N° 4127 tome X - Avis de Mme Annick Le Loch sur le projet de loi de finances pour 2017 (n°4061).



N
° 4127

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 octobre 2016

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
SUR LE PROJET DE
loi de finances pour 2017 (n° 4061)

TOME X

ÉCONOMIE

POSTES

PAR Mme Annick Le Loch

Députée

——

Voir les numéros : 4061 et 4125 (annexe 20).

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I. LES RELATIONS FINANCIÈRES ENTRE L’ÉTAT ET LA POSTE 7

A. LES TRANSFERTS BUDGÉTAIRES (PROGRAMME 134) 7

B. LES AUTRES RELATIONS FINANCIÈRES ET EXTRA-BUDGÉTAIRES 8

1. Les compensations extra-budgétaires de charges de service public 8

2. Prestations de La Poste achetées par l’État 10

3. Dividendes à l’État actionnaire 11

II. LA POSTE EST ENGAGÉE DANS UNE PROFONDE RESTRUCTURATION 12

A. UN GROUPE QUI DOIT REDÉFINIR SON CœUR DE MÉTIER 12

1. La baisse structurelle des échanges de courrier 12

2. La montée en puissance de nouveaux métiers 13

3. Le développement à l’international : une opportunité à saisir 15

B. L’ÉTAT ACCOMPAGNE CETTE RECOMPOSITION 16

1. L’État et La Poste entretiennent des liens profonds 16

2. Les nouvelles activités de La Poste bénéficient d’un encadrement législatif 17

a. Les maisons de service au public 17

b. La Poste et les missions de recensement 18

c. La Poste et les épreuves du permis de conduire 19

III. LA TRANSFORMATION DU GROUPE LA POSTE FACE AU RISQUE DE PERTE D’IDENTITÉ 20

A. L’ÉVOLUTION DU RÉSEAU 20

1. Quel maillage territorial en 2016 ? 20

2. Le contrat de présence postale territoriale 2014-2016 et le projet de contrat 2017-2019 21

B. L’ÉVOLUTION DU MÉTIER DE FACTEUR 22

1. Les nouveaux métiers du facteur 22

2. La transformation numérique de la Poste commence dans les tournées 24

3. Le dialogue social au sein du groupe 25

EXAMEN EN COMMISSION 27

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 31

Le budget des postes est, par nature, profondément lié à l’activité de l’entreprise publique historique, devenue société anonyme et groupe La Poste. Il peut être jugé paradoxal d’émettre un avis budgétaire, rattaché au projet de loi de finances de l’État, sur une entreprise privée. Le paradoxe s’efface pourtant rapidement au vu des liens très puissants qui unissent l’État et le groupe. Ce dernier, détenu intégralement par des capitaux publics, est la première entreprise de France en termes d’emplois. Elle a la responsabilité de quatre services publics essentiels à la vie quotidienne des Français : de la distribution du courrier à l’accessibilité bancaire universelle, en passant par l’aménagement du territoire et l’aide à la presse. Le facteur, parfois encore fonctionnaire, est ainsi un élément central du lien social entre la puissance publique et les citoyens, notamment dans les zones rurales, au même titre que le policier ou le pompier.

Empreint de cette dimension publique historique, le groupe La Poste évolue pourtant dans un monde en mouvement. Marquée par l’accélération de la baisse des volumes du courrier échangé (qui a atteint 6,5 % en 2015), la baisse de la fréquentation des bureaux de poste au profit d’internet et la concurrence d’entreprises de livraison de colis à domicile, la mutation de l’entreprise est irrémédiable. Dans ce contexte contraint, l’État joue plusieurs rôles, que son intervention budgétaire et financière traduit de façon opérationnelle : il préserve la qualité du service public postal, à travers un contrat d’entreprise ; il intervient pour accompagner les transformations du groupe, notamment au niveau législatif ou réglementaire, ou en sa qualité d’actionnaire principal ; il joue un rôle de régulation et de médiation, en particulier au travers de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes.

En 2015, La Poste a réalisé un chiffre d’affaires de 23 045 millions d’euros (M€), soit une hausse de 4 % par rapport à 2014. Le résultat d’exploitation a augmenté de 21,6 % pour atteindre 875 M€. Ces bons résultats économiques ne doivent pas masquer une recomposition d’ampleur qui nécessite de nombreux efforts d’investissement, d’adaptation des salariés et de restructuration du réseau territorial. Le modèle économique de La Poste devant trouver un nouveau centre de gravité, une transformation profonde du groupe a été engagée en janvier 2014 avec le nouveau plan stratégique « La Poste 2020 : Conquérir l’avenir » sur la période 2014-2020. Pour soutenir son développement, le groupe La Poste consacrera environ 6 milliards d’euros (Md€) sur cette période en investissements et de l’ordre de 2 Md€ en croissance externe : ces données témoignent de l’ampleur de la métamorphose que La Poste a accepté de réaliser.

Votre rapporteure a reçu les acteurs clés de cette transformation : représentants de la direction de La Poste, représentants de l’État, représentants des employés de La Poste. Elle a souhaité, par le présent rapport pour avis, mettre en avant la relation organique qui lie l’État et La Poste, et esquisser les perspectives d’avenir d’une entreprise pas tout à fait comme les autres.

*

* *

Votre rapporteure émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Économie » en faveur des postes.

*

* *

 

PLF 2015

PLF 2016

PLF 2017

Action n° 4 (hors dépenses de fonctionnement)

     

Transfert aux entreprises

130 000 000

120 486 532

120 520 000

Transfert aux autres collectivités

9 098 240

9 563 904

10 267 184

Action n° 13

     

Dotation de l’ARCEP

22 700 239

21 552 772

23 214 090

Source : projet annuel de performance 2017.

Les « transferts aux entreprises » de l’action n° 4 se décomposent en 119 M€ de compensation de service public, et de 1,52 M€ de remboursement à La Poste des courriers émis en franchise postale (par exemple, la correspondance adressée au Président de la République). Ces transferts budgétaires sont relativement stables depuis 3 ans.

La compensation de service public, d’un montant de 119 M€, porte sur le transport de la presse, effectué par La Poste à des tarifs particulièrement bas. En 2015, les coûts attribuables à la presse aidée se sont élevés à 862 M€. Les tarifs payés par les éditeurs (397 M€) ont couvert 46 % des coûts, et ont donc entraîné un déficit commercial de 465 M€. La compensation inscrite en loi de finances, à laquelle s’ajoute une deuxième compensation du coût du moratoire sur les tarifs de la presse, qui courrait jusqu’en 2015, représentent 133 M€. Le déficit restant à la charge de La Poste l’année dernière s’établit donc à 332 M€.

