N° 4128 tome IX - Avis de M. Guy-Michel Chauveau sur le projet de loi de finances pour 2017 (n°4061).



N
° 4128

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 19 octobre 2016

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
SUR LE PROJET DE
loi de finances pour 2017 (n° 4061),

TOME IX

PRÉLÈVEMENT EUROPÉEN

PAR M. Guy-Michel CHAUVEAU

Député

——

Voir le numéro 4125.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I. DES PRIORITÉS AMBITIEUSES, MAIS UN CADRE FINANCIER SOUS CONTRAINTE 7

A. 2017, QUATRIÈME ANNÉE DE MISE EN œUVRE DU CADRE FINANCIER PLURIANNUEL 2014-2020, TROISIÈME DU MANDAT DE L’ACTUELLE COMMISSION EUROPÉENNE 7

1. Un cadre financier pluriannuel 2014-2020 qui laisse peu de marges de manœuvre 7

1. Une contraction des crédits théoriquement compensée par un recours accru aux instruments de flexibilité 10

B. LE PROJET DE LA COMMISSION MET L’ACCENT SUR L’EMPLOI ET LA CROISSANCE, LA SÉCURITÉ ET LA RÉPONSE À LA CRISE MIGRATOIRE 12

1. La proposition de la Commission européenne tente d’apporter des réponses aux défis auxquels l’Europe est confrontée en matière économique et géopolitique, dans un contexte financier particulièrement contraint. 12

2. La position du Conseil : garantir la soutenabilité du cadre financier pluriannuel 16

II. L’EXAMEN À MI-PARCOURS DU CADRE FINANCIER PLURI-ANNUEL : MOMENT DE VÉRITÉ POUR LE FINANCEMENT DE L’UNION EUROPÉENNE ? 19

A. LA FRANCE, BÉNÉFICIAIRE ET CONTRIBUTEUR DU BUDGET DE L’UNION EUROPÉENNE À HAUTEUR DE 19,082 MILLIARDS D’EUROS CETTE ANNÉE 19

1. Un prélèvement sur recettes estimé à 19,082 milliards d’euros, prévision encore soumise à des incertitudes 19

2. Un solde net qui continue de se dégrader 20

B. LA RÉVISION À MI-PARCOURS DU CADRE FINANCIER PLURIANNUEL : POSER LA QUESTION DE LA VALEUR AJOUTÉE DU BUDGET DE L’UNION EUROPÉENNE 23

1. Un consensus politique sur les priorités de l’Union européenne, des difficultés dans leur financement 23

2. Un système de ressources propres opaque et inefficace 26

3. Une première tentative de réforme avortée 27

4. Les questions à poser lors de la révision du cadre financier pluriannuel 29

CONCLUSION 33

EXAMEN EN COMMISSION 35

INTRODUCTION

La Commission des affaires étrangères s’est saisie pour avis de l’article  27 du projet de loi de finances pour 2017, évaluant le montant du prélèvement effectué sur les recettes de l’État au profit du budget de l’Union européenne (PSR-UE) à 19,082 milliards d’euros. 

Le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker a lors de son discours sur l’état de l’Union 2016, prononcé devant le Parlement européen, rappelé les priorités politiques pour l’année à venir. Comme il l’a souligné, ces « douze prochains mois seront décisifs, si nous voulons ressouder notre Union (…) Nous devons construire une Europe meilleure: une Europe qui protège, qui préserve notre mode de vie européen, qui donne le pouvoir à nos citoyens et se défend à l’intérieur et à l’extérieur.» 

Ainsi les priorités affichées pour le budget 2017 sont l’emploi et la croissance, la sécurité et le défi migratoire. 

Le présent rapport examine dans un premier temps les grands équilibres budgétaires proposés par les institutions européennes pour financer ces trois grandes priorités.

La Commission a tenté de présenter un projet à la hauteur de ces ambitions, en insistant sur la croissance et l’emploi, la sécurité, la politique migratoire et la politique extérieure. Le Conseil a insisté quant à lui sur la nécessaire soutenabilité du cadre financier pluriannuel. Comme chaque année, le système de financement de l’Union aboutit à une situation absurde, et très préoccupante, où chaque État essaie de reprendre d’une main ce qu’il donne de l’autre. 

Il ressort de l’analyse du projet de budget pour 2017 qu’il est impossible de faire face à la crise de la zone euro, ou encore à celle des réfugiés, répondre aux défis stratégiques du voisinage de l’Union, marqué par une réelle déstabilisation, débloquer 300 milliards d’euros au service d’investissements structurants, lutter contre la désindustrialisation, tout en continuant de financer les programmes communautaires, sans réfléchir aux moyens dont l’Europe doit se doter.  

C’est pourquoi, dans un second temps, le présent rapport pose la question de la pertinence du mode de financement de l’Union européenne. 

Le budget européen, agrégation des contributions des différents États membres, a montré toutes ses limites et ressurgit chaque année le clivage entre les pays de la cohésion – dénonçant les engagements non tenus – et les contributeurs nets expliquant qu’ils souhaitent limiter leur contribution, tenus par des contraintes budgétaires fortes.

Le moment est parfaitement choisi : d’une part, la perspective du Brexit oblige à une remise à plat des fondements du système actuel. D’autre part, 2016 est l’année de révision à mi-parcours du cadre financier pluriannuel 2014-2020. En effet, lors des négociations sur le cadre financier pluriannuel, le Parlement européen, qui jugeait insuffisamment ambitieux les plafonds retenus, a notamment obtenu comme contrepartie à son approbation une clause de revoyure en 2016, à laquelle les Parlements nationaux ont été associés au cours d’une conférence institutionnelle qui s’est tenue en septembre dernier. 

Un travail sur la valeur ajoutée du budget européen et la répartition de l’effort financier entre niveau communautaire et États membres fait aujourd’hui défaut, de même qu’une réflexion sur la nécessité d’une véritable politique budgétaire de la zone euro.

Enfin, votre rapporteur souhaite insister sur le caractère frustrant du calendrier de discussion du prélèvement européen. Le débat devrait se faire en deux temps : sur la proposition de la Commission en avril, sur laquelle le Parlement pourrait prendre position et, une seconde fois, lorsque le budget serait arrêté, pour discuter du prélèvement de recettes. Il conviendrait de débattre en deux temps pour une bonne pratique démocratique. De plus, les députés sont amenés à se prononcer sur un montant prévisionnel du prélèvement sur lequel pèsent de nombreuses incertitudes, et dont le montant peut varier de manière substantielle durant l’année, sans compter leurs difficultés à accéder aux documents budgétaires qui doivent leur permettre de se prononcer.

L’accord politique fixant le cadre financier pluriannuel pour la période 2014-2020 a été conclu le 27 juin 2013 – après deux ans et demi d’âpres négociations – entre le président de la Commission européenne, le président du Parlement européen et le Premier ministre irlandais qui assurait la présidence du Conseil. 

Le budget de l’Union européenne pour 2017 s’inscrit ainsi d’emblée dans un cadre financier pluriannuel restreint, qui a été fixé par les institutions européennes avant même les élections de mai 2014 et l’établissement d’un nouveau Parlement et d’une nouvelle Commission.

Quelles que soient donc les priorités politiques que se donnent les Etats membres pour l’année qui vient, les moyens qui y seront alloués devront respecter cette enveloppe déjà limitée, et le principe d’équilibre auquel le budget européen est soumis. Seule l’utilisation, depuis l’année dernière, de nouveaux instruments de flexibilité, ont permis de faire face aux dépenses imprévues. 

Mais ces instruments de flexibilité, à eux seuls, ne sauraient constituer une réponse aux problèmes de financement de l’Europe. Ils ne sont qu’un pis-aller. La question de la hauteur du budget européen, qui conditionne l’ambition des politiques européennes, qui est peut-être l’une des plus importantes, n’est jamais sérieusement posée.

Le projet de budget pour 2017 est le troisième à être établi conformément au cadre budgétaire défini par le traité de Lisbonne. En effet, le règlement fixant le cadre financier pluriannuel pour la période 2014-2020 et l’accord interinstitutionnel sur la coopération en matière budgétaire ainsi que les actes juridiques relatifs à la nouvelle génération de programmes de dépenses a été adopté formellement en décembre 2013. Pour sa part, la décision du Conseil relative aux ressources propres, adoptée le 26 mai 2014, et soumise à l’approbation de notre Parlement, doit entrer en vigueur en 2016, après avoir été ratifiée par l’ensemble des États membres, avec un effet rétroactif au 1er janvier 2014.

