N° 4127 tome XII - Avis de M. Serge Letchimy sur le projet de loi de finances pour 2017 (n°4061).



N
° 4127

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 octobre 2016.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
SUR LE PROJET DE
loi de finances pour 2017 (n° 4061)

TOME XII

OUTRE-MER

PAR M. Serge LETCHIMY

Député

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Voir les numéros : 4061, 4125 (annexe 33).

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 7

ANALYSE BUDGÉTAIRE : UN BUDGET GLOBALEMENT STABLE POUR LES OUTRE-MER EN 2017 9

I. LES CRÉDITS BUDGÉTAIRES POUR 2017 : UNE AUGMENTATION COMPTABLE, UNE DIMINUTION RÉELLE 9

A. LES CRÉDITS DU PROGRAMME 138 : « EMPLOI OUTRE-MER » 11

1. L’action n° 1 « Soutien aux entreprises » : la poursuite d’une lourde « rationalisation » des exonérations de cotisations sociales dans les outre-mer 11

a. La compensation aux organismes sociaux des exonérations de cotisations spécifiques à l’outre-mer 11

b. Des mesures de soutien aux entreprises 13

2. L’action n° 2 « Aide à l’insertion et à la qualification professionnelle » : des crédits constants 14

3. L’action n° 3 « Pilotage des politiques outre-mer » : un effort d’économies important qui se poursuit 15

B. LES CRÉDITS DU PROGRAMME 123 : « CONDITIONS DE VIE OUTRE-MER » 16

1. L’action n° 6 « Collectivités territoriales » : une forte progression trompeuse du budget de l’action, ainsi que, par répercussion, du programme, sous l’effet de transferts comptables de crédits 16

2. Des actions qui manquent d’ambitions budgétaire et politique (actions n° 1, 2, 3, 7 et 8) 17

a. L’action n° 1 « Logement » : un budget stable dans un contexte de besoins en hausse 17

b. L’action n° 2 « Aménagement du territoire » : une baisse des crédits qui pose question 18

c. L’action n° 3 « Continuité territoriale » : des crédits insuffisants pour une politique qui devrait être repensée 19

d. L’action n° 7 « Insertion économique et coopération régionale » : des crédits marginaux pour une politique d’avenir 20

e. L’action n° 8 « Fonds exceptionnel d’investissement » : des financements en hausse mais qui ne répondent pas entièrement aux enjeux et aux promesses 20

3. L’accroissement des crédits en matière culturelle (action n° 4) et d’appui au secteur public en outre-mer pour l’accès aux financements bancaires (action n° 9) 21

a. L’action n° 4 « Sanitaire, social, culture, jeunesse et sports » : une augmentation bienvenue des crédits dans le domaine culturel 21

b. L’action n° 9 « Appui à l’accès aux financements bancaires » : une hausse conséquente des financements, doublée d’une vision écologique de long terme 22

II. DES DÉPENSES FISCALES STABLES ET D’UN MONTANT SUPÉRIEUR AUX CRÉDITS 22

ANALYSE THÉMATIQUE : DE LA NÉCESSITÉ D’ASSURER L’ÉGALITÉ RÉELLE DES TERRITOIRES ULTRAMARINS AVEC L’HEXAGONE TOUT EN FAVORISANT LEUR DÉVELOPPEMENT ENDOGÈNE 25

I. ASSURER LA FORMATION ET L’INSERTION ÉCONOMIQUE DES JEUNES ULTRAMARINS DANS UNE PERSPECTIVE DE DÉVELOPPEMENT ENDOGÈNE DES TERRITOIRES 25

A. UNE INSERTION ÉCONOMIQUE DES JEUNES D’OUTRE-MER PARTICULIÈREMENT DIFFICILE : UN DÉFI POUR CES TERRITOIRES 25

B. FAVORISER LA FORMATION ET L’INTÉGRATION ÉCONOMIQUE DES JEUNES ULTRAMARINS : UN PARI POUR CES TERRITOIRES 27

1. Lutter contre les handicaps structurels dont souffrent les territoires ultramarins afin de créer, en amont, les conditions de la future intégration professionnelle des jeunes 28

2. La formation comme moyen de favoriser l’insertion professionnelle des jeunes : un levier prometteur qui doit néanmoins être repensé 29

a. Un système et une offre de formation volontaristes mais relativement inefficients 29

i. Des dispositifs de formation et d’insertion spécifiques aux territoires ultramarins 29

ii. Des aides aux entreprises visant à favoriser la formation et l’insertion professionnelles des jeunes ultramarins 32

iii. La mobilité vers l’Hexagone, axe central du système de formation des jeunes ultramarins 33

b. Repenser la formation et les aides à l’insertion économique des jeunes ultramarins pour en améliorer l’efficience et favoriser l’émergence d’un modèle de développement économique endogène des territoires 35

i. Fournir un effort important pour adapter l’offre de formations aux caractéristiques du marché du travail 35

ii. Développer l’offre de formations dans les collectivités ultramarines et encourager la mobilité entre territoires d’une même zone géographique 36

iii. Repenser la mobilité des jeunes ultramarins vers l’Hexagone en matière de formation : l’ambition de la migration-retour 38

iv. Une seule solution à long terme : permettre le développement économique endogène des territoires, source d’emplois et générateur d’insertion socio-économique des jeunes 39

II. ASSURER L’ÉGALITÉ RÉELLE ENTRE LES TERRITOIRES ULTRAMARINS ET L’HEXAGONE EN MATIÈRE D’ACCÈS À LA TÉLÉVISION 40

A. DES INÉGALITÉS MARQUÉES DANS L’ACCÈS À LA TÉLÉVISION DES ULTRAMARINS PAR RAPPORT À L’HEXAGONE 40

B. LA NÉCESSITÉ D’ASSURER L’ÉGALITÉ DANS L’ACCÈS À LA TÉLÉVISION, TOUT EN PRENANT EN COMPTE DES PRÉOCCUPATIONS DE NATURE CULTURELLE 41

1. La création d’un deuxième, voire d’un troisième, multiplex pour les outre-mer 41

2. Protéger les chaînes privées locales : une nécessité culturelle 42

EXAMEN EN COMMISSION 45

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 47

INTRODUCTION

Alors que l’Assemblée nationale vient d’achever l’examen en première lecture du projet de loi de programmation relatif à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique (1), le dernier budget de cette législature ne peut, s’agissant de l’outre-mer, qu’être analysé à la lumière de cet objectif à la fois abstrait et très concret : l’égalité.

Pour atteindre l’égalité réelle, il est nécessaire de mobiliser des moyens financiers, d’une part, et une vision politique, d’autre part.

S’agissant des moyens financiers, le budget de la mission Outre-mer apparaît globalement stable dans le présent projet de loi de finances pour 2017. La maquette du budget, tout d’abord, demeure structurée autour de deux programmes et de onze actions. Les crédits, ensuite, sont – en apparence tout du moins – en très légère augmentation, à 2,032 milliards d’euros en crédits de paiement. De même, les dépenses fiscales restent constantes.

Votre rapporteur a conscience des contraintes qui pèsent sur les finances publiques et se félicite, dans cette mesure, que le budget de la mission Outre-mer ne fasse pas l’objet de mesures d’économies conséquentes. Il tient toutefois à souligner deux points.

Premièrement, il remarque que la légère augmentation du budget pour 2017 ne constitue qu’une apparence comptable. En effet, la mission Outre-mer fait l’objet de deux transferts entrants, en provenance d’autres missions, d’un montant cumulé d’environ 100 M€ en crédits de paiement, sans que cela n’augmente dans la réalité le budget affecté aux outre-mer. À structure constante (2), les crédits de la mission Outre-mer subiraient en définitive une baisse conséquente d’environ 80 M€, soit 4 % du budget.

Deuxièmement, votre rapporteur rappelle que les handicaps structurels qui pèsent sur les territoires ultramarins et leur population justifieraient sans aucun doute que le budget de cette mission fasse, à terme, l’objet d’une augmentation significative. Sans moyens conséquents, l’égalité réelle, que met en exergue le projet de loi de programmation en cours d’examen au Parlement, ne pourra advenir.

Mais si votre rapporteur souhaite évidemment que ces moyens soient augmentés, c’est pour les mettre au profit d’une vision politique et économique nécessairement renouvelée des outre-mer, qui ont sans doute encore davantage besoin d’un changement de système économique que de financements. Il ne s’agit pas d’affirmer que les financements budgétaires sont accessoires, mais de souligner qu’à long terme, le développement endogène des territoires ultramarins sera nécessairement plus équitable que le système actuel de compensation des handicaps structurels. Dans cette optique, votre rapporteur prend position, dans le présent rapport, pour que des efforts importants soient produits afin que les crédits et les dépenses fiscales de la mission soient pensés de manière à encourager un tel changement de modèle.

En dépit des réserves qu’il expose dans ce rapport, votre rapporteur émet un avis favorable à l’adoption du présent projet de budget de la mission Outre-mer pour 2017.

Après avoir analysé les crédits de la mission, dans une partie relative au budget lui-même, deux études de cas seront présentées par votre rapporteur dans une seconde partie : la première sur la formation et l’insertion professionnelles des jeunes ultramarins, et la seconde sur l’accès à l’audiovisuel dans ces territoires. Par ces deux études, ce rapport tentera de démontrer que l’égalité réelle et le développement endogène des territoires ultramarins constituent deux priorités qui vont de pair.

ANALYSE BUDGÉTAIRE : UN BUDGET GLOBALEMENT STABLE POUR LES OUTRE-MER EN 2017

Le budget des outre-mer apparaît globalement stable pour 2017. Toutefois, si la structure et le montant des dépenses fiscales demeurent constants (près de 4 milliards d’euros), les crédits budgétaires (2,02 milliards d’euros) connaissent quant à eux des mouvements importants.

La structure de la mission Outre-mer n’évolue pas cette année et demeure organisée autour de deux programmes et de onze actions. En revanche, les crédits connaissent des évolutions notables, tant en ce qui concerne le montant global que sa répartition entre les deux programmes.

En ce qui concerne le montant total des crédits, le projet de loi de finances pour 2017 prévoit une hausse de 16 M€ des crédits de paiement, soit une augmentation d’environ 0,8 % par rapport à l’année dernière, et de 58 M€ des autorisations d’engagement, soit 2,9 %.

Toutefois, cette hausse des crédits ne doit pas leurrer. La mission Outre-mer fait en effet l’objet de deux transferts entrants aux conséquences comptables notables. D’une part, en vue de regrouper au sein de la mission Outre-mer l’ensemble des dispositifs d’exonérations spécifiques aux départements d’outre-mer, le présent projet de loi de finances prévoit un transfert d’environ 20 M€ en provenance du programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi » de la mission « Travail et emploi ». Surtout, d’autre part, deux dotations, d’un montant cumulé de 85,5 M€ en autorisations d’engagement et de 77 M€ en crédits de paiement, inscrites auparavant sur le programme 214 « Soutien de la politique de l’éducation » de la mission « Enseignement scolaire » sont également transférées vers la mission Outre-mer. Au total, le montant de ces deux transferts s’élève à 105,5 M€ en autorisations d’engagement et à 97 M€ en crédits de paiement.