Les « transferts aux autres collectivités » de l’action n° 4 correspondent aux « actions en faveurs du numérique et des télécommunications ». Concrètement, il s’agit de subventions attribuées par la France à divers organismes internationaux, dont l’Union postale universelle (UPU), la Conférence européenne des postes et télécommunications (CEPT) ou encore l’Union internationale des télécommunications.

Enfin, l’action n° 13, consacrée à la « régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) » porte uniquement sur la dotation de cette Autorité. Rappelons que l’ARCEP détient des missions historiques en matière postale, notamment en matière de régulation tarifaire. La dotation de l’ARCEP augmente de quasiment 8 % cette année : il s’agit d’accompagner les nombreuses nouvelles missions confiées à l’ARCEP ces dernières années.

Source : ARCEP

La Banque postale (LBP), branche du groupe La Poste, est pourvue d’une mission d’accessibilité bancaire. Elle a notamment pour obligation d’ouvrir, à toute personne qui en fait la demande, un livret A, et d’effectuer gratuitement des opérations de dépôt et de retrait à partir de 1,50 €, contre 10 € dans les autres établissements bancaires.

Pour cela, LBP reçoit une commission sur la rémunération totale du livret A, comme l’ensemble des établissements bancaires qui proposent un livret A ou un livret de développement durable, en application de l’article L. 221-6 du code monétaire et financier. De 2013 à 2015, cette commission, fixée par décret, s’élève à 0,49 % des encours du livret A. Elle est versée à LBP par la Caisse des dépôts et consignations.

En outre, une rémunération complémentaire vise à tenir compte des obligations spécifiques mises à la charge de LBP par rapport aux autres établissements bancaires pour offrir des prestations bancaires universelles. L’évolution de cette compensation est détaillée dans le tableau ci-après.

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

280

270

260

250

246

242

235

Source : réponses au questionnaire budgétaire

• La compensation de la mission d’aménagement du territoire

La Poste bénéficie d’un allègement de fiscalité locale pour concourir au financement de sa mission d’aménagement du territoire, depuis l’adoption de la loi n° 2010-123 du 9 février 2010 relative à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales.

Le coût net du maillage territorial du réseau de La Poste, qui est le cœur de sa mission d’aménagement, est évalué annuellement par l’ARCEP. Dans la continuité de la décision de l’Autorité, un décret est pris pour fixer les abattements dont bénéficiera La Poste pour l’année en cours. Le décret n° 2015-1847 du 29 décembre 2015 portant fixation pour l’année 2015 du taux des abattements des bases d’impositions directes locales dont bénéficie La Poste au titre de sa mission d’aménagement du territoire a ainsi fixé cet abattement à 85 % de la cotisation foncière des entreprises et à 82 % de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Ces taux d’abattement ont en pratique conduit, pour 2015, à une dépense fiscale de 169 M€.

De façon indicative, le contrat de présence postale territoriale 2014-2016 (voir ci-dessous) prévoyait justement que les ressources nécessaires à cette mission devaient être de 170 M€ – une somme qui devrait demeurer inchangée pour le nouveau contrat 2017-2019.

Cette mission est donc compensée intégralement.

• La compensation du service public postal universel

La Poste est, en France, l’opérateur du service postal universel, et soumis en tant que tel à plusieurs obligations, assorties d’objectifs de qualité de service. L’article L. 1 du code des postes et des communications électroniques les précise : La Poste doit « garantir à tous les usagers, de manière permanente et sur l’ensemble du territoire national, des services postaux répondant à des normes de qualité déterminées. Ces services sont offerts à des prix abordables pour tous les utilisateurs. (...) Le service universel postal comprend des offres de services nationaux et transfrontières d’envois postaux d’un poids inférieur ou égal à 2 kilogrammes, de colis postaux jusqu’à 20 kilogrammes, d’envois recommandés et d’envois à valeur déclarée ».

En application des dispositions du 11° du 4 de l’article 261 du code général des impôts, les prestations de services qui relèvent du service universel postal ainsi définies sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Les prestations postales qui ne relèvent pas du service universel postal sont donc soumises à la TVA dans les conditions de droit commun.

En contrepartie de cette exonération de TVA, La Poste est soumise à la taxe sur les salaires (soit un montant de 498 M€ en 2015).

 

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Coût des envois de courriers

613

577

559

585,7

561,8

653,3

576,6

578,3

566,4

Coût des envois de colis

15

14

10

8,9

8,6

7,7

7,4

5,9

5,6

TOTAL

628

591

569

594,6

570,4

661

584

584,2

572

Source : réponses au questionnaire budgétaire

Pour 2017, il faut s’attendre à un pic de dépenses lié à l’envoi de la propagande électorale au domicile des électeurs. En 2012, ce pic s’était traduit par une augmentation de 15 % environ du coût d’affranchissement. Toutefois, le Gouvernement a proposé, dans le projet de loi de finances pour 2017, une dématérialisation de cette propagande. Si cette mesure était adoptée, elle permettrait une économie pour les services de l’État estimée à 168,9 M€ (68,3 M€ au titre des élections législatives et 100,6 M€ au titre de l’élection présidentielle).

Réforme de la propagande électorale

Exposé des motifs de l’article 52 du PLF pour 2017

« Compte tenu des coûts économiques et environnementaux de la diffusion de la propagande électorale à l’ensemble des électeurs, le Gouvernement propose de moderniser les modalités d’envoi de la propagande électorale aux électeurs. Le présent article modifie ainsi les dispositions applicables à la diffusion de la propagande électorale aux électeurs (circulaires des candidats et bulletins de vote) pour les élections législatives qui seront organisées en 2017. Des modalités d’application spécifiques sont prévues pour l’outre-mer afin de tenir compte de particularismes locaux qui diffèrent de la situation métropolitaine. Le régime de propagande de l’élection présidentielle, relevant du domaine réglementaire, sera modifié dans le même sens par décret.

Aujourd’hui, avant chaque scrutin, les électeurs reçoivent à leur domicile une enveloppe de propagande comprenant les circulaires ainsi que les bulletins de vote des candidats qui l’ont souhaité. L’État prend en charge les frais liés à la mise sous pli de ces documents ainsi que l’affranchissement des enveloppes de propagande. Il rembourse également le coût du papier et l’impression des circulaires et bulletins de vote aux listes de candidats ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés. (…) »

Votre rapporteure estime que cette mesure irait à l’encontre de la bonne information des Français, notamment dans les zones rurales où la fracture numérique est encore une réalité. En outre, l’impact en matière de perte de recettes d’affranchissement pour La Poste pourrait s’élever à 70 M€ si cette mesure, qui doit s’appliquer dès 2017, était adoptée.