En euros constants, le nouveau cadre pluriannuel marque un recul de 3,4 % en engagements et de 3,6 % en paiements par rapport au cadre 2007-2013 dans le contexte d’accroissement du nombre d’Etats et d’augmentation des compétences de l’Union.

En ce qui concerne les montants fixés, en euros courants, pour la première année du nouveau cadre (2014) par rapport à ceux fixés pour la dernière année du précédent cadre (2013), ils accusent une nette diminution : 

– pour 2013, le plafond global des crédits d’engagement s’établissait à 152,5 milliards d’euros (1,15 % de la richesse de l’Union mesurée par le revenu national brut – RNB), et le plafond des crédits de paiement à 143,9 milliards d’euros (1,08 % du RNB de l’Union) ;

– pour 2014, le plafond global des crédits d’engagement s’établirait à 142,54 milliards d’euros (1,03 % du RNB de l’Union), et le plafond des crédits de paiement à 135,87 milliards d’euros (0,98 % du RNB de l’Union). 

À noter que, dans le cas d’une comparaison entre deux exercices budgétaires, l’unité utilisée est l’euro courant, comme c’est le cas pour les budgets nationaux. Par rapport aux plafonds qui étaient fixés pour l’année 2013, les plafonds pour 2014 seraient donc en baisse de 5,8 %.

Les tableaux suivants retracent le cadre financier pluriannuel 2014-2020, le premier en euros constants, le second en euros courants.

PROJET DE CADRE FINANCIER 2014-2020 (EN EUROS CONSTANTS 2011)

(en millions d’euros)

Crédits d’engagement

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Total
2014-2020

1. Croissance intelligente et inclusive

60 283

61 725

62 771

64 238

65 528

67 214

69 004

450 763

1a. Compétitivité pour la croissance et l’emploi

15 605

16 321

16 726

17 693

18 490

19 700

21 079

125 614

1b. Cohésion économique, sociale et territoriale

44 678

45 404

46 045

46 545

47 038

47 514

47 925

325 149

2. Croissance durable : ressources naturelles

55 883

55 060

54 261

53 448

52 466

51 503

50 558

373 179

dont : dépenses de marché et paiements directs

41 585

40 989

40 421

39 837

39 079

38 335

37 605

277 851

3. Sécurité et citoyenneté

2 053

2 075

2 154

2 232

2 312

2 391

2 469

15 686

4. L’Europe dans le monde

7 854

8 083

8 281

8 375

8 553

8 764

8 794

58 704

5. Administration

dont dépenses administratives des institutions

8 218

6 649

8 385

6 791

8 589

6 955

8 807

7 110

9 007

7 278

9 206

7 425

9 417

7 590

61 629

49 798

6. Compensations

27

0

0

0

0

0

0

27

Total crédits d’engagement

134 318

135 328

136 056

137 100

137 866

139 078

140 242

959 988

en % du RNB

1,03 %

1,02 %

1,00 %

1,00 %

0,99 %

0,98 %

0,98 %

1,00 %

Total crédits de paiement

128 030

131 095

131 046

126 777

129 778

130 893

130 781

908 400

en % du RNB (3)

0,98 %

0,98 %

0,97 %

0,92 %

0,93 %

0,93 %

0,91 %

0,95 %

Marge disponible

0,25 %

0,25 %

0,26 %

0,31 %

0,30 %

0,30 %

0,30 %

0,28 %

Plafond des ressources propres en % du RNB

1,23 %

1,23 %

1,23 %

1,23 %

1,23 %

1,23 %

1,23 %

1,23 %

Source : Commission européenne.

PROJET DE CADRE FINANCIER 2014-2020 (EN EUROS COurants)

(en millions d’euros)

Crédits d’engagement

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Total
2014-2020

1. Croissance intelligente et inclusive

60 973

66 813

69 304

72 342

75 271

78 752

82 466

508 921

1a. Compétitivité pour la croissance et l’emploi

16 390

17 406

18 467

20 038

21 354

23 199

25 311

142 165

1b. Cohésion économique, sociale et territoriale

47 583

49 407

50 837

52 304

53 917

55 553

57 155

366 756

2. Croissance durable : ressources naturelles

59 303

59 599

59 909

60 191

60 267

60 344

60 421

420 034

dont : dépenses de marché et paiements directs

41 130

44 368

44 628

44 863

44 889

44 916

44 941

312 735

3. Sécurité et citoyenneté

2 179

2 246

2 378

2 514

2 656

2 801

2 951

17 725

4. L’Europe dans le monde

8 325

8 749

9 143

9 432

9 825

10 268

10 510

66 262

5. Administration

dont dépenses administratives des institutions

8 721

7 056

9 076

7 351

9 483

7 679

9 918

8 007

10 346

8 360

10 786

8 700

11 254

9 071

69 584

56 224

6. Compensations

29

0

0

0

0

0

0

29

Total crédits d’engagement

142 540

146 483

150 217

154 397

158 365

162 951

167 602

1 082 555

en % du RNB

1,03 %

1,02 %

1,00 %

1,00 %

0,99 %

0,98 %

0,98 %

1,00 %

Total crédits de paiement

135 866

142 448

144 265

142 285

148 704

155 310

156 801

1 025 679

en % du RNB (3)

0,98 %

0,99 %

0,96 %

0,92 %

0,93 %

0,94 %

0,91 %

0,95 %

Source : Commission européenne.

Compte tenu des restrictions budgétaires proposées, reflet des pressions budgétaires sur les États membres, le Parlement européen a conditionné son approbation du cadre financier pluriannuel à une flexibilité accrue dans l’exécution budgétaire :

– une plus grande flexibilité est prévue dans le recours aux instruments spéciaux, afin d’en accroître les possibilités de mobilisation. La possibilité est ainsi introduite de reporter les crédits de la réserve d’aide d’urgence et du Fonds de solidarité de l’Union européenne sur l’année suivante, tandis que la possibilité de reporter les crédits de l’instrument de flexibilité est portée de deux à trois ans.

– la marge sous le plafond des paiements du cadre financier d’une année peut être reportée automatiquement sur l’année suivante, ce qui constitue une avancée importante. Un plafond encadrant le montant des reports est toutefois prévu pour les années 2017-2018-2019 à hauteur de, respectivement, 7, 9 et 10 milliards, soit 26 milliards d’euros au total. Ce mécanisme garantit que la totalité des 908 milliards d’euros du CFP 2014-2020, qui s’inscrivent pourtant en retrait en euros constants, pourra être utilisée sur la période. Il devrait ainsi conduire à une utilisation des crédits supérieure à celle du cadre financier pour 2007-2013, qui, mobilisé à hauteur de 885 milliards d’euros, a été sous-exécuté – notamment pour ce qui est des programmes de cohésion.  Votre rapporteur considère d’ailleurs que, alors que l’Europe devait faire face sur la période à une crise économique d’une rare ampleur, cette sous-exécution interroge. 

– les marges laissées disponibles sous les plafonds des engagements du cadre financier pour les années 2014 à 2017 peuvent être reportées sur la période 2016-2020, ce qui représente environ 2,6 milliards d’euros. Ces crédits seront fléchés vers la croissance et l’emploi, et notamment l’emploi des jeunes. Il s’agit ainsi notamment de prolonger, à partir de 2016, l’Initiative pour l’emploi des jeunes dont le financement de 6 milliards d’euros est concentré sur 2014 et 2015, à la demande de la France, pour garantir l’efficacité de la mesure au regard de l’ampleur du chômage des jeunes en Europe.

– une « marge pour imprévus », d’un montant ne pouvant dépasser 0,03 % du RNB de l’Union, peut être mobilisée au-delà des plafonds fixés, en dernier ressort, afin de faire face à des dépenses qui ne peuvent être anticipées. Le 28 mai 2014, la Commission a présenté un projet de budget rectificatif n° 3 qui prévoit la mobilisation de cette marge à hauteur de 4,7 milliards d’euros, ce qui conduit à un dépassement du plafond prévu en crédits de paiement par le cadre financier pluriannuel. Les crédits ont principalement bénéficié à la politique de cohésion (2 486 millions d’euros) et, dans une moindre mesure à la politique extérieure (650 millions), aux politiques de croissance et de compétitivité (422 millions), à la politique agricole (54 millions) et aux politiques de sécurité et de citoyenneté (12 millions). Dans leur quasi-totalité, ils ont été mobilisés grâce à la marge pour imprévus.

