N° 4127 tome V - Avis de Mme Béatrice Santais sur le projet de loi de finances pour 2017 (n°4061).



N
° 4127

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 octobre 2016.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
SUR LE PROJET DE
loi de finances pour 2017 (n° 4061)

TOME V

ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT ET MOBILITÉ DURABLES

ÉNERGIE

PAR Mme Béatrice SANTAIS

Députée

——

Voir les numéros : 4061, 4125 (annexe 16).

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 5

PREMIÈRE PARTIE : LES CRÉDITS DÉDIÉS À L’ÉNERGIE DANS LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2017 7

I. PROGRAMME 174 7

A. LA MISE EN œUVRE LA POLITIQUE ÉNERGÉTIQUE DE LA FRANCE (ACTION N° 1) 7

B. LA GESTION ÉCONOMIQUE ET SOCIALE DE L’APRÈS-MINES (ACTION N° 4) 8

C. LA LUTTE CONTRE LE CHANGEMENT CLIMATIQUE (ACTION N° 5) 9

D. ÉVOLUTION DES DÉPENSES FISCALES 9

II. PROGRAMME 345 10

A. LA SOLIDARITÉ AVEC LES ZONES NON INTERCONNECTÉES AU RÉSEAU MÉTROPOLITAIN 11

B. LA PROTECTION DES CONSOMMATEURS EN SITUATION DE PRÉCARITÉ ÉNERGÉTIQUE 12

C. LE SOUTIEN À LA COGÉNÉRATION 13

D. LE MÉDIATEUR DE L’ÉNERGIE 13

SECONDE PARTIE : QUEL AVENIR POUR L’AUTOCONSOMMATION ? 15

I. UN AVENIR PROMETTEUR POUR L’AUTOCONSOMMATION COLLECTIVE 15

A. L’AUTOCONSOMMATION COLLECTIVE AUJOURD’HUI ET DEMAIN 16

1. En France 16

a. Une autoconsommation soutenue, indirectement, par des dispositifs d’aides aux énergies renouvelables (EnR) 17

b. Une autoconsommation provenant majoritairement de grands sites industriels 18

c. Des projets d’autoconsommation collective émergents 19

2. Dans le monde 19

3. Un développement probable de l’autoconsommation individuelle et collective 21

a. Une plus grande demande sociale 21

b. Une réglementation favorable 21

c. Un contexte économique opportun 21

d. Des avancées techniques facilitatrices 21

B. LES ATOUTS POTENTIELS DE L’AUTOCONSOMMATION COLLECTIVE 22

1. Pour les autoconsommateurs 22

2. Pour les réseaux 22

3. Pour la collectivité 24

II. LA NÉCESSITÉ DE RÉGULER POUR ÉVITER LES DÉRIVES 24

A. LES RISQUES LIÉS À UN DÉVELOPPEMENT INCONTRÔLÉ DE L’AUTOCONSOMMATION 24

1. L’apparition de réseaux de distribution « sauvages » dissimulés derrière un point d’alimentation 24

2. Un transfert de charges des autoconsommateurs vers les autres utilisateurs 25

3. Les difficultés engendrées pour le Réseau de transport d’électricité 27

B. UN CADRE LÉGISLATIF ET RÉGLEMENTAIRE NAISSANT 28

1. La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte 28

2. L’ordonnance « autoconsommation » du 27 juillet 2016 28

3. L’appel d’offres « autoconsommation » lancé en août 2016 29

4. Bientôt un cadre européen ? 30

III. POUR LA MISE EN PLACE D’UN CADRE STABLE ET VERTUEUX 30

A. MODIFIER L’ORDONNANCE « AUTOCONSOMMATION » 30

B. COMPLÉTER LE CADRE EXISTANT 32

C. ADAPTER LA TARIFICATION DU TARIF D’UTILISATION DES RÉSEAUX PUBLICS D’ÉLECTRICITÉ (TURPE) 33

1. Les évolutions prévues par le TURPE 5 vont dans le bon sens mais ne sont pas suffisantes 33

2. Un rééquilibrage de la structure des TURPE est nécessaire 33

EXAMEN EN COMMISSION 35

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA RAPPORTEURE 37

INTRODUCTION

La transition énergétique représente un défi considérable en termes de financement, dans un contexte marqué par la crise économique et par des marges de manœuvres budgétaires limitées. Il est toutefois nécessaire de se donner les moyens de réaliser les objectifs ambitieux fixés tant dans l’Accord de Paris, qui entrera en vigueur le 4 novembre 2016, que dans la loi relative à la transition énergétique pour une croissance verte du 17 août 2015.

Les programmes 174 et 345 du Projet de loi de Finances pour 2017 (PLF) font l’objet de la première partie de ce rapport. En traitant, notamment, de la lutte contre la précarité énergétique et de la lutte contre le changement climatique, ces budgets sont au cœur de la réussite de la transition énergétique et des instruments essentiels pour atteindre les objectifs de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Élaborée par le Gouvernement en concertation avec l’ensemble des parties prenantes, la PPE devrait être publiée très prochainement et tracer, pour les horizons 2018 et 2023, les orientations et les actions concrètes pour décarboner et diversifier notre mix énergétique en favorisant la croissance verte.

Les moyens de la politique énergétique étant essentiellement extrabudgétaires, votre rapporteure a souhaité se concentrer sur la question de l’autoconsommation, notamment collective. La seconde partie du rapport s’attache ainsi à mieux comprendre les atouts de l’autoconsommation collective, les obstacles juridiques, techniques ou économiques qu’elle peut rencontrer ainsi que les potentielles dérives qu’elle peut engendrer. Si les prémices d’un cadre légal ont été posées en France en juillet 2016, ce cadre gagnerait à être complété. Il est nécessaire d’anticiper au mieux le développement de l’autoconsommation et ses conséquences afin d’établir, dès aujourd’hui, les bases pérennes et vertueuses qui permettront à l’autoconsommation d’être un véritable atout au service de la transition énergétique.

PREMIÈRE PARTIE :
LES CRÉDITS DÉDIÉS À L’ÉNERGIE DANS LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2017

 

Crédits de paiement (CP) votés en loi de finances initiale pour 2016

Crédits de paiement (CP) prévus dans le PLF 2017

Politique de l’énergie

4,1

4,05

Gestion économique et sociale de l’après-mines

476,3

424,2

Lutte contre le changement climatique

27,9

27,5

Soutien

1,1

1,1

TOTAL

509,6

457

Le budget de fonctionnement prévu au programme est sensiblement équivalent à celui du PLF 2016 (1,1 M € en CP).