Or ces financements nouvellement affectés à la mission Outre-mer bénéficiaient déjà auparavant aux outre-mer. Pour analyser l’évolution du budget de la mission Outre-mer par rapport à 2016, il est donc nécessaire d’exclure ces deux nouveaux financements pour procéder à une comparaison à structure constante. En procédant ainsi, votre rapporteur observe que les autorisations d’engagement diminuent en réalité, par rapport à l’année dernière, de 47,5 M€ en autorisations d’engagement, soit de 2,3 %, et de 81 M€ en crédits de paiement, soit de 4,0 %. Il le regrette.

En outre, les deux programmes qui composent cette mission, le programme 138 « Emploi outre-mer » et le programme 123 « Conditions de vie outre-mer », connaissent, dans le même sens que l’année dernière mais de façon beaucoup plus prononcée, des évolutions inverses. Alors que le programme 138 voit ses crédits baisser d’environ 70 M€, ceux du programme 123 augmentent de 130 et 87 M€ respectivement en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, principalement sous l’effet des deux transferts mentionnés plus haut, mais pas uniquement. D’année en année, il semble que le Gouvernement fasse en réalité le choix de diminuer les crédits du programme 138, via une réduction des exonérations de cotisations sociales, au profit, pour une part, d’économies budgétaires et, d’autre part, de transferts vers le programme 123. Votre rapporteur regrette cette évolution ; les coupes budgétaires sur les exonérations de cotisations sociales ne vont pas, en effet, dans le sens du développement endogène des territoires ultramarins. Il développera ce point ci-après.

Le tableau ci-dessous compare les crédits de la mission Outre-mer exécutés en 2015, ceux ouverts en loi de finances initiale pour 2016 et ceux demandés dans le cadre du projet de loi de finances pour 2017 (3).

(En millions d’euros)

Numéro et intitulé du programme et de l’action

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Exécutées
en 2015

Ouvertes en LFI 2016

Demandées pour 2017*

Exécutés
en 2015

Ouverts en LFI 2016

Demandés pour 2017*

138

Emploi outre-mer

1 360,7

1 360,1

1 287,9

1 372,8

1 360,4

1 291,2

1

Soutien aux entreprises

1 093,0

1 111,2

1 038,8

1 100,8

1 111,0

1 041,6

2

Aide à l’insertion et à la qualification professionnelle

264,9

246,4

247,0

269,1

247,0

247,5

3

Pilotage des politiques des outre-mer

2,8

2,4

2,1

2,9

2,4

2,1

123

Conditions de vie outre-mer

579,7

717,7

848,8

619,6

701,1

787,6

1

Logement

178,9

247,6

247,0

198,2

234,7

232,7

2

Aménagement du territoire

114,1

143,5

144,5

154,4

175,4

164,6

3

Continuité territoriale

46,0

41,9

41,5

42,4

42,6

41,7

4

Sanitaire, social, culture, jeunesse et sport

21,6

20,4

27,5

21,8

20,4

19,0

6

Collectivités territoriales

171,5

198,8

300,0

167,1

188,1

280,8

7

Insertions économiques et coopérations régionales

0,3

1,0

1,0

1,1

1,0

1,0

8

Fonds exceptionnel d’investissement

26,3

40

40,0

23,9

27,2

34,8

9

Appui à l’accès aux financements bancaires

21,0

24,6

47,1

10,7

11,7

13,2

Total mission

1 940,4

2 077,7

2 136,7

1 992,4

2 061,5

2 078,8

*Hors fonds de concours et attributions de produits attendus.

Sources : Rapport annuel de performance 2014 et Projet annuel de performance 2016.

Ce programme ne subit pas de modifications dans sa structure et conserve ses trois actions. Il est doté pour 2017 d’environ 1,29 milliard d’euros en crédits de paiement ainsi qu’en autorisations d’engagement. Il se décline en trois actions, dont deux principales : le soutien aux entreprises, à travers les mécanismes d’exonérations de cotisations sociales (action n° 1 : « Soutien aux entreprises ») et l’aide à l’insertion et à la qualification professionnelle (action n° 2) ; de façon marginale (moins de 0,2 % des crédits du programme), ce programme comprend aussi les crédits de fonctionnement du ministère des outre-mer (action n° 3 : « Pilotage des politiques en outre-mer »).

Comme les années précédentes, le soutien à l’emploi demeure le principal poste de dépenses, en crédits, de la mission Outre-mer. Cette situation se justifie au regard des taux de chômage particulièrement élevés dans les territoires ultramarins.

Toutefois, le programme 138 connaît, de façon encore plus prononcée que l’année dernière, une baisse marquée de ses crédits. Ainsi, les crédits de paiement subissent une baisse prononcée par rapport à l’année dernière, d’environ 69 M€, soit 5,1 %, et les autorisations d’engagement d’environ 72 M€, soit 5,3 %. Ces chiffres sont de nature à soulever des inquiétudes non seulement à court terme, mais également à moyen et long termes.

L’action n° 1 finance les politiques publiques destinées à pallier les conséquences des spécificités structurelles des territoires ultramarins sur leur développement et vise à améliorer la compétitivité de leurs entreprises, tout en encourageant la création d’emplois pérennes.

Elle représente, avec 1,042 milliard d’euros en crédits de paiement (1,039 milliard en autorisations d’engagement), environ 81 % des crédits du programme. Ces crédits assurent, d’un côté, principalement, la compensation par l’État de la perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale engendrée par les exonérations de cotisations sociales spécifiques à l’outre-mer et financent, d’un autre côté, des mesures de soutien aux entreprises.

Le dispositif d’allégements et d’exonérations de cotisations de sécurité sociale dont bénéficient les entreprises et les travailleurs indépendants ultramarins, tel que modifié par la loi dite « LODEOM (4) » de 2009, constitue le principal axe financier d’intervention en matière de soutien à l’emploi. Il vise à soutenir le développement économique en accordant une exonération dégressive du montant des cotisations. Les bas et moyens salaires, sur lesquels l’impact des exonérations est censé être le plus fort, les entreprises de moins de 11 salariés quel que soit le secteur d’activité et les secteurs présentant de forts potentiels ainsi que les zones géographiques prioritaires sont plus particulièrement ciblés.

Depuis plusieurs années, le Gouvernement a engagé un recentrage de ces aides sur les bas salaires, les très petites entreprises (TPE) (5) et les secteurs prioritaires. L’objectif est de concentrer les aides là où elles sont le plus efficaces mais également, comme l’affirmait le Gouvernement dans le PLF pour 2014, de rationaliser les dépenses de l’État liées à ces exonérations compte tenu de leur forte augmentation due à la progression des rémunérations et à la forte croissance du nombre d’emplois salariés.

L’année dernière, le Gouvernement a poursuivi sur la même voie ; l’article 9 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 prévoyait ainsi un nouveau recentrage du dispositif d’exonération sur les bas salaires en réduisant les seuils d’exonération pour les dispositifs de droit commun, afin de concentrer l’effort sur les salaires proches du SMIC.

Il applique cette logique dans le présent projet de loi de finances aux exonérations de cotisations sur les travailleurs indépendants en outre-mer.

L’exposé des motifs de l’article 7 du PLFSS pour 2017, dont le présent projet de loi de finances tire les conséquences financières, précise que « les travailleurs indépendants en outre-mer disposent de plusieurs dispositifs de réduction ou d’exonération [dont] le bénéfice est acquis quel que soit le niveau des revenus effectivement tirés de ces activités professionnelles. Ainsi, les travailleurs indépendants sont totalement exonérés de cotisations et contributions sociales pendant vingt-quatre mois à compter de la date de création de l’activité. Au-delà, et de manière pérenne, la plupart de leurs cotisations et contributions sociales sont calculées, pour la partie des revenus inférieure au plafond annuel de la sécurité sociale (PASS), sur une assiette égale à 50 % de leurs revenus ».

Le Gouvernement considère que cela aboutit à offrir un avantage social conséquent sans condition de revenus, ce qui ne trouve pas de justification économique et nuit à l’efficience de la dépense publique. Dans cette optique, l’article 7 précité propose que les exonérations sur les travailleurs indépendants ciblent prioritairement les bas et moyens revenus.

Il est ainsi prévu que l’éligibilité au dispositif d’exonération totale des cotisations et contributions sociales des 24 premiers mois d’activité et à l’abattement de 50 % de l’assiette des revenus sous le PASS soit réservée aux travailleurs indépendants dont les revenus annuels sont inférieurs à 42 478 euros (1,1 PASS). Entre 42 478 euros et 96 540 euros (2,5 PASS), une dégressivité sera applicable, afin de lisser le plafonnement du dispositif.

Cette action subit au total une diminution très conséquente de ses crédits pour 2017. Elle accuse, par rapport à 2015, une baisse nette d’environ 70 M€ en crédits de paiement (72 M€ en autorisations d’engagement), soit une diminution d’environ 6,2 %.

De surcroît, l’action n° 1 du programme 138 connaît un transfert entrant d’environ 20 M€ en provenance du programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi » de la mission « Travail et emploi ». Il s’agit du financement de la compensation des exonérations forfaitaires des employeurs de personnel de maison dans les territoires ultramarins. En excluant ce transfert, à structure constante, la réduction nette des crédits de cette action atteint donc 90 M€.

Pour rappel, l’année dernière, votre rapporteur s’était inquiété d’une diminution nette de ces crédits de 25 M€, ce qui représentait une économie de 75 M€ par rapport à l’évolution tendancielle de la dépense.

Il ne peut donc, cette année, que s’alarmer de cette nouvelle baisse d’une ampleur près de quatre fois plus importante que celle de l’année dernière. En outre, il regrette le caractère lacunaire des documents budgétaires, qui ne précisent pas la décomposition de ces économies budgétaires entre les conséquences du recentrage passé des exonérations sur les cotisations sociales patronales et la nouvelle « rationalisation » des exonérations des indépendants.

Votre rapporteur rappelle que le recentrage progressif des exonérations sur les bas salaires n’est pas sans conséquence. Il entend certes les arguments du Gouvernement et s’accorde avec lui pour que les exonérations de cotisations sociales bénéficient prioritairement aux plus bas salaires, afin de favoriser l’emploi. Mais abandonner ces exonérations pour les salaires plus élevés dans tous les secteurs ne serait pas forcément un choix optimal dans le cas spécifique des territoires ultramarins. Cela pourrait en effet avoir un effet regrettable sur le développement endogène des économies ultramarines, qui suppose de favoriser leur montée en gamme et donc d’encourager la création d’emplois qualifiés. Le risque est, en outre, de créer, à terme, une trappe à bas salaires.

L’action n° 1 finance également différentes mesures d’aide afin de favoriser le développement économique ultramarin, améliorer la compétitivité et faire baisser les prix à la consommation dans les territoires ultramarins. Seules deux d’entre elles sont étudiées ici.

L’aide au fret, instituée par l’article 24 de la loi « LODEOM », ne connaît pas d’évolution majeure dans le présent projet de loi de finances pour 2017. Pour rappel, cette aide est versée au profit d’entreprises situées dans les départements d’outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Wallis-et-Futuna. Elle concerne aussi bien les produits et matières premières importés de l’Union européenne dans les départements ou collectivités ultramarines pour y entrer dans un cycle de production (intrants), que les produits exportés vers l’Union européenne après un cycle de production dans ces départements ou collectivités (extrants). Cette aide budgétaire, destinée à compenser le handicap d’éloignement, vise à financer une partie de la part non prise en charge par l’Union européenne des dépenses de transport supportées pour l’acheminement des intrants et extrants en provenance ou à destination des départements d’outre-mer ou de l’Hexagone.