S’y ajoutent les instruments spéciaux (réserve pour aide d’urgence, Fonds de solidarité de l’Union européenne, instrument de flexibilité et Fonds européen d’ajustement à la mondialisation), qui constituent un facteur d’assouplissement du cadre financier puisque leur mobilisation peut également entraîner un dépassement des plafonds de crédits. 

Une controverse juridique, qui recouvre des enjeux financiers et politiques considérables, a opposé la Commission et le Parlement européen à une partie des États membres du Conseil sur l’usage des instruments de flexibilité. Les premiers considèrent qu’il est possible de mobiliser les instruments spéciaux au-delà des crédits d’engagement et de paiements. Pour ces derniers, le règlement du cadre financier pluriannuel mentionne expressément la possibilité de mobiliser les instruments spéciaux au-dessus des plafonds en crédits d’engagement. A contrario, en l’absence de mention expresse de la possibilité de dépassement en crédits de paiement, ils en déduisent que l’autorité législative a souhaité exclure cette possibilité. Les seconds estiment que cette possibilité porte uniquement sur les crédits d’engagement. 

Dans le cadre de la révision à mi-parcours du cadre financier pluriannuel, la Commission a inclus une proposition d’amendement à la décision 2015/435 du 17 décembre 2014 de mobilisation de la marge pour imprévus. Cette proposition vise en particulier à revenir sur l’accord trouvé en 2014 en précisant, dans un considérant, que les crédits de paiement des instruments spéciaux doivent être comptabilisés au-delà des plafonds du cadre financier pluriannuel.

Le service juridique du Conseil a pour sa part considéré, dans une opinion rendue le 3 octobre 2016, qu’un accord unanime au sein du Conseil était requis pour déterminer d’une manière générale que les crédits de paiement de tous les instruments spéciaux sont mobilisés au-delà des plafonds du cadre financier pluriannuel.

Votre rapporteur estime que compte tenu de la faiblesse des plafonds parfois retenus pour la période, il faut faire un plein usage des instruments de flexibilité dont on dispose.

Sur le projet de budget pour 2017, on retrouvera la traditionnelle opposition de la Commission et du Parlement européen d’un côté, et du Conseil de l’autre, sur le projet de budget, ce qui n’est que le symptôme d’un mode de financement devenu obsolète. La discussion budgétaire est ainsi devenue un débat technique entre 28 experts comptables qui essaient de limiter leurs dépenses sans se concentrer sur la véritable valeur ajoutée du budget européen. 

Le projet de budget pour 2017 tel que proposé par la Commission et en prenant en compte les instruments spéciaux s’élève à 157,658 milliards d’euros en crédits d’engagement (CE) et à 134,899 milliards d’euros en crédits de paiement (CP), soit une hausse de + 1,7 % en CE par rapport au budget 2016 voté (incluant les budgets rectificatifs n° 1 et 2/2016 votés par le Conseil à la date de rédaction du présent document) et une baisse de - 6,2 % en CP. Les CE, hors instruments spéciaux, s’élèvent à 154,816 milliards d’euros, la marge sous plafond s’établit donc à 815 milliards d’euros. Les CP, hors instruments spéciaux, s’élèvent à 134,279 milliards. La Commission propose de fixer les instruments spéciaux, y compris l’instrument de flexibilité, à hauteur de 1,601 milliards d’euros. La marge sous plafond en crédits de paiement s’élève donc à 8,007 milliards d’euros, les instruments spéciaux étant comptabilisés sous plafond selon l’interprétation du Conseil (et une marge de 9,608 milliards d’euros selon l’interprétation de la Commission).

Les crédits de paiement correspondant à la mobilisation de l’instrument de flexibilité devraient être répartis sur plusieurs exercices et sont estimés à 238,3 millions d’euros en 2017, à 91 millions d’euros en 2018, à 141,9 millions d’euros en 2019 et à 58,8 millions d’euros en 2020.

La Commission européenne propose, en second lieu, de recourir à la marge pour imprévus pour un montant de 1,164 milliard d’euros. Conformément au « règlement CFP », la mobilisation de la marge pour imprévus, qui peut atteindre 0,03 % du RNB brut de l’Union européenne, intervient en dernier recours pour faire face à des circonstances imprévues. Cette marge doit donc être mobilisée après avoir examiné toutes les options possibles, c’est-à-dire après avoir envisagé le redéploiement de crédits entre rubriques, utilisé l’ensemble des crédits d’engagement disponibles sous les plafonds et après le recours à l’instrument de flexibilité.

La première priorité du budget est la croissance et la compétitivité.

De manière générale, le projet de budget pour 2017 prévoit une hausse de 6,9 % des crédits d’engagement de la rubrique 1, consacrée à crédits consacrés à « une croissance intelligente et inclusive » par rapport au budget 2016 ; ce qui correspond à un montant total de 74,6 milliards d’euros en engagements et de 56,6 milliards d’euros en paiements (- 14,5 % par rapport à 2016). Cette tendance masque toutefois une évolution contrastée entre les deux sous-rubriques relatives à la compétitivité pour la croissance et l’emploi (1a) et à la cohésion économique, sociale et territoriale (1b).

Plus particulièrement, la ventilation des crédits se répartit selon les trois enveloppes suivantes. La première enveloppe, d’un montant de 21,1 milliards d’euros en engagements, est consacrée à la rubrique 1a (« Compétitivité pour la croissance et l’emploi ») et connaît une hausse de 11 % par rapport à l’année 2016 résultant, en grande partie, des fonds alloués au FEIS, au MIE et au programme « Erasmus + ».

10,6 milliards d’euros de cette enveloppe sont consacrés à la recherche et l’innovation dans le cadre du programme Horizon 2020 ; 2 milliards d’euros en faveur de l’éducation à travers le programme « Erasmus + » ; 2,5 milliards d’euros en faveur du mécanisme pour l’interconnexion en Europe (MIE) et 299 millions d’euros en faveur des petites et moyennes entreprises dans le cadre du programme COSME.

La seconde enveloppe est consacrée au Fonds européen pour les investissements stratégiques et s’élève à 2,66 milliards d’euros.

Enfin, la troisième enveloppe, d’un montant total de 53,57 milliards d’euros vise à apporter un soutien aux investissements productifs et aux réformes structurelles par l’intermédiaire des fonds structurels.

On notera l’augmentation des moyens consacrés au soutien aux PME, en souhaitant que ce soutien se confirme dans les années à venir. Pour 2017, la Commission européenne propose de doter le programme de 299,3 millions d’euros en engagements (+ 1,4 %) et de 369,2 millions d’euros en paiements (+ 40,8 %).

Les deux autres priorités de ce budget sont la sécurité et la gestion de la crise migratoire. 

L’effort consenti au titre de la gestion de la crise migratoire se répartit sur les crédits des rubriques 3 et 4. Ainsi, en s’appuyant sur les actions déjà entreprises en 2015 et 2016, qui ont atteint un total de plus de 10,5 milliards d’euros, le projet de budget pour 2017 consacre-t-il 5,2 milliards d’euros aux actions relatives à la gestion des migrations de l’Union européenne.

La Commission européenne évalue à 4,272 milliards d’euros le montant des crédits d’engagement nécessaires pour la rubrique 3 en 2017.

La Commission européenne évalue à 200 millions d’euros les crédits nécessaires pour répondre en 2017, au moyen de l’instrument relatif à la fourniture d’une aide d’urgence au sein de l’Union européenne aux besoins humanitaires qui résultent des mouvements migratoires et de la crise des réfugiés.

La Commission propose par ailleurs de renforcer les moyens du Fonds  « Asile, migration et intégration » (dit Fonds AMI), qui contribue à la gestion des flux migratoires et à la mise en oeuvre, au renforcement et au développement d’une politique commune d’asile et d’immigration. Le projet de budget pour 2017 établit le montant des crédits d’engagement du Fonds AMI à 1,621 milliard d’euros (soit une diminution de 9,4 % par rapport à 2016) et le montant des crédits de paiement à 1,183 milliard d’euros (soit une augmentation de 12,8 % par rapport à 2016).

