N° 4128 tome IV - Avis de Mme Nicole Ameline sur le projet de loi de finances pour 2017 (n°4061).



N
° 4128

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 octobre 2016

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
SUR LE PROJET DE
loi de finances pour 2017 (n° 4061),

TOME IV

DÉFENSE

PAR Mme Nicole AMELINE

Députée

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Voir le numéro 4125.

SOMMAIRE

___

Pages

I. LA FRANCE FACE À UN TOURNANT GÉOSTRATÉGIQUE 7

A. LE TERRORISME, UNE MENACE OMNIPRÉSENTE, DURABLE ET ANCRÉE DANS LES CONSCIENCES 7

1. Un symptôme non exclusif de la faiblesse des États 7

2. Une menace globale et difficile à éradiquer 8

3. Une menace durablement implantée sur le territoire national 12

B. LE RETOUR DE LA PUISSANCE, UN PHÉNOMÈNE PERNICIEUX ET INQUIÉTANT 15

1. Le réarmement mondial 15

2. Le retour des stratégies de puissance 16

C. LA MENACE CYBER EN PERPÉTUELLE EXPANSION 19

II. L’OUTIL MILITAIRE FORTEMENT ET DURABLEMENT ENGAGÉ 21

A. LA PROTECTION DU TERRITOIRE NATIONAL A NOUVEAU PERÇUE COMME UNE PRIORITÉ 22

1. Le maintien prioritaire de la posture nucléaire 22

2. Le maintien des postures permanentes de sûreté aérienne et maritime 23

3. La conceptualisation du retour de l’armée de terre sur le territoire national 24

4. Un engagement fort dans le milieu cyber 27

B. UNE TENDANCE À LA PÉRENNISATION DES ENGAGEMENTS EXTÉRIEURS 29

1. Un engagement dur et à long terme en Afrique 29

2. Une implication croissante et durable au Levant 31

3. Le maintien de l’effort de réassurance à l’est de l’Europe 34

4. L’engagement croissant des armées dans les partenariats d’armement 35

III. BUDGET 2017 : POURSUITE D’UNE ÉBAUCHE DE RÉVEIL DES CONCIENCES 37

A. UNE PRIORISATION CROISSANTE DES ENJEUX DE SÉCURITÉ 37

1. LPM 2014-2019 : la défense tributaire des restrictions budgétaires 37

2. Une inversion de tendance progressive à partir de 2015 38

B. UNE TENDANCE CONFIRMÉE PAR LE BUDGET 2017 42

1. Des moyens en hausse de 600 millions d’euros par rapport à 2016 42

2. Un effort particulier sur les personnels 45

3. Des opérations d’équipements conformes à la prévision 48

4. La montée en puissance du renseignement et de la cyberdéfense 51

C. UN EFFORT POURTANT INSUFFISANT POUR GARANTIR LA PÉRENNITÉ DU MODÈLE D’ARMÉE 53

1. Des capacités fortement érodées 53

2. Un capital humain fragilisé 56

IV. POUR UNE STRATÉGIE D’ALLIANCE ET DE PUISSANCE PLUS AFFIRMÉE 61

A. POUR UNE REMONTÉE EN PUISSANCE PERMISE PAR UNE RÉÉVALUATION DE LA DEPENSE PUBLIQUE 61

1. Assurer la remontée en puissance de l’outil militaire en recentrant la dépense publique sur le domaine régalien 61

2. Intégrer la politique de défense dans le cadre d’une approche globale dûment institutionnalisée et financée 64

B. POUR UNE STRATÉGIE D’ALLIANCE PLUS FORTE ET PRAGMATIQUE 66

1. Exploiter le potentiel de la complémentarité OTAN-UE en travaillant sur les perceptions 67

2. Pousser le développement de partenariats structurants en érigeant le pragmatisme en norme d’action 72

3. Renforcer résolument et sans tarder le partenariat avec la rive sud de la Méditerranée 75

CONCLUSION 79

TRAVAUX DE LA COMMISSION 81

EXAMEN DES CRÉDITS 81

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 83

PAR LA RAPPORTEURE 83

INTRODUCTION

Au cours des trois dernières années, nombre de menaces qui avaient été identifiées dans le Livre Blanc de 2013 comme des germes potentiels d’insécurité pour notre pays se sont matérialisées avec une ampleur inédite.

Sur le terreau d’États fragiles ou faillis, le terrorisme a pu prospérer jusqu’à établir aux yeux de chaque Français, avec une violence extrême, le caractère indissociable de la sécurité à l’intérieur et à l’extérieur des frontières. Depuis les attentats de Paris en janvier et novembre 2015, l’image du territoire national sanctuarisé de la violence du monde a été brisée.

La défense nationale est revenue au cœur des priorités des Français. Elle a conduit le Président de la République à enrailler l’érosion continue du budget de la défense depuis deux décennies.

