N° 4131 tome VIII - Avis de M. Stéphane Demilly sur le projet de loi de finances pour 2017 (n°4061).



N
° 4131

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 octobre 2016.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2017 (n° 4061)

TOME VIII

ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT ET MOBILITÉ DURABLES

AFFAIRES MARITIMES

PAR M. Stéphane DEMILLY

Député

——

Voir les numéros : 4061, 4125. (Tome III, annexes 15 et 18).

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

PREMIÈRE PARTIE : UNE AUGMENTATION EN TROMPE L’ŒIL DU BUDGET « AFFAIRES MARITIMES » 7

I. LE BUDGET « SÉCURITÉ ET AFFAIRES MARITIMES » (ACTIONS 1 À 5 DU PROGRAMME 205) 7

A. LES CRÉDITS FINANÇANT LES ACTIONS EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ MARITIME BUDGÉTÉS AU PLUS JUSTE 9

1. L’action 1 « Sécurité et sûreté maritimes » 9

2. L’action 4 « Action interministérielle de la mer » 12

B. LA STABILITÉ DES CRÉDITS DE L’ENSEIGNEMENT MARITIME 13

C. UNE AUGMENTATION IMPORTANTE DES CRÉDITS FINANÇANT LES AIDES À LA FLOTTE DE COMMERCE 15

D. DES CRÉDITS DE FONCTIONS SUPPORT STABLES 20

II. LES CRÉDITS DU PROGRAMME 203 AFFECTÉS AUX INFRASTRUCTURES PORTUAIRES 20

DEUXIÈME PARTIE : LE CANAL SEINE-NORD, QUEL IMPACT SUR LES GRANDS PORTS MARITIMES DU NORD DE LA FRANCE ? 23

I. UN PROJET AMBITIEUX QUI DEVRAIT PERMETTRE DE REVITALISER L’HINTERLAND DES PORTS DU NORD DE LA FRANCE EN S’INSCRIVANT DANS UNE DÉMARCHE DE DÉVELOPPEMENT DURABLE 23

A. LA RÉDUCTION DES ÉMISSIONS DE CO2 LIÉES AU TRANSPORT DE MARCHANDISES ET LE DÉVELOPPEMENT DU REPORT MODAL 24

1. Le fluvial, un mode de transport économe en énergie… 24

2. …dont le développement est entravé par l’obsolescence du réseau 28

B. LA REDYNAMISATION DES RÉGIONS EN DIFFICULTÉ ÉCONOMIQUE CONSTITUANT L’HINTERLAND DU PORT DE DUNKERQUE 29

1. Un atout pour le port de Dunkerque 30

a. Un port à dominante industrielle, qui cherche aujourd’hui à diversifier ses activités et est soumis à une forte concurrence 30

b. La prédominance du rail dans la desserte de Dunkerque et la nécessité de renforcer la desserte fluviale 31

2. …et pour son hinterland 32

II. UN CALENDRIER ET UN FINANCEMENT À SÉCURISER 34

A. UN PROJET QUI A DÛ ÊTRE RECONFIGURÉ EN 2013 34

B. LA MISE EN PLACE DE LA SOCIÉTÉ DE PROJET EN BONNE VOIE 36

1. Les missions de la société de projet 37

2. La gouvernance de la société de projet 38

C. UN DÉBUT DES TRAVAUX ANNONCÉ POUR 2017, QUI SE LIMITERA À DES OPÉRATIONS MODESTES 39

D. UN FINANCEMENT À SÉCURISER 40

1. L’obtention d’un financement européen en 2015, une étape importante 40

2. Les difficultés à achever la définition des moyens de financement au niveau national, une source d’inquiétude 43

III. DES CONDITIONS PERMETTANT AUX PORTS NORMANDS DE BÉNÉFICIER DE L’EFFET POSITIF DU CANAL SEINE-NORD À AMÉLIORER 46

A. L’AMÉLIORATION DU RACCORDEMENT DU PORT DU HAVRE AU RÉSEAU FLUVIAL EST URGENTE 47

1. Un port dont une part importante de l’activité est liée au trafic de conteneurs transportés par la route vers l’Ile-de-France 47

2. Une amélioration du raccordement du Havre au réseau fluvial qui passe par deux types d’opérations 48

a. La création urgente de la « chatière » du port du Havre 48

b. L’indispensable remise à niveau des infrastructures fluviales de l’Axe Seine 49

B. LA NÉCESSITÉ DE TRAITER LA CONGESTION DES AXES DESSERVANT ROUEN 51

1. Un port céréalier de premier plan, pour la desserte duquel la route et le fluvial jouent un rôle important tandis que le rôle du ferroviaire régresse 51

2. Une amélioration nécessaire des accès au port de Rouen 52

C. LE RENFORCEMENT DE LA DESSERTE FERROVIAIRE DES PORTS DU HAVRE ET DE ROUEN EST INDISPENSABLE 53

EXAMEN EN COMMISSION 55

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 59

INTRODUCTION

Le budget des affaires maritimes, qui était à l’étiage depuis de nombreuses années a connu une augmentation de plus de 12 % en 2016. Cette augmentation est liée à la mise en œuvre de la réforme prévue par l’article 43 de la loi du 20 juin 2016 pour l'économie bleue qui a complété le dispositif existant d’exonérations de cotisations sociales patronales et a permis l’instauration du « netwage », mesure très attendue par les professionnels du secteur, qui doit leur permettre de mieux résister à la concurrence internationale, particulièrement violente dans le secteur maritime.

La France est l’héritière d’un long passé maritime, la qualité de la formation de ses marins est reconnue dans le monde entier et les savoir-faire développés par les entreprises d’armement maritime permettent à certains groupes d’être des leaders mondiaux. Votre rapporteur se réjouit donc que l’instauration du « netwage » permette à la marine de commerce française de renforcer sa compétitivité et à la France de conserver sa place sur la scène maritime mondiale.

Cependant, si la France bénéficie d’atouts indéniables, elle a également de grandes responsabilités. Possédant le deuxième domaine maritime mondial, elle doit assumer d’importantes missions régaliennes dans le domaine de la sécurité et de la sûreté maritimes.

Une partie des actions relatives à la sécurité et sûreté maritimes civiles est financée par les crédits du programme 205 de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », qui fait l’objet du présent avis budgétaire. Or votre rapporteur constate que les crédits consacrés à ces actions sont budgétés au plus juste pour certaines et diminuent pour d’autres.

Cette tendance à la contraction maximale des budgets consacrés à la sécurité maritime n’est pas nouvelle mais elle prend cette année une ampleur nouvelle et votre rapporteur conçoit de vives inquiétudes à ce sujet.

Enfin, on ne peut prétendre traiter du budget des affaires maritimes sans se préoccuper des ports, qui constituent l’interface entre le tissu économique national et les voies d’échanges internationales. Or un grand port maritime n’est rien s’il n’est pas efficacement relié à un hinterland. C’est pourquoi votre rapporteur a choisi cette année de consacrer la seconde partie de son avis budgétaire au canal Seine-Nord-Europe dont le président de la République a récemment annoncé que le chantier allait démarrer en 2017.

PREMIÈRE PARTIE : UNE AUGMENTATION EN TROMPE L’ŒIL DU BUDGET « AFFAIRES MARITIMES »

Depuis la loi de finances initiale pour 2013, la maquette du programme 205 « Sécurité et affaires maritimes » a été modifiée pour refléter l’intégration de la direction des pêches maritimes et de l’aquaculture au sein du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie (MEDDE). Cette évolution a donné lieu à la disparition de l’ancienne action 16 « Gestion durable des pêches et de l’aquaculture » du programme 154 « Économie et développement durable de l’agriculture, de la pêche et des territoires », qui est désormais intégrée dans la nomenclature du programme 205 « Sécurité et affaires maritimes, pêches et aquaculture ».

Le présent I ne portera que sur les actions 1 à 5, c’est-à-dire le volet « affaires maritimes » du programme 205. À ce sujet, votre rapporteur se félicite de la stabilité du périmètre budgétaire qui permet d’apprécier, d’année en année, la réalité des choix financiers effectués.

Les politiques financées par les actions 1 à 5 visent à rendre plus cohérente l’action régulatrice de l’État en ce qui concerne le navire, le marin et la mer par :

– une politique de sécurité et de sûreté maritimes civiles (actions 1 et 4) ;

– la régulation sociale de l’emploi maritime (formation, hygiène, santé, conditions de travail), qui est au cœur de l’action préventive en matière de sécurité maritime (action 2) ;

– le soutien à la qualité et au développement du pavillon français (action 3) ;

– la participation à la protection de l’environnement marin et littoral (via notamment le plan POLMAR) et la recherche d’un meilleur équilibre entre les différents usagers de la mer (marine de commerce, pêche, conchyliculture, nautisme,...) par une réglementation et une organisation adaptées, ainsi qu’une participation forte à l’action de l’État en mer (action 4).

L’examen du projet de loi de finances pour 2017 montre que les crédits de paiement dont l’ouverture est demandée pour les actions 1 à 5 sont en augmentation de 12,6 % (17,3 millions d’euros) par rapport à la loi de finances initiale pour 2016.

ÉVOLUTION DEPUIS 2012 DES CRÉDITS DE PAIEMENT AFFECTÉS
AUX ACTIONS 1 À 5 DU PROGRAMME 205

Crédits de paiement

(en euros)

LFI 2012

LR 2012

LFI 2013

LR 2013

LFI 2014

LR 2014

LFI 2015

LR 2015

LFI 2016

PLF 2017

Action 1 :

Sécurité et sûreté maritimes

26 545 773

24 025 262

25 360 308

24 664 815

26 607 347

23 898 167

26 072 222

22 748 819

26 730 415

26 720 000

Action 2 : Gens de mer et enseignement maritime

27 149 991

27 050 548

26 698 021

24 737 659

30 201 719

28 420 103

30 123 656

28 663 219

27 751 755

27 660 000

Action 3 : Flotte de commerce

75 202 349

72 498 157

72 150 733

67 983 190

71 065 000

72 395 218

68 811 358

65 743 045

64 451 600

83 500 000

Action 4 : Action interministérielle de la mer

9 792 000

8 325 120

10 847 323

7 931 104

10 235 304

8 026 809

10 095 472

8 344 836

11 426 914

9 630 000

Action 5 : Soutien au programme

6 810 064

7 629 500

6 739 254

10 339 850

6 454 729

9 491 915

6 430 441

8 864 993

6 721 480

6 890 000

Total actions 1 à 5

145 500 177

139 528 587

141 795 639

135 656 618

144 564 099

142 232 212

141 533 149

134 364 912

137 082 164

154 400 000

() (LFI = loi de finances initiale, LR = loi de règlement).

Source : rapports annuels de performances de la mission Écologie, développement et aménagement durables pour les années 2012, 2013, 2014 et 2015, projet annuel de performances de la mission Écologie, développement et aménagement durables pour l’année 2017.

Toutefois, cette évolution s’explique uniquement par l’augmentation de près de 30 % des crédits de l’action 3 (ce qui représente 19 millions d’euros) qui concerne les aides à la flotte de commerce et est due à la mise en œuvre du « netwage » prévue la loi sur l’économie bleue (cf. C).

Il s’agit de dépenses « contraintes » qui sont financées, d’une part, par l’augmentation de 17,3 millions d’euros des crédits consacrés aux affaires maritimes et, d’autre part, par la diminution des crédits de l’action 4 qui perd près de 1,8 million d’euros (soit environ 16 % des crédits) par rapport à 2016.

Les actions 1 et 4 contribuent au financement de l’action de l’État en matière de sécurité (1) et sûreté (2) maritimes.Pour permettre au budget des affaires maritimes d’absorber le choc causé par la mise en place du « netwage », il a été nécessaire de réaliser un arbitrage entre soutien économique à la flotte de commerce et poursuite des dépenses liées aux missions régaliennes de sécurité maritime.

Certaines priorités relatives aux missions de sécurité maritime ont été maintenues, notamment celles financées dans le cadre de l’action 1 « Sécurité et sûreté maritimes », dont les crédits n’accusent qu’une faible baisse par rapport à 2016. Il s’agit essentiellement de la poursuite de la modernisation des équipements techniques des CROSS et du renouvellement de la flotte de l’armement des phares et balises.

Par contre, selon les informations communiquées à votre rapporteur, « le rythme de renouvellement des moyens nautiques pour la police des pêches et de l’environnement sera réduit au strict minimum en 2017 » (3), ce qui conduit à la forte baisse des crédits de l’action 4 « Action interministérielle de la mer », dont une grande partie des crédits sert à financer le DCS (dispositif de contrôle et de surveillance), qui participe à l’exercice des missions de police en mer.

En matière de sécurité et sûreté maritimes, la France exerce son autorité selon une triple approche :

– en tant qu’État du pavillon, elle doit garantir le respect des normes internationales requises à bord des navires battant pavillon français ;

– en tant qu’État du port, elle doit contrôler les navires de commerce étrangers faisant escale dans ses ports ;

– en tant qu’État côtier, elle doit assurer deux types de missions :

● l’organisation et la coordination de la recherche et du sauvetage maritime le long des côtes françaises ;

● la sécurisation des routes et des accès portuaires par le balisage maritime, la surveillance de la circulation du trafic maritime dans les zones de séparation de trafic, l’information des capitaines, patrons et skippers sur l’environnement et la situation nautique (y compris météorologique).

Pour ce faire, elle peut s’appuyer sur des services spécialisés. L’action 1 rassemble les crédits d’investissement et de fonctionnement d’une partie de ces services :

– l’APB (armement des phares et balises) : ce service à compétence nationale dépendant de la direction des affaires maritimes est chargé de la mise en œuvre (4) et de la mise à disposition de moyens nautiques adaptés aux besoins des DIRM (directions interrégionales de la mer) en métropole et des DM (directions de la mer) en outre-mer pour l’exercice de leurs attributions relatives à la signalisation maritime et à la diffusion de l’information nautique afférente. Les crédits de paiement alloués à l’APB représentent près de 50 % des crédits de l’action 1.