Depuis 2013, La Poste a versé annuellement 171 M€ de dividendes, dont 126 M€ à l’État et 45 M€ à la Caisse des dépôts et consignations, ses deux seuls actionnaires. Cette stabilité a deux justifications : d’une part, l’État actionnaire n’a pas intérêt à renoncer à ses dividendes au bénéfice de l’amélioration de la santé financière du groupe ; mais, d’autre part, si ce dernier fait face à des difficultés structurelles, la prise de dividendes permet d’envoyer le signal selon lequel l’État a confiance dans la capacité de La Poste à y faire face.

Toutefois, cette stabilité traduit, en réalité, par un effort de l’État, puisque les bénéfices du groupe – notamment après la mise en place du CICE – ont augmenté ces dernières années. La stabilité en valeur absolue se traduit donc par une baisse en ratio des bénéfices : le taux de prélèvement a tendanciellement baissé (il était de 36 % en 2013 et de 27 % en 2016). Le surcroît de recettes d’exploitation ainsi dégagé doit permettre au groupe d’investir dans le réseau ou dans la recomposition de ses missions (dans la formation, en particulier).

Dans l’Union européenne, les volumes de courrier échangés par les particuliers diminuent de façon continue depuis une quinzaine d’années. Cette tendance se justifie principalement par l’essor des échanges électroniques, qui se sont largement substitués à la lettre classique. Moins onéreux, plus rapides, plus accessibles, les courriers électroniques et les SMS ont révolutionné le paysage des communications interpersonnelles.

Dans ce contexte de décroissance structurelle du marché du courrier physique, la libéralisation totale du marché européen du courrier n’a pas conduit à l’arrivée de nouveaux acteurs venant réellement concurrencer La Poste. Cette dernière est de surcroît chargée de plusieurs missions de service public qui lui imposent de maintenir son réseau de distribution et d’assurer une haute qualité de service postal.

Dans ce contexte, la baisse du chiffre d’affaires de l’activité « courrier » de La Poste, son activité historique, est inquiétante. Elle menace directement la viabilité du groupe, et réclame des efforts continus de recomposition de ses activités.

Un premier palliatif est la tarification de l’activité postale. La baisse des trafics de courrier adressé (- 5,3 % au 1er semestre 2016, la tendance étant assez stable dans le temps) a pu être en partie compensée par une première augmentation du prix du timbre intervenue au 1er janvier 2016 (+ 3,8 % en moyenne). Une augmentation des tarifs de 3,1 % est également prévue au 1er janvier 2017.

Un autre aspect de la mutation que La Poste est en train d’opérer est l’accentuation de son activité « colis », qui, en raison de l’essor du e-commerce, connaît à l’opposé une croissance soutenue. Selon les données de l’association e-commerce Europe, 296 millions de consommateurs européens ont fait des achats en ligne en 2015, et le nombre de colis envoyés excède 4,2 milliards. La concurrence y est aussi bien plus élevée, et, à ce titre, l’avantage qu’avaient les opérateurs postaux historiques, du fait de leur réseau de livraison national au domicile de chaque habitant, s’amenuise : les opérateurs de colis et les logisticiens investissent dans ce marché en développant leurs capacités de tri et de distribution (notamment à travers des offres de livraison hors domicile, dans des points relais).

Le marché du colis express fait partie des marchés qui dégagent le plus de perspectives économiques, notamment au niveau international. Le chiffre d’affaires de Geopost, la branche du groupe qui a la charge du colis express, a été soutenu par la croissance des volumes échangés au niveau mondial (+ 10,8 % au premier semestre 2016). Un développement spécifique y est consacré ci-dessous.

Le marché du colis est donc essentiel à La Poste pour contrebalancer la décroissance du marché du courrier, mais les marges que le groupe en dégage ne l’affranchissent pas de la recherche de nouveaux relais de croissance.

Malgré un contexte de taux d’intérêt bas, le produit net bancaire (PNB) de La Banque postale a progressé dans son ensemble de 1,3 % pour atteindre 5 745 M€. Le résultat d’exploitation a progressé de 1,1 %, à 851 M€.

La branche « Numérique » du groupe est encore en phase de maturation. Elle a toutefois a vu son chiffre d’affaires progresser de 5 % (560 M€) sur le premier semestre 2016. Mais La Poste considère la transition numérique comme une opportunité d’ampleur à saisir.

D’une part, le groupe souhaite se positionner comme un tiers de confiance des futurs échanges numériques, notamment entre les citoyens et l’administration (identification numérique), entre salariés et entreprises (bulletin de paie dématérialisé) ou encore en matière de sécurité des données (coffre-fort numérique). Les Français ont une grande confiance dans la qualité des services et dans la fiabilité de La Poste, ce qui lui permet de pénétrer efficacement des marchés encore très émergents. Ainsi, la branche « Numérique » développe pour le groupe et les branches un centre de services de big data, qui permettra la collecte, le traitement et l’utilisation des données des clients à grande échelle.

D’autre part, La Poste se positionne comme un soutien à l’écosystème d’innovation français. L’entreprise propose un accélérateur de start-up, Start’in Post, et a lancé en juin 2015 le programme « French IoT » (internet of things) visant à fédérer et à entraîner un nombre significatif d’acteurs de l’écosystème de l’internet des objets. Parmi les 100 start-ups sélectionnées, 15 ont accompagné La Poste au salon des objets électroniques (CES) de Las Vegas en janvier 2016.

En matière de relais territorial ou de nouvelles prestations aux collectivités ou à l’État, les développements suivants montreront comment La Poste diversifie les usages économiques de son réseau pour compenser le coût croissant de l’entretien de ses 17 000 points de contact : le facteur est désormais un agent plus polyvalent, mieux formé, voire technicien.

Ce mouvement est d’ailleurs suivi par l’ensemble des opérateurs postaux historiques en Europe, et certains modèles inspirent La Poste française.

Par exemple, la poste italienne a entamé dès 2005 une forte diversification vers les services financiers et d’assurance, les e-services et la téléphonie mobile.

Traditionnellement multi-métiers, la poste suisse a quant à elle la volonté de faire jouer au maximum les synergies entre les activités postales physiques et numériques. Comme elle, d’autres opérateurs postaux voient dans la transition numérique moins une menace qu’une opportunité, et développent des offres de messagerie électronique sécurisée (Deutsche Post, PostNord, Norway Post). De même, la poste danoise (PostNord) est devenue le premier partenaire de l’État danois dans le déploiement de nouvelles politiques de développement du numérique.