Le Fonds pour la sécurité intérieure voit lui aussi ses moyens augmenter. Ainsi, les crédits d’engagement sont-ils établis, dans le projet de budget, à 738,6 millions d’euros (soit une hausse de 14,4 %) et les crédits de paiement à 747,7 millions d’euros (soit une hausse de 89,3 %). Il convient de noter que la décomposition de l’évolution des crédits au FSI illustre également la primauté accordée à la lutte contre le crime organisé et les menaces sécuritaires afférentes, puisque ceux-ci connaissent une augmentation de 88 % en engagements et de 106,9 % en paiements. 

Pour répondre au besoin croissant d’une gestion efficace des frontières extérieures de l’Union européenne, des ressources supplémentaires sont prévues dans le projet de budget pour 2017. Les capacités d’intervention de l’agence FRONTEX font ainsi l’objet d’un renforcement notable. Par ailleurs, s’agissant de la sécurité intérieure de l’Union européenne, les États membres bénéficieront d’un soutien de l’Union européenne pour la mise en œuvre du système européen de dossiers passagers (Passenger Name Record). Les mesures prises au titre de la lutte contre le terrorisme et le crime organisé feront également l’objet, pour l’année 2017, d’un renforcement des moyens alloués.

Compte-tenu de l’effort consenti sur les autres sous-rubriques, les crédits consacrés au Mécanisme de protection civile de l’Union, qui vise à améliorer la prévention et la gestion des catastrophes naturelles ou technologiques, mais aussi les conflits, font l’objet d’un réajustement. C’est l’illustration des difficultés actuelles de financement de l’Union européenne : la gestion de la crise migratoire nécessite des redéploiements budgétaires. Mais les crédits qui s’en trouvent diminués sont ceux qui permettent de lutter efficacement sur le long terme, sur les causes profondes dont les migrations ne sont que les symptômes. En affichage, le budget de l’Union européenne répond bien au défi migratoire, mais il n’agit que sur ses effets immédiats sans se donner les moyens d’en régler les facteurs.

Visant à promouvoir la démocratie, la paix, la solidarité, la stabilité et la réduction de la pauvreté, l’action extérieure de l’Union européenne s’exerce principalement par l’instrument d’aide de préadhésion (IAP), l’instrument européen de voisinage (IEV) et l’instrument de financement de l’action extérieure. Ces trois instruments voient leur contribution au financement des actions extérieures augmenter de 74,4 %, pour atteindre plus de 7 milliards d’euros. Cette hausse est principalement tirée par celle des crédits alloués à l’instrument d’aide à la préadhésion pour répondre aux besoins liés à la mise en place de la facilité en faveur des réfugiés en Turquie.

Par ailleurs, avec 945,4 millions d’euros, l’aide humanitaire représente plus de 10 % des crédits de la rubrique 4. Le projet de budget pour 2017 indique que les besoins supplémentaires qui ne peuvent, par essence, être évalués à ce stade pourront être financés par la réserve d’aide d’urgence.

Enfin, l’instrument européen pour la démocratie et les droits de l’homme (IEDDH), dont l’importance est centrale dans la promotion des valeurs européennes, connaît une évolution relativement stable : les montants évalués s’établissent ainsi à 189 millions d’euros en engagements (soit une augmentation de 1,9 %) et à 168,4 millions d’euros en paiements (soit une diminution de 6,7 %).

L’instrument contribuant à la stabilité et à la paix, d’une part, et la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), d’autre part, bénéficient, dans le projet de budget pour 2017, respectivement d’une allocation de 273,3 et de 333,9 millions d’euros, tandis que les crédits consacrés à l’instrument de partenariat demeurent relativement constants (+ 6,4 % en engagements) et s’établissent à 133,7 millions d’euros en engagements.

De manière générale, la plupart des instruments de la rubrique 4 continueront à apporter un soutien à la gestion des migrations et de la crise des réfugiés, en fournissant aux États membres accueillant des réfugiés une assistance directe ou en menant des actions visant à s’attaquer aux causes profondes des migrations dans les principales régions concernées. Certaines de ces mesures, mises en œuvre par l’Union européenne, sont le reflet des engagements pris lors de la Conférence de Londres en février 2016 pour venir en aide à la population syrienne en Syrie ainsi qu’aux réfugiés et aux communautés les accueillant dans les pays voisins.

Au total, le projet de budget pour 2017 propose de consacrer 525 millions d’euros pour l’assistance à la Syrie, à la Jordanie et au Liban, conformément aux engagements formulés par l’Union européenne dans ce sens.

Par ailleurs, 750 millions d’euros sont destinés à la facilité en faveur des réfugiés en Turquie en 2017.

Le Conseil a trouvé un accord sur le projet de budget 2017 lors du Comité budgétaire du 18 juillet 2016, cette position ayant été formalisée lors du Coreper du 20 juillet 2016. La position du Conseil a été formellement adoptée à la majorité qualifiée par procédure écrite le 12 septembre 2016. Afin de faire face à des imprévus en gestion et pour garantir la soutenabilité du cadre financier pluriannuel, le Conseil a souhaité accroître encore les marges sous plafonds proposées par la Commission, en crédits de paiement comme en crédits d’engagement. 

Selon le jaune annexé au projet de loi de finances pour 2017, la négociation du budget 2017 s’est inscrite, au sein du Conseil, dans un contexte d’apaisement, puisque tous les pays, notamment contributeurs nets, souhaitent assurer la soutenabilité du cadre financier pluriannuel. La nécessité de dégager des marges sous les plafonds en 2017 s’est imposée.

La marge sous plafond en crédits d’engagement est en effet nécessaire pour garantir la soutenabilité du CFP dans la mesure où les engagements présents donnent lieu à des paiements futurs. Or la contrainte sur les crédits de paiement est par nature plus forte sur les dernières années du CFP : différer les engagements (en alimentant la marge globale pour les engagements en faveur de la croissance et de l’emploi, cf. partie 1.2.1) présente donc l’intérêt de modifier le profil des paiements à effectuer dans le cadre du CFP. Dans le contexte du budget 2017, constituer des marges en engagements reportables sur les années suivantes est d’autant plus nécessaire qu’il s’agit de répondre aux besoins de crédits d’engagement prévus pour le « plan Juncker » (redéploiements) sans augmentation des plafonds et faire face à d’éventuels imprévus dans un contexte marqué par de nombreuses crises.

La marge sous plafond en crédits de paiement est, quant à elle, nécessaire pour faire face à des aléas en exécution sans avoir recours à des budgets rectificatifs ou à la marge pour imprévus, qui fragilisent l’exécution budgétaire nationale puisqu’ils majorent mécaniquement la contribution nationale à l’Union européenne. En outre, cette marge sous plafond en crédits de paiement, si elle n’est pas utilisée au cours de l’exercice budgétaire, n’est pas perdue. Elle peut être réutilisée lors des années ultérieures du CFP puisqu’elle alimente la marge globale en paiements. Cette dernière s’avèrera notamment utile en 2018-2020, années de fin de programmation par nature davantage tendues en exécution. 

Or dans le contexte du budget 2017, le besoin de crédits de paiement est moins élevé qu’au cours des trois premières années du cadre du fait de la fin des paiements relatifs à l’ancienne programmation 2007-2013 et d’une montée en charge de la nouvelle programmation plus lente qu’anticipée : prévoir une marge sous plafond de crédits de paiement est donc possible selon le Conseil. 