– les CROSS (centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage) et les MRCC (Maritime Rescue Coordination Center) : ces services spécialisés sont chargés de la coordination de la recherche et du sauvetage des personnes en détresse en mer, de la surveillance de la navigation maritime, de la diffusion des renseignements de sécurité maritime, de la surveillance des pollutions marines, de la veille des alertes de sûreté des navires et de la surveillance des pêches maritimes (missions spécifiques au CROSS Etel) (5). Les crédits de paiement alloués aux CROSS représentent un peu plus de 30 % des crédits de l’action 1.

– les CSN (centres de sécurité des navires) (6) : ces services sont chargés d’inspecter les navires de commerce, les navires de pêche et les navires de plaisance à utilisation commerciale et de contrôler leur conformité à la réglementation en vigueur (il s’agit essentiellement d’un contrôle technique). Les crédits de paiement alloués aux CSN représentent près de 6 % des crédits de l’action 1.

–  le BEAmer (bureau d’enquêtes sur les événements de mer) : ce service à compétence nationale placé auprès de l’Inspecteur général des Affaires maritimes a pour principale mission de rechercher et de déterminer les causes techniques des accidents, afin d’en tirer les enseignements qu’ils comportent pour l’amélioration de la sécurité maritime (toutefois, le BEAmer ne cherche pas à établir les responsabilités civiles ou pénales). Les crédits de paiement alloués au BEAmer représentent moins de 1 % des crédits de l’action 1.

CRÉDITS DE PAIEMENT AFFECTÉS AUX CROSS, AU CSN, À L’APB ET
AU BEAMER POUR 2017

Programme 205 - Action 1 - Crédits de paiement - PLF 2017

CROSS

et MRCC

CSN

Service des phares et balises

BEA mer

Titre 3 : dépenses de fonctionnement

6 809 000

1 550 000

11 050 000

100 000

Titre 5 : dépenses d’investissement

1 401 000

 

1 810 000

 

Titre 6 : dépenses d’intervention

50 000

 

250 000

 

Total tous types de dépenses

8 260 000

1 550 000

13 110 000

100 000

% CP de l'action 1

30,9 %

5,8 %

49 %

0,4 %

Source : réponse à la question budgétaire n° 5.

En 2017, les crédits de paiement de l’action 1 – qui représentent 17 % des crédits alloués aux affaires maritimes – s’élèveront à 26,72 millions d’euros. Ils n’accusent donc qu’une très légère baisse par rapport à 2016 (26,73 millions d’euros).

Les budgets socles de fonctionnement des services opérationnels (CROSS, ateliers des phares et balises, CSN) sont stables en raison des déterminants fixes constituant les dépenses (carburant, loyers, fluides et énergies, biens d’équipements, indemnités, …).

La poursuite du renouvellement des matériels des CROSS se poursuit. À ce sujet, votre rapporteur se réjouit que la mise en place du système « SeaMis » qui vise à remplacer le système MARILYN (7) qui ne donnait pas satisfaction, soit prévue. De même, l’acquisition d’un nouveau baliseur pour l’APB est bienvenue, étant donné l’âge de la flotte des baliseurs.

Si 86 % des crédits de l’action 1 au financement des services de l’État, les 14 % restants (3,7 millions d’euros) sont consacrés à la SNSM (société nationale de sauvetage en mer). Cette association reconnue d’utilité publique contribue, sous l’autorité des CROSS et avec ses moyens nautiques à plus de la moitié des opérations de sauvetage en mer.

Cette subvention est aujourd’hui plus nécessaire que jamais car la SNSM doit faire face à d’importantes difficultés de financement, qui avaient déjà été soulignées l’an dernier par notre collègue Jean-Christophe Fromantin dans son rapport sur les crédits des affaires maritimes pour l’année 2016 (8).

L’an dernier, la situation de la SNSM appelant une réponse urgente, le Gouvernement a fait adopter un amendement au projet de loi de finances pour 2016 lors de l’examen de ce texte en première lecture à l’Assemblée nationale (9) qui traduisait l’engagement pris lors du comité interministériel du 22 octobre 2015 et accordait une subvention exceptionnelle supplémentaire de 1,4 million d’euros à la SNSM.

En 2017, le Gouvernement a fait le choix de maintenir cette mesure et la subvention à la SNSM se monte donc au total à 3,7 millions d’euros. Votre rapporteur se réjouit de cette décision mais s’inquiète de ne pas avoir vu reprises dans le projet de loi de finances pour 2017 les préconisations formulées par notre collègue Chantal Guittet dans le rapport qu’elle a remis au Premier ministre en juillet dernier (10) et qui fournissait de nombreuses pistes pertinentes pour garantir la pérennité d’une association essentielle au bon fonctionnement du système français de sauvetage en mer.

Les crédits de paiement de l’action 4 s’élèveront à 9,63 millions d’euros en 2017, soit une diminution près de 16 % (1,8 million d’euros) par rapport à 2016.

Cette évolution est d’autant plus inquiétante que l’exécution des crédits est régulièrement en retrait par rapport aux prévisions. Ainsi que l’avait déjà souligné notre collègue Jean-Christophe Fromantin dans son avis budgétaire consacré aux crédits des affaires maritimes pour 2016, en moyenne, on constate que, pour 10 millions de crédits de paiement ouverts en loi de finances initiale, seuls 8 millions sont consommés (ces écarts s’expliquent par le fait que les divers « gels » et « rabots » s’appliquent à l’action 4 alors qu’ils ne s’appliquent ni à l’action 2 – qui finance l’enseignement maritime – ni à l’action 3 – qui finance des exonérations de cotisations patronales) (11).

Ce sont les crédits affectés au DCS (dispositif de contrôle et de surveillance) des affaires maritimes qui seront le plus affectés par cette baisse.

En 2017, près de 75 % des crédits de paiement de l’action 4 (7,15 millions d’euros sur 9,63 millions d’euros) seront affectés au DCS. Le DCS participe à l’exercice des missions de police en mer, qui vont de la police de la navigation maritime à la police des pêches maritimes et les crédits qui lui sont alloués servent :

– à l’entretien et au renouvellement des moyens nautiques des services, au paiement des frais de carburant, …

– à l’acquisition des licences d’utilisation d’imagerie satellite pour la surveillance des pêches dans les zones des terres australes et antarctiques françaises par les satellites « RADARSAT » ;

– le fonctionnement de l’antenne située à Kerguelen.

18 %  des crédits de paiement de l’action 4 (1,73 million d’euros) contribuent au financement du dispositif POLMAR :

– exercices d’entraînement et stages de formation des personnels ;

– entretien et renouvellement des matériels (achat de barrages flottants anti-pollution, récupérateurs pour produits visqueux, …) ;

– construction et entretien des sites de stockage de ces matériels ;

– conduite d’études pour améliorer les techniques de lutte contre la pollution.

La plus grande partie de l’action 2 « Gens de mer et enseignement maritime » contribue au financement de l’enseignement maritime. Les crédits de paiement de cette action s’élèveront à 27,66 millions d’euros en 2017 et n’accuseront qu’une légère baisse par rapport à 2016 (où ils se montaient à 27,75 millions d’euros). Cette baisse n’est pas inquiétante car, du fait de la réforme de l’enseignement maritime, les crédits de paiement de l’action 2 avaient connu une augmentation de près de 160 % entre 2010 et 2015.

Plus de 85 % des crédits de paiement de l’action 2 (près de 24 millions d’euros) sont consacrés à la formation maritime initiale. Cette dernière est un des leviers importants de la politique publique maritime pour deux raisons : une meilleure formation garantit une meilleure sécurité maritime mais aussi une meilleure insertion dans l’emploi.

Le dispositif de formation repose sur un réseau de centres et d’établissements de formation secondaire et supérieure (assurant la formation initiale comme la formation continue), et notamment sur :

– 12 lycées professionnels maritimes qui dispensent une formation secondaire (CAP et baccalauréat professionnel en trois ans) et une formation supérieure (BTS) ;

– l’école nationale supérieure maritime (ENSM) qui offre quant à elle une formation supérieure qui prépare aux carrières d’officier de la marine marchande et permet la délivrance du titre d’ingénieur.

La plus grande partie de cette enveloppe de 24 millions d’euros est consacrée à l’ENSM qui bénéficie d’une subvention pour charges de service public de 18,5 millions d’euros. Cette subvention permet de financer à plus de 80 % la masse salariale de l’ENSM.

Les crédits de paiement qui ne sont pas consacrés à la formation représentent 3,66 millions d’euros et recouvrent une série de dépenses diverses telles que les subventions aux associations d’accueil des marins dans les ports, l’abondement du fonds de solidarité destiné aux marins abandonnés, le financement de la reproduction des titres de formation sécurisés des marins (qui doivent être revalidés tous les cinq ans) ou encore les dépenses de fonctionnement du service de santé des gens de mer et du centre de consultations médicales maritimes de Toulouse qui assure un service permanent et gratuit de consultations et d’assistance télé-médicales pour tout navire français en mer, partout dans le monde.

Par ailleurs, ces crédits permettront de financer des mesures de modernisation des systèmes d’information et notamment la mise en place du « portail du marin » qui permettra aux marins de consulter les informations relatives à leur carrière (lignes de service, aptitude médicale, brevets), d’être alertés sur les arrivées à échéance de ces titres et aptitudes et de saisir l’administration sans avoir besoin de se déplacer dans les services. Ces crédits contribueront également à la mise en place du « portail des armateurs » qui doit accompagner la réforme du rôle d’équipage prévue par la loi du 20 juin 2016 pour l'économie bleue (12).

88 % des crédits de l’action 3 « flotte de commerce » (73,33 millions d’euros) servent à financer les dispositifs d’allégement de charges sociales. Cette somme représente désormais 47 % des crédits consacrés aux affaires maritimes. Ils servent à financer la compensation à l’ENIM, à l’ACOSS et à Pôle-emploi d’exonération de charges sociales patronales et connaissent une importante augmentation.

12 % des crédits de paiement de l’action 3 (10,17 millions d’euros) servent à financer le remboursement par l’État à la Compagnie générale maritime et financière (CGMF) des charges spécifiques de retraite et d’accident du travail des personnels sédentaires de l’ancienne Compagnie générale maritime (CGM).

ÉVOLUTION DU BUDGET DE L’ACTION 3 DEPUIS 2010

Programme 205 - Action 3 - Crédits de paiement

LFI 2010

LR 2010

LFI 2011

LR 2011

LFI 2012

LR 2012

LFI 2013

LR 2013

LFI 2014

LR 2014

LFI 2015

LR 2015

LFI 2016

PLF 2017

Compensation à l’ENIM

45,05

44,93

45,16

42,55

45,88

45,48

44,19

41,23

44

44,45

43,92

41,29

41,18

40,9

Compensation à l’ACOSS

Exonérations de charges sociales « famille »

9

9,2

9,3

8,84

9,4

8,02

6,5

7,32

8,1

9,1

6,9

6,71

5,8

16,63

Compensation à Pôle emploi

Exonération de la contribution à l'allocation d'assurance contre le risque de privation d'emploi

7

8,9

7,3

6,67

7,01

5,6

8,6

6,57

6,2

6,66

6,6

6,39

6,6

15,8

Total compensations de charges sociales

64,76

64,68

62,76

58,77

62,29

56,67

59,29

55,12

58,3

60,22

57

54,39

53,58

73,33

% CP de l'action 3

82 %

82 %

82 %

81 %

83 %

78%

82%

81%

82%

83%

83%

83%

83%

88%

Subvention à la CGMF

13,82

14,07

13,43

13,62

12,91

13,38

13,1

12,87

12,77

12,18

11,49

11,35

10,87

10,17

% CP de l'action 3

18 %

18 %

18 %

19 %

17 %

18%

18%

19%

18%

17%

17%

17%

17%

12%

Total général

78,58

78,75

76,2

72,39

75,2

72,48

72,39

67,99

71,07

72,4

68,81

65,74

64,45

83,5

Source : réponse au questionnaire budgétaire n° 25.

La dotation de la CGMF continue à diminuer car ce dispositif est en voie d’extinction (elle passe de 10,87 millions d’euros en 2016 à 10,17 millions d’euros pour 2017).

La dotation à l’ENIM a été évaluée au plus juste de la réalité des dépenses et elle diminue légèrement par rapport à 2016 (elle passe de 41,18 à 40,9 millions d’euros).

La compensation à l’ACOSS avait fortement baissé au cours des années précédentes du fait de l’application du pacte de compétitivité pour atteindre un plancher de 5,8 millions d’euros en 2016. Ce montant augmente en 2017 de 187 % et atteint 16,63 millions d’euros, pour prendre en compte l’extension des exonérations de cotisations patronales d'allocations familiales prévue par la loi du 20 juin 2016 pour l'économie bleue.

Enfin, la compensation à Pôle emploi, qui n’avait cessé de diminuer ces dernières années pour atteindre un plancher de 6,6 millions d’euros en 2016, augmente en 2017 de 140 % pour atteindre 15,8 millions d’euros, ce qui s’explique par l’extension des exonérations de contribution à l'allocation d'assurance contre le risque de privation d'emploi prévue par la loi du 20 juin 2016.

La réforme réalisée par la loi du 20 juin 2016 répond à une demande forte des armateurs qui appelaient de leurs vœux la mise en place du « netwage », pour pallier le handicap que constituent les coûts salariaux élevés dans un secteur où la concurrence est intense.

Cette demande s’explique par le fait que ce sont les dépenses de personnel qui sont la principale variable ajustable des coûts d’exploitation. En effet, les coûts financiers (acquisition, affrètement et assurances) et les coûts de voyage (carburant, frais de port, de canaux) sont les mêmes pour l’ensemble des opérateurs et, pour ce qui concerne le coût d’entretien des navires, la France est favorisée par l’âge moyen de la flotte (13).

Par contre, en matière de coûts salariaux, les écarts constatés entre le France et d’autres pays « moins-disants » sont impressionnants. Par exemple, les écarts de coûts observés au sein de compagnies de porte-conteneurs sont de un à trois entre un commandant français et un commandant philippin. En ce qui concerne les personnels d’exécution, ils sont de un à cinq. Cependant, le différentiel salarial peut être partiellement compensé par la productivité et la qualité du service – ce qui est notamment le cas pour la flotte de services maritimes – ou les garanties apportées en termes de sécurité – ce qui concerne notamment la flotte pétrolière.