Votre rapporteur rappelle, comme l’année dernière, que cette aide ne favorise pas l’intégration des territoires dans leur environnement régional (6) et peut être de nature à constituer un frein à leur développement endogène.

À cet égard, votre rapporteur se félicite que la réforme de l’aide au fret annoncée par le projet de loi de programmation relatif à l’égalité réelle outre-mer (7) étende l’aide au fret aux échanges entre les collectivités ultramarines et avec l’environnement régional. Cette réforme est en effet censée permettre, selon le Gouvernement, de développer les importations en provenance des pays voisins des territoires ultramarins, les échanges entre territoires ultramarins et le transport de déchets. Votre rapporteur plaidait d’ailleurs l’année dernière (8) pour que cette réforme soit mise en œuvre.

L’aide à la rénovation du secteur hôtelier est assurée exclusivement depuis 2015 par le dispositif d’incitation fiscale. L’aide sous forme de subvention, qui était peu sollicitée par les professionnels depuis 2011, a été supprimée en raison, selon le Gouvernement, de son caractère peu incitatif, de son faible impact et de sa redondance avec le dispositif fiscal existant. 2017 constitue la dernière année de versement des crédits de paiement nécessaire au règlement des travaux engagés au titre de ce dispositif au cours des exercices antérieurs.

Cette action vise à favoriser l’insertion et la qualification professionnelle des jeunes ultramarins.

Elle regroupe 19,2 % des crédits du programme 138, soit 247 M€ environ en crédits de paiement ainsi qu’en autorisations d’engagement, comme l’année dernière. La principale dépense concerne, comme l’année dernière également, le service militaire adapté (SMA), qui offre la possibilité aux jeunes ultramarins en difficulté de servir un an dans les armées, sous statut de volontaire. Cette formation globale est fondée sur les règles de vie et de discipline militaires ; elle est renforcée par l’accompagnement des volontaires et un suivi individualisé. Elle pourra bénéficier en 2017 à 6 000 jeunes, ce qui concrétise l’objectif « SMA 6000 » initialement prévu pour 2016.

Votre rapporteur se félicite de ces progrès mais souligne que la volonté de respect de l’objectif quantitatif de 6 000 stagiaires ne doit pas se faire au prix d’un raccourcissement de la durée ou de la nature de la formation, qui conduirait nécessairement à une moins bonne insertion professionnelle des jeunes à moyen terme.

L’action n° 2 permet également le financement de l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité (7,8 M€ en crédits de paiement), qui est notamment en charge de la gestion du fonds de continuité territoriale dans le cadre du programme 123.

En outre, des crédits sont affectés au financement des actions en faveur de l’inclusion dans l’emploi des jeunes ultramarins, en particulier les dispositifs de formation professionnelle en mobilité (33,5 M€ en crédits de paiement) destinés majoritairement aux jeunes des départements d’outre-mer (DOM). Des crédits sont également affectés aux programmes « Cadres avenir » en Nouvelle-Calédonie et « Cadres pour Wallis-et-Futuna » (6 M€), dispositif que le projet de loi de programmation relatif à l’égalité réelle outre-mer prévoit d’étendre à Mayotte (9).

Votre rapporteur reviendra sur ces dispositifs en faveur de la formation et de l’insertion professionnelles des jeunes ultramarins dans la partie thématique de ce rapport.

Les crédits de fonctionnement et d’intervention de cette action concernent les services du cabinet de la ministre, ceux de la direction générale des outre-mer (DGOM) et ceux de la délégation interministérielle à l’égalité des chances des Français d’outre-mer (DIECFOM).

Depuis 2013, le ministère de l’intérieur a transféré au ministère des outre-mer une partie de ses crédits de fonctionnement portée jusqu’alors par le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur ». Une convention de gestion passée entre les deux ministères détermine les conditions de fonctionnement global du ministère des outre-mer s’agissant des domaines non transférés.

Pour 2017, les crédits de cette action sont en baisse de plus de 10 % par rapport à 2016, à 2,1 M€. Le ministère des outre-mer contribue ainsi à l’effort de réduction des dépenses demandé à l’ensemble des ministères.

Le programme 123 « Conditions de vie outre-mer » ne subit aucun changement dans sa structure et conserve ses huit actions.

Il bénéficie en apparence d’une très forte augmentation de ses crédits de 87 M€ en crédits de paiement, soit 12,5 % de hausse par rapport à l’année dernière, et de 130 M€ en autorisations d’engagement, soit 18 %.

Toutefois, comme il a déjà été précisé, le programme 123 reçoit cette année un transfert de deux dotations, qui bénéficiaient déjà aux outre-mer dans les faits, d’un montant cumulé de 85,5 M€ en autorisations d’engagement et de 77 M€ en crédits de paiement, inscrites auparavant sur le programme 214 « Soutien de la politique de l’éducation » de la mission « Enseignement scolaire ». En excluant ce transfert, à structure constante, la hausse des crédits de paiement est de 10 M€, soit de 1,4 %, et celle des autorisations d’engagement de 44 M€, soit de 6 %.

Même si ces chiffres sont plus faibles qu’en apparence, ils en restent malgré tout une source de satisfaction.

L’action n° 6 vise à atteindre trois objectifs principaux. Premièrement, maintenir, via les dotations, la capacité financière des collectivités territoriales d’outre-mer et favoriser l’égal accès aux services publics locaux des populations ultramarines. Deuxièmement, apporter une aide d’urgence financière et humaine aux populations et aux collectivités frappées par des cataclysmes naturels ou des événements catastrophiques. Enfin, appuyer les actions en matière de sécurité et de défense civiles.

Dotée de 281 M€ pour 2017 en crédits de paiement et de 300 M€ en autorisations d’engagement, cette action regroupe 35,7 % des crédits du programme. Ces crédits progressent d’environ 50 % par rapport à l’année dernière, en très grande partie sous l’effet du transfert entrant des dotations en faveur des opérations de construction des lycées de Nouvelle-Calédonie (27 M€ en crédits de paiement) et en faveur des établissements scolaires du second degré de Mayotte (50 M€ en crédits de paiement).

Toutefois, votre rapporteur se félicite que la dotation globale d’autonomie au profit de la Polynésie française fasse l’objet d’une augmentation de 10 M€, pour atteindre au total 90 M€, conformément à un engagement présidentiel. Au total, l’aide à la reconversion de l’économie polynésienne s’élève dans cette action à 142,5 M€ en crédits de paiement.

L’action n° 1, deuxième action la plus importante du programme (29,5 % des crédits de paiement), vise quatre objectifs principaux : l’accroissement de l’offre de logements sociaux et la réhabilitation du parc existant ; l’accompagnement des politiques urbaines d’aménagement et de rénovation ; la résorption de l’habitat insalubre ; et l’amélioration de la sécurité du parc social antillais à l’égard du risque sismique.

Avec 233 M€, l’enveloppe des crédits de paiement est en légère baisse de 2 M€ par rapport à 2016, tandis que les autorisations d’engagement sont stables, à 247 M€. Pour rappel, les autorisations d’engagement avaient diminué de 9,2 % en 2015 par rapport à 2014, ce qui n’a pas été compensé depuis.

Votre rapporteur remarque qu’il résulte de ces évolutions, année après année, une baisse significative des crédits de cette action. Il regrette vivement cette situation, qui fait craindre notamment une baisse de l’engagement de l’État en faveur de la ligne budgétaire unique (LBU), qui a vocation à soutenir l’effort de construction neuve, de réhabilitation du logement social locatif et de résorption de l’habitat insalubre.

Votre rapporteur appelle à un renforcement des moyens alloués à cette action dans les années à venir. En effet, ces financements sont cruciaux pour l’amélioration de la situation du logement dans les outre-mer, qui reste particulièrement dégradée. Plus largement, les investissements dans le logement doivent faire l’objet d’une politique bien plus ambitieuse, que ce soit en matière de crédits ou de dépenses fiscales, comme l’avait développé votre rapporteur l’année dernière (10).

Par ailleurs, votre rapporteur souligne que cette décrue progressive des crédits constitue un signal négatif alors que le Gouvernement met en œuvre le « Plan logement outre-mer », signé en mars 2015. Ce dernier est censé répondre à plusieurs problèmes : les besoins importants pour rattraper les retards en matière de production de logements et faire face à une croissance démographique supérieure à celle de l’Hexagone ; la faiblesse du revenu moyen par habitant ; les disponibilités foncières limitées ; la fragilité financière des collectivités locales ; l’existence de l’habitat précaire et indigne (70 000 logements dans les cinq DOM) ; la nécessité de mieux structurer les filières de la construction ; ou encore la précarité énergétique dans les zones insulaires.

L’objectif est de construire ou de réhabiliter 10 000 logements par an, en poursuivant la démarche de simplification des normes et des règles de construction, en mettant en place une aide financière aux communes bâtisseuses, en renforçant l’aide au titre de la politique de la ville (NPNRU) et en mobilisant le foncier public pour la construction de logements sociaux.

Cette action vise à contribuer au développement économique et social des territoires ultramarins en aidant financièrement les projets d’investissements structurants portés par les collectivités territoriales d’outre-mer, au moyen, principalement, des contrats de projets et des contrats de développement.

Cette intervention se décline principalement en trois types de politiques :

– en premier lieu, pour 153 M€ de crédits – soit 93 % des crédits de paiement de cette action –, la politique contractuelle État-collectivités. Cette dernière se concrétise, d’une part, par la nouvelle génération de contrats de plan État-régions pour la période 2015-2020 (pour la Guadeloupe, La Réunion, Mayotte, la Martinique et la Guyane) et, d’autre part, par les contrats de développement et de projets avec les collectivités d’outre-mer ;

– en deuxième lieu, le financement d’actions répondant à des problématiques spécifiques aux territoires ultramarins (prévention des risques naturels, équipements communaux, contrats de village à Wallis-et-Futuna) ;

– en dernier lieu, le financement d’actions dans le domaine de la protection de l’environnement et de la préservation de la biodiversité ou du développement économique.

L’action n° 2, dotée de 164,5 M€ en crédits de paiement (soit 21 % des crédits du programme), et de 144,5 M€ en autorisations d’engagement, fait l’objet d’une réduction de ses crédits de 11 M€ cette année, après une augmentation de 6 M€ en 2016 et de 20 % en 2015. C’est la politique contractuelle État-collectivités qui subit cette baisse en crédits de paiements, les autorisations d’engagement restant stables.

À cet égard, votre rapporteur s’interroge sur les conséquences à moyen terme de la persistance d’un écart notable entre le montant des autorisations d’engagement et celui des crédits de paiement (20 M€ cette année). En effet, la réduction des crédits de paiement de 11 M€ pourrait laisser penser que la convergence des deux types de crédits s’obtiendra par une baisse des crédits de paiement. Or, votre rapporteur rappelle que la politique contractuelle État-collectivités constitue une priorité pour le développement de ces territoires et ne trouvera une véritable efficacité que si les moyens financiers sont suffisants et connaissent une certaine stabilité à moyen terme.