Cette action fait l’objet d’un budget de 4,05 M€ (CP) au PLF 2017, en baisse de 1 % par rapport à 2016.

L’essentiel de ces crédits (2,8 M€ CP) est versé à l’Agence nationale de gestion des déchets radioactifs (ANDRA) dans le cadre de l’exercice de ses missions de service public (inventaire national des déchets, collecte des déchets orphelins, décontamination des sites pollués...). Le montant de cette subvention publique est en diminution de 5 % par rapport à la LFI 2016. Toutefois, pour sa plus grande part, le financement des activités de l’Agence est assuré par des contributions versées par les producteurs de déchets radioactifs, en application du principe « pollueur-payeur », que ce soit dans le cadre des rémunérations contractuelles, de la taxe additionnelle à la taxe sur les installations nucléaires de base ou de la contribution finançant les dépenses de conception du projet Cigéo.

Une partie importante des crédits (près de 700 000 € CP) a pour objet de financer les bons de commandes du marché relatif au contrôle de la qualité des carburants en stations-service et au contrôle de la teneur en soufre de certains combustibles liquides en dépôts. La directive 98/70/CE relative à la qualité des carburants impose, en effet, aux États membres de l’Union européenne de mettre en place un système de surveillance de la qualité des carburants. En 2015, 194 échantillons de combustibles et 642 échantillons de carburants ont été prélevés, avec un taux global de non-conformité de 0,03 % pour les carburants, en baisse par rapport à 2014 où il était de 0,11 %. Ces non-conformités ne représentent pas de risque en matière de sécurité.

Une autre partie non négligeable des crédits (217 000 € CP) est consacrée aux frais de fonctionnement du Conseil supérieur de l’énergie (CSE).

157 000 € (CP) ont pour objet de couvrir les dépenses afférentes au fonctionnement des comités locaux d’information et de suivi, et correspondent principalement aux charges de personnel, aux dépenses de communication, aux frais d’études et de recherche, et aux frais de déplacement des membres.

100 000 € (CP) servent à financer le programme interministériel Extraplac initié en 2002 et prolongé, en 2009, jusqu’en 2018 visant à délimiter l’extension du plateau continental. À compter de 2017, les dépenses concerneront principalement la présentation et la défense des dossiers de revendication auprès de la Commission des limites du plateau continental.

Le restant des crédits (20 000 € CP) finance les études réalisées par la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) dans le domaine de l’énergie.

Les dépenses de l’après-mines représentent près de 93 % du montant total du programme 174 : elles s’élèvent à près de 425 M€ (CP), avec plus de 411 M€ consacrés aux ayants droit et 12,9 M€ de frais de fonctionnement. Elles sont en diminution de 10 % par rapport à la LFI 2016.

91 % de ce budget est destiné à l’Agence nationale pour la garantie des droits de mineurs (ANGDM). Les crédits de l’ANGDM ont baissé de 10 % entre la LFI 2016 et le PLF 2017. Cette évolution tient compte, s’agissant des dépenses d’intervention, de la baisse tendancielle du volume des prestations servies par l’Agence, elle-même corrélée à la diminution du nombre des bénéficiaires et, s’agissant des dépenses de fonctionnement, aux objectifs d’économies applicables aux opérateurs de l’État. Au 31 décembre 2015, l’ANGDM gère les droits de 121 454 personnes. Il s’agit d’anciens personnels ou de leurs conjoints, tous régis, par le statut du mineur. Votre rapporteure note, toutefois, que la diminution des dépenses d’intervention n’est pas strictement proportionnelle à la diminution du nombre des bénéficiaires, en raison notamment des revalorisations de prestations et de la politique d’adaptation de certaines prestations, comme celles relatives au logement aux besoins d’une population vieillissante.

La Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines (CANSSM), la Caisse nationale de retraite des industries électriques et gazières (CNIEG), le fonds d’industrialisation des bassins miniers et les mines de potasse d’Alsace (MDPA) sont également concernés, dans une moindre mesure, par le budget de l’action n° 4.

Votre rapporteure note à ce sujet qu’une proposition de loi « portant adaptation du code minier au droit de l’environnement » a été déposée à l’Assemblée nationale en septembre 2016 et renvoyée à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Elle comporte de nombreuses dispositions, certaines rénovant le dispositif national de gestion de l’après-mine.

Le budget de cette action s’élève à 27,5 M€, en diminution de 0,5 M€ par rapport à 2016.

Cette action vise à financer les politiques publiques, à la fois nationales et locales, en faveur de la lutte contre l’effet de serre, de la réduction des polluants atmosphériques et du renforcement de la qualité de l’air.

Votre rapporteure insiste sur la relative importance de la ligne budgétaire de 450 000 € CP qui permet de financer, au niveau national, des travaux contribuant à la mise en œuvre des actions qui seront retenues dans le Plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques (PREPA). Ce plan est prévu à l’article 64 de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) et devrait être adopté au début de l’année 2017.

Le programme 174 compte dix-neuf dépenses fiscales (1) pour un montant total estimé de 3 898 millions d’euros.

ÉVOLUTION DU MONTANT DES DÉPENSES FISCALES DU PROGRAMME 174

(En millions d’euros)

2015

2016

2017

2 621

3 678

3 898

Source : réponses aux questionnaires budgétaires

Votre rapporteur se félicite du maintien du montant du crédit d’impôt pour la transition énergétique entre 2016 et 2017. C’est le dispositif le plus important par son montant : 1 670 millions d’euros, soit près de 43 % du montant des dépenses fiscales du programme en 2017.

La hausse des dépenses fiscales entre 2016 et 2017 s’explique par l’augmentation de 190 millions d’euros des dépenses fiscales en faveur des entreprises soumises au régime des quotas d’émission de gaz à effet de serre ou exerçant une activité considérée comme exposée à un risque important de fuite carbone. Cette augmentation a pour objet de préserver la compétitivité des entreprises grandes consommatrices d’énergie et, pour celles qui relèvent du régime européen d’échange de quotas, d’éviter une double taxation du carbone. Votre rapporteure se félicite de ces mesures qui permettront à certaines entreprises énergo-intensives et soumises à une forte concurrence internationale de pérenniser leur activité en France. Elle note toutefois que le rapport prévu à l’article 162 de la loi sur la transition énergétique évaluant l’intérêt d’adopter des mesures financières de compensation en faveur des entreprises n’a pas été remis au Parlement alors qu’il aurait pu permettre d’éclairer la représentation nationale sur les différentes raisons du bien-fondé de ces mesures.