Le « netwage »

Initié par la loi RIF du 3 mai 2005 (14) et la loi du 21 décembre 2006 de finances pour 2007 (15), le dispositif d’exonérations de cotisations sociales patronales a été complété par l’article 43 de la loi du 20 juin 2016 pour l'économie bleue.

Il s’agit d’une exonération totale des charges sociales patronales (contribution au régime d’assurance vieillesse, contribution à la caisse générale de prévoyance – qui couvre le risque « Maladie, accident, invalidité, maternité et décès » –, cotisation d'allocations familiales et contribution à l'allocation d'assurance contre le risque de privation d'emploi).

Cette mesure vise à ce que le salaire perçu par le salarié converge avec le coût du travail pour l'employeur. Cela permet, en transférant à la collectivité le financement de la protection sociale des salariés, de réduire l'impact économique des prélèvements sociaux sur l'activité maritime.

L’article L. 5553-11 du code des transports dans sa rédaction résultant de la loi pour l'économie bleue prévoit que le netwage concerne les « navires de commerce battant pavillon français affectés à des activités de transport ou à des activités de services maritimes soumises aux orientations de l'Union européenne sur les aides d'État au transport maritime, soumises à titre principal à une concurrence internationale » (16). Les navires concernés par cet article sont les navires immatriculés au premier registre ainsi que ceux immatriculés au RIF. Il peut s’agir de navires de transport comme de navires de services maritimes. Cette exonération concerne non seulement les marins mais aussi les autres gens de mer membres de l’équipage.

Selon les informations communiquées à votre rapporteur l’extension du dispositif, qui entraîne un surcoût de 19 millions d’euros, concerne 342 navires immatriculés au RIF relevant de 18 armements différents ainsi que 35 navires immatriculés au premier registre (24 remorqueurs, 6 sabliers et 5 transporteurs de produits chimiques) relevant de 12 armements (les navires à passagers immatriculés au premier registre bénéficiaient déjà de cette exonération) (17).

Place de la flotte de commerce française dans la concurrence internationale

Bien que la France puisse se prévaloir d’un grand savoir-faire et d’une longue tradition maritimes et que sa flotte soit parmi les plus sûres du monde, le pavillon français traverse depuis longtemps de graves turbulences et la crise de 2008 a renforcé les difficultés.

En dix ans, la flotte française est passée du 26e au 31e rang mondial. Elle représente 0,5 % du tonnage mondial et comprend 298 navires de plus de 100 UMS.

Les navires de transport (flotte pétrolière, navires de charge et navires à passagers) représentent 56 % de la flotte (168 navires) pour près de 94 % du tonnage (5,4 millions d’UMS de jauge brute) et les navires de services maritimes exploités à l’international (câbliers, navires de recherche sismique, navires de services offshore, navires de recherche océanographiques, remorqueurs en cabotage international…) représentent 44 % de la flotte (130 navires) pour seulement 6 % du tonnage (0,36 million d’UMS de jauge brute).

En 2015, la flotte sous pavillon français a connu 27 sorties pour 25 entrées. Globalement, les sorties du pavillon français de la flotte de transport (18 unités) sont compensées par les entrées de navires de services maritimes (18 unités). Bien que cette flotte soit exposée à la concurrence internationale, elle est en constante progression et ce développement doit beaucoup au dynamisme des services offshore : pose de câbles, activité pétrolière, énergies marines renouvelables … D’ailleurs, les navires de services offshore représentaient au 1er janvier 2016 plus de la moitié des navires de services maritimes (70 navires).

La flotte de transport se trouve soumise à de fortes pressions du fait de la compétition mondiale (concurrence des pavillons, augmentation des coûts opérationnels…) et est affectée par une succession de dépavillonnements.

La crise de 2008 a fortement affecté le cœur de la flotte pétrolière sous pavillon français. En 2016, les navires pétroliers représentaient 24 % (40 navires) de la flotte de transport et plus de 40 % du tonnage. Le nombre de navires pétroliers sous pavillon français a diminué d’un quart au cours des dix dernières années (en 2006, il y avait 54 navires pétroliers sous pavillon français et il n’y en a plus que 40 aujourd’hui). En 2015, il y a eu huit sorties de flotte pour seulement deux entrées. Toutefois, la jauge et la capacité d’emport ont augmenté de 7 %.

La crise a aussi fortement frappé le secteur du transport de produits et son effet a été aggravé par les surcapacités mondiales et par la faible compétitivité des armements français. En 2016, les navires de charge (porte–conteneurs, rouliers, cargos...) représentaient 36 % des navires (60 navires) et plus de 40 % du tonnage de la flotte de transports. Le nombre de navires de charge a diminué de près de 40 % en dix ans. Cependant, son tonnage a augmenté de 50 % et sa capacité d’emport de 28 %. La France peut se targuer de posséder l’un des leaders mondiaux avec la compagnie CMA CGM, qui occupe le troisième rang mondial pour le transport conteneurisé. La part représentée par CMA CGM dans la flotte de ligne régulière mondiale a atteint 8,9 % en janvier 2016, contre 14,8 % pour Maersk et 13,1 % pour MSC. La CMA CGM prend une part active à la nouvelle phrase de restructuration du secteur qui s’amorce, avec l’achat en décembre 2015 de NOL, un important armateur singapourien qui occupait le 13e rang mondial et possédait 85 navires.

Enfin, la flotte de transport de passagers est assez stable en effectif et en tonnage mais elle a été éprouvée ces dernières années par la faillite de MyFerryLink et les difficultés récurrente de la SNSM (aujourd’hui Corsica Linea).

L’action 5 regroupe des crédits qui contribuent au développement de politiques transversales des services des affaires maritimes. Il s’agit de crédits relatifs aux « fonctions supports » qui représentent moins de 5 % des crédits de paiement alloués aux affaires maritimes. Ces crédits représentent 6,89 millions d’euros et sont en légère augmentation par rapport à 2016 (où ils étaient de 6,72 millions d’euros).

Près de 80 % des crédits de l’action 5 (5,36 millions d’euros) concernent le fonctionnement courant des services centraux, des services déconcentrés et du guichet unique du RIF situé à Marseille.

Les 20 % restants contribuent à financer des formations délivrées par l’École nationale de la sécurité et de l’administration de la mer ou encore le loyer budgétaire du site des systèmes d’informations maritimes de Saint-Malo et la modernisation des applications informatiques.

Si la plus grande partie du programme 203 n’entre pas dans le périmètre du présent avis car ce programme est surtout consacré aux infrastructures ferroviaires, routières et aéroportuaires, il convient toutefois d’évoquer ici les crédits de l’action 11 « Infrastructures fluviales, portuaires et aéroportuaires » consacrés aux infrastructures portuaires.

Les crédits de paiement consacrés à ces infrastructures correspondent à environ 15 % des crédits de l’action 11. En 2017, ils représenteront 45,9 millions d’euros et sont donc légèrement en baisse par rapport à 2016 où ils représentaient un peu plus de 46 millions d’euros.

Ces crédits sont complétés par des fonds de concours versés par l’AFITF (Agence de financement des infrastructures de transports de France). Les fonds de concours attendus pour l’action 11 en 2017 sont estimés à 43,54 millions d’euros pour l’ensemble des modes de transports concernés par l’action 11 (fluvial, portuaire et aéroportuaire). Le budget de l’AFITF, qui détermine le montant et la répartition des moyens affectés aux différents secteurs et opérations, n’étant voté qu’en fin d’année, il n’est pas possible de déterminer précisément quel montant sera consacré au secteur portuaire.

La quasi-totalité des crédits de paiement consacrés au secteur portuaire par le budget général de l’État (45,5 millions d’euros) sera consacrée à l’entretien des infrastructures et à l’exploitation des ouvrages des grands ports maritimes et correspondent à la contribution de l’État au titre des dépenses effectuées par ces établissements publics, notamment pour l’entretien (dragage) des ouvrages extérieurs et des accès. Les travaux de dragage sont réalisés principalement, pour les ports métropolitains, à l’aide des moyens du groupement d’intérêt économique (GIE) Dragages-Ports. Créé en 1979, il rassemble l’État et les grands ports maritimes métropolitains pour répondre, au meilleur coût, aux besoins de dragage des ports en optimisant l’emploi des dragues.

Par ailleurs, 250 000 euros seront consacrés à l’entretien des infrastructures et à l’exploitation des ouvrages des ports maritimes de Saint-Pierre-et-Miquelon (qui sont les seuls ports relevant de l’État non gérés par un établissement public) et 150 000 euros seront consacrés à des dépenses d’informatique portuaire.

Comme les années précédentes, les travaux de dragage sont sous-budgétisés alors qu’il s’agit là d’une opération essentielle pour la compétitivité de nos ports, et pour le dynamisme du tissu économique des territoires constituant leur hinterland.

Le 6 octobre 2014, la Cour des comptes a rendu public un rapport sur la gestion du GIE Dragages-Ports pour les exercices 2005 à 2012 (18) et a constaté à cette occasion un désengagement de l’État qui corrobore le ressenti des acteurs du monde maritime.

La quantité de sédiments marins dragués en 2009, en France métropolitaine et dans les départements d’outre-mer, est de 49,2 millions de mètres cubes et environ 81 % de ces sédiments sont collectés par les sept grands ports maritimes métropolitains. Le dépôt de sédiments dans les lits des fleuves, couplé à l’augmentation continue de la taille des navires –  et donc de leur tirant d’eau –, fait du dragage une condition de la survie économique des grands ports maritimes d’estuaire. La profondeur des voies d’accès doit être entretenue régulièrement (quotidiennement à Rouen) pour permettre l’accès aux navires. Selon les calculs du grand port maritime de Rouen, disposer d’un tirant d’eau inférieur à 10 mètres se traduirait par la perte d’un tiers du trafic actuel.

Il ne faut cependant pas penser que l’absence de dragage ne mettrait en péril que les ports d’estuaire. Celui-ci est par exemple indispensable au bon fonctionnement du port de Dunkerque, où la sédimentation peut atteindre plus d’un mètre par an, et où les navires accueillis avec un tirant d’eau de plus de 14 mètres comptent pour 40 à 50 % du trafic total.

Or, les grands ports maritimes déplorent l’existence d’un effet de ciseaux entre des coûts de dragage sans cesse croissants et des dotations de l’État en baisse constante.

Les dépenses d’entretien des accès des ports (le dragage en grande partie, mais aussi les écluses) ont augmenté de 15 millions d’euros entre 2005 et 2012. Les volumes de sédiments dragués étant constants, cette augmentation s’explique notamment par les surcoûts dus aux nouvelles contraintes qui affectent les opérations de clapage (19).

Or, si en 2012, les dépenses d’entretien des accès des ports s’élevaient à 99,25 millions d’euros, la dotation versée par l’État n’était que 50,97 millions d’euros (20). L’État ne finance donc que la moitié des coûts du dragage alors qu’en application de l’article R. 5313-69 du code des transports, il devrait en supporter la totalité (21). La situation empirera encore en 2017 car les crédits affectés au dragage passeront à 45,9 millions d’euros !

Le dragage étant une nécessité absolue pour la poursuite de l’activité des grands ports maritimes, ceux-ci seront contraints d’absorber les sommes non compensées sur leur budget propre – ainsi que sur celui du groupement d’intérêt économique Dragages-Ports.

La France ne gagnera rien à dissimuler une fraction du déficit de l’État derrière la mise en friche de ses grands ports maritimes. Ceux-ci représentent l’interface entre le pays et un commerce international mondialisé et saboter leur fonctionnement revient à renoncer à nos atouts dans la compétition internationale.

Votre rapporteur déplore d’autant plus cette situation que, parallèlement, d’importants travaux sont financés pour améliorer les infrastructures portuaires – qu’il s’agisse par exemple du projet « Port 2000 » au Havre ou du terminal méthanier de Dunkerque – ou pour améliorer les liaisons avec leur hinterland – par exemple avec la réalisation du canal Seine-Nord-Europe.

Il est essentiel que le Gouvernement le réalise et qu’il honore les engagements qui lui sont imposés par les textes réglementaires qu’il a lui-même adoptés.

DEUXIÈME PARTIE : LE CANAL SEINE-NORD, QUEL IMPACT SUR LES GRANDS PORTS MARITIMES DU NORD DE LA FRANCE ?

Le projet de canal Seine-Nord-Europe constitue la section française du projet de liaison fluviale internationale Seine-Escaut, projet qui était inscrit sur la liste des « projets prioritaires » du réseau trans-européen de transport (RTE-T) et fait aujourd’hui partie des nouveaux corridors multimodaux du réseau central du RTE-T.

Il consiste en la création d’un canal à grand gabarit de 107 km, entre Compiègne et le canal Dunkerque-Escaut. Il doit relier les bassins de la Seine et de l’Oise au réseau européen à grand gabarit et permettre le transport de chargements de fret atteignant 4 400 tonnes par des convois poussés de deux barges faisant de 185 mètres de long sur 11,40 mètres de large. Il s’agira d’un canal au gabarit Vb qui ménagera un rectangle de navigation de 38 mètres de long pour 4 mètres de large. La hauteur libre sous les ponts sera de sept mètres.

Le projet tel qu’il a été reconfiguré, suite à la remise fin 2013 au secrétaire d’État charge des Transports, de la Mer et de la Pêche du rapport de notre collègue Rémi Pauvros (22), prévoit qu’il comportera six écluses séparant sept biefs. Il comportera également un bassin réservoir pour l’alimentation en eau du canal en période de basses eaux, quatre plates-formes multimodales (Cambrai-Marquion, Péronne-Haute Picardie, Nesle-Languevoisin et Noyon), des quais céréaliers, des quais industriels et des équipements pour la plaisance ainsi que des zones de dépôts de déblais excédentaires.

Enfin, un pont-canal de 1 330 mètres de long et de 32,80 mètres de large sera construit pour permettre le franchissement des étangs de la Somme à l’Ouest de Péronne et le rétablissement des voies de communication nécessitera la construction de deux ponts-canaux (pour le franchissement des autoroutes A26 et A29), de trois ponts-rails et de 56 ponts-routes.

Le canal Seine-Nord-Europe doit permettre de supprimer un des goulets d’étranglement du réseau de transport européen et d’améliorer la liaison entre les territoires d’Île-de-France, des Hauts-de-France et de l’ancienne région Haute-Normandie.

