N° 4132 tome X - Avis de Mme Huguette Bello sur le projet de loi de finances pour 2017 (n°4061).



N
°  4132

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 octobre 2016.

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI (n° 4061)
de
finances pour 2017

TOME X

OUTRE-MER

DÉPARTEMENTS D’OUTRE-MER

PAR Mme Huguette BELLO

Députée

——

Voir le numéro : 4125-III-33

En application de l’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), les réponses au questionnaire budgétaire devaient parvenir à la rapporteure pour avis au plus tard le 10 octobre 2016 pour le présent projet de loi de finances.

À cette date, seules 28 % des réponses étaient parvenues à votre rapporteure pour avis qui regrette que les prescriptions de la loi organique n’aient pas été respectées, malgré la disponibilité des services du ministère des Outre-mer.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I. UNE HAUSSE DU BUDGET DES OUTRE-MER QUI DOIT ENCORE ÊTRE CONFIRMÉE 7

A. UNE LÉGÈRE HAUSSE DES CRÉDITS DE LA MISSION OUTRE-MER 7

1. Le programme 138 « Emploi outre-mer » 8

2. Le programme 123 « Conditions de vie outre-mer » 10

3. La nécessaire suspension de la réduction en sifflet des zones franches d’activité 12

B. UNE HAUSSE CONTINUE DES CRÉDITS EN FAVEUR DES OUTRE-MER AU SEIN DU BUDGET 12

C. UN EFFORT GÉNÉRAL EN FAVEUR DES COLLECTIVITÉS RÉGIES PAR L’ARTICLE 73 DE LA CONSTITUTION 13

D. LES CONCOURS FINANCIERS DE L’UNION EUROPÉENNE 14

II. LES SOIXANTE-DIX ANS DE L’ARTICLE 73, DE L’UNIFORMITÉ À UNE LARGE LIBERTÉ D’ORGANISATION 16

A. EN 1946, UNE DÉPARTEMENTALISATION DANS UNE LOGIQUE D’ASSIMILATION 16

1. En finir avec une spécialité subie 16

2. La départementalisation de 1946 et l’identité législative 18

3. Une présence pourtant renforcée de l’État central 19

4. La jurisprudence du Conseil constitutionnel avant la révision du 28 mars 2003 20

B. LE SYSTÈME ISSU DE LA RÉVISION CONSTITUTIONNELLE DE 2003 : VERS UNE SPÉCIALITÉ CHOISIE ? 21

1. La nouvelle rédaction de la Constitution 22

2. La consultation des populations, garantie démocratique intangible 23

3. Des départements qui n’en sont plus vraiment 24

4. Des compétences normatives aménageables sur demande 26

a. Des possibilités ouvertes par la Constitution 26

b. Des demandes d’habilitation nombreuses depuis 2009 27

c. Une jurisprudence désormais favorable 34

i. Le Conseil constitutionnel 34

ii. Le Conseil d’État 35

5. Une liberté d’organisation institutionnelle à parachever 36

EXAMEN EN COMMISSION 39

PERSONNES ENTENDUES 75

Mesdames, Messieurs,

La particularité géographique des départements de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique, de Mayotte et de La Réunion confère à un grand nombre de problématiques juridiques une dimension particulière qui, par ailleurs, ne peut être séparée de l’héritage historique de ces territoires.

Avec le XXe siècle, les outre-mer se sont inscrits dans la République et dans ses valeurs, à l’opposé des meurtrissures du passé, des horreurs de la traite, de l’abomination de l’esclavage, de la marque de la colonisation. C’est l’honneur des députés ultramarins qui siégeaient à l’Assemblée nationale constituante, en 1946, d’avoir demandé et obtenu, d’une représentation nationale décidée à combattre partout la barbarie que l’Europe venait de subir si durement, que ces territoires soient départementalisés, que la loi soit la même pour tous, que chacun soit regardé également par les pouvoirs publics.

La départementalisation apparaissait alors comme une promesse : celle d’un respect mutuel de tous les territoires de France. Dans une nation éprise d’égalité, de surcroît forgée par les idéaux de 1789, tous ont pensé que l’égalité serait mieux servie par l’uniformité institutionnelle. C’est ainsi que le département révolutionnaire et le préfet impérial arrivèrent outre-mer.

Ces idées ont fait leur chemin et, si chacun s’émerveillait de leurs promesses, tous ont aussi constaté leurs limites. Dans l’Hexagone comme outre-mer, la décision ne pouvait durablement s’imposer de Paris, sans considération des particularités des territoires, moins encore quand ces particularités sont celles d’autres continents que l’Europe.

La France s’est décentralisée dans les années 1980 notamment. En 2003, quand elle a inscrit à l’article 1er de la Constitution ce principe de décentralisation, elle a également comblé un vide en modifiant l’article 73 relatif aux départements et régions d’outre-mer. Soumis depuis 1946 à l’identité législative et à la volonté de la loi, ces territoires allaient pouvoir décider plus librement de leur organisation interne, en accord avec les populations, et des normes destinées à s’y appliquer. Une forme de spécialité bienvenue apparaissait mais, malheureusement, pas à La Réunion. Cette singularité est d’autant plus regrettable qu’il apparaît de plus en plus nettement que les appréhensions avancées lors des débats parlementaires de 2003 étaient dépourvues de fondement.

Treize ans après la révision de 2003, les départements et régions d’outre-mer ont su se saisir des opportunités qui leur étaient données. Les cinq territoires connaissent des droits et des organisations différentes, compatibles avec les enjeux particuliers auxquels ils sont confrontés. Les habilitations à corriger la norme nationale se multiplient. Les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution ont connu une véritable émancipation au sein de la République.

Votre rapporteure pour avis a souhaité s’interroger sur le chemin parcouru et, tout aussi clairement, sur le chemin restant à parcourir. Si certaines évolutions sont désormais d’incontestables acquis, comme par exemple la garantie de consultation des populations avant toute évolution statutaire, d’autres droits restent à conquérir.

À l’heure où la Martinique et la Guyane ont installé leur collectivité territoriale unique, à l’heure où la volonté des citoyens de Mayotte de se rapprocher de la République a été entendue, la suppression du « verrou de l’article 73 alinéa 5 », qui empêche tout changement et toute initiative réunionnaise, doit désormais constituer un objectif.

Alors que l’année 2016 a été ponctuée par différentes manifestations marquant les sept décennies de la départementalisation des « quatre vieilles colonies », le présent avis réservera sa partie thématique aux soixante-dix ans de l’article 73 de la Constitution.

La mission Outre-mer regroupe les dotations budgétaires allouées par l’État aux territoires ultramarins et gérées par le ministère des outre-mer.

ÉVOLUTION ANNUELLE DES CRÉDITS DE LA MISSION OUTRE-MER

Numéro et intitulé (programme et action)

Autorisations d’engagement
(millions d’euros)

Crédits de paiement
(millions d’euros)

LFI 2016

PLF 2017

Variation

LFI 2016

PLF 2017

Variation

138

Emploi outre-mer

1 360

1 288

- 5 %

1 360

1 291

- 5 %

01

Soutien aux entreprises

1 111

1 039

- 6,5 %

1 111

1 042

- 6 %

02

Aides à l’insertion et à la qualification professionnelle

246

247

0 %

247

247

0 %

03

Pilotage des politiques des outre-mer

2,4

2,1

- 12,5 %

2,4

2,1

- 12,5 %

123

Conditions de vie outre-mer

717 

849

+ 18 %

701

788

+ 12 %

01

Logement

248

247

0 %

235

233

- 1 %

02

Aménagement du territoire

143

144

0 %

175

165

- 6 %

03

Continuité territoriale

42

42

0 %

43

42

- 2 %

04

Sanitaire, social, culture, jeunesse et sports

20

27

+ 35 %

20

19

- 5 %

06

Collectivités territoriales

199

300

+ 51 %

188

281

+ 49 %

07

Insertion économique et coopération régionales

1

1

0 %

1

1

0 %

08

Fonds exceptionnel d’investissement

40

40

0 %

27

35

+ 30 %

09

Appui à l’excès aux financements bancaires

25

47

+ 88 %

12

13

+ 8 %

Total Mission

2 077

2 137

+ 2,9 %

2 061

2 079

+ 0,9 %

Source : annexe au projet de loi de finances pour 2017.

Les crédits de la mission Outre-mer sont affectés à deux programmes :

– le programme 138 « Emploi outre-mer » comprend trois actions dont les crédits destinés aux aides aux entreprises et aux divers dispositifs de formation professionnelle spécifiques aux outre-mer, ainsi que les moyens nécessaires au pilotage des politiques publiques – c’est-à-dire le financement des services du cabinet du ministère des outre-mer, de la direction générale des outre-mer (DGOM) et de la délégation interministérielle à l’égalité des chances des Français d’outre-mer (DIECFOM) ;

– le programme 123 « Conditions de vie outre-mer » compte huit actions dont les crédits destinés au financement des dispositifs propres aux outre-mer (aides au logement, continuité territoriale, coopération régionale, dispositifs sanitaires, culturels et sociaux, accès au financement bancaire) ainsi que les financements affectés au soutien à l’investissement des collectivités territoriales.

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2017, les crédits de la mission Outre-mer s’élèvent à 2,14 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE), soit une hausse de 3 % par rapport à l’exercice budgétaire précédent, et à 2,1 milliards d’euros en crédits de paiement (CP), soit une stabilisation par rapport à 2015.

En cohérence avec les engagements pris par le Président de la République lors de la campagne présidentielle de 2012, les moyens alloués à la mission atteignent un montant toujours supérieur au seuil des 2 milliards d’euros. Cette constance, alors même que la France s’inscrit dans une dynamique de redressement des finances publiques et de réduction des crédits budgétaires, confirme que les Outre-mer constituent bien une priorité de la nation, contrairement à ce que laissaient conclure les baisses significatives constatées au cours de la précédente mandature. Votre rapporteure pour avis salue cette orientation suivie dans la totalité des projets de loi de finances présentés au cours de la XIVe Législature.

CRÉDITS VOTÉS EN LOI DE FINANCES POUR LA MISSION OUTRE-MER

(en millions d’euros)

Année

2006

2007

2008

2009

2010

2011

CP

1 991

1 857

1 620

1 871

2 023

1 977

Année

2012

2013

2014

2015

2016

2017

CP

1 966

2 039

2 058

2 062

2 016

2 032

Source : réponse au questionnaire budgétaire adressé au Gouvernement.

Le montant des crédits prévus par le programme 138 s’élève à 1 288 millions d’euros en autorisations d’engagement et 1 291 millions d’euros en crédits de paiement. Ils accusent une baisse de 5 % au regard du précédent exercice budgétaire.

La dotation destinée à compenser aux régimes sociaux les exonérations de charges patronales dont bénéficient les entreprises (action n° 1) représente un peu plus ou un peu moins de la moitié du budget de l’ensemble de la mission Outre-mer selon que l’on prenne en considération les crédits de paiement ou les autorisations d’engagement. La prévision par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) d’une baisse des besoins de financement en la matière, de l’ordre de 60 millions d’euros, explique l’orientation à la baisse du programme 138.

Le projet de loi de finances réaffirme par ailleurs la priorité que constitue la formation pour améliorer l’employabilité des jeunes ultramarins (action n° 2). Cette ambition se traduit par une mobilisation en faveur de la formation en mobilité, de l’insertion et de la qualification professionnelle, auxquelles sont consacrés 42 millions d’euros en crédits de paiement – dont 33 millions d’euros pour la formation en mobilité, 2 millions d’euros pour l’insertion dans les collectivités d’outre-mer et 7 millions d’euros pour divers dispositifs spécifiques (1). Elle a également pour conséquence la progression de la subvention pour charges de service public de l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité (LADOM), portée à 7,8 millions.

Le programme 138 poursuit également l’objectif de 6 000 personnes concernées chaque année par le service militaire adapté (SMA). Pour ce faire, il disposera de 48 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, dont 31 millions d’euros en fonctionnement et 17 millions d’euros en investissement – l’effort nécessaire étant d’ores et déjà en grande partie accompli sur ce dernier point, les dotations d’investissement connaissent une diminution de l’ordre de 5 % par rapport à 2016. Huit centres fonctionnent dont sept sont implantés outre-mer.

LES CENTRES DE SERVICE MILITAIRE ADAPTÉ

ttp://www.le-sma.com/images/stories/pour_rubriques/Mappesma-ronde.png

Source : http://www.le-sma.com/presentation/les-centres.html

Le service militaire adapté

Relevant du ministère des Outre-mer, le Service militaire adapté (SMA) est un dispositif militaire d’insertion socioprofessionnelle des jeunes ultramarins, de 18 à 25 ans, éloignés du marché de l’emploi.

Le SMA a formalisé et développé une méthode qui tire sa légitimité et son succès de la plus-value qu’elle apporte tant en matière d’éducation citoyenne et comportementale que de préformation professionnelle. Cette méthode, garante d’une meilleure employabilité, repose sur deux règles :

– l’approche socio-économique visant à répondre simultanément à l’accomplissement personnel de chaque jeune volontaire et aux besoins du marché de l’emploi (outre-mer et dans l’Hexagone) ;

– le développement et la mise en œuvre d’un projet éducatif et d’une pédagogie adaptés qui visent à développer les compétences sociales et les compétences professionnelles de chaque volontaire en s’appuyant sur une dizaine de familles professionnelle et de plus de 70 spécialités.

En 2009, le SMA s’est engagé dans une montée en puissance visant à doubler ses effectifs à l’horizon 2017 pour atteindre une cible de 6 000 bénéficiaires. Résolument engagé dans ce défi social, le SMA aura accueilli, en 2015, 5 764 jeunes ultramarins en difficulté et affiche un taux de sorties dynamiques de 76,3 %.

Plus que jamais, le cadre de vie militaire, le volontariat du jeune, l’approche globale de l’accompagnement et l’objectif d’employabilité sont les ingrédients majeurs de la performance du SMA. Cette réussite, jamais acquise d’emblée, est à mettre au crédit des cadres militaires dont la disponibilité et l’implication au profit des jeunes sont totales.

Les cadres servant au SMA sont détachés du ministère de la Défense pour la durée de leur mandat. Leur rémunération provient entièrement du programme 138. Ils sont désignés au regard de leurs compétences professionnelles, de leur expérience du commandement et font preuve d’un très fort engagement personnel au service des jeunes. De nombreux acteurs apportent leur contribution de manière significative, notamment au niveau local : les collectivités territoriales, via les subventions régionales spécifiques, et les entreprises. Par ailleurs, les Fonds de concours européens contribuent à environ 22 % du financement des investissements et du fonctionnement du SMA (2) .

Enfin, l’action n° 3 regroupe les crédits nécessaires au pilotage des politiques publiques ultramarines, c’est-à-dire au financement des administrations centrales du ministère des outre-mer, pour un montant légèrement supérieur à 2 millions d’euros.

Le programme 123 comprend les crédits des politiques publiques en faveur de l’amélioration des conditions de vie dans les outre-mer. Il compte 787,6 millions d’euros en crédits de paiement et 848,7 millions d’euros en autorisations d’engagement soit, par rapport à l’exercice budgétaire précédent, une progression de 12,3 % en crédits de paiement et de 18,1 % en autorisations d’engagement.

Les crédits de l’action n° 1, relative au logement, représentent un peu moins du tiers de l’enveloppe globale du programme 123 en autorisations d’engagement. Ils sont sanctuarisés à hauteur de 247 millions d’euros, niveau retenu par la loi de finances précédente. Un an après le lancement du Plan logement Outre-mer, la préservation des crédits de la ligne budgétaire unique (LBU) (3) constitue un signe fort dans le soutien apporté à ce secteur essentiel aux économies ultramarines, d’autant qu’elle se double de la suppression de l’agrément fiscal préalable pour le crédit d’impôt en faveur du logement social dans les Outre-mer, décidée dans le cadre du projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dit « Sapin 2 » (4).

Les crédits dévolus à l’aménagement du territoire (action n° 2) et à la continuité territoriale (action n° 3) demeurent relativement stables par rapport à l’année précédente.

Le projet de loi de finances réaffirme le soutien accordé à l’investissement dans les Outre-mer, notamment au travers de la commande publique (action n° 8). Les montants consacrés à l’appui pour l’accès aux financements bancaires connaissent une progression de 25 millions d’euros en autorisations d’engagement. Le rehaussement significatif des crédits dévolus à la bonification des prêts accordés par l’Agence française de développement (AFD), soit + 77 % par rapport à 2016, favorise le financement de projets structurants pour le développement économique des territoires ultramarins (action n° 09). Votre rapporteure pour avis se réjouit de la mise en place d’un prêt à taux zéro (PTZ) au profit de projets relatifs aux énergies renouvelables, en accord avec la feuille de route gouvernementale publiée en 2016 pour la transition écologique.

L’article 60 du projet de loi de finances créé une dotation budgétaire de soutien à l’investissement des communes et de leurs groupements dans l’Hexagone et dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution. Son montant est fixé à 1,2 milliard d’euros.

Enfin, le budget de la mission Outre-mer prévoit le financement, à hauteur de 10 millions d’euros en autorisations d’engagement, des travaux de construction de la Cité des Outre-mer. Résultant d’un engagement tripartite associant à l’État la Ville de Paris et le conseil régional d’Île-de-France, ce projet constituera un outil au service du rayonnement des territoires et des cultures des outre-mer.

Le projet de loi de finances pour 2016 a permis de sécuriser les principaux dispositifs d’aide fiscale à l’investissement outre-mer, conformément aux engagements du Président de la République. Les dispositifs de défiscalisation ont été prorogés jusqu’en 2020 pour les départements et régions d’outre-mer et jusqu’en 2025 pour les collectivités d’outre-mer.

Pour satisfaire une demande répétée des acteurs économiques des outre-mer, le Gouvernement a accepté de maintenir en l’état les dispositifs de zone franche d’activité (ZFA) et de geler la dégressivité des abattements fiscaux dont bénéficient les entreprises ultramarines. Ce sont 15 millions d’euros de fiscalité locale qui ne devraient donc pas être prélevés. Une réflexion globale est engagée pour une prochaine refonte des modalités de soutien des entreprises par des allégements de charges, afin d’en clarifier les modalités et d’en limiter les effets d’aubaine, notamment dans le cadre du projet de loi relatif à l’égalité réelle outre-mer.

Enfin, la simplification de la procédure de crédit d’impôt pour le logement social par la suppression de l’agrément préalable, déjà évoquée, et l’offre de préfinancement du crédit d’impôt pour les investissements productifs par la Banque publique d’investissement, ont également concouru à la solidarité nationale en faveur des outre-mer.

Dans la contribution budgétaire totale de l’État en faveur des outre-mer, les crédits de la mission Outre-mer ne représentent qu’une part limitée. Cet engagement financier s’élève à 16,6 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 16,4 milliards d’euros en crédits de paiement dans le projet de loi de finances pour 2017.

ÉVOLUTION SUR TROIS ANS DES CRÉDITS DESTINÉS AUX OUTRE-MER

(en millions d’euros)

Exécution 2015

LFI 2016

PLF 2017

Variation

AE

CP

AE

CP

AE

CP

2016/2015

2017/2016

14 575

14 434

15 782

15 824

16 581

16 379

+ 8,3 %

+ 5,1 %

Source : ministère des Outre-mer.

Ces chiffres, dont votre rapporteure pour avis a pu obtenir communication avant la publication du document de politique transversale par le ministère des Finances, doivent être augmentés des montants mobilisés au moyen de la dépense fiscale. Celle-ci s’établissait, au cours du précédent exercice budgétaire, à un peu moins de 4 milliards d’euros. L’enveloppe globale consacrée aux outre-mer devrait donc avoisiner les 20 milliards d’euros pour l’année 2017.

Votre rapporteure pour avis constate, à son tour, que les montants totaux engagés par l’État sur les territoires ultramarins ne relèvent que très partiellement du ministère des Outre-mer : plus de 80 % des crédits participant au développement des Outre-mer ne dépendent pas de son autorité.

La présentation globale des crédits budgétaires consacrés aux outre-mer ne doit pas masquer la diversité des dotations que reçoit chaque territoire ultramarin en particulier. Comme l’indique le tableau ci-dessous, le projet de loi de finances pour 2017 prévoit une progression des sommes perçues par chacun par rapport à 2016, à la notable exception des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) par ailleurs dénuées de population résidente permanente.

ÉVOLUTION DE L’EFFORT BUDGÉTAIRE ET FINANCIER DE L’ÉTAT PAR DROM-COM

en millions d’euros

Exécution 2015

LFI 2016

PLF 2017

Évolution AE

Collectivité bénéficiaire

AE

CP

AE

CP

AE

CP

2016/2015

2017/2016

Guadeloupe

2 357

2 296

2 728

2 650

2 717

2 706

+ 16 %

0 %

Guyane

1 676

1 676

1 849

1 851

1 977

1 967

+ 10 %

+ 7 %

Martinique

2 168

2 143

2 420

2 431

2 559

2 463

+ 12 %

+ 6 %

La Réunion

4 525

4 495

4 937

4 922

5 128

5 098

+ 9 %

+ 4 %

Mayotte

849

846

923

937

1 038

1 010

+ 9 %

+ 12 %

Nouvelle-Calédonie

1 237

1 237

1 196

1 224

1 280

1 289

- 3 %

+ 7 %

Polynésie française

1 291

1 316

1 235

1 321

1 356

1 337

- 4 %

+ 10 %

Wallis et Futuna

140

113

110

113

126

125

- 22 %

+ 15 %

Saint-Pierre-et-Miquelon

80

82

111

108

121

115

+ 40 %

+ 9 %

Saint-Martin

54

53

65

61

66

65

+ 19 %

+ 3 %

Saint-Barthélemy

2,5

2,6

2,4

2,4

2,4

2,4

- 2 %

+ 1 %

TAAF

21

21

26

25

21

21

+ 18 %

- 17 %

Non réparti

166

145

173

171

181

173

+ 4 %

+ 5 %

Total (tous territoires)

14 573

14 432

15 780

15 822

16 579

16 378

+ 8 %

+ 5 %

Source : ministère des Outre-mer (5).

