d’avoir déposé cet amendement visant à aider le ministre !

M. Charles de la Verpillière, rapporteur pour avis. Tout le monde a compris qu’il s’agissait d’un amendement d’appel. Plusieurs intervenants ont souligné au cours de cette réunion les incertitudes qui pèsent sur le financement des surcoûts des missions intérieures en 2015 et à l’avenir. Pour ma part, je n’ai pas été rassuré par la réponse du ministre, qui utilise toujours un langage et un vocabulaire extrêmement précis. Or, vous aurez remarqué qu’il a parlé de « discussion interministérielle » et absolument pas de « financement interministériel ». L’amendement de notre collègue est donc particulièrement bienvenu et j’y émets un avis favorable.

Contre l’avis favorable du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement DN1. Elle examine ensuite l’amendement DN7 de Mme Isabelle Bruneau.

Mme Isabelle Bruneau, rapporteure pour avis. La subvention pour charges de service public prévue dans le PLF 2016 pour l’Office national d’études et de recherche aérospatiale (ONERA) est insuffisante. En effet, les 105 millions d’euros proposés ne permettront pas à l’ONERA de présenter un budget équilibré pour l’année à venir.

Cet amendement se propose d’augmenter de 15 millions d’euros la subvention allouée à l’ONERA afin d’assurer l’avenir de cet office, indispensable à la recherche aérospatiale militaire et civile. Il propose ainsi d’augmenter, en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, de 15 millions d’euros la sous-action 07-04 « Gestion des moyens et subventions » de l’action « Prospective de défense » du programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense ».

En conséquence, il propose de retirer en autorisations d’engagement et en crédits de paiement cette somme modeste des actions suivantes dont la conduite ne sera pas remise en question pour autant :

– 10 millions d’euros sur la sous-action 07-36 « Communiquer-CONTACT » de l’action « Commandement et maîtrise de l’information » du programme 146 « Équipement des forces » ;

– cinq millions d’euros sur la sous-action 11-90 « Investissements pour les opérations d’armement » de l’action « Préparation et conduite des opérations d’armement » du même programme.

Mme la présidente Patricia Adam. Je souhaite expliquer pourquoi j’ai cosigné cet amendement. J’ai bien entendu la réponse donnée par le ministre de la Défense précisant qu’il attendait le plan stratégique de l’ONERA pour conclure une convention avec lui, ce qui permettrait d’abonder son budget. Je comprends tout à fait la nécessité d’une telle convention dès lors que le ministère de la Défense assure 50 % du budget de l’ONERA. L’amendement proposé permet justement à la convention de s’appliquer puisque le budget pour 2016 est en déficit. Or si les ressources ne sont pas au rendez-vous il y aura des choix à faire, y compris peut-être au niveau des personnels de l’ONERA – entre autres. Je soutiens donc cet amendement et le voterai.

M. Yves Fromion. Ayant longtemps été rapporteur du programme 144, je ne peux souscrire à cet amendement. Sur le fond, vous avez raison : l’ONERA ne dispose pas de ressources suffisantes. Mais enlever des crédits au programme « Équipement des forces » qui est déjà sous-doté n’est pas envisageable. La démarche au titre d’un amendement d’appel est intéressante, mais nous ne pouvons retirer une somme aussi considérable à nos forces armées qui ont besoin de tous les crédits possibles pour être équipées convenablement. Je saisis l’intérêt de l’amendement mais, aujourd’hui, l’équipement des forces est sacré.

La commission rejette l’amendement DN7.

Conformément aux conclusions de la rapporteure pour avis, la commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits « Environnement et prospective de la politique de défense » de la mission « Défense ».

ANNEXE :

Liste des personnes auditionnées par la rapporteure

(Par ordre chronologique)

—  ONERA – M. Bruno Sainjon, président directeur général, M. Jacques Lafaye, chargé de mission auprès du président, et M. Patrick Wagner, directeur des grands moyens techniques ;

—  DGAMme Caroline Laurent, ingénieure générale de l’armement, directrice de la stratégie, M. Jean-François Ripoche, sous-directeur du service de la recherche et des technologies de défense et de sécurité et M. Yannick Gouarin, expert en technologies critiques de défense ;

—  Airbus Group *– M. Bertrand de Cordoue, directeur défense et sécurité de la direction des affaires publiques d’Airbus Group France, M. Luc Boureau, directeur général délégué de Cassidian et directeur commercial et marketing Airbus Defence & Space, M. Jean Perrot, directeur des relations institutionnelles R&T, et Mme Annick Perrimond-du Breuil, directeur des relations avec le Parlement ;

—  M. Pierre Moschetti, sous-directeur de la construction aéronautique à la direction du transport aérien de la Direction générale de l’aviation civile, ministère de l’Écologie, du développement durable et de l’énergie ;

—  Direction générale des relations internationales et de la stratégie du ministère de la Défense – M. Philippe Errera, directeur général, M. Philippe Perret, chef du service du pilotage des ressources et de l’influence internationale, et M. Mohamed Ayad, chef du bureau programme 144 ;

—  Lieutenant-colonel Stefan Oehler, attaché de défense adjoint de l’ambassade de la République fédérale d’Allemagne ;

—  GIFAS – Mme Anne Bondiou-Clergerie, directrice R&D environnement et espace, M. Stéphane Cueille, président de la commission R&D et directeur de Safran Tech *, et M. Jérôme Jean, directeur des affaires publiques.

Déplacement

– Visite du centre de l’ONERA à Palaiseau.

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

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