Il s’inscrit dans une politique de report modal du fret de longue distance de la route vers la voie d’eau : les études, conduites dans le cadre de la déclaration d’utilité publique en 2008, prévoient que 13,3 à 15 millions de tonnes de fret seront transportées sur le canal à l’horizon 2020, évitant ainsi la circulation de 500 000 poids lourds par an, notamment sur les autoroutes A1 et A13.

Développer la politique de report modal est d’autant plus nécessaire qu’entre 1973 et 2011, la part du secteur des transports dans la consommation d’énergie finale de la France est passée de 19 % à 32 %. Or l’utilisation de l’énergie était, en 2014, à l’origine de 70 % des émissions de gaz à effet de serre et la consommation d’énergie dans le secteur des transports représentait à elle seule 28 % des émissions (23).

Cet état de fait rend nécessaire une réduction de la part modale du transport routier de marchandises (le plus consommateur d’énergie) qui atteignait 87,6 % en 2011 et une augmentation de la part modale du rail (qui était de 10,1 % en 2011) et du transport fluvial (qui était de 2,4 % en 2011) (24).

Dans le secteur des transports, le transport fluvial est le mode de transport le plus économe en énergie : un kilo – équivalent pétrole permet à un camion roulant sur une autoroute de transporter une tonne sur 50 kilomètres alors que cette tonne sera transportée sur 275 kilomètres si on utilise un convoi poussé de deux barges (ce qui correspond au gabarit Vb, qui doit être le gabarit maximal du canal Seine-Nord-Europe). Un tel convoi permet de transporter 4 400 tonnes de marchandises, soit l’équivalent de 180 camions. Le transport fluvial peut ainsi émettre presque quatre fois moins de CO2 que le transport routier (25).

Développer le transport fluvial par la mise en place d’une liaison à grand gabarit comme celle du canal Seine-Nord-Europe contribuera donc à la réalisation de la politique française d’économies d’énergie et de réduction des émissions de CO2, définie notamment par la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte ou encore la stratégie bas-carbone pour la période 2015-2028.

Loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre
du Grenelle de l’environnement (
26)

Les articles 10 et 11 de la loi définissent des objectifs en matière de réduction de gaz à effet de serre et de développement du report modal dans le domaine des transports :

L’article 10 dispose que : « la politique des transports contribue au développement durable et au respect des engagements nationaux et internationaux de la France en matière d’émissions de gaz à effet de serre » et que « l’objectif est de réduire, dans le domaine des transports, les émissions de gaz à effet de serre de 20 % d’ici à 2020, afin de les ramener à cette date au niveau qu’elles avaient atteint en 1990 ».

Pour répondre à cet objectif, l’article 11 prévoit que « pour le transport des marchandises, le développement de l’usage du transport fluvial, ferroviaire, du transport maritime, et plus particulièrement du cabotage, revêt un caractère prioritaire » et qu’ « à cet effet, l’État accordera, en matière d’infrastructures, une priorité aux investissements ferroviaires, fluviaux et portuaires » et « soutiendra le développement des trafics massifiés de fret ferroviaire et fluvial, du transport combiné ferroviaire, fluvial et maritime, des autoroutes ferroviaires et des autoroutes de la mer ».

Il indique par ailleurs que l’objectif de cette politique est de « faire évoluer la part modale du non-routier et non-aérien de 14 % à 25 % à l’échéance 2022 ».

Dans cette perspective, il prévoit notamment que « le réseau fluvial, dit magistral, et en particulier celui à grand gabarit, fera l’objet d’un plan de restauration et de modernisation dont le montant financier devra être clairement établi » et que « le canal à grand gabarit Seine-Nord-Europe, qui permettra le report vers la voie d’eau de 4,5 milliards de tonnes-kilomètres par an, soit l’économie de 250 000 tonnes de dioxyde de carbone par an, sera réalisé ».

*

Loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte

L’article 1er de la loi prévoit que la politique énergétique nationale a notamment pour objectifs de « réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40 % entre 1990 et 2030 et de diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2050 » et de « réduire la consommation énergétique finale de 50 % en 2050 par rapport à la référence 2012, en visant un objectif intermédiaire de 20 % en 2030 », ce qui passe notamment par le développement d’une économie efficace en énergie, notamment dans le secteur des transports.

*

Stratégie bas-carbone pour la période 2015-2028 (27)

La stratégie bas-carbone pour la période 2015-2028 prévoit une réduction des émissions de CO2 de 29 % dans le secteur des transports et indique que, dans cette perspective, « le report modal des personnes et des marchandises vers les modes de transports non routiers et non aériens (comme le ferroviaire, les modes actifs (le vélo et la marche), etc..) […] doit être favorisé dans les choix d’aménagement du territoire et d’investissements dans les infrastructures de transport ».

Les objectifs fixés par la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement en matière de report modal pour réduire les émissions de gaz à effet de serre rencontrent ceux de la stratégie nationale portuaire, annoncée le 24 mai 2013, qui vise à fiabiliser les dessertes notamment en rendant les modes massifiés plus compétitifs pour développer le report modal, et prévoit notamment un doublement de la part de marché du fret non routier pour les acheminements à destination et en provenance des ports.

Cette politique est d’autant plus nécessaire aujourd’hui que les résultats du suivi du report modal mis en place par la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer indiquent qu’en 2015, la route représentait 75,6 % des opérations de pré et de post acheminement tandis que le rail ne représentait que 13 % et le fluvial, 11,5 % (28).

Part modale du rail et du fluvial en fonction des différents types de trafics

Les vracs solides représentent un quart du trafic des grands ports maritimes (29). Qu’il s’agisse de céréales ou de minerais énergétiques ou sidérurgiques, ils sont particulièrement adaptés aux modes de transports massifiés fluvial et ferroviaire. D’ailleurs, en 2015, 39 % des vracs solides étaient acheminés par rail ou voie fluviale.

Les vracs liquides, qui représentent plus de 40 % du trafic (30) Le pré et le post acheminement de ces vracs s’effectuant essentiellement par canalisations (oléoducs et gazoducs), le rail et la voie fluviale ne représentaient que 14,6 % des transports de vracs liquides, qui représentent plus de 40 % du trafic en 2015.

Le transport de conteneurs représente environ 15 % du trafic (31) En 2015, le rail et la voie fluviale ne représentaient que 16 % à 17 % du transport de conteneurs.

Si la réalisation du canal Seine-Nord-Europe peut contribuer à la réalisation de la politique française d’économies d’énergie et de réduction des émissions de CO2 et à ceux de la stratégie nationale portuaire, il aura également un effet visible par tous les habitants des territoires concernés en favorisant le désengorgement de certains axes routiers, notamment l’autoroute A1. En effet, sur cette autoroute, qui relie l’agglomération lilloise (et les grands ports du range Nord) à l’Île-de-France via la Picardie, 12 500 poids lourds transitent quotidiennement et, sur certaines sections, ce sont plus de 200 000 véhicules (véhicules légers et poids lourds) qui passent chaque jour. La construction du canal Seine-Nord permettrait donc de désengorger.

Le trafic fluvial a fortement chuté depuis les années 1970, notamment parce que le réseau français est dominé par des voies de petit gabarit accessibles uniquement aux bateaux de type « Freycinet ».

Le gabarit « Freycinet »

Les caractéristiques des canaux « Freycinet » ont été définies par la loi du 5 août 1879 relative au classement et à l’amélioration des voies navigables qui a procédé à une standardisation des caractéristiques des canaux français.

La profondeur d’eau de ces canaux est de 2 mètres, les écluses doivent faire 38,50 mètres de long pour 5,20 mètres de large et la hauteur libre sous les ponts doit être de 3,70 mètres.

Le gabarit des canaux détermine celui des bateaux. Un bateau « Freycinet » est un bateau long de 38,50 mètres et large de 5,05 mètres qui a un tirant d’eau de 2,20 mètres et dont le tonnage va de 200 à 400 tonnes.

Cette situation est d’autant plus problématique qu’en Europe, le gabarit des unités fluviales a considérablement augmenté à la faveur du développement des trafics et de l’aménagement des grands axes qui se prêtent bien à la réalisation d’aménagements à moindre coût pour augmenter le gabarit. Sont ainsi apparus le gabarit « Rhein-Herne-Kanal » (qui correspond à une capacité d’emport de 1 350 tonnes) puis le gabarit « Grand rhénan » (qui correspond à une capacité d’emport pouvant aller jusqu’à 3 000 tonnes). De plus, les convois poussés, qui représentent une forme d’industrialisation du transport fluvial, se sont développés sur de nombreux bassins.

En 2012, le trafic sur le périmètre Seine-Escaut représentait les deux tiers du trafic national (31,7 millions de tonnes) et les sections situées entre Rouen et Paris et entre Lille et la Belgique supportaient le trafic le plus dense. Toutefois, le réseau des voies navigables interconnectées qui existe aujourd’hui n’offre pas un gabarit suffisant pour la navigation d’unités modernes alors que la compétitivité du transport fluvial repose principalement sur la taille des bateaux et la massification du transport.

Aujourd’hui, seuls des bateaux de petit gabarit (dont la capacité d’emport est comprise entre 250 et 650 tonnes) peuvent naviguer sur le canal latéral à l’Oise, sur le canal de Saint-Quentin, sur le canal de la Sambre à l’Oise ou encore sur le canal du Nord. Ce dernier, dont la construction a débuté en 1908 avant d’être interrompue par les deux guerres mondiales, ne correspondait déjà plus aux nouveaux standards de la flotte à grand gabarit lors de son ouverture à la navigation en 1965, ce qui a conduit à une rapide saturation de sa capacité et à un fort allongement des temps d’attente aux écluses. Il ne permet aujourd’hui ni de répondre aux enjeux de massification du transport fluvial ni d’assurer une continuité dans le transport fluvial entre les bassins de la Seine-et-Oise et du Nord Pas-de-Calais. Il est d’ailleurs envisagé de le reconvertir en canal à vocation touristique.

Le projet de canal Seine-Nord-Europe vise à résoudre ces problèmes en permettant la circulation de bateaux correspondant au gabarit Vb (jusqu’à 4 400 tonnes de capacité d’emport). Cette augmentation du gabarit aura un effet d’autant plus positif que le réseau européen des voies navigables intérieures est particulièrement dense et interconnecté en Europe du Nord. Le canal Seine-Nord facilitera ainsi le transport des marchandises vers la Belgique, la Hollande et l’Allemagne.

Si le canal Seine-Nord-Europe doit permettre de supprimer un des goulets d’étranglement du réseau de transport européen, il doit aussi contribuer à créer un réseau entre les ports maritimes et les ports et plateformes multimodales intérieurs qui modifiera les chaînes logistiques de la moitié Nord de la France et permettra d’impulser un nouveau développement économique.

Il permettra ainsi de renforcer la compétitivité de certains ports du Nord de la France. En effet, l’attractivité d’un grand port maritime comme Dunkerque dépend non seulement de son positionnement géographique, de ses caractéristiques nautiques, du nombre et de la qualité des lignes maritimes, de la qualité des équipements et du service rendu, de l’offre logistique mais aussi – et de plus en plus – de l’existence d’une offre de transport massifié (fluvial et ferroviaire) qui étend son hinterland (32) et de la réduction des ruptures de charge. Or le développement du réseau fluvial et sa connexion aux ports maritimes permettent de renforcer l’hinterland d’un port et de disposer d’un mode de transport massifié, avec peu de ruptures de charge.

De plus, la croissance des échanges maritimes étant aujourd’hui essentiellement due au développement du trafic de conteneurs, ce dernier est devenu un relais de croissance important pour les ports. Or le transport fluvial, s’il concerne surtout aujourd’hui les céréales et les matériaux de construction, peut également être un mode de transport intéressant pour les conteneurs : en effet, il est économe en énergie et sécurisant pour les entreprises, car il est peu accidentogène et ne souffre pas de retards dus aux congestions routières, ce qui permet donc une gestion en flux tendus des stocks.

La création du canal Seine-Nord-Europe peut, en contribuant au renforcement de l’attractivité des ports du Nord de la France, leur permettre de mieux résister à la concurrence des ports du range Nord – devenue plus agressive ces dernières années –, ports qui sont, contrairement à leurs homologues français, desservis par des liaisons fluviales et ferroviaires efficaces.

Les opportunités que le canal Seine-Nord-Europe peut offrir au port de Dunkerque sont connues de longue date. Ainsi, dès 1982, le service d’analyse économique et du plan du ministère des Transports faisait, dans une note synthèse sur l’hinterland du port de Dunkerque, la remarque suivante : « Avec un trafic annuel de 2,4 millions de tonnes, Dunkerque est le premier port fluvial de la région Nord–Pas–de–Calais. Le canal à grand gabarit Dunkerque Valenciennes permet une navigation avec des unités fluviales de 3 000 tonnes sur les principaux ports intérieurs du Nord-Pas-de-Calais. Le réseau fluvial belge et rhénan est accessible aux convois de 1 350 tonnes. En 2016, l’ouverture du canal Seine-Nord-Europe permettra d’étendre l’hinterland fluvial du port vers la Picardie et la région parisienne. » (33).

En 2016, le canal n’a toujours pas été construit, mais son besoin s’en fait toujours sentir, comme le rappellent Jérôme Bignon et René Vandierendonck dans le rapport « Hauts-de-France-sur-mer. Comment rendre attractive et compétitive la Porte Nord de la France ? » qu’ils ont remis le 18 juillet dernier au secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche.

Le grand port maritime de Dunkerque est un port à dominante industrielle et trois pôles distincts drainent l’essentiel de son trafic : un pôle énergétique, un pôle métallurgique et un pôle pétrochimique.

Son activité repose donc principalement sur les produits pétroliers (qui représentaient 10,4 % du trafic en 2014), le charbon (11 % du trafic) et les minerais (28,6 % du trafic) (34). Ces derniers sont importés pour être utilisés par les unités spécialisées du pôle métallurgique (Arcelor-Mittal) de Dunkerque qui exportent en retour des produits métallurgiques usinés.