Votre rapporteure pour avis se félicite de cet accroissement général de l’effort national en faveur des départements et régions d’outre-mer, qui s’inscrit désormais dans la durée.

Elle constate, cependant, la persistance d’une inégalité dans la distribution par habitant des crédits de l’État. Si les quatre collectivités les plus anciennes reçoivent des montants comparables, quoiqu’un peu plus pour la Guyane et un peu moins pour La Réunion, on ne peut que déplorer la faiblesse de l’action publique sur le territoire de Mayotte, alors même que la départementalisation du territoire est engagée depuis maintenant plus de cinq ans.

EFFORT BUDGÉTAIRE ET FINANCIER PAR DROM-COM ET PAR HABITANT

 

Population

PLF 2017 (autorisations d’engagement, en euros)

Rapport
(en euros par habitant)

Guadeloupe

400 132

2 717 434 183

6 791

Guyane

254 541

1 977 514 204

7 769

Martinique

378 243

2 559 042 744

6 765

La Réunion

843 529

5 128 489 253

6 080

Mayotte

226 915

1 038 752 080

4 577

Nouvelle-Calédonie

245 580

1 280 965 566

5 216

Polynésie française

268 270

1 356 433 777

5 056

Wallis et Futuna

12 197

126 907 185

10 405

Saint-Pierre-et-Miquelon

6 069

121 372 185

19 999

Saint-Martin

35 742

66 962 044

1 873

Saint-Barthélemy

9 131

2 475 818

271

TAAF

196 (non permanents)

21 717 062

Non pertinent

Source : commission des Lois de l’Assemblée nationale, ministère des Outre-mer et Insee (6).

Votre rapporteure pour avis appelle l’État à renforcer le soutien aux Mahorais, de surcroît confrontés à une situation économique et démographique sans équivalent dans l’espace national.

L’Union européenne comporte neuf régions ultrapériphériques (RUP) : l’archipel des Canaries qui appartient à l’Espagne, les archipels des Açores et de Madère qui font partie du Portugal, et les collectivités d’outre-mer régies par l’article 73 de la Constitution – dont Mayotte depuis le 1er janvier 2014 – ainsi que Saint-Martin (7).

Ces territoires font partie intégrante de l’Union européenne : le droit européen leur est, par conséquent, pleinement applicable par principe, et l’Union y intervient par ses fonds structurels.

Pour les RUP françaises, le montant financier octroyé au titre de la politique de cohésion, de l’agriculture et de la pêche atteint plus de 5 milliards d’euros pour la période 2014/2020. Il provient du :

– Fonds européen de développement régional (FEDER), qui concentre ses interventions sur la recherche, l’innovation, les infrastructures dont les transports, le développement économique, l’aide aux PME, la prévention des risques, les investissements liés à l’énergie, les investissements culturels, l’environnement y compris les investissements liés à l’eau et au traitement des eaux usées, la gestion des déchets, la promotion de la biodiversité ;

– Fonds social européen (FSE), qui soutient les actions visant à l’adaptation des travailleurs et entreprises aux changements économiques en encourageant l’éducation et la formation tout au long de la vie, l’accès à l’emploi et la prévention du chômage en particulier du public jeune, l’inclusion sociale des personnes défavorisées, le renforcement des capacités administratives ;

– Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER), instrument de financement de la politique agricole commune au bénéfice des agriculteurs et du développement rural ;

– Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP), qui intervient dans le cadre de la politique commune de la pêche et de la politique maritime intégrée.

PROGRAMMES EUROPÉENS DE COOPÉRATION TERRITORIALE 2014/2020

(en euros)

Océan indien

Caraïbes

Amazonie

Mayotte

Saint-Martin

Total

Transfrontalier

41 398 967

41 143 733

14 080 000

12 033 000

10 000 000

118 655 700

Transnational

21 788 162

23 179 821

4 827 317

   

49 795 300

Total

63 187 129

64 323 554

18 907 317

12 033 000

10 000 000

168 451 000

Source : réponse au questionnaire budgétaire adressé au Gouvernement.

PROGRAMMATION 2014/2020

En millions d’euros

Guadeloupe*

Guyane

Martinique

Mayotte

La Réunion

Total

*dont Saint-Martin

Programmes gérés par les régions ou collectivités uniques AG Région

610,8

392,6

521

0

1130,5

2654,9

0

FEDER

424,1

286,1

352

0

940,2

2002,4

0

Allocation RUP

97,8

52,1

93,1

0

190,3

433,3

0

FSE

86,7

54,4

73,4

0

0

214,5

0

Initiative pour l’Emploi des Jeunes (IEJ)

Quote-part gérée par les régions ou collectivités

2,2

0

2,5

0

0

4,7

0

Programmes gérés par l’État (Préfets)

203,8

83,9

124,7

217,2

516,8

1146,4

54,4*

FEDER

31,4

   

148,9

 

180,3

31,4

FSE

165,2

83,9

124,7

65,5

516,8

956,1

15,8

Allocation RUP

7,2

0

0

2,8

0

10

7,2

Total général FEDER-FSE

814,6

476,5

645,7

217,2

1647,3

3801,3

54,4

Programme national Initiative pour l’emploi des Jeunes (IEJ)

Quote-part gérée par l’État (Préfets)

19

13

15,4

10

73,2

130,6

1,2

IEJ

9,5

6,5

7,7

5

36,6

65,3

0,6

FSE

9,5

6,5

7,7

5

36,6

65,3

0,6

Total FEDER-FSE/IEJ

833,6

489,5

661,1

227,2

1720,5

3931,9

55,6

Total FEADER

171

112

130,2

60

385,5

858,7

3**

Total FEAMP régionalisé

9,6

7,1

9,7

3

11,9

41,1

0,769

Total FESI

(Hors programmes de coopération -Interreg)

1014,2

608,6

801

290,2

2117,9

4831,7

59,3

Source : réponse au questionnaire budgétaire adressé au Gouvernement.

La Guadeloupe, la Martinique, la Guyane française et La Réunion, parfois dénommées les « quatre vieilles colonies », ont été, jusqu’en 1946, soumises au régime colonial, caractérisé par le principe de la spécialité de législation des colonies. Le Parlement détenait la capacité de faire des lois pour l’intégralité du territoire national, toutefois les textes votés ne trouvaient application aux colonies que si l’intention en était exprimée ou résultait de l’objet même du texte.

Par ailleurs, le Gouvernement disposait, grâce au sénatus-consulte du 3 mai 1854 (8), dela faculté de régir par décret toutes les questions non réglées par la loi. Le champ laissé libre au pouvoir réglementaire est très vaste dans la mesure où le Parlement ne se prononce pas fréquemment à l’égard des colonies. Il existait dès lors un grand nombre de matières dans lesquelles pouvait se déployer la compétence du Gouvernement, qui a ainsi procédé à l’extension de nombreux textes métropolitains dans de nombreux domaines.

Malgré le silence des lois constitutionnelles de 1875 fondant la IIIe République (9), les quatre territoires désignent, au suffrage universel, des représentants à la Chambre des députés et au Sénat. Les conseils généraux, institués entre 1870 et 1885, sont également pourvus au suffrage universel : les dispositions relatives à l’organisation des départements (10) et au régime municipal (11) y ont été rendues applicables.

En matière de libertés publiques, les grandes lois libérales ont été rendues applicables dans les quatre territoires d’outre-mer (12). Les seules règles spécifiques aux colonies concernent la liberté de circulation et ont trait aux conditions d’accès aux territoires de ces colonies des Français et des étrangers (13). S’agissant du régime des cultes, il était déterminé aux Antilles et à La Réunion par un règlement d’administration publique du 6 février 1911, qui fixait les conditions d’application de la loi de 1905. Cette législation n’a toutefois pas été étendue en Guyane (14).

En droit civil, les personnes étaient soumises à des règles presque identiques à celles qui étaient alors en vigueur dans l’Hexagone. Certaines différences existaient, cependant, en matière successorale. Quant au droit pénal, un décret du 9 mars 1877 avait prévu l’application sans exception du code pénal.

En matière d’instruction publique, les quatre vieilles colonies appliquaient des programmes scolaires adaptés aux réalités et aux contextes locaux. Les lois du 16 juin 1881 et du 28 mars 1882 sur la gratuité et l’obligation de l’enseignement primaire ne sont étendues que par le décret du 23 août 1902 – soit avec vingt ans de retard.

Le droit applicable aux quatre territoires qui deviendront les départements et régions d’outre-mer n’est donc que peu différent de celui qui prévaut en métropole. Mais, parce qu’il découle du bon-vouloir du Gouvernement et non de la volonté démocratique représentée par les assemblées parlementaires, il est aussi foncièrement injuste et contraire aux droits élémentaires des personnes et des populations.

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la Martinique, la Guyane, la Guadeloupe et La Réunion ont réclamé, simultanément et par la voix de leurs représentants, le même statut que les autres départements français par l’abolition du régime colonial hérité du Second Empire et l’intégration de plein droit dans la République. Bénéficiant d’une véritable ferveur populaire, ces revendications ont été notamment portées par Aimé Césaire, Raymond Vergès, Léon de Lépervanche, Léopold Bissol et Gaston Monnerville. Ces aspirations ont été satisfaites par la loi n° 46-451 du 19 mars 1946 tendant au classement comme départements français de la Guadeloupe, de la Martinique, de La Réunion et de la Guyane française.

La loi de départementalisation se voulait une loi d’égalité institutionnelle et, dans le même temps, une loi d’intégration à la République française. Elle a recueilli l’unanimité de l’Assemblée nationale constituante sur le rapport d’Aimé Césaire. Lors des débats du 12 mars 1946, le rapporteur déclara, à titre liminaire, que, « à l’heure où ça et là des doutes sont émis sur la solidarité de ce qu’il est convenu d’appeler l’empire, à l’heure où l’étranger se fait l’écho des rumeurs de dissidences, cette demande d’intégration constitue un hommage rendu à la France, et à son génie, et cet hommage dans l’actuelle conjoncture internationale prend une importance singulière ».

En faveur de l’adoption de la loi, Aimé Césaire invoquait « des raisons historiques et idéologiques ». Il rappelait que la Martinique et la Guadeloupe étaient françaises depuis 1635 et participaient « depuis trois siècles au destin de la métropole ». Il déclarait qu’à l’opposé des régimes autoritaires qui se sont imposés en France tout au long de l’histoire, qui ont considéré ces territoires comme des « terres d’exceptions », la République avait toujours « pensé que ces colonies dont les habitants étaient depuis longtemps citoyens français devaient être appelées à bénéficier des lois que leurs élus au Parlement contribuent à faire ».

Tout en rappelant « le patriotisme des populations », le rapporteur faisait le constat que « ces territoires étaient, de fait, à peu près assimilés à la métropole du point de vue administratif et politique ». Il soulignait toutefois que « ce processus d’assimilation s’était arrêté dans son élan […] au lendemain d’une guerre où pourtant les coloniaux n’avaient pas ménagé leur sang, […] au moment même où en France naissait la législation sociale et ouvrière » avec la création de la sécurité sociale par deux ordonnances d’octobre 1945. La loi de départementalisation répondait essentiellement au souci d’assurer aux populations ultramarines l’égalité des droits sociaux que ne leur garantissait pas le principe de spécialité législative.

Aimé Césaire était toutefois conscient qu’il faudrait également tenir compte « de contingences spéciales liées à la situation géographique ». À cet égard, il précisait que le principe de l’unité française et l’extension du régime de la loi aux territoires n’empêchaient pas de laisser éventuellement aux conseils généraux certains pouvoirs qui leur seraient propres. Gaston Monnerville insistait également sur la nécessité de tels aménagements, précisant qu’un débat aurait « lieu bientôt pour qu’une décentralisation plus grande donne aux assemblées représentatives locales des territoires d’outre-mer des prérogatives plus étendues et que l’autonomie dont jouissent déjà leurs conseils généraux soit non seulement maintenue, mais étendue aux autres territoires des vieilles colonies non encore pourvues de conseils généraux ».

Des objections d’ordre financier ont par ailleurs été avancées, certains invoquant le coût des réformes engendré par la départementalisation. À ces réticences, Aimé Césaire objecta que « les budgets des Antilles sont parfaitement équilibrés et qu’il serait indigne de cette assemblée, de s’arrêter, en un problème aussi important, à d’aussi mesquines considérations ».

La départementalisation votée le 19 mars 1946 fut confirmée par la Constitution du 27 octobre 1946, dont l’article 73 proclamait : « Le régime législatif des départements d’outre-mer est le même que celui des départements métropolitains, sauf exceptions déterminées par la loi. » Cette rédaction n’a pratiquement pas été modifiée au passage de la IVe à la Ve République, l’article 73 de la Constitution du 4 octobre 1958 précisant pour sa part : « Le régime législatif et l’organisation administrative des départements d’Outre-mer peuvent faire l’objet de mesures d’adaptation nécessitées par leur situation particulière. »

Au cours de la discussion de la loi de départementalisation de 1946, Aimé Césaire préconisa, afin de tenir compte des conditions géographiques des territoires, d’accorder aux préfets des nouveaux départements des pouvoirs un peu plus étendus que ceux dont ils disposent en droit commun, « et ceci afin qu’ils puissent régler immédiatement certaines affaires qui sont de la compétence du gouvernement central ». C’est la raison pour laquelle l’autorité déconcentrée placée à la tête de la circonscription préfectorale départementale ou régionale ultramarine offre une originalité appréciable.

Si la départementalisation découle de la loi n° 46-451 du 19 mars 1946, l’installation des préfets en remplacement des gouverneurs intervient avec le décret n° 47-1018 du 7 juin 1947. La création du préfet s’inscrit donc dans le processus institutionnel qui vise, dans une perspective d’assimilation, à remplacer le statut de colonie par celui de département intégré dans la collectivité nationale. L’enjeu de l’évolution statutaire consiste à faire disparaître les traits de la colonisation. Dans les années 1970, la régionalisation est étendue selon la même inspiration assimilationniste en dépit du caractère monodépartemental des territoires.

Le décret du 7 juin 1947, tout en étendant aux départements d’outre-mer la législation métropolitaine concernant l’institution préfectorale (art. 2), maintient au profit du nouveau préfet d’outre-mer les attributions exercées en matière de défense extérieure et de sécurité intérieure par le gouvernement (art. 3).

La responsabilité en matière d’ordre public dépasse les contours ordinaires. Elle recouvre non seulement le pouvoir de requérir la force armée mais aussi, à titre spécifique, celui de déclarer l’état de siège en cas de danger imminent ou d’insurrection à main armée. Cette prérogative est pourtant normalement exercée en Conseil des ministres. En outre, en vertu de la loi n° 54-731 du 17 juillet 1954 relative à l’application dans les TOM-DOM de la loi du 11 juillet 1938 sur l’organisation générale de la nation pour le temps de guerre, le délégué du Gouvernement dans les départements d’outre-mer peut procéder à des réquisitions de personnes en temps de paix. Enfin, les pouvoirs de police du préfet d’outre-mer ont connu une extension provisoire et très contestée entre 1960 et 1972 : il était alors fondé à proposer le rappel d’office en métropole de ceux d’entre eux dont il jugeait le comportement de nature à troubler l’ordre public (15).

En matière de défense, il dispose des forces armées stationnées dans le département. Depuis 1978, les préfets de la Martinique et de La Réunion sont responsables de la zone de défense Antilles-Guyane et de la zone Sud de l’océan Indien. Ils font donc office de préfet de défense. Les préfets de Martinique, de Guyane et de La Réunion cumulent également les fonctions de préfet maritime.

Le Conseil constitutionnel a fait une interprétation stricte du principe d’identité législative des départements et régions d’outre-mer sous l’empire de la rédaction initiale de la Constitution du 4 octobre 1958. La jurisprudence exigeait alors que les adaptations prévues de l’article 73 ne puissent « avoir pour effet de doter les départements d’outre-mer d’une "organisation particulière" au sens de l’article 74 de la Constitution ». C’est ainsi que le Conseil constitutionnel a :

– censuré l’instauration dans chaque département et région d’outre-mer d’une assemblée délibérante commune au département et à la région, élue selon un mode de scrutin radicalement différent de celui des départements (16) ;

– censuré la suppression de garanties offertes aux communes en matière de consultation relativement à la planification régionale et du retrait de certaines compétences de droit commun exercé par les départements pouvant aboutir jusqu’à les dessaisir « de la plus grande partie de [leurs] attributions (17) » ;

– formulé une réserve d’interprétation selon laquelle « la possibilité reconnue […] aux départements d’outre-mer "de disposer à l’avenir d’une organisation institutionnelle qui leur soit propre" ne peut être entendue que dans les limites fixées par l’article 73 de la Constitution (18) ».

En revanche, le Conseil a reconnu la constitutionnalité de dispositifs dérogatoires au droit commun dans le domaine de la législation relative à l’entrée et au séjour des étrangers en acceptant :

– que soit différée dans les départements d’outre-mer l’entrée en vigueur du caractère suspensif du recours contentieux en cas de reconduite à la frontière (19), puis que cette disposition soit définitivement écartée en Guyane et à Saint-Martin (20) ;

– que soient instaurées en Guyane des dispositions particulières en matière de visite sommaire des véhicules circulant sur la voie publique ainsi qu’en matière de contrôle de l’identité des personnes (21).

Lors de la discussion de la loi de départementalisation de 1946, le député socialiste de la Guadeloupe Paul Valentino avait fait part de ses réticences quant aux conséquences d’une « assimilation » trop « brutale ». Il voulait une départementalisation avec un pouvoir local fort. Partageant le souhait des auteurs des propositions d’une application automatique des lois sociales, il s’écartait de leur conception concernant les décrets d’application, qui devaient relever, selon lui, de la compétence des assemblées locales. Ses amendements en ce sens avaient été rejetés. Cette conception a toutefois prévalu cinquante-huit ans plus tard, avec la loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République, complétée par la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République.

L’article 73 de la Constitution, dans sa rédaction issue des révisions du 28 mars 2003 et du 23 juillet 2008, affirme, comme en 1946, le principe de l’applicabilité de plein droit des lois et règlements dans les départements et les régions d’outre-mer, ainsi que la possibilité de prévoir des mesures d’adaptation « tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités ». Cette rédaction ouvre la possibilité d’adaptations au droit commun, puisque, dans la version antérieure, elles étaient « nécessitées » par une situation particulière.

Le principe d’identité législative a ainsi connu, avec la réforme de 2003, deux évolutions importantes pour les DOM et les ROM, qui vont bien au-delà du droit à expérimentation accordé à toutes les collectivités territoriales. L’article 73 permet en effet aux assemblées locales d’outre-mer d’adapter elles-mêmes le droit commun si le législateur les y habilite. Ces collectivités peuvent également se voir habilitées par la loi à fixer elles-mêmes les règles applicables sur leur territoire, dans un nombre limité de matières pouvant relever du domaine de la loi. Seule La Réunion, à la demande expresse du sénateur Jean-Paul Virapoullé, ne dispose pas de la possibilité de se voir délivrer une habilitation dite de réglementation, c’est-à-dire la possibilité de fixer elle-même les règles applicables sur son territoire.

La rédaction retenue pour l’article 73 s’inspire grandement de la reconnaissance de la spécificité des régions ultrapériphériques (RUP) dans le droit européen. Celle-ci s’est faite de manière progressive jusqu’à l’inscription d’un article dédié dans le Traité d’Amsterdam : l’article 299 du Traité sur la Communauté européenne entré en vigueur en 1999, devenu l’article 349 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) de 2009. Ce dernier reconnaît que les régions ultrapériphériques doivent faire face à des contraintes spécifiques dont la permanence et la combinaison nuisent gravement à leur développement. Il ouvre, en conséquence, la possibilité d’adapter le droit de l’Union européenne. Les RUP bénéficient ainsi d’adaptations en matière d’aides d’État, de politique agricole et fiscalité par exemple.

La portée de cet article a été clarifiée par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) le 15 décembre 2015 (22). Dans cet arrêt, la CJUE reconnaît que l’article 349 du TFUE peut constituer une base juridique autonome pour adopter, via une procédure législative spéciale, des mesures spécifiques destinées à adapter le droit de l’Union européenne à la situation particulière des RUP.

Enfin, la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 a été l’occasion de consacrer le principe du nécessaire accord des populations ultramarines avant tout changement de statut institutionnel. L’article 72-4 de la Constitution, introduit à cette occasion, indique ainsi que « aucun changement, pour tout ou partie de l’une des collectivités mentionnées au deuxième alinéa de l’article 72-3 (23), de l’un vers l’autre des régimes prévus par les articles 73 et 74 (24), ne peut intervenir sans que le consentement des électeurs de la collectivité ou de la partie de collectivité intéressée ait été préalablement recueilli dans les conditions prévues à l’alinéa suivant ».