Les articles 5 et 14 de la loi de finances rectificative pour 2015 ont prévu que les charges de service public de l’électricité et du gaz soient regroupées sous la dénomination de « charges de service public de l’énergie » et soient intégrées au budget de l’État, où elles sont réparties entre :

– un compte d’affectation spéciale (CAS) « Transition énergétique », qui regroupe les charges liées au soutien aux énergies renouvelables (électriques et gaz) et à l’effacement, ainsi que le remboursement aux opérateurs du déficit de compensation de leurs charges de service public de l’électricité accumulé au 31 décembre 2015 ;

– un programme budgétaire « Service public de l’énergie », le programme 345 dans le présent PLF, qui comprend les charges liées à la péréquation tarifaire dans les zones non interconnectées (hors soutien aux EnR dans ces territoires au titre de l’obligation d’achat) ainsi que celles liées au soutien à la cogénération et aux dispositifs sociaux en électricité et en gaz.

CRÉDITS DE PAIEMENT DU PROGRAMME 345

 

Crédits de paiement votés en LFI 2016

Crédits de paiement prévus dans le PLF 2017

Solidarité avec les zones non interconnectées au réseau métropolitain

1 073

1 380

Protection des consommateurs en situation de précarité énergétique

316

497

Soutien à la cogénération

468

566

Compensation carbone

93

Frais de support

94

100

Médiateur de l’énergie

5,7

5,3

TOTAL

2 050

2 548

Source : PLF 2017

Dans le PLF 2017, les crédits destinés à financer le dispositif de « compensation carbone » sont transférés en base au programme 134 et représentent 116,7 M€.

Le périmètre du programme diffère de celui de l’an dernier. Le programme avait été doté, en LFI 2016, des crédits permettant de compenser 79,7 % des charges qui avaient vocation à être financées par la contribution au service public de l’énergie (CSPE) et 75 % des charges qui avaient vocation à être financées par le tarif spécial de solidarité du gaz (CTSSG). À compter de 2017, les crédits du programme 345 permettront de compenser l’intégralité des charges de service public de l’énergie au titre de l’année en cours.

Votre rapporteure note qu’il est donc difficile, en raison de cette évolution de périmètre, de comparer l’évolution des crédits consacrés aux différentes actions du programme.

 

2012

2013

2014

2015

Bénéficiaires des tarifs sociaux (TPN, TSS)

1,2

1,7

2,5

3,2

dont bénéficiaires du TSS

0,46

0,68

0,68

1,07

Source : PLF 2017

Votre rapporteure note toutefois que le nombre de bénéficiaires effectifs des tarifs sociaux reste très inférieur au nombre de ménages éligibles, qui est d’environ 4,5 millions de ménages. Elle souligne également que le niveau de l’aide est très différent entre les ménages chauffés au gaz naturel (qui cumulent TPN et TSS) et les autres (qui bénéficient uniquement du TPN). Le chèque énergie, dont la généralisation est prévue pour le 1er janvier 2018, a vocation à se substituer à ces tarifs sociaux.

10 % de ce budget (soit 57 M€) sont consacrés aux chèques énergie, instaurés en août 2015 par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Cette dépense comprend tant les chèques émis en 2017 (28 M€) que les chèques émis en 2016 (28,7 M€) car, le dispositif n’ayant été finalisé qu’en mai 2016, cette dépense n’a pas pu être budgétisée en LFI 2016. Le dispositif est mis en œuvre progressivement dans le cadre d’une expérimentation sur les départements de l’Ardèche, de l’Aveyron, des Côtes-d’Armor et du
Pas-de-Calais. 173 000 chèques énergie avaient ainsi été distribués fin mai 2016 dans ces quatre départements.

Le restant du budget sert à financer l’équipement des consommateurs précaires en afficheurs déportés et à prendre en charge une partie de la contribution aux fonds de solidarité logement de certains opérateurs.

Cette action assure la compensation des coûts supportés par les acteurs obligés (EDF et entreprises locales de distribution) dans le cadre de la mise en œuvre des dispositifs de soutien à la cogénération au gaz naturel, tels que les contrats d’obligation d’achat ou de complément de rémunération et le soutien transitoire pour les cogénérations au gaz naturel de plus de 12 MW.

Près de 90 % de ce budget servent à soutenir les installations de cogénération de moins de 12 MW. Au 1er janvier 2016, ce parc s’élevait à 561 installations, pour une puissance totale de 1903 MW et une production électrique totale de 5,4 TWh au cours de l’hiver 2015-2016. En application des nouvelles dispositions introduites par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, le dispositif de soutien à la cogénération à haut rendement prend désormais la forme suivante :

– les installations de moins de 300 kW pourront bénéficier du dispositif de l’obligation d’achat ;

– les installations de moins d’1 MW pourront bénéficier du dispositif du complément de rémunération.

Quant au reste du budget, il sert à mettre en place un soutien transitoire aux installations de cogénération de plus de 12 MW. Il prendra la forme de deux appels d’offres intégrant la transition des installations de cogénération au gaz naturel vers la biomasse et le biogaz.

Le budget du Médiateur de l’énergie a été incorporé en 2016 au budget général de l’État au sein de la mission du ministère chargé de l’énergie. Son budget transitait jusque-là par la Caisse des dépôts et consignations après avoir été fixé par arrêté interministériel.

Votre rapporteure constate favorablement le maintien du montant du budget à 5,7 M€ en 2017, montant équivalent à celui de 2016. La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte a considérablement renforcé les prérogatives du Médiateur national de l’énergie en étendant ses compétences à toutes les énergies domestiques et non plus seulement à celles de l’électricité et du gaz naturel. Il est probable que les consommateurs utilisent de plus en plus de cette nouvelle possibilité de saisine et que l’activité du médiateur s’en trouve accrue en 2017.

SECONDE PARTIE :
QUEL AVENIR POUR L’AUTOCONSOMMATION ?

L’autoconsommation est le fait pour un producteur de consommer lui-même tout ou partie de l’électricité produite par son installation. L’opération d’autoconsommation peut être individuelle ou collective lorsque la fourniture d’électricité est effectuée entre un ou plusieurs producteurs et un ou plusieurs consommateurs finals. L’autoconsommation est pratiquée depuis de nombreuses années dans l’industrie : c’est le cas de la métallurgie dans les sites alpins souvent approvisionnés en hydroélectricité ou encore de l’industrie papetière alimentés par des systèmes de cogénération.