Le budget proposé pour 2017, avec ses 32,7 milliards d’euros, confirme cet engagement nouveau en faveur de la sécurité de notre pays. Il déploie 600 millions supplémentaires par rapport à 2016 pour financer les engagements de nos armées et les secteurs érigés en priorité – à raison : cyberdéfense et renseignement. Le plafond d’emplois du ministère est rehaussé de 400 postes. Cette évolution mérite d’être soulignée.

Ce budget ne représente pourtant qu’1,77% du PIB, alors que notre pays s’est engagé à atteindre 2% lors du sommet de l’OTAN de Newport, en septembre 2014. L’effort réalisé en 2017 permet simplement de stabiliser ce ratio. La marche à gravir reste donc immense. Immense et impossible en pratique, à moins de réévaluer en profondeur le périmètre de nos politiques publiques.

Votre rapporteure pense que c’est une nécessité à laquelle la France ne pourra pas échapper. En effet,  le monde a changé au-delà de ce que nos concitoyens voient. La résurgence des stratégies de puissances, la montée des enjeux dans le champ du cyber, dans l’espace et en mer sont autant de défis qui attendent la France demain.

Nous devons nous y préparer. Notre budget de défense ne doit pas être intégralement consommé dans les opérations, il doit permettre d’investir pour faire face aux défis de demain. Jusqu’à aujourd’hui, la France a su préserver des capacités militaires uniques en Europe, mais celles-ci sont fragilisées. Un réinvestissement d’urgence est nécessaire pour permettre aux Français de vivre en sécurité et à notre pays de garder son statut.

La France ne pourra pas compter uniquement sur ces propres forces. La course technologique, la taille de certaines économies émergentes sont autant de paramètres qui nous obligent à adopter un principe de réalité : nous avons besoin de nos partenaires, et surtout des Européens, qui partagent avec nous une culture, des valeurs et de nombreux intérêts de sécurité. La remontée en puissance de la défense française devra donc impérativement s’appuyer sur une stratégie d’alliance beaucoup plus affirmée.

Les Français ont aujourd’hui conscience de vivre dans un monde dangereux, où les repères géopolitiques traditionnels sont progressivement brouillés jusqu’à sembler perdre leur signification.

La notion de frontière, la conception du territoire national comme d’un sanctuaire se sont effacées devant l’émergence de menaces transnationales. Le terrorisme en est l’incarnation la plus immédiate et la plus visible pour nos concitoyens.

Cependant, « le monde a changé au-delà de ce que nos concitoyens perçoivent »  (1). En particulier, nombre d’États se réarment et mettent en œuvre des stratégies de puissance qui se déploient dans tous les milieux – terre, air, mer, espace, cyber – et impliquent souvent une remise en question des règles de droit international sur lesquelles se sont fondés les rapports entre États depuis la fin de la deuxième guerre mondiale.

Le Livre Blanc de 2013 identifiait, parmi les menaces susceptibles d’affecter la sécurité de la France, les « risques de la faiblesse » d’États qui, incapables d’exercer leurs responsabilités régaliennes, devenaient des terreaux d’insécurité.

Cette menace s’est matérialisée avec une ampleur inédite dans la montée du terrorisme international. En raison de son extraordinaire contagiosité et des conséquences qu'elle engendre pour les Français, votre rapporteur centrera son analyse sur cette menace terroriste.

Elle n'est cependant pas le seul risque sécuritaire suscité par les défaillances des États. Les migrations incontrôlées, les trafics d'armes, de drogues, d'êtres humains, la piraterie sont d'autres phénomènes dont l'ampleur tend à s'accroître et qui pourraient poser des problèmes graves pour la sécurité internationale et celle de notre pays. D'autant plus que ces phénomènes peuvent se renforcer l'un l'autre : s'il est déjà établi que les trafics sont une source de financement pour les terroristes de la bande sahélo-saharienne, la grande crainte des militaires français est de voir la jonction s'établir entre les pirates du Golfe de Guinée de l’état-major et les terroristes dans le Sahel.

La recrudescence de la piraterie dans le Golfe de Guinée

Le Golfe de Guinée est une zone stratégique pour les intérêts français, en raison notamment de la présence économique importante de la France en Afrique centrale et occidentale. Au cours des dernières années, la piraterie s'y est fortement développée, alors qu'elle régressait au large de la Corne de l'Afrique grâce à l'opération Atalante conduite par l'Union européenne.

D'après le Gouvernement, le nombre d'attaques s'est encore accru en 2016, avec 44 actes de piraterie et de brigandage recensés, 86 personnes enlevées et 4 tuées pour le seul premier trimestre. Auparavant, les groupes de pirates avaient surtout tendance à pratiquer le « soutage », qui consiste à détourner des pétroliers. Mais cette activité est devenue moins lucrative avec la baisse du cours du pétrole, incitant les pirates à se recentrer sur les kidnappings. Si la zone maritime concernée s'étend de la Guinée Conakry à l'Angola, l'épicentre du phénomène de piraterie se situe dans la zone économique exclusive du Nigéria.