La loi constitutionnelle du 28 mars 2003 subordonne la constitutionnalité des évolutions statutaires ou institutionnelles au consentement des électeurs concernés. Cette innovation consacre un droit à la libre détermination au sein de la République pour les populations des outre-mer.

Neuf consultations ont été organisées sur le fondement de l’article 72-4 de la Constitution (25). Quatre d’entre elles ont abouti à des réponses négatives :

– le 7 décembre 2003, les citoyens de Martinique et de Guadeloupe se sont opposés à la création de collectivités uniques se substituant aux départements et aux régions, respectivement par 50,5 % et 73 % des voix ;

– le 10 janvier 2010, respectivement par 79 % et 70 % des voix, la Martinique et la Guyane ont refusé de se placer sous le régime de l’article 74 de la Constitution.

Au contraire, cinq consultations ont donné lieu à un résultat positif, le consentement des électeurs étant recueilli sur le changement statutaire ou institutionnel envisagé :

– le 7 décembre 2003, Saint-Barthélemy et Saint-Martin se sont séparés du DROM de Guadeloupe, respectivement par 96 % et 76 % des voix, devenant des collectivités autonomes régies par l’article 74 de la Constitution ;

– le 29 mars 2009, la collectivité d’outre-mer de Mayotte a fait le choix de la départementalisation et de l’article 73 de la Constitution (par 95 % des voix) ;

– le 24 janvier 2010, deux semaines après avoir refusé de passer sous le régime de l’article 74 de la constitution, la Martinique et la Guyane ont approuvé la création d’une collectivité territoriale unique sur leur territoire respectif (respectivement par 68 % et 57 % des voix).

Le processus décisionnaire populaire instauré par l’article 72-4 de la Constitution doit désormais être regardé comme un droit acquis des populations d’outre-mer. Il n’est aucunement envisageable que soit abaissé le niveau des garanties démocratiques qu’il comporte. La révision constitutionnelle du 28 mars 2003 a inscrit et consacré dans le droit national, en parfaite conformité avec les dispositions du Préambule de la Constitution de 1946 (26), un principe d’autodétermination en droit interne aussi bienvenu que précieux.

Ces garanties mériteraient sans doute d’être encore amplifiées, notamment pour dépassionner les craintes pesant sur les évolutions statutaires. Quoique très positive pour les outre-mer, la révision de 2003 n’a prévu, au sein de l’article 74 de la Constitution, aucun mécanisme permettant de recueillir le consentement des électeurs en cas de modification fondamentale du régime des compétences et du régime législatif de la collectivité concernée, de sorte que le législateur organique se trouve pratiquement souverain en la matière. Or, il conviendrait que les populations gardent le dernier mot aussi bien face à une tentative de recentralisation que devant une perspective d’autonomie non désirée.

À la différence de la Constitution du 27 octobre 1946, la rédaction initiale du texte du 4 octobre 1958 n’envisageait pas l’hypothèse d’une évolution institutionnelle des territoires ultramarins, de sorte que des doutes avaient émergé sur la conformité à la Constitution de la loi n° 76-664 du 19 juillet 1976 relative à l’organisation de Saint-Pierre-et-Miquelon départementalisant l’archipel (27) et de la « déTOMisation » de Mayotte par la loi n° 76-1212 du 24 décembre 1976.

La révision constitutionnelle du 28 mars 2003 a permis d’encadrer les évolutions statutaires, avec succès puisqu’elle a déjà été employée à plusieurs reprises : avec le passage de Saint-Barthélemy et Saint-Martin de l’article 73 à l’article 74 de la Constitution au moment de leur séparation de la Guadeloupe, avec la départementalisation de Mayotte effectuant la transition inverse de l’article 74 vers l’article 73, et enfin avec le choix de la Guyane et de la Martinique de s’ériger en collectivités uniques.

Dans l’outre-mer « départementalisé » de l’article 73 de la constitution, il est significatif que trois des cinq collectivités concernées ne soient plus des départements à proprement parler. La Guyane et la Martinique sont renommées « collectivités territoriales uniques ». Quant à Mayotte, elle n’est pas un département au sens du droit commun : le « Département » – avec un D majuscule – est le seul de son espèce. Il s’agit d’une collectivité à statut particulier exerçant à la fois les compétences régionales et départementales. La départementalisation y signifie la quête de l’égalité juridique et sociale, non la création d’une institution de gouvernance locale. Du reste, une éventuelle disparition de la catégorie départementale du droit commun des collectivités territoriales entraînerait logiquement la disparition des départements d’outre-mer ; pour autant, le régime juridique de l’article 73 subsisterait avec l’application du droit commun qu’il implique.

Ne demeurent donc que les départements de Guadeloupe et de La Réunion.

Pour la Guadeloupe, aucun obstacle juridique ne s’oppose à une évolution du type de celle choisie par la Martinique et la Guyane, toutefois massivement rejeté par les électeurs le 7 décembre 2003.

Quant à La Réunion, elle fait l’objet d’un statut constitutionnel dérogatoire du fait de « l’amendement Virapoullé » déjà évoqué, devenu l’alinéa 5 de l’article 73 de la Constitution : « La disposition prévue aux deux précédents alinéas [relative à l’habilitation à édicter des normes locales] n’est pas applicable au département et à la région de La Réunion. » Il est possible que cette rédaction empêche toute fusion du département et de la région, à supposer qu’une demande en ce sens existe sur le territoire ; la doctrine est cependant partagée sur le sujet, entre lecture littérale et prise en compte de la volonté du Constituant de 2003. Rien n’empêcherait cependant de consulter les Réunionnais sur la création d’une assemblée unique se substituant au conseil régional et au conseil général.

Une autre évolution envisageable, sans d’ailleurs que soit nécessaire le recueil du consentement des électeurs, consisterait en la fusion-absorption d’un département et d’une intercommunalité, sur le modèle de la métropole de Lyon créée par la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles. Cette solution pourrait intéresser La Réunion, dont la population nombreuse (quelque 850 000 habitants) justifierait sans doute une départementalisation de ses cinq communautés d’agglomération qui absorberaient la structure départementale démantelée – et d’abord ses compétences. Elle pourrait toutefois à nouveau se heurter à l’article 73 al. 5 de la Constitution, dont une lecture rigoriste peut conclure au caractère constitutionnel du département unique de l’île.

Dans ce domaine des équilibres institutionnels, la seule certitude est la quasi-disparition du risque d’inconstitutionnalité fondé sur la rupture du principe d’identité institutionnelle pour les collectivités fusionnées, comme l’imposait la jurisprudence constitutionnelle depuis la décision n° 82-147 DC du 2 décembre 1982. En effet, ces collectivités sont désormais, par définition, des « collectivités territoriales à statut particulier » au sens de l’article 72 de la Constitution : elles peuvent donc recevoir une organisation institutionnelle et des compétences spécifiques – dans les limites du principe d’administration par un conseil élu et dans le respect des compétences normatives de l’État. Ce même risque peut sans doute être évité, pour les départements et régions non fusionnés, si le régime électoral des assemblées et l’architecture générale de chaque collectivité ne sont pas remis en cause, et que le bloc de compétences de droit commun afférent à chaque catégorie de collectivité n’est pas affecté par la répartition locale des compétences.

La Constitution révisée permet aux collectivités régies par l’article 73 de la Constitution de participer de manière plus ou moins directe à l’édiction des normes applicables sur leur territoire. Trois voies peuvent être empruntées : l’expérimentation de droit commun, la traditionnelle adaptation et, de manière plus novatrice, l’habilitation (28).

En premier lieu, l’alinéa 4 de l’article 72 de la Constitution permet à toutes les collectivités territoriales, y compris celles régies par l’article 73, de procéder à une expérimentation. Néanmoins, cette faculté est étroitement encadrée par la loi organique n° 2003-704 du 1er août 2003 relative à l’expérimentation par les collectivités territoriales. En outre, elle n’a pas suscité un engouement auprès des collectivités régies par l’article 73 (29).

En deuxième lieu, l’article 73 de la Constitution prévoit, depuis l’origine, que les lois et règlements applicables de plein droit dans les départements et les régions d’outre-mer peuvent faire l’objet d’adaptations. À ce titre, le droit commun a pu être adapté aux réalités locales dans divers domaines – droit des propriétés publiques avec la zone des « cinquante pas géométriques », législation sociale, régime monétaire et financier, etc. La rédaction issue des révisions constitutionnelles de 2003 et 2008 a étendu le champ d’application de l’adaptation, notamment en précisant qu’elle concerne tant la loi que le règlement. Les adaptations demeurent rares, faute pour la loi et le règlement de les prévoir (30).

En troisième et dernier lieu, l’article 73 reconnaît une forme de pouvoir normatif délégué aux collectivités de Guadeloupe, Guyane, Martinique et Mayotte puisqu’il leur confère la faculté de fixer les règles applicables sur leur territoire après habilitation – là encore, La Réunion est exclue par l’article 73 al. 5 de la Constitution, qui lui retire expressément cette prérogative.

À la demande de la collectivité territoriale concernée, une habilitation est délivrée par le Parlement ou par l’autorité réglementaire. Elle ne peut intervenir que dans un nombre restreint de domaines : elles ne sauraient porter sur la nationalité, les droits civiques, les garanties des libertés publiques, l’état et la capacité des personnes, l’organisation de la justice, le droit pénal, la procédure pénale, la politique étrangère, la défense, la sécurité et l’ordre publics, la monnaie, le crédit et les changes, ainsi que le droit électoral. De manière plus générale, ces facultés ne sauraient être consenties « lorsque sont en cause les conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti ». Enfin, le préfet a la possibilité de les déférer au Conseil d’État (31), gardien de la prééminence de la loi (32).

D’abord peu séduites, les collectivités de l’article 73 se sont désormais engagées dans des démarches d’habilitation. Elles bénéficient, pour ce faire, du régime plus souple résultant de la loi organique n° 2011-883 du 27 juillet 2011 relative aux collectivités régies par l’article 73 de la Constitution. Ce texte revient notamment sur le délai de validité initial des habilitations de deux ans et prolonge la durée maximale d’habilitation jusqu’à l’expiration du mandat de l’assemblée qui en a fait la demande.

Le dispositif d’habilitation de l’article 73 de la Constitution a su convaincre les assemblées locales puisque, à la date de la rédaction de cet avis, les demandes formulées se comptent désormais par dizaines avec trois domaines de prédilection : l’énergie, la formation professionnelle et les transports.

Organe ayant demandé l’habilitation

Date de la délibération demandant l’habilitation

Matière concernée

Habilitation

Délibérations prises en application de l’adaptation

Conseil régional de Guadeloupe

27 mars 2009

(n° 2009-269 publiée au JORF du 03/04/2009)

Énergie

Règles spécifiques à la Guadeloupe en matière de maîtrise de la demande en énergie, de développement des énergies renouvelables, ainsi que de réglementation thermique pour la construction de bâtiments

Article 69 de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 relative au développement des outre-mer.

1° Délibération du 20 juillet 2010, relevant du domaine du règlement, relative au développement des installations de production d’énergie électrique mettant en œuvre de l’énergie fatale à caractère aléatoire, publiée au JORF du 28 septembre 2010.

2° Délibération du 17 décembre 2010, relevant du domaine de la loi, relative aux caractéristiques des installations au sol de production d’électricité à partir de l’énergie radiative du soleil, publiée au JORF du 5 mars 2011.

3° Délibération CR/10-1372 du 17 décembre 2010, relevant du domaine du règlement, relative aux caractéristiques des installations au sol de production d’électricité à partir de l’énergie radiative du soleil, modifiée par délibération du 1er février 2011, publiées au JORF du 5 mars 2011.

4° Délibération du 19 avril 2011, relevant du domaine du règlement, relative à la certification de la performance énergétique des bâtiments nouveaux et existants en Guadeloupe (DPE-G), publiée au JORF du 20 mai 2011.

5° Délibération du 19 avril 2011, relevant du domaine du règlement, relative à la réglementation thermique et aux caractéristiques thermiques de l’enveloppe des bâtiments nouveaux et des parties nouvelles de bâtiments (RTG), publiée au JORF du 20 mai 2011.

6° Délibération du 19 avril 2011, relevant du domaine de la loi, relative à la cession du crédit d’impôt pour le développement du chauffe-eau solaire, publiée au JORF du 20 mai 2011.

7° Délibération du 19 avril 2011, relevant du domaine du règlement, relative aux systèmes de refroidissement et à la performance énergétique des appareils de climatisation individuels, publiée au JORF du 20 mai 2011.

8° Délibération du 19 avril 2011, relevant du domaine du règlement, relative à la production d’eau chaude sanitaire par énergie renouvelable ou par énergie de récupération dans les bâtiments en Guadeloupe, publiée au JORF du 20 mai 2011.

9° Délibération du 19 avril 2011, relevant du domaine du règlement, relative à l’inspection périodique des systèmes de climatisation et des pompes à chaleur réversibles dont la puissance frigorifique est supérieure à 12 kW en Guadeloupe, publiée au JORF du 20 mai 2011.

Conseil régional de Guadeloupe

27 mars 2009

(Délib. n° 2009-270 publiée au JORF du 03/04/2009)

Formation professionnelle 

Création d’un EPA régional « Guadeloupe Formation »

Article 69 de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 relative au développement des outre-mer.

1° Délibération du 26 février 2010, relevant du domaine de la loi, portant création d’un établissement public de formation professionnelle,

publiée au JORF du 30 juin 2010.

2° Délibération du 26 février 2010, relevant du domaine du règlement, portant adoption des statuts de l’établissement public administratif régional de formation professionnelle, publiée au JORF du 30 juin 2010.

Conseil régional de Guadeloupe

17 décembre 2010

(Délib. n° 2010-1369 publiée au JORF du 09/03/2011)

Énergie

Renouvellement de l’habilitation permettant au conseil régional de fixer les règles spécifiques à la Guadeloupe en matière de maîtrise de la demande en énergie, de développement des énergies renouvelables, ainsi que de réglementation thermique pour la construction de bâtiments

Article 17 de la loi n° 2011-884 du 27 juillet 2011 relative aux collectivités de Guyane et de Martinique.

1° Délibération CR/12-1419 du 8 octobre 2012, relevant du domaine de la loi, relative à l’implantation des éoliennes en zone littorale, publiée au JORF du 5 mars 2013, modifiée par la délibération CR/13-675 du 14 juin 2013, publiée au JORF du 25 juillet 2013.

2° Délibération CR/13-676 du 14 juin 2013, relevant du domaine du règlement, et modifiant la délibération du 22 mars 2011 relative à l’information du consommateur et des utilisateurs du système de climatisation (abrogation), publiée au JORF du 28 juillet 2013.

3° Délibération CR/13-677 du 14 juin 2013, relevant du domaine du règlement, relative aux modifications de la procédure d’appel d’offres en matière d’énergies renouvelables, publiée au JORF du 18 juillet 2013.

4° Délibération CR/13-678 du 12 juin 2013, relevant du domaine du règlement, et relative à la réalisation d’une étude sur les perturbations du radar météorologique de Météo-France situé au Moule avec les éoliennes installées sur l’archipel de la Guadeloupe, publiée au JORF du 28 juillet 2013.

5° Délibération CR/13-680 du 12 juin 2013, relevant du domaine du règlement, relative au diagnostic de performance énergétique de Guadeloupe (DPE-G) abrogeant et remplaçant la délibération CR/11-373, publiée au JORF du 30 juillet 2013.

6° Délibération CR/13-681 du 14 juin 2013, relevant du domaine du règlement, relative à la mise à disposition des données de consommation d’électricité pour la réalisation des diagnostics de performance énergétique en Guadeloupe (DPE-G), publiée au JORF du 28 juillet 2013.

7° Délibération CR/13-679 du 14 juin 2013, relevant du domaine du règlement, relative à la réglementation thermique de Guadeloupe (RTG) et aux caractéristiques thermiques de l’enveloppe des bâtiments nouveaux et des parties nouvelles de bâtiments abrogeant et remplaçant la délibération CR/11-372, publiée au JORF du 30 juillet 2013.

Conseil régional de Martinique

15 mars 2011

(Délib. n° 11-287 publiée au JORF du 24/04/2011)

Énergie ; énergies renouvelables.

Article 18 de la loi n° 2011-884 du 27 juillet 2011 relative aux collectivités de Guyane et de Martinique.

1° Délibération n° 13-752-1 du 17 mai 2013 portant modification de la procédure d’appel d’offres en matière d’énergies renouvelables, transmise au représentant de l’État le 28 mai 2013, non publiée au JORF.

2° Délibération n°13-752-2 du 17 mai 2013 portant information sur le prix de l’électricité, transmise au représentant de l’État le 28 mai 2013, non publiée au JORF.

3° Délibération n°13-752-3 du 17 mai 2013 portant planification et programmation de production d’électricité et de chaleur de sources d’énergie renouvelables, transmise au représentant de l’État le 28 mai 2013, non publiée au JORF.

4° Délibération n°13-752-4 du 17 mai 2013 portant création d’une commission photovoltaïque et suivi de l’évolution du raccordement des projets photovoltaïques en Martinique, transmise au représentant de l’État le 28 mai 2013, non publiée au JORF.

5° Délibération n°13-752-5 du 17 mai 2013 portant caractéristiques des installations au sol de production d’électricité à partir de l’énergie radiative du soleil, transmise au représentant de l’État le 28 mai 2013, non publiée au JORF.

6° Délibération n°13-752-6 du 17 mai 2013 portant demande au Parlement d’habilitation au titre de l’article 73 de la Constitution en matière d’énergie sur le territoire de la Martinique, transmise au représentant de l’État le 28 mai 2013, non publiée au JORF.

7° Délibération n° 13-1218-1 du 28 juin 2013 relevant du domaine du règlement relative à la réglementation thermique de la Martinique (RTM neuf) et aux caractéristiques thermiques de l’enveloppe des bâtiments nouveaux et des parties nouvelles de bâtiments, publiée au JORF du 28/08/2013.

8° Délibération n° 13-1219-1 du 28 juin 2013 relevant du domaine du règlement relative au diagnostic de performance énergétique de Martinique (DPE-M), publiée au JORF du 28/08/2013.

9° Délibération n° 13-1220-1 du 28 juin 2013 relevant du domaine du règlement relative à la mise à disposition des données de consommation d’électricité pour la réalisation des diagnostics de performance énergétique Martinique (DPE-M) publiée au JORF du 28/08/2013.

10° Délibération n° 13-1221-1 du 28 juin 2013 portant projet de délibération du conseil régional de la Martinique relevant du domaine du règlement relative à la production d’eau chaude sanitaire par énergie renouvelable ou énergie de récupération dans les bâtiments en Martinique, publiée au JORF du 28/08/2013.

11° Délibération n° 13-1222-1 du 28 juin 2013 relevant du domaine de la loi relative à la cession du crédit d’impôt pour le développement du chauffe-eau solaire, publiée au JORF du 28/08/2013.

12° Délibération n° 13-1223-1 du 28 juin 2013 du conseil régional de la Martinique relevant du domaine du règlement relative à la contribution du locataire à l’installation d’un chauffe-eau solaire, publiée au JORF du 28/08/2013.

13° Délibération n° 13-1224-1 du 28 juin 2013 relevant du domaine du règlement relative aux informations en matière énergétique aux consommateurs et utilisateurs s’agissant des chauffe-eau électriques, publiée au JORF du 28/08/2013.

14° Délibération n° 13-1225-1 du 28 juin 2013 relevant du domaine du règlement relative aux informations en matière énergétique aux consommateurs et utilisateurs s’agissant des systèmes de climatisation, publiée au JORF du 28/08/2013.

15° Délibération n° 13-1226-1 du 28 juin 2013 relevant du domaine du règlement relative à l’inspection périodique des systèmes de climatisation et des pompes à chaleur réversibles dont la puissance frigorifique est supérieure à 12 kW en Martinique, publiée au JORF du 28/08/2013.

16° Délibération n° 13-1227-1 du 28 juin 2013 relevant du domaine du règlement relative aux études de faisabilité des approvisionnements en énergie pour les bâtiments neufs et parties nouvelles de bâtiments et pour les rénovations de certains bâtiments existants, publiée au JORF du 31/08/2013.

17° Délibération n° 13-1228-1 du 28 juin 2013 relevant du domaine de la loi relative à l’implantation des éoliennes dans les communes littorales, publiée au JORF du 31/08/2013.

Conseil régional de Guyane

20 juin 2011

(délib. n° 32, publiée au JORF du 27 septembre 2011)

Ressources naturelles

Adaptation des dispositions de la loi n° 68-1181 du 30 décembre 1968 relative à l’exploration du plateau continental et à l’exploitation de ses ressources naturelles et de l’article 1599 quinquies B du code général des impôts.