Trois déclarations ont été jointes à la position du Conseil :

– une déclaration portant sur le calendrier de présentation de l’état prévisionnel de la Commission. Cette déclaration rappelle le calendrier de la procédure budgétaire 2017 approuvé par le Conseil, le Parlement européen et la Commission européenne le 14 mars 2016. Ce calendrier contribue à l’adoption du budget en temps voulu, conformément à la partie II de l’accord interinstitutionnel du 2 décembre 2013. La déclaration insiste, en particulier, sur l’importance d’une présentation avancée de l’état prévisionnel de la Commission afin d’accorder au Conseil le temps suffisant pour réaliser une analyse technique approfondie des prévisions de coûts transmises ; 

– une déclaration sur les crédits de paiement qui comporte deux volets. Un premier demande un réajustement des crédits de la rubrique 2 si nécessaire, au regard des informations qui seront apportées dans la lettre rectificative portant sur l’agriculture qui sera présentée à l’automne. Le second volet demande à la Commission de « présenter en temps utile des chiffres actualisés concernant la situation et les estimations relatives aux crédits de paiement en 2017 en vue de permettre à l’autorité budgétaire d’arrêter les décisions nécessaires en temps voulu pour des besoins justifiés ». Comme en 2016, cette déclaration s’éloigne de celles des années précédentes, qui demandaient la présentation de budgets rectificatifs en cas d’insuffisance de crédits de paiement ;

– une déclaration du Conseil portant sur l’objectif de réduction de 5 % des effectifs. Cette déclaration rappelle l’objectif de réduction des effectifs de 5 % entre 2013 et 2017, tel que prévu au point 27 de l’accord interinstitutionnel du 2 décembre 2013. Le Conseil rappelle que l’année cible de cet objectif est 2017 et qu’il est très insatisfait du fait que toutes les institutions, organismes et agences n’atteindront pas ce dernier dans les temps. Il insiste donc sur la nécessité de prendre immédiatement des mesures de suivi adaptées afin de dresser le bilan de la situation en vue de s’assurer que tous les efforts sont déployés pour éviter tout délai supplémentaire dans la mise en œuvre de la réduction des effectifs. La déclaration insiste également sur l’importance du suivi des effectifs des personnels externes, non couverts initialement par l’objectif de - 5 %. Elle souligne enfin que les progrès réalisés devraient permettre aux institutions de réaliser des économies dans leurs dépenses de fonctionnement administratif et invite la Commission à commencer à évaluer les résultats de l’exercice afin d’en tirer des leçons pour l’avenir.

Tableau comparatif du budget 2015, du projet de budget pour 2016 et de la position du Conseil sur le projet de budget pour 2016

 

Le prélèvement communautaire est cette année évalué à 19,082 milliards d’euros. Pour mémoire, le prélèvement est inclus dans la norme de dépenses de l’État, c’est-à-dire « zéro valeur » hors charges de la dette et pensions : toute évolution à la hausse, en valeur, de ce prélèvement, doit donc se traduire par une diminution à due concurrence d’autres dépenses du budget de l’État. 

L’article 27 du projet de loi de finances pour 2016 fixe à 19,082 milliards d’euros en 2016 le montant prévisionnel, pour 2017, du prélèvement sur recettes en faveur de l’Union européenne. 

Pour mémoire, le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne est la somme de deux types de contributions :

– une première contribution correspond à la part de la France dans la ressource « TVA », qui consiste en l’application d’un taux uniforme aux assiettes nationales de TVA. La correction britannique est financée par un mécanisme faisant appel à cette ressource ;

– une seconde contribution est assise sur le produit national brut (dite ressource RNB) de chaque État et joue le rôle de variable d’ajustement du budget communautaire. Elle représente près de 80 % du prélèvement.

Lee montant prévisionnel du prélèvement sur recettes est calculé en fonction de l’évaluation du besoin de financement de l’Union en 2017, compte tenu notamment de l’évolution programmée des crédits de paiement par rapport aux plafonds du cadre financier pluriannuel (CFP). La prévision du PSR-UE tient compte par ailleurs d’une hypothèse de solde 2016 reporté sur 2017 et de recettes diverses de l’Union.

S’agissant du volet recettes, la prévision du PSR-UE repose sur les données prévisionnelles issues du comité consultatif des ressources propres (CCRP) réuni à Bruxelles en mai 2016 et reprises dans le projet de budget pour 2017. Elles correspondent aux dernières données disponibles. 

La contribution française comprend par ailleurs les versements effectués au titre des corrections et rabais forfaitaires. En outre, en 2017, la France devra payer la seconde tranche de sa participation au financement de la facilité pour les réfugiés en Turquie, dont le montant de 136 millions d’euros est budgétisé dans le PSR-UE 2017.

Comme chaque année, un certain nombre d’incertitudes pèsent sur l’évaluation du prélèvement. 

Le résultat des négociations budgétaires n’est pas connu. D’autre part, les budgets rectificatifs, qui peuvent être adoptés en cours d’année, peuvent augmenter ou réduire les dépenses du budget communautaire, par rapport au montant sur lequel se fondait la prévision, en loi de finances initiale, de la contribution de la France.

Enfin, la prévision de prélèvement est également fondée sur plusieurs hypothèses relatives aux recettes du budget communautaire, qui peuvent ne pas se réaliser comme prévu en cours d’année, parmi lesquelles : une estimation du solde reporté du budget de l’année précédente, qui dépend notamment du budget rectificatif de fin d’année, une estimation des assiettes des ressources TVA et RNB, une évaluation de la participation de la France au dispositif dit du « chèque britannique », dont le montant dépend notamment de la part des dépenses réparties sur le territoire britannique dans le total des dépenses réparties au sein de l’Union, du montant des dépenses réparties au sein des nouveaux États membres ainsi que du montant des dépenses de développement rural et de la politique agricole commune (PAC). 

La notion de solde net – la différence entre ce qu’un État membre verse au budget communautaire et ce qu’il reçoit grâce aux dépenses de l’Union européenne effectuées sur son territoire – doit être maniée avec prudence et distance.

En effet, d’une part, cette notion, dont le mode de calcul est variable, ne saurait retracer la totalité des coûts et bénéfices de l’appartenance à l’Union européenne. Non seulement certaines dépenses ne peuvent être réparties avec précision entre États membres  – c’est le cas par exemple des dépenses de politique extérieure – mais il faut tenir compte des externalités positives difficilement chiffrables, induites par l’appartenance au marché unique ou celles résultant, pour un État membre, de l’utilisation de fonds européens dans un autre État membre, qui peut générer un effet positif sur les équilibres économiques nationaux. D’autre part, il ne s’agit pas d’entrer dans une logique purement comptable et strictement nationale, à l’inverse de l’idée de solidarité européenne qui est au fondement de la création d’un budget européen, et que votre rapporteur défend. 

Pour autant, la claire tendance à la baisse de cet indicateur mérite d’être soulignée. La contribution française au budget de l’Union est en progression constante depuis plus de vingt ans. 

Le montant de la contribution française au profit de l’Union européenne (prélèvement sur recettes et ressources propres traditionnelles nettes) a été multiplié par six en valeur entre 1982 et 2016, passant de 4,1 milliards d’euros en 1982 à 23,6 milliards d’euros en 2016, à périmètre constant. 

La contribution de la France au budget de l’UE, de 2011 à 2017

 Source : Direction du budget.

Alors que les ressources propres traditionnelles sont restées en moyenne globalement constantes sur la période (bien que connaissant des variations légères d’une année sur l’autre), la part de la ressource TVA a constamment diminué. Elle a été compensée par la montée en puissance de la ressource RNB, ressource dite d’équilibre du budget européen. Quant à la correction britannique, la France en est le premier financeur (à hauteur de 27 % de son montant total pour la correction 2014 payée en 2015). Cette évolution résulte de l’application des décisions successives relatives au système des ressources propres qui ont plafonné la ressource TVA et limité la participation de certains contributeurs nets à la correction britannique.

La part de la ressource RNB dans la contribution nette française à l’UE devrait représenter, en 2017, 71 % de la contribution française, la TVA 14 %, les ressources propres traditionnelles, hors frais de perception, 9 % et la correction britannique 7 %.

Solde net français de 1998 à 2015 en milliards d’euros et en pourcentage du RNB

Source : Direction du budget.

L’évolution de la contribution nette française dans les recettes fiscales nettes de l’État a logiquement suivi celle du budget européen dans le PNB/RNB des États membres :

– elle a augmenté entre 1982 et 1994, passant de moins de 4 % à environ 6,5 % pour couvrir la forte croissance des dépenses de la politique agricole commune et de la politique de cohésion ;

– elle est restée relativement stable entre 1994 et 2007, évoluant dans une fourchette comprise entre 5,5 % et 6,6 % ; 

– depuis 2008, elle est supérieure à 6,9 %. Elle s’élève ainsi à 8,2 % en 2016 (PSR-UE et RPT) contre 6,5 % en 1994.

La part de la contribution de la France au profit de l’UE (nette des frais d’assiette et de perception) dans les recettes fiscales nettes

Pour mémoire, les 26-27 juin 2014, le Conseil européen a dévoilé sa feuille de route de l’Union pour les cinq années à venir.

Dans ce cadre, rappelons-le, la France a proposé de :

– porter une nouvelle initiative de croissance : un vaste plan d’investissement dans des secteurs clefs (grandes infrastructures, recherche, énergie, formation des jeunes et santé) doit être mis en oeuvre afin de relancer la croissance. Ce plan doit être accompagné d’un « policy-mix » favorable à la croissance.