L’opérateur allemand, DP-DHL se concentre sur la logistique et l’international. Il a tenté de développer son activité dans le transport de voyageurs (marché libéralisé en 2013 en Allemagne), mais n’a atteint que 7 % du marché national, capté par les premiers arrivants (des start-ups régionales). En revanche, le développement de la lettre électronique (E-PostBrief) est un succès : E-PostBrief a dégagé un chiffre d’affaires de 300 M€ en 2014, et a atteint 500 M€ en 2015.

De nombreux opérateurs postaux se sont lancés dans la livraison de courses et de produits alimentaires frais à domicile. Selon leur analyse, le e-commerce alimentaire n’est encore qu’au début de son développement et repose sur des tendances lourdes (vieillissement de la population, recherche de commodité).

La santé attire également de plus en plus les opérateurs postaux, que ce soit au travers des échanges de données de santé (Swiss Post, Poste Italiane), de la logistique du médicament (PostNL, PostNord, Austrian Post), de l’installation de matériel médical au domicile (PostNord), de la vente sur internet de médicaments et produits d’hygiène (Poste Italiane) ou de la visite régulière des personnes âgées par les facteurs (voir infra).

Le groupe La Poste est présent à l’international sous la marque DPD Group, qui est représentée dans la grande majorité des pays européens et en Russie. Grâce au développement du e-commerce transfrontalier (2), DPD a acquis de nombreuses parts sur les marchés nationaux du colis express (Chronopost en France), pour se situer parmi les acteurs clés du secteur : il est le 2e groupe au niveau européen, en chiffre d’affaires, après DHL, qui appartient à Deutsche Post. Les autres acteurs majeurs sont UPS et Fedex.

Source : La Poste (2016)

Outre le fait que ces marchés sont un important relais de croissance en raison de leur essor structurel, l’ouverture à l’international d’un groupe comme La Poste lui permet d’acquérir une taille critique continentale, disposant ainsi d’une crédibilité suffisante pour négocier avec les géants d’internet, comme Amazon Europe. En effet, si Amazon gère sa propre logistique transfrontalière, elle fait appel à des partenaires comme La Poste pour la distribution infra-nationale.

L’ambition de La Poste est de poursuivre le mouvement d’internationalisation lancé il y presque vingt ans. La politique d’acquisition du groupe consiste à prendre des parts d’entreprises postales ou logisticiennes étrangères, sans modifier structurellement leur fonctionnement ou leur gouvernance, puis de les intégrer progressivement au groupe – une méthode moins agressive que les opérations de croissance externe de DHL, par exemple. Plus lente et plus complexe, cette internationalisation est également plus sûre : elle limite les échecs commerciaux dans les mois qui suivent les acquisitions. Dans cette perspective, la pénétration de plusieurs marchés africains et sud-américains est envisagée par le groupe.

L’État est actionnaire à 73,68 % du groupe La Poste, tandis que le reste du capital social est détenu par la Caisse des dépôts et consignations, ce qui garantit une forte coloration publique des orientations stratégiques prises par La Poste.

La Poste est la première entreprise bénéficiaire du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), du fait de sa masse salariale – 250 000 agents, dont beaucoup sont rémunérés aux horizons du SMIC –, qui a contribué au résultat d’exploitation du groupe à hauteur de 297 M€ en 2013, 352 M€ en 2014 et 350 M€ en 2015. Si l’instauration du CICE a permis d’améliorer sensiblement les marges de manœuvre financières du groupe, certains arbitrages étatiques ont conduit à interpréter ce crédit d’impôt comme une forme détournée de compensation des charges de service public auxquelles La Poste est soumise – ce fut notamment le cas lorsque le Gouvernement a décidé en 2014 de réduire de 50 millions d’euros la compensation du service public d’aide au transport de la presse, année de montée à plein régime du dispositif du CICE.

Pour La Poste, le CICE fournit les moyens de se transformer et de renouveler son modèle de développement. L’entreprise déclare utiliser le produit du CICE afin de :

– financer la formation des employés, nécessaire pour accompagner le développement de nouveaux services (services de proximité des facteurs, offre bancaire à destination des professionnels) ;

– maintenir son engagement en termes d’emploi : le CICE permet à La Poste d’atténuer les conséquences sur l’emploi de la baisse de son chiffre d’affaires sur la branche courrier ;

– réaliser des investissements importants, nécessaires à sa transformation : près de 800 M€ d’investissements ont été réalisés en 2015 et plus de 900 M€ sont prévus à compter de 2017.

Plus fondamentalement, l’État et La Poste sont liés par un contrat pluriannuel d’entreprise – actuellement 2013-2017 – qui porte sur la mise en œuvre pratique des quatre missions de service public que le groupe met en œuvre (transport de la presse, service universel postal, accessibilité bancaire, aménagement du territoire) ainsi que sur l’évaluation de la qualité des prestations apportées.

Par exemple, le contrat d’entreprise 2013-2017 a confirmé l’obligation d’une distribution du courrier six jours sur sept sur l’ensemble du territoire. Il a également défini des objectifs de qualité sur la distribution des lettres prioritaires, des avis de réception de lettres recommandées et sur le service de réexpédition du courrier, dans le cadre de la mission de service universel postal.

Autre évolution notable, le contrat prévoit que, depuis début 2016, la gamme des services universels permet l’envoi, au tarif courrier, d’enveloppes jusqu’à 3 centimètres d’épaisseur – contre deux centimètres auparavant – afin d’autoriser l’envoi à un prix abordable de petits objets (CD, DVD, livres ou clés).

Les obligations de service public que l’État imposent au groupe La Poste dépassent les exigences européennes : comme le rappelle la Cour des comptes dans un référé du 26 février 2016 portant sur la modernisation du réseau de La Poste, ce dernier est le plus dense d’Europe, et le surcoût associé, entraîné par le dépassement des exigences européennes, est évalué par l’ARCEP à 250 M€. Comme il a été rappelé dans la première partie, la compensation financière de la mission d’aménagement du territoire de La Poste s’élève, quant à elle, à 170 M€.

L’article 27 de la loi n° 2000-321 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations (dite « loi DCRA ») a été récrit par la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République. Les anciennes « maisons des services publics » ont été remplacées par les « maisons de services au public » (MSAP), à vocation plus générale. Ce dispositif s’insère dans le cadre du plan d’amélioration de l’accessibilité des services au public.

Les MSAP visent à proposer une forme de guichet unique pour les services utiles aux citoyens, autour d’un personnel polyvalent : postes, guichets de banque, caisses d’allocations familiales ou d’assurance maladie, Pôle emploi, services commerçants.