L’activité « conteneurs » ne représentait que 6,1 % du trafic en 2014 mais compte tenu de la baisse structurelle des trafics énergétiques (due notamment à la fermeture de la raffinerie de Flandres et à la diminution de la demande américaine en produits raffinés du fait du développement de la production de pétrole et de gaz de schistes), le port de Dunkerque cherche à développer cette activité. Par ailleurs, les vracs alimentaires (céréales, sucre) représentent des opportunités de croissance à condition que le port bénéficie de nouvelles lignes maritimes (35).

Le développement de l’activité « conteneurs » et du transport des vracs alimentaires est rendu difficile par la forte concurrence d’Anvers, de Rotterdam et d’Amsterdam.

Comme le soulignent Jérôme Bignon et René Vandierendonck dans leur rapport, ces ports créent une « concurrence redoutable » car ils bénéficient en effet d’une situation géographique exceptionnelle par rapport à une large partie des bassins de consommation en Europe, d’importants atouts en matière logistique (grâce à une connexion directe avec le Rhin et son réseau fluvial) et d’une dynamique commerciale performante dans le secteur industriel et la logistique.

Jérôme Bignon et René Vandierendonck rappellent à cette occasion qu’ « à l’exception des céréales où le port de Rouen joue un rôle pivot et du trafic transmanche dominé par Calais, les ports de la zone ARA [Anvers–Rotterdam–Amsterdam] détiennent la majeure partie des parts de marché » (36). En 2015, Rotterdam détenait 59,07 % des parts de marché du range Nord et Anvers, 26,37 % tandis que Dunkerque n’en détenait que 5,91 % (37).

Le fait que le port ait une base industrielle très solide explique pourquoi le rail et le mode fluvial jouent un grand rôle dans sa desserte terrestre, à la différence de la plupart des autres ports français (38). Ainsi, la part modale de la route n’était que de 51 % en 2014 (alors qu’elle est de plus de 70 % au niveau national) tandis que celle du rail était de 30 % (donc trois fois supérieure à la moyenne nationale) et que celle du fluvial était de 16 %. La part modale du trafic par canalisations n’était quant à elle que de 3 % en 2014 (39).

Le transport ferroviaire reste le mode privilégié pour la desserte du port de Dunkerque et le réseau ferré portuaire, constitué de plus de 200 kilomètres de voies, permet de desservir l’ensemble des terminaux. Dunkerque est d’ailleurs le premier pôle de fret ferroviaire français. Son hinterland ferroviaire se compose de la région parisienne, de l’Est de la France (Alsace, Lorraine), du Luxembourg, de l’Allemagne et de la Suisse. L’artère Nord-Est du réseau ferroviaire français est reliée au Port Ouest par une voie électrifiée de bout en bout qui permet l’acheminement de trains lourds de pondéreux, notamment vers l’Est de la France et l’Allemagne.

En matière routière, le port de Dunkerque dispose d’accès directs et fluides au réseau autoroutier ouest–européen, via l’A25, l’A26 et l’A16.

Enfin, le port de Dunkerque est également un port fluvial et le canal à grand gabarit Dunkerque–Valenciennes permet la navigation d’unités fluviales d’une capacité de 3 000 tonnes. De plus, le réseau fluvial belge et rhénan est accessible aux convois de 1 350 tonnes. Le rapport d’activité 2015 du port de Dunkerque rappelle que, dans ce cadre, « l’ouverture du canal Seine-Nord-Europe permettra d’étendre l’hinterland fluvial du port vers la Picardie et la région parisienne, dont Dunkerque est le débouché naturel » (40).

Il devrait notamment permettre de favoriser la politique de développement de l’activité « conteneurs », qui est d’autant plus nécessaire que le port de Dunkerque doit faire face à une forte diminution du trafic des hydrocarbures. Par ailleurs, Dunkerque pourra également bénéficier d’une augmentation du trafic des vracs secs. En effet, le port est déjà positionné dans ce domaine, qui représente environ 50 % de ses volumes en 2013. Or, selon le rapport de 2013 remis par Rémi Pauvros « les vracs représenteront 70 % du trafic généré par le canal » et « les volumes supplémentaires ne seront pas issus d’une création de trafic mais d’une augmentation de la part du fluvial, de la création de report modal et de la redistribution de trafics existants sur la façade Manche/Mer du Nord » (41).

Toutefois, certains investissements complémentaires sont nécessaires pour que le port de Dunkerque puisse bénéficier pleinement de cette dynamique. Il s’agit notamment de l’ouverture vingt-quatre heures sur vingt-quatre du canal Lille–Dunkerque, de la réouverture du canal Condé Pommeroeul, de la mise en place d’une liaison entre Dunkerque et le réseau Seine-Escaut adaptée au trafic de conteneurs (42) ou encore de la réalisation du projet « CAP 2020 », qui doit permettre la création de nouveaux terminaux portuaires adaptés au traitement des flux de marchandises conteneurisées en provenance des marchés internationaux.

Les plateformes multimodales dont le développement est prévu devraient permettre de garantir aux ports une connexion efficace avec le tissu économique de leur hinterland et, en retour, de permettre aux territoires traversés de bénéficier de la dynamique du canal Seine-Nord-Europe.

La réalisation du canal Seine-Nord-Europe est d’ailleurs très attendue par les collectivités des territoires traversés car ce dernier permettrait de maintenir ou de créer des emplois dans des zones affectées par la désindustrialisation, où les taux de chômage sont supérieurs au taux national. En effet, si les emplois susceptibles d’être créés à court terme sont essentiellement liés au chantier de construction, à long terme, les créations d’emplois devraient provenir notamment de l’exploitation des plates-formes multimodales selon l’étude réalisée par le cabinet SETEC en 2013 pour la mission de reconfiguration du canal Seine-Nord.

La réalisation du canal doit contribuer à fixer en Picardie des lieux de traitement et de transformation des produits agricoles, de manière à ce que la politique de ce territoire en matière agricole ne se limite pas à leur exportation. Le canal peut en effet favoriser, non seulement l’approvisionnement des centres de traitement et de transformation en matières premières, mais encore l’acheminement des matières transformées. La voie fluviale est particulièrement adaptée au transport des céréales, qui peut se faire en flux continu et une solution de transport massifiée permet de réduire les coûts du transport et donc le coût final des produits.

Pour la Somme, ce sont les plates-formes multimodales de Nesle-Languevoisin (à vocation plutôt agro-industrielle) et de Péronne-Haute Picardie (à vocation davantage logistique) qui permettront au territoire de bénéficier de la dynamique du canal Seine-Nord. L’arrivée du canal permettra à l’Est de la Somme d’offrir une « quadrimodalité », étant donné que le territoire bénéficie déjà de liaisons ferroviaires (avec notamment la gare TGV de Haute-Picardie), autoroutières (autoroutes A1, A29, A2) et aériennes (aéroport d’Albert-Picardie).

En ce qui concerne le Nord-Pas-de-Calais, le canal Seine-Nord-Europe doit permettre de conforter le rôle de plateforme logistique entre le Nord et le Sud de l’Europe du territoire et ouvrir des opportunités de rapatriement des activités logistiques à forte valeur ajoutée sur ce territoire.

En ce qui concerne l’Île-de-France, la réalisation du canal doit permettre d’alléger les sillons ferroviaires, de renforcer la compétitivité des activités logistiques et de sécuriser l’approvisionnement de la métropole, notamment en granulats, essentiels dans la perspective des projets de construction du Grand Paris. Le canal permettra notamment de faciliter l’approvisionnement de l’Île-de-France en matériaux en provenance du Calaisis, dans un contexte où la filière du BTP dit souffrir de la congestion routière pour l’approvisionnement des chantiers. La voie fluviale est en effet particulièrement adaptée au transport de matériaux de construction – dont le transport restera, selon les estimations fournies par le rapport rendu par Rémi Pauvros en 2013, l’un des leviers les plus importants pour le développement du fluvial (43). Enfin, le canal Seine-Nord doit aussi fournir une solution permettant de faciliter des déblais et des déchets des chantiers du Grand Paris.

En ce qui concerne le territoire correspondant à l’ancienne région Haute-Normandie, le canal Seine-Nord-Europe doit contribuer à la dynamique de l’Axe Seine, et notamment au développement portuaire et logistique.

Toutefois, si le canal constituera un avantage indéniable pour un port comme Dunkerque, les effets qu’il pourrait avoir sur les ports normands sont ambivalents et suscitent de nombreuses craintes. Force est de constater qu’aujourd’hui, les conditions leur permettant de bénéficier de l’effet positif du futur canal sont très loin d’être remplies.

Les premières études relatives à la réalisation du canal Seine-Nord-Europe remontent aux années 1980. Depuis les années 1990, le projet a été reconfiguré à de nombreuses reprises. À l’occasion du comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire du 18 décembre 2003, le Gouvernement fait part de sa décision de réaliser le canal, qui permettra « sur un axe Nord-Sud particulièrement congestionné […] un accroissement très sensible du fret fluvial transitant du bassin parisien vers les ports du Nord » et « présentera également l’avantage de faire pénétrer les marchandises au cœur des agglomérations de deux régions parmi les plus peuplées de France ». Il retient alors le principe « d’un aménagement progressif en trois parties » et prévoit d’engager « dès janvier 2004 les études d’avant– projet » (44).

Du 15 janvier au 15 mars 2007, une enquête d’utilité publique a été lancée dans 68 communes des départements de l’Oise, de la Somme, du Pas-de-Calais et du Nord, et le projet a été déclaré d’utilité publique le 12 septembre 2008 par publication d’un décret au Journal officiel. La même année a été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le projet de loi de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement. L’article 11 de cette loi – qui a été promulguée le 3 août 2009 (45) –  prévoit que : « le canal à grand gabarit Seine-Nord-Europe, qui permettra le report vers la voie d’eau de 4,5 milliards de tonnes-kilomètres par an, soit l’économie de 250 000 tonnes de dioxyde de carbone par an, sera réalisé » et indique que le coût de réalisation du programme sera « de l’ordre de 4 milliards d’euros » et qu’il « sera cofinancé dans le cadre d’un contrat de partenariat public-privé, par la Communauté européenne, les collectivités territoriales et l’État, sur la période 2009-2020 ».

En janvier 2009, le projet a été inscrit dans le plan de relance de l’économie et, le 3 avril de la même année, VNF lance un avis d’appel public à concurrence pour sa réalisation. Cet avis a permis aux entreprises de prendre connaissance du dossier et, éventuellement, de se porter candidates pour concevoir, construire, exploiter et financer cette infrastructure dans le cadre d’un partenariat public– privé. Bouygues Travaux Publics et Vinci Concessions se sont portés candidats. À partir d’octobre 2009, les acquisitions de terrains ont débuté.

En 2010, les ultimes négociations avec les collectivités territoriales et les grands ports maritimes pour le bouclage du plan de financement du projet se sont terminées. Le coût du projet est estimé à 4,2 milliards d’euros, dont 50 % doivent être apportés par le partenaire privé.

Le 5 avril 2011, à l’occasion d’une table ronde à Nesle, sur l’avenir du transport fluvial, le Président de la République a annoncé officiellement le lancement du processus de dialogue compétitif – qui était prévu pour durer un an et demi. En août 2012, Bouygues –  qui concourt avec Vinci à la réalisation du canal – a quitté le processus, qui a alors été suspendu (46).

Le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche a alors demandé un rapport à l’Inspection générale des finances et au Conseil général de l’environnement et du développement durable qui conclut, au printemps 2013, à la nécessité de reconfigurer le projet. Une mission de reconfiguration confiée à notre collègue Rémi Pauvros, a réexaminé les aspects techniques et financiers du dossier.

Le 11 décembre 2013, Rémi Pauvros a remis son rapport au ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche, et a proposé plusieurs pistes d’optimisation techniques et financières :

– remplacement du partenariat public-privé par une maîtrise d’ouvrage publique ;

– présentation du marché par lots, et non en un bloc, de manière à ce que les entreprises locales puissent répondre aux appels d’offres ;

– optimisation du tracé, notamment par la réutilisation d’une partie du canal du Nord, qui permet notamment, sur la section dite « du bief de partage Manche/Mer du Nord » située entre Moislains (47) et Havrincourt (48) d’abaisser la hauteur du bief de 15 à 20 mètres, donc de supprimer une écluse et de réduire la hauteur de chute sur la plus grande écluse du projet ;

– abandon du projet concernant l’approvisionnement en eau de la région Nord–Pas–de–Calais ;

– réexamen des projets relatifs aux ports et haltes de plaisance, dont le développement devra désormais se faire dans un cadre progressif ;

– réduction des aménagements qui étaient prévus pour les plateformes multimodales (qui devront se faire de manière progressive) et transfert aux acteurs locaux de la responsabilité du développement des plateformes.

Selon le rapport, les optimisations doivent permettre de réaliser des économies dont le montant est compris entre 550 et 650 millions d’euros hors taxes (ce qui représente entre 9 à 12 % du coût estimé du projet) et le coût du projet reconfiguré serait donc compris entre 4 400 à 4 700 millions d’euros hors taxes (49).

La reconfiguration du projet ayant conduit à modifier une partie du tracé et à supprimer une écluse, une déclaration d’utilité publique modificative est devenue nécessaire. L’enquête publique préalable a eu lieu du 7 octobre au 20 novembre 2015 et la commission d’enquête a donné un avis favorable à la modification de la déclaration d’utilité publique de 2008. Selon les informations communiquées à votre rapporteur, la déclaration d’utilité publique modificative devrait être faite début 2017.

De plus, le remplacement du partenariat public–privé par une maîtrise d’ouvrage publique rendent nécessaire la mise en place d’une société de projet et la réalisation d’un protocole de financement et de gouvernance, qui doit réunir l’État et les collectivités territoriales Ces deux phases sont en cours d’achèvement (cf. B et D) : il a été indiqué à votre rapporteur que les travaux devraient débuter en 2017 et que le canal serait mis en service à partir de 2023.

Sur la base d’un nouveau rapport remis par notre collègue Rémi Pauvros le 19 juin 2015 (50), le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche a chargé VNF de la préfiguration de la société de projet du canal Seine-Nord-Europe.

De plus, le Gouvernement a introduit, dans la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques du 6 août 2015, une habilitation à créer par ordonnance, dans un délai neuf mois, une société de projet chargée de réaliser le projet de canal Seine-Nord-Europe (51). Cette ordonnance a été publiée le 21 avril 2016 (52) et déposée sur le bureau de l’Assemblée le 14 septembre 2016 (53), ce qui a évité qu’elle ne devienne caduque (54).