L’action n° 3 « Continuité territoriale », avec 42 M€ en crédits de paiement tout comme en autorisations d’engagement, regroupe 5,5 % des crédits du programme. Elle finance, d’une part, la desserte maritime de
Saint-Pierre-et-Miquelon avec le Canada et la desserte aérienne entre les îles Wallis et Futuna, pour un total d’environ 8 M€ pour 2017. D’autre part, elle vise à favoriser, via le fonds de continuité territoriale, les déplacements entre l’Hexagone et les outre-mer pour tous les ultramarins, pour un coût total de 33 M€ pour 2017, dont 27,1 M€ sont gérés par l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité (LADOM).

À ce dernier titre, plusieurs dispositifs sont financés : l’aide à la continuité territoriale, le passeport mobilité études et le passeport mobilité formation professionnelle.

Le projet de loi de programmation relatif à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique (11) prévoit de créer une quatrième catégorie d’aide au titre du fonds de continuité territoriale, le passeport pour la mobilité des stages professionnels, qui serait gérée par l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité. Cette nouvelle aide est destinée aux élèves et étudiants qui, dans le cadre de leurs études, doivent effectuer un stage pour lequel le référentiel de formation impose une mobilité hors du territoire de la collectivité où l’intéressé réside, ou que le tissu économique local n’offre pas dans le champ d’activité et le niveau de responsabilité correspondant à la formation. Enfin, l’aide à la continuité funéraire, créée en 2016, a pour fonction, d’une part, de faciliter le rapatriement du corps des ultramarins ayant leur résidence outre-mer et décédés dans l’Hexagone et, d’autre part, de participer aux frais de déplacement des membres de la famille pour assister aux obsèques.

En 2015, cette action faisait l’objet d’une baisse drastique de ses crédits (de 10 M€ en un an), centrée sur l’aide à la continuité territoriale. Cette dernière avait en effet fait l’objet d’une réforme importante ayant réduit ses ambitions de façon regrettable. En 2016, les crédits étaient globalement stables.

Le présent projet de loi de finances pour 2017 prévoit que les autorisations d’engagement resteront constantes tandis que les crédits de paiement diminueront d’environ 1 M€. Face à la diminution conséquente des crédits sur plusieurs années, votre rapporteur réaffirme souhaiter que le Gouvernement rétablisse les crédits de l’action au niveau de 2014 afin de favoriser efficacement le désenclavement et de faciliter les déplacements entre l’Hexagone et les territoires ultramarins.

L’action n° 7 regroupe un peu moins d’1 M€ en crédits de paiement ainsi qu’en autorisations d’engagement, soit 0,001 % des crédits du programme. Elle prétend favoriser l’intégration et l’insertion économique des départements et collectivités d’outre-mer dans leur environnement régional, tout en assurant la présence de la France dans ces zones.

Ces chiffres illustrent le fait que cette politique ne constitue pas une priorité pour l’État, même si son financement ne se limite certes pas aux crédits de cette action. Un signal négatif est encore envoyé cette année par la légère baisse des crédits, après la baisse drastique du budget de cette action (- 47 %) en 2015.

Votre rapporteur remercie toutefois le Gouvernement d’avoir soutenu la proposition de loi relative à l’action extérieure des collectivités territoriales et à la coopération de l’outre-mer dans son environnement régional (12), défendue par votre rapporteur et adoptée à l’unanimité en première lecture à l’Assemblée nationale le 24 mars 2016. De même, il se réjouit du fait que l’aide au fret soit étendue aux échanges entre collectivités ultramarines (13).

Au risque de se répéter, votre rapporteur insiste sur le fait que l’insertion régionale est une des voies de développement des outre-mer qu’il convient de favoriser.

Le Fonds exceptionnel d’investissement (FEI) a pour objet de permettre le rattrapage des outre-mer en matière d’équipements structurants, avec la priorité donnée à des projets à fort impact sur l’emploi. Le Président de la République François Hollande s’était engagé en 2012 à porter les crédits de ce fonds à 500 M€ au cours de son quinquennat.

Dans son avis sur le projet de loi de finances pour 2013, votre rapporteur s’inquiétait déjà de l’écart entre cette promesse et la décision d’abonder le FEI de seulement 25,9 M€ en crédits de paiement et de 50 M€ en autorisations d’engagement, soit moitié moins que le niveau de crédit attendu annuellement pour pouvoir atteindre cette promesse. En 2014, le niveau de crédits pour 2013 a été reconduit. Dans la loi de finances initiale pour 2015, le FEI n’était plus doté que de 25,7 M€ en crédits de paiement et de 39,3 M€ en autorisations d’engagement. Enfin, la loi de finances initiale pour 2016 a ouvert des crédits d’un montant de 27 M€ en crédits de paiement et de 40 M€ en autorisations d’engagement.

Dans le présent projet de loi de finances pour 2017, le fonds est abondé de 34,8 M€ en crédits de paiement et de 40 M€ en autorisations d’engagement. Si ces dernières sont stables par rapport à 2016, les crédits de paiement connaissent une augmentation d’environ 7,5 M€.

Votre rapporteur se félicite de cette augmentation des crédits pour 2017. Toutefois, elle ne saurait occulter le fait que la promesse présidentielle ne sera pas tenue sur le quinquennat.

L’action n° 4 est dotée cette année de 19 M€ en crédits de paiement (soit 2,5 % des crédits du programme) et de 27,5 M€ en autorisations d’engagement. Elle vise à améliorer la cohésion sociale et à favoriser l’égalité des chances outre-mer. Elle regroupe plusieurs interventions dans le domaine sanitaire et social, d’un côté, et en matière culturelle, sportive et en faveur de la jeunesse, d’un autre côté, en particulier pour les territoires de Saint-Pierre-et-Miquelon et Mayotte.

Dans le présent projet de loi de finances pour 2017, bien que les crédits de paiement subissent une baisse d’environ 1,5 M€ par rapport à 2016, les autorisations d’engagement bénéficient d’une hausse de 7 M€.

Cette hausse globale des crédits pour 2017, qui fait suite à celle de 170 % en 2016 (retour de la participation de l’État au financement du régime de solidarité territorial de la Polynésie française), est une excellente mesure. Elle s’explique, cette année, par le financement des travaux de la Cité des outre-mer, en application d’un engagement pris par le Président de la République, afin de mettre en valeur la diversité des cultures et des populations des outre-mer. 10 M€ en autorisations d’engagement et 1,5 M€ en crédits de paiement y sont consacrés en 2017.

Votre rapporteur se félicite de la mise en œuvre de ce projet.

Cette action porte un dispositif qui vise à favoriser les investissements des acteurs publics en réduisant les coûts des ressources empruntées, et à assurer une meilleure couverture des risques. Elle est mise en œuvre par l’intermédiaire de l’Agence française pour le développement (AFD), qui intervient financièrement et assure un accompagnement technique des collectivités ultramarines. Son appui se traduit par une bonification d’intérêt sur les prêts accordés aux collectivités territoriales et aux personnes publique.

Cette action, qui n’est qu’en timide progression de 1,5 M€ s’agissant des crédits de paiements, pour un montant total de 13 M€ (soit 1,7 % des crédits du programme), voit en revanche une très forte augmentation des autorisations d’engagement, de 22,5 M€, qui culminent à 47 M€ en 2017.

Cette hausse des autorisations d’engagement a vocation, selon le Gouvernement, à renforcer l’appui au secteur public en favorisant la réalisation de projets structurants pour le développement, notamment économique, des territoires ultramarins. Elle permettra également la mise en place en 2017 d’un prêt à taux zéro au profit de projets favorisant le développement des énergies renouvelables et de la lutte contre les effets du changement climatique dans les collectivités d’outre-mer, afin de participer au respect des engagements pris par la France lors de la 21e Conférence des parties, qui s’est tenue à Paris en décembre 2015.

Votre rapporteur salue les avancées que porte le présent projet de loi de finances dans ce domaine.

Outre les crédits budgétaires, les outre-mer bénéficient également d’un ensemble de vingt-six dispositifs fiscaux qui jouent un rôle majeur de soutien à l’activité économique. Le montant prévisionnel des dépenses fiscales rattachées à la mission Outre-mer s’élève à 4 milliards d’euros pour 2017, en augmentation d’environ 70 M€ par rapport à 2016, selon les estimations du Gouvernement. Globalement, ces dépenses fiscales connaissent peu d’évolutions.

À l’inverse des crédits budgétaires, plus importants pour le programme 138 que pour le programme 123, la répartition des dépenses fiscales favorise ce dernier. Le tableau ci-dessous présente les évolutions des montants de dépenses fiscales par programme.

(En millions d’euros)

 

Chiffrage

2015 (estimé)

Chiffrage 2016

(prévisions)

Chiffrage 2017

(prévisions)

Programme 138 « Emploi outre-mer »

345

328

318

Programme 123 « Conditions de vie outre-mer »

3 564

3 643

3 723

Dont : régime de TVA des départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de La Réunion. Fixation des taux à 8,5 % pour le taux normal et à 2,1 % pour le taux réduit

1 300

1 300

1 300

Dont : exclusion des départements d’outre-mer du champ d’application de la taxe intérieure de consommation applicable aux carburants

940

1 050

1 160

Dont : réduction, dans la limite d’un certain montant, pour les contribuables des DOM de la cotisation résultant du barème de l’impôt sur le revenu (30 % en Guadeloupe, Martinique et Réunion ; 40 % en Guyane et à Mayotte)

384

384

384

Dont : les trois dispositifs de défiscalisation des investissements en faveur du logement ou des investissements productifs (articles 199 undecies A à D et 217 undecies du code général des impôts).

819

750

nc

Total mission

3 909

3 971

4 041

Sources : Projet annuel de performance 2016 et Projet annuel de performance 2017.

ANALYSE THÉMATIQUE : DE LA NÉCESSITÉ D’ASSURER L’ÉGALITÉ RÉELLE DES TERRITOIRES ULTRAMARINS AVEC L’HEXAGONE TOUT EN FAVORISANT LEUR DÉVELOPPEMENT ENDOGÈNE

Dans la présente partie thématique du rapport, deux études de cas sont proposées : d’une part, la formation et l’insertion économique de la jeunesse des outre-mer et, d’autre part, l’accès à la télévision dans les outre-mer. Votre rapporteur tentera de démontrer, par ces deux études, que l’égalité réelle et le développement endogène des territoires ultramarins constituent deux objectifs qui vont de pair.

En septembre 2015, le Gouvernement – par l’intermédiaire de
M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, et de Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer – a lancé son « Plan Jeunesse Outre-mer ». Celui-ci prétend répondre à ce qui y est qualifié de « défi pour aujourd’hui » et de « pari pour l’avenir ». Votre rapporteur partage tant le constat que l’ambition. Il propose toutefois une voie plus cohérente avec la mise en place d’un système économique basé sur le développement endogène des territoires, qu’il appelle de ses v
œux.

En 2013, le nombre de jeunes ultramarins âgés de 15 à 29 ans est estimé à environ 670 000 jeunes, dont 110 000 vivent dans l’Hexagone, soit 16 % du total (14) (15). Sur les 560 000 jeunes qui vivent en outre-mer, près d’un tiers sont Réunionnais (180 000 jeunes), 70 000 sont Guadeloupéens, 70 000 Polynésiens, 65 000 Martiniquais, 60 000 Néo-calédoniens, 60 000 Guyanais et 50 000 Mahorais. Saint-Martin, Wallis-et-Futuna, Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon comptent, quant à eux, pour environ 13 000 jeunes (16).

