N° 3110 annexe 42 - Rapport de M. Claude Goasguen sur le projet de loi de finances pour 2016 (n°3096)



N
° 3110

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 octobre 2015.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2016 (n° 3096),

PAR Mme Valérie RABAULT,

Rapporteure Générale

Députée

——

ANNEXE N° 42

SANT
É

Rapporteur spécial : M. Claude GOASGUEN

Député

_

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 7

CHAPITRE IER : L’AIDE MÉDICALE DE L’ÉTAT EN 2016 : UNE DÉRIVE PROGRAMMÉE 9

I. LA SOUS-BUDGÉTISATION AU SEIN DU PROGRAMME PROTECTION MALADIE : L’INSINCÉRITÉ BUDGÉTAIRE EST DEVENUE LA NORME 9

A. PRÉSENTATION DES CRÉDITS ET DES ACTIONS DU PROGRAMME 183 9

a. Le dispositif d’indemnisation des victimes de l’amiante 9

b. Le fonctionnement de l’aide médicale de l’État 10

i. L’aide médicale de droit commun 10

ii. Les soins urgents 11

iii. L’AME « humanitaire » 11

c. La dotation en faveur de l’AME : 744,5 millions d’euros dans le PLF pour 2016 11

B. UNE SOUS-BUDGÉTISATION SYSTÉMATIQUE DE L’AIDE MÉDICALE DE L’ÉTAT MALGRÉ UN BUDGET QUI NE CESSE D’AUGMENTER 12

1. Une hausse constante des dépenses et une sous-évaluation systématique 12

a. Une hausse constante des dépenses et des bénéficiaires 12

b. L’incapacité du Gouvernement à produire des évaluations justes et cohérentes de l’AME de droit commun 13

c. Les prévisions pour 2016 reposent sur des hypothèses contestables et ne font l’objet d’aucun chiffrage 15

2. Réforme du droit d’asile et « crise des migrants » : quel impact potentiel pour les dépenses d’AME ? 16

a. La réforme du droit d’asile 16

b. L’impact sur l’AME : statut de réfugié et protection sociale 17

c. La « crise des migrants » : quelle prise en charge ? 19

II. UNE MAÎTRISE DES DÉPENSES EN TROMPE-L’ŒIL AU DÉTRIMENT DES HÔPITAUX : UN TRANSFERT DE CHARGES IRRESPONSABLE 20

1. La prépondérance des dépenses hospitalières publiques 20

2. Le report du coût sur les hôpitaux : les baisses successives de tarification des séjours hospitaliers 21

3. Des hôpitaux inégaux devant la problématique de la précarité 21

a. Le système de subvention au titre de mission d’intérêt général dédiée à l’accueil et la prise en charge des patients précaires 21

b. Un système peu efficient et mal réparti 22

c. Objectiver et analyser la précarité de la patientèle à l’hôpital : l’étude inédite du cabinet Veltys pour le compte du centre hospitalier de Saint-Denis (CHSD) 23

III. L’URGENCE DE LA RÉFORME DE L’AIDE MÉDICALE D’ÉTAT 26

A. UNE ÉVALUATION DE L’ENSEMBLE DES DÉPENSES DE SANTÉ EN FAVEUR DES ÉTRANGERS EN SITUATION IRRÉGULIÈRE 26

1. Mayotte : l’AME inapplicable 26

2. Le rôle indispensable des associations : des financements majoritairement issus du programme 204 27

3. Le coût total de la prise en charge des dépenses de santé des étrangers en situation irrégulière dépasse 1 milliard d’euros 27

B. LA RÉFORME DE L’AIDE MÉDICALE D’ÉTAT : UNE SOLIDARITÉ COMPATIBLE AVEC UNE MAÎTRISE DES DÉPENSES 28

CHAPITRE II : UNE BAISSE DES CRÉDITS ET DES EFFECTIFS SUR LE PROGRAMME PRÉVENTION, SÉCURITÉ SANITAIRE ET OFFRE DE SOINS 31

I. LES MOYENS ALLOUÉS À LA PRÉVENTION : MAÎTRISE DES DÉPENSES ET RATIONALISATION DES STRUCTURES 31

A. DES CRÉDITS BUDGÉTAIRES GLOBALEMENT EN BAISSE 31

B. DES MOYENS DE FONCTIONNEMENT SOUS CONTRAINTE POUR LES HUIT OPÉRATEURS DE LA MISSION 33

1. Des crédits budgétaires en recul 33

2. Une masse salariale sous contrainte 34

C. LA CRÉATION DE L’AGENCE NATIONALE DE SANTÉ PUBLIQUE (ANSP) : UN PREMIER PAS VERS UNE MEILLEURE COORDINATION DES POLITIQUES DE SANTÉ 35

1. L’impact sur le budget et les effectifs de l’agence 36

2. La gouvernance de l’agence 37

3. L’agence doit demeurer une première étape vers un projet ambitieux de mise en cohérence globale 39

a. Quelles perspectives pour une mise en cohérence globale ? 39

b. La mise en place d’un système d’information commun à l’ensemble des opérateurs : une avancée majeure saluée par le Rapporteur spécial 40

II. DES CRÉDITS EN DIMINUTION SUR UNE GRANDE MAJORITÉ DES ACTIONS 41

1. Pilotage de la politique de santé publique : le renforcement de la coordination au sein des politiques de santé demeure une priorité (action 11) 41

2. La baisse tendancielle de l’action Accès à la santé et éducation à la santé (action 12) 43

3. Prévention des risques infectieux et des risques liés aux soins (action 13) : une baisse de 2 millions d’euros entre 2014 et 2016 des crédits en faveur de la lutte contre le VIH/Sida 43

4. Prévention des maladies chroniques et qualité de vie des malades (action 14) 46

5. Prévention des risques liés à l’environnement, au travail et à l’alimentation (action 15) : une hausse des crédits en faveur du plan national santé environnement 46

6. Réponse aux alertes et gestion des urgences, des situations exceptionnelles et des crises sanitaires (action 16) : une dotation presque stabilisée après la baisse massive des crédits en 2015 47

7. Qualité, sécurité et gestion des produits de santé et du corps humain (action 17) : l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) dans une période de forte contrainte budgétaire 48

8. Projets régionaux de santé : les crédits du Fonds d’intervention régional en légère hausse (action 18) 50

9. Modernisation de l’offre de soins (action 19) : une dotation de crédits stables par rapport à 2015 51

a. Un périmètre très restreint en 2015 51

b. La dette de l’agence de santé de Wallis et Futuna : un contentieux en cours de résolution 53

EXAMEN EN COMMISSION 55

ANNEXE 1 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL 57

ANNEXE 2 : SYNTHÈSE DES RÉSULTATS DE L’ÉTUDE DU CABINET VELTYS SOLLICITÉ PAR LE CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-DENIS 58

L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 70 % des réponses étaient parvenues au Rapporteur spécial.

INTRODUCTION

Dans le cadre du projet annuel de performances (PAP) pour 2016, la mission Santé se caractérise par un déséquilibre devenu désormais traditionnel entre les deux programmes de la mission. Le programme 204 Prévention, sécurité sanitaire et offre de soin confirme sa baisse tendancielle, générée par des débudgétisations massives vers le budget de la sécurité sociale et par les efforts en gestion qui sont demandés à ses opérateurs. Dans le même temps, le programme Protection maladie, dont les crédits sont destinés à près de 99 % au financement de l’aide médicale de l’État (AME), confirme l’augmentation inéluctable de ses dépenses en l’absence de réforme du dispositif.

Le tableau suivant récapitule l’évolution des crédits dédiés à la mission par rapport à la loi de finances initiale pour 2015 :

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION 2015/2016

Programmes

LFI 2015

PAP 2016

Évolution 2015/2016

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Programme 204 : prévention, sécurité sanitaire et offre de soin

515,07

515,07

501,60

502,90

– 2,6 %

– 2,4 %

Programme 183 : Protection maladie

686,40

686,40

754,50

754,50

9,9 %

9,9 %

TOTAL

1 201,5

1 201,5

1 256,1

1 257,4

4,5 %

4,7 %

Source : projet annuel de performances 2016.

L’évolution globale des crédits de la mission s’élève donc à 4,5 % en autorisations d’engagement (AE) et 4,7 % en crédits de paiement (CP), bien au-dessus de la progression historiquement basse de la dépense publique de 1,3 % prévue pour le budget 2016. De surcroît, cette hausse se ventile de manière déséquilibrée entre les deux programmes, puisque le premier diminue de 2,6 % quand le second augmente de près de 10 %.

Cette compensation apparaît encore plus nettement quand on considère l’évolution des crédits de paiement prévus en projet de loi de finances depuis 2014 :

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION 2014/2016

(en millions d’euros)

Programmes

LFI 2014

LFI 2015

PAP 2016

Évolution 2015/2016

Évolution 2014/2016

Programme 204 : prévention, sécurité sanitaire et offre de soin

690,5

515,07

502,90

– 2,4 %

– 27 %

Programme 183 : Protection maladie

604,90

686,40

754,50

9,9 %

25 %

TOTAL

1 295,4

1 201,5

1 257,4

4,7 %

– 3 %

Source : projet annuel de performances 2015 et 2016.

Les deux trajectoires de dépenses apparaissent donc symétriquement opposées, la coupe de 27 % des crédits dans le programme 204 contribuant même à une baisse globale des crédits de la mission, et ce malgré le dérapage des dépenses liées à l’AME. Cela est d’autant plus inquiétant que la sous-budgétisation chronique dont fait l’objet la dotation en faveur de l’AME minimise l’ampleur de ce phénomène, puisque l’exécution se solde, à l’image de l’exercice 2014, par un abondement de 25 % de crédits supplémentaires.

Le Rapporteur spécial s’interroge donc sur la viabilité de cette double trajectoire, qui, en l’absence de réforme du système de financement de l’AME, amènera immanquablement à réduire à néant le programme en faveur de la prévention – qui constitue pourtant un axe prioritaire de la politique de santé –. Parallèlement aux efforts de gestion, parfois drastiques, imposés aux opérateurs, la débudgétisation vers le budget de la sécurité sociale ne constitue qu’un pis-aller de court terme qui masque partiellement la dépense et le déséquilibre, sans agir sur l’origine du problème.

Ainsi, il est temps pour les pouvoirs publics de s’interroger sur les orientations qu’ils veulent donner à la politique de santé en France, et s’ils assument de rationnaliser, année après année, les moyens en faveur de la prévention et de la sécurité sanitaire, au profit d’une protection sociale sans limite aux étrangers en situation irrégulière.

*

* *

CHAPITRE IER :
L’AIDE MÉDICALE DE L’ÉTAT EN 2016 : UNE DÉRIVE PROGRAMMÉE

Actions

LFI 2015

PAP 2016

Écart

AE/CP

AE/CP

02 : Aide médicale d’État

676,4

744,5

10,1 %

03 : Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante

10,0

10,0

0,0 %

TOTAL

686,4

754,5

9,9 %

Source : projet annuel de performances 2015.

Le fonds est chargé d’assurer la réparation des préjudices subis par les victimes de l’amiante. Il constitue un organisme d’indemnisation complémentaire pour les personnes ne bénéficiant pas d’une couverture contre les risques accidents du travail et maladie professionnelles. Son financement est double : outre la dotation budgétaire de l’État, les ressources du fonds sont constituées majoritairement par la contribution de la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP).

Le nombre de demandes d’indemnisation déposées par des victimes directes de l’amiante continue d’augmenter, de l’ordre de 7 300 en 2015 et 2016. Le FIVA a procédé à l’indemnisation de 161 674 victimes depuis sa mise en place en 2002, pour un montant total de 4,4 milliards d’euros au 31 décembre 2014.

Les dépenses pour 2015 sont estimées à 525 millions d’euros. Les produits du FIVA devraient s’élever à 470 millions d’euros, constitués d’une dotation de l’État de 10 millions d’euros, d’une dotation de la branche AT-MP de 380 millions d’euros, et d’autres produits à hauteur de 80 millions d’euros. Le résultat prévisionnel devrait être déficitaire de 33 millions d’euros. Pour 2016, les dépenses du FIVA devraient se maintenir à 525 millions d’euros, pour des produits s’élevant à 540 millions d’euros, dont 430 issus de la sécurité sociale et 10 inscrits dans le projet de loi de finances pour 2016.

Par ailleurs, le FIVA travaille depuis 2012 sur le raccourcissement de ses délais de traitement des demandes, notamment grâce à la dématérialisation. La prévision pour 2016 est de 85 % de dossiers traités dans le délai légal de six mois (contre 76 % en réalisation 2014) et 95 % d’offres payées aux victimes de pathologies graves dans le délai réglementaire de deux mois (97 % en réalisation 2013, soit un résultat supérieur à la cible).

Elle constitue le cœur du dispositif et également la part non maîtrisée des dépenses d’AME. Il s’agit d’une aide accordée pour un an renouvelable sans limitation et conditionnée par une résidence en France ininterrompue de plus de trois mois ainsi que de revenus inférieurs à un plafond (1 080,58 euros par mois pour un foyer de deux personnes). Elle permet la prise en charge des dépenses de santé jusqu’à 100 % des tarifs maximums fixés par l’assurance maladie (consultations médicales ou dentaires en cabinet ou à l’hôpital), avec une exonération de la participation forfaitaire de 1 euro. C’est une dépense dite « de guichet » et, de ce fait, entièrement dépendante du nombre de demandeurs répondant aux critères d’éligibilité.

Chaque année, elle représente près de 95 % de la dotation budgétaire et entraîne un dépassement massif des crédits initialement votés. Ce dispositif est financièrement à la charge intégrale de l’État mais géré par l’assurance maladie, puisque l’ouverture des droits se fait auprès des caisses primaires d’assurance maladie, les services de la sécurité sociale en assurant également le contrôle.

Plusieurs dispositions ont été mises en œuvre afin d’améliorer la gestion et le contrôle des droits, notamment la mise en place d’un titre sécurisée et un taux de recours aux génériques similaires à celui des assurés sociaux. En 2011, le champ de prise en charge de l’AME a été limité aux actes, produits et prestations exclusivement destinés au traitement ou à la prévention d’une maladie, excluant de ce fait des prestations comme les cures thermales.

Le Rapporteur spécial constate depuis 2012, malgré ces mesures, l’incapacité des pouvoirs publics à maîtriser la dépense en l’absence de réforme de fond du dispositif. Il apparaît que la nature même du dispositif d’AME de droit commun empêche toute forme de contrôle, la situation irrégulière des bénéficiaires impliquant en toute logique une difficulté, voire une impossibilité, à vérifier les pièces justificatives et à maîtriser la hausse croissante des demandes.