Par ailleurs, dans le discours qu’il a prononcé le 26 septembre 2016 à l’occasion de la pose de la première pierre de l’extension du Port de Calais, le Président de la République a indiqué que « la société de projet, maître d’ouvrage du canal, sera constituée avant la fin de l’année » (55).

C’est pourquoi votre rapporteur s’inquiète du fait que les décrets d’application de l’ordonnance (notamment ceux relatifs aux organes de gouvernance) n’aient pas encore été pris. En effet, si l’article 15 de l’ordonnance prévoit qu’ils doivent être publiés avant le 31 décembre 2016, il est évident que la publication doit intervenir avant cette date pour que l’engagement du président de la République puisse être tenu.

Jusqu’à ce que la société de projet soit mise en place, le directeur général de VNF poursuit la mission de préfiguration de cette société qui lui a été confiée en 2015. Pour ce faire, VNF a mis en place un projet interne transverse qui vise à prépositionner les équipes en charge du projet et à préparer l’ensemble du cadre de fonctionnement de la société de projet (ressources humaines, organisation, budget...). Selon les informations communiquées à votre rapporteur, une équipe de préfiguration d’une vingtaine de personnes travaillant sous la direction du directeur général de VNF a été mise en place le 4 avril 2016 pour constituer le noyau principal de la société lors de sa mise en place opérationnelle.

L’article 1er de l’ordonnance du 21 avril 2016 crée un établissement public de l’État à caractère industriel et commercial dénommé « Société du Canal Seine-Nord-Europe », qui est placé sous la tutelle du ministre chargé des transports et définit ses missions :

– la « mission principale » de l’établissement est la réalisation de « l’infrastructure fluviale reliant les bassins de la Seine et de l’Oise au réseau européen à grand gabarit entre Compiègne et Aubencheul-au-Bac » ;

– l’établissement doit aussi fournir un appui technique aux collectivités territoriales ou aux aménageurs permettant « de favoriser le développement économique en lien avec cette infrastructure », notamment le développement économique des places portuaires situées le long de l’infrastructure fluviale ;

– enfin, l’État peut lui confier la maîtrise d’ouvrage de la réalisation du projet de mise au gabarit européen de l’Oise entre Creil et Compiègne, qui est située directement en aval du canal Seine-Nord-Europe.

Comme prévu par le rapport de la mission de reconfiguration, l’article 11 de l’ordonnance dispose que cet établissement « assure la maîtrise d’ouvrage des études et travaux de réalisation de l’infrastructure fluviale reliant les bassins de la Seine et de l’Oise au réseau européen à grand gabarit entre Compiègne et Aubencheul-au-Bac ».

L’article 14 précise les conditions de transfert progressif des portions construites du canal à VNF. Il prévoit ainsi qu’ « au fur et à mesure de l’achèvement de tronçons de l’infrastructure, le domaine public fluvial géré par l’établissement public Société du Canal Seine-Nord-Europe est confié par arrêté du ministre chargé des transports à Voies navigables de France » et indique que « l’ensemble des droits et obligations contractés par l’établissement public Société du Canal Seine-Nord-Europe en tant que maître d’ouvrage de l’opération sont transférés à Voies navigables de France ».

Enfin, l’article 16 prévoit que l’établissement public « Société du Canal Seine-Nord-Europe » sera « dissout au plus tard à la date la plus tardive entre, d’une part, les douze mois qui suivent l’achèvement complet et la réception des travaux prévus à l’article 1er et, d’autre part, la date d’extinction des obligations contractées aux fins des missions définies à ce même article ». Il indique qu’à compter de la date de la dissolution, VNF sera subrogé à l’établissement dans tous les droits et obligations contractés par lui pour la réalisation et le financement de l’infrastructure.

L’article 2 de l’ordonnance dispose que celle-ci sera dirigée « par un directoire qui exerce ses fonctions sous le contrôle d’un conseil de surveillance » et qui comprendra trois membres désignés par décret, après avis du conseil de surveillance.

L’article 3 définit la composition du conseil de surveillance. Il ne précise pas le nombre de ses membres mais indique que la moitié du conseil est composée de représentants de l’État et que l’autre moitié comprend :

– un représentant de VNF ;

– un député désigné par son assemblée ;

– un sénateur désigné par son assemblée ;

– des élus des collectivités territoriales parties au protocole de financement ;

– une personne qualifiée choisie en raison de ses compétences en matière de transport ou d’aménagement du territoire.

Enfin, l’article 4 prévoit qu’un comité stratégique sera institué auprès du conseil de surveillance. Ce comité pourra être saisi par le conseil de surveillance de toute question entrant dans les missions de la société de projet, émettre des propositions et demander au président que des questions soient inscrites à l’ordre du jour d’une réunion du conseil de surveillance. Il comprendra :

– des représentants des communes et des établissements publics compétents en matière de transport fluvial ou d’aménagement sur le territoire desquels est située, pour tout ou partie, l’emprise du projet d’infrastructure fluviale ;

– deux députés désignés par leur assemblée ;

– deux sénateurs désignés par leur assemblée ;

– des représentants des chambres consulaires ;

– des représentants des organisations professionnelles concernées par la réalisation du canal ;

– des représentants des organisations syndicales concernées par la réalisation du canal ;

– des représentants d’associations de protection de l’environnement agréées au titre de l’article L. 141-1 du code de l’environnement.

Dans un entretien accordé au Courrier Picard en juin dernier, le président de la République, interrogé au sujet du canal Seine-Nord-Europe s’est dit « très attaché » au projet, déclarant : « le chantier démarrera en 2017. Le protocole de financement est sur le point d’être finalisé avec des crédits européens […] Une société de projet va être créée et je veux lancer les travaux de cet ouvrage attendu depuis si longtemps par les élus qui se sont mobilisés pour arriver à ce résultat » (56).

Selon les informations communiquées à votre rapporteur dans le cadre des réponses au questionnaire budgétaire, « pour 2017, l’engagement du projet se fera selon trois axes principaux : la poursuite des procédures réglementaires, l’organisation de la maîtrise d’ouvrage, puis l’engagement des premiers travaux ».

En ce qui concerne le volet « travaux », il a été indiqué à votre rapporteur que « des travaux préparatoires dans la vallée de l’Oise et des travaux d’aménagement environnementaux sont prévus dès 2017 » et que « ces derniers travaux, qui marquent l’engagement du chantier, visent à mettre en œuvre les mesures environnementales préalablement aux travaux de terrassement. Ils concernent notamment l’aménagement de zones boisées, de mares pédagogiques et de zones humides, pour certaines ouvertes au public, dans l’optique de valoriser la prise en compte des enjeux environnementaux du projet » (57).

Votre rapporteur se réjouit de l’engagement de travaux dès 2017, qui évitera que la France ne soit privée des subventions de l’Union européenne, dont le versement est conditionné à un tel début de travaux.

Cependant, il espère que ces travaux – somme toute limités et dont la vocation est en grande partie symbolique – soient rapidement suivis de travaux de plus grande envergure, qui, seuls, permettront d’engendrer les 10 000 à 13 000 créations d’emplois prévues par l’étude du cabinet SETEC réalisée pour la mission de reconfiguration du projet présidée par M. Rémi Pauvros (58).

À ces craintes concernant le déroulement des travaux, s’ajoutent des inquiétudes relatives aux conditions de financement du projet. Certes, la France bénéficiera de subventions de l’Union européenne mais d’importantes sommes restent à sa charge et l’ensemble des sources de financement – notamment les taxes affectées– ne sont encore définies à ce jour.

En 2004, le canal Seine-Nord-Europe a été inscrit parmi les trente projets prioritaires du réseau transeuropéen de transports (RTE-T). Le 17 octobre 2013, la déclaration de Tallinn, cosignée par le commissaire européen aux Transports et les ministres français, flamand, wallon et néerlandais, a affirmé l’intérêt de la liaison Seine-Escaut pour l’Europe et a indiqué que celle-ci était éligible à des financements européens à hauteur de 40 % du montant des travaux et 50 % du montant des études. Enfin, le nouveau règlement européen relatif aux RTE-T, publié le 11 décembre 2013, a retenu le canal Seine-Nord-Europe comme projet prioritaire du réseau central du corridor mer du « Nord/Méditerranée » (59).

L’intérêt manifesté par l’Union européenne pour la réalisation de la liaison Seine/Escaut s’explique par le fait que les territoires concernés par le bassin Seine/Escaut sont caractérisés par :

– l’importance de leur population et donc de leur potentiel de consommation : la Haute-Normandie, l’Île-de-France, les Hauts de France, les Pays-Bas et la Belgique représentent, avec 47,7 millions d’habitants, plus de 9 % de la population totale de l’Union européenne ;

– l’intensité de leur activité économique : les bassins de la Seine et de l’Escaut sont les principales portes d’entrée des marchandises en Europe du Nord (27 % des marchandises transportées par voie maritime de l’ensemble de l’Union européenne sont chargées ou déchargées dans les ports du range Nord, de Dunkerque et dans le réseau des ports HAROPA) ;

– l’intensité de leurs relations commerciales et des échanges transfrontaliers.

Par ailleurs, à plus long terme, le canal Seine-Nord-Europe doit favoriser l’ouverture vers l’Est de l’Union européenne en reliant le réseau des voies navigables du Nord de l’Europe au Rhin et au Danube, créant ainsi le plus grand réseau de navigation intérieure européen.

C’est dans le cadre du mécanisme pour l’interconnexion en Europe (MIE) que le canal Seine-Nord bénéficie d’un financement de l’Union européenne.

Financement des projets relevant du réseau trans-européen de transport (RTE-T) dans le cadre du mécanisme pour l’interconnexion en Europe (MIE)

Le réseau trans-européen de transport

Le RTE-T se décompose en deux sections :

– le réseau central, qui est le réseau présentant la plus haute importance stratégique pour atteindre les objectifs de développement du réseau transeuropéen de transport. Il doit être achevé en 2030 et il doit éliminer les goulets d’étranglement et fluidifier les échanges transfrontaliers. Il doit constituer l’épine dorsale du transport sur le marché intérieur européen.

– le réseau global, qui est un réseau d’accès, au niveau national et local, au réseau central. Il doit être achevé en 2050.

Les projets relatifs au réseau central sont regroupés en neuf corridors : deux corridors Nord/Sud, trois axes Est-Ouest et quatre diagonales. Ils couvrent les principaux flux à longue distance dans le réseau central.

Pour chaque corridor, des projets prioritaires, goulets d’étranglements et tronçons transfrontaliers, ont été identifiés par l’Union Européenne.

À l’intérieur de ces neuf corridors, des infrastructures prioritaires sont identifiées.

Le financement des projets du RTE-T dans le cadre du MIE

Dans le cadre du MIE, 24,05 milliards d’euros sont mis à disposition sur le budget 2014-2020 de l’Union européenne pour cofinancer des projets relevant du RTE-T dans les États membres de l’Union européenne. Cependant, sur ce montant 11,305 milliards d’euros sont réservés aux pays bénéficiant du Fonds de cohésion, dont ne peuvent bénéficier ni la France ni la Belgique

Le financement se fait principalement sous la forme de subventions, à la suite d’appels à propositions.

Les projets issus des appels à propositions sont sélectionnés selon une procédure de mise en concurrence qui comprend deux phases : une première sélection est réalisée par des experts indépendants à partir d’une liste de critères de base puis une seconde sélection est effectuée. Cette sélection est supervisée par la direction générale de la mobilité et des transports de la Commission européenne, qui a réalisé une analyse qualitative de la contribution globale des projets au développement de la politique de l’Union européenne en matière de transports.

Les subventions sont réservées à des projets qui sont difficiles à mettre en œuvre du fait de leur nature transnationale ou qui supposent un très long retour sur investissement. Les projets retenus sont ceux qui présentent la plus forte valeur ajoutée européenne.

Les subventions servent à cofinancer les projets. Le cofinancement peut aller jusqu’à 20 % des coûts éligibles pour les travaux et jusqu’à 50 % des coûts éligibles pour les études. De plus, pour certains projets concernant la gestion de la circulation, un cofinancement pouvant aller jusqu’à 50 % peut être accordé aux États membres en phase de transition vers des normes plus élevées et le taux de cofinancement maximal peut atteindre 85 % des coûts éligibles pour les projets soumis dans le cadre de l’appel lancé au titre de la cohésion.

Les appels à propositions ne fixent pas de montant maximal pouvant être demandé pour un projet mais les candidats sont vivement encouragés à soumettre des demandes pour des actions où la contribution totale demandée à l’Union européenne pour les coûts admissibles n’est pas inférieure à 500 000 euros s’il s’agit d’études et à 1 000 000 euros s’il s’agit de travaux.

Des programmes de travail annuels et pluriannuels établissent les priorités et fixent le montant total du concours financier à engager pour chacune de ces priorités au cours d’une année donnée.

Suite à un appel à propositions lancé par la Commission européenne pour le cofinancement (à hauteur de 13,1 milliards d’euros) de projets relevant du RTE-T dans le cadre du MIE pour la période 2014-2020, Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche, Maxime Prévot, vice-président du gouvernement wallon et ministre des travaux publics, et Léo Clinckers, représentant du ministre flamand des travaux publics, ont acté le 26 février 2015 la remise du dossier de demande de subvention « Seine-Escaut 2020 » à la Commission européenne. Dans ce cadre, la France et la Belgique sollicitaient le financement par l’Union européenne de 40 % des investissements réalisés sur la période 2014-2020 sur l’ensemble du périmètre du projet Seine-Escaut.

Le 29 juin 2015, la Commission a publié la liste des 276 projets sélectionnés, qui incluait le projet Seine-Escaut. Les États membres ont approuvé cette liste le 10 juillet 2015 et, le 31 juillet 2015, la Commission a adopté officiellement les décisions de financement.

La convention de financement entre la Commission européenne, la France, la Wallonie et la Flandre a été signée le 1er décembre 2015. L’Union européenne s’engage à financer 50 % des études et 40 % des travaux, ce qui représente un montant maximal de 979,7 millions d’euros pour la première tranche. L’Union européenne s’engage en effet pour une période allant jusqu’au 31 décembre 2019. Les travaux devant être achevés pour 2023, il conviendra de sécuriser le financement européen de la seconde tranche.