L’autoconsommation peut concerner, l’approvisionnement de logements individuels et collectifs ou de bâtiments à vocation économique.

Ce sujet est rarement abordé. Pour preuve, il n’y avait jusqu’en juillet 2016 aucun cadre légal spécifique à l’autoconsommation. Il est vrai que l’autoconsommation n’est pas très courante en France par rapport à d’autres pays européens. Toutefois, votre rapporteure est convaincue que le modèle de l’autoconsommation, notamment collective, sera amené à se développer dans les années à venir. Cette évolution majeure du monde de l’énergie s’explique tant par l’évolution du contexte économique et technologique que par une forte attente sociétale.

Les changements engendrés par un accroissement de l’autoconsommation peuvent être majeurs. Il s’agit d’une nouvelle activité qui risque de modifier sensiblement les interactions entre les acteurs du système énergétique et dont les implications, en particulier pour le système électrique, restent encore partiellement méconnues.

Il est donc proposé d’établir dès aujourd’hui un cadre pérenne, stable et vertueux qui permette le développement de l’autoconsommation, notamment collective, prévenant les potentiels risques et dérives. L’autoconsommation, au cœur de ce qu’il est possible d’appeler une double révolution numérique et énergétique, est à même d’accompagner la transition énergétique et de contribuer à accroître la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique.

L’autoconsommation est autorisée en France. Elle peut provenir de toutes les technologies renouvelables (solaire, petite-hydraulique, éolien...) mais le développement de nouvelles capacités en autoconsommation se fait aujourd’hui essentiellement à partir du photovoltaïque.

L’autoconsommateur peut faire le choix de consommer tout ce qu’il produit (autoconsommation totale) ou bien celui d’injecter l’électricité non consommée sur le réseau (autoconsommation avec injection de surplus). Il peut consommer l’énergie qu’il produit mais ne pas produire suffisamment pour couvrir la totalité de ses besoins. Son autoconsommation se fait donc en complément du réseau électrique auquel il est raccordé.

En cas d’autoconsommation avec injection de surplus, l’autoconsommateur peut vendre au réseau le surplus produit. Cela demande un raccordement au réseau, une obligation de déclaration à Enedis, une convention d’exploitation, la mise en place d’un compteur d’énergie injectée et la visite du Comité national pour la sécurité des usagers de l’électricité (Consuel) pour valider la conformité électrique de l’installation.

AUTOCONSOMMATION AVEC INJECTION DE SURPLUS

Il n’existe pas d’aide directe à l’autoconsommation. Il y a deux types d’aides indirectes à l’autoconsommation :

– des aides à la réalisation et l’exploitation d’installations de production d’énergies renouvelables (EnR). Pour le photovoltaïque, deux appels d’offres tri annuels portant sur la période 2016-2018 ont été lancés pendant l’été 2016 ;

– des tarifs d’obligation d’achat ou des compléments de rémunération.

Dans le cas du tarif d’achat, les installations d’autoconsommation bénéficient de l’obligation d’achat, par EDF ou les distributeurs non nationalisés, de l’électricité qu’elles produisent. Depuis mi-2016, le cadre de soutien aux énergies renouvelables a été réformé. La loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte a mis en place le complément de rémunération, qui vient se substituer aux tarifs d’achat pour la plupart des installations (2).

Dans le cas du complément de rémunération, les autoconsommateurs se voient verser mensuellement une prime constituée de la différence entre un tarif de référence (équivalent au tarif d’obligation d’achat) et un prix moyen de valorisation de l’électricité produite par la filière considérée. Cette prime permet aux autoconsommateurs de réaliser les investissements nécessaires à la production d’électricité renouvelable et de les protéger contre une baisse du prix de l’électricité.

   

2011

2012

2013

2014

Puissance des installations en autoproduction (en MW)

8046

9046

8401

8234

Part de l’autoproduction d’électricité (en %)

dans la production totale nette d’électricité

2,8

3,9

3,3

3,3

dans la consommation totale d’électricité

3,4

4,6

4,0

4,2

Source : service de l’observation et des statistiques (SOeS) du ministère de l’environnement, de l’énergie et de la mer (les données 2015 en cours de consolidation)

Si la part de l’autoconsommation ou de l’autoproduction dans la consommation française a jusqu’alors relativement peu évolué, l’autoconsommation résidentielle et tertiaire se développe depuis 2014. L’évolution des demandes d’injection en surplus constatées par Enedis en est la preuve.

UNE AUGMENTATION DES DEMANDES D’INJECTION EN SURPLUS

 

Demandes de raccordement

Mise en service (MES)

Nombre total de demandes

Demandes d’injection en surplus (en %)

Nombre total de MES

MES d’injection en surplus (en %)

2014

28 938

3,7 %

22 768

2,6 %

2015

20 881

17,4 %

14 250

12,2 %

1/01/16 au 9/09/16

13 321

37,1 %

9 701

27,3 %

Source : ENEDIS

Les demandes de raccordement et de mises en services d’installations en injection de surplus ont fortement augmenté ces dernières années. En termes de puissance, les installations en surplus situées sur le réseau basse tension représentent environ 18 MW, l’essentiel ayant été raccordé après 2014. Enedis dénombre également environ 9 MW d’installations en autoconsommation totale, dont près de 3 MW ont été installés depuis le début de l’année 2016.

L’exemple du projet RennesGrid®

L’objet principal de RennesGrid® est d’organiser l’autoconsommation collective d’un ensemble de centrales de production photovoltaïque couplées à des dispositifs de stockage stationnaire.

La production électrique renouvelable sera issue majoritairement d’une centrale photovoltaïque au sol grâce à la mise à disposition par Rennes Métropole d’une parcelle de 3 hectares pendant une durée de 20 ans minimum. Cette production sera complétée par celle de centrales en toiture et en ombrières de parking. L’ensemble des productions sera injecté dans le réseau public de distribution d’électricité avec la volonté de faire coïncider les flux physiques avec les flux commerciaux pour les clients et occupants de la zone commerciale de Ker Lann. Ces clients sont des écoles, des entreprises, des gestionnaires de bâtiments d’hébergement, des résidences collectives et individuelles.

Part de l’autoproduction d’électricité dans la consommation totale d’électricité en 2014 (en %)

France

4,2

Allemagne

8,0

Italie

5,2

Espagne

13,2

Royaume-Uni

12,9

Source : Eurostat et AIE-OCDE

L’Agence internationale de l’énergie (AIE) a comparé les pratiques d’autoconsommation dans une vingtaine de pays (3). Si en France, les aides versées à l’autoproducteur ne diffèrent pas de celles versées à tout producteur d’EnR, un certain nombre de pays ont déjà commencé à mettre en œuvre un cadre légal spécifiquement consacré à l’autoconsommation.