Ces demandes d’habilitation législative ont été transmises, avec observations et réserves du gouvernement, au président du Sénat le 26/09/2011

 

Conseil régional de Guyane

20 juin 2011

(délib. n° 31, publiée au JORF du 27 septembre 2011)

Mines

Adaptation des dispositions du code minier et du livre 1er du titre V du code de l’environnement

Ces demandes d’habilitation législative ont été transmises, avec observations et réserves du gouvernement, au président du Sénat le 26/09/2011

 

Conseil régional de Guyane

20 juin 2011

(délib. n° 30, non publiée au JORF)

APA

Règles spécifiques sur l’accès aux ressources biologiques et connaissances traditionnelles associées et le partage des avantages en découlant

Pas de transmission au Parlement par le gouvernement

 

Conseil régional de Guyane

21 décembre 2012

(Délib. n° 3673, publiée au JORF du 22/03/2013)

APA

Règles spécifiques sur l’accès aux ressources biologiques et connaissances traditionnelles associées et le partage des avantages en découlant

Cette demande a été transmise par le Premier ministre au Parlement avec observations et réserves du gouvernement le 2 avril 2013

 

Conseil régional de Martinique

17 mai 2013

(Délib. n°13-752-6, publiée au JORF du 26/07/2013)

Énergie ; énergies renouvelables

Renouvellement de l’habilitation

   

Conseil régional de Guadeloupe

14 juin 2013

(Délib. CR/13-674, publiée au JORF du 26/07/2013)

Énergie ; énergies renouvelables

Renouvellement de l’habilitation

   

Conseil régional de Martinique

28 juin 2013

(Délib. CR/13-1229-1, publiée au JORF du 31/08/2013)

Transports

Règles applicables aux transports terrestres et maritimes de passagers et de marchandises : AOT unique, exercice de la profession, régulation durable, financement des transports, comité régional des transports

Article 37 de la loi n° 2013-1029 du 15 novembre 2013 portant diverses dispositions relatives aux outre-mer

Article 45 de la loi n°2015-1268 du 14 octobre 2015 d’actualisation du droit des outre-mer

1° Délibération n° 14-2161-2 du 18 décembre 2014 du conseil régional de Martinique portant instauration d’une autorité organisatrice de transports unique et d’un périmètre unique des transports.

2° Délibération n° 15-1072-1 du 23 juin 2015 portant création d’une commission ad hoc (habilitation transport).

Conseil régional de Martinique

28 juin 2013

(délib. CR/13-1230-2, non publiée au JORF)

Formation-orientation professionnelle

Création d’un établissement public administratif régional

Article 21-XIII de la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale

 

Conseil régional de Martinique

28 juin 2013

(délib. CT/13-1230-1, non publiée au JORF)

Emploi

Fixer et adapter les règles de gouvernance du comité régional de l’emploi

Sans objet, en raison de la création par la loi du 5 mars 2014 précitée (article 24) d’un comité régional de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles présidé conjointement par le président du conseil régional et le représentant de l’État dans la région.

 

Conseil territorial de Saint-Martin (33)

26 juin 2014

(délib. n° CT 18-1-2014 du 26 juin 2014, publiée au JORF du 14/07/2015)

Social - RSA

Adapter les règles relatives au RSA

Article 83 de la loi n°2015-1268 du 14 octobre 2015 d’actualisation du droit des outre-mer.

Délibération n° CT 27-6-2016 du 31 mars 2016 portant adaptation des dispositions législatives régissant le RSA suite à habilitation non encore publiée au JORF.

Département de Mayotte

2 juillet 2015

(délib. n° 2159/2015/CD non publiée au JORF)

Médiation et cohésion sociale

Création d’un établissement public

   

Depuis la révision constitutionnelle de 2003, le Conseil constitutionnel a censuré une seule fois, sur saisine parlementaire, des dispositions législatives intéressant les départements et régions d’outre-mer au motif de leur méconnaissance de l’article 73 de la Constitution. Les écarts existant entre les besoins de personnels techniciens, ouvriers et de service (TOS) des collèges et lycées et les effectifs de ces personnels sont plus importants dans certaines académies de l’Hexagone qu’outre-mer : ils ne constituent donc pas des « caractéristiques et contraintes particulières » de nature à différer l’entrée en vigueur de la loi dans les départements et régions d’outre-mer (34).

Le Conseil constitutionnel a en outre prononcé une censure dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité s’agissant des règles de fonctionnement des jurys criminels à Mayotte. L’exigence d’une majorité des cinq-septièmes – au lieu des deux-tiers en droit commun – pour conclure à la culpabilité de l’accusé devant la cour d’assises de Mayotte créait une différence de traitement sans rapport avec l’objet de la loi et privant les justiciables de garanties égales. D’autres dispositifs dérogatoires ont cependant été jugés conformes à la Constitution (35)

À l’inverse, le Conseil constitutionnel a validé :

– la compétence accordée aux conseils généraux des départements d’outre-mer pour fixer, dans un cadre déterminé par la loi, l’assiette et les taux du droit de consommation sur les tabacs manufacturés (36) ;

– les modalités de calcul des cotisations d’allocations familiales et d’assurance maladie et des contributions sociales des travailleurs non-salariés non agricoles (37;

– la composition dérogatoire du conseil de surveillance des grands ports maritimes de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de La Réunion (38;

– l’inapplicabilité du plan de prévention des ruptures d’approvisionnement dès lors que le secteur des produits pétroliers est soumis à une réglementation des prix (39;

– l’inapplicabilité de taxe générale sur les activités polluantes assise sur les lubrifiants, les lessives, les préparations assimilées et les matériaux d’extraction (40).

On ne rencontre aucun cas de censure d’une disposition réglementaire nationale – ordonnance ou décret – par le Conseil d’État pour méconnaissance de l’article 73 de la Constitution depuis 2003. La juridiction administrative a manifesté une particulière compréhension pour la situation de Mayotte, dont les caractéristiques et contraintes particulières sont d’abord fondées sur la départementalisation progressive, principalement sur la question du droit de l’entrée et du séjour des étrangers : la différence avec le droit commun « est fondée sur la prise en compte de la situation et des difficultés particulières tenant à l’éloignement et à l’insularité du territoire de Mayotte, à l’importance des flux migratoires dont cette collectivité est spécifiquement l’objet, ainsi qu’aux contraintes d’ordre public qui en découlent (41) ».

En outre, le Conseil d’État a validé les délibérations prises par les conseils régionaux de Martinique et de Guadeloupe en matière énergétique (42).

Votre rapporteure pour avis se félicite que, de la départementalisation de 1946 aux révisions constitutionnelles de 2003 et  2008, les départements et régions d’outre-mer aient pu passer d’une spécialité subie, décidée sans concertation démocratique, à une spécialité choisie, fondée sur la liberté d’organisation et d’adaptation dans le cadre de la République. Aujourd’hui, plusieurs modèles cohabitent dans les outre-mer de l’article 73 :

– à Mayotte, le Département est une collectivité unique qui exerce à la fois les compétences d’un département et certaines de celles d’une région d’outre-mer. L’identité législative ne concerne que les lois et règlements nouvellement adoptés. La sécurité juridique a, en effet, conduit le Conseil d’État à rappeler, dans un avis du 20 mai 2010, que les textes dérogatoires au droit commun, spécifiquement en vigueur à Mayotte, y demeurent applicables jusqu’à leur abrogation expresse. Ainsi, les divers textes adoptés en 2013 et 2014 rapprochant le droit applicable à Mayotte du droit commun comportent, en particulier dans des domaines tels que le droit des étrangers, le droit du travail, le droit des transports, marqués par une forte intervention normative de l’Union européenne, une part importante de transposition à Mayotte de l’acquis communautaire ;

– après avoir rejeté la perspective d’une évolution de son architecture institutionnelle en 2003, la Martinique a finalement fait le choix, au cours des deux référendums de janvier 2010, de demeurer régie par l’article 73 de la Constitution tout en créant une collectivité unique exerçant les compétences dévolues au département et à la région. La loi n° 2011-884 du 27 juillet 2011 relative aux collectivités territoriales de Guyane et de Martinique a organisé la mise en place de cette collectivité unique, finalement constituée en décembre 2015. L’architecture retenue s’inspire de la collectivité territoriale de Corse avec, d’une part, une assemblée délibérante de 51 membres et, d’autre part, un conseil exécutif de 9 membres issus de l’assemblée délibérante et responsables devant elle. La Martinique a également présenté plusieurs demandes d’adaptation du droit national ;

– dans un calendrier identique à celui de la Martinique, la Guyane abrite une collectivité unique exerçant les compétences dévolues au département et à la région. L’organisation retenue diffère cependant avec une assemblée délibérante, composée de 51 membres, dont le président est l’exécutif de la collectivité. Un conseil consultatif des populations amérindiennes et bushinenge est maintenu. La Guyane a également présenté quelques demandes d’adaptation du droit national ;

Le processus de départementalisation de Mayotte

Les référendums des 28 septembre et 11 décembre 1958 ont permis à la population des Comores d’exprimer leur volonté de demeurer au sein de la République française sous le statut de territoire d’outre-mer.

Le référendum du 22 décembre 1974 a mis en exergue le choix de la population de Mayotte de rester au sein de la République française à plus de 63 % des voix, à la différence des trois autres îles de l’archipel – Anjouan, Mohéli, Grande Comore – qui ont voté presque à 100 % pour l’indépendance.

Le référendum du 8 février 1976 a confirmé le choix des citoyens mahorais à 99,4 % des votants de demeurer au sein de la République française. Ce vote conduit à la création de la collectivité territoriale de Mayotte à la fin de l’année 1976.

La loi n° 2001-616 du 11 juillet 2001 relative à Mayotte a doté l’île d’un statut de collectivité départementale, statut provisoire destiné à préparer Mayotte à évoluer vers le droit commun.

La loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République a inscrit Mayotte dans la Constitution. Elle est devenue une collectivité d’outre-mer régie par l’article 74 de la Constitution.

La loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer a préparé le changement de statut et fait entrer Mayotte dans le code général des collectivités territoriales. L’ensemble des lois et règlements s’appliquent désormais à Mayotte sauf dans les domaines de la fiscalité, de l’urbanisme, du social, du travail, des finances communales et du droit des étrangers.

La consultation des Mahorais, le 29 mars 2009, a vu l’approbation à 95,2 % des votants de la transformation de Mayotte en une collectivité unique appelée Département.

Les lois organiques n° 2009-969 du 3 août 2009 relative à l’évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et à la départementalisation de Mayotte et n° 2010-1486 du 7 décembre 2010 relative au Département de Mayotte ont consacré la départementalisation de Mayotte et réglé l’organisation du Département.

Le 31 mars 2011, Mayotte est devenue officiellement un « Département d’outre-mer ».

À compter de 2014, Mayotte est une région ultrapériphérique de l’Union européenne.

– la Guadeloupe conserve également une architecture institutionnelle classique avec conseils départemental et régional. Mais elle dispose de la possibilité de solliciter des adaptations au droit national et se trouve la région la plus demandeuse depuis l’entrée en vigueur du dispositif ;

– La Réunion conserve également l’organisation traditionnelle avec un département et une région, sans capacité d’adaptation locale du fait de l’article 73 al. 5 de la Constitution. Votre rapporteure pour avis souligne que ses auditions et ses travaux ont fait apparaître une forte hostilité à cette disposition parmi les spécialistes des outre-mer, rien n’expliquant rationnellement ce « verrou » – voire, pour certains, cette « verrue » – et la diminutio capitis que subissent les citoyens de ce territoire, privés d’expression et de possibilité de réflexion sur les normes nationales.

EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du mardi 25 octobre 2016, la Commission procède, en commission élargie à l’ensemble des députés, dans les conditions fixées à l’article 120 du Règlement, à l’audition de Mme Éricka Bareigts, ministre des Outre-mer, sur les crédits de la mission « Outre-mer » pour 2017.

M. Dominique Lefebvre, président. Madame la ministre des outre-mer, je suis heureux de vous accueillir pour la première fois dans cette fonction avec Mme Frédérique Massat, présidente de la commission des affaires économiques et M. Dominique Raimbourg, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

Nous sommes réunis en commission élargie afin de vous entendre sur les crédits du projet de loi de finances pour 2017 consacrés à la mission « Outre-mer ».

La Conférence des présidents a reconduit les modalités d’organisation de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances, dont je rappelle les règles. Les rapporteurs des commissions, qui sont au nombre de quatre, interviendront chacun pour une durée de cinq minutes. Après la réponse de la ministre, les porte-parole des groupes s’exprimeront chacun pour une durée de cinq minutes. Ce sera enfin le tour des députés qui interviendront, s’ils le souhaitent, pour une durée de deux minutes.

Mme la présidente Frédérique Massat. Messieurs les présidents, madame la ministre, madame et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la commission des affaires économiques, dont le rapporteur est M. Serge Letchimy, se réjouit de pouvoir examiner, cette année encore, le budget de la mission « Outre-mer » du présent projet de loi de finances.

Notre commission éprouve en effet un fort intérêt pour toutes les questions liées aux outre-mer, et joue d’ailleurs un rôle actif ans les évolutions et les adaptations législatives nécessaires aux collectivités ultramarines. Ainsi, très récemment, elle a examiné pour avis le projet de loi de programmation relatif à l’égalité réelle outre-mer.

Le budget de la mission « Outre-mer » pour 2017 est globalement stable par rapport à l’année dernière, avec un peu plus de 2 milliards d’euros en crédits et 4 milliards d’euros de dépenses fiscales rattachées. La stabilité globale du budget de cette mission est un point positif, dans un contexte de forte contrainte budgétaire, et prouve que les territoires ultramarins demeurent une priorité. Toutefois, cette stabilité ne doit pas occulter des mouvements et des transferts budgétaires importants au sein de la mission, que notre rapporteur, M. Serge Letchimy, ne manquera pas de commenter. Notre collègue formule en outre plusieurs préconisations concernant l’insertion professionnelle des jeunes ultramarins.

Je rappelle que nous aurons à voter à la fin de cette mission, notamment sur un amendement. Je demande donc à tous les députés de la commission des affaires économiques ici présents de rester jusqu’à la fin de nos travaux.

M. Dominique Lefebvre, président. Nous aurons en effet trois votes successifs : celui de la commission des lois, celui de la commission des affaires économiques et celui de la commission des finances à la fin de nos travaux.

M. le président Dominique Raimbourg. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires économiques, je partage le sentiment de Mme Massat, c’est-à-dire le plaisir de nous retrouver ensemble puisque nous avons tous travaillé au projet de loi de programmation relatif à l’égalité réelle outre-mer. Cela m’amène à revenir sur ce qui avait été dit lors de l’examen de ce projet de loi : il est important que la question de l’outre-mer soit prise en charge collectivement par notre assemblée. C’est vous, madame Sage, qui aviez insisté sur cet aspect et je pense que cette question doit intéresser tout le monde, y compris les députés de la métropole, ou plutôt de l’hexagone – nous avons eu ce débat. Nous en faisons aujourd’hui la démonstration.

M. Marc Laffineur, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la ministre, monsieur le président de la commission des finances, madame la présidente de la commission des affaires économiques, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, je suis très heureux d’assurer cette année, pour la première fois, la fonction de rapporteur spécial des crédits de la mission « Outre-mer » ; nous y sommes tous très attachés.

Comme chacun sait, l’effort financier de l’État en faveur des territoires ultramarins ne se limite pas à la mission « Outre-mer ». Il ne se réduit pas non plus à des crédits budgétaires.

Il m’est donc apparu naturel d’adopter une approche transversale dans mon rapport spécial, sans me cantonner au périmètre de la mission. J’ai par ailleurs consacré une partie de ce rapport à la Polynésie française, à la suite de mon déplacement au début du mois de juillet dernier.

Commençons tout de même par un rapide commentaire de l’évolution des crédits de la mission. De prime abord, on pourrait croire que le Gouvernement propose des crédits en augmentation par rapport à ceux ouverts en loi de finances initiale pour 2016. Malheureusement, il n’en est rien : cette croissance n’est qu’artificielle. Elle résulte seulement de transferts de crédits en provenance d’autres missions, pour 100 millions d’euros environ. Ces transferts concernent notamment des dotations en faveur des opérations de construction d’établissements scolaires en Nouvelle-Calédonie et à Mayotte, qui figuraient auparavant dans la mission « Enseignement scolaire ». À périmètre constant, les crédits baissent de 2,2 % en autorisations d’engagement et de 3,9 % en crédits de paiement.

Certes, on comprend que la mission doit prendre sa part à l’effort de redressement de nos finances publiques. On peut toutefois s’étonner de l’ampleur de cette baisse, surtout lorsque l’on sait que les crédits en question sont destinés à des territoires dont les taux de croissance démographique et les taux de chômage sont le double des taux métropolitains.

La diminution des crédits est, notamment, une conséquence de la restriction des dispositifs d’exonération de cotisations sociales. Dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement propose de réduire le champ des travailleurs indépendants éligibles aux exonérations. Je le déplore, compte tenu de l’importance des travailleurs indépendants pour l’économie en règle générale, et pour les économies ultramarines en particulier.

Je tiens tout de même à exprimer ma satisfaction de voir les crédits du programme 123 « Conditions de vie outre-mer »augmenter. L’effort en faveur du logement est maintenu. C’est une bonne nouvelle compte tenu des besoins. Il s’agira désormais de veiller à ce que le rythme des constructions soit conforme aux ambitions – on n’en est pas encore là.

J’en viens maintenant aux différents dispositifs de crédits d’impôt et de défiscalisation. J’ai pu me rendre compte, lors de mon déplacement, de l’efficacité de ces dispositifs, pourvu que leur utilisation soit contrôlée. Rappelons qu’en loi de finances pour 2014, le législateur avait voulu que deux mécanismes de crédit d’impôt se substituent progressivement aux dispositifs de défiscalisation dans les départements et régions d’outre-mer. Mais contrairement aux mécanismes de défiscalisation, les crédits d’impôt ne permettent pas aux exploitants locaux de bénéficier de l’apport de fonds de contribuables hexagonaux. Un préfinancement est donc nécessaire.

Je vous pose donc les deux premières questions, madame la ministre : disposez-vous, à ce stade, d’éléments permettant d’évaluer l’efficacité des crédits d’impôt par rapport à la défiscalisation dans les DROM ? Les mécanismes de préfinancement de la Banque publique d’investissement (BPI) et de l’Agence française de développement (AFD) sont-ils aujourd’hui opérationnels ?

Toujours au sujet de la défiscalisation, j’ai constaté que la procédure d’agrément était très critiquée. Les délais d’instruction sont trop longs – dix-huit mois en moyenne – et certains projets économiquement utiles seraient bloqués. De deux choses l’une : soit les critères d’éligibilité prévus par la loi sont trop complexes, et dans ce cas une simplification législative pourrait être souhaitable ; soit l’application de ces dispositions n’est pas assez souple.

La vérité est sans doute entre les deux. En tout état de cause, une, simplification de la procédure me semble indispensable. Je pense qu’il faudrait déconcentrer au maximum l’instruction des dossiers. L’analyse de l’intérêt économique des projets pourrait se faire exclusivement au niveau local. Cette pratique existe pour les petits projets dans les DROM. Elle devrait être plus largement appliquée dans ces territoires, et mise en place également dans les collectivités d’outre-mer et en Nouvelle-Calédonie.

Qu’envisagez-vous, madame la ministre, pour simplifier la procédure d’agréments en faveur de l’investissement dans tous les territoires ultramarins, COM comprises ?

Enfin, je souhaiterais aborder deux sujets plus spécifiques à la Polynésie française.

Le premier concerne l’indemnisation des victimes des essais nucléaires. En juillet 2016, la ministre des affaires sociales a présenté un projet de décret qui précise la notion de « risque négligeable » de la loi Morin. Où en est-on dans cette réforme de la méthode d’indemnisation ? Combien de victimes supplémentaires pourraient être indemnisées grâce à cette réforme ?

Le second est d’ordre symbolique : le remplacement du franc pacifique par l’euro est-il envisagé ? Si oui, dans quels délais ?

Madame la ministre, je trouve ce projet de loi de finances globalement décevant sur le champ de la mission, malgré quelques motifs de satisfaction.

M. Serge Letchimy, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires économiques, messieurs les présidents de la commission des finances et de la commission des lois, madame la ministre, le budget de la mission « Outre-mer » du présent projet de loi de finances ne connaît pas d’évolutions majeures cette année.

Il faut saluer la stabilité globale de ce budget, qui concrétise plusieurs avancées, parmi lesquelles : le gel des abattements applicables aux entreprises dans les zones franches d’activité (ZFA) ; l’augmentation de 7,5 millions des crédits affectés au fonds exceptionnel d’investissement – même si on peut regretter que l’objectif des 500 millions ne soit pas atteint ; la hausse des crédits de la DGA (dotation globale d’autonomie) Polynésie, pour 10 millions d’euros ; l’aide au fret qui, avec la loi sur l’égalité réelle, pourra être étendue dans les relations DOM/DOM, mais aussi dans les relations départements et pays tiers, ce qui est très important ; l’augmentation de l’appui au secteur public dans les outre-mer en matière d’accès aux financements bancaires et la création d’un « équivalent fonds vert » pour encourager les projets destinés à lutter contre les effets du changement climatique ; le maintien des crédits alloués au SMA (service militaire adapté) ; le financement des travaux de la future Cité des outre-mer pour environ 10 millions d’euros.

Toutefois, le fait que les nombreuses avancées concrétisées par le projet de loi de programmation relatif à l’égalité réelle, enrichie au cours de son examen à l’Assemblée nationale, soient financées en supplément de ce projet de loi de finances amène à s’interroger. S’il n’y a pas de financement derrière, ce texte, qui est un bon texte, risque de n’être qu’un coup d’épée dans l’eau ; ce serait dommage.

Cela étant dit, le présent budget pour la mission outre-mer présente quelques écueils.

Comme l’a fait remarquer mon collègue Laffineur, la hausse des crédits de paiement d’une quinzaine de millions d’euros est de nature seulement comptable. La mission outre-mer connaît, en effet, deux transferts de financement entrants pour un total d’environ 100 millions d’euros. Or cela n’augmente pas le budget réellement affecté aux outre-mer. À structure constante, la baisse de crédits est de 80 millions d’euros, soit de 4 % du budget, par rapport à 2016.