– agir pour la jeunesse : afin de lutter contre le chômage, en particulier des jeunes, qui détruit le capital humain des économies européennes, la France propose de renforcer l’initiative pour l’emploi des jeunes, de développer les qualifications et les formations et de mettre en place, avec les partenaires sociaux, un véritable agenda social de nouveaux droits.

– soutenir une politique européenne de l’énergie : il s’agit d’apporter les moyens nécessaires à une transition énergétique réussie, de maîtriser la facture énergétique pour les ménages et les entreprises, de réduire la dépendance énergétique de l’Europe et de diminuer les émissions de CO2.

– promouvoir une Europe de liberté, sécurité, justice : l’Europe est un espace de droit, de justice et de sécurité, qu’il convient de renforcer. Pour cela, la France propose de conforter les libertés et les droits fondamentaux, notamment par la création d’un parquet européen, de lutter fermement contre le terrorisme et de mieux maitriser les flux migratoires.

– porter une réforme du fonctionnement de l’Union européenne : l’Union doit être plus efficace en se soumettant à un choc de simplification. Son action doit se concentrer sur les enjeux politiques essentiels.

Lors de sa séance des 26 et 27 juin 2014, le Conseil européen a adopté un « programme stratégique pour l’Union à l’ère du changement », qui recouvre en grande partie les priorités définies dans l’agenda présenté par la France : des économies plus robustes créant davantage d’emplois, des sociétés à même de donner à tous les citoyens les moyens de réaliser leurs aspirations et d’assurer leur protection, un avenir énergétique et climatique sûr, un espace de libertés fondamentales qui inspire la confiance et une action conjointe efficace dans le monde.

Enfin, le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker a récemment prononcé son discours sur l’état de l’Union 2016 devant le Parlement européen à Strasbourg. Il a ainsi déclaré : « Nous devons construire une Europe meilleure: une Europe qui protège, qui préserve notre mode de vie européen, qui donne le pouvoir à nos citoyens et défend à l’intérieur et à l’extérieur. » Sur la base des priorités politiques de la Commission, le président de la Commission a annoncé une série d’initiatives majeures:

– emploi et croissance: « L’Europe doit investir résolument dans sa jeunesse, dans ses demandeurs d’emploi et dans ses start-up. Aujourd’hui, nous proposons de doubler la durée du Fonds européen pour les investissements stratégiques et de doubler sa capacité financière. »

– connectivité: « Nous proposons aujourd’hui d’équiper chaque village et chaque ville d’Europe d’un accès internet sans fil gratuit autour des principaux centres de la vie publique d’ici à 2020. »

– droit d’auteur: « Je veux que journalistes, éditeurs et auteurs soient rémunérés équitablement pour leur travail, peu importe que celui-ci soit réalisé dans un studio ou dans un salon, diffusé hors ligne ou en ligne, publié via un photocopieur ou relié à un hyperlien sur Internet à des fins commerciales. »

– union des marchés des capitaux: « Une économie presque totalement dépendante du crédit bancaire est mauvaise pour la stabilité financière. C’est également mauvais pour les entreprises, comme nous l’avons vu pendant la crise financière. C’est pourquoi il est maintenant urgent d’accélérer nos travaux concernant l’Union des marchés des capitaux. La Commission vous présente aujourd’hui une feuille de route concrète en ce sens. »

– migrations: « Aujourd’hui, nous lançons un plan d’investissement ambitieux pour l’Afrique et les pays du voisinage, susceptible de mobiliser 44 milliards d’euros d’investissements. C’est un montant qui peut aller jusqu’à 88 milliards d’euros si les États membres y contribuent. »

– sécurité: « Nous défendrons nos frontières avec l’aide de la nouvelle agence européenne de gardes-frontières et de gardes-côtes. Je veux voir le déploiement, dès le mois d’octobre, d’au moins 200 gardes-frontières et 50 véhicules supplémentaires aux frontières extérieures de la Bulgarie. »

– défense: « Pour garantir la solidité de la défense européenne, l’industrie européenne de la défense doit faire preuve d’innovation. C’est pourquoi nous proposerons, avant la fin de l’année, la création d’un Fonds européen de la défense, pour stimuler activement la recherche et l’innovation. »

Si on ne peut que souscrire à ces objectifs, le budget pour 2017 ne reflète pas toujours les priorités précédemment évoquées :

– le plan en faveur de l’investissement en Europe, est encore insuffisant au regard des besoins en investissement au sein de l’Union. Et l’effort à consentir ne doit pas être financé par redéploiement à partir de programmes déjà validés, comme Horizon 2020 ou le Mécanisme pour l’interconnexion en Europe.

– il est tout à fait regrettable que l’Initiative pour l’emploi des jeunes ne voit pas ses crédits augmenter en 2017, alors qu’il s’agit d’un dispositif essentiel pour lutter contre le chômage des jeunes. 

– on peut s’inquiéter de la soutenabilité de la rubrique « Citoyenneté et sécurité » qui, regroupant à la fois les moyens de la politique migratoire et de sécurité et le soutien aux secteurs culturel et audiovisuel ou encore le programme « l’Europe pour les citoyens », requiert le recours à l’instrument de flexibilité. 

Le budget pour cette rubrique dépassait déjà largement la programmation financière en 2016. Il ne subsiste aucune marge au sein de cette rubrique et il sera nécessaire de mobiliser en 2017 à la fois l’instrument de flexibilité, à son maximum disponible, et la marge pour imprévus. Il faudra réviser à la hausse les crédits de cette rubrique dans le cadre du réexamen du CFP prévu cette année;

– il faut s’interroger sur le manque de crédits qui viennent financer la politique étrangère et de défense de l’Union européenne. 

Les crédits de la rubrique 4 « Europe dans le monde », avec 9,4 milliards d’euros en engagements, augmentent de seulement + 2,9 %. Or cette faible hausse doit permettre d’honorer les engagements pris à l’égard des pays voisins tels que la Turquie, la Jordanie et le Liban dans le cadre de la gestion de la crise migratoire. Elle doit financer toute notre politique de voisinage et de préadhésion. Elle doit aussi permettre la poursuite des opérations en cours, au Sahel, dans la corne de l’Afrique, en Libye, en République démocratique du Congo et en Ukraine. Seuls 250 millions viendront financer la PESC. Et seuls 25 millions viendront financer l’action préparatoire pour la recherche en matière de défense. Les crédits sont certes en hausse mais limités en valeur absolue, ce qui veut dire en d’autres termes que l’Europe ne se donne pas les moyens de garantir sa propre sécurité, et que celle-ci repose sur une poignée d’Etats.

En réalité, tant que le mode de financement de l’Union européenne restera inchangé, il sera difficile de financer les priorités politiques et de faire face aux dépenses imprévues, tout en poursuivant les programmes existants, qui forment le cœur de la politique communautaire (fonds structurels ou encore politique agricole commune) et que votre rapporteur juge tout aussi essentiels. 

Le système actuel de financement de l’Union européenne repose sur quatre types de ressources :

– les ressources propres traditionnelles (RPT), droits de douane et cotisations sucre, pour lesquelles les administrations nationales agissent en simples intermédiaires pour la perception des ressources dues à l’Union ;

– la ressource dite TVA, calculée par l’application d’un taux d’appel uniforme (0,3 %) à une assiette harmonisée pour l’ensemble des États membres ;

– la ressource RNB, versée par les États membres, au prorata de leur RNB dans le RNB total de l’Union, pour équilibrer le montant global des dépenses inscrites au budget. Il s’agit de la principale composante de la contribution française ;

– les recettes diverses.

Les trois premiers types de ressources constituent les ressources propres et représentent 99 % du budget. En vertu de la décision relative au système des ressources propres (DRP) pour 2007-2013, elles ne peuvent excéder 1,24 % du revenu national brut (RNB) total de l’UE. Pour la période 2014-2020, elles sont limitées à 1,23 % du RNB européen. Les ressources diverses s’élèvent à environ 1 % du budget.