Cette aide permet la prise en charge de soins dont l’absence mettrait en jeu le pronostic vital de la personne ou pourrait conduire à une altération grave et durable de son état de santé. Ils sont assurés par les hôpitaux pour les étrangers qui résident en France sans pouvoir bénéficier de l’AME (résidence inférieure à moins de trois mois, démarche pour l’obtention de l’AME de droit commun non effectuée ou en cours). Cette aide est financée par l’assurance maladie ainsi que par une dotation forfaitaire de 40 millions d’euros issue du budget de l’État (31 % de la dépense en 2013). Elle échappe donc à la logique de guichet pour le budget de l’État mais représente une charge substantielle pour l’assurance maladie de 105,2 millions d’euros en 2014. La dotation émanant du budget de l’État couvre donc seulement 38 % de la dépense en 2014. Cette part était de 31 % en 2013.

 

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Évolution depuis 2009

LFI

490

535

588

588

588

605

676,4

+ 38 %

Réalisation

591,29 (1)

635,43

626,18

587,5

743,9

759.5

780,1 (2)

+ 32 %

Écart

20,67 %

18,77 %

6,49 %

– 0,09 %

26,51 %

25,54 %

15,3 %

 

Source : projet annuel de performances et questionnaire budgétaire – ministère de la Santé et des affaires sociales.

(1) Auxquels s'ajoutent, en LFR, 278 millions d'euros d'apurement de dette, soit une dépense annuelle totale de 871 millions d'euros.

(2) Prévisions 2015- réponses aux questionnaires budgétaires.

Ces données amènent le Rapporteur spécial à faire deux constats alarmants qu’il avait d’ores et déjà formulés dans son précédent rapport spécial.

D’une part, les dépenses d’AME connaissent une croissance exponentielle puisqu’elles ont augmenté en réalisation de 32 % entre 2008 et 2014, parallèlement à une hausse de 38 % des crédits votés en loi de finances initiale. D’autre part, hormis en 2012, les crédits consommés ont toujours été supérieurs aux crédits votés, souvent dans des proportions supérieures à 20 %. Ces deux phénomènes sont entièrement imputables au dispositif de l’AME de droit commun, les soins urgents étant plafonnés au sein du budget de l’État, et l’AME humanitaire faisant l’objet d’une consommation souvent inférieure aux crédits votés, d’ailleurs redéployés en fin d’année au profit de l’AME de droit commun.

Cette sous-évaluation engendre des abondements de crédits récurrents en lois de finances rectificatives couvrant une partie des dépenses non anticipées, le reste à payer cumulé dû par l’État à l’assurance maladie continuant, par ailleurs, d’augmenter. La loi de finances rectificative pour 2014 a ainsi ouvert 155,1 millions d’euros de crédits, comme en 2013, qui n’ont pas été suffisants pour couvrir l’intégralité du coût de l’AME constaté par l’assurance maladie cette année-là.

Cette hausse croissante reflète les dysfonctionnements d’un système de guichet avec un nombre de demandes qui ne cesse d’augmenter. Au 31 décembre 2014, le nombre de bénéficiaires s’élève à 294 300 (contre 282 425 fin 2013), dont 20 196 en outre-mer (soit 7 % du total), contre 215 763 en 2009. En 2002, le nombre de bénéficiaires était de 154 015. On constate une très forte accélération de l’augmentation en 2012, avec une hausse de 30 % du nombre de bénéficiaires entre mars 2012 et juin 2013 représentant 63 000 ouvertures de droit.

Le graphique suivant permet d’appréhender la croissance exponentielle du nombre de bénéficiaires de l’AME de droit commun :

ÉVOLUTION DU NOMBRE DE BÉNÉFICIAIRES ENTRE 2002 ET 2014

Source : CNAMTS-DSES.

Le profil des bénéficiaires de l’AME de droit commun demeure relativement stable : il s’agit pour plus de 80 % de personnes seules, majoritairement des hommes (57 % de l’effectif total), généralement jeunes. L’âge moyen est de 31 ans.

Les projections pour 2016 se fondent sur l’hypothèse d’une évolution moyenne annuelle des bénéficiaires de l’AME de droit commun qui augmenterait de 4,9 %, évolution qui n’est pas représentative de celles constatés depuis 2010, mais qui correspond à la hausse entre 2013 et 2014 (+ 4 %).

 

2015

 

LFI

Besoin de financement prévisionnel 2015

Écart

AME de droit commun

632,7

736,3

103,6

Soins urgents

40

40

0,0

Autres dispositifs

3,8

3,8

0,0

TOTAL

676,4

780,1

103,7

Source : ministère de la santé.

Avec une consommation estimée à 780 millions d’euros pour 2015, la prévision pour 2016 à 744,5 millions d’euros affiche d’ores et déjà un montant inférieur aux crédits consommés en 2015 de 35,5 millions d’euros. Seul le dispositif de l’AME de droit commun, qui est une dépense de guichet entièrement dépendante de la demande, est responsable de cet écart.

Comme le démontre le tableau ci-dessous, les prévisions actualisées de dépenses d’AME de droit commun se sont fortement éloignées de la cible initiale, conformément au phénomène constaté chaque année et qui se confirmera au titre de l’exercice 2015 :

ECART ENTRE PREVISION ET RÉLAISATION DE L’AME DE DROIT COMMUN

 

2011

2012

2013

2014

Dépenses AME droit commun

608,8

581,6

715,1

722,9

Dotation initiale

540

543

543

560

Redéploiement et report

12,6

3,2

3,2

2,1

Ouverture LFR

35

0

156

155,1

Solde au titre de l’année

21,2

35,4

13,2

5,6

Solde cumulé de la dette envers la sécurité sociale

6,2

38,7

51,7

57,3

Source : ministère de la santé – réponse au questionnaire budgétaire.

Avec une régulation budgétaire qui devrait avoisiner les 105 millions d’euros en 2015, il est visuellement possible d’en déduire une réduction de l’écart entre prévision et réalisation, et plus largement un ralentissement dans la progression des dépenses. Cependant, cette baisse est principalement engendrée par la fin progressive de la majoration tarifaire en faveur des hôpitaux, qui a permis une économie cumulée de 60 millions d’euros entre 2013 et 2016. À coût constant, il faudrait ajouter 30 millions d’euros (1) à la consommation 2015, ce qui amène le Rapporteur spécial à nuancer le constat optimiste d’un ralentissement de la hausse de la dépense et de l’écart entre prévisions et consommation.

Par ailleurs, la dette de l’État envers la sécurité sociale, qui se creuse du fait de l’écart systématique entre les crédits effectivement remboursés et le coût réel constaté au titre de l’AME, ne fait toujours pas l’objet d’une budgétisation. Elle s’élève, à l’issue de l’exercice 2014, à 57,3 millions d’euros et son augmentation devrait se poursuivre en 2015 et 2016.

En lien avec les recommandations récurrentes de la Cour des comptes à ce sujet, le Rapporteur spécial ne peut que déplorer qu’aucune action ne soit engagée afin de mettre fin à cette atteinte criante au principe de sincérité budgétaire.

Dans le projet de loi de finances pour 2016, le ministère détermine l’évolution tendancielle de la dépense à 760 millions d’euros, soit une hausse optimiste de seulement 23,7 millions d’euros par rapport à l’exécution 2015. Malgré cette dépense prévisionnelle de 760 millions d’euros, le montant budgété au titre de l’AME de droit commun s’élève à 700 millions d’euros, soit 36,3 millions d’euros de moins que la prévision actualisée pour 2015.

Comme pour chaque exercice, les hypothèses qui sous-tendent cette budgétisation relèvent ouvertement de l’insincérité budgétaire.

Le différentiel de 60 millions entre l’évolution tendancielle et la budgétisation est justifié, en premier lieu, par les économies structurelles sur la dépenses générées par la suppression des coefficients de majoration des tarifs hospitaliers appliqués jusqu’en 2014. Cette économie est évaluée à 60 millions d’euros, sur les trois années de sortie du dispositif : 26 millions d’euros en 2014 et 55 millions d’euros en 2015, soit une économie supplémentaire de seulement 5 millions en 2016.

Le solde restant, à savoir 55 millions d’euros, serait neutralisé sous l’effet de deux facteurs conjugués, dont l’effet demeure incertain comme le démontre l’incapacité du ministère à chiffrer, même approximativement, ces hypothèses :

– d’une part, les économies attendues au titre de la fin de la prise en charge des médicaments dont le service médical rendu est faible. Aucun chiffrage n’est présenté dans le projet annuel de performance pour 2016, celui-ci étant de 5 millions d’euros selon le projet annuel de performance pour 2015 ;

– d’autre part, la réforme du droit d’asile qui, pour tenir l’objectif, doit permettre de réduire la dépense en contenant l’augmentation du nombre de bénéficiaires grâce au raccourcissement des délais d’instruction. Le projet annuel de performance ne présente pas non plus le moindre chiffrage des effets de la réforme, mais par déduction, cette économie avoisinerait les 50 millions d’euros.

La loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d’asile a comme objectif premier de renforcer les garanties des demandeurs d’asile à tous les stades de la procédure, et de limiter les délais d’instruction des demandes d’asile.

Tout d’abord, la loi institue de nouvelles procédures d’examen afin de réduire les délais d’instruction des dossiers. L’objectif de la loi est désormais de tendre vers un délai moyen de traitement de neuf mois procédure d’appel comprise, contre deux ans aujourd’hui – sans que ce délai ne soit imposé aux juridictions concernées –. Cela implique de réduire à 90 jours en moyenne les délais de traitement de la juridiction de premier recours qu’est l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA). Selon les documents budgétaires relatifs à la mission Immigration, asile et intégration, le délai moyen de traitement d’un dossier par l’OFPRA est actuellement de 200 jours calendaires, alors que la prévision du PAP pour 2015 était de 150 jours. Ce délai est cependant en diminution par rapport à 2014 où il était de 203 jours. Par ailleurs, au regard des événements internationaux actuels, les demandes d’asile provenant des migrants syriens, albanais, kosovars, russes et bangladais font l’objet d’un traitement inférieur à 90 jours. Les moyens alloués à l’OFPRA ont été accrus de 3 % dans le PLF 2016, afin que ses services soient en mesure d’assurer un traitement plus rapide des demandes d’asile.

Une nouvelle procédure accélérée, qui remplace l’actuelle procédure prioritaire, sera mise en œuvre par l’OFPRA, permettant un traitement rapide des demandes manifestement infondées comme, par exemple, lorsque le demandeur provient d’un pays « sûr » ou lorsque la demande est fondée sur de faux documents d’identité. En cas de procédure accélérée, le délai a été fixé par le décret du 21 septembre 2015 pris pour l’application de la loi du 29 juillet 2015 à quinze jours (2). Demeure enfin le délai légal de 96 heures, qui s’impose à la juridiction en cas de rétention administrative.

Les procédures contentieuses sont également revues et doivent désormais respecter des délais raccourcis (3) :

– par la généralisation de l’effet suspensif du recours devant la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) ;

– par la mise en place d’une procédure accélérée devant un juge unique en cinq semaines, quand l’OFPRA a lui-même procédé à une procédure accélérée ;

– le délai légal de jugement en procédure collégiale normale imparti à la CNDA est fixé à cinq mois (contre huit mois et deux jours en moyenne en 2015). Pour rappel, le délai de recours en appel après une décision de l’OFPRA est fixé à un mois.

Il est également inscrit dans la loi que les étrangers peuvent être autorisés à travailler lorsque l’OFPRA n’a pas statué sur leur demande dans un délai de neuf mois (4).

La loi a, en outre, pour objet de rendre les conditions d’accueil des demandeurs d’asile plus justes et plus équitables, mais également plus encadrées, par exemple grâce à la mise en place d’un dispositif d’hébergement contraignant. Elle tend enfin à mieux définir et à renforcer les droits du bénéficiaire de la protection en matière d’accès aux droits, de réunification familiale et de documents de voyage.

L’impact éventuel de cette réforme sur les dépenses d’AME est conditionné par les droits sociaux attachés au statut de demandeurs d’asile, qui n’ont pas été modifiés. Il est à noter qu’un demandeur d’asile n’est pas, en droit, assimilé à un étranger en situation irrégulière tant que sa demande d’asile n’a pas été officiellement déboutée.

La prise en charge médicale des demandeurs d’asile est distincte selon les cas :

– la couverture maladie universelle (CMU) bénéficie en principe aux demandeurs d’asile, même en l’absence de la condition de résidence de trois mois, dès lors qu’ils sont en mesure de prouver la régularité de leur séjour et de leur démarche. Le récépissé de l’OFPRA, associé à une attestation de domicile, constitue un document permettant l’ouverture des droits CMU ;

– par exception, les demandeurs d’asile en procédure prioritaire (5) ou en procédure « Dublin » (6), qui ne peuvent être affiliés à un régime de sécurité sociale et ne sont donc pas éligibles au titre de la CMU, peuvent bénéficier de l’AME.

– les demandeurs d’asile qui n’ont pas encore pu faire les démarches auprès de la caisse primaire d’assurance maladie afin de bénéficier de la CMU et qui se trouvent dans une situation médicale urgente peuvent bénéficier des « soins urgents » au titre de l’AME. Pour les autres soins, ils peuvent être pris en charge dans le cadre de certaines associations, des permanences d’accès aux soins de Santé (PASS) mises en place dans les hôpitaux ou encore auprès des services de protection maternelle et infantile (PMI).

Enfin, tout demandeur d’asile dont la demande a été déboutée par l’OFPRA, en l’absence de recours en appel, ou par la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), est sous le coup d’une obligation de quitter le territoire. S’il demeure sur le territoire français, il est alors considéré en situation irrégulière et bascule sur les droits sociaux attachés à l’AME. En revanche, le demandeur qui voit sa requête acceptée accède alors au statut de réfugié et obtient une carte de résident valable dix ans.