La France perçoit un peu moins de 80 % de la subvention (769,5 millions d’euros) et le versement de cette subvention est subordonné au lancement des travaux en 2017.

Sur la période comprise entre la décision du comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire du 18 décembre 2003 d’engager la réalisation du canal Seine-Nord et le 31 décembre 2015, 235,9 millions d’euros auront été dépensés dans le cadre du budget de VNF pour préparer la réalisation du projet.

Nature des dépenses réalisées

(en millier d’euros)

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Total

Fonction-nement (personnels, locaux, ….)

1 237

1 880

2 012

1 663

2 340

4 275

5 191

5 107

4 933

4 664

3 520

3 326

40 148

Investisse-ment (AMO, études et travaux)

1 537

10 984

7 450

3 296

8 738

31 808

29 528

33 329

25 970

31 320

6 463

5 418

195 841

Total

2 774

12 864

9 462

4 959

11 078

36 083

34 719

38 436

30 903

35 984

9 983

8 744

235 989

Source : réponse à la question budgétaire n° 74 adressée au Ministère de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer

Selon les informations communiquées à votre rapporteur, « sur la base du calendrier actuel du projet, les dépenses à prévoir du 1er janvier 2016 à l’achèvement du projet s’élèvent à 5,5 milliards d’euros hors taxes courants (60) ».

Cette estimation est plus élevée que celle présentée par le rapport de Rémi Pauvros en raison notamment de l’évolution des coûts.

Sur la base du rapport remis par notre collègue Rémi Pauvros en juin 2015, le secrétaire d’État en charge des transports a confié à MM. Christian de Fenoyl et Noël de Saint-Pulgent la mission de consolider et de finaliser le financement du projet à travers la conclusion d’un protocole de financement et de gouvernance du projet réunissant l’État et les collectivités territoriales. L’article 5 de l’ordonnance publiée le 21 avril 2016 a donné une base légale à ce protocole (61).

Selon les informations communiquées à votre rapporteur, les travaux menés par MM. Christian de Fenoyl et Noël de Saint-Pulgent ont permis d’aboutir à la rédaction d’un protocole de financement et de gouvernance entre l’État et les collectivités territoriales co-financeuses qui est actuellement en voie de finalisation et d’approbation par les collectivités territoriales.

Ce protocole prévoit que les financements publics nécessaires à la réalisation de l’opération seront apportés à parité par l’État et par l’ensemble des collectivités territoriales, déduction faite des contributions de l’Union européenne et d’éventuelles sources de financement complémentaires qui pourront être mobilisées dans l’avenir.

Le montant conventionnel de participation de l’ensemble des collectivités territoriales a été fixé à 1,013 milliard d’euros, selon les informations communiquées par votre rapporteur (62).

Le conseil régional de Hauts-de-France a indiqué qu’il financerait le projet à hauteur de 302,6 millions d’euros, le conseil départemental du Nord doit verser 200 millions d’euros, celui du Pas-de-Calais, 130 millions d’euros, celui de l’Oise, 100 millions d’euros et celui de la Somme 70 millions d’euros, ce qui correspond à un total de 802,6 millions d’euros (63).

Si la participation de ces collectivités au financement semble désormais bien assurée, l’Île-de-France n’a pas, à ce stade, donné son accord sur le principe de sa participation au projet, ni sur le montant alors que le projet de protocole de financement prévoit que la région apporte 210 millions d’euros. Ce montant pourrait être réduit à 100 millions d’euros, selon les informations communiquées par la presse (64). Si cette position devait se confirmer, en application du principe de parité prévu entre dans le projet de protocole de financement, l’État et les collectivités territoriales qui se sont déjà engagées sur un montant devraient apporter 55 millions d’euros supplémentaires. Pour les collectivités territoriales, cela reviendrait à augmenter d’environ 7 % de financement prévu.

Votre rapporteur espère que les difficultés qui pèsent à cette heure sur la conclusion du protocole de financement seront surmontées d’ici la fin de l’année, sans quoi la société de projet – que le Président de la République s’est engagé à mettre en place avant la fin 2016 – ne pourra être créée, ce qui entravera le bon démarrage des travaux en 2017.

À cette incertitude sur la participation financière de la région Île-de-France s’ajoute un emprunt de 700 millions d’euros porté par la Société de projet prévu dans le plan de financement. Votre rapporteur souhaite donc que, dans un objectif de bonne gouvernance budgétaire et de lisibilité de l’action publique, le Gouvernement définisse au plus vite les moyens de financements complémentaires qu’il compte mobiliser.

Il pourrait notamment s’agir des redevances et taxes affectées dont l’article 6 de l’ordonnance du 21 avril 2016 permet la mise en place pour financer les travaux réalisés par la société de projet. Or les informations communiquées à votre rapporteur montrent que la nature de ces ressources est loin d’être définie. Celles-ci devraient être déterminées avant la conclusion de la convention de financement définitive de l’opération (65). Votre rapporteur considère qu’il aurait été préférable de définir ces ressources au moment de la préparation de la convention de financement, ce qui aurait évité de « mettre la charrue avant les bœufs ».

Par ailleurs, la signature de la convention de financement ne pourra intervenir qu’une fois que l’ensemble des collectivités territoriales aura délibéré positivement sur le protocole de financement.

Article 6 de l’ordonnance du 21 avril 2016

Cet article définit la liste des ressources dont l’établissement public « Société du Canal Seine-Nord-Europe » peut bénéficier :

– Les dotations, subventions, avances, fonds de concours ou participations apportées par l’État, ses établissements publics, les collectivités territoriales, leurs groupements, l’Union européenne ou toute autre personne ;

– Toute dotation ou participation apportée en nature par les collectivités territoriales et leurs groupements, les établissements publics ou toute autre personne, notamment sous forme de terrains ;

– Les produits des redevances domaniales dues pour l’occupation des biens et ouvrages immobiliers qui lui sont confiés ou dont il dispose ;

– Le produit de l’aliénation des biens meubles et immeubles dont il est propriétaire ;

– Les redevances et produits pour services rendus, notamment dans le cadre de ses activités domaniales ;

–  Les dons et legs ;

– Les produits de toute autre redevance ou taxe créée ou affectée à son profit par les textes législatifs ou réglementaires ;

– Toutes les recettes autorisées par les lois et règlements.

Le canal Seine-Nord-Europe doit permettre d’étendre l’hinterland fluvial des ports du Havre et de Rouen aux zones logistiques et aux céréales situées entre le Nord du bassin parisien et la région lilloise.

Toutefois, certaines difficultés de raccordement de ces ports à leur hinterland peuvent limiter ces effets positifs : raccordement difficile du port du Havre au réseau fluvial, congestion de l’axe ferroviaire qui dessert les ports de Rouen et du Havre, et congestion de certains points des axes routiers permettant d’accéder à Rouen.

Le grand port maritime du Havre possède des qualités nautiques importantes (il est le seul port en eau profonde en Europe avec Rotterdam), une localisation stratégique (il est le premier port touché sur la route de l’Asie) et un certain nombre de mesures ont été prises ces dernières années (création du GIE HAROPA, réalisation du projet « Port 2000 ») pour permettre de renforcer sa position (ainsi que celle du port de Rouen) :

– la création du GIE HAROPA, qui associe le grand port maritime du Havre, le grand port maritime de Rouen et les ports de Paris et permet de présenter une offre commerciale et de services unique et d’atteindre une taille critique permettant de concurrencer les grands ports belges et hollandais ;

– la réalisation du projet Port 2000, qui doit permettre de faire du port du Havre une plateforme d’importance à l’échelle européenne pour l’accueil des trafics internationaux de marchandises conteneurisées et résoudre le problème de saturation auquel le port est confronté. Ce projet recouvre à la fois la création de terminaux (66) et la mise en place d’un système de pré et de post acheminement performant qui implique une amélioration de dessertes ferroviaires et fluviales et la création d’un terminal multimodal (67).

Cependant, si le chantier multimodal du Havre, qui est un des éléments clés de la réussite de Port 2000, est achevé depuis juin 2015, « la société d’exploitation n’a pas pu faire démarrer le terminal selon le planning prévu en raison d’un certain nombre de dysfonctionnements » (68). Seule l’exploitation de la desserte fluviale a démarré fin 2015.

Par ailleurs, même quand le terminal multimodal sera enfin mis en service, d’autres investissements seront probablement nécessaires pour permettre aux ports du Havre et de Rouen de résister plus efficacement à la concurrence des ports belges. Au premier rang de ces investissements figurent les travaux à réaliser pour améliorer le raccordement fluvial et ferroviaire des ports normands avec leur hinterland.

En 2015, Le Havre détenait 8,66 % des parts de marché du Range Nord (contre 59,07 % pour Rotterdam et 26,37 % pour Anvers) (69). Il est le deuxième port français en tonnage après celui de Marseille. Il s’agit d’un port de commerce pour lequel l’importation de pétrole brut et le trafic de conteneurs (pour lequel Le Havre est le premier port français) constituent les deux activités principales.

En 2015, le trafic de pétrole brut (24,7 millions de tonnes) a représenté 62 % du trafic des vracs liquides (40,1 millions de tonnes), qui représentait lui-même 58,2 % du trafic total (68,9 millions de tonnes). Le trafic de conteneurs (25,5 millions de tonnes) a représenté 37 % du trafic total. Le trafic de vracs solides est quant à lui peu important : il représentait en 2015 seulement 2,3 % du trafic total et les importations de charbon constituaient le tiers du trafic des vracs solides (70).

L’hinterland du port du Havre est principalement constitué de la région parisienne et de la vallée de la Seine, qui sont desservies par les modes routier, ferré et fluvial. En 2006, 74 % des flux conteneurisés générés par le port du Havre étaient dirigés vers l’Essonne, les Hauts de Seine et la Seine-et-Marne (71). Les autres régions sous l’influence de ce port sont celles du Grand-Ouest et du Sud-Ouest français (72).

Le transport des vracs liquides se fait surtout par canalisations. C’est pourquoi, sur les 59,9 millions de tonnes qui ont fait l’objet d’un pré ou post acheminement terrestre en 2015, 60 % (36 millions de tonnes) ont été réalisés par des pipelines (73).

Pour le reste, le pré et le post acheminement terrestres s’effectuent par voie fluviale (12,8 %), par rail (8 %) et surtout par la route (74). Cette situation peut notamment s’expliquer par le fait que le port du Havre est relié aux réseaux autoroutiers européens par les autoroutes A131 et A29 et que cette desserte est considérée comme performante – même s’il existe des secteurs de congestion ponctuelle – tandis que la desserte ferroviaire (qui passe par Mantes) est saturée et que le port du Havre n’est pas relié par voie fluviale à l’ensemble de son hinterland. De plus, les modalités de raccordement du port du Havre au réseau fluvial posent problème (cf. ci-dessous).

Port 2000 est le principal site générateur de trafic fluvial au sein du grand port maritime du Havre. Toutefois, contrairement à l’ensemble des autres terminaux du port « historique », ceux situés dans le bassin de Port 2000 n’intègrent pas de dessertes fluviales « directes », c’est-à-dire permettant aux automoteurs et aux barges d’accéder directement du port intérieur aux quais de Port 2000.

Aujourd’hui, la « desserte » fluviale de Port 2000 est réalisée via un brouettage dans le cadre du terminal multimodal, ce qui crée une rupture de charge supplémentaire qui réduit la fiabilité du système et génère des surcoûts.

Pour accéder à Port 2000 sans recourir au brouettage, il faut disposer d’un bateau adapté et passer par l’estuaire de la Seine ou les bassins intérieurs du port du Havre puis faire un court trajet en mer. Dans ce cas, les bateaux utilisés ne peuvent pas être aussi chargés que s’ils n’avaient à emprunter qu’un accès direct, ce qui renchérit le coût du transport.

Avec le développement des capacités des terminaux de Port 2000 et la croissance de la taille des navires, le trafic conteneurisé du port du Havre est en train de se localiser majoritairement sur les terminaux de Port 2000 et les opérateurs réclament avec insistance la mise en place d’une connexion fluviale directe.

Cette question avait déjà été soulevée par Rémi Pauvros dans son rapport de 2013 et, dans le rapport relatif à l’attractivité des ports maritimes de l’axe Seine qu’ils ont remis le lundi 18 juillet 2016 au secrétaire d’État charge des transports, de la mer et de la pêche, Valérie Fourneyron et Charles Revet recommandent de « réaliser le plus rapidement possible un accès direct des barges fluviales aux terminaux » . En effet, ils considèrent qu’avoir privilégié la réalisation du terminal multimodal au détriment de la création d’un accès direct « a probablement été une erreur stratégique » et que ce terminal « aura toute sa justification » seulement « lors de la saturation des installations de Port 2000 » (75).

Selon les informations communiquées à votre rapporteur, « le grand port maritime du Havre mène, depuis fin 2012, une concertation avec l’ensemble des acteurs concernés, afin de déterminer si l’investissement dans une nouvelle desserte plus directe est justifié. Des études ont été lancées début 2016. Le grand port maritime du Havre a obtenu un financement de l’Union Européenne à hauteur de 1 M€ pour le lancement de ces études prévues dans le cadre du CPIER « Vallée de la Seine ». Elles doivent permettre d’éclairer l’ensemble des acteurs sur l’opportunité et la faisabilité d’un tel investissement. » (76).

Par ailleurs, Valérie Fourneyron et Charles Revet indiquent dans leur rapport du 18 juillet 2016 que, si l’ « on souhaite que la réalisation du canal Seine-Nord-Europe ne se fasse pas au détriment des ports maritimes de l’axe Seine » , il est indispensable de « phaser le projet de canal Seine-Nord-Europe du sud vers le nord » (77), de réaliser, au préalable, la mise au gabarit européen de l’Oise et d’adapter les ponts pour permettre la navigation à trois niveaux de conteneurs jusqu’à Longueuil-Sainte-Marie, de manière à rendre cet équipement utilisable par les ports maritimes de l’Axe Seine.

De plus, Valérie Fourneyron et Charles Revet se montrent préoccupés par l’absence de fiabilité des écluses de la Seine et particulièrement par celle de Méricourt, dont ils recommandent d’assurer l’entretien.