Ensuite, le « coup de rabot » sur exonérations de charges sociales se poursuit : des coupes sont opérées dans les exonérations de cotisations sociales en faveur de l’emploi, à hauteur d’environ 70 millions d’euros nets – et même de 90 millions hors transferts. Elles concernent notamment, cette année, les charges sociales des indépendants.

Ces coupes s’ajoutent à celles appliquées depuis plusieurs années aux charges sociales patronales – à hauteur de 25 millions d’euros nets l’année dernière.

Ce choix comporte des risques : c’est une trappe à bas salaire ; il décourage la création d’emplois d’encadrement, malgré le nombre important de jeunes très diplômés qui sont formés à l’extérieur et qui ne reviennent pas chez nous ; il freine la montée en gamme des économies ultramarines. Il ne va pas non plus favoriser la création d’emplois et le développement endogène qui pourrait accompagner la mutation économique locale, pourtant bien nécessaire, que nous appelons de nos vœux.

Au-delà de cette analyse très rapide du budget, je voudrais aborder deux autres questions.

La première est celle de la jeunesse des outre-mer.

On déplore de fortes inégalités entre jeunes ultramarins et jeunes hexagonaux, qu’il s’agisse du niveau moyen de formation et du taux d’emploi.

Le système de formation est trop dépendant de la migration vers l’hexagone : après le BUMIDOM, on a l’impression que l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité (LADOM) créée un réflexe psychologique de départ vers l’hexagone sans espoir de retour – sauf pour des stages courts. Heureusement, le projet de loi de programmation relatif à l’égalité réelle a pris des mesures très sérieuses, justement pour les bac + 4, et les futurs contrats-cadres qui ont été mis en place pour Mayotte sont de bon augure.

Ainsi un pas a-t-il été fait en matière de migration retour. C’est très important, car le processus doit s’inverser. Il faut inciter les jeunes à revenir chez eux. Bien sûr, cela suppose que des mécanismes de développement permettent d’absorber leur retour, dans le cadre de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC).

La seconde question est celle de l’accès à la télévision des populations ultramarines, victimes d’une double inégalité. Une inégalité quantitative d’abord, puisque nos populations n’ont accès qu’à huit, parfois onze chaînes gratuites sur la TNT (télévision numérique terrestre), contre vingt-sept dans l’hexagone – sans compter les chaînes locales. Une inégalité qualitative ensuite, puisque la TNT n’est pas diffusée en haute définition (HD) en outre-mer.

Cela étant, la mise en place de multiplex supplémentaires pour permettre la diffusion de davantage de chaînes et de passer à la HD ne sera pas sans conséquences : cela risque de mettre en difficulté les petites chaînes locales qui vont se trouver face à une concurrence inacceptable, comme la ministre l’a elle-même remarqué.

Quoi qu’il en soit, je considère qu’il faut absolument soutenir les petites chaînes locales, ce que l’on appelle les télévisions d’ultra-proximité (TUP), afin de leur permettre de tenir le coup. C’est la raison pour laquelle je proposerai un amendement, d’un coût de 1,5 million d’euros, mais qui vise surtout à inviter à la réflexion. Ces petites chaînes pourraient ainsi garder leur autonomie, sans devoir se contenter de diffuser des novelas qui viennent du Brésil, et présenter des productions clairement locales qui mettent en avant la vie locale et le peuple martiniquais.

Mme Huguette Bello, rapporteure pour avis de la commission des lois pour les départements d’outre-mer. Madame la ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur la présentation détaillée du budget qui vient d’être faite. Je m’interrogerai sur trois points.

L’examen de ce budget arrive quelques semaines après l’adoption par l’Assemblée nationale du projet de loi sur l’égalité réelle. Nous avons donc, à cette occasion, un peu anticipé la discussion d’aujourd’hui sur les crédits de la mission « Outre-mer ». Comme le projet de loi comprend de multiples mesures d’ordre budgétaire, la question se pose de savoir comment ce texte s’articulera avec le projet de loi de finances pour 2017. Elle se pose d’autant plus que l’alignement du FIP (Fonds d’investissement de proximité) DOM sur celui de la Corse a déjà été supprimé par la rapporteure générale du budget, et que la commission des finances, comme nous venons de l’entendre, semble circonspecte devant le volet fiscal et financier du projet de loi relatif à l’égalité réelle. Madame la ministre, nous attendons des garanties sur ce point.

Ma deuxième série d’interrogations est liée à l’Union européenne. Nous notons avec satisfaction que le PLF 2017 comporte une enveloppe de 28 millions d’euros pour compenser la fin des quotas sucriers. Les négociations avec l’Europe avancent-elles à présent à un rythme plus soutenu ? Par ailleurs, la révision du Règlement général d’exemption par catégorie (RGEC) nous concerne au plus haut point. La proposition de la Commission européenne consistant à adosser le calcul des aides à des critères intrinsèques aux entreprises, et non plus aux handicaps structurels et donc aux surcoûts qu’ils entraînent, serait la marque d’un grand recul. Quelle est la stratégie du Gouvernement pour faire entendre la voix des régions ultrapériphériques françaises ?

En liaison avec ces deux questions, mais avec une portée plus générale, je souhaite revenir sur l’arrêt de la grande chambre de la Cour de Justice de l’Union européenne du 15 décembre 2015. Cet arrêt reconnaît que l’article 349 du TFUE (traité sur le fonctionnement de l’Union européenne) peut constituer une base juridique autonome pour adapter le droit de l’Union européenne à la situation particulière des RUP (régions ultrapériphériques). Quelle initiative le Gouvernement entend-il prendre pour donner toute son ampleur à cette avancée majeure ? Une procédure particulière est-elle en cours d’élaboration, notamment pour que les lois et les ordonnances de transposition ne se limitent plus à une application brute et brutale des prescriptions européennes ?

Ma troisième interrogation porte sur le logement. Je souhaite essentiellement revenir sur l’article que l’Assemblée a de nouveau introduit dans le projet de loi Sapin 2, et qui prévoit de vendre les parts que l’État détient dans les SIDOM (sociétés immobilières d’outre-mer) à une filiale privée de la Caisse des dépôts. J’attire à nouveau votre attention aujourd’hui pour signaler que, s’il est maintenu, cet article ouvre la porte à une transaction de plusieurs milliards d’euros, et donc à une recette budgétaire bien supérieure au montant du budget que nous sommes en train d’examiner.

Selon une tradition désormais bien établie, l’avis élaboré dans le cadre de la commission des lois porte chaque année sur une thématique particulière. Cette année, nous avons voulu consacrer cette partie aux soixante-dix ans de l’article 73 de la Constitution qui, comme vous le savez, a connu des évolutions très importantes, surtout depuis 2003. Nous sommes en effet passés du principe d’identité législative à celui de spécialité.

La révision constitutionnelle de 2003 a ouvert aux collectivités d’outre-mer deux grandes perspectives qui sont non seulement importantes, mais aussi très audacieuses.

La première permet à toutes les collectivités d’outre-mer, qu’elles soient régies par l’article 73 ou 74, d’envisager une évolution institutionnelle, laquelle – il est important de le noter – est toujours subordonnée au consentement des citoyens concernés. Il est notable qu’à l’issue des évolutions opérées depuis 2003, trois des cinq collectivités concernées de l’article 73, ne sont plus des départements à proprement parler : la Martinique, la Guyane et Mayotte sont, en effet, des collectivités uniques sui generis.

Le deuxième grand changement se trouve dans les possibilités que la Constitution offre désormais aux collectivités de l’article 73 de participer, de manière plus ou moins directe, à l’édiction des normes applicables sur leur territoire.

Comme vous le savez, trois leviers peuvent être empruntés : l’expérimentation de droit commun prévue par l’alinéa 4 de l’article 72, la traditionnelle adaptation, et de manière plus novatrice, l’habilitation. Il s’agit là d’un véritable pouvoir normatif délégué aux collectivités de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de Mayotte. Quant à La Réunion, l’article 73, alinéa 5 de la Constitution, issu d’un amendement sénatorial, lui retire expressément cette prérogative, et nous regrettons beaucoup que cette législature ne nous ait pas donné l’occasion d’y remédier. Madame la ministre, vous avez déjà donné le fond de votre pensée sur ce « verrou de La Réunion », mais j’aimerais l’entendre à nouveau aujourd’hui.

À ce jour, il est possible de dire que le dispositif d’habilitation fait bien partie du paysage législatif des outre-mer. Les demandes formulées se comptent désormais par dizaines, avec trois domaines de prédilection qui sont l’énergie, la formation professionnelle et le transport.

Enrichi, plus souple et parfois à l’avant-garde, le droit des outre-mer mérites une attention réellement plus soutenue. Il est aussi plus divers, au gré des adaptations et des habilitations successives, ce qui n’est pas sans poser quelques difficultés. Je n’en citerai, pour conclure, que deux.

En premier lieu, le droit des outre-mer est largement ignoré par l’université française, dans l’hexagone comme outre-mer. Nous avons échangé avec M. le déontologue de l’Assemblée nationale, fin connaisseur des institutions des outre-mer, qui nous a indiqué qu’à sa connaissance, il n’existait que trois cours accessibles aux étudiants souhaitant approfondir les sujets ultramarins : à Paris, à Aix-en-Provence et à Bordeaux. Madame la ministre, la question de l’accessibilité du droit se pose. Comment faire en sorte que des enseignements – peut-être des masters ou une chaire – spécifiques soient créés afin de prendre en compte cette problématique ?

En second lieu, mais le problème est lié, les personnes physiques et morales, particuliers ou entreprises, peinent à connaître avec précision le droit applicable outre-mer. À l’initiative des chambres de commerce et d’industrie, un code de l’entreprise outre-mer a été récemment publié. C’est bien, mais la question vaut aussi pour l’énergie, les transports et la formation professionnelle – notamment. Des juristes travaillent à une compilation des normes applicables, mais aucun éditeur ne se montre intéressé, et tout risque de demeurer au fond d’un tiroir. Pourtant, l’accès au droit est une condition de la démocratie et une mission de service public. Madame la ministre, comment faire en sorte que ces travaux indispensables à la vie des ultramarins puissent faire l’objet d’une publication d’envergure satisfaisante ?

M. Ibrahim Aboubacar, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour les collectivités d’outre-mer, la Nouvelle-Calédonie et les Terres Australes et Antarctiques Françaises. Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, je ne m’appesantirai pas sur une présentation complète du budget. Je me bornerai simplement à en souligner, les lignes de force que Serge Letchimy a déjà détaillées, et à féliciter le Gouvernement, puisque la contribution du budget de l’État aux outre-mer est à nouveau en légère hausse cette année. C’est valable pour les 2 milliards d’euros de crédits de la mission « Outre-mer »que nous examinons aujourd’hui ; c’est aussi valable pour l’ensemble des crédits consacrés aux outre-mer dans ce projet de loi de finances, qui devraient avoisiner les vingt milliards d’euros.

Mais j’en viens au cœur du sujet que la commission des lois m’a confié la charge de rapporter, à savoir les collectivités régies par l’article 74 de la Constitution.

En premier lieu, je veux aborder la situation de Saint-Martin. C’est une situation très spéciale puisque ce territoire, COM en droit français depuis 2007 mais RUP en droit européen, partage un environnement insulaire avec un territoire autonome néerlandais, PTOM (pays et territoire d’outre-mer) de l’Union européenne, avec une libre circulation des personnes et des biens depuis le traité de 1648, sans qu’une frontière physique ne les sépare. Les conséquences d’une telle situation se traduisent par un déséquilibre d’attractivité entre les deux parties de l’île, et une sollicitation dissymétrique des services publics situés des deux côtes de la frontière – et ce toujours en défaveur de la partie française.

Saint-Martin connaît des difficultés financières notables malgré ses efforts de redressement et son volontarisme, notamment dans la maîtrise de ses dépenses sociales. Le malaise résultant de la mise en place des institutions de 2007, s’il peut être considéré comme clos juridiquement par la décision du Conseil constitutionnel du 1er juillet 2016, ne l’est pas au regard de la nécessaire concertation entre l’État et les représentants locaux, qui doit présider à tout processus institutionnel outre-mer. Solder ce débat permettra de libérer les énergies, pour réussir le développement à venir de ce territoire. La commission des lois a produit en 2014 un rapport d’information en ce sens, qui peut servir de base.

Si l’on rapporte la contribution budgétaire de l’État sur les territoires ultramarins à leur population, Saint-Martin bénéficie très faiblement du soutien national : 1 873 euros par habitant, trois à dix fois moins que dans les autres COM – hors Saint Barthélémy. Je me demande encore cette année, madame la ministre, ce qui peut justifier un tel état de fait au regard des besoins immenses de Saint-Martin.

En deuxième lieu, les prochains mois et années vont poser avec acuité quelques questions institutionnelles.

Bien sûr, le grand rendez-vous sera celui de la Nouvelle-Calédonie en 2018, avec la consultation d’autodétermination prévue par les Accords de Nouméa. Je mesure la mobilisation du Gouvernement et du Parlement, ces deux dernières années, pour réunir les conditions du succès de ce processus. Pouvez-vous nous assurer, madame la ministre, de la poursuite de ces efforts, qui incluent le maintien d’un climat économique et social favorable à cette consultation ? Et dans quelle mesure la présente loi de finances peut-elle y contribuer ?

Mais au-delà de la Nouvelle-Calédonie, d’autres territoires pourraient voir leur action publique renforcée en efficacité et en lisibilité par des évolutions institutionnelles mineures et ciblées.

Je pense d’abord à Wallis-et-Futuna, archipel qui devrait bénéficier d’une loi organique dans le respect de l’article 74, mais qui est toujours organisé par une loi ordinaire de 1961, extrêmement centralisatrice. La récente visite du Président de la République semble avoir initié une dynamique d’ensemble sur tous les sujets. Pouvez-vous nous indiquer les principaux chantiers à venir dans ce cadre, et ceux devant être initiés ou portés éventuellement pas la présente loi de finances ?

La Polynésie française est toujours marquée par sa transition post-nucléaire. La situation budgétaire et financière de ce territoire est en voie de stabilisation, grâce aux efforts du Gouvernement local et à l’accompagnement de l’état. La récente visite du Président de la République a permis de débloquer un certain nombre de dossiers en souffrance. L’État a respecté ses engagements en maintenant le montant de la DGA à son niveau initial, ce que je salue. Et l’on annonce, dans les mois qui viennent, un accord entre l’État et la Polynésie. Madame la ministre, quelles en seront les répercussions sur le plan budgétaire ?

Par ailleurs, La Polynésie, très en pointe sur les sujets de lutte contre le changement climatique, s’est battue au nom des collectivités du Pacifique et au-delà, sur la mise en place d’un instrument financier équivalent au fond vert de la COP 21. Le rehaussement significatif des crédits dévolus à la bonification des prêts accordés par l’AFD, et la mise en place d’un prêt à taux zéro au profit des projets relatifs aux énergies renouvelables inscrit dans cette mission vont dans le bon sens, mais n’auront pas d’effet équivalent au fond vert. Peut-on faire des progrès dans cette direction ?

En troisième et dernier lieu, j’évoquerai les Terres Australes et Antarctiques Françaises (TAAF). Ce sont des espaces fascinants que les pouvoirs publics pourraient facilement oublier au motif qu’ils n’ont pas de population résidente, donc pas de représentation au Parlement. Mais c’est un formidable enjeu de connaissance, de biodiversité et de développement durable pour une France qui s’est honorée à jouer un rôle moteur dans la négociation de l’Accord de Paris sur le changement climatique. Grâce aux TAAF, la recherche française est la première, ou peu s’en faut, dans les domaines polaires. Je veux saluer le travail fantastique réalisé par l’Institut polaire Paul-Émile Victor, pour un budget somme toute modeste.

Madame la ministre, des moyens sont inscrits depuis plusieurs années pour pérenniser la desserte par la mer de ces TAAF. Le Marion-Dufresne et l’Astrolabe ont été ou seront prochainement modernisés ou remplacés. Pouvez-vous nous assurer qu’ils resteront au service de l’activité des TAAF, comme cela l’a été jusqu’ici ? Le transfert de leur gestion à l’IFREMER, dont il est question, ne serait-elle pas de nature à disperser leur usage dans l’avenir, au détriment des TAAF ?

Pouvez-vous nous assurer enfin que la diminution de 17 % des crédits des TAAF ne menace pas les programmes de recherches menés sur ces sites et les missions de souveraineté, à un moment où, précisément, notre souveraineté sur certaines de ces îles est contestée ?

Mme Éricka Bareigts, ministre des outre-mer. Messieurs les présidents, madame la présidente, monsieur le rapporteur spécial, madame et messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de me recevoir ce soir pour me permettre de répondre à vos questions et vous présenter le budget 2017 de la mission « Outre-mer ».

Mais avant cela, je souhaite partager avec vous la méthode que je développerai tout au long de mon action, et qui a présidé à la discussion du projet de loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer : la méthode de la coconstruction et de l’association permanente des parlementaires, pour répondre aux grands défis qui nous attendent – et que je compte appliquer également aux sujets budgétaires.

Nous sommes donc réunis aujourd’hui pour discuter ensemble du budget du ministère des outre-mer.

Il s’agit du dernier budget de ce quinquennat. Je crois profondément qu’il a été marqué par l’affirmation de la priorité que les outre-mer représentent pour le Gouvernement : des outre-mer pleinement inclus dans la République, des outre-mer au centre des priorités de la Nation, des outre-mer dotés des moyens de répondre aux défis qu’ils rencontrent.

Nous connaissons tous le contexte contraint, marqué par le redressement des finances publiques et la réduction des déficits, pour respecter nos engagements communautaires. Le sérieux budgétaire est assumé par ce Gouvernement.

La priorité outre-mer est inscrite dans le budget que nous vous présentons. Cette priorité s’est affirmée à plusieurs égards.

D’abord, parce que le budget de la mission « Outre-mer » a été maintenu au-dessus du seuil des 2 milliards sur l’ensemble de ce quinquennat, soit environ 150 millions d’euros de plus, par an, que la moyenne constatée sur la précédente mandature.

Ensuite, parce que cette majorité a renforcé les dispositifs les plus stratégiques : ceux qui participent à la création d’emplois, ceux qui tendent à donner des perspectives à la jeunesse, à soutenir l’activité économique et à favoriser l’accès au logement.

Enfin, parce que le Gouvernement s’est donné les moyens d’engager les investissements nécessaires pour construire l’avenir et accentuer tout le potentiel de nos territoires.

Telle est la stratégie que nous défendons, encore renforcée par la loi relative à l’égalité réelle outre-mer que nous discutons ensemble, et par ce budget qui se présente comme un budget entre continuité, responsabilité et investissements pour l’avenir.

La continuité dans notre action s’exprime d’abord au travers du maintien des priorités stratégiques définies dès 2012.

Nous savons que le logement est une préoccupation quotidienne pour nombre de nos concitoyens. Nous avons ainsi sanctuarisé la ligne budgétaire unique un an après le lancement du Plan logement Outre-mer. Cela réaffirme l’attention prioritaire portée au secteur du logement. Le secteur a par ailleurs bénéficié de la suppression de l’agrément fiscal des investissements en crédit d’impôt pour les opérations de construction de nouveaux logements, annoncée en juin dernier. Cette décision s’inscrit elle-même dans la continuité de la prorogation du dispositif de la défiscalisation jusqu’à 2025 dans les collectivités d’outre-mer, et du crédit d’impôt jusqu’en 2020 dans les départements d’outre-mer, actée en décembre dernier dans le projet de loi de finances pour 2016.

Je me réjouis que les arbitrages rendus par le Premier ministre nous permettent de conserver une enveloppe intacte pour la ligne budgétaire unique (LBU). Je poursuivrai les efforts entrepris pour l’amélioration et la rénovation du parc social, tout en restant attentive, comme le veut l’esprit du plan logement outre-mer, à la notion de parcours résidentiel.

Dans le travail de coconstruction qui a marqué le projet de loi relatif à l’égalité réelle outre-mer, auquel je faisais allusion tout à l’heure, vous avez, mesdames et messieurs les députés, enrichi le texte, par exemple en consolidant l’aide à la rénovation du parc locatif social ancien, en facilitant le recours à la location-accession ou en favorisant les investissements dans le logement intermédiaire. Je serai très attentive à ce que ce travail soit préservé.

Nous savons que le service militaire adapté (SMA) est une réponse efficace, adaptée et coordonnée, pour offrir des perspectives à la jeunesse. Il faut rappeler le taux, très élevé, de sorties positives : 73 %.

Nous préservons ainsi un niveau de dépenses pour le SMA compatible avec l’atteinte de l’objectif « SMA 6 000 ». Les effectifs du service militaire adapté progresseront de 196 équivalents temps plein en 2017, parallèlement à une recherche de gains d’efficience sur les dépenses de fonctionnement. Là encore, je crois que nous pouvons être satisfaits du travail accompli, parce que cette innovation ultramarine a été reprise par le Président de la République pour l’ensemble de l’hexagone.

Nous maintenons les crédits consacrés à la continuité territoriale pour faciliter la mobilité de nos compatriotes ultramarins, en plus de nombreuses dispositions sur lesquelles nous avons travaillé dans le projet de loi « Égalité réelle outre-mer ».

Le budget que vous serez appelé à voter comprend les dotations nécessaires aux trois volets classiques de la continuité territoriale. Ces dotations sont calibrées pour répondre à la progression de la demande et pour ne laisser personne sur le bord de la route. 2016 est l’année du changement de statut pour l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité (LADOM), opérateur public historique pour la mobilité, à la fois pour les étudiants, la formation professionnelle des demandeurs d’emploi et, plus largement, l’aide à la continuité territoriale pour tous les ultramarins.