Alors que les jeunes de l’Hexagone représentent 18 % de la population totale, la proportion de jeunes ultramarins dans leurs territoires respectifs est souvent bien supérieure, particulièrement en Polynésie française (25,4 %), à Mayotte (25,4 %), en Nouvelle-Calédonie (23,6 %) et en Guyane (23 %). À cet égard, la Guadeloupe (17 %), la Martinique (16,5 %) et Saint-Pierre-et-Miquelon (15 %) font exception (17). Au 1er janvier 2013, sept territoires ultramarins figurent parmi les quinze territoires français ayant la proportion de jeunes la plus élevée.

Si la proportion de jeunes varie en fonction des territoires ultramarins en raison de caractéristiques et d’évolutions démographiques sensiblement différentes, la question de leur niveau de formation tend à constituer un problème dans chacun d’entre eux.

En effet, dans les outre-mer, les jeunes souffrent globalement d’un niveau de formation, qu’il soit scolaire, universitaire ou professionnel, plus faible que dans l’Hexagone. La croissance démographique, le multiculturalisme ainsi que le contexte social souvent défavorisé des élèves, leur fragilité à la sortie du primaire, l’absence de pratique du français à la maison sont autant des facteurs qui pourraient expliquer certaines contreperformances.

Les chiffres attestent de ces difficultés. Globalement, la part des jeunes de 15 à 29 ans non scolarisée ne possédant aucun diplôme ou au plus le brevet des collèges s’élève à 40 % dans les outre-mer contre 19 % dans l’Hexagone. Près de 11 % des jeunes ultramarins ne sont ni en emploi, ni en formation, ni au chômage. Un jeune sur dix de 16 ans ou plus sort du système scolaire sans aucune qualification. Le taux d’illettrisme est près de quatre fois supérieur chez les jeunes ultramarins que dans l’Hexagone (18). De même, alors que 40 % des jeunes poursuivent leurs études à l’université dans l’Hexagone, seuls 20 % le font dans les outre-mer.

En 2012, parmi les jeunes en emploi en France hexagonale, 8 % n’ont pas de diplôme. Dans les outre-mer, à l’exception de Saint-Pierre-et-Miquelon, la proportion est bien plus élevée et atteint pour l’ensemble de ces territoires 16 %, soit le double de la moyenne hexagonale. S’agissant des jeunes au chômage, 21 % n’ont pas de diplôme dans l’Hexagone, tandis que la proportion atteint 35 % dans les outre-mer.

Cette situation, qui se cumule, dans certains territoires, avec une dynamique économique déprimée et un taux de création d’emplois faible, rend plus difficile l’insertion des jeunes ultramarins sur le marché du travail.

Le taux de chômage des jeunes dans les outre-mer est ainsi beaucoup plus élevé que dans l’Hexagone. En 2012, en France hexagonale, le taux de chômage des jeunes âgés de 15 à 29 ans représente 18 %, soit quasiment le double du taux de chômage des personnes âgées de 15 à 64 ans (9,9 %). Mais le taux de chômage des jeunes ultramarins est encore bien supérieur ; en moyenne, dans les onze territoires ultramarins, ce taux atteint 41 %, soit plus du double de la moyenne hexagonale. Si le taux de chômage des jeunes est inférieur à la moyenne hexagonale à Saint-Barthélemy (4 %) et à Saint-Pierre-et-Miquelon (16 %), il est plus de deux fois supérieur dans tous les autres territoires, à l’exception de la Nouvelle-Calédonie (27 %) et de Wallis-et-Futuna (31 %). Il est en effet de 40 % à Saint-Martin, de 41 % en Guyane, de 44 % en Polynésie française, de 46 % à La Réunion, de 46 % en Guadeloupe, de 47 % en Martinique et de 55 % à Mayotte (19).

Plus globalement, l’accès à l’emploi des jeunes est plus difficile dans les territoires ultramarins qu’en France hexagonale. Ainsi, en 2012, à l’exception de Saint-Barthélemy et de Saint-Pierre-et-Miquelon, la part des jeunes ayant un emploi (20) dans les territoires ultramarins est inférieure à celle des jeunes hexagonaux (44 %). La situation est particulièrement préoccupante à Mayotte (moins de 15 %), en Guadeloupe (moins de 20 %), en Martinique (environ 20 %) et en Guyane (à peine plus de 20 %). La faiblesse de ces taux d’emploi donne la mesure des efforts à fournir pour améliorer l’insertion professionnelle des jeunes ultramarins. À titre de comparaison, sur les 110 000 jeunes ultramarins nés dans les outre-mer et résidant dans l’Hexagone, 46 % ont un emploi, même s’il faut prendre en compte le fait qu’ils sont en moyenne plus diplômés.

Cette situation pose un quadruple problème. Premièrement, elle constitue une réalité insupportable pour les jeunes ultramarins et une source de fortes inégalités réelles avec la jeunesse de l’Hexagone. Deuxièmement, elle constitue un handicap considérable pour les territoires ultramarins, qui freine fortement leur développement économique potentiel. En outre, elle génère des conséquences démographiques regrettables en incitant les jeunes à venir se former et trouver un travail dans l’Hexagone sans revenir ensuite dans ces territoires. 30 % des jeunes Guadeloupéens, 28 % des jeunes Martiniquais, 25 % des jeunes Guyanais et 16,5 % des jeunes Réunionnais résident ainsi dans l’Hexagone. Enfin, elle débouche sur des problèmes sociaux, voire de violence.

Face au défi que représentent aujourd’hui les difficultés socio-économiques de la jeunesse des outre-mer, il est nécessaire de faire de cette jeunesse un pari pour l’avenir, comme l’affirme la « Plan Jeunesse Outre-mer » du Gouvernement. Cette ambition implique non seulement de mettre en œuvre des politiques favorables aux jeunes en matière sociale, éducative et de formation mais également de penser la formation et l’insertion économique des jeunes ultramarins dans le cadre d’un modèle économique axé sur le développement endogène de ces territoires.

Dans le présent avis sur le projet de loi de finances pour 2017, votre rapporteur concentrera principalement son attention sur cette question de la formation, qu’elle soit initiale ou continue, des jeunes de 15 à 29 ans et de sa cohérence avec le changement de modèle économique des territoires ultramarins que soutient votre rapporteur.

Si ce rapport entend principalement traiter de la question de la formation des jeunes ultramarins, il ne peut ignorer les facteurs qui interviennent en amont pour altérer leur future employabilité. Ces facteurs sont nombreux et supposent une action résolue des pouvoirs publics pour assurer l’égalité réelle entre les situations hexagonale et ultramarine.

En premier lieu, les difficultés socio-économiques dont souffrent beaucoup de foyers ultramarins ont un impact certain sur les difficultés scolaires de beaucoup de jeunes ultramarins. Cet état de fait justifie la mise en œuvre de politiques sociales ambitieuses à destination des familles, des élèves et des jeunes, qu’ils soient encore scolarisés ou pas.

En deuxième lieu, la scolarisation des élèves ultramarins doit également fait l’objet d’une attention accrue. Moyennant un soutien financier de l’État supplémentaire, le taux d’encadrement des élèves pourrait être augmenté par rapport à l’Hexagone et le nombre d’élèves par classe réduit. Le problème du décrochage scolaire dans les outre-mer doit également être pris encore davantage à bras-le-corps par le ministère de l’éducation nationale et les collectivités territoriales. En outre, il est nécessaire de poursuivre la construction d’établissements scolaires et d’en assurer la réhabilitation pour que les conditions de travail des enseignants et de vie des élèves soient de nature à favoriser l’apprentissage.

Par ailleurs, il est indispensable d’assurer une meilleure transition entre le lycée et l’enseignement supérieur afin d’encourager la poursuite des études après l’obtention du baccalauréat, ce qui est trop rare dans les territoires ultramarins par rapport à l’Hexagone. L’orientation des élèves est, à cet égard, essentielle pour donner aux jeunes la confiance et l’envie nécessaires pour poursuivre leurs études.

La situation déprimée en matière d’accès des jeunes à l’emploi a justifié la mise en place d’une offre de formation assez développée. La politique mise en œuvre aujourd’hui dans ce domaine repose sur plusieurs piliers. En premier lieu, des dispositifs de formation et d’insertion professionnelle spécifiques aux territoires ultramarins ont été mis en place. En deuxième lieu, des aides aux entreprises sont prévues afin de favoriser l’insertion des jeunes ultramarins sur le marché du travail. Enfin, la mobilité vers l’Hexagone pour suivre une formation est largement mise à contribution pour parvenir à cet objectif.

S’agissant, en premier lieu, des dispositifs de formation et d’insertion spécifiques aux territoires ultramarins, le SMA est probablement la plus grande réussite. Ce dispositif d’insertion sociale et professionnelle, qui relève du ministère des outre-mer et du ministère de la défense, a été créé en 1961 dans les Antilles et en Guyane. Il offre la possibilité aux jeunes ultra-marins de 18 à 25 ans les plus éloignés de l’emploi, voire en voie de marginalisation, de servir un an dans les armées, sous statut de volontaires. Cette formation globale est fondée sur les règles de vie et de discipline militaires ; elle est renforcée par l’accompagnement des volontaires et un suivi individualisé. La formation est à la fois citoyenne, militaire et professionnelle. Elle débouche sur l’obtention du certificat d’aptitude personnelle à l’insertion.

Dans son dernier bilan d’activité pour l’année 2015 (21), le général Luc de Revel, commandant du service militaire adapté, précisait qu’en 2015, « en dépit d’une forte proportion d’illettrés (38,7 %) et de non-diplômés (63 %), l’insertion dans l’emploi s’est élevée à 76,3 % des volontaires (dans l’emploi marchand à 95 %), dont plus de 49 % dans l’emploi durable ».

Le présent projet de loi de finances pour 2017 prévoit que cette formation pourra bénéficier en 2017 à 6 000 jeunes, ce qui concrétise l’objectif « SMA 6000 ». Votre rapporteur souligne l’efficacité de ce dispositif et se félicite de sa montée en charge progressive.

Les politiques locales de formation professionnelle

Outre le SMA, des politiques locales de formation professionnelle sont mises en œuvre. Dans les départements d’outre-mer, c’est le contrat de plan régional de développement des formations professionnelles qui en fixe le cadre. Dans les collectivités d’outre-mer, les modalités de ces politiques diffèrent en fonction de la nature des compétences de ces collectivités.

Il apparaît que si ces politiques sont utiles, elles ne peuvent, par les faibles moyens qu’elles mobilisent, porter une ambition d’une ampleur suffisante pour répondre aux enjeux déjà exposés.

Les écoles régionales de la deuxième chance (ER2C)

Les ER2C s’adressent, quant à elles, aux jeunes de moins de 26 ans sortis du système éducatif sans diplôme et sans qualification professionnelle. Fondées sur une pédagogie différente des schémas scolaires classiques, les ER2C ont pour objectif l’insertion socioprofessionnelle des jeunes qu’elles accueillent sans autre critère que leur motivation, en leur permettant de développer des compétences, de construire leur projet personnel et professionnel et de gagner ainsi en autonomie. Ces écoles sont présentes en Guadeloupe, en Martinique, à La Réunion, en Guyane et à Mayotte. La plus récente ER2C en outre-mer a été labellisée en Nouvelle-Calédonie en décembre 2012.