Au fil du temps, la répartition entre les quatre ressources propres s’est trouvée profondément modifiée, avec une prépondérance pour la ressource RNB. En effet, en 1988, date d’entrée en vigueur du premier cadre financier pluriannuel, la ressource RNB représentait moins de 11 % du financement communautaire, à comparer aux 28 % provenant des droits de douane et des prélèvements agricoles et aux 57 % provenant de la ressource TVA. Or au terme du cadre budgétaire pluriannuel 2007-2013, la ressource RNB représentait près de 74 % du financement communautaire, à comparer aux 13 % provenant des droits de douane et des prélèvements agricoles et aux 12 % de la ressource TVA.  

Parallèlement, des mécanismes de compensation ont été accordés, par dérogation au régime de droit commun des ressources propres, à certains États membres dont la contribution a été considérée comme excessive au regard de leur prospérité relative. C’est le cas du Royaume-Uni, des Pays-Bas, de la Suède, de l’Allemagne, de l’Autriche et, bientôt, du Danemark. 

La plupart des analystes s’entendent sur le diagnostic. En revanche, aucun consensus sur les réformes à adopter pour améliorer le financement des politiques communautaires. 

Le système actuel est non transparent, injuste, hors contrôle parlementaire, très complexe et totalement incompréhensible pour les citoyens européens, qui, au final, en supportent les conséquences. Dans la mesure où le prélèvement sur recette au titre de la participation au budget de l’Union est inclus dans la norme de dépense nationale, toute hausse de son montant diminue d’autant les crédits consacrés à d’autres politiques. Il en résulte une position, par construction schizophrénique, de la France qui, d’un côté, défend une politique ambitieuse au plan européen, et, de l’autre, s’inscrit aux côtés des autres pays contributeurs nets pour limiter les dépenses du budget européen. Un financement basé sur des contributions nationales exacerbe les discussions sur les contributions nettes. Il mène à des politiques sous-tendues par la logique de « retour national » davantage que celle de valeur ajoutée européenne.

Cependant, si un consensus s’est dégagé pour critiquer le système actuel, aucun accord ne se dessine, à ce stade, sur un modèle alternatif. La  réforme fait l’objet de discordes récurrentes entre le Parlement européen et le Conseil sans que des perspectives concrètes ne se dégagent véritablement. 

La Commission, en 2011, proposait de supprimer la ressource propre actuelle fondée sur la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et d’instaurer deux ressources propres véritables, l’une fondée sur la TVA et l’autre sur la taxe sur les transactions financières (TTF), ce qui permettrait de limiter à 40 % au maximum la part des ressources propres de l’Union financée par les contributions RNB des États membres. La Commission proposait en outre de remplacer tous les rabais et les mécanismes de correction par un système de montants forfaitaires appliqué lors de la période 2014-2020. Enfin, la Commission préconisait de réduire les frais de perception à 10 %, taux plus réaliste que les 25 % retenus lors de la période couverte par le CFP 2007-2013.

Toutefois, le Conseil n’a pas accordé à ces propositions l’attention qu’elles méritaient. Aucune avancée n’a été réalisée en ce qui concerne les deux nouvelles ressources propres proposées: la proposition de réforme de la TVA a été rejetée au motif que les travaux devaient se poursuivre; l’introduction de la TTF au titre d’une coopération renforcée n’a pas encore été adoptée et aucun engagement n’a été pris pour que cette taxe puisse servir de base à une nouvelle ressource propre du budget de l’Union. 

Lors de sa réunion des 7 et 8 février 2013, le Conseil européen est convenu que les arrangements relatifs aux ressources propres devraient être guidés par l’objectif général de simplicité, de transparence et d’équité. Par ailleurs, le Conseil européen a demandé au Conseil de poursuivre les travaux sur la proposition de la Commission en vue d’une nouvelle ressource propre fondée sur la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Il a en outre invité les États membres participant à la coopération renforcée dans le domaine de la taxe sur les transactions financières (TTF) à examiner si celle-ci pourrait servir de base à une nouvelle ressource propre pour le budget de l’UE.

La décision du Conseil du 12 février 2014 visait à mettre en œuvre les conclusions du Conseil européen des 7 et 8 février 2013 et a modifié comme suit la décision en vigueur relative aux ressources propres – étant précisé qu’il s’agit d’une réforme à la marge :

– le plafond des ressources propres passe à 1,23 % du RNB de l’Union pour les crédits de paiement (contre 1,24 % actuellement) et à 1,29 % du RNB de l’Union pour les crédits d’engagement (contre 1,31 % actuellement) ;

– le pourcentage des ressources propres traditionnelles retenu par les États membres pour couvrir les frais de perception passe à 20 % (contre 25 % actuellement) ;

– la proposition de réforme de la TVA n’ayant pas été soutenue au sein du Conseil, les dispositions de la décision en vigueur relative aux ressources propres restent en l’état ;

– le rabais britannique est maintenu, tout comme les rabais dont bénéficient l’Autriche, l’Allemagne, les Pays-Bas et la Suède et la réduction du taux d’appel pour la ressource propre fondée sur la TVA appliquée à l’Allemagne, aux Pays-Bas et à la Suède; en outre, les Pays-Bas, la Suède et le Danemark bénéficieront de rabais sur les sommes forfaitaires dans le cadre du prochain CFP, tandis qu’un rabais sera accordé à l’Autriche uniquement au cours des trois premières années (jusqu’en 2016) ;

– une disposition permettant de fixer les mesures d’exécution est introduite.

En réalité cette réforme n’a pas résolu le fond du problème. 

Comment évaluer au mieux les besoins financiers de l’Union et les domaines où son intervention est souhaitable et/ou requise, à l’heure où la situation économique appelle des réformes structurelles mais où les dépenses nationales n’ont jamais été aussi contraintes ? Comment mieux piloter les crédits dont l’exécution particulièrement heurtée peut être préjudiciable aux États et nuit à la lisibilité de l’action européenne ? Comment, dès lors que les États se seront entendus sur le rôle qu’ils veulent assigner dans l’avenir aux dépenses européennes, doter l’Europe de ressources qui lui permettent d’assumer ses missions sans subir le chantage de certains pays membres ? 

Enfin, et surtout, la perspective du Brexit doit-elle amener l’Union européenne à remettre à plat son financement ?

Sur ce point, d’après les informations qui figurent dans l’annexe « jaune » au projet de loi de finances pour 2017 sur les relations financières avec l’Union européenne, les conséquences financières du Brexit sont difficiles à évaluer, dans la mesure où elles sont soumises à un faisceau de facteurs, notamment :

– le maintien d’une contribution au budget de l’Union de la part du Royaume-Uni pour financer certains programmes ;

– la diminution ou le maintien des plafonds de dépenses du CFP actuel de l’Union ;

– la date effective du Brexit et, partant, de la cessation de sa contribution au budget ;

– le montant de la participation du Royaume-Uni au paiement du reste à liquider et divers autres engagements (versement des pensions des fonctionnaires européens de nationalité britannique par exemple) ;

– le paiement ou non du chèque britannique l’année suivant la sortie.

Il serait bon que la représentation nationale soit informée des conséquences potentielles du Brexit pour le budget européen.

Votre rapporteur estime que ces réflexions doivent être portées au plus haut niveau en amont de la révision du cadre financier pluriannuel. Car derrière l’aridité des chiffres se jouent la crédibilité de l’Union européenne comme partenaire, mais aussi l’utilité et la légitimité de l’Europe aux yeux de ses citoyens. 

Comme l’expose le jaune budgétaire annexé au projet de loi de finances pour 2017, dans le cadre des travaux sur le cadre financier pluriannuel 2014-2020 un groupe à haut niveau (GHN) a été constitué, le 25 février 2014, sous la présidence de Mario Monti, ancien Commissaire européen et président du Conseil italien. Le groupe a mandat pour procéder à un réexamen général du système des ressources propres sur le fondement des principes de simplicité, de transparence, d’équité et de contrôle démocratique. Ce groupe est composé de trois représentants de chaque institution européenne. Sa mise en place était une des conditions posées par le Parlement européen pour recueillir son approbation sur le CFP 2014-2020.

Le premier rapport d’évaluation du groupe à haut niveau, paru en décembre 2014 (voir encadré ci-dessous), visait à dresser un constat partagé sur les lacunes du système actuel. Le GHN a établi une liste de critères auxquels devra répondre chacune des nouvelles ressources propres potentielles du budget de l’UE : équité, efficacité, transparence et simplicité, rendement et stabilité, contrôle démocratique et discipline budgétaire, valeur ajoutée, respect des principes de subsidiarité et de souveraineté fiscale, neutralité fiscale et maintien de la taille du budget européen.