Fondées sur une idéologie commune de haine et de rejet de nos valeurs et sur une manipulation du concept de djihad, les mouvances terroristes ont connu une préoccupante extension géographique, au point que la menace est aujourd’hui incontestablement globale.

Cependant, les racines de ces mouvances terroristes plongent toujours dans un contexte ethnique, politique et socio-économique spécifique. Cela les rend particulièrement difficile à éradiquer, dans la mesure où les causes profondes doivent être prises en compte et traitées, sous peine de reproduire les mêmes effets. C’est ainsi que le combat qui a été engagé depuis plusieurs années contre ces éléments terroristes connaît aujourd’hui un bilan en demi-teinte : les mouvances ont été affaiblies, mais elles persistent, dans un contexte où la reconstruction des États progresse difficilement.

Cette situation peut être constatée en de très nombreux points du globe, en dehors des théâtres où la France concentre son action, sur lesquels votre rapporteure axera sa présentation : Somalie (Shebabs), Yémen (Al-Qaïda, Daech), Afghanistan (Al-Qaïda, Daech), Indonésie…

Résilience et adaptation des groupes terroristes dans le Sahel

Les opérations militaires françaises Serval et Barkhane ont considérablement amélioré la situation sécuritaire dans la bande sahélo-saharienne. D’après le ministère de la défense, de nombreux chefs terroristes ont été éliminés ou sont en fuite et la menace terroriste n’affecte plus directement la stabilité des États.

Cette menace n’a cependant pas disparu, loin s’en faut, en dépit de la forte présence internationale dans le pays : 4 000 soldats de Barkhane et quelque 10 500 militaires de la MINUSMA, l’opération des Nations Unies.

Les groupes terroristes ont adapté leurs modes d’action à cette présence. On observe, d’une part, une régionalisation de leur stratégie dont ont témoigné les attentats de Ouagadougou et grand-Bassam. D’autre part, au Mali, la menace a eu tendance à se renforcer dans le centre du pays, notamment dans la région de Mopti et de Gao. D’après le ministère, « le centre du Mali devient une priorité pour les terroristes d’inspiration djihadiste, notamment Ansar Eddine, qui, empêchés par l’opération Barkhane de manœuvrer au Nord, instrumentalisent le ressentiment des Peuhls dans la région. »

Par ailleurs, la situation dans le nord du pays ne s’est guère améliorée en l’absence de réelles avancées dans la mise en œuvre de l’accord de paix de juin 2015. Cette situation favorise la collusion entre les groupes armés signataires de l’accord de paix et les groupes armés terroristes, dans un contexte de carence des services de l’État.

Persistance de l’hypothèque libyenne

Le vide sécuritaire provoqué par la chute de Kadhafi en Libye avait profité aux mouvances terroristes maghrébines et sahéliennes qui y avaient trouvé un cadre pour se régénérer. Des flux importants étaient ainsi observés entre la Libye et le nord du Mali. Ils ont motivé la création, dans le cadre de l’opération Barkhane, d’une base avancée dans le nord du Niger, à Madama, afin d’intercepter ces flux en coopération avec l’armée nigérienne. Cette intervention a permis de les réduire substantiellement. Il est toutefois à craindre qu’ils n’empruntent désormais une autre route, en particulier via le sud de l’Algérie où Barkhane n’a pas vocation à intervenir.

En outre, les mouvances terroristes avaient considérablement développé leur implantation dans le nord de la Libye en 2014 et 2015. Ansar Al-Charia, affiliée à Al-Qaïda, était présente à Derna, Benghazi et Ajdabiya tandis que Daech s’était implanté à Syrte. Les offensives militaires conduites en 2016 par les milices de Misrata, avec l’appui aérien américain, et par les forces du Général Haftar ont contribué à résorber substantiellement ces implantations, en particulier à Syrte d’où Daech a été quasiment chassé.

Cependant, la plupart de ses combattants se sont exfiltrés et pourraient renforcer les réseaux terroristes affiliés à Al-Qaïda dans le sud libyen et déstabiliser les États voisins partageant des frontières poreuses avec la Libye : Tchad, Soudan et Tunisie, notamment par le canal du retour de « combattants étrangers ». D’après le ministère, « cette menace est d’autant plus forte pour les pays limitrophes que les capacités de leurs forces de défense et de sécurité sont engagées sur d’autres fronts (AQMI et Boko Haram pour le Tchad et le Niger, Darfour pour le Soudan) ».

En outre, l’enlisement du processus politique libyen retarde d’autant la reprise en main de la sécurité du territoire. Le Conseil présidentiel dirigé par Al-Sarraj, autorité légitime depuis la signature des accords de Skhirat en décembre 2015, est extrêmement divisé et contesté. En l’absence d’outil sécuritaire inclusif sous son contrôle, le champ est laissé libre à la confrontation entre les forces de Misrata et celles du général Haftar.