Lors du comité interministériel aux ruralités du 13 mars 2015, le Gouvernement a décidé que 1 000 MSAP seraient ouvertes d’ici fin 2016. La Poste est le partenaire principal de l’État dans leur développement, puisque 500 de ses bureaux doivent se transformer en MSAP dans le courant de l’année, en zones rurales et en montagne. Les bureaux de poste concernés ont été identifiés par La Poste, à partir de critères croisés entre caractéristiques postales, socio-économiques et territoriales, dans le respect d’un cahier des charges national et après consultation des commissions départementales de présence postale territoriale.

Au 15 juin 2016, 472 MSAP de La Poste ont obtenu l’accord de la préfecture et de la collectivité concernées pour une ouverture avant la fin 2016. À la même date, 318 MSAP en bureau de poste étaient déjà installées ou en cours de déploiement. D’un coût total de 16 millions d’euros, ce programme est financé à hauteur de 50 % par le Fonds national de péréquation de la présence postale territoriale et à 25 % par l’État, sous la forme d’un allègement fiscal complémentaire (voir supra). Les opérateurs tiers qui souhaitent ouvrir un guichet dans la MSAP concernée complètent ce financement soit directement, soit indirectement au sein du Fonds national inter-opérateurs.

Deux niveaux d’offres de services sont aujourd’hui offerts au sein d’une MSAP en bureau de poste :

– l’offre de base, dite « information », comprend l’accueil par un agent de La Poste (24 heures par semaine au moins), l’information, l’accompagnement et l’accès à l’offre de services des opérateurs à travers des équipements connectés (ordinateur, scanner, imprimante). L’agent peut également permettre la réalisation d’opérations simples (remise de documents, vérification de complétude de dossier) ;

– l’offre complémentaire, dite « mise en relation », propose l’accueil des permanences des opérateurs qui le souhaitent, en échange d’une participation financière supplémentaire.

L’agent du bureau de poste accueillant une MSAP doit donc bénéficier d’une formation générale, qui se concentre sur les enjeux de médiation et d’accompagnement numérique, et de formations spécifiques délivrées par les opérateurs présents dans la MSAP.

L’article 54 bis E du projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, encore en cours de discussion, prévoit que des agents assermentés d’un organisme exerçant une mission de service public – comme La Poste – pourront, par voie de marché public, effectuer des missions d’enquête et de recensement pour le compte de la commune ou de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI).

Le recensement de la population française est aujourd’hui effectué sous la responsabilité et le contrôle de l’Insee, mais il peut incomber aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ayant reçu compétence à cette fin. Les opérations matérielles de recensement sont alors accomplies par des agents de la commune ou de l’EPCI, ou par des agents recrutés spécifiquement. Pour les plus petites communes, recourir aux postiers pour effectuer des tâches de recensement est une alternative moins coûteuse, plus facile à organiser et tout aussi fiable, grâce à la confiance que les ménages accordent à leur facteur.

L’article 28 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques a modifié les conditions d’encadrement de l’examen du permis de conduire. En particulier, il prévoit que l’organisation de l’épreuve théorique générale (le « code ») peut être externalisée à des entreprises privées, à condition qu’elles soient agréées par l’autorité administrative.

Les conditions d’agrément, fixées par décret, précisent que le passage de l’épreuve théorique générale est notamment soumis à un prix unique et à des obligations de couverture géographique. Elles sont précisées par un cahier des charges qui fixe les conditions de surveillance, de mise à disposition de matériel et de contrôle par les inspecteurs du permis de conduire. Une fois agréées, les entreprises sont donc en concurrence, non pas sur le prix, mais sur la qualité des services proposés (notamment l’amplitude des plages horaires de passage de l’examen) ou sur le nombre de centres disponibles sur le territoire.

Le groupe La Poste a obtenu son agrément en qualité d’organisateur de l’épreuve théorique générale du permis de conduire pour une durée de 10 ans, à compter du 13 juin 2016, par arrêté du ministre de l’intérieur en date du
21 mai 2016. En effet, en disposant d’un réseau très étendu, de nombreuses infrastructures, La Poste a naturellement considéré ce marché en ouverture comme une opportunité économique. D’autres acteurs devraient venir la concurrencer, tandis que certains, comme le groupe SGS, ont déjà déployé une offre.

La Poste dispose d’une année pour satisfaire aux obligations de couverture territoriale de son offre d’examen. Au 31 août 2016, 120 sites sont équipés pour recevoir des candidats dans 51 départements (dont 2 en outre-mer) et plus de 70 sites sont déjà en activité.

La réforme du permis de conduire prévoit également que, dans les départements où le délai de présentation entre deux épreuves pratiques du permis de conduire excède 45 jours (notamment en Île-de-France et en
Provence-Alpes-Côtes-d’Azur), l’État peut faire appel à des agents tiers pour renforcer les effectifs des inspecteurs du permis de conduire et de la sécurité routière. Dans ce cadre exceptionnel, par convention en date du 21 octobre 2015, La Poste a mis à la disposition de l’État 36 agents volontaires qui, après une formation de 3 mois dans les mêmes conditions que les inspecteurs de métier, exercent en qualité d’examinateurs des épreuves pratiques du permis de conduire de catégorie B. Ils sont mis à disposition pour une durée déterminée de 2 ans, dans les départements prioritaires d’Île-de-France, de Rhône-Alpes et de Provence-Alpes-Côte d’Azur.

Toutefois, cette mise à disposition, que l’État rémunère, répond à un besoin conjoncturel, et n’a pas vocation à être pérennisée.

Le réseau de La Poste compte, au 31 décembre 2015, 17 083 points de contacts, dont 9 254 bureaux de poste. Comme nous l’avons vu, le groupe est toutefois contraint par une distribution de courrier en baisse structurelle et l’obligation légale de couvrir intégralement le territoire français. Face à ces injonctions difficilement conciliables, il lui a fallu faire évoluer son réseau. En effet, l’entretien d’un réseau engendre de très nombreux coûts fixes, et la baisse du courrier distribué entraîne de fortes déséconomies d’échelle. Concrètement, le facteur doit toujours effectuer la même tournée, avec la même logistique et les mêmes contraintes horaires, que sa sacoche contienne dix lettres affranchies ou une centaine.

La solution repose dans la transformation de bureaux de poste en structures plus souples et moins coûteuses, en termes de main d’œuvre comme de gamme de services proposés. Cela se traduit concrètement par la conclusion de partenariats avec d’autres acteurs économiques ou institutionnels (3), dans une logique de mutualisation des espaces.

Le processus de transformation des bureaux de poste en agences postales (avec les communes) et en relais poste (avec une autre enseigne) a ainsi été particulièrement dynamique sur la période 2006-2010. Le rythme des transformations de bureaux a connu un ralentissement entre 2011 et 2014. Avec 225 agences postales et 90 relais poste créés, l’année 2015 a marqué une reprise de l’évolution du réseau postal.