De nombreux pays ont choisi le régime du net-metering. Dans ce système, à chaque fin de période de facturation, il est fait un bilan de la production et de la consommation du site. Si la consommation est supérieure à la production injectée, le consommateur paie les kWh supplémentaires consommés. Dans le cas contraire, le consommateur reçoit un crédit pour chaque kWh qu’il produit en sus de sa consommation propre et qu’il injecte dans le réseau.

Quelques pays ont fait le choix du net-billing. Contrairement au net-metering, ce système considère que l’électricité produite et l’électricité consommée n’ont pas le même prix, la première ayant un prix inférieur à la seconde.

Les pratiques diffèrent également très fortement en matière d’autoconsommation collective. Si dans certains pays, comme en Allemagne, la loi facilite l’autoconsommation collective, cette dernière n’est pas permise partout. Elle est interdite en Espagne, par exemple.

La Commission européenne a publié en juillet 2015 un document sur les meilleures pratiques en Europe en termes d’autoconsommation (4). Elle conclut à la diversité des approches selon les États mais également à un avenir prometteur pour ce type de valorisation de l’électricité produite de façon décentralisée.

Comme le souligne le rapport du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie (5), le fait de produire sa propre énergie, notamment à l’échelle d’un îlot urbain, peut être perçu positivement pour des raisons d’indépendance et de contribution citoyenne et ce, même en l’absence de valeur économique pour l’autoconsommateur.

La baisse du prix des équipements, en particulier la baisse du prix des panneaux photovoltaïques, facilitera également le choix de l’autoconsommation. D’après le syndicat des énergies renouvelables, auditionné par votre rapporteure, le prix des panneaux photovoltaïques a enregistré une baisse de 80 % entre 2009 et 2015 (6). La baisse des coûts devrait se poursuivre. Votre rapporteure souligne toutefois que, aujourd’hui, le choix de l’autoconsommation reste relativement coûteux et nécessite d’être encouragé.

La hausse de la facture d’électricité, notamment des tarifs réglementés de vente, peut également contribuer au choix des consommateurs en faveur de l’autoproduction.

Le déploiement du compteur communicant Linky permettra de lever un frein important au développement de l’autoconsommation car Linky peut compter les kWh qu’ils soient soutirés du réseau ou injectés, ce qui évite aux autoconsommateurs le surinvestissement que représente l’installation d’un second compteur. Enedis s’est d’ailleurs engagé à anticiper le déploiement du compteur dès le début de l’année 2017 chez les autoconsommateurs.

D’autres outils se développent également et seront à même de faciliter l’autoconsommation dans quelques années. C’est le cas des algorithmes permettant d’optimiser la consommation afin qu’elle utilise le plus possible la production personnelle. C’est également le cas des solutions de comptage performantes permettant une mesure extrêmement fine des variations de consommation par appareil électrique. Certains capteurs intelligents peuvent d’ores et déjà inventorier la consommation électrique des différents appareils à l’aide d’un algorithme de désagrégation.

Les autoconsommateurs ont moins besoin du réseau, ce qui peut les amener à réduire leur puissance maximale souscrite. Les réseaux étant dimensionnés par les contraintes de soutirage et d’injection, cela peut alors permettre de diminuer considérablement les besoins de renforcement du réseau électrique.

Toutefois, les autoconsommateurs ont toujours besoin du réseau pour compléter leurs besoins en énergie, notamment à certains moments de la journée ou à certaines périodes de l’année. La réduction des coûts de réseau n’est pas automatique. Elle n’a lieu que si l’autoconsommateur réduit sa puissance maximale souscrite c’est-à-dire si la production et la consommation sont relativement synchrones. La production doit être garantie aux périodes de pointe de soutirage et la consommation doit l’être aux périodes de pointe d’injection.

Votre rapporteure note, de ce point de vue, que l’autoconsommation collective dans les secteurs industriel et tertiaire est particulièrement utile. Ces secteurs se caractérisent généralement par une bonne synchronisation de leurs profils de consommation et de production.


PROFILS D’AUTOCONSOMMATION RÉSIDENTIELS ET TERTIAIRES

Les bénéfices de l’autoconsommation sur les réseaux pourront être renforcés grâce au développement du stockage. Votre rapporteure souligne l’importance du stockage pour l’autoconsommation. Il permet, en effet, de consommer l’énergie produite à un moment distinct de celui de la production et crée une moindre dépendance envers le réseau.

L’autoconsommation, qu’elle soit individuelle ou collective, facilite l’intégration des énergies renouvelables décentralisées en favorisant leur développement à proximité de foyers de consommation. Votre rapporteure rappelle qu’il s’agit bien, au sein de l’autoconsommation, de développer l’autoconsommation d’EnR.

L’autoconsommation permet une plus grande efficacité énergétique car, en général, l’installation du dispositif d’autoconsommation fait partie d’une opération plus large comprenant, par exemple, la rénovation thermique du logement ou du bâtiment. L’installation d’équipements d’autoproduction et de comptage sensibilise à la nécessaire maîtrise des consommations en électricité et favorise une plus grande sobriété énergétique.

L’autoconsommation collective permet d’exploiter au mieux le potentiel d’EnR et d’éviter le sous-dimensionnement des installations qui peut advenir lors d’opérations d’autoconsommation individuelles.

L’autoconsommation collective est un dispositif ancré localement dont la mise en œuvre nécessite de réfléchir aux optimisations énergétiques sur le territoire. Elle permet d’améliorer l’acceptabilité des projets de production d’énergie renouvelable et de renforcer la prise de conscience des citoyens quant à la nécessité de maîtriser la consommation d’énergie.

L’existence de réseaux privés est une réalité mais elle doit être encadrée afin que les acteurs qui gèrent ces réseaux soient soumis aux mêmes droits et obligations que les gestionnaires publics de réseau. Actuellement, le réseau public de distribution est exploité par la société Enedis sur 95 % du territoire et par les entreprises locales de distribution dans leur zone de desserte exclusive sur les 5 % du territoire restant.

Sans régulation, l’aménageur ou le gestionnaire du réseau fermé s’approprie une partie de ce que la législation française considère comme un bien public tout en se dispensant de la réglementation technique relative aux réseaux de distribution. L’absence de régulation peut également être source d’accident en cas d’intervention d’agents sur le réseau qui ne connaissent pas la présence de sources de production locale.