Force est donc de constater que le vide sécuritaire libyen risque de perdurer à moyen terme, avec les conséquences que l’on connaît sur le développement du terrorisme et des trafics, et les menaces qu’elles comportent pour les pays du voisinage et pour l’Europe.

Maintien d’une forte capacité de nuisance de Boko Haram

La lutte contre Boko Haram, qui sévit dans la région du lac Tchad, s’est progressivement organisée depuis le sommet de Paris de mai 2014. Les États de la Commission du bassin du lac Tchad – Cameroun, Niger, Nigéria, Tchad – et le Bénin ont mis sur pied une Force mixte multinationale forte d’environ 9000 soldats. Cette coordination a permis, grâce à une combinaison d’actions terrestres et aériennes, de contenir la menace. D’après le ministère, désormais, « Boko Haram ne contrôle plus de localités majeures hors de ses zones refuges traditionnelles dans les zones lacustres autour du lac Tchad, dans la forêt de la Sambisa au Nigéria et autour des Monts Mandara au Cameroun   (2) ».

Cependant, la capacité de nuisance de l’organisation reste bien réelle. « Désormais éclatée en plusieurs cellules parfois non coordonnées, elle poursuit son combat par le biais d’actions asymétriques : attaques suicides, embuscades, engins explosifs, opérations de prédation et harcèlement des populations locales. » Ces actions « empêchent la réouverture des axes commerciaux vitaux pour les économies locales et aggravent la situation humanitaire des populations civiles ».

En outre, la zone d’action de Boko Haram a tendance à s’étendre du fait de la scission entre une branche fidèle au fondateur Abubakar Shekau, centrée sur la forêt de la Sambisa et la région de Maiduguri, et une nouvelle branche conduite par Al-Barnawi et affiliée à Daech, dont la zone d’action se situe plus au nord, en bordure du Tchad et du Niger.

Régression territoriale de Daech au Levant dans un contexte de fortes incertitudes politiques

La coalition internationale contre Daech dirigée par les États-Unis conduit depuis août 2014 l'opération Inherent resolve qui a pour objectifs de soutenir la montée en puissance des forces de sécurité irakiennes et d'appuyer les opérations des forces armées locales par du conseil, des frappes aériennes et du renseignement.

Le tempo de cette opération, initialement conçue pour affaiblir Daech, a été accéléré à compter de la fin 2015, avec pour objectif affiché le démantèlement complet de l'organisation terroriste. Dans la foulée des attentats de Paris en novembre 2015, les pays européens ont augmenté leurs contributions : la France, qui avait déjà étendu son action à la Syrie au mois de septembre, a intensifié le rythme de ses frappes, notamment grâce au déploiement du porte-avions ; le Royaume-Uni a étendu ses frappes à la Syrie et doublé le nombre de chasseurs déployés. L'implication au sol des Américains s'est largement accrue à compter de février 2016, avec l’envoi de 1800 parachutistes aux côtés des forces irakiennes en vue de la reprise de Mossoul, ainsi que de 200 marines.

Cette campagne produit d'incontestables effets sur le terrain en Irak, où l'emprise territoriale de Daech a nettement reculé, avec la reprise de plusieurs villes importantes, dont Falloujah et Qayyarah. L'offensive sur Mossoul, véritable cœur de l'organisation terroriste en Irak, a débuté et risque de s'avérer longue et difficile pour cette ville aussi grande que Paris, où Daech aura eu le temps de préparer sa défense.

Daech a aussi reculé en Syrie, quoique plus modestement, en raison de l'insuffisance des troupes au sol sur lesquelles la coalition peut s'appuyer. La reprise de la ville de Manbij, à la frontière turco-syrienne, par les forces démocratiques syriennes (FDS), alliance des milices kurdes de l'YPG et des milices chrétiennes et arabes a représenté une étape importante pour couper l'approvisionnement de Daech par la Turquie. Cependant, la reconquête de Raqqa, véritable bastion de l'organisation terroriste qui compterait 3000 à 4000 combattants de Daech dont de nombreux Français, demeure plus lointaine, en raison notamment d'un vivier insuffisant de forces locales pour conduire une telle offensive.

Le recul territorial de Daech au Levant ne doit pas masquer le fait que la solution politique qui, seule, peut permettre de reconstruire l'Irak et la Syrie, demeure encore très incertaine. En Irak, les effets de la reprise de Mossoul, qui compterait encore une population d'environ un million d'habitants partagée entre chiites, sunnites et chrétiens, sont redoutés sur le plan humanitaire, même si des plans ont été préparés en amont par la coalition. Les avancées du processus politique qui doit permettre la consolidation d'un État inclusif sont extrêmement limitées, et la légitimité du Premier ministre Al-Abadi semble fragile.