Rapport du groupe à haut niveau sur les ressources propres de l’Union européenne présidé par Mario Monti

Le rapport commence par identifier les faiblesses du système actuel de ressources propres et conclue que :

– il est trop complexe et insuffisamment transparent (cf. ressource TVA, trop complexe à calculer et sans lien direct avec l’assiette fiscale et système des rabais nationaux) ;

– le qualificatif « propre » de ces ressources est contestable car la majeure partie de ces ressources provient des contributions nationales ;

– le débat entre les paiements différés, justifiés par les difficultés financières de certains États membres, et le respect des exigences du pacte de stabilité et de croissance, est exacerbé ;

– la complexité du processus décisionnel, qui repose sur la règle de l’unanimité, freine toute tentative d’amélioration du système.

Le rapport liste ensuite les principes qui doivent guider les travaux du groupe : les principes de simplicité, de transparence, d’équité et justice, d’efficacité et de contrôle démocratique doivent permettent d’évaluer le système des ressources propres et dégager les lacunes justifiant une éventuelle réforme. Les difficultés à appréhender ces principes expliquent les échecs des propositions de réformes, et les attentes différentes des États quant à ces dernières.

À côté de ces principes généraux, le budget de l’Union doit aussi prendre en compte les considérations plus spécifiques que sont la subsidiarité et la souveraineté fiscale des États membres, et la volonté de limiter les confrontations politiques entre les États membres lors des négociations budgétaires.

Les questions à approfondir portent sur le contexte économique et politique des récentes négociations : qui est pour ou contre les réformes ? Y-a-t-il une alternative crédible et durable pour réformer les ressources propres ? Dans quelle mesure le contexte politique et l’euroscepticisme jouent-ils un rôle dans les négociations ? Merci de problématiser ce paragraphe.

Selon le rapport, les questions à creuser concernent également les aspects légaux, institutionnels et procéduraux : des réformes sont-elles envisageables dans le cadre actuel des Traités ? Le processus de décision doit-il être modifié afin de parvenir à un accord ? Quelles sont les possibilités de coopération offertes par les Traités ? Existe-t-il une vision commune sur ce que devraient être les critères essentiels sur lesquels fonder la réforme ? Idem. Je n’aime pas les formulations sous forme de questions. Merci !

Le groupe conclut son rapport en mettant l’accent sur la difficulté à réformer l’actuel système de ressources propres, en insistant sur la nécessité du maintien de la discipline budgétaire et du contrôle de l’Union européenne Le nouveau système de ressources propres devra prévoir et compenser une réduction des contributions des États membres.

L’exigence d’un système de financement plus simple, transparent et efficace et qui assure une équité parmi les États membres nécessite la définition d’une série de critères. Une question demeure : des améliorations du système actuel peuvent-elles être trouvées seulement par la réforme des méthodes de financement des politiques européennes ou bien en réformant les politiques européennes elles-mêmes ?

M. Mario Monti a lui-même déclaré que les positions au sein du groupe à haut niveau n’étaient pas homogènes et qu’il serait difficile d’éluder ces intérêts divergents. L’ancien Président du Conseil a indiqué que des aménagements, plutôt qu’une réforme en profondeur du système, paraissaient plus probables.

La règle de l’unanimité qui s’applique aux décisions ressources propres du Conseil, et suppose donc de trouver un accord à 28, rend peu probable l’éventualité d’une réforme ambitieuse. Le problème n’est pas nouveau, il explique d’ailleurs l’échec des tentatives de réformes antérieures.

À la suite de ce premier rapport, le GHN se consacre désormais à l’examen de chaque catégorie de nouvelles ressources propres potentielles. Dix ressources sont ainsi suggérées, reposant sur une harmonisation fiscale et un transfert de ressources ou encore sur la création de nouvelles taxes. Ces ressources pourraient reposer sur une taxation de la consommation d’énergie, du carburant, des transactions financières ou encore du transport. Le mandat du GHN a également été élargi aux questions relatives aux dépenses lors du Conseil ECOFIN du 12 février 2016. 

En septembre 2016, une conférence interinstitutionnelle sur le financement futur de l’Union a été organisée afin de faire un point d’étape, sans dévoiler toutefois les futures conclusions des travaux du groupe. Mario Monti a mis en avant la nécessité d’asseoir davantage le budget européen sur la notion de biens publics européens et d’adopter une approche globale en recettes et en dépenses.

Le GHN doit rendre son rapport final en décembre 2016. Après une évaluation des recommandations, la Commission formulera ensuite des propositions sur la base de ce rapport et la France sera amenée à se prononcer.

Jusqu’à présent, la contribution de la France au GHN vise à clarifier les enjeux de la réforme, ainsi que les critères qui doivent sous-tendre la création d’une nouvelle ressource : rendement, stabilité, commodité technique, existence d’une assiette fiscale harmonisée d’ici 2020, effets sur le comportement des agents et sur les secteurs. 

Votre rapporteur suit avec la plus grande attention les travaux du groupe à haut niveau et souhaite que les parlements nationaux puissent être à nouveau consultés lorsqu’il aura publié ses conclusions. 

Il estime que le développement d’une source alternative de financement liée à des politiques-clés de l’Union européenne, dans le cadre d’une réforme plus large, pourrait atténuer la problématique des contributions nettes. Une telle évolution forcerait les États membres à davantage s’intéresser à l’impact de cette ressource sur les objectifs politiques de l’Union et à son incidence économique. Elle pourrait en outre accroître l’intérêt des citoyens européens pour le budget européen. Enfin, le développement de nouvelles ressources pourrait faciliter l’élimination des mécanismes de correction existants basés sur les contributions nettes. 

CONCLUSION

La France assume sa part de l’effort européen en contribuant cette année encore à hauteur de plus 19 milliards d’euros au budget de l’Union européenne. 

Ce montant appelle trois remarques : 

– la participation française au budget européen est un des postes de dépense les plus dynamiques au sein du budget national. La progression de la contribution française est régulière depuis plus d’une décennie (+ 75% entre 2000 et 2013). Par ailleurs, son poids dans la norme de dépense a singulièrement augmenté : alors que les dépenses totales de l’État ont diminué de – 2,7 milliards d’euros en valeur depuis 2012, le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne a augmenté de + 2,2 milliards d’euros. Le prélèvement étant inscrit dans la norme de dépense, son augmentation réduit d’autant les crédits consacrés à d’autres politiques. Il en résulte chaque année une position paradoxale pour notre pays mêlée d’ambition pour l’Europe au plan politique et d’extrême prudence au plan financier, en raison du dynamisme de notre contribution budgétaire. 

– ce montant prévisionnel– comme chaque année – est grevé par un grand nombre d’incertitudes : il relève d’une estimation fondée sur différentes variables encore non stabilisées, il peut être modifié par des budgets européens rectificatifs, a fortiori si les crédits inscrits en début d’année ne couvrent pas les besoins. Il dépendra aussi de l’aboutissement de la négociation budgétaire en cours. Il est peu satisfaisant, et au demeurant bien peu démocratique, que les parlementaires doivent se prononcer sur un montant amené à être modifié plus qu’à la marge en cours d’année. Aucune information ultérieure des parlementaires. Déficit démocratique patent de la procédure. 

– le dynamisme du prélèvement sur recettes ainsi que la détérioration du solde net de la France appellent à une remise à plat du système des ressources propres incluant des financements innovants (taxe sur les transactions financières, project bonds etc.), mais aussi des corrections. Ainsi, votre rapporteur fait le vœu que l’an prochain, son rapport puisse faire état d’une réflexion plus poussée au niveau européen, réflexion que la France est capable de porter, sur les moyens de financer une véritable politique économique de soutien à la croissance dans la zone euro, une politique étrangère et de défense ambitieuse, et des investissements pour l’avenir. 

Sous réserve de ces remarques, votre rapporteur se prononce en faveur de l’adoption de l’article 27 du projet de loi de finances pour 2016.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission examine le présent avis au cours de sa séance du mercredi 19 octobre 2016 à 9h45.

Après l’exposé du rapporteur, il n’y a pas eu de débat.

Mme Chantal Guittet, présidente. Merci pour ces nombreuses pistes de réflexion que nous aurons à examiner dans un avenir proche.

*

Suivant les conclusions du rapporteur pour avis, la commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 27 du projet de loi de finances pour 2017.

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