Les CPER 2013-2017 ont permis de financer certains travaux ainsi que des études pour la restauration des écluses et de rénovation des barrages (Suresnes, Méricourt, Bougival, Poses, Port-Mort) et la mise au grand gabarit de la Seine amont entre Bray-sur-Seine et Nogent-sur-Seine. Toutefois, de nombreux travaux restent à réaliser. C’est pourquoi 76 millions d’euros devraient être consacrés à ces opérations, qui seraient financées dans le cadre du CPIER 2015-2020 « Vallée de la Seine » (78) et du CPER 2015-2020 « Île-de-France » (79). Les opérations concerneraient :

– pour la Seine-aval : la modernisation des écluses et des barrages de Suresnes, Bougival, Méricourt, Poses et Port-Mort, la poursuite de l’opération de confortement de la digue de Croissy-sur-Seine et la mise en place d’un dispositif d’appui et de guidage des bateaux sous le pont-rail de Maisons-Laffitte ;

– pour la Seine-amont : la rénovation des écluses secondaires de la Haute Seine (notamment Le Coudray, Vives-Eaux, La Cave et Champagne-sur-Seine) et la régénération de barrages (Évry, La Cave, Ablon, Champagne-sur-Seine et Varennes-sur-Seine).

Enfin, Valérie Fourneyron et Charles Revet insistent sur la nécessité de réaliser les travaux permettant la mise au grand gabarit de la Seine amont entre Bray-sur-Seine et Nogent-sur-Seine, qui permettra de relier sans rupture de charge Nogent-sur-Seine au bassin parisien puis aux ports du Havre et de Rouen et ouvrira à ces ports un marché significatif en matière de vracs céréaliers et, dans une moindre mesure de conteneurs.

Les CPER 2013-2017 ont permis de financer les études préalables au débat public et les CPER « Île-de-France » et « Grand Est » 2015-2020 devraient financer les études de reconnaissance préalables, les études annexes à la maîtrise d’œuvre, les études de maîtrise d’œuvre, les frais d’assistance à maîtrise d’ouvrage ainsi que les premières acquisitions foncières. Votre rapporteur remarque que le financement des travaux ne semble pas encore prévu à ce stade. D’ailleurs, l’enquête publique ne devrait avoir lieu qu’en 2018. Votre rapporteur espère que le calendrier de réalisation de ces travaux sera cohérent avec celui de la construction du canal Seine-Nord-Europe, de manière à ce que Le Havre et Rouen puissent bénéficier de ces infrastructures dès la mise en service du canal Seine-Nord.

Dans son rapport de 2013, Rémi Pauvros indique que « pour le grand port maritime de Rouen, l’impact du projet de Canal Seine-Nord-Europe se révèle plutôt neutre » : le port de Rouen, qui est le premier port céréalier européen, « tirera parti du projet en optimisant la desserte de l’hinterland actuel, voire en l’étendant vers la région Champagne Ardennes » mais « concomitamment, l’élargissement de l’hinterland se traduira par une compétition accrue avec les ports du Range Nord » (80).

Pour permettre au port de Rouen de s’adapter à cette nouvelle donne, il convient de trouver une solution à la congestion des axes routiers et ferroviaires qui le desservent.

Le port de Rouen est un port de commerce d’importance moindre que celui du Havre (il est le cinquième port français en tonnage). Le trafic de vracs liquides et solides constitue sa principale source d’activité. En 2015, les vracs liquides représentaient 42,7 % du trafic (9,6 millions de tonnes) et une grande part du trafic de ces vracs concernait les produits pétroliers raffinés (66,7 % du trafic des vracs liquides), ce qui fait du port de Rouen le deuxième port français pour les produits pétroliers raffinés (81). Les vracs solides représentaient quant à eux 50 % du trafic (11,3 millions de tonnes) et le trafic des céréales en représentait 72,6 % (8,2 millions de tonnes) (82). À la différence du port du Havre, l’activité « conteneurs » est marginale : le trafic de conteneurs ne représentait en 2015 que 4,1 % du trafic (0,9 million de tonnes) (83).

En 2015, sur les 22,5 millions de tonnes de trafic du grand port maritime de Rouen, 14,8 millions étaient susceptibles de faire l’objet de pré ou de post acheminement terrestres, selon les informations communiquées à votre rapporteur. La part modale de la route était de 71,7 %, celle du fluvial de 21,6 % et celle du rail de 6,7 %. La part modale du ferroviaire a fortement diminué depuis 2007.

La prépondérance du mode routier peut notamment s’expliquer par le fait que le port de Rouen bénéficie d’infrastructures performantes comme les autoroutes A13, A28 et A29 ainsi que les routes nationales RN154, RN31 et RD6014 qui viennent compléter ce réseau et servent notamment pour au transport des produits agroalimentaires et phytosanitaires (céréales, engrais, …).

La part modale du fluvial est supérieure à la moyenne nationale (11,5 %) (84), ce qui peut notamment s’expliquer par le fait que le port de Rouen est non seulement un port maritime mais aussi un port fluvial sur la Seine et qu’une grande partie de son activité est liée aux céréales, pour lesquelles le transport par voie d’eau est particulièrement adapté. La part modale du fluvial a d’ailleurs doublé entre 2007 et 2015.

L’hinterland du port de Rouen est structuré autour de quatre axes (85) :

– l’axe historique, qui va de Rouen à la Beauce en passant par l’Île-de-France et qui concerne surtout les trafics de céréales et d’engrais. Cet axe représente 80 % des trafics ferroviaires portuaires ;

– l’axe allant vers le Nord et l’Est, qui concerne les trafics agroalimentaires et ceux relatifs aux produits métallurgiques, chimiques et aux ciments ;

– l’axe allant vers l’Ouest, qui concerne les trafics relatifs aux produits agricoles et aux engrais ;

– l’axe allant vers le Sud concerne notamment les trafics de conteneurs.

Pour que le port de Rouen puisse tirer pleinement parti de l’extension de son hinterland que permettra le canal Seine-Nord et puisse résister efficacement à la concurrence des ports belges et hollandais, il est nécessaire de prendre certaines mesures.

Valérie Fourneyron et Charles Revet ont ainsi insisté dans leur rapport de juillet 2016 sur la nécessité d’améliorer l’accès routier au port de Rouen. En effet, si le boulevard maritime est une artère économique essentielle pour le port dont il permet la desserte des zones portuaires et industrielles, il est ouvert à la circulation générale et il est donc indispensable d’achever sa réhabilitation, entamée en 2001 (jusqu’ici, seulement sept kilomètres sur quatorze ont été réhabilités). De plus, il sera nécessaire à terme, d’aménager les échangeurs sur les têtes Nord et Sud du pont Flaubert, ce qui permettra d’améliorer la fluidité de la desserte des terminaux portuaires et de réaliser le contournement Est de Rouen (liaison A28-A13) pour faciliter l’accès des poids lourds.

Enfin, il est indispensable d’améliorer les conditions de desserte ferroviaire du port de Rouen, pour enrayer la régression de la part modale du ferroviaire et offrir une alternative compétitive et fiable à la route. Pour ce faire, il convient de réaliser au plus vite l’électrification de la ligne Serqueux-Gisors, ce qui bénéficiera également au port du Havre.

Les ports normands ont accès au marché de la région parisienne grâce à une liaison ferroviaire « historique » qui passe par Mantes et grâce à une liaison qui passe par Creil mais présente des inconvénients importants en termes de coûts et de délais. Or, ces deux lignes sont aujourd’hui saturées et la situation va devenir encore plus difficile dans les années à venir du fait des travaux prévus (notamment la régénération de l’Ouest parisien et le prolongement de la ligne Eole).

C’est pourquoi, Valérie Fourneyron et Charles Revet recommandent d’ « engager dans les meilleurs délais les travaux de la liaison ferroviaire Serqueux-Gisors » (86). En effet, cette ligne pourra constituer un itinéraire alternatif à l’axe historique qui ouvrira au port du Havre un accès par le nord de la région francilienne, contournant l’agglomération rouennaise et évitant les points durs du réseau ouest francilien. Des travaux de remise à niveau de cette ligne ont déjà été réalisés en 2013, pour un coût de 105 millions d’euros. Toutefois, il faut désormais aménager et électrifier la ligne. Selon les informations communiquées à votre rapporteur sur le financement des travaux, ces derniers coûteront 295 millions d’euros mais ils bénéficieront de plus de 71 millions de subventions européennes.

En ce qui concerne la mise en œuvre des travaux, il a été indiqué à votre rapporteur que la commission d’enquête publique concernant la modernisation de la ligne a rendu en juillet 2016 un avis favorable au projet en l’assortissant de deux réserves et que le mémoire en réponse du maître d’ouvrage est en cours de réalisation. Selon les informations communiquées à votre rapporteur, c’est en 2019 que la ligne rénovée doit être mise en service (87).

Pour compléter ces mesures, Valérie Fourneyron et Charles Revet préconisent par ailleurs de renforcer la fiabilité de la réservation des sillons ferroviaires fret sur les différents itinéraires à partir des ports de l’axe Seine et de coordonner les exploitations des réseaux de triage SNCF, des réseaux ferrés portuaires et des installations industrialo– portuaires terminales.

EXAMEN EN COMMISSION

Dans le cadre de la commission élargie, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné pour avis, sur les rapports pour avis de MM. Rémi Pauvros, Jacques Alain Bénisti, Stéphane Demilly, Jacques Krabal, Michel Lesage, François-Michel Lambert et Guillaume Chevrollier, les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » (voir compte rendu officiel de la commission élargie du mercredi 26 octobre 2016, sur le site Internet de l’Assemblée nationale) (88).

*

* *

À l’issue de la commission élargie, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a délibéré sur les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

Le Président Jean-Paul Chanteguet. Nous en venons à l’examen par notre commission des crédits demandés au titre de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

Je rappelle que MM. Jacques Krabal, Michel Lesage, François-Michel Lambert, Jacques Alain Bénisti et Rémi Pauvros émettent un avis favorable, que M. Guillaume Chevrollier émet un avis défavorable à l’adoption des crédits et que M. Stéphane Demilly propose de s’abstenir.

*

La commission donne un avis favorable à l’adoption des crédits relatifs à la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

*

Le Président Jean-Paul Chanteguet. Il nous faut examiner les amendements déposés. Sur les neuf amendements qui visent à créer des articles additionnels après l’article 55, un a été retiré et trois ont été déclarés irrecevables par la commission des finances : les II-CD3, II-CD5 et II-CD9.

La commission examine l’amendement n° II-CD11 de M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. Cet amendement vise, d’une part, à rendre opérationnels le Crédit d’Impôt Transition Énergétique (CITE), la TVA à taux réduit et l’éco-PTZ pour le raccordement à un réseau de chaleur vertueux et, d’autre part, à valoriser les énergies de récupération. Il est soutenu par le réseau Amorce c’est-à-dire par la fédération des élus locaux.

Suivant l’avis favorable du rapporteur pour avis François-Michel Lambert, la commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement n° II-CD10 de M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. Cet amendement vise à exonérer – de manière temporaire et conditionnelle – les installations de méthanisation de déchets non-dangereux et de matière végétale brute non-agricole de la taxe foncière sur les propriétés bâties et de la cotisation foncière des entreprises. Il s’agit d’encourager le développement de la filière méthanisation, qui est indispensable pour atteindre les objectifs ambitieux en matière d’énergies renouvelables tels qu’ils sont affichés dans la loi de transition énergétique pour la croissance verte.

M. François-Michel Lambert, rapporteur pour avis. Je soutiens cette idée.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement n° II-CD7 de Mme Laurence Abeille.

Mme Laurence Abeille. La taxe sur les éoliennes maritimes, régie par les articles 1519 B et 1519 C du code général des impôts, bénéficiera aux communes littorales, au Comité national des pêches maritimes et des élevages marins (CNPMEM), aux organismes mentionnés à l'article L. 742-9 du code de la sécurité intérieure et aux projets concourant au développement durable des autres activités maritimes ou contribuant à la réalisation ou au maintien du bon état écologique du milieu marin. Cet amendement propose d’affecter les 10 % prévus pour de tels projets à l’Agence française pour la biodiversité en faveur de la préservation des écosystèmes marins et littoraux.

Le Président Jean-Paul Chanteguet. Notre rapporteur pour avis, M. Stéphane Demilly, m’a fait part de son désaccord.

Mme Laurence Abeille. C’est dommage car les contacts que j’ai pris avec le ministère de l’environnement sont plutôt positifs, s’agissant notamment d’un taux inférieur à 10 %. Mais je retire cet amendement et je le redéposerai pour la séance publique.

L’amendement est retiré.

La Commission examine alors l’amendement n° II-CD6 de Mme Laurence Abeille.

Mme Laurence Abeille. De manière similaire au précédent, cet amendement vise à ce que l’affectation de la taxe sur les hydroliennes suive la même logique que l’affection de la taxe prévue pour les éoliennes en mer avec une part d’au moins 10 % affectée à l’Agence Française pour la Biodiversité, afin qu’elle puisse assurer ses missions de protection des milieux marins.

Le Président Jean-Paul Chanteguet. M. Stéphane Demilly, rapporteur pour avis, donne un avis défavorable à l’adoption de cet amendement car, si le souci de renforcer les ressources de l’AFB est louable, il estime qu’une telle mesure doit faire l’objet d’une concertation avec les associations représentant les collectivités territoriales.

La Commission rejette l’amendement.

Le Président Jean-Paul Chanteguet. Nous en avons terminé avec l’examen des crédits consacrés à l’écologie, au développement et à la mobilité durables.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Cabinet du secrétaire d'État chargé des transports, de la mer et de la pêche

– Mme Constance Deler, conseillère parlementaire

– M. François Lambert, conseiller mer, outre-mer, ports et transport fluvial

– M. Nicolas Sproni, conseiller infrastructures routières, ferroviaires et fluviales

Ministère de l’Écologie, du développement durable et de l’énergie - Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer

– M. Francois Poupard, directeur général des infrastructures, des transports et de la mer

– Mme Christine Bouchet, directrice des infrastructures de transports

– M. Thierry Coquil, directeur des affaires maritimes

– M. Marc Sandrin, sous-directeur des ports et du transport fluvial de la direction des services de transport

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