La Syrie paraît plus loin encore d'une solution politique étant donnée l'extrême confusion qui règne sur le terrain, en raison notamment de l'immixtion dans le conflit de puissances étrangères avec leur agenda propre, Iran et surtout Russie. Cette dernière s'est engagée sur le terrain à partir de l'automne 2015, avec l'objectif de sauver le régime syrien plus que de lutter contre Daech. Son acharnement actuel sur la reconquête de la ville d'Alep, qui n'est pas un fief de Daech et ne compterait que quelques centaines de combattants du Jabhat Al-Nosra, en témoigne.

Le phénomène des « combattants étrangers » français partis combattre dans les rangs de Daech en Syrie et en Irak et la perpétration, en France, d’attentats commandités ou préparés à Raqqa ou à Mossoul ont établi aux yeux des Français le continuum sécurité intérieure – sécurité extérieure théorisé dans le Livre Blanc de 2008.

Au cours des dernières décennies, l’engagement croissant de l’armée dans des opérations extérieures dont les Français ne percevaient pas forcément les enjeux en termes de sécurité nationale avait pu contribuer à distendre le lien armée-nation. À l’inverse, nos concitoyens comprennent bien aujourd’hui la nécessité d’aller chercher notre sécurité à l’extérieur de nos frontières.

La dernière année a marqué un tournant majeur dans la perception de la menace en France. Si les attentats de l’Hyper Casher et de Charlie Hebdo, en janvier 2015, avaient déjà fortement éveillé les consciences, les massacres de Paris en novembre 2015 et de Nice le 14 juillet 2016 ont achevé de briser l’image du sanctuaire national préservé de l’insécurité du monde, que l’on ne voyait qu’avec distance, par écrans interposés. Ces attentats, par leur caractère massif, aveugle et indiscriminé, par les modes d’actions utilisés – exécutions massives, ceintures explosives, camion-bélier – font que tout Français peut désormais se sentir menacé, qu’il habite Paris ou la province.

Un niveau de vigilance considérablement accru

Dans la foulée des attentats commis sur le sol national en 2015 et 2016, le dispositif de lutte contre le terrorisme a été substantiellement renforcé dans ses différentes composantes.

Afin d’accroître la capacité à anticiper, détecter et prévenir la survenue de tels actes, l’effort a porté en priorité sur les services de renseignement dont les moyens humains, techniques et juridiques ont été considérablement accrus.

L’effort d’accroissement des effectifs, qui avait débuté sous la précédente loi de programmation pour la DGSE, a été poursuivi et étendu aux autres services dans la programmation actuelle et lors des différents plans adoptés aux lendemains des attentats. Au total, sur la période 2014-2018, 2600 nouvelles personnes auront été intégrées à la communauté du renseignement hors renseignements territoriaux, ce qui devrait porter les effectifs de la DGSI à 4400 personnes en 2018, tandis que les services de renseignement du ministère de la défense totaliseraient 9435 personnels en 2019  (3) . Ces effectifs doivent permettre d’accompagner les grands programmes techniques mutualisés et de mettre en œuvre les nouveaux équipements ainsi que de recruter des spécialistes comme des interpréteurs d’images ou des linguistes.

Cette hausse des moyens humains s’accompagne d’un effort substantiel pour améliorer les moyens techniques et juridiques à disposition des services. Cet effort a fait l’objet de la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement. Celle-ci ouvre de nouvelles techniques de renseignement aux services, auparavant cantonnés aux interceptions de sécurité et aux données de connexion : pose de balises, captation d’images, de sons ou de données informatiques, recours à des IMSI catchers.

La mobilisation des services de renseignement s’est aussi traduite par une intensification de la coopération entre services à l’échelle internationale. La DGSE compte ainsi environ 200 partenaires étrangers. D’après M. Bajolet (4), directeur du renseignement extérieur, le service entretient quasiment avec tous une coopération en matière de contre-terrorisme, avec des degrés de confiance et d’intensité cependant très divers. Elle a atteint un niveau de confiance inégalé avec ses partenaires OTAN et européens dans le champ du contre-terrorisme, où la coopération se fait « sans restriction ». L’objectif est de parvenir à créer un noyau de renseignement européen à côté du réseau des « Five eyes ». Des progrès ont été accomplis en ce sens, mais l’insuffisance des moyens de certains partenaires représente une difficulté.

Au total, les moyens des services de renseignement ont connu un véritable saut quantitatif et qualitatif. Cependant, les effets produits ne seront pas immédiats. M. Bajolet a ainsi pointé que certains aspects de la loi du 24 juillet n’avaient pas encore été mis en œuvre, ce qui empêchait de tirer parti des dispositions relatives aux techniques de renseignement les plus novatrices. En outre, il a souligné le fait que cet accroissement des moyens n’était pas sans contrepartie, et que les contrôles considérablement accrus par la loi pourraient se traduire par un coût en ressources humaines parfois dissuasif. Par ailleurs, les moyens humains supplémentaires mettront du temps avant d’être opérationnels : il faudra le temps de recruter des personnels correspondant au profil recherché – il y a là un véritable enjeu qualitatif – sachant que ces recrutements sont échelonnés sur trois ans ; et le temps de la formation.