RÉSEAU DES POINTS DE CONTACT DE LA POSTE (MÉTROPOLE et DOM)

2010 à 2015 (au 31 décembre de chaque année)

 

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Bureaux de poste

10 213

9 955

9 819

9 692

9 574

9 254

Agences postales communales

4 916

5 096

5 227

5 328

5 440

5 668

Relais Poste

1 916

1 973

1 995

2 032

2 061

2 161

TOTAL

17 079

17 024

17 041

17 052

17 075

17 083

Source : La Poste

Plus précisément, les points de contact de La Poste se sont sensiblement diversifiés pour s’adapter, au meilleur coût, aux particularités de chaque territoire. Ces points de contact peuvent prendre 8 formes différentes : les bureaux de poste, les agences postales communales, les relais poste, mais également les MSAP, les bureaux facteur-guichetier, les relais poste urbains, les relais « économie sociale et solidaire » et les espaces nomades (par exemple, situés dans des espaces de travail partagé).

L’évolution du réseau de La Poste n’est pas achevée. La restructuration du réseau urbain, que le référé de la Cour des comptes précité a estimé prioritaire, a conduit La Poste a créé 56 relais-poste urbains en 2015, dans des espaces mutualisés avec d’autres enseignes. 250 relais-poste urbains devraient être créés en 2016.

Le contrat de présence postale territoriale (CPPT) est passé entre l’État, l’association nationale la plus représentative des maires (l’Association des maires de France) et La Poste. Il a pour principal objectif de fixer les conditions du financement de la présence postale, au travers du fonds postal de péréquation territoriale. Au niveau national, la gouvernance de la présence postale territoriale est assurée par l’Observatoire national de la présence postale. Au niveau local, la concertation sur les sujets prévus par le CPPT est ensuite mise en œuvre au sein des commissions départementales de présence postale territoriale (CDPPT). C’est dans ce cadre que se concrétise le principe de l’accord préalable du maire avant toute transformation d’un bureau de poste (en agence postale communale, par exemple) ou l’information préalable du maire concerné avant une évolution éventuelle des horaires d’ouverture du point de contact.

Le fonds postal de péréquation territoriale vise à assurer un financement pérenne de la présence postale dans les communes situées dans des zones dites prioritaires : zones rurales, zones de montagne, zones urbaines sensibles et dans les départements d’outre-mer. Il permet donc d’assurer le respect de la règle d’accessibilité des points de contact évoquée ci-dessus.

Le CPPT courant sur la période 2014 à 2016 a été orienté vers l’amélioration de l’accessibilité aux services – en matière numérique ou sur les plages d’ouverture des points de contact, notamment. Un pilier essentiel de cette accessibilité a été la capacité de La Poste de proposer des solutions de mutualisation des services :

– les MSAP (voir ci-dessus) ;

– les bureaux facteur-guichetier ;

– les relais-poste présents dans d’autres structures, sous forme de « corners postaux » comme les établissements et services d’aide par le travail (ESAT), dans une volonté d’ouverture vers l’économie sociale et solidaire, ou dans les grandes surfaces.

Les dépenses engagées dans le cadre de ce CPPT s’élèvent à près de 170 M€, une somme qui reste stable depuis 2011. Près de 34 M€ ont été consacrés en 2014 et 2015 aux investissements pour la modernisation et la rénovation des bureaux de poste en zones prioritaires et les dépenses d’accessibilité numérique ont représenté près de 17 M€ en 2014 et 22 M€ en 2015.

Le CPPT 2017-2019 est actuellement en cours de négociation. Il portera notamment sur l’évolution des règles de concertation entre La Poste et les maires en matière de présence postale, y compris en zone urbaine.

En l’état, le projet de CPPT proposé par La Poste se heurte toutefois aux réticences de l’AMF, qui s’oppose à l’absence de revalorisation du fonds de péréquation, qui demeurerait financé par une enveloppe de 170 M€ par an, ainsi qu’à l’évolution des règles d’accord préalable des maires en cas de transformation d’un bureau de poste. La Poste prévoit en effet de limiter cet accord préalable aux zones urbaines, à l’exclusion des zones rurales.

La transition qu’opère La Poste sur son cœur de métier historique suppose également de restructurer son réseau de facteurs. L’ambition du groupe est de développer de nouvelles activités de services à domicile, au-delà de la seule remise du courrier. La Poste se fixe ainsi l’objectif de devenir la « première entreprise de proximité humaine de France ».

Une des principales évolutions récentes découle de la nécessaire adaptation du réseau territorial présentée ci-dessus. Le comité interministériel aux ruralités du 20 mai 2016 a ainsi annoncé la mise en place de 1 000 bureaux dits « facteur-guichetier » avant la fin de l’année 2017. Le dispositif facteur-guichetier s’inscrit dans la démarche de mutualisation de services en proposant au client une offre postale basée sur la complémentarité entre le guichet et la tournée de distribution. L’agent facteur-guichetier termine donc sa tournée avant d’assurer des services classiques de guichet, ce qui permet de maintenir plus facilement des points de contact effectivement dotés de services postaux dans les zones prioritaires. Au 31 mai 2016, 422 bureaux facteur-guichetier étaient en place.

Parmi les nouveaux services offerts en matière de courrier, figurent en outre la possibilité de demander une nouvelle livraison des envois contre signature en cas d’absence, et, de façon nouvelle, de se faire livrer en soirée des colis d’une taille dépassant les dimensions d’une boîte aux lettres standard.

La Poste profite également d’avoir un réseau humain aussi étendu pour diversifier ses services aux personnes. Ces activités se tournent notamment vers les publics les plus fragiles, comme les personnes âgées, la rénovation énergétique des logements, ou encore le soutien à l’économie sociale et solidaire :

– la collecte d’informations (Proxi Data) au bénéfice d’une entreprise, auprès des personnes ayant donné préalablement leur accord ;

– le portage de proximité (Proxi Courses), avec la livraison à domicile de biens culturels, de médicaments, de produits du commerce commandés au préalable chez des commerçants (pressing, courses, etc.) ;

– l’installation et la mise en main d’équipements (Proxi Equip), notamment pour les personnes qui éprouvent des difficultés à régler leur téléviseur ou à installer une box. Certes, les facteurs s’acquittent déjà, de façon informelle, de cette forme de service de proximité. Toutefois, cette « institutionnalisation » a par exemple permis à La Poste de conclure un partenariat avec l’Agence nationale des fréquences (ANFr) pour prendre en charge la mise en place des adaptateurs TNT en haute définition, auprès des foyers dont tous les membres sont âgés de plus de 70 ans ou avec un taux d’incapacité de plus de 80 % ;

– l’activité de vigie des personnes et des biens (Proxi Vigie) avec des visites de lien social aux personnes fragiles, isolées. La Poste lancera très prochainement ses premières offres de vigie à destination du grand public, avec le service « Veiller sur mes parents » qui permettra au facteur de réaliser une visite à domicile (hebdomadaire, par exemple) des personnes âgées sur demande de leurs proches.