Une ordonnance, actuellement en projet, élaboré en application de l’article 167 de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, devrait venir compléter le code de l’énergie pour permettre le développement des réseaux fermés. Votre rapporteure insiste sur l’importance de cette ordonnance pour éviter un certain nombre de dérives liées à l’autoconsommation collective. Comme le recommande la Commission de régulation de l’énergie (CRE) (7), le projet d’article L. 344-1 du code de l’énergie gagnerait à être modifié pour disposer que les installations de production et de stockage peuvent être raccordées à un réseau fermé de distribution.

Le tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE)

La CRE est compétente en matière de détermination des TURPE. Ils doivent être calculés de manière à couvrir l’ensemble des coûts supportés par les gestionnaires de réseau dans la mesure où ces coûts correspondent à ceux d’un gestionnaire de réseau efficace.

Les TURPE actuels, dits « TURPE 4 HTB » pour le réseau de transport et « TURPE 4 HTA/BT » pour les réseaux de distribution, sont entrés en vigueur respectivement le 1er août 2013 et le 1er janvier 2014 pour une durée d’application d’environ 4 ans. La CRE prévoit une entrée en vigueur conjointe des TURPE 5 HTB et TURPE 5 HTA/BT au 1er août 2017.

La répartition des coûts de réseau entre les utilisateurs dépend non seulement de l’énergie totale consommée (part énergie du TURPE, actuellement de 80 %) mais également des moments où cette consommation a lieu puisque le dimensionnement des réseaux est fondé sur les pointes de puissances appelées (la part puissance du TURPE est actuellement de 20 %).

L’autoconsommateur bénéficie également d’une composition du tarif d’acheminement qui lui est favorable. Il ne paie pas, pendant les périodes d’autoconsommation, la part prépondérante du TURPE qui est fonction de la quantité d’énergie soutirée au réseau. Il ne paie que la part, beaucoup moins importante, qui est fonction de la puissance souscrite. L’autoconsommateur contribue ainsi peu à la compensation des coûts de réseau alors même qu’il souscrit souvent la même puissance que les consommateurs classiques pour utiliser le réseau et que les coûts de réseau dépendent grandement de cette puissance.

L’autoconsommateur est, enfin, exonéré du paiement de certaines taxes et contributions assises sur les kWh consommés. L’article 266 quinquies C du code des douanes prévoit ainsi une exonération de CSPE en faveur de l’électricité autoconsommée par des petits producteurs d’électricité, définis comme les producteurs dont la production annuelle n’excède pas 240 GWh par site de production. Cette exonération du financement du système électrique réduit de facto l’assiette de collecte des taxes et se répercute sur les autres utilisateurs du réseau.

Ces transferts de charges pourraient devenir significatifs en cas de développement important de l’autoconsommation.

Votre rapporteure note que les conséquences du développement de l’autoconsommation sur le Réseau de transport d’électricité (RTE) sont peu abordées. Pourtant, un développement important de l’autoconsommation pourrait se traduire par des flux induits non négligeables sur le réseau de transport. L’autoproduction pendant une période où la consommation n’est pas très soutenue peut conduire à ce que l’énergie excédentaire issue des réseaux de distribution soit évacuée sur le réseau de transport, qui doit alors être en mesure de l’absorber.

Ce risque est d’autant plus fort que les refoulements de production d’électricité des réseaux d’Enedis vers le réseau de RTE existent d’ores et déjà. À l’échelle nationale en 2015, 25 % des postes sources ont été injecteurs sur le réseau de transport au moins une fois dans l’année. Sur les huit premiers mois de l’année 2016, les refoulements de production d’électricité des réseaux d’Enedis vers le réseau de RTE ont augmenté de 16 % par rapport à la même période en 2015.

La loi n° 2015-992 du 17 août 2015 encourage le développement de l’autoconsommation dans trois de ses articles.

L’article 2 de la loi précise que les politiques publiques « soutiennent l’autoconsommation d’électricité ».

L’article 119 habilite le Gouvernement à définir le régime juridique de l’autoproduction et de l’autoconsommation par une ordonnance « comportant notamment la définition du régime de l’autoproduction et de l’autoconsommation, les conditions d’assujettissement de ces installations au tarif d’utilisation des réseaux publics de distribution d’électricité et le recours à des expérimentations. »

L’article 199 autorise, pour une durée de quatre ans renouvelable une fois, les établissements publics et des collectivités territoriales à s’associer à des tiers, producteurs ou consommateurs d’électricité et de gaz naturel, afin de proposer à un gestionnaire de réseaux de distribution d’électricité un service de flexibilité locale. L’autoconsommation collective peut participer de ce mécanisme de flexibilité locale.

L’ordonnance n° 2016-1019 du 27 juillet 2016 relative à l’autoconsommation d’électricité, prise en application de l’article 119 de la loi relative à la transition énergétique, fixe le cadre existant de l’autoconsommation.

L’ordonnance définit l’opération d’autoconsommation comme le fait pour un producteur, dit autoproducteur, de consommer lui-même tout ou partie de l’électricité produite par son installation.

Elle rend possible les opérations d’autoconsommation collective qui ne faisaient jusqu’alors l’objet d’aucune définition juridique. L’opération d’autoconsommation est collective lorsque la fourniture d’électricité est effectuée entre un ou plusieurs producteurs et un ou plusieurs consommateurs finals liés entre eux au sein d’une personne morale et dont les points de soutirage et d’injection sont situés sur une même antenne basse tension du réseau public de distribution.

Elle prévoit un micro-TURPE pour les installations de moins de 100 kW.

Elle permet aux installations d’une puissance installée maximale fixée par décret de déroger à l’obligation de conclure un contrat de vente avec un tiers pour le surplus d’électricité non consommée. Le rapport au Président de la République indique qu’« il est envisagé que ce plafond soit fixé à environ 3 kilowatts, ce qui correspond à une installation d’autoconsommation domestique ».

En termes de droit d’accès au réseau public, l’ordonnance établit que le gestionnaire de réseau met en place « des conditions transparentes et non discriminatoires » pour la réalisation des opérations d’autoconsommation. Le gestionnaire du réseau public de distribution doit être informé des opérations d’autoconsommation. En cas d’autoconsommation collective, la personne morale qui assure le lien entre producteurs et consommateurs finals doit indiquer au gestionnaire de réseau de distribution la répartition de la production autoconsommée.