Enfin, le Directeur général a reconnu qu’en dépit des progrès accomplis, il restait beaucoup à faire pour améliorer le partage de renseignement entre les différents services. Il a souligné que le rapprochement opéré avec la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) n’était pas irréversible ; les effets accomplis en ce sens n’étaient qu’un début et devaient être approfondis. Il y a là un enjeu essentiel dans le contexte du continuum entre sécurité extérieure et sécurité intérieure évoqué par votre rapporteure.

Une menace vouée à perdurer

L’amélioration du dispositif de lutte contre le terrorisme ne pourra donc produire ses effets que progressivement. Plus profondément, ce dispositif n’a pas vocation à s’attaquer aux causes profondes de la radicalisation de jeunes Français, dont les racines sont socio-économiques et identitaires. De ce point de vue, la mécanique de radicalisation n’est pas fondamentalement différente en France et dans les pays où notre pays combat les organisations terroristes.

Les individus radicalisés qui passent à l’acte sur le sol français sont influencés voire directement soutenus par ces organisations terroristes. On peut donc penser que leur affaiblissement sur le terrain conduira à réduire la menace en France. Cependant, il sera bien plus difficile encore de détruire le message mortifère porté par ces organisations et largement diffusé sur Internet que de réduire leur emprise territoriale.

En outre, le théâtre irako-syrien et, dans une moindre mesure, le théâtre libyen, même si les organisations terroristes y sont in fine défaites, auront permis l’endoctrinement et l’aguerrissement de centaines de « combattants étrangers » qui présenteront une menace durable pour la sécurité nationale. Ce fait est plus inquiétant encore si l’on prend en compte les enfants des combattants étrangers, confrontés à la violence et endoctrinés dès le plus jeune âge. En outre, il faut considérer que la menace pesant sur la France ne vient pas seulement des combattants étrangers français mais, plus largement, des francophones : Algériens, Marocains, Tunisiens, Belges qui constituent parmi les plus gros contingents en Syrie et en Irak et sont susceptibles d’être projetés sur notre territoire  (5) .

D’après les données du SIPRI Yearbook 2016, les dépenses de défense mondiales ont crû d’environ 2,3 % en 2015, pour totaliser 1676 milliards de dollars. Cette évolution globale recouvre des tendances contrastées selon les régions du monde et se trouve fortement affectée par la chute du cours du pétrole qui a eu un impact significatif sur les pays dont l’économie est très dépendante de cette manne.

Les États-Unis demeurent, de loin, la première puissance militaire au monde, avec un budget de 545 milliards d’euros en 2016. Après plusieurs années de décroissance significative, ce budget est reparti à la hausse, évolution qui mérite d’être notée. Les budgets de défense des pays d’Europe de l’Ouest sont globalement stabilisés en 2016, après une longue période de décroissance.

La forte chute du cours du pétrole depuis la fin 2014 a fortement impacté les budgets de défense de nombreux États producteurs qui avaient profité du boom pétrolier pour les accroître significativement. C’est le cas notamment des pays d’Afrique. Même l’Arabie saoudite, qui dispose, avec 188 milliards d’euros, du troisième budget de défense mondial, a vu la croissance de ses dépenses ralentir en 2016 en raison du choc pétrolier.

Avec 315 milliards d’euros, le budget de défense de la Chine semble stagner en 2016, après plusieurs années de forte croissance. La tendance devrait repartir à la hausse si l’on se fie au Livre Blanc de la défense chinoise publié en 2015, qui présente une vision négative de l’environnement géostratégique international et rehausse le niveau d’ambition de la Chine, en particulier dans le domaine maritime.

La relative priorité accordée aux dépenses militaires dans le monde atteste l'appréciation partagée d'un environnement international dégradé, mais elle rend compte aussi de la résurgence de plus en plus nette de stratégies de puissance. Ces démonstrations de force ne sont pas l'apanage d'États tels que la Russie ou la Chine. Ainsi, les États-Unis ont renforcé leur surveillance sur les pays d'Europe. Ils les invitent à prendre une part plus grande du fardeau de la sécurité internationale mais ne verraient sans doute pas d'un très bon œil une réelle autonomie stratégique européenne.

Cependant, ces stratégies de puissance deviennent plus préoccupantes lorsqu'elles comportent une remise en cause des règles du droit international. À cet égard, l'attitude de la Russie et de la Chine constitue un défi pour notre pays. Pour l'Amiral Prazuck, chef d'état-major de la marine  (6) , il s'agit là d'« une véritable posture stratégique visant à contester la domination occidentale, à provoquer un rééquilibrage des forces sous une forme militaire assumée, et non plus idéologique comme par le passé ». Avec la remise en question de règles du droit international, « nous sommes entrés dans une nouvelle phase des relations internationales ».