Au global, le soutien de l’État s’établit à plus de 70 millions d’euros, dont la moitié pour la formation professionnelle. Je serai attentive à accompagner et à soutenir la montée en puissance de LADOM dans les nouvelles missions qui lui seront confiées.

Nous maintenons également les enveloppes destinées à soutenir les collectivités locales dans leur effort d’investissement. Là encore, tout au long de la législature, notre action s’est inscrite dans une logique de confiance et de respect vis-à-vis des collectivités, qui jouent, sur nos territoires, le rôle moteur de l’activité, au travers de la commande publique.

Favoriser la commande publique, comme nous le faisons en maintenant le niveau de l’enveloppe contractuelle et en nous battant pour préserver le Fonds européen d’investissement (FEI), c’est se donner les moyens d’entretenir la croissance et d’encourager l’emploi. Tout en m’inscrivant dans le prolongement de mes prédécesseurs, que je salue, Victorin Lurel et George Pau-Langevin, je veux également partager avec vous ma vision personnelle de l’utilisation de ces outils. Ils doivent être, à mon sens, maniés dans un souci de cohérence avec les priorités ou les urgences que nous rencontrons dans la réalité quotidienne, car il faut que l’action des pouvoirs publics soit au plus près des préoccupations des citoyens. J’ai ainsi souhaité répondre sans plus attendre aux besoins criants que j’ai pu identifier lors de mon passage à Mayotte, en décidant de consacrer 10 millions d’euros de plus à un programme accéléré de constructions scolaires pour le premier degré. Je vais également affecter, avec mon collègue Patrick Kanner, 10 millions d’euros à un plan de rattrapage en matière d’équipements sportifs.

Le Gouvernement ne se contente pas d’assurer la continuité de l’action menée. Il s’inscrit dans une démarche d’efficacité renforcée, et le budget de la mission « Outre-mer » pour 2017 s’inscrit pleinement dans cette dynamique.

Plus d’efficacité, c’est d’abord un pilotage rigoureux et cohérent des dispositifs outre-mer, qui a permis de dégager des marges de manœuvre pour répondre à nos priorités sociales. Ce sont ces marges de manœuvre qui nous ont permis, par exemple, de trouver les ressources nécessaires pour la sauvegarde et la pérennisation de l’Institut de formation aux carrières administratives, sanitaires et sociales (IFCASS). Ce sont deux cents jeunes ultramarins qui trouvent, chaque année, une solution professionnelle.

Plus d’efficacité passe également par un meilleur ciblage des dispositifs de réduction du coût du travail.

Conformément à ses engagements, le Gouvernement ne réformera pas en 2017 le dispositif des exonérations de cotisations sociales pour les salariés, après les réformes successives de 2014 et 2015 qui ont permis de maximiser leur impact sur l’emploi. Je le dis clairement : au travers des moyens importants que mon ministère affecte à la compensation des exonérations de cotisations sociales, mon objectif fondamental est d’aider prioritairement le réseau des TPE-PME, qui sont le moteur de la croissance et de l’emploi.

Le recentrage de la dépense sur les bas salaires correspond à un choix politique assumé, qui s’appuie sur les constats concordants de la Cour des comptes et des corps d’inspection. Mais j’entends préserver l’équilibre qui a été atteint et conserver l’enveloppe financière de 1 milliard d’euros qui en résulte. Il s’agit pour moi de valoriser nos succès. Et nos succès sont très réels lorsqu’on considère l’évolution des chiffres du chômage, notamment ceux du chômage des jeunes, dans nos outre-mer. Oui, ce gouvernement commence à percevoir les dividendes de ses efforts sur le front de l’emploi, grâce à une politique d’abaissement du coût du travail non qualifié. Sur ce terrain-là, comme sur les autres, je n’entends pas relâcher la pression.

En ce qui concerne la réforme des travailleurs indépendants, le plafonnement d’un dispositif qui s’appliquait jusqu’à présent sans limite de montant ne me choque pas. Au-delà de la question du plafonnement, se pose celle de la dégressivité de l’aide, pour laquelle les arbitrages interministériels, à ce stade, ne sont pas figés.

Je vous le disais dans mon introduction : j’ai souhaité que ce budget consacre des investissements d’avenir, stratégiques pour nos territoires.

Les outre-mer sont une richesse immense pour notre pays : ils constituent des territoires pionniers en matière d’innovation, de recherche et de cohésion sociale. Il convient de le faire valoir auprès de l’opinion publique dans l’hexagone, qui, parfois, ne le perçoit pas pleinement. C’est pourquoi l’État souhaite valoriser cette richesse en engageant la création de la Cité des Outre-mer. Annoncée par le Président de la République, elle constituera un lieu de partage et de connaissance de l’autre.

La préservation de l’environnement, la valorisation de la biodiversité et la lutte contre le changement climatique se présentent aussi comme des enjeux d’avenir.

C’est pourquoi la mission « Outre-mer » prévoit la création d’un équivalent Fonds vert pour financer les projets de développement des énergies renouvelables et d’adaptation au changement climatique dans les collectivités du Pacifique. Le Gouvernement tiendra l’ensemble de ses engagements vis-à-vis de la Polynésie française, en accroissant parallèlement les moyens alloués à la dotation globale d’autonomie (DGA), qui atteindra 90 millions d’euros en 2017, conformément aux engagements du Président de la République et du Premier ministre.

Préparer l’avenir, enfin, c’est donner les moyens aux collectivités de réaliser les investissements à même de susciter la croissance de demain.

Pour cela, le Gouvernement a décidé d’accroître significativement les crédits alloués à la bonification des prêts accordés par l’Agence française de développement (AFD) pour les programmes d’investissement des collectivités. Il s’agira, lorsque c’est nécessaire, d’accorder des prêts à taux zéro à des fins de restructuration, pour aider les collectivités à reconstituer progressivement leur capacité d’autofinancement.

Notre action, naturellement, ne s’arrête pas là. Les plans de convergence feront une large place à l’innovation technologique, en s’adaptant aux atouts de chaque territoire. Nous encourageons le partenariat entre les universités et les entreprises innovantes au travers des outils que sont le crédit d’impôt recherche et le crédit d’impôt innovation, avec des taux bonifiés pour les outre-mer. Enfin, je poursuis un dialogue avec le Commissariat général à l’investissement pour que les outre-mer soient pleinement partie prenante au futur programme d’investissements d’avenir, le PIA 3.

Pour terminer la présentation de ce budget, je souhaite vous présenter les dispositions fiscales qui visent à renforcer l’attractivité des territoires ultramarins. C’est en effet la clé pour assurer le développement économique de nos territoires et offrir de réelles perspectives aux habitants.

Tout d’abord, la fiscalité directe locale à Mayotte est particulièrement pénalisante. Nous nous engageons à réformer le système actuel au bénéfice des contribuables mahorais pour réduire la pression fiscale sur les ménages.

Par ailleurs, je souhaite soutenir l’activité du secteur privé. Cela nécessite évidemment des crédits, dont une partie sera constituée par les 70 millions d’euros qui correspondent à la zone franche d’activité (ZFA). La dégressivité de la ZFA a été stoppée à ma demande, par décision du Premier ministre. Je vais engager avec chacun d’entre vous les discussions qui nous permettront, sur la base de l’enveloppe de crédits qui a été ainsi sanctuarisée, de réfléchir à ce que seront les contours des dispositifs qui remplaceront la loi pour le développement économique des outre-mer (LODEOM) et qui accompagneront les outre-mer vers la croissance et l’emploi au-delà de 2018.

Ma vision des choses, vous la connaissez : avec une enveloppe globale qui s’approche des 1,2 milliard d’euros, si on fait masse des exonérations de charges sociales et de la ZFA, nous pouvons construire quelque chose qui soit cohérent avec notre objectif de rompre avec une situation d’inégalité économique entre la métropole et les outre-mer, tout en restant fidèle à notre engagement de laisser à chaque territoire le soin de construire sa propre stratégie de développement.

Mesdames et messieurs les députés, le budget 2017 ouvre des voies nouvelles pour les outre-mer. Il n’en fait pas des variables d’ajustement des équilibres macroéconomiques globaux. C’est même tout le contraire. Les investissements d’avenir qui y sont consacrés constituent des outils importants de notre politique pour inscrire pleinement les outre-mer dans la dynamique économique de leur époque, leur permettre de mobiliser tout leur potentiel et offrir des perspectives à chacun de leurs habitants.

Ce chemin, nous l’empruntons aussi avec le projet de loi « Égalité réelle outre-mer ». C’est en s’appuyant sur ces deux piliers que nous bâtissons un projet solide, ambitieux et efficace.

M. Dominique Lefebvre, président. Nous allons maintenant entendre les porte-parole des groupes.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Après l’adoption du projet de loi relatif à l’égalité réelle outre-mer, il y a deux semaines, nous nous intéressons de nouveau aux territoires d’outre-mer grâce à l’examen du projet de loi de finances pour 2017.

Plus qu’un texte de loi, l’égalité réelle entre la métropole et les territoires d’outre-mer a été une ambition constante du Gouvernement et de la majorité pendant ce quinquennat, comme vient de le rappeler Mme la ministre. Mais restons modestes : beaucoup reste à faire, tant les inégalités sont importantes, notamment en termes d’emploi, de développement économique, de précarité et d’accès aux services publics.

Le taux de chômage en outre-mer est jusqu’à quinze points supérieur à celui de l’Hexagone. Il est donc urgent de trouver des solutions adéquates, en se concentrant particulièrement sur les TPE, qui représentent 96 % du tissu économique. C’est sur elles que se concentreront désormais les exonérations de cotisations patronales, dont il faut espérer très vite les bienfaits. Les exonérations applicables aux travailleurs indépendants seront ajustées dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour les rendre plus efficaces.

Le transport de marchandises est également une problématique majeure pour la compétitivité économique de ces territoires. L’aide au fret compense ainsi les surcoûts des importations et des exportations des outre-mer.

Pour favoriser l’intégration professionnelle des jeunes, le service militaire adapté est renforcé. Mais suffit-il ? L’objectif est d’accueillir 6 000 jeunes en 2017, contre 5 000 aujourd’hui. Il s’agit d’un investissement pour l’avenir puisque ce dispositif a déjà démontré son efficacité.

L’Agence de l’outre-mer pour la mobilité voit ses moyens confortés pour que les jeunes ultramarins puissent avoir accès à la formation professionnelle et le droit à la mobilité vers l’hexagone s’ils le souhaitent.

Le logement est également un enjeu économique et social de première importance. Les crédits pour la résorption de l’habitat insalubre et d’incitation fiscale à l’investissement dans le logement social locatif sont maintenus. L’État participera à hauteur de 147 millions d’euros au financement des logements sociaux en outre-mer. L’enveloppe consacrée à la réhabilitation des logements sociaux augmente pour atteindre 15 millions d’euros, ce qui permettra de prendre en charge plus de 2 200 logements. Là aussi, madame la ministre, nous faisons un pas de plus vers l’égalité réelle.

Enfin, il faut mettre en avant les efforts consacrés à l’aménagement du territoire et à la continuité territoriale. Là encore, il s’agit d’investissements pour l’avenir.

Cela étant, nous constatons sur le terrain à quel point il était vraiment nécessaire d’agir. Le chemin vers l’égalité réelle est encore long et la République se doit de répondre aux attentes légitimes des populations, dans le respect des particularismes régionaux qui font la richesse de notre nation. À l’heure de la mondialisation des échanges, de la préservation de la biodiversité et de la valorisation de la mer comme espace économique et environnemental de demain, les territoires d’outre-mer sont plus que jamais une chance pour la France.

Le projet de loi pour une égalité réelle contient des objectifs ambitieux en matière de convergence des modèles économiques et sociaux entre la métropole et les outre-mer, et des plans pluriannuels de développement adaptés aux besoins spécifiques de chaque territoire. Nous saluons ces dispositions, qui traduisent l’intérêt du Gouvernement pour ces territoires. Cependant, les moyens doivent s’adapter aux ambitions. Madame la ministre, pouvez-vous nous garantir que les crédits budgétaires de la mission seront suffisants pour garantir l’application de cette loi, très attendue par les élus locaux et nos concitoyens d’outre-mer ?

En 2018, la Nouvelle-Calédonie se prononcera par référendum sur son autodétermination. Ce scrutin résulte des accords de Nouméa de 1998. Le Gouvernement a rappelé à plusieurs reprises que le référendum aurait bien lieu et que le résultat serait respecté. Dès lors, il convient d’anticiper les conséquences, quel que soit le résultat du vote des Néo-Calédoniens. Madame la ministre, pouvez-vous nous expliquer comment le Gouvernement se prépare au référendum sur l’autodétermination de la Nouvelle-Calédonie ?

Le groupe Socialiste, écologiste et républicain (SER) est très satisfait de ce budget, mais nous devons faire un pas de plus en direction des territoires ultramarins. Notre groupe sera très attentif à ce que l’égalité réelle voie le jour sous ce quinquennat.

M. Daniel Gibbes. Madame la ministre, j’accueille, comme sans doute l’ensemble des parlementaires réunis ce soir, votre budget 2017 pour les outre-mer avec un certain soulagement, mais aussi avec des interrogations.

Sur le plan strictement comptable, votre budget progresse très légèrement par rapport à la loi de finances 2016, grappillant quelque 16 millions d’euros supplémentaires – plus 2,8 % en autorisations d’engagement, plus 0,7 % en crédits de paiement. D’où mon soulagement : en très légère augmentation par rapport à l’an dernier, ce budget préservé montre qu’en cette période budgétaire extrêmement contrainte, le Gouvernement a toutefois conscience des urgences auxquelles restent confrontés nos territoires ultramarins.

Votre budget, madame la ministre, présente plusieurs motifs de réelle satisfaction, sur lesquels j’aurai l’occasion de revenir, mi-novembre, lors des débats en séance publique. Mais il comporte également de vrais points d’achoppement. Nous ignorons comment seront financées les mesures qui seront votées dans le cadre de la loi « Égalité réelle outre-mer ». Nous sommes aussi inquiets de la baisse du budget de l’action 01 « Soutien aux entreprises ». Nous souhaiterions, par exemple, connaître le détail du financement et obtenir une estimation des retombées espérées de la future Cité des Outre-mer, qui n’est pas exposée dans le bleu budgétaire.

Permettez-moi, à présent, d’appeler votre attention, ce soir, sur un point particulier, qui concerne très directement ma circonscription et que mon collègue Aboubacar a évoqué, ce dont je le remercie. Nous avons eu l’occasion d’en discuter à plusieurs reprises, et tout récemment, lors de l’examen du projet de loi relatif à l’égalité réelle outre-mer : il s’agit de l’urgence, pour la collectivité d’outre-mer de Saint-Martin, d’obtenir des statistiques fiables.

Pour rappel, Saint-Martin forme, depuis 2007, une entité distincte de la Guadeloupe. Toutefois, sur le plan statistique, les données concernant l’île font, quand elles existent, l’objet d’amalgames. Elles sont, en effet, soit noyées dans les chiffres de l’archipel de la Guadeloupe dite « continentale », ou par le regroupement des informations concernant les deux collectivités de Saint-Martin et Saint-Barthélemy, sous le vocable historique d’« îles du Nord ». Telle est la règle pour le taux de chômage rendu public par Pôle emploi, par exemple, ou pour les prestations servies par les caisses de Sécurité sociale ou d’allocations familiales.

Il est, en outre, particulièrement difficile de disposer d’une vision globale de la situation économique de Saint-Martin, le système statistique actuel ne permettant pas d’en connaître le produit intérieur brut.

La seule donnée actuellement disponible est une estimation du PIB de l’année 1999, réalisée en 2005 par le partenariat « Comptes économiques rapides de l’outre-mer » (CEROM), réunissant l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), l’Institut d’émission des départements d’outre-mer (IEDOM) et l’AFD. Dans ce cadre, le PIB de Saint-Martin avait été évalué à 421 millions d’euros, soit environ 14 500 euros par habitant.

L’État et la collectivité doivent pouvoir disposer d’une connaissance précise du territoire et de sa population. Il s’agit là d’informations indispensables à la détermination et à la mise en œuvre des politiques publiques, mais également à l’intervention des fonds structurels européens. Organiser la collecte, le traitement différencié et la publication de l’ensemble des données statistiques relatives au territoire de Saint-Martin est, j’en suis conscient, un travail coûteux et de longue haleine.

Dans l’attente de cette nécessaire mise en œuvre, madame la ministre, à laquelle je sais que vous êtes attentive, pouvez-vous mettre en place, pour Saint-Martin, un nouveau CEROM, dont l’enquête porterait sur le produit intérieur brut par habitant, le taux de chômage, les écarts de revenu par habitant et le seuil de pauvreté, ces indicateurs illustrant objectivement la situation économique et sociale de Saint-Martin ? Quel pourrait être le calendrier de cette enquête ?

Enfin, comme nous l’avons indiqué, avec le rapporteur spécial, s’il existe des motifs de satisfaction concernant ce budget, il n’en demeure pas moins que des zones d’ombre persistent.

Pour ces raisons, madame la ministre, le groupe Les Républicains s’en tiendra à une position d’abstention constructive. Nous regrettons qu’en dépit d’une stabilité comptable, le budget baisse si l’on tient compte des transferts de crédits.

Mme Maina Sage. Le projet de loi de finances que nous examinons aujourd’hui intervient dans un contexte bien particulier : non seulement c’est le dernier budget de la législature, mais il intervient après le vote de la loi relative à l’égalité réelle outre-mer (EROM), véritable pari sur l’avenir de nos territoires.

Dès lors, nous attendons que ce PLF anticipe à la fois les mesures sociales fortes votées récemment et qu’il soit l’occasion de renforcer les mesures économiques – qui sont en deçà des mesures proposées dans la loi EROM – en faveur de la compétitivité, de la croissance et de l’emploi pour nos territoires d’outre-mer.

C’est dans cette optique que nous abordons l’étude de ce PLF, qui doit être à la hauteur de ces exigences, face au constat accablant des retards de développement qu’accusent les outre-mer. Rappelons que le PIB par habitant est en moyenne inférieur de 40 % dans les Antilles et à la Réunion et que l’écart oscille entre 50 et 90 % dans les autres collectivités.

Face à ces écarts probants, il ne faut pas oublier que l’aide de l’État doit être considérée à l’aune de l’apport fait par habitant dans l’hexagone. Je tenais à le rappeler car beaucoup d’a priori circulent sur les outre-mer : on dit qu’ils coûtent cher, alors qu’en réalité, l’État dépense 5 700 euros par habitant en France hexagonale, contre 5 576 euros dans les DOM et 4 564 euros dans les collectivités d’outre-mer (COM).

Le taux de chômage oscille entre 14,7 % et 28 % selon les territoires. Les indicateurs liés à la santé et à l’éducation révèlent, eux aussi, des écarts phénoménaux.

Face à ce constat, il faut souligner que, depuis 2012, le budget alloué à cette mission reste relativement stable. Il affiche une légère hausse de 0,8 % par rapport à 2016. Toutefois, cela masque, à périmètre constant, une baisse réelle de certaines lignes budgétaires, et singulièrement au détriment du programme 138 « Emploi outre-mer », et notamment de l’action 01 « Soutien aux entreprises ».

J’en profite, madame la ministre, pour vous interpeller sur les inquiétudes des professionnels à propos de la défiscalisation, des procédures d’agrément et du nouveau dispositif de prélèvement à la source. Nous avions, l’an dernier, demandé un bilan de la répartition des aides à l’investissement. Nous devions pouvoir l’utiliser en début d’année 2016, mais cela n’a pas été le cas. C’est pourquoi je réitère notre demande : on ne peut pas piloter et réajuster les stratégies sans diagnostic.

Concernant les crédits alloués à l’emploi et à la formation professionnelle, le « SMA 6 000 » va atteindre ses objectifs, avec 296 postes à temps plein. Toutefois, les dépenses en termes de formation professionnelle et de fonctionnement courant accusent une baisse de 7 %, soit 2,5 millions d’euros. Nous souhaiterions avoir des précisions sur ces efforts de rationalisation et être assurés qu’ils ne se feront pas au détriment de la qualité des formations.

Nous notons également une baisse des crédits consacrés aux mesures de formation dans les COM, et plus précisément ceux consacrés au chantier de développement local (CDL) et aux jeunes stagiaires du développement (JSD).

La difficulté, avec le budget des outre-mer, est qu’il touche une dizaine de territoires qui, selon les années, sont plus ou moins bénéficiaires ou déficitaires de certaines lignes budgétaires. D’où le document de politique transversale qui, malheureusement, n’a été délivré que cet après-midi, mais qui permet de voir précisément ce qu’il en est pour chaque territoire.

Nous saluons le rétablissement de la dotation globale d’autonomie (DGA) de la Polynésie française, à hauteur de 90 millions d’euros. Nous vous remercions, madame la ministre, d’avoir tenu les engagements du Président Hollande. Nous attendons aussi le nouveau décret qui va permettre d’améliorer le niveau d’indemnisation des victimes des essais nucléaires.

En revanche, nous sommes particulièrement inquiets des coupes drastiques opérées dans les crédits consacrés au contrat de projets de la Polynésie française et aux contrats de développement entre l’État et la Nouvelle-Calédonie. Nous aimerions avoir des précisions sur les raisons de ces baisses.