Au regard de ces éléments, la réforme du droit d’asile est-elle réellement un facteur de maîtrise de la dépense d’AME ? Plusieurs constats sont à évoquer :

– pour les demandeurs d’asile en cours de procédure, qui bénéficient de la CMU tout au long de celle-ci quelle que soit sa durée, le raccourcissement des délais ne devrait pas impacter les dépenses d’AME. Sauf à considérer au contraire que, les décisions de rejet étant rendues dans des délais raccourcis, le nombre d’étrangers en situation irrégulière risque d’augmenter plus vite si la majorité des déboutés du droit d’asile demeurent sur le territoire français ;

– pour les demandeurs d’asile selon la procédure prioritaire (environ un quart des demandes en 2013), qui bénéficient de l’AME, la réforme du droit d’asile et la mise en œuvre d’un délai de quinze jours obligatoires peut avoir un effet bénéfique en limitant le nombre de demandeurs d’asile pris en charge par l’AME dans ce cadre. Les effets demeurent cependant difficiles à chiffrer, d’autant qu’ils ne concernent qu’une partie des demandeurs. Les effets à la baisse de cette réforme sont également conditionnés par l’application effective des mesures d’éloignement, au risque sinon de voir augmenter le nombre d’étranger en situation irrégulière dès lors qu’ils rempliront la condition de ressources et la condition de résidence de plus de trois mois. À ce jour, il est à noter que 94 % des déboutés du droit d’asile demeurent sur le territoire français sans faire l’objet de mesure d’éloignement.

Il apparaît donc, à ce stade, impossible d’évaluer, et encore moins de budgéter, une baisse des dépenses de l’AME liée à la réforme de l’asile comme cela est fait dans le projet annuel de performance pour 2015 et pour 2016. L’économie de plusieurs millions d’euros est, quant à elle, irréaliste. Cette réforme peut même paradoxalement amener à augmenter le nombre de bénéficiaires de l’AME si les délais de refus sont raccourcis et amènent à basculer plus rapidement un certain nombre de migrants dans le statut d’étranger en situation irrégulière. Cela est d’autant plus vrai que le taux d’agrément demeure faible au regard du nombre de demandes déposées.

Lors du vote des crédits de la mission Santé en commission élargie le 2 novembre 2015, la ministre de la santé a estimé une baisse prévisionnelle de 18 000 bénéficiaires, générée directement par la réforme du droit d’asile. Hormis le caractère très limitée de cette baisse (6 % des bénéficiaires en 2015), cette perspective ne fait l’objet d’aucun chiffrage, ni d’aucunes hypothèses argumentées.

Le nombre de demandes d’asile

58 000 demandes ont été déposées au cours des onze premiers mois de l’année 2014
– elles devraient donc être environ 63 000 au terme de cette année. En 2013, le nombre de demandes était d’environ 66 000. Cependant, 16 % seulement d’entre elles ont reçu l’agrément de l’OFPRA, et 27 % en tout, après intervention de la Cour nationale du droit d’asile en 2013.

Source : ministère de l’intérieur.

Les évènements tragiques qui se déroulent au Moyen-Orient ont pour conséquence un afflux massif de migrants fuyant leur pays – notamment la Syrie, l’Irak, mais également l’Érythrée et la Somalie. Ils expliquent la forte hausse des entrées dans l’espace Schengen depuis 2014, via l’Italie ou la Grèce (220 000 personnes), encore plus marquée en 2015, qui constitue une problématique de taille pour l’Europe et l’espace Schengen. Selon le plan de répartition élaboré par la Commission européenne, le nombre de réfugiés accueilli en France est fixé à 30 000 personnes, sur un total estimé à 150 000 migrants ayant fui les zones de guerre en septembre mais dont le nombre a été évalué à la hausse depuis. Cet accueil planifié devrait s’accompagner de mesures visant à faciliter le retour des réfugiés dans leur pays une fois le conflit terminé, et d’aides financières européennes en direction des États.

Le statut de ces migrants fait débat : statut de réfugiés politiques impliquant automatiquement une carte de résident de dix ans, régime de la protection subsidiaire avec carte de résident d’un an renouvelable, statut spécifique de « réfugiés de guerre » pour une durée limitée proposé par l’ancien Président de la République Nicolas Sarkozy, etc.

Dans tous les cas, l’impact sur les dépenses de protection sociale sera substantiel, par le biais de la sécurité sociale si la CMU demeure l’outil de solidarité principal, ou par le biais de l’AME pour les étrangers qui seront sortis du dispositif et qui se retrouveront de fait en situation irrégulière.

Sans remettre en cause la légitimité de l’accueil de ces populations en danger, le Rapporteur spécial invite le Gouvernement à produire au plus vite une évaluation détaillée des coûts engendrés en matière de protection sociale par l’accueil des migrants et les plans de financement correspondants. Il s’agit d’une mesure de transparence vis-à-vis des cotisants et des contribuables qui participent à cet effort de solidarité.

Les dépenses hospitalières représentent près de 71 % des dépenses d’AME de droit commun en 2014, contre 29 % pour les soins de ville.

Le tableau suivant récapitule la répartition et l’évolution par type de dépenses de l’AME de droit commun :

RÉPARTITION DE LA DÉPENSE AME PAR POSTES EN 2014

(en millions d’euros)

Il apparaît que les dépenses de prestations hospitalières demeurent largement majoritaires et émanent à plus de 90 % des établissements publics. Cependant, entre 2013 et 2014, le montant total des prestations hospitalières a diminué de 2,6 %, alors que les soins de ville augmentaient dans le même temps de plus de 10 %.

Cette baisse ne s’explique pas par une diminution en volume du nombre de bénéficiaires, mais par la diminution du coefficient de majoration des tarifs hospitaliers à partir du 1er janvier 2014. L’économie engendrée par la réforme des tarifs a été évaluée, pour l’année 2014, à 26 millions d’euros. Sans la mise en œuvre de cette mesure, le total des prestations hospitalières aurait progressé de 2,6 %.

L’article 50 de la loi de finances rectificative pour 2011 a modifié le mode de tarification des séjours de l’hôpital public des bénéficiaires de l’AME afin de rapprocher la tarification de ces patients sur celle des assurés sociaux. Antérieurement facturés en fonction du prix à la journée, ils sont alignés depuis 2012 sur les tarifs de droit commun issus de la tarification à l’activité (T2A), moins élevés que les précédents. Une majoration transitoire était cependant prévue jusqu’à la fin de l’année 2014.

L’arrêté du 13 décembre 2013, modifiant l’arrêté du 14 décembre 2011 fixant le mode de calcul des ressources des établissements publics de santé (EPS) pour la prise en charge des patients bénéficiant de l’AME, a par ailleurs modifié les coefficients de majoration des tarifs mis en œuvre pour les séjours des derniers dans le champ médecine-chirurgie-obstétrique. Ce coefficient est passé de 1,3 (30 % de survalorisation des actes) à 1,15 (15 % de survalorisation des actes) au 1er janvier 2014. Le coefficient majoré a pris fin au 1er janvier 2015.

Il s’agit d’une baisse fictive des dépenses d’AME – assimilable à une simple débudgétisation – qui se traduit en réalité par un transfert de la charge sur le déficit des hôpitaux. Comme mentionné précédemment, cette économie est évaluée à 60 millions d’euros en cumulé sur les trois années de sortie du dispositif : 26 millions d’euros en 2014, 55 millions d’euros en cumulé en 2015, et donc une économie supplémentaire de 5 millions d’euros en 2016.

Par ailleurs, l’article 49 du projet de loi de financement pour la sécurité sociale pour 2015 a mis en œuvre une réforme similaire des tarifs hospitaliers pour l’AME soins urgent que celle qui a été appliquée à partir de 2012 à l’AME de droit commun, afin de réduire les dépenses à la charge de l’assurance maladie.

Le coût que représente la prise en charge de la précarité par les hôpitaux publics est d’autant plus préjudiciable que les bénéficiaires de l’AME ne sont pas répartis de manière uniforme sur le territoire. Comme l’analyse le projet annuel de performances pour 2016, sur 106 caisses primaires d’assurance maladie ou caisses générales de sécurité sociale, dix seulement concentrent 69 % de la dépense. Parmi elles, on compte celles de Paris et de l’Île-de-France, ainsi que la caisse de Cayenne (6 % des dépenses à elle toute seule). Ainsi, plus de la moitié des bénéficiaires étant concentrés principalement à Paris et en Seine-Saint-Denis. La perte pour l’AP-HP a été évaluée à 33,6 millions d’euros en 2012, soit 42 % du total. L’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) gérait en 2014 20,4 % des bénéficiaires de l’AME.

Un mécanisme de compensation entre les hôpitaux existe d’ores et déjà. Les établissements de santé à fort taux de patients précaires se voient compensés pour leur engagement auprès de ces patients grâce aux crédits octroyés à l’exercice la mission d’intérêt général (MIG) dédiée à l’accueil et la prise en charge des patients précaires. Il s’agit d’une dotation complémentaire financée par la sécurité sociale créée en 2009. Son objectif est de financer les surcoûts structurels et organisationnels générés par la présence, dans une proportion plus forte que la moyenne, de patients précaires au sein de la population prise en charge dans l’établissement de santé. Il s’agit majoritairement de frais de personnel dédié (y compris interprètes, travailleurs sociaux ou médiateurs éventuels) et de factures impayées donnant lieu à un non recouvrement.

Dans son rapport pour le budget 2015, le Rapporteur spécial avait tenu à alerter vivement les pouvoirs publics sur ces coûts indirects induits par cette précarité pour les hôpitaux, en présentant une note détaillée relative à la situation du centre hospitalier de Saint Denis, particulièrement concerné par cette problématique. Sur le principe, cette dotation devrait donc permettre une forme de péréquation entre les hôpitaux.

Son niveau est fixé au niveau national. L’enveloppe est répartie entre tous les établissements dont la part de séjours concernant des patients relevant des dispositifs de la couverture maladie universelle (CMU), la CMU complémentaire (CMU-C), de l’AME de droit commun ou des soins urgents et vitaux (SUV) dépasse un seuil fixé à 10,5 %, ce seuil étant considéré comme le niveau au-delà duquel l’accueil de patients précaires, majoritairement AME, entraine des surcouts de gestion. La dotation a été fixée à un montant de près de 150 millions d’euros, mais celui-ci a été gelé depuis sa création en 2009. Il est donc identique en 2015 et bénéficie à plus de 200 hôpitaux. S’il s’avère, après ce premier calcul, que la somme allouée est inférieure au seuil de 40 000 euros, alors il n’y a pas de dotation pour l’établissement afin d’éviter le saupoudrage des sommes. Le reliquat ainsi obtenu est réparti de nouveau sur l’ensemble des établissements.

D’une part, cette mission d’intérêt général a été gelée depuis 2009 et n’évolue donc pas au même rythme que le nombre de bénéficiaires des dispositifs de prises en charge des patients en situation de précarité. Au-delà de cette stagnation en volume, le dispositif en tant que tel n’est pas efficient. En effet, il instaure un seuil unique et peu progressif qui défavorise les hôpitaux les plus concernés par la prise en charge de la précarité. À l’instar du centre hospitalier de Saint-Denis, qui prend en charge un taux supérieur à 30 % de patientèle précaire, et pour qui cette dotation demeure bien inférieure aux surcoûts réellement constatés, dans le cadre des dispositifs de gestion spécifique déployés.

C’est pourquoi en 2016, le ministère de la Santé a prévu de faire évoluer le modèle à l’égard de certains établissements qui reçoivent une patientèle en situation de précarité supérieure à 20 % et dont les surcoûts organisationnels se multiplient et influencent significativement les durées de séjour et la mobilisation de moyens humains. Or, ces mêmes établissements ont subi les effets des réformes sur l’AME et les soins urgents vitaux. À cet effet, l’enveloppe globale sera majorée de 10 millions d’euros.

Ce réajustement semble aller dans le sens d’une meilleure péréquation. Cependant, l’exposition des hôpitaux à la précarité demeurent difficile à évaluer pour les agences régionales de santé (ARS) qui ont en charge la répartition de la dotation.

Confronté de manière particulièrement accrue aux problématiques de la précarité, le centre hospitalier de Saint-Denis, que le Rapporteur spécial a auditionné dans le cadre de la préparation budgétaire, a sollicité le cabinet Veltys (7) pour cartographier sa patientèle à travers le prisme d’indicateurs socio-économiques avant d’analyser ensuite les déterminants majeurs du non-recouvrement.

Le cabinet Veltys a tout d’abord été mandaté par le centre hospitalier de Saint Denis pour réaliser une cartographie des indicateurs de précarité de sa patientèle et ainsi la comparer à celle, théorique, des autres hôpitaux publics en Île-de-France. Cette cartographie inédite est réalisée en croisant les données administratives de facturation anonymisées fournies par le CHSD, dont les adresses de l’ensemble de ses patients depuis 2010, et des données de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) sur les caractéristiques des IRIS (8) d’Île-de-France.

Du fait du taux élevé de patientèle précaire, le centre hospitalier de Saint-Denis fait ainsi face à des restes à recouvrer (RAR) très importants dus à des factures non réglées. Sur 9,3 millions d’euros facturés à des payants et à des tiers entre janvier 2011 et août 2013, 4,5 millions d’euros n’ont pas été recouvrés à ce jour, soit presque 2 millions d’euros par an. La seconde analyse porte donc sur les déterminants du non-recouvrement des factures émises aux payants et aux tiers. Il est à noter que les patients couverts par la CMU, CMUc, et AME ne sont pas considérés comme des patients payants, une fois titulaires de ces couvertures sociales. Les restes à recouvrer peuvent a contrario résulter de l’impossibilité d’ouvrir des droits au titre de l’AME, pour des patients dont les conditions de résidence ou de revenus seraient insuffisamment démontrées. Cette étude sur la précarité administrative résiduelle des patients non couverts permettra au centre hospitalier de Saint-Denis de définir au mieux des plans d’action adaptés et efficaces susceptibles de contribuer à la diminution du montant de ses restes à recouvrer.

L’analyse de la précarité s’appuie sur un ensemble d’indicateurs utilisés par l’INSEE relatifs à la précarité liée aux revenus, à l’emploi et à la dépendance aux aides sociales. Ces indicateurs permettent d’appréhender et de mesurer la précarité d’un territoire dans toutes ses dimensions. Il est ensuite possible de comparer les niveaux de précarité de la « zone de chalandise » (9) réelle du CHSD (en l’espèce sa patientèle réelle des derniers exercices budgétaires), avec ceux des « zones de chalandise » estimées des autres hôpitaux de proximité d’Île-de-France.

Au regard de ces critères permettant d’objectiver la précarité, le centre hospitalier de Saint-Denis se distingue comme celui faisant face à la « zone de chalandise » la plus précaire, avec 43 % de population venant d’IRIS extrêmement précaires. Au stade actuel de l’étude, seuls les sites hospitaliers situés à proximité des quartiers nord de Marseille présenteraient un taux comparable à celui constaté réellement par le centre hospitalier de Saint-Denis.