L'attitude russe

L'annexion de la Crimée par la Russie, en mars 2014, a constitué une flagrante remise en cause du droit international par la force. Quelles que soient les motivations ou justifications invoquées à l'appui, il s'agit d'une vraie rupture stratégique sur le continent européen.

Au cours des trois dernières années, l'attitude russe s'est profondément modifiée à la fois dans la posture et dans les moyens déployés. La Russie a pris une ampleur nouvelle sur la scène internationale. Ses démonstrations de force et provocations sont tournées vers l'Europe balte et orientale dans le contexte de la crise ukrainienne, mais pas exclusivement. Elles sont sans doute encore davantage un message à l'égard des puissances « occidentales », celui qu'il faut désormais compter à nouveau avec la Russie.

Ainsi, les pays de l'Europe du nord et de l'est ont constaté ces dernières années une très forte augmentation de l'activité militaire russe dans la région. Elle illustre la volonté de Moscou de tester les dispositifs militaires des alliés et partenaires de l'OTAN. Cela se traduit par de fréquentes atteintes ou menaces à la souveraineté nationale de ces pays par des actions dans ou à la limite des espaces aériens, des eaux territoriales ou encore à leur voisinage proche : survols sans autorisation, vols à la proximité des espaces aériens, manœuvres aériennes dangereuses, manœuvres maritimes de surface agressives et activité sous-marine renforcée.

Ces manifestations de puissance prennent aussi la forme d'exercices de grande ampleur organisés aux frontières des pays d'Europe orientale et baltes. Il faut enfin considérer qu'elles se déploient dans tous les milieux, en particulier dans le milieu cyber, y compris en France.

Si l'attitude russe n'est pas analysée en France comme la « menace militaire directe » que perçoivent – entre autres – les Polonais, il est indéniable qu'elle marque un affaiblissement de l'ordre international préoccupant pour les intérêts de notre pays. La Russie rejoint, dans cette manifestation de puissance, son voisin chinois, avec lequel elle a d'ailleurs conduit des manœuvres navales de grande ampleur en mer de Chine en septembre dernier.

L'attitude chinoise

Comme la Russie, la Chine conduit une politique de puissance en direction de son étranger proche que constitue la mer de Chine. En mer de Chine orientale, elle a un contentieux avec le Japon au sujet de la souveraineté des îles Senkaku/Diaoyu, contrôlé par les Japonais. « Pour l'heure, Pékin y affirme ses revendications en se gardant d'enclencher une escalade avec Tokyo, qui privilégie l'envoi de ses garde-côtes, les deux pays évitant pour l'instant d'envoyer leurs flottes de guerre. Pour autant, la marine et l'armée de l'air chinoises assurent une présence plus visible au-delà d'un rayon qui se réduit autour de l'archipel, générant une mobilisation accrue des forces d'autodéfense japonaises, évolution qui avive les tensions bilatérales   (7) ».

Si un relatif équilibre des puissances prévaut en mer de Chine orientale, telle n'est pas la situation en mer de Chine méridionale, où la Chine occupe l'archipel des Paracel revendiqué par le Vietnam et revendique, dans sa totalité, l'archipel des Spratley dont le contrôle est morcelé entre les parties riveraines (Chine, Taïwan, Philippines, Vietnam, Malaisie, Brunei). La Chine y mène une politique du fait accompli matérialisée par « des travaux de poldérisation à grande échelle sur les éléments maritimes contestés qu'elle contrôle dans l'archipel des Spratley et la mise en place d'infrastructures de défense, incluant des pistes d'aviation adaptées à des gros porteurs. Elle a par ailleurs implanté des batteries de missiles sol-air sur Woody Island, la principale île des Paracel   (8) ».

Les Philippines ont initié en janvier 2013 une procédure contre la Chine dans le cadre de la Conférence des Nations Unies pour le droit de la mer. Le tribunal arbitral constitué à cette occasion a rendu le 12 juillet 2016 une sentence favorable aux Philippines, ne reconnaissant pas les droits historiques revendiqués par la Chine sur les ressources maritimes autour des Paracel et réfutant l'idée que cet archipel, considéré comme un ensemble de rochers, puisse générer une zone maritime étendue. Ni le tribunal, ni, a fortiori, la sentence n'ont été reconnus pas la Chine.