La Poste a dû déployer une politique d’adaptation des compétences de ses facteurs et une gestion fine des emplois et des compétences. L’émergence des nouveaux services de proximité s’accompagne de niveaux de technicité et de polyvalence variés. Par exemple, La Poste a commercialisé, cette année, une offre de tablette simplifiée, Ardoiz, pour améliorer l’accès au numérique des séniors : un postier spécialement formé peut venir à domicile pour installer la connexion de l’appareil et accompagner les usagers dans les principales applications.

Dans le cadre de son plan stratégique « La Poste 2020 », le groupe a entamé sa transformation numérique, avec la création d’une branche numérique en avril 2014 et l’élaboration d’une stratégie numérique transversale, dévoilée en octobre 2015.

Les nouveaux services de proximité présentés supra ont été rendus possibles grâce à l’équipement, à destination de tous les facteurs, d’un smartphone Facteo. Ce dernier permet à chaque facteur de recevoir sur son téléphone l’ensemble des prestations à réaliser pendant sa tournée et d’effectuer les actions nécessaires : prise de photos, recueil des informations pertinentes pour la prestation (réponses aux questionnaires pour diagnostic énergétique, constats réalisés lors des visites, etc.).

De la même façon, les guichetiers sont dotés d’une tablette Smartéo, qui rendent portables la majorité des fonctionnalités d’un guichet. Le guichetier peut ainsi répondre aux besoins des clients au cœur de l’espace de vente qui devient connecté. En 2015, 500 terminaux et 2 000 tablettes conseil ont été testés dans plus de 2000 bureaux de poste.

Plus largement, la stratégie de La Poste consiste à tirer parti de sa très bonne réputation auprès du grand public pour se positionner comme un opérateur de confiance des échanges numériques entre particuliers, entreprises et administrations. Ce positionnement doit permettre de défendre des parts de marché dans les métiers traditionnels, de se diversifier (dans la gestion des coffres-forts numériques, par exemple) et d’emporter l’adhésion des postiers à la transformation numérique de l’entreprise.

Enfin, dans le cadre du prochain contrat de présence postale territoriale 2017-2019, actuellement en cours de négociation, il est prévu que les ressources allouées à l’accessibilité numérique des points de contact représentent au minimum 15 % de l’enveloppe globale du fonds postal de péréquation territoriale de chaque département. Cette part de l’enveloppe globale pourra par exemple être utilisée pour offrir un accès internet en Wi-Fi dans les points de contact concernés.

Le dialogue social a été particulièrement dynamique en 2015. Il porte sur les principaux enjeux de la transformation du groupe. Ainsi, le 5 février 2015, trois accords majoritaires ont été conclus afin de revaloriser la situation des postiers :

– « un avenir pour chaque postier », signé par la CFDT, FO et la liste commune CFTC-CGC-UNSA, qui place la formation et le développement professionnel au cœur des préoccupations du groupe ;

– la création du complément de rémunération, qui regroupe les primes existantes, signé par la CGT, la CFDT et la liste commune CFTC-CGC-UNSA ;

– l’évolution des grilles indiciaires des fonctionnaires de La Poste des catégories B et C, accord unanime signé par la CGT, la CFDT, Sud, FO, et la liste commune CFTC-CGC-UNSA.

Huit autres accords ont été signés sur la période, notamment en matière d’accessibilité de l’emploi aux personnes en situation de handicap ou en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. L’ensemble de ces accords font l’objet d’une commission de suivi qui se réunit au moins par an. Cette commission donne lieu à une présentation de la mise en œuvre des dispositions aux organisations syndicales signataires.

En 2016, le dialogue social s’est poursuivi à un rythme soutenu. Une négociation majeure a été engagée sur la redéfinition des différents niveaux de concertation et de négociation avec les représentants syndicaux et les périmètres et rôles des différentes instances.

Des points de difficulté sont toutefois à relever dans les relations entre l’entreprise et ses salariés. La question des « reclassés » de La Poste n’est toujours pas résolue : les revendications sont portées par une plateforme
FO-CGT-CFTC-UNSA, mais la direction du groupe a opposé une fin de non-recevoir à toute négociation spécifique sur leur situation (
4). Les accords relatifs aux grilles indiciaires des équivalents catégories B et C ainsi que l’accord en voie de conclusion sur les contrats de génération prévoient cependant des dispositions concernant les reclassés de La Poste, pour les traiter sur le même plan d’égalité que les reclassifiés.

Plus généralement, les représentants des syndicats qui ont pu être auditionnés par votre rapporteure pour avis déplorent l’absence de perspectives claires à moyen ou long terme, notamment sur l’emploi. La baisse structurelle du volume du courrier échangé est ainsi vécue comme une menace latente sur le niveau d’emploi, menace renforcée par une conjoncture économique morose – taux d’intérêts à long terme très bas – qui empêche La Banque postale de compenser les difficultés de l’activité courrier. Si La Poste ne procède pas à des licenciements économiques, un certain nombre d’emplois sont malgré tout supprimés chaque année, du fait du non-remplacement de personnel partant à la retraite.

Enfin, l’évolution rapide des métiers des facteurs exigée par la restructuration du groupe n’est pas sans s’accompagner d’un certain malaise social. Ainsi, à l’automne 2016, plusieurs experts indépendants mandatés par le CHSCT du groupe ont lancé une alerte au président-directeur général, M. Philippe Wahl, portant sur la « dégradation des conditions de travail » et « la rapide dégradation de l’état de santé des agents ». Les réductions d’effectifs en parallèle des réorganisations territoriales, la transformation des métiers, la sur-spécialisation des agents dont la moyenne d’âge, par ailleurs, augmente chaque année, sont autant de facteurs de risque psycho-sociaux mis en avant par ces experts. Dans ces conditions, la direction du groupe a décidé de lancer, fin octobre, une négociation portant sur les conditions de travail et a accepté de suspendre tous ses projets de réorganisation des métiers du courrier jusqu’à mi-décembre.