Votre rapporteur soutient la démarche portée par ces écoles régionales de la deuxième chance et appelle à en multiplier le nombre et les moyens tout en prenant en compte les réalités concrètes, par exemple en prévoyant une aide aux transports pour les jeunes qui habitent loin de l’établissement (22).

L’insertion par l’activité économique

Par ailleurs, d’autres structures visent à favoriser l’insertion par l’activité économique. Parmi les principales se trouvent les associations intermédiaires, qui embauchent des personnes en difficulté et les mettent à la disposition d’utilisateurs. Les entreprises d’insertion, de leur côté, emploient également, dans le domaine des services principalement (nettoyage, entretien etc.), des personnes en difficulté. Enfin, les ateliers et chantiers d’insertion conventionnés par l’État ont pour objet l’embauche de personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières.

La logique de l’insertion par l’activité économique se retrouve dans le fonctionnement de la Garantie Jeunes, dont la généralisation dans les territoires ultramarins est prévue pour 2017. Ce dispositif vise à proposer à des jeunes de
19 à 25 ans, qui ne sont ni en emploi, ni en études, ni en formation et qui se trouvent en grande précarité financière, familiale et sociale, un accompagnement renforcé pour un parcours vers l’emploi et l’autonomie en signant un contrat d’engagement réciproque avec les missions locales. Pendant un an, le jeune bénéficie d’un accompagnement collectif intensif, assuré par la mission locale dont il dépend, sur plusieurs mois, pour le préparer à l’univers de l’entreprise. Des immersions régulières en entreprise (stages, apprentissage…) sont également prévues. En outre, le jeune reçoit une aide financière de 461,72 euros mensuels pour faciliter ses démarches d’accès à l’emploi.

Enfin, le projet de loi de programmation relatif à l’égalité réelle outre-mer (23) prévoit, pour faciliter la professionnalisation et favoriser l’emploi des jeunes, la prise en charge, à titre expérimental, des dépenses de tutorat des jeunes en entreprise pour 18 mois, avec une attention particulière portée aux bénéficiaires de contrats aidés.

Les dispositifs spécifiques répondant aux besoins particuliers de certains territoires

Les collectivités d’outre-mer bénéficient, de surcroît, de dispositifs différenciés en fonction des besoins spécifiques des territoires. Ceux-ci font d’ailleurs l’objet, dans le présent projet de loi de finances pour 2017, de financements d’un montant de 1,7 M€ s’agissant des « mesures de formation et d’insertion dans les collectivités d’outre-mer » (chantiers de développement local et dispositif des jeunes stagiaires du développement) et de 7 M€ en ce qui concerne les différents programmes « cadres avenir », les bourses d’enseignement supérieur de la province des îles Loyauté et le programme MBA (24).

En Nouvelle-Calédonie, en Polynésie et à Wallis-et-Futuna, les chantiers de développement local (CDL) permettent d’assurer aux plus démunis des revenus versés en échange d’un travail d’intérêt général effectué soit dans les services publics, soit dans les villages, ou encore au titre de projets spécifiques portés par des associations. De plus, en Nouvelle-Calédonie également, le dispositif des jeunes stagiaires du développement (JSD) favorise l’insertion des jeunes en difficulté et vise à permettre la résorption du chômage des jeunes âgés de
18 à 26 ans. Il limite le temps de travail à 22 h 30 par semaine afin de permettre aux jeunes de participer à des actions de formation complémentaire.

La formation des futurs cadres fait par ailleurs l’objet d’une attention accrue ces dernières années dans les territoires ultramarins. Le programme « Cadres avenir », en particulier, permet l’accompagnement pédagogique des personnes qui disposent d’une expérience professionnelle de plusieurs années, qui ont pour objectif de parvenir à un poste de cadre moyen ou supérieur nécessaire au développement économique du territoire ultramarin concerné et qui souhaitent, dans ce but, reprendre un cursus d’études supérieures dans l’Hexagone. Ce dispositif a d’abord été mis en place en Nouvelle-Calédonie en 1998.

En 2002, le programme « Cadres pour Wallis-et-Futuna » a été créé sur le même modèle dans le but d’encourager les jeunes à suivre une formation professionnelle au-delà du baccalauréat en Nouvelle-Calédonie ou dans l’Hexagone. Un retour dans la collectivité d’origine est attendu après l’obtention des diplômes nécessaires pour occuper des postes à responsabilité, encadrer une équipe ou créer une entreprise. Le projet de loi de programmation relatif à l’égalité réelle outre-mer (25) prévoit quant à lui de mettre en œuvre, en 2017, un programme spécifique « cadres avenir » à Mayotte. Celui-ci a vocation à permettre à de jeunes Mahorais d’accéder à des formations puis à des emplois de haut niveau dans l’administration publique et dans le secteur privé à Mayotte. Ouvert aux bénéficiaires du passeport mobilité-études (26), ce dispositif contribuera, sous conditions de ressources, au financement des frais d’installation de ces étudiants et permettra l’attribution d’une indemnité mensuelle pendant une durée maximale de cinq ans.

Enfin, le programme MBA (Master of Business Administration), mis en place en 2014 en faveur des Néo-calédoniens, permet à des personnes déjà engagées dans des postes à responsabilité au sein des collectivités publiques et des entreprises calédoniennes de suivre une formation de haut niveau.

Les départements d’outre-mer bénéficient également de dispositifs spécifiques d’exonérations des cotisations sociales et de prise en charge par l’État d’une partie de la rémunération. D’abord réservées à quelques secteurs d’activité, les exonérations spécifiques ont été largement étendues par la suite.

En outre, les contrats aidés par l’État, parfois abondés par les collectivités ultramarines, doivent permettre aux jeunes d’acquérir une première expérience professionnelle et, surtout, une formation complémentaire. Ils servent, par ailleurs, en période de chômage très élevé, à garantir que les jeunes ne soient pas totalement coupés de l’emploi pour limiter les effets d’hystérèse du chômage (27). Ils prennent principalement la forme du contrat unique d’insertion et des emplois d’avenir. Si votre rapporteur en soutient le principe, il appelle à repenser l’utilisation des emplois aidés dans une optique d’employabilité en favorisant leur création dans le secteur privé plutôt que public, en particulier dans les secteurs pourvoyeurs d’emplois.

Par ailleurs, le dispositif du service civique s’applique et est fortement mobilisé en outre-mer.

Face à une situation économique déprimée, souffrant d’un éloignement géographique par rapport à l’Hexagone – et parfois par rapport aux autres continents –, confrontés au faible taux de créations d’emplois, au fort taux de chômage des jeunes, aux offres de formations universitaires et professionnelles parfois lacunaires ou saturées, à une démographie souvent dynamique et à des difficultés pour se loger, nombre de jeunes ultramarins préfèrent migrer vers l’Hexagone pour se former et trouver un emploi. Relevant dans certains cas d’un choix individuel, souvent douloureux, la mobilité vers l’Hexagone constitue plus souvent une nécessité face à ces réalités.

Les mouvements migratoires en provenance des départements d’outre-mer vers l’Hexagone et dans le sens inverse (retours) sont d’ailleurs intenses depuis le milieu du XXe siècle. En 2007 (28), un natif des DOM sur cinq vivait dans l’Hexagone. Chez les jeunes des 18 à 34 ans, ce sont, respectivement, 36 %, 33 %, 30 % et 19 % des natifs de Guadeloupe, de Martinique, de Guyane et de La Réunion qui résidaient dans l’Hexagone. Plus de 15 000 jeunes ultramarins partent tous les ans se former dans l’Hexagone et acquérir une première expérience professionnelle, et plus de la moitié sont toujours dans l’Hexagone 6 mois après la fin de leur formation (29).

C’est l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité (LADOM), opérateur de l’État, qui est au cœur du dispositif de formation en mobilité. Dans le préambule du contrat de performance entre l’État et LADOM, il est précisé que « LADOM a pour objet, en dehors de tout but lucratif, dans le cadre des orientations gouvernementales et des politiques de mobilité définies par l’État en liaison avec les collectivités territoriales concernées des cinq départements d’outre-mer, les administrations compétentes et organismes qualifiés, de veiller à l’inclusion dans l’emploi des personnes, en particulier les jeunes, résidant habituellement outre-mer. À ce titre, elle a pour mission principale de favoriser la formation en mobilité hors de leur région d’origine, et l’accès à l’emploi, de ces personnes ».

Le champ géographique d’intervention de LADOM est donc limité à la Guadeloupe, à la Guyane, à la Martinique, à Mayotte et à La Réunion. Il est étendu à Saint-Pierre-et-Miquelon et Saint-Barthélemy pour les élèves en mobilité. La gestion des aides à la mobilité pour les collectivités d’outre-mer et pour la Nouvelle-Calédonie est assurée par l’État ; pour ces territoires, LADOM n’intervient que comme prestataire et reçoit leurs financements afférents.

La mobilité vers l’Hexagone en matière de formation est principalement permise par deux dispositifs, le passeport mobilité-études et le passeport mobilité formation professionnelle, tous deux gérés par LADOM.

Le passeport mobilité-études (PME)

Le passeport mobilité-études permet la prise en charge par LADOM de tout ou partie du coût des titres de transport aller-retour des étudiants de moins de 26 ans (ou élèves dans les collectivités de Saint-Pierre-et-Miquelon et Saint-Barthélemy) devant se rendre dans l’Hexagone ou dans l’Espace économique européen pour y suivre une formation initiale dont l’offre sur place est inexistante ou saturée dans leur territoire.

L’aide est conditionnée en fonction des revenus du foyer fiscal et est de 100 % pour les étudiants boursiers et de 50 % pour les autres. Au 31 décembre 2013, 15 500 jeunes avaient bénéficié du PME pour un coût de 12 M€.

Le passeport mobilité formation professionnelle (PMFP)

Le passeport mobilité formation professionnelle permet aux jeunes ultramarins de se former dans l’Hexagone en bénéficiant des prestations offertes par LADOM. Cette dernière met en œuvre une analyse de la demande des jeunes et les conseille au moyen d’une évaluation vers la formation adaptée. Elle propose également une prestation d’accueil et d’accompagnement individualisé. Chaque bénéficiaire est, en effet, suivi par un conseiller en insertion professionnelle au départ et accueilli dans les mêmes conditions à l’arrivée en France hexagonale. LADOM verse à chaque bénéficiaire les aides prévues par l’État et les collectivités d’outre-mer. Elle assure, enfin, une évaluation régulière du parcours de qualification au moyen de bilans d’étapes en lien avec les organismes de formation et exerce une action de tutorat pour permettre aux bénéficiaires un accès à l’emploi.

Les résultats de ces actions sont positifs puisque 70 % des jeunes en mobilité valident leur titre ou leur qualification professionnelle et plus d’un jeune sur deux trouve un emploi. En 2013, 4 500 jeunes ont bénéficié de ce passeport.