Si l'attitude chinoise en mer de Chine est, de prime abord, un enjeu régional, avec à la clé le contrôle de l'accès aux ressources, c'est également un enjeu global particulièrement prégnant pour notre pays. En premier lieu, se joue en mer de Chine le contrôle de routes maritimes par lesquelles transite une grande partie du commerce mondial. Plus généralement, le principe fondamental de la libre-circulation maritime est dans la balance. Enfin, ces évènements attestent l'ambition croissante de la Chine – ambition avant tout maritime, comme l'expose clairement le livre blanc sur la défense chinoise paru en 2015 :

« Les mers et océans sont  des zones cruciales pour la stabilité prolongée et le développement durable de la Chine. Il faut abandonner l'idée traditionnelle préférant les terres aux mers, accorder une haute importance à la gestion et à l'exploitation des mers, ainsi qu'à la protection des droits maritimes. La Chine mettra sur pied un système de forces militaires maritimes modernes correspondant à sa sécurité nationale et à ses intérêts du développement, protégera sa souveraineté nationale, ses droits et ses intérêts maritimes, assurera la sécurité de ses lignes de communication maritimes, de ses droits et de ses intérêts d'outre-mer, participera à la coopération maritime internationale, et fournira un soutien stratégique lui permettant de devenir une puissance maritime  (9) »

Cette ambition n'est pas simplement régionale, elle est donc globale. La marine chinoise est ainsi de plus en plus présente, partout dans le monde. Le major général de l'armée de l'air a notamment évoqué avec votre rapporteure la présence chinoise active à Djibouti. Pour le chef d'état-major de la marine, cette ambition maritime mondiale des Chinois, doublée d'une appréciation « souple » du droit international, a de quoi inquiéter la France qui est, avec une zone économique exclusive de 11 millions de kilomètres carré, la deuxième puissance maritime au monde. Si le bénéfice de cette zone économique devait lui être ouvertement contesté – il l'est déjà dans le canal du Mozambique, au large de la Nouvelle-Calédonie et de Clipperton – notre pays se trouverait très en difficulté pour y faire face, d'autant plus que les forces de souveraineté et les moyens navals disponibles pour l'action de l'État en mer ont été fortement réduits.

Le Libre Blanc de 2013 élève l’éventualité d’une attaque informatique d’ampleur contre les systèmes nationaux au rang de menace majeure, à forte probabilité et à fort impact potentiel, juste après les agressions armées contre le territoire national et les attaques terroristes.

De fait, cette menace n’a cessé de s’accroître depuis la parution du Livre Blanc. Elle recouvre en réalité les deux séries de menaces énoncées ci-dessus par votre rapporteure : les cyberattaques sont, de manière avérée, un instrument aux mains des terroristes comme des États conduisant des stratégies de puissance agressive. La menace cyber vient ainsi puissamment renforcer et aggraver les autres menaces.

Les cyberattaques revêtent plusieurs formes. Des actions de déstabilisation peuvent être conduites par le biais de messages hostiles ou de propagande placés sur des sites Internet mal protégés. Des actes de sabotage peuvent être perpétrés pour perturber le fonctionnement d’installations connectées en réseau ; c’est ainsi que des réseaux bancaires américains et coréens ont été rendus inaccessibles en 2013.

Le vol de données est peut-être aujourd’hui la forme la plus préoccupante de cette menace cyber. En effet, d’après le Gouvernement, ce phénomène « est massif et souvent d’origine étatique. En matière industrielle et commerciale, il atteint tous nos secteurs de souveraineté. Les intrusions visant l’État, les opérateurs d’importance vitale (OIV) ainsi que les grandes entreprises du pays sont aujourd’hui quotidiennes. En outre, la récurrence des attaques en provenance d’États peut indiquer que des informations sont méthodiquement collectées afin de rendre possible, dans une situation de conflit, une attaque d’une envergure telle qu’on pourrait la considérer, en elle-même, comme un acte de guerre ».

Pour le général de Saint-Quentin, sous-chef en charge des opérations à l'état-major des armées, nous sommes entrés dans une phase de « vigilance nationale »  (10). Celle-ci se traduit par un engagement soutenu et durable des armées dans tous les milieux : terre, air, mer, espace et cyber.

En réalité, le niveau d'engagement actuel de l'outil militaire français n'est pas sans précédent historique. Le tableau ci-après, extrait d’un récent rapport sénatorial sur les interventions extérieures de la France  (11) , en atteste.

Nombre de militaires français engagés en OPEX

Effectif moyen annuel

En effectif moyen annuel
Théâtre

Opération

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

Kosovo

Trident

1 974

1 416

791

424

318

315

106

2

2

Liban

Daman + Baliste

1 501

1 558

1 460

1 354

1 065

886

875

855

890

Afghanistan

Pamir + Héraclès

2 710

3 752

4 096

3 913

3 187

854

310

9

4

Levant

Chammal

 

 

 

 

 

 

186

1 350

1 417

Côte d'Ivoire

Licorne

1 981

1 138

874

868

581

548

546

 

 

BSS

Serval / Barkhane

 

 

 

 

 

4 406

2 068

3 352

3 417

Tchad

Épervier

1 304

1 155

988

959

982

874

1 318

 

 

RCA

Boali / Sangaris

267

239

240

238

241

524

2 236

1 363

948

TOTAL

 

11 685

11 157

9 824

10 644

7 515

9 532

8 748

7 702

7 262