La mise en place étendue d’un système fiabilisé d’indicateurs de précarité peut transformer en profondeur le pilotage des agences régionales de santé (ARS) et permettre un financement de la précarité mieux ciblé et mieux réparti. Il implique cependant de renoncer aux tabous français relatifs aux statistiques des populations les plus exposées, et pour qui le risque de stigmatisation est important.

Ce projet qui reçoit le soutien du Rapporteur spécial est exposé dans l’annexe 2 du présent rapport.

L’accès des directeurs d’hôpitaux ou des caisses primaires d’assurance maladie aux informations relatives aux visas

Les hôpitaux sont confrontés à la difficulté d’obtenir l’information relative à la situation d’un malade étranger lors d’une prise en charge dans leurs services. L’enjeu est de prendre connaissance rapidement de l’absence de droit à la prise en charge, si la personne se trouve sous visa de court séjour, et ainsi théoriquement couverte par son assurance obligatoire, ou non couverte, si la maladie est préexistante au voyage.

Lorsqu’un ressortissant étranger sollicite un visa ordinaire auprès d’un consulat, les informations relatives à l’instruction de sa demande sont conservées dans la base Réseau mondial visas 2 (RMV 2). Le visa ordinaire (visa de court séjour Schengen) est délivré pour une durée maximale de 90 jours par semestre. Le visa, en tant qu’enregistrement, est conservé dans la base Schengen VIS , l’administration française y ayant accès grâce à l’application nationale correspondante.

L’accès aux informations de ces applications est actuellement limité au ministère des affaires étrangères et à deux directions du ministère de l’intérieur, selon l’arrêté du 22 août 2001 portant création d’un traitement informatisé d’informations nominatives relatif à la délivrance des visas dans les postes diplomatiques et consulaires.

Pour un directeur d’établissement hospitalier ou un directeur de caisse d’assurance maladie, connaître le régime de visa sous lequel se trouve un étranger et la date prévue de la première entrée sur le territoire suppose :

− soit de s’adresser au poste consulaire qui a délivré le visa ;

− soit de s’adresser à une personne relais « tête de réseau » au sein de la sous-direction des visas, qui obtiendrait l’information rapidement auprès des consulats. Cette solution serait certainement préférable car elle présente une plus grande facilité et est plus rapide pour les gestionnaires des hôpitaux et des caisses d’assurance maladie.

Par ailleurs, la communication d’informations provenant du Réseau mondial visas aux directeurs d’établissements hospitaliers nécessiterait en premier lieu une modification de l’arrêté de 2001.

L’aide médicale de l’État n’est pas en vigueur à Mayotte, cette inégalité sociale étant justifiée du point de vue des finances publiques, au regard de la situation sanitaire particulièrement dégradée de ce département et à l’affluence de l’immigration clandestine qui n’est pas maîtrisée à ce jour. Cela démontre cependant les dysfonctionnements de fond intrinsèques au dispositif de l’AME et le choix d’intégrer Mayotte en tant que département français. En outre, l’ordonnance du 12 juillet 2004 a mis fin, pour les personnes en situation irrégulière, à la gratuité des soins à l’hôpital et dans les dispensaires qui leur était antérieurement appliquée comme pour les assurés sociaux.

Depuis lors, les personnes en situation irrégulière doivent verser une provision financière pour bénéficier des soins hospitaliers ne relevant pas de l’urgence, le montant des provisions étant réglementairement fixé par catégorie de soins. Un dispositif de soins urgents propre à Mayotte a été par ailleurs mis en place par la même ordonnance de 2004. Il prévoit une prise en charge, partielle ou totale, des soins par l’État pour les personnes non affiliées au régime d’assurance maladie mahorais et pour lesquelles le défaut de soins entraînerait une altération grave et durable de l’état de santé, ainsi que pour les personnes recevant des soins dans le cadre de la lutte contre les maladies transmissibles graves.

Le coût de la prise en charge des non-assurés sociaux est évalué à 77,6 millions d’euros en 2014 pour une dépense totale liée aux soins de ville de 160,7 millions d’euros. Les non-assurés sociaux représentent 48,3 % des recettes sur la base d’une facturation à l’acte. Par ailleurs, le budget du centre hospitalier de Mayotte s’élevait à 178 millions d’euros pour 2014, soit un coût total de la santé qui s’élève à 250 millions d’euros. Le précédent rapport du Rapporteur spécial évoquait le chiffre de 100 millions d’euros en faveur des étrangers en situation irrégulière à Mayotte, soit 40 % des dépenses.

Lors du vote des crédits de la mission Santé en commission élargie le 2 novembre 2015, la ministre de la santé a avancé le montant de 65 millions d’euros, sans expliciter les hypothèses sous-jacentes à ce chiffrage. Le Rapporteur spécial sollicitera donc, auprès des services du ministère de la santé, une présentation détaillée des fondements de cette évaluation.

Des structures associatives nombreuses prennent en charge, dans le cadre de leur action, les populations migrantes, notamment en situation irrégulière, et perçoivent à ce titre, des financements nationaux de la direction générale de la santé sur la base du programme 204 Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins. Pour l’année 2015, le total de ces subventions atteint 1,16 million d’euros, ce qui est peu au regard du coût de l’AME, et bénéficie à onze associations.

Ces structures associatives constituent bien souvent le premier point de contact des populations migrantes à leur arrivée en France, dans leurs démarches d’accès à leurs droits et notamment à l’AME. Conformément aux dispositions de l’article L. 252-1 du code de l’action sociale et des familles, les associations ou organismes à but non lucratif titulaires agréées par le préfet à cet effet, peuvent recueillir les dossiers de demandes d’AME, qui sont transmis dans un délai de huit jours aux caisses d’assurance maladie après vérification de la conformité de la demande.

 

Dépenses au titre de l’année 2015

Exécution 2015 au titre de l’ensemble des dispositifs d’AME (exécution prévisionnelle du programme 183)

780

Dette cumulée envers la sécurité sociale (sur la base d’une stabilisation par rapport à 2014)

57,3

Prise en charge des dépenses « soins urgents » par la sécurité sociale au-delà de la dotation de 40 millions d’euros émanant du budget de l’État (sur la base des données 2014)

65

Dépenses de santé en faveur des étrangers en situation irrégulière à Mayotte (évaluation)

100

Subvention aux associations assurant à titre principal des missions d’entraide en faveur des étrangers en situation irrégulière

1,6

TOTAL

1 003,9

Source : commission des finances.

Cette évaluation ne peut être menée avec précision pour plusieurs raisons :

– l’intégralité des données chiffrées pour 2015 n’est pas disponible et se fonde donc sur l’exécution 2014. Au regard de l’évolution structurelle qui caractérise les dépense d’AME, il est probable que certains postes de dépenses sont sous-estimés ;

– les données relatives à Mayotte souffrent d’une absence d’évaluation fiable, notamment sur la part d’étrangers en situation irrégulière bénéficiant de soin dans ce département.

La ministre de la santé considérera peut-être, comme elle a su le dire de manière imagée lors de la commission élargie ayant examiné la mission Santé en 2015, que ce tableau « mélange les choux et les carottes ». Il met cependant en exergue le fait que les documents budgétaires ne permettent pas à ce jour d’appréhender dans leur globalité l’effort de l’État français en faveur de la prise en charge sanitaire des étrangers en situation irrégulière. Le Gouvernement ne peut pourtant pas faire l’économie de la transparence dans ce domaine, face aux contribuables et aux cotisants qui s’interrogent légitimement sur l’effort global en faveur des étrangers en situation irrégulière.

Comme chaque année, le Rapporteur spécial s’alerte de ces dépenses croissantes qui ne font l’objet d’aucune régulation et qui demeurent soumises à un phénomène migratoire hors de contrôle, et s’étonne de l’absence totale de réaction des pouvoirs publics.

Dans le dispositif actuel de l’AME de droit commun, notre pays ouvre à ses bénéficiaires et à ses ayants-droits, une prise en charge à 100 % des soins dans la limite du tarif de responsabilité, pour les prestations en nature maladie et maternité, tant en médecine de ville qu’à l’hôpital. Les bénéficiaires sont dispensés d’avance de frais et exonérés du ticket modérateur et du forfait journalier en cas d’hospitalisation. Il s’agit d’onc d’une dépense de guichet, impossible à piloter et dépendante du nombre de bénéficiaires qui ne cesse d’augmenter.

Comme dans son précédent rapport spécial, le Rapporteur spécial juge nécessaire de limiter de manière urgente le « panier de soins » gratuit en s’inspirant des systèmes mis en œuvre par nos partenaires européens.

Il se prononce en faveur d’une réforme rapprochant notre dispositif du modèle majoritairement mis en place dans les autres pays européens, en limitant le champ de la prise en charge à 100 % à une liste de soins liés à des critères précis, et en posant un principe de rémunération pour les autres soins.

L’étude des modèles étrangers permet de délimiter une liste de critères prenant en compte les cas dans lesquels les personnes nécessitent des soins à caractère vital et urgent. Ces cas pourraient être :

– les soins urgents ;

– les soins à apporter en cas de souffrance physique (cas de maladie aiguë et douloureuse) ;

– les soins destinés aux femmes enceintes et relatifs à l’accouchement (prestations égales à celle du droit commun) ;

– la lutte contre les infections (maladies sexuellement transmissibles, tuberculose notamment) ;

– le soin aux victimes d’accident du travail ou d’une agression physique ;

– pour les enfants, accès à tous les soins et aux produits pharmaceutiques jusqu’à 18 ans.

Cette évolution importante pourrait s’accompagner de la suppression de la condition de résidence de trois mois, ce qui simplifierait et allègerait considérablement les formalités et les contrôles, à ce jour presque impossibles à mettre en œuvre. L’AME deviendrait donc un dispositif unifié bénéficiant à l’ensemble des étrangers ne pouvant justifier d’un titre de séjour.

La couverture des soins qui ne sont ni urgents, ni jugés prioritaires, serait prise en charge par l’assurance maladie, sous condition d’une affiliation de l’assuré moyennant le paiement d’une cotisation dépendant du niveau de ses revenus.

Un système de contribution inspiré de celui de la couverture maladie universelle de base (CMU-b) pourrait être instauré. En s’inspirant des dispositifs en vigueur en Espagne ou en Suisse, on pourrait notamment mettre à l’étude un barème à trois niveaux, avec une contribution de 8 % pour les foyers disposant de revenus supérieurs au seuil en vigueur pour la CMU de base (9 601 euros annuels), de 4 % pour les revenus inférieurs à ce seuil et de 0 % pour les personnes indigentes (personnes sans revenu).

Pour un foyer disposant de 750 euros mensuels par exemple, la cotisation atteindrait ainsi 30 euros par mois. Une autre possibilité serait de fixer une cotisation forfaitaire en-dessous d’un seuil de revenus. Des abattements pourraient être prévus en fonction de la composition de la famille. Pour les personnes indigentes dans l’impossibilité de contribuer, une déclaration d’indigence pourrait être formalisée. Les personnes affiliées seraient susceptibles de voir leur déclaration de ressources contrôlée par les caisses primaires d’assurance maladie, comme c’est le cas aujourd’hui pour la déclaration de ressources effectuée pour pouvoir bénéficier de l’AME.

L’affiliation à l’assurance maladie aurait pour effet de transférer la prise en charge sanitaire des étrangers en situation irrégulière dans le régime de sécurité sociale et de mettre fin à la coexistence actuelle d’un financement par l’État et d’une gestion par la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS). Ce transfert permettrait de soumettre la progression de la dépense à l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) et contribuerait donc à mieux la contrôler et à la ralentir. Il pourrait entraîner un meilleur suivi des patients qui devrait s’inscrire dans le parcours de soins, à l’instar des assurés sociaux.

Une telle affiliation aurait également pour avantage de réduire le phénomène des refus de soins auquel se heurtent actuellement les bénéficiaires de l’AME, tant de la part de médecins libéraux (refus de soins dentaires ou optiques, par exemple) que de l’hôpital public (refus de soins gynécologiques ou d’interruption volontaire de grossesse, par exemple).

Le dispositif proposé devrait également s’appliquer à Mayotte, ce qui contribuerait à clarifier la situation peu transparente relative à la prise en charge sanitaire des étrangers en situation irrégulière dans ce département. À plus court terme, les deux mesures suivantes permettraient de réduire l’emballement de la dépense d’AME, même en l’absence de changement radical de modèle de financement :

– revoir les règles d’affiliation des ayants-droits en limitant le cercle à la famille proche, à la charge exclusive et permanente des assurés et en supprimant l’affiliation des enfants recueillis sauf placement par l’aide sociale ;

– obtenir des étrangers qui demandent un visa d’avoir une couverture maladie, soit de leur régime d’appartenance, soit d’une assurance privée agréée par la France, pour la durée du visa. Cette assurance privée devrait couvrir l’ensemble des soins médicaux et pas seulement les soins d’urgence. La garantie minimum devra être élevée pour couvrir les frais d’opération, par exemple plus de 150 000 euros.

*

* *

CHAPITRE II :
UNE BAISSE DES CRÉDITS ET DES EFFECTIFS SUR LE PROGRAMME PRÉVENTION, SÉCURITÉ SANITAIRE
ET OFFRE DE SOINS

Actions

LFI 2015

PAP 2016

Écart 2015/2016

 

AE/CP

AE/CP

 

11 : Pilotage de la politique de santé publique

91,3

91,4

0,1 %

12 : Accès à la santé et éducation à la santé

25,8

24,6

– 4,7 %

13 : Prévention des risques infectieux et des risques liés aux soins

8,0

6,9

– 13,8 %

14 : Prévention des maladies chroniques et qualité de vie des malades

62,7

54,3

– 13,4 %

15 : Prévention des risques liés à l’environnement, au travail et à l’alimentation

18,2

19,2

5,5 %

16 : Réponse aux alertes et gestion des urgences, des situations exceptionnelles et des crises sanitaires

11,6

11,3

– 2,2 %

17 : Qualité, sécurité et gestion des produits de santé et du corps humain

138,6

134,6

– 2,9 %

18 : Projets régionaux de santé

124,2

124,5

0,2 %

19 : Modernisation de l’offre de soin

34,6

34,7

0,3 %

Total

515,0

501,5

– 2,6 %

Source : projet annuel de performances 2016.

Le budget pour 2015 avait procédé à des transferts de compétences et donc de charges au profit de l’assurance maladie, qui avait entraîné une diminution de plus de 25 % des crédits du programme entre 2014 et 2015. Les transferts étaient les suivants :

– l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (ATIH) et le Centre national de gestion (CNG) sont désormais financés par l’assurance maladie (7 millions d’euros de crédits dans le budget 2014), ainsi que la Haute Autorité de santé (HAS) qui représentait un montant de 1,8 million d’euros en 2014. Les transferts ont concerné exclusivement les opérateurs sous la tutelle de la direction générale de l’offre de soins (DGOS), tandis que ceux relevant de la direction générale de la santé (DGS) demeurent au sein de la mission Santé ;

– le financement des formations médicales est également confié à l’assurance maladie. Elles représentaient 139 millions d’euros en 2014.