Ce dernier finance, en outre, dans son volet transport, des aides liées aux déplacements justifiés par la formation professionnelle en mobilité. LADOM prend en charge le financement du titre de transport, des frais relatifs à la formation, d’une aide financière mensuelle versée pendant deux ans ne pouvant pas dépasser 7 500 euros au total et d’une allocation d’installation de 800 euros.

La création d’un passeport pour la mobilité en stage professionnel

Enfin, le projet de loi de programmation relatif à l’égalité réelle outre-mer (30) prévoit la création d’un nouveau dispositif, le « passeport pour la mobilité en stage professionnel ». Il permettra de concourir au financement des titres de transport des élèves et étudiants inscrits dans des filières professionnelles de leur académie qui sont conduits, dans le cadre de leur cursus, à effectuer un stage professionnel dans une autre académie.

En conclusion de cette présentation de l’offre de formation en faveur de l’insertion professionnelle proposée aux jeunes ultramarins, votre rapporteur se félicite de l’existence de l’ensemble des dispositifs.

Toutefois, il relève deux écueils. D’une part, le système de formation professionnelle et d’aides à l’insertion économique des jeunes ultramarins apparaît peu structuré et son pilotage complexe. D’autre part, surtout, les résultats ne semblent pas être à la hauteur des enjeux.

Sur cette base, votre rapporteur propose une évolution du système et de l’offre de formation à destination des jeunes, dans une optique de développement endogène des territoires.

Partisan d’une évolution du système de développement économique des territoires ultramarins, d’une économie de rente vers une croissance endogène, votre rapporteur défend un mode de fonctionnement des formations non seulement plus efficient mais qui s’inscrive également dans cette ambition plus large.

Dans cette optique, il plaide, en premier lieu, pour améliorer l’adaptation de l’offre de formations, initiales et continues, aux besoins du marché du travail. En second lieu, il souhaite que l’offre de formation dans les territoires ultramarins soit fortement enrichie et que la mobilité entre collectivités ultramarines soit encouragée. Enfin, il prône le retour (« la migration-retour ») des jeunes ultramarins qui ont rejoint l’Hexagone après leur formation.

Il est aujourd’hui indispensable d’améliorer l’adéquation des offres de formation aux exigences des marchés de l’emploi dans les outre-mer. Trop souvent, les offres de formation proposées aux jeunes ultramarins, qu’elles soient organisées sur place ou dans l’Hexagone, ne sont pas adaptées aux besoins exprimés par les entrepreneurs dans les territoires. Ce point a été soulevé à plusieurs reprises lors des auditions menées par votre rapporteur.

LADOM, en particulier, devrait sans doute effectuer une sélection plus stricte sur les formations proposées et nouer des liens plus étroits avec les entreprises pour identifier plus finement leurs besoins. À cet égard, le fait que le taux d’offres d’emplois non satisfaites soit plus élevé dans les outre-mer que dans l’Hexagone, en dépit d’un taux de chômage bien supérieur, doit interroger.

Il est également nécessaire que les territoires ultramarins anticipent davantage les besoins du marché du travail, afin d’adapter les offres de formation. La prospective territoriale des métiers et des compétences apparaît aujourd’hui insuffisante. La gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) est un travail difficile mais hautement nécessaire pour adapter l’offre de formation et permettre de mieux anticiper les exigences futures du marché du travail. Aussi, certains secteurs pourvoyeurs d’emplois devraient être particulièrement soutenus, à l’image de l’agriculture et de l’agroalimentaire, du bâtiment, du tourisme, des transports, de la distribution, des services de santé et à la personne et de l’économie verte, en particulier de l’énergie (31).

Par ailleurs, l’enseignement supérieur devrait être davantage à même d’assurer la transition avec le marché du travail. Cela suppose que les universités développent une offre de formations adaptée, en s’appuyant en particulier sur des partenariats avec les entreprises et sur la mise en place de pôles d’excellence dans les secteurs porteurs. L’accompagnement des étudiants dans leur recherche d’emplois doit, en outre, être amélioré.

Votre rapporteur plaide, tout d’abord, pour développer l’offre de formations dans chacune des collectivités ultramarines. Une telle évolution serait de nature à augmenter la croissance potentielle des territoires ultramarins et à inciter les jeunes ultramarins à rester sur place.

Elle suppose, toutefois, de prendre en compte les contraintes concrètes auxquelles font face les jeunes qui cherchent à accéder à une formation. En ce sens, il importe de réfléchir à la mise en place, au sein des territoires ultramarins, de solutions face aux difficultés liées au transport (offre de transports publics, aides pour financer le passage de l’examen du permis de conduire etc.) et au logement, notamment.

Mutualiser l’offre de formations au sein de groupes de territoires ultramarins

En outre, il serait utile de penser la mobilité entre les territoires ultramarins eux-mêmes, surtout lorsqu’ils sont géographiquement proches. C’est le cas, par exemple, de la Guadeloupe et de la Martinique avec Saint-Barthélemy et Saint-Martin, des Antilles avec la Guyane, de La Réunion avec Mayotte et de la Nouvelle-Calédonie avec Wallis-et-Futuna. Cette proximité géographique constitue une opportunité de développer des pôles de formation régionaux (un ou plusieurs sur chaque territoire) et de tirer profit de la volonté des entreprises de se développer dans l’espace économique régional dans lequel elles s’insèrent. C’est ce que tente de mettre en œuvre l’Union régionale Antilles-Guyane.

Une offre de formations qui pourrait être ouverte sur l’espace économique régional

Une telle démarche peut même être poussée plus loin en prenant pour cadre l’espace économique régional, ce qui irait dans le sens d’un très fort renforcement de l’insertion régionale des territoires ultramarins, que votre rapporteur appelle de ses vœux.

Pour ce faire, deux axes de développement sont mobilisables. En premier lieu, il conviendrait de fournir un effort important concernant la maîtrise des connaissances linguistiques des jeunes ultramarins qui, à la différence des jeunes de l’Hexagone, baignent dans un espace géographique où le français est minoritaire et où la maîtrise de l’anglais, de l’espagnol ou du portugais peut se révéler un atout décisif pour s’insérer professionnellement. En second lieu, pourrait être créé un dispositif scolaire et universitaire sur le modèle d’ERASMUS dans les territoires ultramarins (32). Ce dernier dispositif, qui pourrait également permettre de traiter la question de l’équivalence des diplômes, serait de nature à renforcer la coopération des territoires ultramarins avec les pays de leur zone géographique respective dans les domaines de l’enseignement, de la recherche et de la formation professionnelle.

À cet égard, le projet de loi de programmation relatif à l’égalité réelle outre-mer (33) concrétise une avancée significative en prévoyant que les échanges scolaires et étudiants organisés dans l’environnement régional des établissements seront soutenus. De cette manière, la mobilité des jeunes sera ainsi ouverte à leur environnement régional.

En dernier lieu, il convient de repenser la mobilité en matière de formation. Étant donné que l’offre de formations dans les territoires ultramarins ne pourra être fortement développée qu’à moyen terme, cette mobilité – que ce soit vers un autre territoire ultramarin, vers l’Hexagone ou vers l’étranger – doit être préservée. Toutefois, il convient d’envisager son évolution progressive pour inciter les jeunes ultramarins à revenir sur leur territoire d’origine pour trouver un emploi. La migration-retour défendue de longue date par votre rapporteur, doit être une priorité.

À l’occasion de l’examen en séance publique par l’Assemblée nationale, en première lecture, du projet de loi de programmation relatif à l’égalité réelle outre-mer (34), la ministre des outre-mer Ericka Bareigts a déposé, au nom du Gouvernement, un amendement (35) allant dans ce sens. Dans l’exposé sommaire de l’amendement, le Gouvernement précisait ainsi que « la politique de continuité territoriale vise à faciliter les déplacements des résidents ultra-marins vers l’Hexagone en particulier afin de suivre une formation, de se présenter à un concours ou d’effectuer tout type de démarches. Elle doit permettre aux personnes ayant réalisé leur formation en mobilité de retourner dans leur collectivité de départ, car les économies ultramarines ont besoin de la force productive des personnes ainsi formées et ayant bénéficié d’une expérience dans l’Hexagone ». L’amendement, qui a été adopté, prévoit ainsi que le fonds de continuité territoriale, géré par LADOM, peut financer des aides et des mesures destinées à faciliter le retour des résidents ultramarins dans leur collectivité d’origine dans les cinq ans suivant l’accomplissement d’une période de formation en mobilité. Cette mesure constitue une grande avancée en consacrant l’idée que la mobilité ne doit pas conduire au départ définitif des jeunes ultramarins de leur territoire.

De même, votre rapporteur soutient l’expérimentation, prévue par le même projet de loi, du dispositif de formation en mobilité avec garantie d’emploi au retour. Les jeunes ultramarins qui prennent la décision de la mobilité vers l’Hexagone pour se former prennent un risque important d’un point de vue financier, social et personnel. Leur garantir un emploi à leur retour est à la fois juste et nécessaire pour les encourager à se former. Les personnes auditionnées par votre rapporteur ont d’ailleurs insisté sur ce point.

Votre rapporteur tient à souligner un point essentiel : seul le développement économique des territoires ultramarins permettra de créer, à terme, suffisamment d’emplois – notamment de haut niveau –, pour encourager le retour de ces jeunes partis se former dans l’Hexagone, voire les inciter à suivre une formation directement au sein de l’espace économique régional. S’il est souhaitable de favoriser le développement du nombre et du niveau des formations dans les territoires ultramarins afin de favoriser la croissance économique de ces territoires, c’est plus sûrement en créant les conditions de cette croissance que l’offre de formations suivra. Il sera alors possible de mettre un terme à l’hémorragie que représente le départ des jeunes, phénomène catastrophique tant d’un point de vue économique que social et culturel.

Il est donc indispensable de mettre en place, principalement via des décisions de l’État, des conditions fiscales et économiques de nature à favoriser le développement endogène des territoires ultramarins. Comme votre rapporteur l’expliquait dans son avis budgétaire de l’année dernière (36), cela passe notamment par l’élargissement et la pérennisation des zones franches, par l’encouragement de la coopération économique régionale, par des politiques régionales ambitieuses en matière d’investissements ou encore par des exonérations de cotisations sociales, y compris sur les salaires moyens voire élevés.

Sur ce dernier point, votre rapporteur a déjà regretté (37) que le présent projet de loi de finances poursuive la réduction des exonérations de cotisations sociales patronales et des indépendants, ce qui ne va pas dans le bon sens. Il se félicite toutefois que soit prévu le gel, en 2017, des abattements applicables aux entreprises dans les zones franches d’activité ultramarines ; il invite d’ailleurs le Gouvernement à aller plus loin en revenant sur la décision qui avait été prise de rendre les allègements dégressifs à partir de 2015 et 2016, selon les cas.

Pour conclure, dans un avis intitulé L’emploi des jeunes (38) de 2012, le Conseil économique, social et environnemental précisait que « le maintien des jeunes en formation, destiné à approfondir leur qualification, doit être privilégié en période de crise, par une lutte contre le décrochage scolaire et l’échec universitaire, ainsi que par une politique active d’aide aux jeunes en formation ». Votre rapporteur partage entièrement cette ambition.