Cet appel d’offres porte sur des installations de 100 à 500 kW et toutes les énergies renouvelables sont admises. Le volume alloué est de 40 MW (soit 100 à 400 projets lauréats). Un lot de 10 MW réservés pour la Corse et l’outre-mer est en préparation.

Les opérations d’autoconsommation collective sont également éligibles, sous réserve que les consommateurs associés soient situés sur le même site de consommation.

Les lauréats pourront consommer eux-mêmes l’électricité qu’ils produisent ou la valoriser auprès de tiers et recevront un soutien sous forme de prime pour les kilowattheures injectés et autoconsommés. La rémunération est construite de façon telle qu’elle favorise l’autoconsommation plutôt que l’injection sur le réseau. Ceci permettra aux porteurs de projets de valoriser des solutions de stockage ou de pilotage intelligent de la demande.

Dans le cadre de l’appel d’offres qui sera lancé dans les zones non interconnectées, le soutien sera attribué sous la forme d’un tarif d’achat pour la part de l’électricité injectée sur le réseau et sous la forme d’une prime à l’autoconsommation pour la part de l’électricité autoconsommée.

Dans une résolution adoptée le 23 juin 2016 sur le « rapport d’étape relatif aux énergies renouvelables » (8) de la Commission européenne, le Parlement européen affirme que l’autoproduction et l’autoconsommation sont des droits de base et que la prochaine révision de la directive sur les énergies renouvelables devra encourager les investissements dans ce domaine. Cette révision devrait intervenir avant la fin de l’année 2016.

Les prémices d’un cadre réglementant l’autoconsommation sont bien là. Elles méritent désormais d’être légèrement modifiées et complétées. La mise en place d’un cadre légal pérenne et vertueux doit répondre à certaines conditions.

Les acteurs de terrain doivent avoir assez de visibilité et de stabilité pour réaliser les investissements nécessaires et développer au mieux le potentiel prometteur de l’autoconsommation. Il ne faut pas reproduire l’erreur de mauvaise anticipation qui avait conduit, en 2010 (9), à modifier en profondeur la politique de soutien au photovoltaïque. Votre rapporteure insiste sur l’importance d’établir dès aujourd’hui un cadre de développement pérenne pour l’autoconsommation.

Le cadre légal de l’autoconsommation doit également être le plus simple possible pour ne pas décourager les clients de recourir à l’autoconsommation et pour ne pas engendrer des comportements de contournements des règles.

Le Gouvernement a décidé d’engager la procédure accélérée pour l’examen du projet de loi de ratification de l’ordonnance n° 2016-1019 précitée (10). Ce dernier a été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 12 octobre 2016.

Votre rapporteure estime que l’examen de ce projet de loi est l’occasion d’introduire un certain nombre de modifications de l’ordonnance. Certains acteurs, auditionnés par votre rapporteure, ont pu considérer que l’ordonnance du 27 juillet 2016 avait été prise trop rapidement.

Certaines modifications concernent l’autoconsommation individuelle. Par exemple, alors que le projet d’ordonnance se référait à la notion de « site » qui permet de maintenir une proximité géographique entre production et consommation, le texte de l’ordonnance promulguée ne reprend pas cette notion. Comme le souligne l’Union française de l’électricité (UFE) auditionnée par votre rapporteure, cette absence de référence à un site ouvre, notamment, la possibilité à une personne ayant un appartement à Paris et une maison de vacances à Marseille sur le toit de laquelle il a installé des panneaux photovoltaïques, de bénéficier sur sa facture au point de livraison parisien des avantages de sa production provençale.

Votre rapporteure souhaite concentrer son intervention sur les modifications de l’ordonnance nécessaires à un développement équilibré de l’autoconsommation collective. Certaines de ces modifications reprennent des recommandations exprimées par la Commission de régulation de l’énergie (11), qui n’ont pas été suivies par les auteurs de l’ordonnance.

Votre rapporteure estime, tout d’abord, que la définition de l’opération collective d’autoconsommation en fonction d’une « fourniture » d’électricité n’est pas adéquate. Le régime juridique de la fourniture d’électricité est précisé aux articles L.333-1 à L.333-4. Or, ces articles comportent des obligations qui ne paraissent pas adaptées aux opérations d’autoconsommation, comme l’obligation de mettre en œuvre la tarification spéciale dite « produit de première nécessité » ou de participer au marché de capacité.

L’obligation de créer une personne morale organisatrice d’une opération d’autoconsommation collective ne semble pas non plus adaptée à la réalité de l’autoconsommation collective. Il serait envisageable de permettre aux autoconsommateurs d’agréer un opérateur chargé d’indiquer au gestionnaire de réseau public de distribution compétent la répartition de la production autoconsommée entre les consommateurs finals concernés.

La nécessité pour les points de soutirage et d’injection d’être situés sur une même « antenne basse tension » du réseau public de distribution ne semble pas pertinente non plus. La notion d’« antenne basse tension » ne fait pas l’objet d’une définition précise dans la documentation technique de référence du gestionnaire de réseau et pourrait entraîner des problèmes de sécurité juridique. Votre rapporteure estime ainsi qu’il convient d’inscrire la notion de « départ basse tension » à la place de celle d’« antenne basse tension » dans l’ordonnance.

Par ailleurs, lorsqu’un consommateur participant à une opération d’autoconsommation collective fait appel à un fournisseur pour compléter son alimentation en électricité, le gestionnaire du réseau public de distribution d’électricité concerné établit les index de consommation de l’électricité relevant de ce fournisseur. Votre rapporteure estime que cette disposition de l’ordonnance n’est pas pertinente. Il faudrait raisonner en termes de « courbe de charge » et non d’index. Les index sont des valeurs relevées à un instant t sur les cadrans d’un compteur. Ils permettent donc le calcul des quantités d’énergie injectées ou soutirées à un instant t. À l’aide du relevé de ces index est constituée une courbe de charge représentant la consommation électrique de l’abonné sur une plus longue période. Votre rapporteure insiste sur la nécessité de travailler précisément avec des courbes de charge et d’exclure tout net-metering. Ce système n’incite pas à la mise en place de démarches vertueuses ni en termes de synchronisation de la consommation du site avec la production, ni en termes d’injection sur le réseau. Il compense en effet des kWh injectés par des kWh soutirés même si ces deux opérations se font à des moments différents. Les kWh injectés en mi-journée d’été lorsque la demande est faible ne doivent pas pouvoir compenser des kWh soutirés en soirée de janvier en période de pointe.