En 2015, un autre projet visant à maîtriser les dépenses de fonctionnement et à rendre plus cohérent le pilotage des politiques de prévention a vu le jour avec la création de l’Agence nationale de santé publique fusionnant les missions actuellement assurées par l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES), l’Institut de veille sanitaire (InVS) et l’Établissement de préparation et de réponse aux urgence sanitaire (EPRUS).

Le Rapporteur spécial se félicitait dans son rapport spécial pour le budget 2015 de cette mesure de rationalisation qui amène à la fusion de trois établissements à périmètre complémentaire. En effet, l’InVS est en charge de la surveillance de l’état de santé de la population (recueil et traitement des données) et de l’établissement d’une veille sanitaire sur les risques, qui pourront s’allier à la politique de prévention menée par l’INPES. Par ailleurs, les trois établissements jouent un rôle, redondant jusqu’à aujourd’hui, dans le déclenchement des alertes sanitaires et la gestion de situations de crises sanitaires. Ils pourront donc contribuer en fusionnant à rendre cohérente une chaîne d’actions allant de l’identification des risques à la prévention, et de l’alerte sanitaire à la gestion de crise. Cette nouvelle agence pourra également renforcer ses missions de conception et d’évaluation des interventions de santé et améliorer la portée de son action en gagnant en visibilité et en efficacité.

Le projet de loi de finances pour 2016 s’inscrit donc dans une logique globale d’économie des coûts avec une baisse des crédits de 15 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2015. Les opérateurs de la mission sont les premiers impactés par la contrainte qui pèse sur leurs ressources de fonctionnement.

opérateur

LFI 2014

Réalisé 2014

LFI 2015

PLF 2016

Écart 2015/2016

ABM (Agence de biomédecine)

15,1

12,8

14,9

14,1

– 5,4 %

ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé)

123,3

102,4

119,3

116,6

– 2,3 %

Ansès (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) (1)

13,7

13,7

13,6

13,4

– 1,5 %

EHESP (École des hautes études en santé publique)

10,4

10,2

10,0

9,6

– 4,0 %

EPRUS (Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires)

17,3

16,1

10,7

10,6

– 0,9 %

INCa (Institut national du cancer)

55,6

42,1

54,2

47,7

– 12,0 %

INPES (Institut national de prévention et d’éducation pour la santé)/ ADALIS

24,1

21,2

24,0

23,8

– 0,8 %

InVS (Institut de veille sanitaire)

55,5

49,5

54,3

55,6

2,4 %

TOTAL

315,0

268,0

301,0

291,4

– 3,2 %

(1) Cet opérateur relève de la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales.

Source : projet annuel de performances 2015 et 2016.

Cette baisse est inférieure à celle constatée entre la loi de finances initiale pour 2014 et le projet annuel de performances pour 2015, qui s’élevait à 14 millions d’euros (– 4,4 %). Cependant, la trajectoire financière depuis 2014 démontre que l’effort de maîtrise des dépenses des agences sanitaires est bien plus substantiel et s’accroît sur ces deux dernières années. On constate en effet que :

– l’écart entre les crédits prévus en loi de finances pour 2014 et les crédits effectivement consommés est particulièrement important, puisque c’est 47 millions d’euros qui ont été économisés au cours de l’exercice par rapport à la prévision initiale. Cela représente une baisse des subventions de l’ordre 15 % ;

– l’écart entre la loi de finances initiale pour 2014 et le projet de loi de finances pour 2015 s’élève quant à lui à – 7,5 %, obligeant mécaniquement les agences à d’importants efforts de restructuration.

Les agences sanitaires participent donc pleinement à l’effort de redressement des finances publiques, dans un objectif de rationalisation et de maîtrise des dépenses de fonctionnement.

opérateur

2014 (réalisation)

LFI 2015

PLF 2016

écart 2015/2016

ABM (Agence de biomédecine)

263

267

263

– 4

ADALIS (Addiction drogue alcool info service)

39

36

36

 

ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé)

999

989

976

– 13

EHESP (École des hautes études en santé publique)

387

400

396

– 4

EPRUS (Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires)

30

30

30

0

INCa (Institut national du cancer)

161

163

161

– 2

INPES (Institut national de prévention et d’éducation pour la santé)

130

132

132

0

InVS (Institut de veille sanitaire)

408

401

420

19

TOTAL

2 417

2 418

2 414

– 4

Source : projet annuel de performances 2016.

Le projet de loi de finances pour 2016 fait donc apparaitre une réduction de 4 ETPT au total, correspondant en réalité à une baisse de 25 ETPT sous plafond. Cette baisse n’apparaît pas visuellement car l’InVS s’est vu transféré 21 ETPT liés au transfert des effectifs des cellules de l’InVS en région (CIRE), qui relevait jusqu’à aujourd’hui du programme 123 Conduite et soutien des politiques sanitaires de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances.

Cet effort de gestion de la masse salariale s’inscrit comme le corollaire de la baisse des subventions pour charges de service public évoquées précédemment, et connait les mêmes trajectoires. L’écart entre la prévision initiale des effectifs et la réalisation au cours de l’exercice 2014, est, comme celui constaté pour les subventions, particulièrement accentué : à périmètre identique, c’est 39 ETPT qui ont été rendus en cours de gestion. Au total, le nombre d’ETPT sous plafond et hors plafond dédié aux agences sanitaire a diminué de 42 entre les prévisions initiales 2014 et 2016.

Tous les opérateurs ne sont pas touchés selon la même ampleur. Ainsi, la baisse des effectifs est particulièrement importante dans le cas de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) qui perd encore 13 ETPT sous plafond (après une perte de 20 ETP entre 2014 et 2015).

Les pouvoirs publics ont désormais saisi l’importance d’améliorer le pilotage et de renforcer la coordination des différents acteurs chargés de définir les nombreux volets de la politique de santé et de prévention.

L’amélioration du pilotage est plus largement l’un des objectifs transversaux de la politique de santé publique menée par l’État, réaffirmé dans la stratégie nationale de santé qui tient lieu de feuille de route au Gouvernement. Au sein de l’État, la création du comité national de santé publique (CNSP) devait permettre en 2004 de mieux coordonner les actions et les financements des acteurs institutionnels chargés de la mise en œuvre des actions de santé publique. Parallèlement, le Gouvernement a cherché à mieux articuler le travail des différents opérateurs en instituant en 2008 un comité d’animation du système d’agences (CASA) regroupant une douzaine d’opérateurs nationaux (10). L’INPES, l’INCa, la HAS et l’InVS ont par ailleurs conclu des accords-cadres visant à établir ou renforcer leur collaboration dans leurs champs communs de compétences, complétés dans certains cas par des plans annuels d’actions communes.

Le projet de regroupement des agences sanitaires, par nature nombreuses et spécialisées, obéit à une logique encore plus poussée de mise en cohérence et de clarification des politiques publiques. S’ajoute, par ailleurs, une volonté de mutualisation des moyens, bénéfique à la maîtrise des dépenses publiques.

En 2015, la nouvelle Agence nationale de santé publique a vu le jour et regroupe trois agences sanitaires existantes :

– l’Institut national de prévention et d’éducation à la santé (INPES). Cela comprend également le groupement d’intérêt public ADALIS, service d’information, d’orientation et de conseil à distance concernant les addictions (services accessibles par téléphone et internet), dont le financement est intégralement issu d’une subvention versée par l’INPES ;

– l’Institut de veille sanitaire (InVS) ;

– l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS).

 

LFI 2014

LFI 2015

Écart 2014/2015

EPRUS

17,3

10,7

– 38,2 %

INPES

24,1

24

– 0,4 %

InVS

55,5

54,3

– 2,2 %

TOTAL

96,9

89

– 8,2 %

Source : projet annuel de performances 2015.

L’écart entre 2014 et 2015 est en réalité moindre, car les crédits de subvention consommés au cours de l’exercice 2014 sont bien inférieurs aux crédits votés, témoins d’un important effort de gestion en amont de la fusion : 16,1 millions d’euros pour l’EPRUS, 21,2 pour l’INPES et 49,5 pour l’InVS.

Dans le projet de loi de finances pour 2016, la participation à l’effort de maîtrise des dépenses publiques a été limitée à 0,6 % du total des subventions accordées en 2015, ceci afin de tenir compte des surcoûts induits par le regroupement de 585 agents et l’harmonisation des systèmes d’information.

Les gains en personnels à attendre du fait de ce regroupement, se produiront progressivement à partir de l’exercice 2017, notamment par la mutualisation des fonctions support, sans pour autant porter atteinte aux capacités opérationnelles de l’entité.

Le tableau suivant récapitule les subventions et effectifs entrant dans le champ de la nouvelle agence de santé publique :

DONNÉES RELATIVES AUX AGENCES FUSIONNÉES DANS L’ANSP 2015-2016

Subventions (en millions d’euros)

LFI 2015

PAP 2016

EPRUS

10,7

10,6

INPES + Adalis

24

23,8

InVS

54,3

54,05

Total

89

88,44

     

Effectifs sous plafond (en ETPT)

LFI 2015

PAP 2016

EPRUS

30

30

INPES

127

127

ADALIS

36

36

InVS

392

392

(hors transfert des CIRE)

Total

585

585

Source : ministère de la santé.

Il est à noter que, dans le vas de l’EPRUS, la mission de constitution et de gestion des stocks stratégiques de produits de santé est, depuis la création de l’établissement, cofinancée par l'État et les régimes obligatoires d'assurance maladie. En revanche, la réserve sanitaire est exclusivement financée par l'État et par les ressources propres de l'établissement. La subvention versée par l'État était de 18,1 millions d'euros en 2011 contre 10,7 millions d'euros en 2015, tandis que la participation de l'assurance maladie est passée, au cours de cette même période, de 41,2 millions d'euros à 15,3 millions d'euros.

Les agences de santé dans les pays anglo-saxons

L’Agence nationale de santé publique constitue un premier pas vers la construction d’un pôle de référence français en matière de prévention et de santé publique. Ce modèle s’inspire des grandes agences nationales qui existent au Royaume-Uni ou aux États-Unis, ces dernières n’étant cependant pas comparable en termes de taille de structure. Le Center for Deasease Control and Prevention (CDC), fondé en 1946, regroupe plus de 15 000 employés dispersés sur près de 170 sites, et gère un budget de 6,9 milliards de dollars (6,25 milliards d’euros). Il regroupe seize instituts ou bureaux spécialisés dans un domaine de compétence spécifique (prévention, maladies infectieuses, VIH, santé environnementale, maladies congénitales, service de statistiques de la santé, etc.).

Le Public Health England a été créé plus récemment en avril 2013, en regroupant plus de soixante-dix organisations dédiées à la santé publique et à la prévention. Il emploie 5 000 personnes, principalement des scientifiques et des chercheurs. Il possède quinze antennes locales sur le territoire et quatre antennes régionales. Le budget alloué lors de sa mise en place a été de 5,45 milliards de livres (7,63 milliards d’euros) pour les deux premières années 2013 et 2014. Pour 2015 et 2016, les prévisions affichent un budget annuel de près de 2,8 milliards de livres (3,9 milliards d’euros).

Avec un budget cumulé de 88 millions d’euros et des effectifs mutualisés à hauteur de 585 ETPT, la nouvelle agence n’a pas encore la carrure nationale et internationale de ses grandes sœurs anglo-saxonnes. Il s’agit cependant d’une première étape indispensable à la constitution d’une politique cohérente et efficace en faveur de la prévention et de la santé publique.

Selon le ministère, la ligne de force de la future agence est construite autour de l’axe populationnel, ce qui permet de la différencier des autorités chargées des produits (ANSM), des risques (ANSES) ou des pratiques (HAS). L’ambition portée est bien d’être au service des populations sur l’ensemble du champ sanitaire, de la production de connaissance à l’action de prévention ou en réponse à une situation de crise. Il s’agit ainsi de consolider le système national de veille et de surveillance, mais aussi d’inscrire le nouvel établissement dans une dimension régionale et de renforcer ses capacités outre-mer, tout en conservant des perspectives européennes et internationales.

L’expertise collective collégiale et contradictoire, de même que la transparence des avis scientifiques et techniques et le respect de règles d’éthique et de déontologie seront des marqueurs clairs et des gages du sérieux des travaux et recommandations produits par l’ANSP.

Les travaux relatifs à l’organisation interne des services de la nouvelle agence sont en cours, sous l’égide du préfigurateur M. François Bourdillon (directeur général de l’InVS et de l’INPES), et en lien avec l’ensemble des groupes représentant les personnels des trois agences regroupées. Il est prévu que l’établissement soit organisé autour de quatre conseils, qui ne sont pas encore mis en place à ce jour :

– le conseil d’administration : sa composition serait conçue de manière à ce qu’il reste d’une taille raisonnable (trente membres) tout en lui permettant de délibérer sur l’ensemble des missions du nouvel établissement. La mise en œuvre de la démocratie en santé se traduit par la présence en son sein de différentes parties prenantes de la santé publique et de la sécurité sanitaire avec une répartition des voix permettant l’exercice de la tutelle par les représentants de l’État, et en premier lieu ceux du ministère de la Santé. Les exigences de transparence se traduisent notamment par la publication des délibérations du conseil d’administration et de ses procès-verbaux, exceptés les sujets confidentiels qui concernent notamment l’EPRUS ;

– le conseil scientifique : il assiste le président du conseil d’administration et le directeur général. Il veille à la cohérence de la politique scientifique de l’institut. À ce titre, il émet des avis sur la politique scientifique de l’établissement, à la demande du président du conseil d’administration ou du directeur général ou de sa propre initiative. Le conseil scientifique peut, en outre, de sa propre initiative, formuler toute observation ou recommandation dans ses domaines de compétence ;

– le comité d’éthique et de déontologie : c’est l’instance consultative qui veille à ce que les missions de la nouvelle agence soient exercées dans le respect des principes déontologiques et éthiques applicables au domaine de la santé publique et à l’exercice de ses missions ;

– le comité d’orientation et de dialogue : ses missions pourraient être de plusieurs ordres : apporter à l’agence une vision clarifiée des questions de sécurité sanitaire et de santé publique, déterminer les priorités dans les domaines de la veille, de la sécurité sanitaire, de la prévention et de la promotion de la santé, éclairer la nouvelle agence sur la façon dont elle pourrait améliorer ses modalités de communication, notamment en situation de crise sanitaire, mais également dans des perspectives pédagogiques en direction des populations, ou encore débattre du cadre et des modes d’implication des parties prenantes pour ses différentes activités.