Dans cette deuxième étude de cas (39), votre rapporteur souhaite mettre en exergue un domaine où les inégalités entre les territoires ultramarins et l’Hexagone sont particulièrement prégnantes : l’accès à l’audiovisuel. Votre rapporteur regrette, en effet, le fait que les populations ultramarines n’aient accès qu’à une offre audiovisuelle gratuite extrêmement réduite. Il appelle à faire en sorte d’assurer l’égalité réelle avec l’Hexagone dans ce domaine, en particulier en ce qui concerne la télévision numérique terrestre (TNT) et la haute définition (HD).

Depuis décembre 2010, la TNT est disponible dans tous les territoires ultramarins, grâce à un seul et unique multiplex (40) (ROM 1). Ce multiplex permet la diffusion gratuite, selon les territoires, d’entre huit à dix chaînes de télévision. Parmi elles, sont diffusées sur tous les territoires huit chaînes publiques, dont 7 chaînes nationales (France 2, France 3, France 4, France 5, France Ô, France 24 et Arte) et une chaîne locale, Outre-mer 1ère (par exemple en Martinique, Martinique 1ère). Dans certains territoires ultramarins, ce multiplex diffuse également des chaînes locales privées, au nombre de quinze au total mais limité à deux par territoire.

Outre ces chaînes de télévision diffusées par le multiplex ROM 1, deux chaînes locales privées sont autorisées sur un duplex et une sur un simplex, soit trois chaînes en tout dans les outre-mer (41).

Selon les territoires, entre huit et onze chaînes sont donc accessibles gratuitement. Wallis-et-Futuna et Saint-Pierre-et-Miquelon sont les territoires les moins bien lotis avec les seules huit chaînes publiques. À Saint-Martin et à Saint-Barthélemy, le nombre de chaînes diffusées sur la TNT est de neuf, dont une chaîne locale privée dans chacun des deux territoires. En Guyane, à La Réunion, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie-française, il y en dix, dont deux chaînes locales privées par collectivité. Enfin, la Martinique et la Guadeloupe sont les moins mal loties avec onze chaînes diffusées sur la TNT. Le mode de diffusion y est d’ailleurs légèrement différent par rapport autres territoires ultramarins puisque, outre les chaînes diffusées sur le multiplex ROM 1 (dix en Martinique, dont deux chaînes locales privées ; neuf en Guadeloupe, dont une chaîne locale privée), deux chaînes de télévision sont diffusées sur un duplex en Guadeloupe et une chaîne est diffusée sur un simplex en Martinique (42).

En comparaison, sur le territoire hexagonal, 70 chaînes sont disponibles gratuitement sur la TNT (43), soit entre cinquante-neuf et soixante-deux chaînes de plus que dans les territoires ultramarins. Parmi elles, vingt-sept sont nationales, dont neuf sont publiques (la chaîne de télévision France Info, diffusée dans l’Hexagone, ne l’est pas encore en outre-mer). Les quarante-trois autres sont des chaînes locales ou régionales.

Ces chiffres témoignent d’une grande inégalité entre l’Hexagone et les territoires ultramarins dans l’offre gratuite de chaînes de télévision. Les ultramarins n’ont ainsi pas accès aux chaînes suivantes, pourtant gratuites dans l’Hexagone : TF1, Canal+ en clair, M6, C8, W9, TMC, NT1, NRJ 12, La Chaîne parlementaire, BFM TV, iTÉLÉ, CStar, Gulli, HD1, L’Équipe, 6 ter, Numéro 23, RMC Découverte, Chérie 25, LCI et France Info.

Outre cette inégalité quantitative, s’ajoute une inégalité qualitative dans l’accès à la haute définition. En effet, alors que trente-deux chaînes sont diffusées en haute-définition dans l’Hexagone depuis le 5 avril 2016 (dont vingt-sept sont gratuites), toutes les chaînes de la TNT sont diffusées en basse définition dans les outre-mer.

Enfin, ces différences de traitement entre l’Hexagone et les territoires ultramarins en matière d’accès à la télévision génèrent d’autres inégalités. En effet, pour avoir accès à davantage de chaînes, les populations ultramarines doivent souscrire des abonnements à des bouquets d’offres de chaînes payantes. Or, le fait que les ultramarins doivent payer pour accéder à une offre de chaînes pour certaines gratuites dans l’Hexagone est particulièrement choquant, d’autant que leur pouvoir d’achat est en moyenne inférieur. En outre, cela débouche sur des inégalités entre les ultramarins eux-mêmes, entre ceux qui ont les moyens de souscrire ces abonnements et ceux qui ne le peuvent pas.

Cette situation n’est pas tolérable.

Dans la situation actuelle, le multiplex ROM 1 ne peut pas diffuser davantage de chaînes qu’aujourd’hui. En effet, d’un point de vue technique, un multiplex permet la diffusion soit d’environ dix chaînes en basse définition, soit de cinq chaînes en haute définition. Dès lors, toute volonté de diffuser davantage de chaînes sur la TNT, et/ou d’en assurer la diffusion en haute définition, implique de mettre en place un deuxième, voire un troisième, multiplex.

Selon les informations recueillies lors des auditions, le coût de la création d’un deuxième multiplex serait de 2 M€ pour sa mise en place, puis de 5 M€ de coûts de fonctionnement annuel. Votre rapporteur, qui constate que la France hexagonale dispose de six multiplex, estime que ce coût est modéré par rapport à la nécessité d’assurer une certaine égalité réelle dans l’accès à l’audiovisuel dans les outre-mer et plaide même pour que soit envisagée la création d’un troisième multiplex.

Il se réjouit d’ailleurs que l’article 1er du projet de loi de programmation relatif à l’égalité réelle outre-mer (44), tel qu’adopté par l’Assemblée nationale en première lecture, fixe l’objectif de « résorber les écarts de niveaux de développement en matière économique, sociale, […] ainsi que de différence d’accès aux soins, à l’éducation, à la culture, aux services publics, aux nouvelles technologies et à l’audiovisuel entre le territoire hexagonal et leur territoire ». La mention de l’audiovisuel, qui ne figurait pas initialement dans le projet de loi, a été ajoutée à l’initiative du rapporteur de la commission des lois (45) de l’Assemblée nationale, M. Victorin Lurel, et de votre rapporteur.

Si votre rapporteur soutient la création d’un ou deux nouveaux multiplex pour les outre-mer, il tient également à souligner qu’outre la question de la quantité et de la qualité de l’offre télévisuelle gratuite dans les outre-mer, se pose celle de sa nature.

L’existence de chaînes locales est ainsi essentielle, dans chacun des territoires ultramarins, d’un point de vue social et culturel. C’est particulièrement vrai des chaînes locales privées qui font vivre les cultures locales et consolident le sentiment d’appartenance commune, en particulier lorsqu’elles diffusent des contenus (séries, films, émissions etc.) produits localement.

En ce sens, votre rapporteur appelle à assurer la préservation de ces chaînes. Cela suppose, en premier lieu, de leur accorder des financements tant au moment de leur création que par la suite. Il serait, à cet égard, opportun de développer le nombre de conventions de financement, notamment entre le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), les collectivités territoriales et ces chaînes. En outre, sur le modèle du fonds de soutien à l’expression radiophonique, pourrait être créé un fonds de soutien à la production audiovisuelle susceptible d’accompagner ces chaînes.

En deuxième lieu, il convient de prendre en compte les effets secondaires potentiellement néfastes que pourrait avoir l’augmentation de l’offre de chaînes diffusées par la TNT sur les chaînes privées locales. En effet, même si l’élargissement de l’offre est souhaitable, elle conduira nécessairement à remettre en cause une partie du mode de fonctionnement de ces chaînes, qui achètent et diffusent gratuitement sur la TNT une partie des programmes de chaînes nationales privées, en particulier TF1 et M6. Or, si ces dernières chaînes nationales devenaient accessibles gratuitement dans les outre-mer, ce mode de fonctionnement, source de recettes grâce à la publicité qui accompagne ces diffusions à fort taux d’audimat, deviendrait caduc. Dès lors, ce point justifie encore davantage que ces chaînes soient accompagnées financièrement à l’occasion de ces évolutions possibles du marché télévisuel.

Enfin, la multiplication du nombre potentiel de chaînes diffusables que permettrait la création de nouveaux multiplex ne doit pas inciter à multiplier le nombre de ces chaînes privées locales. En effet, elles ne disposent pas de la solidité, tant financière qu’en termes d’audimat, pour être soumises à une concurrence locale trop importante.

En conclusion, votre rapporteur regrette l’existence, ainsi que la persistance, de ces inégalités dans l’accès à la télévision. Il rappelle qu’elles sont susceptibles de donner aux ultramarins le sentiment de « ne pas être des Français à part entière, mais des Français entièrement à part », selon la formule d’Aimé Césaire. Il doit y être mis fin urgemment.

EXAMEN EN COMMISSION

Dans le cadre de la commission élargie, la commission des affaires économiques a examiné pour avis, sur le rapport de M. Serge Letchimy, les crédits de la mission « Outre-mer » (voir le compte rendu officiel de la commission élargie du 25 octobre 2016, sur le site internet de l’Assemblée nationale (46)).

*

À l’issue de la commission élargie, la commission des affaires économiques a délibéré sur les crédits de la mission « Outre-mer ».

La commission examine l’amendement II-CE 18.

Mme la présidente Frédérique Massat. Je demande à M. Serge Letchimy de bien vouloir présenter son amendement.

M. Serge Letchimy, rapporteur pour avis. Cet amendement propose de créer un fonds de soutien destiné aux différentes chaînes de télévision locales privées présentes dans les collectivités ultramarines. En effet, ces chaînes d’ultra-proximité jouent un rôle précieux dans la préservation des cultures et des traditions locales. Or, ces dernières souffrent structurellement d’une grande fragilité financière qui rend leur survie difficile. En outre, l’hypothèse d’une augmentation du nombre de chaînes diffusées par la TNT outre-mer conjuguée au passage à une diffusion en haute définition emporte le risque de les soumettre à une concurrence accrue. Cet amendement prévoit donc d’affecter au nouveau fonds de soutien 1,5 million d’euros pour l’ensemble des territoires ultramarins. Pour financer cette nouvelle dépense, j’ai été contraint de diminuer celles du programme 138, qui est doté d’environ 1,3 milliard d’euros.

Mme la présidente Frédérique Massat. Nous allons passer au vote de l’amendement.

L’amendement II-CE 18 est accepté.

La commission, conformément à l’avis favorable de M. Serge Letchimy, donne un avis favorable à l’adoption des crédits de la Mission « Outre-mer ».

La commission examine ensuite l’article 58.

La commission, conformément à l’avis favorable de M. Serge Letchimy, donne un avis favorable à l’adoption de l’article 58.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Fédération des entreprises d’outre-mer (FEDOM) *

M. Jean-Pierre Philibert, président

Mme Samia Badat-Karam, secrétaire générale

M. Laurent Renouf, responsable des affaires économiques

Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA)

M. Patrice Gélinet, membre du Collège, président du groupe de travail sur l’outre-mer

France Télévisions

M. Walles Kotra, directeur exécutif en charge de l’outre-mer

M. Claude Schiffmann, directeur des moyens et du développement outre-mer 1ère et France Ô

M. Bruno Loutrel, chargé de mission à la direction des relations avec les pouvoirs publics

Martinique Ambition Jeunes (MAJ)

M. Kévin Padelo, trésorier

Sciences Ô

M. Jordan Eustache, ex-président

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

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