L’ordonnance prévoit un décret pour définir le seuil en dessous duquel les excédents de production peuvent, à défaut d’être vendus à un tiers, être cédés à titre gratuit au gestionnaire de réseau et affectés à ses pertes techniques. Votre rapporteure souligne que le décret gagnerait à être pris rapidement pour qu’Enedis modifie les dispositions concernant le raccordement et l’injection de ces autoproducteurs.

La procédure permettant de qualifier la recevabilité et les modalités d’une demande d’autoconsommation collective doit également être définie, tout comme les modalités de contrôle et de sanction en cas de non-déclaration d’une installation de production ou de fausse déclaration. Votre rapporteure préconise l’implication du Consuel.

Votre rapporteure est, plus généralement, favorable à toute initiative permettant de faciliter la contractualisation de l’accès au réseau. Cela peut passer par une adaptation du modèle de contrat d’accès au réseau public de distribution conclu entre le gestionnaire de réseau et les fournisseurs afin de permettre à un autoproducteur de souscrire un contrat unique avec un fournisseur, associant soutirage et injection. Des travaux doivent également être menés pour définir les schémas d’autoconsommation collective les plus adaptés en cas d’installation unique alimentant l’ensemble des points de consommation. Ont été évoqués, au cours des auditions, le comptage virtuel consistant à remplacer une solution matérielle complexe de câblage par une solution logicielle qui attribue la production aux consommateurs selon une clé de répartition pré-définie, ainsi que le raccordement indirect consistant à raccorder une installation de production sur le circuit intérieur d’une autre installation et nécessitant la privatisation de la colonne montante dans les immeubles d’habitation collective.

La CRE prévoit trois évolutions de la structure du TURPE 5 pour l’adapter à l’autoconsommation :

1° Le TURPE 5 renforcera significativement le signal horosaisonnier, c’est-à-dire la variation à la hausse ou à la baisse du tarif en fonction des périodes de pointe ou de faible utilisation des réseaux de distribution. Les autoconsommateurs verront ainsi leur tarif de réseau diminuer plus fortement s’ils sont en mesure de synchroniser leur production et leur consommation pendant les périodes de forte charge du réseau ;

2° Le TURPE 5 introduira une baisse de la composante de gestion du tarif appliqué aux autoconsommateurs. Dans le cadre du TURPE 4, un autoproducteur qui injecte une partie de sa production sur le réseau de distribution et soutire une partie de sa consommation du réseau, paie deux composantes de gestion, une en tant que consommateur, l’autre en tant que producteur. Or, si les coûts de gestion d’un autoproducteur sont plus élevés que ceux d’un consommateur ou d’un producteur simple, ils ne sont pas deux fois plus élevés ;

3° La CRE a d’ores et déjà annoncé qu’elle engagerait, dès l’adoption du TURPE 5, une large concertation pour étudier les évolutions éventuelles de la prise en compte de l’autoconsommation par le tarif.

Votre rapporteure est favorable à un rééquilibrage de la structure des TURPE au profit de la part puissance et, plus généralement, à une adaptation des TURPE visant à mieux refléter les coûts des services rendus par le réseau et le système électrique. Ce rééquilibrage pourrait avoir lieu en 2019, puisque la CRE envisage d’introduire une clause de rendez-vous, permettant d’adapter la structure des tarifs à l’issue de deux ans de mise en œuvre des TURPE 5.

Votre rapporteure estime que le micro-TURPE prévu par l’ordonnance en faveur des consommateurs participant à des opérations d’autoconsommation, lorsque la puissance installée de l’installation de production qui les alimente est inférieure à 100 kilowatts, doit être mis en place, même si la CRE n’est pas favorable à la création de catégories tarifaires spécifiques car elle estime que ces dernières figent inutilement la structure du TURPE. Votre rapporteure insiste sur le fait que le micro-TURPE devra correctement refléter les coûts des services rendus par le réseau afin de prévenir tout effet d’aubaine.

EXAMEN EN COMMISSION

Le mercredi 26 octobre 2016, dans le cadre de la commission élargie, la commission des affaires économiques a examiné pour avis, sur le rapport de Mme Béatrice Santais, les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilités durables » (voir le compte rendu officiel de la commission élargie du 26 octobre 2016, sur le site internet de l’Assemblée nationale (12).

*

À l’issue de la commission élargie, la commission des affaires économiques a délibéré sur les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilités durables ».

Mme Béatrice Santais, rapporteure pour avis, a émis un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission.

La commission, conformément à l’avis favorable de Mme Béatrice Santais, donne un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilités durables ».

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA RAPPORTEURE

Enerplan

– M. Richard Loyen, délégué général

– M. Jacques Robert, vice-président photovoltaïque du Bâtiment du syndicat

Union française de l’électricité (UFE)

– Mme Christine Goubet-Milhaud, présidente

– Mme Audrey Zermati, déléguée générale adjointe

– M. Damien Siess, directeur stratégie et prospective

Direct Energie

– M. Fabien Choné, directeur général délégué

– Mme Hélène Pierre, responsable des relations institutionnelles

Groupement des particuliers producteurs d’électricité photovoltaïque (GPPEP)

– M. Joël Mercy, président

– M. Thomas Fournaise

Réseau de transport d’électricité (RTE) *

– M. François Brottes, président

– M. Philippe Pillevesse, directeur des relations institutionnelles

– M. François Guillermet, conseiller du président

Syndicat des énergies renouvelables (SER)

– M. Jean-Louis Bal, président

– Mme Delphine Lequatre, responsable du service juridique

– M. Romain Poubeau, responsable de la filière photovoltaïque

– M. Alexandre de Montesquiou, consultant

Commission de régulation de l’énergie (CRE) *

– M. Adrien Thirion, chef du département des dispositifs de soutien aux énergies renouvelables et aux consommateurs

– M. Didier Laffaille, chef du département technique de la direction des réseaux

– Mme Olivia Fritzinger, chargée des relations institutionnelles

Enedis

– M. Jean-Baptiste Galland, directeur stratégie Enedis

– M. Pierre Guelman, chargé des relations institutionnelles

Projet RennesGrid®

– M. Nicolas Debray, directeur d’Enercoop Bretagne

– M. Thierry Djahel, Schneider Electric

Électricité de France (EDF)

– M. Patrice Gerardin, directeur de la direction projets et partenariats stratégiques

– Mme Véronique Loy, directrice adjointe des affaires publiques

– M. Patrice Bruel

Hespul énergies renouvelables & efficacité énergétique

– Mme Marine Joos, chargée de projet réseaux intelligents

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

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