Cette fusion de trois opérateurs aux missions complémentaires est une première étape importante, mais qui ne permet pas à elle seule la clarification de la politique de prévention et de santé publique. Les efforts de coordination sont cependant croissants, notamment grâce au comité d’animation du système d’agences (CASA). Il réunit régulièrement les directeurs généraux de ces agences, et offre le cadre nécessaire à la structuration et au pilotage. Ce travail collaboratif et transverse est décliné avec les responsables de la gestion des agences au sein du comité des directeurs généraux adjoints et secrétaires généraux, qui a pour objet de partager et coordonner les sujets administratifs, financiers et relatifs aux fonctions support.

À terme, il serait cohérent que cette structure devienne le fondement d’une fusion plus poussée de l’ensemble des agences qui y participent, jusqu’à la mutualisation des effectifs et des moyens.

Par ailleurs, l’éparpillement des financements entre la sécurité sociale et le budget de l’État nuit fortement à la lisibilité globale des dispositifs ainsi qu’au contrôle de la dépense publique. En effet, la source du financement conditionne également l’administration de tutelle, qui se trouve dédoublée entre la direction de la sécurité sociale et la direction de la santé.

Le Rapporteur spécial recommande donc de poursuivre les réflexions en faveur d’un projet ambitieux de fusion et de mutualisation de l’ensemble des agences sanitaires, sous la houlette d’une tutelle identifiée et unifiée.

À plus court terme, il est indispensable que le ministère chargé de la santé, associé aux services du ministère des finances, puisse produire un document unique regroupant l’ensemble des informations concernant les agences sanitaires et plus largement les actions de prévention : les sources et les évolutions du financement, l’évolution des effectifs, les objectifs pluriannuels contractualisés et, enfin, les impacts des évolutions législatives sur ces opérateurs.

Ce document pourrait prendre la forme d’un nouveau « jaune » budgétaire annexé à la loi de finances.

La direction générale de la santé (DGS) a développé, depuis 2008, le concept de « système d’agences » pour asseoir un déploiement coordonné de la politique publique de prévention et de sécurité sanitaire dont elle a la responsabilité, et dont les missions opérationnelles sont confiées aux agences sanitaires nationales. Le CASA, mentionné précédemment, en constitue la pierre angulaire en gestion.

Parallèlement, le projet pour la mise en place dès le 1er janvier 2016 de la gestion budgétaire et comptable publique (GBCP) a été lancé en application du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012. La conjonction de plusieurs impératifs a créé une opportunité pour proposer aux agences sanitaires de travailler ensemble sur un nouveau système d’information financier commun :

− d’une part, la fusion de trois établissements, l’EPRUS, l’INPES et l’InVS qui induit la nécessité d’un budget, d’une comptabilité et d’un compte financier uniques et donc de disposer d’un système d’information (SI) financier et comptable unique, qui puisse répondre aux besoins de gestion des trois agences réunies au sein de l’Agence nationale de santé publique (ANSP) ;

− d’autre part, des modifications substantielles des règles comptables et financières des établissements publics induites par le décret de 2012 précité. Les agences sanitaires sont ainsi dans l’obligation de revoir leur organisation interne en matière de processus financiers et comptables, dans le cadre d’un nouveau système d’information compatible avec la gestion budgétaire et comptable publique.

En sus des trois agences concernées par la création du nouvel établissement, deux autres agences sanitaires, l’ANSM et l’INCa, ont souhaité rejoindre le projet du système d’information financier unique pour les agences sanitaires, dit « projet SIFAS ».

Il s’agit d’une première démarche concrète de mutualisation d’un outil informatique, adossée à une réforme importante dans le domaine de la gestion des établissements publics. Ce projet s’inscrit dans la stratégie gouvernementale relative à la maîtrise des finances publiques et à la gouvernance des systèmes d’information de l’État et de ses opérateurs (12). Enfin, il constitue un véritable banc d’essai pour les futures opérations de mutualisation par les questions qu’il soulève en matière d’ingénierie administrative (conventionnement inter-agences, règles comptables, groupement d’achats entre opérateurs…) et par les développements qu’il induit dans le pilotage des systèmes d’information communs à plusieurs établissements, à leur niveau comme à celui de la tutelle.

L’action 11, qui représente plus de 18 % des crédits du programme, vise à rationaliser le pilotage des actions de santé publique et à améliorer la coordination entre les différents acteurs. Comme dans le cas des agences sanitaires, cet objectif apparaît aujourd’hui comme une priorité au regard du caractère multiforme de la politique de prévention et de santé.

Les crédits de cette action ont été maintenus entre la loi de finances initiale pour 2015 et le projet de loi de finances pour 2016 (+ 0,1 %), après une hausse de 9,3 % entre 2014 et 2015.

Sur un total de 91,4 millions d’euros, les subventions pour charges de service public représentent 65,3 millions d’euros (71,4 %). Elles sont allouées à l’Institut de veille sanitaire (InVS) pour 55,7 millions d’euros et à l’École des hautes études pour la santé publique (EHESP) pour 9,6 millions d’euros. Les dépenses d’intervention, qui représentent plus de 17 millions d’euros, sont principalement destinées au Collectif inter associatif de la santé (CISS) − l’organe de coordination avec les associations ayant des missions de santé publique – et à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (Oniam).

L’amélioration du pilotage est l’un des objectifs transversaux à la politique de santé publique menée par l’État, réaffirmé dans la stratégie nationale de santé qui tient lieu de feuille de route au Gouvernement. Au sein de l’État, la création du comité national de santé publique (CNSP) devait permettre en 2004 de mieux coordonner les actions et les financements des acteurs institutionnels chargés de la mise en œuvre des actions de santé publique.

Les instances de concertation et de consultation dans le domaine
de la santé publique

Le Rapporteur spécial avait souligné dans son précédent rapport spécial que la politique visant à rationaliser le pilotage, et donc à simplifier les structures, contribue paradoxalement à multiplier les instances de concertation et de consultation. Il existe en effet aujourd’hui :

– la conférence nationale de santé, créée en 1996, qui est un lieu de concertation sur les questions de santé : elle est un organisme consultatif placé auprès du ministre chargé de la santé qui se veut un facilitateur de dialogue, ciblé en partie sur le droit des usagers. Elle est financée dans le cadre de l’action 11 Pilotage de la politique de santé publique ;

– le Haut Conseil de la santé publique, créé en 2004, et qui a permis la fusion entre le Conseil supérieur d’hygiène publique et le Haut Comité de la santé publique. C’est un organe d’expertise mais qui peut être consulté par les ministres intéressés et par les présidents des commissions compétentes du Parlement sur toute question relative à la prévention, à la sécurité sanitaire ou à la performance du système de santé ;

– le comité national de santé publique, créé en 2004 également, qui a une mission de coordination, d’analyse et d’aide à la décision publique ;

– le comité d’animation du système d’agences (CASA) regroupant les onze opérateurs nationaux, évoqué précédemment dans le présent rapport ;

– le comité interministériel pour la santé, créé par le décret du 18 juin 2014, prévu dans la stratégie nationale de santé, afin de promouvoir la prise en compte de la santé dans l’ensemble des politique. Instance de décision relativement novatrice sur le plan international. Il se réunira pour la première fois à l’issue du vote de la loi relative à la politique de santé. Ce dernier contribuera peut-être, grâce à une coordination menée au plus haut niveau, à favoriser les mutualisations des compétences et à créer à ses côtés un pôle d’expertise capable de regrouper l’ensemble des compétences nécessaires à la prise de décision.

Cette action voit ses crédits diminuer de 4,7 %. Ils atteignent 24,6 millions d’euros en 2016, après une baisse de 4 % entre 2014 et 2015. Cette baisse tendancielle est moins marquée, comme l’an passé, sur la subvention pour charges de service public de l’Institut national de prévention et d’éducation à la santé (INPES), qui n’a diminué que de 0,8 %. La baisse d’un million d’euros supplémentaires est saupoudrée sur l’ensemble des actions à destination des populations en difficulté.

Au titre de l’action n° 12, la direction générale de la santé (DGS) soutient des structures associatives intervenant auprès de publics en difficulté ou vulnérables, ou auprès de personnes victimes de violence, pour un montant de près de 865 000 millions d’euros en AE et en CP. On peut citer notamment : l’Union nationale pour l’habitat des jeunes (UNHAJ), Le Mouvement français pour le planning familial (MFPF), La Cimade (aide à l’accès aux droits des personnes étrangères) ou encore Médecins du Monde…

Le soutien aux associations s’inscrit plus globalement dans des plans et programmes induisant des financements variés au sein du budget de l’État, comme par exemple :

– le plan quinquennal 2013-2017 contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale ;

– le 4ème plan interministériel de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes 2014-2016, dont un des objectifs est de consolider la réponse sanitaire ;

– le programme national de médiation sanitaire prévu par le plan quinquennal contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale ;

– la poursuite du programme d’actions sur le sommeil.

En l’absence de financement complémentaire issue du budget de la sécurité sociale, la baisse des crédits de cette action, certes limitée en montant mais constante en volume, peut constituer un risque pour la bonne réalisation des projets essentiels financés par cette action.

Cette action a subi une baisse de plus de 13,8 % de ses crédits par rapport aux crédits votés en loi de finances initiale pour 2015. Cette diminution fait elle-même suite à une baisse de 10 % entre 2014 et 2015, représentant en volume une baisse de plus de 2 millions d’euros sur deux ans.

Cette restriction budgétaire impacte en premier lieu les dépenses d’intervention en faveur de la lutte contre le VIH/Sida et les infections sexuellement transmissible (IST). Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016, il est proposé des crédits à hauteur de 5,1 millions d’euros (en AE et en CP) de crédits d’intervention, soit une baisse de 1 million d’euros par rapport à 2015. Si ces crédits semblent permettre pour le moment de poursuivre les actions déjà engagées dans le cadre du plan national de lutte contre le VIH et les infections sexuellement transmissibles en métropole et dans les départements d’outre-mer, cette baisse ciblée sur une politique prioritaire de prévention alerte le Rapporteur spécial. Il est à noter que l’indicateur de performance relatif à la proportion de découvertes de séropositivité diagnostiquées à un stade-Sida a par ailleurs été supprimé purement et simplement de la maquette budgétaire pour 2016.

Cependant, ce constat doit être nuancé car, bien que l’ensemble des soutiens en faveur de cette politique de santé soit difficilement identifiables, il est avéré qu’elle bénéficie de financements par d’autres biais que ceux de l’action 13. Par exemple, en matière de prévention, l’INPES a, depuis 2013, construit un programme global de santé sexuelle, et adopte une stratégie d’actions en fonction de publics cibles, intégrant davantage la santé reproductive, la prévention du VIH, des infections sexuellement transmissibles et des hépatites et l’éducation à la sexualité, afin de réduire les inégalités sociales et territoriales de santé. En 2014, le budget que l’INPES a consacré à son pôle de santé sexuelle s’est élevé à 15,2 millions d’euros.

Les évolutions de la législation en matière de dépistage du VIH
et des maladies sexuellement transmissibles

Dans le cadre du projet de loi de modernisation de notre système de santé que l’Assemblée nationale examinera en nouvelle lecture au cours du mois de novembre, le ministère a souhaité renforcer les dispositions en faveur du dépistage chez les jeunes. À cet effet, le dispositif de dérogation à l’information et au recueil du consentement parental est élargi des médecins aux sages-femmes et aux actes de prévention et de dépistage pratiqués chez un mineur. Cette dérogation a également vocation à s’appliquer aux infirmiers pour les actes de prévention, de dépistage, traitement s’imposant pour sauvegarder la santé sexuelle et reproductive des mineurs.

L’article 17 bis vise, par ailleurs, à élargir les missions des centres de planification ou d’éducation familiale (CPEF) à la prévention des infections sexuellement transmissibles (IST). Cet article permet de donner la possibilité pour ces centres de réaliser des vaccinations anti papillomavirus humains (HPV) et contre l’hépatite B ainsi que pour mettre à jour l’ensemble des vaccinations recommandées d’un patient.

Parallèlement, l’article 47 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 a prévu la réforme du dispositif du dépistage du VIH (consultations de dépistage anonyme et gratuit – CDAG) et des infections sexuellement transmissibles (centre d’information, de dépistage et de diagnostic des infections sexuellement transmissibles – CIDDIST) par la création d’une structure unique dénommée CeGIDD (centre gratuit d’information, de dépistage et de diagnostic des infections sexuellement transmissibles), à compter du 1er janvier 2016. La création d’une nouvelle structure à partir de la fusion de ces deux types de consultations avec un financement unique par l’assurance maladie répond à l’objectif de simplifier le parcours de dépistage de l’usager, d’accroître l’accessibilité et la qualité de l’offre de prévention et de dépistage, de faciliter le pilotage et le suivi du dispositif par les autorités sanitaires. Les textes d’application de l’article 47 ont été publiés le 2 juillet 2015 pour les deux premiers et le 8 juillet 2015 pour l’instruction interministérielle.

Enfin, sans attendre l’arrivée sur le marché européen d’autotest VIH, la ministre chargée de la santé a souhaité, dès 2012, que la France s’y prépare par des évaluations et en prévoyant un dispositif d’accompagnement des futurs utilisateurs (notamment une aide à distance). À cet effet, la direction générale de la santé a mis en place en juin 2014 un groupe de travail dont l’objectif est de prévoir une aide adéquate aux utilisateurs d’autotests avec le concours de l’INPES, de Sida Info service, de l’Ordre des pharmaciens et des associations. En avril 2015, un premier fabricant a obtenu le marquage « CE » de son autotest sanguin. La commercialisation de cet autotest VIH a débuté dans les pharmacies le 15 septembre 2015.

Il est à indiquer que l’article 7 du projet de loi en cours de discussion prévoit une délivrance alternative des autotests par des structures de santé gratuites (CeGIDD, à partir du 1er janvier 2016), des établissements médico-sociaux (centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques chez les usagers de drogues, centres de soins d’accompagnement et de prévention en addictologie, appartements de coordination thérapeutique) et par des associations habilitées à réaliser des TROD pour toucher les populations précaires qui n’iront pas ou n’auront pas les moyens d’acheter ceux-ci en pharmacie.

Source : ministère de la santé.