En ce qui concerne l’équivalent Fonds vert, madame la ministre, vous avez annoncé une enveloppe de 25 millions d’euros en autorisations d’engagement. Je vous ai interpellée il y a quelques semaines sur l’urgence de construire des abris de survie pour les atolls. Nous souhaiterions, d’ici à la séance publique, isoler une partie de cette enveloppe, afin d’en faire une aide directe à la construction de ces abris qui, rappelons-le, relève de la compétence de l’État dans la mesure où il y va de la sécurité des habitants.

M. Gabriel Serville. Madame la ministre, permettez-moi tout d’abord de vous féliciter ainsi que Mme Pau-Langevin pour les arbitrages que vous avez su obtenir cet été : la mission « Outre-mer » voit ses crédits préservés alors qu’il y a quelques mois encore, des baisses étaient annoncées. J’imagine à quel point il a dû être difficile de convaincre Bercy de l’impérieuse nécessité de ne pas davantage pénaliser nos territoires qui vivent tous dans l’espérance d’une convergence de leur niveau de vie avec celui observé dans l’hexagone. Nul doute que ce budget, couplé aux efforts consentis lors des débats sur le projet de loi sur l’égalité réelle en outre-mer en première lecture, saura témoigner de l’attention particulière qui a été apportée aux citoyens ultramarins en ces temps de réduction des déficits. Je tiens ici à saluer le gel des abattements dans les zones franches, que nous savions menacés, ainsi que la création d’un équivalent du Fonds vert qui viendra renforcer la lutte contre les conséquences négatives du changement climatique dans nos territoires.

Si nos territoires savent s’unir dans des élans solidaires dès lors qu’il s’agit de défendre les réalités ultramarines, il existe de fait une multitude de situations d’un territoire à l’autre. Ce sont ces différences qui font nos richesses mais aussi la complexité des solutions à apporter à nos difficultés.

Nous l’avons une fois de plus réaffirmé dans le rapport de la Commission nationale d’évaluation des politiques de l’État en outre-mer (CNEPEOM) adopté ce matin, que je vous remettrai très prochainement en tant que rapporteur.

C’est cette impérieuse nécessité de comprendre les réalités plurielles de nos territoires ultramarins qui me contraint à apporter un bémol à l’appréciation par ailleurs positive que je porte sur le budget que vous nous présentez aujourd’hui.

En matière de logement, le compte n’y est pas. Comment se contenter d’une « sanctuarisation » – je reprends vos termes, madame la ministre – des crédits de la ligne budgétaire unique quand la situation du logement est si critique dans des territoires comme la Guyane ou Mayotte ? Si nous n’y apportons pas de réponses efficaces de manière urgente, ces deux régions risquent de plonger dans le désordre – et je pèse mes mots. À Mayotte, la situation est déjà critique. Lors de la réunion de la CNEPEOM ce matin, nous avons également adopté la contribution sur la lutte contre l’habitat insalubre et indigne, lequel est un habitat informel et sans titre.

Comment espérer juguler ces désordres lorsque nous sommes incapables de faire face à la croissance démographique et à la crise migratoire sans précédent que connaissent la Guyane et Mayotte ?

La Guyane est le territoire qui connaît le plus fort taux de logements suroccupés. Des dizaines de milliers de nos concitoyens désespèrent de trouver un logement et doivent se résoudre à entrer dans l’illégalité en s’installant sur des terrains appartenant à autrui, avec tous les effets néfastes que cela suppose sur tous les pans de la société, rendant par là même totalement inefficaces les politiques publiques que nous nous efforçons de déployer.

À cette situation déjà compliquée s’ajoute l’afflux de 25 000 migrants qui, dans leur écrasante majorité, ont fui leur pays d’origine en proie à de multiples désordres économiques auxquels sont venus se rajouter des événements climatiques d’une rare intensité. Madame la ministre, je vous ai déjà interrogé à ce sujet lors de la séance des questions au Gouvernement la semaine dernière. Mon insistance auprès du Gouvernement n’a d’égale que l’ampleur de la catastrophe annoncée si rien n’est fait pour inverser la tendance.

Sans chercher à évoquer toutes les questions que soulèvent ces mouvements de populations, notamment celle du soutien financier aux collectivités, je voudrais m’arrêter sur les conséquences qu’entraîne l’arrivée massive de migrants pour notre politique de logement. Nous parlons de 25 000 personnes supplémentaires à loger dans des conditions humainement acceptables, l’équivalent de plus de 10 % de la population guyanaise à absorber en seulement quelques mois. Cela représente une gageure puisque nous ne sommes pas même capables de répondre favorablement à un taux de croissance démographique d’un peu moins de 4 %.

En clair, il nous sera extrêmement difficile de nous contenter d’une sanctuarisation des crédits, surtout pas au moment où les Guyanais attendent une véritable dynamisation du logement, notamment grâce à une opération d’intérêt national d’envergure et au déploiement du plan logement outre-mer.

À ce stade, je souhaite évoquer les espoirs suscités par le pacte d’avenir dont la signature et la mise en œuvre constituent de pertinents indicateurs de confiance. Le mal-logement est à l’origine d’une grande partie des maux que connaissent nos territoires. En cela, il mérite de la part de l’État un véritable effort qui mettrait un terme aux mesures de saupoudrage qui ont jusqu’alors étaient mises en œuvre et qui ont abouti aux résultats très mitigés voire insuffisants que nous constatons aujourd’hui.

Je vous accorde que les crédits sur le triennal ont augmenté et je reconnais que, chaque année, ce gouvernement a fait davantage en matière de logement que la droite pendant le quinquennat précédent. Certaines situations explosives méritent qu’on apporte enfin des réponses fortes. Cela passe notamment par le renforcement des nouvelles modalités de calcul de la LBU, que je réclame depuis mon arrivée sur les bancs de l’Assemblée, et par la prorogation de certains dispositifs de défiscalisation.

Malgré ces vives remarques, connaissant votre attachement à la lutte contre le mal-logement de nos compatriotes et votre action en faveur de la convergence des niveaux de vie entre territoires, en faveur de l’emploi, de la santé et de l’éducation, j’apporterai un vote positif aux crédits de la mission « Outre-mer » comme le fera mon groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Mme Éricka Bareigts, ministre des outre-mer. M. le rapporteur spécial Laffineur a appelé notre attention sur l’article 7 du PLFSS qui prévoit de réformer le dispositif d’exonération des cotisations sociales des travailleurs indépendants. Il fixe un plafond de 96 000 euros à partir duquel une dégressivité sera applicable. Nous sommes en train d’étudier un amendement déposé par Philippe Naillet visant à rendre la dégressivité applicable à partir de 1,5 PASS – plafond annuel de la sécurité sociale –, solution à laquelle nous sommes plutôt favorables même si nos réflexions ne sont pas encore stabilisées.

S’agissant des différents dispositifs de crédit d’impôt, il est peut-être un peu tôt pour en évaluer l’efficacité dossier par dossier. Le taux de consommation de la LBU en tout cas a augmenté de dix points par rapport à l’année dernière, ce qui est plutôt une bonne nouvelle. Il faut toutefois poursuivre nos efforts dans plusieurs directions : fluidifier la circulation des informations entre la direction générale des outre-mer (DGOM) et la direction générale des finances publiques (DGFIP), sécuriser les dispositifs de défiscalisation de l’impôt sur les sociétés, mieux articuler l’action de BPIfrance afin d’obtenir des garanties en matière de préfinancement.

Pour l’indemnisation des victimes des essais nucléaires en Polynésie, une analyse du dossier de chaque malade a été menée en fonction des critères fixés par la loi de 2010, qui avait provoqué une insatisfaction parmi les demandeurs. Le Président de la République, lors de son déplacement en Polynésie française en février dernier, a annoncé que le décret d’application de la loi serait modifié. En cours de finalisation, il prévoit un changement du seuil de risque afin de répondre le mieux possible aux demandes des malades.

Des questions ont porté sur le passage à l’euro en Polynésie française, sur lequel l’assemblée de la Polynésie française avait rendu une résolution en 2006. Il faut avoir à l’esprit que l’introduction de l’euro n’est pas seulement du ressort de la France, mais relève d’une décision collective des dix-neuf pays de la zone euro. Par ailleurs, nous estimons que ce basculement vers l’euro n’aurait de sens que si les trois collectivités françaises dans le Pacifique engageaient une démarche globale à ce sujet.

Monsieur Letchimy, comme je l’ai indiqué dans mon propos liminaire, il n’y a pas de coup de rabot : le Gouvernement ne réformera pas en 2017 le dispositif des exonérations de cotisations sociales pour les salariés. Ce sont les effets mécaniques des réformes des années précédentes, notamment le recentrage sur un certain niveau de salaire, qui ont entraîné une diminution de consommation de l’ordre de 60 millions d’euros ; mais cette tendance peut être appelée à s’inverser dans les années qui viennent. Au-delà, nous menons une réflexion globale pour déployer des outils qui ne seraient pas uniquement fiscaux. Nous voulons encourager le retour des jeunes gens qui reçoivent une formation de haut niveau hors de leur territoire d’origine. Nous avons pris des mesures en faveur de ce retour des cerveaux dans la loi pour l’égalité réelle outre-mer – j’ai eu l’occasion d’en rencontrer à la Martinique, qui s’installent dans le secteur privé. Il faut poursuivre cet effort dans le cadre d’un plan jeunesse ou encore de l’« Erasmus océanique » qu’il faut amplifier. C’est cette volonté que nous avons manifestée dans la loi EROM.

Plusieurs interrogations ont porté sur les périmètres. Sur les crédits du programme 123, outil important pour le développement des outre-mer, il faut noter une augmentation, qu’il s’agisse des autorisations d’engagement ou des crédits de paiement.

Le financement de la loi sur l’égalité réelle a suscité plusieurs questions, notamment de M. Gibbes et de Mme Bello. La presse s’interroge beaucoup à ce propos. Je peux vous rassurer : cette loi sera financée. Les mesures sociales seront financées par les comptes sociaux ; les mesures spécifiques seront financées par les crédits dédiés à l’outre-mer – 70 millions au titre de la mobilité, 3 millions pour la jeunesse ; quant aux mesures fiscales, elles seront supportées par le budget de la nation. Je sais qu’un amendement a été déposé en commission des finances pour supprimer la mesure concernant le fonds d’investissement de proximité outre-mer contenue dans la loi sur l’égalité réelle. Mais tant qu’elle existera, cette disposition sera financée par le budget de la nation en tant que mesure fiscale.

Madame Bello, vous avez évoqué la révision du Règlement général d’exemption par catégorie (RGEC), qui constitue un enjeu important. Il y a un mois, je me suis rendue à Madère pour assister au congrès des présidents des régions ultrapériphériques de l’Union européenne. Nous avons pu fédérer l’ensemble des exécutifs autour d’une position très claire : la France continue à réaffirmer son souhait de voir introduit un quatrième critère, l’ensemble des surcoûts admissibles mesurables, qui devrait être selon nous apprécié par secteur et non par entreprise bénéficiaire. Nous continuons à nous battre en gardant cette ligne. Pour l’heure, rien n’est tranché. Très prochainement, j’entamerai une démarche pour être reçue par la commissaire européenne à la concurrence, Mme Vestager. Qui plus est, notre position s’est vue confirmer par la dernière jurisprudence qui concerne Mayotte.

Les SIDOM, madame Bello, constituent une question délicate. Permettez-moi de vous rappeler les considérations à l’origine de notre décision. La première d’entre elles concerne la gouvernance, domaine dans lequel l’État n’était pas particulièrement performant. La Société nationale immobilière (SNI), quant à elle, est un acteur reconnu du domaine du logement social : elle a en charge la gestion d’un parc de plus de 187 000 logements sociaux, dont 70 000 logements très sociaux, répartis sur l’ensemble de la France. Elle a su gérer la transformation de l’ex-SONACOTRA en ADOMA. Il n’y a pas à craindre la disparition de la présence des pouvoirs publics : l’État maintient intact son pouvoir de décision à travers la LBU ; les collectivités restent présentes au sein des SIDOM et continuent d’être des acteurs majeurs pour ce qui concerne la territorialisation de la construction de logements sociaux. Ajoutons que la SNI, constituée uniquement de capitaux publics, est une filiale à 100 % de la Caisse des dépôts et consignations. Le débat se poursuivra, y compris au Sénat, mais je tenais à vous apporter d’ores et déjà ces éléments.

Pour ce qui est de l’habilitation législative, je n’ai pas changé d’avis. Je le dis clairement, il est extrêmement regrettable pour l’île de La Réunion qu’elle ne puisse pas disposer des pouvoirs dont tous les autres départements sont dotés. Lorsque je siégeais à la commission des lois, j’avais effectué un travail autour d’une future révision constitutionnelle destinée à mettre fin à cette exclusion. Nous n’avons pas eu la chance de pouvoir le mener au bout ; quoi qu’il en soit, la réflexion technique et politique avait été préparée et présentée.

Sur la codification du droit outre-mer, vous avez raison, il s’agit d’un enjeu important, qui a fait l’objet d’un travail remarquable mené par les chambres de commerce et d’industrie outre-mer. Je veux en particulier saluer la démarche initiée par le président de la chambre de commerce de Martinique pour la codification du droit des entreprises outre-mer, démarche accompagnée par Mme Pau-Langevin. Nous devrions poursuivre ce travail de codification sur certains sujets, en créant au besoin des chaires universitaires.

S’agissant de Saint-Martin, monsieur Gibbes, j’aimerais rappeler certains éléments. Tout d’abord, dans le PLF 2017, l’État prévoit de consacrer 67 millions d’euros en autorisations d’engagement à ce territoire, soit une hausse de 2,6 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2016. On ne saurait parler d’abandon de l’État.

Sachez que je partage plusieurs de vos préoccupations.

En matière de sécurité, si les crédits sont en hausse, le territoire de Saint-Martin n’en reste pas moins exposé à des problèmes de délinquance et de trafics. C’est la raison pour laquelle nous y avons aussi déployé le plan « sécurité outre-mer ». Nous accordons aussi des moyens à la lutte contre la délinquance des jeunes.

En matière de souveraineté, les enjeux sont anciens. Je suis très attentive à la question de la frontière maritime.

Enfin, nous le savons, l’équilibre budgétaire de la collectivité est affecté par le RSA. Malgré la position du juge à ce sujet, le taux de couverture des dépenses sociales est assez faible par rapport aux compensations nationales. C’est même l’un des taux les plus bas de France. Saint-Martin nécessite une intervention et un soutien de l’État. Soyez assuré, monsieur Gibbes, que je m’emploierai à défendre ce dossier.

Pour la Nouvelle-Calédonie, nous constatons une hausse des crédits de la mission « Outre-mer » mais aussi de l’effort financier global de l’État. Une intervention sur la filière nickel a été décidée à juste titre. Le projet de loi organique ouvre, entre autres évolutions, la possibilité de créer de nouvelles entreprises publiques locales (EPL). J’ai pu constater lors du congrès des EPL que celles qui sont déjà implantées mènent des expériences très intéressantes. Enfin, je soulignerai la poursuite du programme « Cadres avenir » qui a inspiré celui que nous mettons en place à Mayotte.

Sur l’évolution statutaire de Saint-Pierre-et-Miquelon, je serai rapide : les discussions se sont arrêtées en cours de route et il appartient aux élus de décider de les reprendre ou pas.

Quant à Wallis-et-Futuna, son régime institutionnel a été modifié en 2003 afin que ce territoire devienne une collectivité d’outre-mer. Une actualisation des dispositions statutaires est envisagée dans le projet de loi organique afin de mettre au point un statut plus adapté aux évolutions juridiques, sociales, économiques et environnementales de cette collectivité. Il est prévu notamment une évolution destinée à affirmer clairement le statut organique de la collectivité ; il s’agira également de clarifier la répartition des compétences entre l’État et la collectivité, de préciser les modalités d’association de la collectivité avec des réformes conduites par l’État ainsi que de garantir le rôle de la coutume, élément indispensable au développement économique maritime.

Mme Sage a évoqué les accords de Papeete. Les discussions n’ont pas encore abouti, il est donc compliqué d’intégrer leurs résultats dans le présent budget. Ils seront néanmoins pris en compte dans le projet de loi de finances rectificative. Nous travaillons à ce que les accords soient signés assez rapidement.

Les terres australes et antarctiques françaises (TAAF) constituent à n’en pas douter un enjeu extraordinaire. Je tiens à vous rassurer sur l’effort global consenti par l’État dans le cadre du projet de loi de finances pour 2017 : 22 millions d’euros leur sont consacrés, à un niveau stable. Une subvention exceptionnelle a été attribuée à l’Initiative française sur les récifs coralliens (IFRECOR). Une mission de rationalisation de la flotte océanographique sera confiée à l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer. Par ailleurs, un financement est prévu pour la jouvence du Marion Dufresne, assurée via un partenariat avec l’IFREMER.

J’avais déjà répondu concernant le prêt à taux zéro. L’équivalent fonds vert s’élève à près de 25 millions d’euros, avec un effet levier de 100 millions, peut-être 18 millions dans la partie « intervention de protection du réchauffement climatique ». La question de Maina Sage était un peu différente et nécessiterait peut-être un travail particulier : nous pourrions nous rencontrer afin d’affiner les choses et de vérifier si une intervention directe serait possible ou pas. Pour l’instant, ce n’est pas le cas : il s’agit d’un dispositif d’effet levier sur des prêts à taux zéro auprès de l’Agence française du développement (AFD) mais ma porte est toujours ouverte, madame la députée, vous le savez.

Il n’y a pas d’effort de rationalisation sur le RSMA qui pourrait être de nature à affecter la qualité de sa prestation. C’est précisément parce que nous avons un taux de sortie positif extrêmement intéressant que nous continuons le programme RSMA 6 000.

Je répondrai à présent à Mme Chapdelaine.

La loi sur l’égalité réelle nous a beaucoup mobilisés et nous savons que les efforts devront être poursuivis. Ce texte n’est pas une fin mais juste un début. Nous posons une nouvelle pierre – en termes de démarche, d’efforts, de méthode et de finalité. Nous devons maintenant continuer à suivre notre chemin et maintenir l’effort nécessaire, car les populations attendent.

Nous sommes effectivement en Nouvelle-Calédonie dans un processus très respectueux des parties. Les accords de Nouméa sont respectés. Nous préparons le prochain comité des signataires et les choses se passent plutôt bien. Le devoir de la France est de veiller au respect des procédures et des accords de Nouméa et de faire en sorte que le dialogue continue et que la transparence soit assurée. La procédure est en cours. Nous serons en réunion au début du mois de novembre pour continuer ce travail. Entre-temps, des experts en mission interviennent. C’est un travail sérieux. Le Gouvernement est là où il doit être pour assurer le bon déroulement des choses, le respect de la parole donnée et la transparence.

La Cité des outre-mer sera dotée de 10 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 1,5 million en crédits de paiement pour les études préalables au lancement de l’opération.

M. Gibbes a attiré mon attention sur la question des données chiffrées – absolument nécessaires pour mener des politiques publiques de qualité et pour pouvoir continuer à bénéficier du Fonds européen. Je vous confirme, monsieur le député, avoir demandé à mes services d’étudier la possibilité de mobiliser le CEROM (Comptes économiques rapides de l’outre-mer) pour apporter, en lien avec les DOM, l’INSEE et l’AFD, les premiers éléments de réponse aux besoins que vous avez exprimés.

M. Serville enfin a évoqué un problème de logement mais aussi, au-delà, un problème de fond : l’impact de la migration sur le département de Guyane. Sur le phénomène migratoire proprement dit, je vous propose d’associer le ministère de l’intérieur à nos échanges. Je vous répondrai pour ma part sur l’effort à engager pour démultiplier l’offre de logement sur le territoire guyanais : la LBU est répartie en fonction de critères démographiques qui, pour l’instant, ne vous sont pas forcément favorables mais qui sont pondérés par d’autres critères – le niveau de richesse notamment. La Guyane a de ce fait la possibilité de mobiliser un peu plus que prévu dans ce budget. Et quoi qu’il en soit, il s’agit de fonds fongibles, de sorte que cette année, la Guyane a pu bénéficier de la non-consommation des crédits d’un autre département. Cela ne répond pas, sur le fond, à votre question : la LBU ne permettra pas de répondre à une demande d’une telle ampleur. C’est pourquoi nous avons entrepris des démarches particulières – je pense au Pacte d’avenir avec la Guyane dans le cadre duquel est mis en œuvre le Plan logement. L’effort en faveur du logement social est important mais il ne réglera pas, il est vrai, le problème du poids que représente le phénomène migratoire sur votre territoire. Il ne s’agit pas pour moi de dire que ce sera possible. Il faudra donc engager des démarches très particulières sur les deux sujets que vous avez soulevés.

Mme Françoise Descamps-Crosnier. L’examen de cette mission budgétaire s’inscrit dans un contexte particulier avec l’adoption le 11 octobre dernier en première lecture du projet de loi de programmation relatif à l’égalité réelle outre-mer. Aussi je tiens à saluer le maintien et même la légère augmentation, aussi bien en crédits de paiement qu’en autorisations d’engagements, des moyens de la mission budgétaire. J’ai bien noté tout le travail transversal amorcé en outre-mer et la méthode mise en œuvre, comme vous l’avez précisé, madame la ministre.