EXAMEN EN COMMISSION

Dans le cadre de la commission élargie, la commission des affaires économiques a examiné pour avis, sur les rapports de M. Lionel Tardy (Entreprises), Mme Jeanine Dubié (Commerce extérieur), Mme Corinne Erhel (Communications électroniques et économie numérique), M. Jean Grellier (Industrie) et Mme Annick Le Loch (Postes), les crédits de la mission « Économie » (voir le compte rendu officiel de la commission élargie du 4 novembre 2016, sur le site internet de l’Assemblée nationale (5)).

*

* *

À l’issue de la commission élargie, la commission des affaires économiques a délibéré sur les crédits de la mission « Économie ».

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La commission examine l’amendement II-CE 47.

Mme Frédérique Massat. Je demande à M. Jean Grellier de bien vouloir présenter son amendement.

M. Jean Grellier. C’est un amendement que j’ai déposé avec M. Jean-René Marsac, co-président du groupe d’études sur l’économie sociale et solidaire. Cet amendement vise à rétablir une dotation de 500 000 euros en faveur du Conseil national des chambres françaises de l’économie sociale et solidaire (CNEES), comme cela avait été fait dans le projet de loi de finances pour 2016, puisque la même « punition » leur avait été infligée. Mme Karine Berger proposera une rectification de cet amendement.

Mme Frédérique Massat. Je donne la parole au rapporteur pour avis sur les crédits des « Entreprises », M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy, rapporteur pour avis. Les crédits de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) augmentent cette année de 21,9 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE), soit de 4,8 %, et de 16,5 millions d’euros en crédits de paiement (CP), soit de 3,6 %. Cette hausse vise à compenser les moindres attributions de produits qui résulteront de l’entrée en vigueur, au 1er janvier 2017, du principe de gratuité des données publiques prévu par la loi pour une République numérique.

Les crédits consacrés à l’économie sociale et solidaire (ESS) connaissent une hausse des autorisations d’engagement de 130 000 euros, soit de 3 %, mais une baisse en crédits de paiement d’environ 500 000 euros. Votre amendement, qui augmente de 500 000 euros les AE comme les CP, me paraît donc justifiable pour l’augmentation des CP, puisqu’il s’agit de préserver le même budget que l’an dernier, mais moins pour les AE, qui, eux, augmentent.

Plus largement, on observe depuis 2012 une forte redirection des crédits vers l’économie sociale et solidaire. Contrairement à d’autres actions comme l’artisanat, l’économie sociale et solidaire me paraît être bien lotie. J’émets donc un avis défavorable.

Mme Frédérique Massat. Mme Karine Berger, vous aviez une rectification ?

Mme Karine Berger. Je pense que la démarche de notre collègue Jean Grellier est la bonne car il faut que nous maintenions en AE et en CP les moyens de l’économie sociale et solidaire. Toutefois, la ponction du budget déjà très tendu de l’Insee est problématique. Le rapporteur spécial, M. Joël Giraud, me l’a confirmé. Ma proposition de rectification, sur la suggestion de
MM. Jean Grellier et Jean-René Marsac, est de prendre ces 500 000 euros non pas sur le programme « Statistiques » mais sur le programme « Stratégie économique et fiscale ». Je vais être tout à fait franche avec vous Mme la présidente, si la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) nous donnait plus de possibilités, j’irai chercher ces 500 000 euros sur le programme que je présenterai cet après-midi dans le cadre de l’examen de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines», notamment sur la ligne relative aux cabinets ministériels de Bercy. Cette possibilité n’est malheureusement pas possible, sauf si le Gouvernement s’y rallie dans l’hémicycle.

Mme Frédérique Massat. Je propose que cet amendement soit redéposé en séance par les mêmes signataires. Mme Karine Berger, vous pourrez vous y associer.

M. Jean Grellier. Je vais le retirer et le redéposer en séance.

L’amendement II-CE 47 est retiré.

La commission examine l’amendement II-CE82.

Mme Corinne Erhel, rapporteure pour avis. Les opérateurs de télécommunications font aujourd’hui l’objet d’une injonction contradictoire. D’une part, l’ambition du Gouvernement et des collectivités territoriales dans la couverture du territoire en haut débit mobile (3G, 4G) se traduit par une forte pression exercée sur ces opérateurs pour qu’ils accélèrent leur effort d’investissement dans les infrastructures. D’autre part, l’imposition des stations radioélectriques est calculée de façon proportionnelle : plus un opérateur fait l’effort d’investir, plus sont taux de pression fiscale augmente. Ainsi, 74 000 nouvelles stations radioélectriques devraient être déployées sur le territoire entre 2016 et 2024. Avec le maintien du système actuel, les charges d’IFER augmenteraient sensiblement.

Cet amendement propose non pas de réduire l’IFER payé par les opérateurs télécoms, mais de prévoir un mécanisme de plafonnement fixé au plus à 200 millions d’euros. Cette somme représentant la recette attendue pour 2016 : il n’y aurait donc pas de perte de matière fiscale.

L’amendement II-CE82 est accepté.

Conformément aux avis favorables de Mme Jeanine Dubié, rapporteure pour avis sur les crédits du « Commerce extérieur », Mme Corinne Erhel, rapporteure pour avis sur les crédits « Communications électroniques et économie numérique », M. Jean Grellier, rapporteur pour avis sur les crédits de « Industrie », Mme Annick Le Loch, rapporteure pour avis sur les crédits des « Postes » et contrairement à l’avis défavorable de M. Lionel Tardy, rapporteur pour avis sur les crédits « Entreprises », la commission a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Économie ».

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Ministère de l’Économie et des finances

M. Julien Mendez, Conseiller « Participations publiques » au cabinet du Ministre

M. Dominique Bresson, chef du bureau des activités postales, Direction générale des entreprises

Ministère de l’Intérieur

M. Alexandre Rochatte, adjoint du délégué à la sécurité et à la circulation routières

Mme Patricia Moutafian, cheffe du bureau du permis de conduire (DSCR)

Groupe La Poste (*)

Le 4 octobre 2016

M. François Hamet, directeur des relations avec les territoires

Mme Joëlle Bonnefon, déléguée aux relations parlementaires

Le 19 octobre 2016

M. Nicolas Routier, directeur général adjoint chargé de la stratégie institutionnelle et de la régulation

Mme Joëlle Bonnefon, déléguée aux relations parlementaires

Organisations syndicales du groupe La Poste (table ronde)

Fédération SUD PTT

M. Régis Blanchot, administrateur

Fédération FO Communication

M. Philippe Charry, secrétaire général

M. Norbert Demé, responsable national en charge du secteur Poste

Fédération nationale de la presse d’information spécialisée (FNPS)

M. Christian Bruneau, président

Mme Catherine Chagniot, directrice déléguée

M. Laurent Berard Quelin, président du syndicat de la presse économique, juridique et politique, et futur président de la FNPS

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

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