Les crédits de cette action sont en baisse de près de 13,4 % par rapport à la loi de finances pour 2015, faisant suite à une diminution de 6 % entre 2014 et 2015. Cela est regrettable au regard de la priorité de santé publique que recouvre ce domaine d’action. En effet, à ce jour, plus de 20 % de la population est atteinte par une ou plusieurs maladies chroniques, les cancers étant devenus la première cause de mortalité en France. Les politiques en faveur de la prévention des maladies chroniques englobent également la maladie d’Alzheimer et d’autres maladies neurodégénératives, les maladies rares, le plan psychiatrie et santé mentale et enfin la lutte contre les pratiques addictives et à risque.

Premier touché, l’Institut national du cancer (INCa) a vu sa subvention pour charges de service public diminuer de 12 % entre la loi de finances pour 2015 et le projet de loi de finances pour 2016 – la baisse de loin la plus substantielle de l’ensemble des opérateurs – et a subi depuis 2014 une diminution de ses crédits de près de 8 millions d’euros (– 14,2 %). Elle s’élève à 47,7 millions et représente près de 88 % des crédits de l’action.

Cependant, comme dans le cas de l’action précédente, les sources de financement de la lutte contre le cancer sont multiples et difficile à appréhender dans leur ensemble. Le troisième plan cancer 2014-2019 présente des objectifs ambitieux, déclinés en dix-sept objectifs, qui se traduisent en deux cent huit actions opérationnelles − dont vingt-quatre actions du programme national de réduction du tabagisme (PNRT) présenté par la ministre en charge de la santé en septembre 2014. Le financement global de ce plan apparaît à la hauteur de ses ambitions. À titre estimatif, le ministère de la santé évalue le montant total des dépenses prévues pour 2016 à 264,3 millions d’euros, émanant à la fois du budget de l’État et de celui de la sécurité sociale, et pour certaines actions partie intégrante du budget d’un opérateur dont le premier d’entre eux est l’INCa.

Les crédits de cette action sont majoritairement destinés aux dépenses de fonctionnement du programme national Nutrition-santé et du plan national Santé-environnement. Les crédits de l’action s’élèvent à 19,2 millions d’euros, dont 69 % (13,3 millions d’euros) de subvention pour charges de service au profit de l’Agence nationale de la sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES).

Cette action est celle qui, proportionnellement, a bénéficié de l’augmentation de crédit la plus élevée (+ 5,5 %) – et cela malgré la légère baisse de 1,5 % de la subvention pour charges de service public de l’ANSES par rapport à 2015.

Deux plans principaux sont mis en œuvre dans le domaine de la nutrition et dans celui de l’environnement auxquels participent les crédits du programme 204 :

– le troisième programme national nutrition santé (PNNS) 2011-2015 d’une part. S’inscrivant dans la ligne de deux premiers programmes, le programme 2011-2015 est orienté autour de quatre axes : réduire par des actions spécifiques les inégalités sociales de santé dans le champ de la nutrition au sein d’actions générales de prévention, développer l’activité physique et sportive (APS) et limiter la sédentarité, organiser le dépistage et la prise en charge du patient en nutrition et diminuer la prévalence de la dénutrition. Le projet de loi relatif à la modernisation de notre système de santé contient par ailleurs des mesure en faveur de l’amélioration de l’information nutritionnelle qui entreront dans le champ du financement ;

– le plan national santé environnement d’autre part. Il a été adopté en conseil des ministres en novembre 2014. Ce plan a donné lieu à concertation avec les collectivités, les associations, les partenaires sociaux et les entreprises réunies au sein du groupe sante environnement (GSE), sous la responsabilité du ministère charge de la santé et du ministère charge de l’écologie en liaison avec les autres départements ministériels concernes (enseignement supérieur et recherche, travail, agriculture, etc.). Ce co-pilotage implique des financements repartis entre tous les acteurs. Au titre de la mission Santé, l’augmentation des crédits de l’action 15 de 1 million d’euros a été intégralement fléchée sur ce volet environnement et santé.

Cette action a subi une légère baisse de ses crédits, de l’ordre de 2,2 %, représentant un volume de 300 000 euros. Elle est celle qui, à périmètre constant, avait subi la plus forte baisse de crédits sur l’ensemble du programme en 2015, à hauteur de 36,3 %. Cette diminution de 6,6 millions d’euros correspondait à la contraction de la subvention pour charges de service public de l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS), suite à la décision de fusion avec INPES et l’InVS.

La subvention de l’opérateur représente près de 94 % des crédits et a été relativement stable par rapport à 2015, considéré comme une année de transition. Elle a diminué 0,9 % entre la loi de finances initiale pour 2015 et le projet de loi de finances pour 2016. Comme dit précédemment, dans le cadre de la création de l’Agence nationale de santé publique, la participation à l’effort de maîtrise des dépenses publiques a été limitée à 0,6 % du total des subventions accordées en 2015, ceci afin de tenir compte des surcoûts induits par le regroupement de 585 agents et l’harmonisation des systèmes d’information.

L’accent sera mis en 2016 sur le renforcement des dispositifs et outils permettant d’améliorer la gestion des situations sanitaires exceptionnelles. Les crédits de fonctionnement courant ont pour objet en particulier le fonctionnement de la plate-forme d’information du grand public sur les sujets des alertes sanitaires d’ordre national (maladie à virus Ebola, canicule, etc.) et la poursuite du développement de l’application SISAC (systèmes d’information sanitaire des alertes et crises).

Cette action rassemble les crédits dédiés aux politiques publiques visant à l’amélioration de la qualité et la sécurité des soins, des pratiques professionnelles, des recherches biomédicales, des produits de santé et des produits du corps humain. Elle regroupe à elle-seule 27 % des crédits du programme, et a diminuée de 2,9 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2015, soit une baisse de 2 millions d’euros.

Au sein des 134,6 millions d’euros de l’action, 130,8 correspondent aux subventions de deux opérateurs : l’Agence de la biomédecine d’une part (14,1 millions d’euros) et l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) d’autre part, qui représente 40 % à elle seule du montant total des subventions pour charges de service public allouées dans le cadre de la mission Santé. Cette dotation représente 116,6 millions d’euros en prévision pour 2016, et accuse une baisse continue de ses crédits qui ont diminués de 11,9 millions d’euros depuis 2013 (soit une baisse de 9,3 %). L’Agence de la biomédecine a vu également sa subvention diminuer de 5,9 %, mais d’un montant plus modeste, cette baisse représente en volume 800 000 euros de subvention en moins.

Au vue de l’importance et de la densité des missions de l’ANSM, le Rapporteur spécial s’alarmait dans son précédent rapport spécial de la baisse des moyens attribués à cette agence : « Il est inconséquent de faire peser une telle économie de coûts sur cette agence qui fait ses preuves en termes d’efficacité et d’efforts de rationalisation dans sa gestion. D’autre part, la sécurité du médicament doit demeurer une priorité sanitaire épargnée par des contraintes budgétaires excessives. Le Rapporteur spécial alerte le Gouvernement sur ce point et l’encourage à renforcer les moyens de l’agence cette année et dans les années à venir, afin de lui permettre de remplir aux mieux ses missions et de monter en puissance » (13).

Force est de constater que la trajectoire choisie par le Gouvernement pour 2016 prolonge la réduction des crédits de cette agence. Elle voit par ailleurs ses effectifs sous plafond et hors plafond réduits de 13 ETPT entre 2015 et 2016, qui succèdent à une diminution de 20 ETPT entre 2014 et 2015.

Comme le démontre le tableau suivant, l’Agence présente un résultat prévisionnel déficitaire de 2,5 millions d’euros en 2015 :

COMPTE DE RÉSULTAT DE L’ANSM- EXERCICE 2015

(en milliers d’euros)

Dépenses

Budget initial 2015

Recettes

Budget initial 2015

Personnel

80 300

Ressources État

115 060

dont SCSP

115 060

Fonctionnement

33 956

dont ressources Fiscales

 

Autres subventions

 

Intervention

14 307

dont Assurance Maladie

 

Ressources propres et autres

10 979

Total des charges

128 563

Total des recettes

126 039

Bénéfice

 

Perte

2 524

Source : ministère de la santé.

Le compte financier pour 2014 présenté dans le rapport annuel de performance affichait quant à lui un résultat déficitaire de 7,5 millions d’euros, contre 2,6 en prévisionnel, et un prélèvement sur fonds de roulement de 11,5 millions d’euros. Le budget initial de l’agence pour 2015 prévoyait un niveau de fonds de roulement de 26 millions d’euros en fin de gestion, ce qui équivaut à 2,2 mois de fonctionnement. Il est rappelé que la norme, pour l’ensemble des agences sanitaires est de un mois de fonctionnement, à moduler en fonction de la structure des trésoreries, des projets d’investissement et des engagements hors bilan.

L’ANSM doit donc faire face depuis deux ans à des mesures drastiques de rationalisation afin de ne pas mettre en péril son équilibre financier. La tendance de plus long terme démontre cependant que, proportionnellement, elle a été moins impactée par la baisse des effectifs que les autres agences.

Jusqu’en 2015, l’ANSM a en effet bénéficié d’un régime particulier. Ainsi, le dernier budget pour 2011 de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS), ancêtre de l’ANSM, comportait un plafond d’emplois de 978 ETP qui a été porté à 1 003 en 2012 (+ 25), dans le cadre du plan de renforcement pour la création de l’ANSM en 2012. Depuis, alors que les plafonds d’emplois des autres opérateurs ont été diminués de – 5,8 % entre la loi de finances initiale pour 2012 et celle de 2016, celui de l’ANSM n’a diminué que de 3,3 %.

Le tableau suivant présente l’évolution des plafonds d’emplois des opérateurs sous la tutelle de la direction générale de la santé :

ÉVOLUTION DES PLAFONDS D’EMPLOIS DES AGENCES SANITAIRES DEPUIS 2012 (EN ETP)

Source : Direction générale de la santé.

L’action 18 intègre l’ensemble des crédits de prévention, promotion de la santé, veille et sécurité sanitaire alloués aux agences régionales de santé (ARS) par l’intermédiaire du Fonds d’intervention régional (FIR). En 2016, les crédits de prévention et de sécurité sanitaire s’élèveront à 124,5 millions d’euros, soit une très légère hausse de 0,2 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2015.

Cependant, la majeure partie du financement du FIR est assurée par les régimes obligatoires de base d’assurance maladie à hauteur de 3,2 milliards d’euros en 2014 dans le cadre d’un sous-objectif de l’ONDAM. Ce financement est enfin complété par une dotation de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) de 86 millions d’euros en 2014.

Après retraitement des budgets 2015 de prévention, de promotion de la santé et de veille et sécurité sanitaire des agences régionales de santé (ARS) pour extraire la part relative au programme 204, le tableau suivant présente la ventilation des crédits 2015 selon la nomenclature des actions budgétaires :

CONCORDANCE DES CRÉDITS ALLOUÉS AUX ARS SUR LE PROGRAMME 204 AVEC LES DIFFÉRENTES ACTIONS DE SANTÉ PUBLIQUE DU PROGRAMME

(en millions d’euros)

Actions de santé publique du programme 204

Montant budgétés par les ARS en 2015 sur le programme 204

Action 11 : Pilotage de la politique de santé publique

21,19

Action 12 : Accès à la santé et éducation à la santé

17,05

Action 13 : Risques infectieux et des risques liés aux soins

36,84

Action 14 : Maladies chroniques et qualité de vie des malades

28,60

Action 15 : Risques liés à l’environnement, au travail et à l’alimentation

9,18

Action 16 : Réponse aux alertes et gestion des urgences

0,43

Total

113,29

Source : ministère de la santé.

Par ailleurs, afin de simplifier la gestion du Fonds d’intervention régional (FIR), tout en renforçant la sécurité du circuit de liquidation de la dépense, le Parlement a voté dans le cadre de l’article 56 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, une mesure qui vise à confier l’entière gestion financière et comptable du FIR aux agences régionales de santé.

Ce nouveau dispositif permet au premier janvier 2016 la création d’un budget annexe au sein des agences, consacré au FIR. Grâce à ce budget annexe, elles assureront la gestion intégrale du circuit de dépenses au titre du FIR – ordonnancement et liquidation – à l’exception des dépenses que les caisses primaires d’assurance maladie payent directement auprès des professionnels de santé qui continueront à être assurés par ces dernières pour des raisons opérationnelles.

Le budget annexe permettra également, contrairement à la gestion antérieure, de suivre spécifiquement en recettes et dépenses les crédits du FIR et de dégager un résultat en fin d’exercice. En cas de non consommation intégrale des crédits, il sera possible de les reporter, dans la limite d’un plafond qui sera défini par voie réglementaire (sous forme de décret simple), sur l’exercice suivant.

Transfert de financement en 2015 à l’assurance maladie

Montant du transfert

Formation médicale initiale

139

CNG (Centre national de gestion)

3,7

ATIH (Agence technique de l’information sur l’hospitalisation)

3,3

HAS (Haute Autorité de santé)

14,8

TOTAL

157,5

Source : ministère de la santé.

Selon le ministère, « l’objectif de ces transferts est de simplifier, rendre plus cohérent et rationaliser le financement de ces dispositifs et opérateurs dont les missions sont essentiellement tournées vers le champ santé qui est lui-même majoritairement financé par l’assurance-maladie » (14).

La cohérence peut s’entendre, puisqu’ont été transférées l’ensemble des opérateurs relevant de la tutelle de la direction générale de l’offre de soin (DGOS), et que sont restés dans le champ de la mission Santé ceux relevant de la direction générale de la santé (DGS). Cette argumentation peut d’autant plus s’entendre concernant la formation médicale et le CNG, ce dernier étant un centre de gestion et non une agence sanitaire au sens stricte.

L’on peut cependant s’interroger sur la pertinence, dans cette configuration, de maintenir dans le giron du budget de l’État les crédits destinés à l’École des hautes études en santé publique (EHESP). Elle est en effet en charge de la formation initiale et continue des professionnels de l’administration hospitalière, dont la carrière sera ensuite gérée par le CNG.

Elle demeure par ailleurs moins convaincante à propos de l’ATIH et de la HAS. À titre d’exemple, il est difficile de saisir en quoi l’agence de traitement de données informatiques qu’est l’ATIH serait plus orientée vers « le champ santé » que des opérateurs tels que l’agence de biomédecine − qui exerce ses missions dans quatre domaines précis, à savoir le prélèvement et la greffe, la procréation, l’embryologie et la génétique humaines.