Je souhaite vous interroger sur l’état d’avancement d’une mesure réglementaire très attendue et dont le principe législatif a été posé par la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, dont j’ai été la rapporteure à l’Assemblée nationale. La loi établit la notion de « centres d’intérêt matériels et moraux » comme l’un des critères subsidiaires possibles pour la prise en compte des demandes de mutation des agents publics. Cette mesure a été adoptée de manière consensuelle – le Sénat l’a même élargie à la Nouvelle-Calédonie – et était très attendue en outre-mer aussi bien qu’en métropole. Il manque désormais sa mesure d’application réglementaire. D’après l’échéancier d’accompagnement de la loi, la parution du décret était prévue en octobre. Pouvez-vous nous indiquer où en est la préparation de ce texte ?

M. Patrick Lebreton. Alors que nous examinons l’ultime mission outre-mer de la législature, le bilan de la politique conduite sur nos territoires depuis 2012 peut commencer à être fait. Budget après budget, cette mission a été en augmentation constante. Elle s’est stabilisée au-delà des deux milliards. C’est maintenant un acquis. On observera également que la défiscalisation a été maintenue. Le combat a été âpre – le président Fruteau peut en témoigner –, les oppositions rudes. Mais j’espère qu’il se dégage maintenant un consensus sur le fait que le soutien aux investissements dans nos territoires est vital. Lorsque l’on observe cependant les projets des candidats à la primaire de droite, on peut réellement redouter que les plans d’économies, qui s’élèvent jusqu’à 150 milliards tout de même, se fassent grandement au détriment des ultramarins. Si l’on peut légitimement critiquer les options choisies nationalement, particulièrement en ce qui concerne la réforme du droit du travail, on peut se féliciter de la bienveillance de l’exécutif à l’égard de ses outre-mer. La loi sur la vie chère et celle sur l’égalité réelle sont positives pour nos compatriotes, même si l’on peut regretter qu’elles ne tracent pas encore suffisamment un horizon de développement économique et social clair et durable.

Enfin et à titre plus personnel, je suis globalement satisfait de la dynamique enclenchée par le rapport sur la régionalisation de l’emploi de 2013. Madame la ministre, nous le savons, votre action pour les outre-mer est globale. Aussi mes questions seront-elles d’ordre strictement budgétaire. Je vous interpellerai sur deux points.

Je souhaiterais revenir sur la prise en compte des centres d’intérêt matériels et moraux (CIMM) parmi les critères de mutation des fonctionnaires. Ma collègue en parlait à l’instant et j’enfoncerai un peu plus le clou : pourriez-vous vous engager à publier les textes nécessaires au plus vite ? En clair, les CIMM seront-ils effectifs lors du prochain mouvement des gardiens de la paix au printemps prochain ?

D’autre part, parce qu’une mobilité positive est nécessaire à notre jeunesse et à nos territoires, celle-ci doit être organisée dans des conditions respectueuses et efficaces, ce qui n’est pas encore le cas. Cette année, malgré le retour de l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité (LADOM) dans le giron de votre ministère, force est de déplorer que la campagne de prise en charge des départs depuis La Réunion se soit déroulée dans des conditions, encore une fois, calamiteuses. Nous avons le devoir d’accompagner cette jeunesse qui part se former et qui deviendra demain notre élite locale. Pourriez-vous nous préciser les dispositions que vous entendez prendre afin que LADOM accomplisse enfin ses missions correctement ?

M. Philippe Gomes. En ce qui concerne le budget à proprement parler, je m’associerai aux propos de Maina Sage qui s’est exprimée au nom de notre groupe.

S’agissant de la Nouvelle-Calédonie en particulier, je tiens à souligner, comme l’ont fait plusieurs intervenants, que nous sommes sur un chemin fragile. On n’aborde pas une consultation sur l’indépendance d’un pays les mains dans les poches en sifflotant. Cette consultation est susceptible de faire resurgir certains rapports de force, susceptibles de se traduire par des tensions politiques, ethniques et sociales et par un attentisme économique. Tout cela nécessite d’être géré au plus près par les partenaires de l’accord, c’est-à-dire à la fois les formations politiques indépendantistes et non-indépendantistes et l’État – troisième partenaire de ce dispositif engagé depuis 1988 avec la signature des accords de Matignon.

Je souhaiterais mettre en exergue trois aspects ce budget.

Tout d’abord, le respect par l’État des engagements qu’il avait pris en ce qui concerne les contrats de développement – outil majeur de rééquilibrage pour notre pays depuis 1988. 376 millions d’euros ont été inscrits pour la nouvelle période allant de 2017 à 2021 : cette dernière va au-delà de 2018, ce qui a le mérite de nous permettre de nous projeter. J’ai une inquiétude en ce qui concerne les crédits de paiement, inscrits pour l’année 2017, qui visent à permettre la finalisation des contrats 2011-2016, à hauteur de 58 millions d’euros : est-on vraiment sûr qu’ils seront suffisants pour nous permettre d’honorer l’ensemble de nos engagements ?

Je tiens ensuite à saluer l’inscription des crédits en faveur de la construction des lycées du Mont-Dore et de Pouembout, prévue comme relevant du financement de l’État aux termes de la loi organique, nonobstant le fait que la compétence en matière d’enseignement ait été transférée à la Nouvelle-Calédonie depuis le 1er janvier 2012. À l’heure actuelle, la ministre de l’éducation nationale est en visite officielle en Nouvelle-Calédonie et doit inaugurer en ce moment même le lycée de Pouembout, dénommé lycée Michel Rocard en mémoire de celui qui a été l’instigateur et l’âme des accords de Matignon, prévoyant la réalisation de ce lycée agricole en Province Nord.

Enfin, je tiens à appeler votre attention sur les crédits inscrits en faveur de Cadres Avenir – l’équivalent de la dotation globale d’autonomie (DGA) en Polynésie, c’est-à-dire des crédits qui doivent être sanctuarisés. Ils s’inscrivent dans une opération de rééquilibrage au profit des Kanaks du pays, instaurée en 1988 et ayant permis depuis maintenant trente ans de former 1 500 cadres – une élite dont on ne disposait pas jusqu’alors. Ces crédits ont subi un coup de rabot et ont visiblement servi de variable d’ajustement budgétaire en 2016, pour se retrouver à 5,917 millions d’euros alors qu’ils s’élevaient à 6,217 millions en 2015. Cette année, le budget prévoit une allocation de 6,838 millions, à ceci près que ces crédits sont mélangés avec ceux de Wallis-et-Futuna, très marginaux, mais également ceux, nouvellement initiés, de Mayotte. Quelle part de ces 6,838 millions sera-t-elle affectée à la Nouvelle-Calédonie ? Je rappelle que lors du comité des signataires de 2013, l’État s’est engagé dans le relevé de conclusions, sous la présidence du Premier ministre, à ce que 800 000 euros soient inscrits annuellement en faveur des MBA de façon à ce que les Calédoniens aient eux aussi accès à ce type de formation. Si l’on additionne les 6,2 millions de 2015 à ces 800 000 euros, la Nouvelle-Calédonie devrait bénéficier de 7 millions d’euros sur le budget de Cadres Avenir : a priori, le compte n’y est pas. J’appelle votre attention sur cette importante question, a fortiori à la veille du comité des signataires du 7 novembre prochain.

M. Bruno Nestor Azerot. Nous voterons bien évidemment votre budget 2017 dans la mesure où les grands équilibres de la mission sont globalement préservés. Je me félicite notamment de voir l’accès au logement outre-mer de nouveau privilégié, en particulier dans les champs de la rénovation urbaine et de la réhabilitation du parc social. J’ai déposé en ce sens un amendement dans le cadre du projet de loi outre-mer auquel vous avez eu l’amabilité d’être favorable. Je vous en sais gré. C’est le gage d’un bon objectif.

Je voudrais ce soir cibler ma question sur les fonds de secours pour l’outre-mer. Vous savez, madame la ministre, que l’ouragan Matthew a fait dans la Caraïbe d’énormes dégâts. En Martinique, le secteur agricole a été sérieusement touché. Vous avez pu vous en apercevoir lors de votre visite aux Antilles la semaine dernière. La sole bananière a notamment été affectée entre 50 et 60 %, avec une grande hétérogénéité spatiale, ce qui rendra très difficiles les évaluations des pertes. Les professionnels estiment ces dernières à hauteur de 50 %, soit, sur une prévision attendue de 57 000 tonnes d’ici à la fin de l’année, une perte en volume d’environ 35 000 à 40 000 tonnes qui se répercutera sur 2017 puisqu’il faudra replanter. Bref, les pertes de fonds sont estimées à environ 22 millions d’euros se répartissant en 8 millions d’euros de pertes de fonds cyclonage et 14 millions de pertes de fonds de replantation en 2017. Dès lors, l’intervention urgente du fonds de secours s’impose – vous l’avez annoncée ce week-end, ce qui est bien – non seulement pour maintenir les investissements programmés, mais également pour nettoyer, relancer et replanter les plantations endommagées. Pouvez-vous nous confirmer que l’intervention du fonds de secours se fera à un niveau satisfaisant pour la filière de la banane ?

Autre question qui m’importe encore plus en l’absence de réelle égalité d’accès au fonds national pour les calamités agricoles : sur quelle base le fonds de secours qui s’adresse, lui, à tous les secteurs et à toutes les personnes, interviendra-t-il dans le secteur bananier ? J’ai énormément d’inquiétudes au regard de ce qui s’est passé il y a trois ans avec la tempête Chantal sur les petits agriculteurs du secteur bananier. Sur le fondement de la circulaire interministérielle du 11 juillet 2012, les pertes de récoltes sont en effet indemnisées sur une base maximale de 35 %, avec un abattement forfaitaire allant de 5 à 80 % selon l’âge des plantations. Lors de la tempête Chantal, le taux a été fixé pour tous à 50 % au moment même où les plans Banane durable I et II imposent une généralisation des jachères et une extension des durées de plant en champ qui fait vieillir structurellement les bananiers.

Bref, lors de la tempête Chantal, les indemnisations sont intervenues tardivement, si bien que beaucoup de petits planteurs se sont retrouvés pendant deux ans sans ressources, et seulement à hauteur de 50 % de 35 % des pertes. C’est scandaleux. Cela fait disparaître nombre de petits producteurs qui n’ont pas pu se relever. Dites-moi que les indemnisations seront rapides et que cette circulaire ubuesque de 2012 sera supprimée pour redonner de l’espoir aux producteurs de bananes.

M. Didier Quentin. J’associe à ma question mes collègues Daniel Gibbes et Patrice Martin-Lalande. Nous sommes tous d’accord pour dire que les départements d’outre-mer sont confrontés aux mêmes maux économiques que ceux qui affectent la métropole, mais avec une intensité beaucoup plus forte.

Les choix du Gouvernement ne semblent pas favoriser vraiment la création d’emplois, malgré les zones franches ultramarines, puisque les dispositifs spécifiques d’allégement des charges fiscales et spéciales consacrés à l’outre-mer y sont réduits de plus de 68 millions d’euros. Ce nouveau coup de rabot accentue encore le déficit de compétitivité des entreprises de nos départements d’outre-mer par rapport à leur environnement régional, en particulier dans le secteur du tourisme.

Ces régions ultramarines ne peuvent s’en sortir qu’avec un dispositif spécifique – un taux de crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) applicable aux activités touristiques non pas de 12 %, comme vous le proposez, mais d’au moins 18 %. Je rappelle que ce renforcement du CICE en faveur du secteur du tourisme ultramarin est conforme à l’esprit du rapport présenté par nos collègues Jean-Claude Fruteau et Daniel Gibbes sur la déclinaison outre-mer du Pacte de responsabilité et de solidarité, rapport qui avait été adopté à l’unanimité par la délégation aux outre-mer de notre Assemblée.

C’est pourquoi, madame la ministre, je vous serais très reconnaissant de nous présenter un bilan de l’application du CICE outre-mer et de m’indiquer les mesures que vous entendez prendre pour enclencher un véritable rattrapage en faveur de l’économie de nos DOM et de nos COM afin qu’une réelle équité de traitement soit bien assurée avec la métropole.

Par ailleurs, je voudrais vous interroger sur la situation à Mayotte après les événements de ces derniers mois. D’une part, il semble que sur 1 milliard d’euros de dépenses liées à l’aide médicale de l’État (AME) quelque 270 millions d’euros aient été consommés pour le seul département de Mayotte. Je rappelle que le Centre hospitalier de Mamoudzou possède la première maternité de France avec, en cette année 2016, entre 10 000 et 10 500 naissances. Je vous serais donc reconnaissant de m’apporter des précisions sur l’utilisation de l’AME à Mayotte et de nous dire comment vous entendez encadrer l’explosion des naissances dans notre cent-unième département.

Enfin, il m’a été signalé que certaines violences auraient été commises récemment contre des professeurs métropolitains, mais aussi que certains membres du corps enseignant seraient fichés « S » par la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI). Pouvez-vous donc m’indiquer, madame la ministre, les mesures que vous entendez prendre sur ce sujet sensible – et, plus largement, les mesures que vous avez prises pour répondre à la violence et à l’insécurité qui règnent à Mayotte sur fond de crise sociale majeure depuis les graves incidents du mois d’avril dernier ?

M. Dominique Lefebvre, président. Je vais redonner la parole à M. Aboubacar, car il souhaitait, madame la ministre, vous poser une question qui n’entre pas dans le cadre de son rapport.

M. Ibrahim Aboubacar. Je vous remercie de votre bienveillance, monsieur le président. J’ai en effet pris soin de ne m’exprimer, tout à l’heure, que sur les COM ; or, je souhaiterais interroger Mme la ministre sur la situation des collectivités territoriales de Mayotte.

Mais, tout d’abord, je m’étonne des propos qui viennent d’être tenus : l’AME n’étant pas applicable dans ce territoire, je serais heureux de savoir où passent les 260 millions d’euros évoqués par notre collègue, car ils représenteraient une véritable aubaine pour le système de santé de Mayotte !

J’en viens à ma question. La situation financière des collectivités de Mayotte m’inquiète tout particulièrement. En effet, cette année, pour des raisons tant conjoncturelles que structurelles, les budgets de sept des vingt-six collectivités territoriales ont dû être arrêtés par le préfet. La Cour des comptes a largement rendu compte des raisons de cet état de fait dans son rapport thématique intitulé : « La départementalisation de Mayotte : une réforme mal préparée et mal exécutée », qu’elle nous a présenté au mois de janvier dernier ; je n’y reviendrai donc pas. Cependant, ce rapport a servi de base aux échanges que les élus de Mayotte ont pu avoir, le 26 avril dernier, avec le Premier ministre, lequel a pris, à cette occasion, dix engagements dont la traduction doit figurer dans les textes financiers que nous devons discuter en cette fin d’année. Sans rappeler ces engagements, que vous connaissez parfaitement, madame la ministre, je souhaiterais savoir où en sont les travaux menés en vue de leur traduction dans les textes budgétaires que nous allons examiner : le projet de loi de finances, le projet de loi de financement de la sécurité sociale et le projet de loi de finances rectificative.

M. Philippe Naillet. Madame la ministre, je veux à mon tour saluer la hausse du budget des outre-mer, qui intervient après l’adoption en première lecture du projet de loi relatif à l’égalité réelle outre-mer – un texte consistant même s’il n’est pas une fin en soi : de fait, les outre-mer sont bien redevenus une priorité.

Ma question porte sur le logement social. Outre, la sanctuarisation de la LBU, le crédit d’impôt et la fin de l’agrément fiscal, qui nous permettront de répondre plus rapidement et plus fortement à la demande, le budget prévoit 15 millions d’euros d’autorisations d’engagement en faveur des réhabilitations. Pouvez-vous nous rassurer sur le fait que ces crédits seront consacrés à des logements situés hors du périmètre de l’ANRU ? Par ailleurs, il faut souhaiter que le processus de mise en œuvre des opérations de réhabilitation et d’obtention des crédits soit le plus simple possible, comme pour le logement neuf, pour lequel nous avons obtenu du Premier ministre la suppression de l’agrément fiscal.

Mme Éricka Bareigts, ministre des outre-mer. En ce qui concerne la prise en compte des centres d’intérêt moraux et matériels, je veux d’abord saluer le travail conséquent accompli par votre collègue M. Lebreton, sur la régionalisation de l’emploi, qui a permis d’amender notamment le projet de loi relatif à l’égalité réelle outre-mer. Les décrets sont en cours d’élaboration au ministère de la fonction publique. Nous veillerons à ce qu’ils soient publiés au plus vite, afin que nous puissions, dans le cadre des prochaines commissions administratives paritaires (CAP) de l’année prochaine, bénéficier du fruit de ce travail collectif qui nous a beaucoup mobilisés.

S’agissant de l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité, monsieur Lebreton, j’ai pris, dès ma nomination, des mesures d’urgence, notamment l’ouverture des antennes de LADOM dans les régions, afin d’être au plus près des personnes concernées. Car, vous avez raison de le souligner, il nous faut désormais privilégier une approche en termes de projet et non plus en termes de guichet. C’est ce que nous allons faire dans le cadre de la réforme de LADOM et des mesures prises dans le projet de loi relatif à l’égalité réelle outre-mer. Ainsi, nous pourrons, je l’espère, nous inscrire dans une dynamique de mobilité aller-retour et suivre nos jeunes qui, une fois qu’ils sont partis, sont, hélas ! mal identifiés par les territoires.

Monsieur Gomes, nous avons identifié quant à nous un montant de 5,4 millions d’euros pour le programme Cadres avenir. Pour ce qui est des contrats de développement. Nous avons inscrit 57 millions d’euros pour le financement de la nouvelle génération, qui débutera en 2017, et nous serons attentifs au règlement de la génération précédente, en y consacrant les crédits de paiement nécessaires.

En ce qui concerne les fonds d’intervention d’urgence, monsieur Azerot, je me suis rendu en Martinique, où j’ai réuni l’ensemble des professionnels. Le fonds de secours est totalement ouvert. Nous avons pris rapidement des dispositions, car il y a urgence en ce qui concerne non seulement la banane et la canne, mais aussi la diversification. Encore une fois, les crédits sont ouverts. Les professionnels nous ont cependant interrogés sur un élément technique lié à une question de taux. Nous avons donc demandé à la Direction de l’agriculture et de la forêt – DAF – de réfléchir sérieusement, en lien avec eux, à d’éventuelles pistes que nous pourrions explorer. En tout état de cause, nous prenons l’engagement d’y travailler et d’y réfléchir.

Par ailleurs, sans vouloir polémiquer, je précise que les exonérations auraient subi un coup de rabot, comme cela a été dit, si nous avions procédé à une réforme des exonérations de cotisations salariales. Or, la réforme porte uniquement sur les cotisations des travailleurs indépendants. En ce qui concerne les cotisations salariales, la réforme, voulue et assumée, qui a consisté à recentrer les exonérations sur les bas salaires, est intervenue en 2013 et 2014. Elle a produit mécaniquement les 60 millions de pertes que nous avons sur cette ligne, mais ses effets sur l’emploi sont plutôt positifs. Bien entendu, le résultat est en deçà des attentes, compte tenu de l’intensité de la situation dans nos territoires, où le taux de chômage atteint 30 %, voire 60 % chez les jeunes. Mais l’évolution est positive, puisque, entre 2012 et la mi-2016, la hausse dans les DOM s’établit à 5,6 %. Il nous faut donc continuer à travailler pour intensifier ce mouvement.

En ce qui concerne la rénovation du logement social, monsieur Naillet, nous avons modifié les taux – 40 % – et les montants – 50 000 euros –, mais nous restons dans le périmètre ANRU. L’année dernière, nous n’avons eu aucune dépense dans ce secteur, tout simplement parce que l’aide telle qu’elle avait été conçue était très en dessous de ce que peuvent représenter les travaux de réhabilitation, quel que soit le parc. En modifiant, à la demande des bailleurs sociaux d’ailleurs, le volume des travaux concernés, nous espérons que cette aide sera utilisée, car il y a du travail, même dans les zones NPRU.

M. Dominique Lefebvre, président. Je vous remercie, madame la ministre, pour vos réponses qui ont permis d’éclairer nos débats.

*

* *

À l’issue de l’audition de Mme Éricka Bareigts, ministre des outre-mer, la Commission examine, pour avis, les crédits de la mission « Outre-mer » (Mme Huguette Bello, rapporteure pour avis « Départements d’Outre-mer » ; M. Ibrahim Aboubacar, rapporteur pour avis « Collectivités d’Outre-mer, Nouvelle-Calédonie et Terres australes et antarctiques françaises »).

M. Dominique Raimbourg, président. Je demande aux rapporteurs de bien vouloir formuler leur avis sur les crédits de la mission « Outre-mer ».

Mme Huguette Bello, rapporteure pour avis « Départements d’Outre-mer ». Mon avis est favorable.

M. Ibrahim Aboubacar, rapporteur pour avis « Collectivités d’Outre-mer, Nouvelle-Calédonie et Terres australes et antarctiques françaises ». Mon avis est également favorable.

M. Daniel Gibbes. Le groupe Les Républicains s’abstient.

Mme Maina Sage. Le groupe de l’Union des démocrates et indépendants s’abstient également.

La Commission donne un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Outre-mer » pour 2017.

Article 58 (art. L. 6500 du code général des collectivités territoriales) : Montant de la dotation globale d’autonomie de la Polynésie française

La Commission donne un avis favorable à l’article 58.

PERSONNES ENTENDUES

—  M. Stéphane Diémert, magistrat administratif, président assesseur à la cour administrative d’appel de Paris

—  M. Ferdinand Mélin-Soucramanien, professeur de droit public à l’Université de Bordeaux, déontologue de l’Assemblée nationale

© Assemblée nationale