Par ailleurs, la HAS est intégrée au comité d’animation du système d’agences (CASA) évoqué précédemment, et qui a vocation à faciliter le pilotage global des agences sanitaires. Or, au sein de cet ensemble, seul deux opérateurs ne relevaient pas antérieurement du financement étatique de la mission Santé : l’Établissement français du sang (EFS), qui dépend du ministère de la Santé mais ne bénéficie pas de subvention publique (15), et le cas très particulier de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), sous la double tutelle du ministère de la Défense et de la Santé. Hormis ces deux exceptions, l’ensemble des opérateurs regroupés au sein du CASA relevaient de la mission Santé avant le transfert à la sécurité sociale du financement de la HAS.

Il semble, au regard de ces éléments, que les décisions de transferts ne permettent pas de renforcer l’unité de la gestion, qui se trouve ventilée entre deux directions du ministère de la Santé, et entre le budget de l’État et celui de la sécurité sociale. Cette organisation complique l’appréhension globale du financement et des acteurs de la prévention, malgré les efforts de coordination qui sont mis en œuvre.

Par ailleurs, la logique de débudgétisation progressive des dépenses du programme 204 limite, à l’échelle de la mission, la visibilité de la hausse exponentielle des crédits alloués à l’AME sur le second programme 138.

En dehors de ces postes de dépense, les crédits restants sont principalement destinés à l’agence de santé de Wallis et Futuna, dont le financement relève exclusivement du budget de l’État depuis 2013.

Le manque d’équipement du système hospitalier des îles Wallis et Futuna entraîne une multiplication des évacuations sanitaires vers les établissements hospitaliers de Nouvelle-Calédonie. De ce fait, l’agence de santé a contracté au cours des dix dernières années une dette croissante auprès du centre hospitalier Gaston Bourret de Nouméa, qui se trouve dans une situation financière critique, et de la caisse d’assurance maladie de Nouvelle Calédonie. Celle-ci se chiffre à 21,5 millions d’euros en 2015, et a donné lieu à d’importantes frictions sociales entre les populations kanakes et walisiennes.

Afin d’apaiser ces tensions, le Président de la République et la ministre de l’Outre-mer s’étaient engagés en 2014 à budgéter la somme nécessaire afin d’apurer la dette de l’agence de santé de Wallis et Futuna. C’est l’Agence française de développement (AFD) qui a finalement octroyé un prêt à l’agence de santé, le ministère de la Santé en assurant par ailleurs le remboursement mensuel. Les caractéristiques techniques de ce prêt doivent être finalisées avant la fin de l’année 2015.

Les crédits alloués à l’agence de santé de Wallis et Futuna s’élèvent, dans le projet de loi de finances pour 2016, à 28,5 millions d’euros en AE et 29,8 en CP, contre 28,97 en AE et CP en 2015. Le financement est donc maintenu à un niveau identique, la différence de 1,3 million d’euros entre les autorisations d’engagement et les crédits de paiement correspondant à la première annuité de remboursement du prêt auprès de l’AFD.

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EXAMEN EN COMMISSION

Après l’audition de Mme Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales, de la santé et des droits des femmes (voir le compte rendu de la commission élargie du 2 novembre 2015 à 21 heures (16)), la commission des finances examine les crédits de la mission Santé.

La commission examine l’amendement n° II-447 du Gouvernement.

Monsieur Gilles Carrez, président. Je rappelle que cet amendement a pour objet de majorer les crédits du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante de 3,4 millions d’euros pour permettre d’apurer la situation financière des victimes ayant perçu des indemnités supérieures à celles effectivement dues au terme de la procédure contentieuse.

La commission adopte l’amendement n° II-447 et malgré l’avis défavorable de M. Claude Goasguen, rapporteur spécial, la commission adopte les crédits de la mission Santé modifiés.

Article additionnel après l’article 63 : Apurement de la situation financière des victimes de l’amiante

La commission examine l’amendement n° II-446 du Gouvernement.

Monsieur Gilles Carrez, président. Cet amendement régularise donc la situation financière des victimes de l’amiante en leur accordant la remise des sommes dont elles demeurent redevables.

La commission adopte l’amendement n° II-446 du Gouvernement.

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ANNEXE 1 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES) et l’Institut de la veille sanitaire (InVS) :

– M. François Bourdillon, directeur général de l’INPES

– Mme Mili Spahic, directeur de Cabinet Monsieur,

Direction générale de la santé (DGS) :

– M. Christian Poiret, chef de service ;

– Mme Frédérique Pelletier, cheffe de bureau ;

– M. Louis Lombard, chargé de mission auprès de la cheffe de bureau du budget, de la performance et du contrôle interne budgétaire et comptable ;

– M. Philippe Chiesa, adjoint au sous-directeur à la direction générale de l'offre de soins ;

– M. Robert Touret, chef de bureau à la direction générale de l'offre de soins.

Centre hospitalier de Saint-Denis :

– Mme Yolande Di Natale, directrice générale ;

– M. Guillaume Chesnel, directeur adjoint chargé des affaires financières.

Le Rapporteur spécial est co-rapporteur du rapport de suivi de l’évaluation de l’aide médicale d’État, conduite par le Comité d’évaluation et de contrôle de l’Assemblée nationale, et présenté le mardi 3 novembre 2015. Un grand nombre d’auditions, ainsi que deux déplacements, ayant été menés dans ce cadre, ils ont également contribués à la préparation du présent rapport.

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ANNEXE 2 : SYNTHÈSE DES RÉSULTATS DE L’ÉTUDE DU CABINET VELTYS SOLLICITÉ PAR LE CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-DENIS

Le cabinet Veltys a été mandaté par le CHSD pour réaliser une cartographie de la précarité de sa patientèle et la comparer à celle des autres hôpitaux publics en Ile-de-France.

La cartographie présentée dans ce document a été réalisée en croisant les données de facturation fournies par le CHSD sur les adresses anonymisées de l’ensemble de ses patients depuis 2010, et des données INSEE sur les caractéristiques des IRIS d’Ile-de-France.

L’analyse de la précarité s’appuie sur un ensemble d’indicateurs utilisés par l’INSEE relatifs à la précarité liée aux revenus, à l’emploi et à la dépendance aux aides sociales. Ces indicateurs permettent d’appréhender et de mesurer la précarité d’un territoire dans toutes ses dimensions, et présentent l’intérêt d’être exportable à tous les autres territoires de santé.

Il est ensuite possible de comparer les niveaux de précarité de la « zone de chalandise » réelle du CHSD avec ceux des « zones de chalandise » estimées des autres hôpitaux de proximité d’Ile-de-France.

La méthodologie est présentée dans l’encadré méthodologique et les résultats détaillés sont rassemblés en annexe de ce document.

Cette cartographie de la précarité apporte des éléments objectifs sur les niveaux de précarité auxquels font face les hôpitaux publics d’Ile-de-France. Ces éléments contribuent à la réflexion sur la prise en compte de la précarité.

Ces indicateurs pourraient servir de base à la construction d’une clé d’allocation scientifique et objective de la MIG précarité entre les différents hôpitaux franciliens. Dans cette perspective, les données sur la patientèle des hôpitaux autres que le CHSD sont nécessaires afin de définir la zone de chalandise réelle de chacun, et ne souffrir aucune contestation sur cette objectivation.

Cartographie de la précarité en Île de France et autour du centre hospitalier de Saint-Denis – méthodologie

Cette étude repose sur une approche exhaustive et anonyme de l’ensemble des séjours (hospitalisations et consultations externes) du CHSD depuis 2010 et sur une analyse des indicateurs sociodémographiques de l’INSEE au niveau le plus fin (IRIS, rassemblant une population de 2000 habitants en moyenne).

Géolocalisation des adresses

Il faut tout d’abord géolocaliser les adresses des patients du CHSD (170 000 adresses correspondant à l’ensemble du 1,4 million de séjours au CHSD depuis 2010). Chaque adresse est ensuite reliée, grâce aux données IGN, à son IRIS d’origine.

11 indicateurs de la précarité

La littérature retient trois dimensions de la précarité : l’une liée aux revenus, l’autre à l’emploi, la dernière à la dépendance aux aides sociales. Ces trois dimensions sont capturées par 11 indicateurs issus du dernier recensement de population INSEE (2011, mises à jour 2015) pour lesquels les données sont très complètes. Ils correspondent à ceux utilisés par l’INSEE dans ses études sur la précarité (INSEE Nord Pas de Calais 2011, INSEE Rhône-Alpes 2010, 2008).

Construction de l’indicateur de précarité

Il a ensuite fallu construire un indicateur synthétique de précarité par IRIS. Pour chacun des 11 indicateurs, on calcule le score de chaque IRIS en fonction de sa position relative par rapport au reste de l’Ile-de-France. Par exemple, pour l’indicateur lié au revenu, un IRIS situé dans les 5 % des IRIS les plus pauvres d’Ile-de-France (revenu médian inférieur à 12 400 €) se verra attribuer un score de précarité de +3.

L’indicateur de précarité synthétique est ensuite calculé en agrégeant les scores de chaque IRIS sur les 11 indicateurs (le total sommant à 33 points est rapporté à un score sur 30).

Cette méthode donne le même poids à tous les indicateurs. Elle est robuste à tout changement dans les pondérations accordées aux différents indicateurs.

Comparaison des niveaux de précarité de la zone de chalandise du CHSD et des autres hôpitaux

La zone de chalandise réelle du CHSD est construite à partir de la géolocalisation des adresses des patients du CHSD. Elle est définie comme la zone regroupant 75 % de ses séjours. Elle correspond à un disque d’un rayon de 5 km à vol d’oiseau autour de l’hôpital.

En l’absence de données sur la patientèle des autres hôpitaux, leur zone de chalandise est construite de la même manière, en considérant un rayon de 5 km autour de l’hôpital. Les résultats sont robustes à des variations de la taille estimée de la zone de chalandise : des rayons de 3 km et de 7 km autour des autres hôpitaux ont été testés et conduisent aux mêmes conclusions.

Cette analyse se concentre sur les séjours qui donnent lieu à de la facturation aux payants et aux tiers. Cela représente 270 000 visites (externes et hospitalisation), soit 20 % de l’ensemble des séjours et passages du CHSD depuis 2011.

Ces séjours concernent des populations de patients particulières : les patients non pris en charge par un organisme public ou privé, et les patients dont la prise en charge est partielle. Il s’agit également de séjours particuliers puisque les urgences (UMC hospitalisation, UMC pédiatrie et urgences gynéco-obstétricales) représentent 76 % du montant total facturé aux payants et aux tiers. Il s’agit principalement de consultations externes.

Cette analyse ne prend pas en compte en revanche les patients bénéficiant de l’aide médicale d’État (AME) et des soins urgents et vitaux (SUV) pour lesquels le CHSD mène une politique active et efficace. Ces patients sont couverts à 100 %.

L’analyse des déterminants du non-recouvrement pour le CHSD s’appuie sur des données individuelles anonymisées transmises par le CHSD. Elles concernent notamment le niveau de couverture du patient (SECU et mutuelle, SECU seule, aucune couverture sociale), son âge, et le montant de sa facture.

Le CHSD fait face à une patientèle issue des territoires les plus précaires d’Ile-de-France. Au sein de cette patientèle précaire, le type de couverture sociale et l’âge sont les principaux facteurs du non-recouvrement sont les suivants. En effet, 71 % des 4,50 M€ non recouvrés viennent de séjours dont les patients ne bénéficient d’aucune couverture et/ou ont entre 18 et 34 ans.

Les patients ne bénéficiant d’aucune couverture sociale représentent la moitié du montant non recouvré


Même si les patients non couverts ne concernent que 15 % des factures adressées aux payants et aux tiers (en presque totalité relatives à des consultations externes), ces patients représentent la moitié du montant total qui n’a pas été recouvré par le CHSD entre 2011 et 2013.

Sur les 2,90 M€ facturés aux patients non couverts entre 2011 et 2013, 2,20 M€ soit presque 80 %, n’ont pas été recouvrés.


Les 18-34 ans règlent en moyenne trois fois moins leurs factures que les patients âgés de 65 ans et plus

L’âge du patient est un facteur déterminant de la probabilité de recouvrer une facture. Plus précisément, la part du montant non recouvré est négativement corrélée avec l’âge du patient. En moyenne, les patients âgés entre 18 et 34 ans règlent trois fois moins que les 65 ans et plus.

Au global, sur les 3 M€ facturés aux 18-34 ans entre 2011 et 2013, 2,10 M€ n’ont pas été recouvrés.

Ces caractéristiques peuvent être observées simultanément puisqu’un patient peut être à la fois jeune et sans couverture sociale. Un modèle économétrique a donc été construit pour estimer l’impact « toutes choses égales par ailleurs » de chacun des facteurs. Les résultats sont les suivants.

Par ailleurs, une augmentation du montant de la facture de 100 € diminue de 4 points la probabilité qu’elle soit réglée.

L’analyse « toutes choses égales par ailleurs » : la régression multivariée

La couverture, l’âge et le montant de la facture sont les trois facteurs principaux qui permettent d’expliquer le non-paiement d’une facture. Ces trois facteurs sont souvent observés simultanément ce qui rend impossible la mesure directe de l’effet spécifique de chacun sur la probabilité de payer sa facture.

Pour isoler l’impact de chaque facteur, et réaliser une analyse « toutes choses égales par ailleurs », des méthodes de régression sont mises en œuvre. Elles consistent à estimer le modèle économétrique suivant, où la probabilité pour le patient i de payer sa facture dépend du type de couverture, du montant de la facture, de l’âge, du type de séjour (consultation externe ou hospitalisation), du sexe du patient, et du fait que la facture soit adressée au patient ou à un tiers.

Le but de l’analyse économétrique est d’estimer les coefficients Chacun de ces coefficients permet de mesurer l’impact toutes choses égales par ailleurs de la variable considérée.


Une étude des délais de paiement, portant sur les seules factures ayant été réglées, montre que les mêmes facteurs influent sur la vitesse de règlement. Les jeunes, les patients non couverts, et les patients qui doivent régler une facture d’un montant élevé règlent plus tard que les autres.

L’analyse des délais de paiement montre que les mesures déjà adoptées par le CHSD sont efficaces. On observe trois pics au moment desquels sont concentrés les paiements : un pic à un mois correspondant à la réception de la facture et deux pics à 3 mois et 5 mois correspondant aux relances et avis de poursuite du CHSD et Trésorerie.

On observe par ailleurs qu’il est efficace de relancer les patients qui n’ont pas réglé une précédente facture au moment où ils reviennent à l’hôpital puisqu’ils ont tendance à régler les deux factures en même temps à ce moment-là.

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