N° 4125 annexe 15 - Rapport de M. Jean-Claude Buisine sur le projet de loi de finances pour 2017 (n°4061).



N
° 4125

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 octobre 2016.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2017 (n° 4061),

PAR Mme Valérie RABAULT,

Rapporteure Générale

Députée

——

ANNEXE N° 15

ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT ET MOBILITÉ DURABLES

SÉCURITÉ ET AFFAIRES MARITIMES, PÊCHE ET AQUACULTURE

Rapporteur spécial : M. Jean-Claude BUISINE

Député

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SOMMAIRE

___

Pages

I. VUE D’ENSEMBLE DES CRÉDITS DU PROGRAMME 205 5

A. UN PROGRAMME RELATIVEMENT PRÉSERVÉ SUR LE PLAN BUDGÉTAIRE 5

B. DES CRÉDITS ESSENTIELS AU DÉPLOIEMENT D’UNE POLITIQUE MARITIME CIVILE AMBITIEUSE 7

1. Un budget aux marges de manœuvre très limitées 7

2. Une politique maritime fortement interministérielle 9

II. LE VOLET SÉCURITÉ ET AFFAIRES MARITIMES 11

A. L’ANALYSE DES CRÉDITS PAR ACTIONS 11

1. Le caractère impérieux des missions liées à la sécurité maritime 11

2. Un soutien plus important à la flotte de commerce suite à l’adoption de la loi « économie bleue » 16

a. L’augmentation des compensations d’exonérations de charges sociales 17

b. L’enjeu du développement de la flotte de commerce française 18

i. Les soutiens à la flotte extérieurs au programme 205 18

ii. La question de la mise en place d’une flotte stratégique 20

3. La nécessité de consolider les mutations récentes de l’enseignement maritime 21

B. LA PÉRENNITÉ ET LA SOUTENABILITÉ DU MODÈLE DE LA SNSM EN QUESTION 22

1. La SNSM est une « pépite » qu’il convient de préserver 22

2. Les besoins de financements de la SNSM doivent être évalués et satisfaits 24

III. LE VOLET PÊCHE ET AQUACULTURE 27

A. L’IMPORTANCE DES OBLIGATIONS EUROPÉENNES LIÉES À LA POLITIQUE COMMUNE DES PÊCHES 28

B. DES INCERTITUDES QUANT AUX CONSÉQUENCES DU « BREXIT » 31

1. La pêche française est particulièrement dépendante des captures réalisées dans les eaux britanniques 31

a. La crainte d’une remise en cause de l’accès des navires français à la ZEE britannique 31

b. La possible fermeture des zones de pêche traditionnelles ouvertes aux navires français au sein des eaux territoriales britanniques 32

2. Le Royaume-Uni pourrait contester le principe de stabilité relative prévalant dans l’attribution des quotas de pêche 32

3. Scénarii possibles de gestion future des stocks partagés 33

EXAMEN EN COMMISSION 37

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL 39

L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 79 % des réponses étaient parvenues au Rapporteur spécial.

 

AE

CP

Part des crédits de l’action au sein du programme

Variation (en CP) par rapport au PLF 2016

Action 1

Sécurité et sûreté maritimes

29,7

26,7

13 %

+ 4 %

Action 2

Gens de mer et enseignement maritime

28

27,7

14 %

+ 0,4 %

Action 3

Flotte de commerce

83,5

83,5

42 %

+ 30 %

Action 4

Action interministérielle de la mer

9,7

9,6

5 %

– 20 %

Action 5

Soutien au programme

6,9

6,9

3 %

+ 1,5 %

Sous-total

157,8

154,4

77 %

+ 13 %

Action 6

Gestion durable des pêches et de l’aquaculture

45,6

45,6

23 %

– 2,6 %

TOTAL

203,4

200

100 %

+ 9 %


Source : commission des finances à partir des PAP pour 2016 et 2017.

L’examen attentif de ces crédits par action révèle que cette hausse est essentiellement liée à l’action 3 Flotte de commerce, qui représente plus de 40 % des crédits du programme. Comme cela sera analysé plus en détail infra, cette hausse est la conséquence directe de la mesure d’exonération de charges sociales qui a été mise en place par l’article 43 de la loi pour l’économie bleue (1), dont le coût avait été estimé à 17 millions d’euros.

Au-delà de cette mesure, le Rapporteur spécial est conscient que le niveau des crédits demandés doit permettre à la France de remplir, y compris vis-à-vis de l’Union européenne, l’ensemble des missions régaliennes qui lui incombent.

En effet, le programme 205 se divise en deux volets, d’inégale importance budgétaire mais d’égale importance en ce qui concerne l’économie maritime de notre pays :

– les crédits du volet Sécurité et affaires maritimes (2) concourent à la mise en œuvre de la politique gouvernementale en matière de sécurité et de sûreté maritimes civiles, d’emploi maritime, de soutien à la flotte de commerce française, de régulation des usages de la mer et d’exploitation raisonnée de la ressource halieutique ;

– les crédits du volet Pêche et aquaculture (3) s’inscrivent presque exclusivement dans le cadre de la politique commune des pêches (PCP). Les aides retracées au sein du programme 205 seront donc en majorité cofinancées par le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP), et répondent aux objectifs de la politique européenne.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE PAIEMENT PROPOSÉS POUR LE PROGRAMME 205
ENTRE 2012 ET 2017

(en millions d’euros)

Projets de loi de finances - Programme 205

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Volet sécurité et affaires maritimes

145,6

142,2

144,5

143,2

136,6

154,4

Volet pêche et aquaculture

60,4

52

49,5

47,9

46,8

45,6

TOTAL

206

194,2

194

191,1

183,4

200

Les crédits du volet Pêche et aquaculture poursuivent leur tassement, mais ce constat a priori défavorable s’explique en réalité en grande partie par l’absence de crise notable dans le secteur au cours de la période.

Depuis 2007 en effet, la pêche a été frappée sur plusieurs crises graves, liées notamment à la flambée des prix du pétrole, crises qui se sont étendues sur l’ensemble du littoral français. Or, face à ces problèmes, l’État a souvent tenté d’atténuer les difficultés des professionnels par le recours massif à l’argent public.

À l’heure actuelle, la principale difficulté du secteur reste le phénomène de mortalité massive (70 % en moyenne) qui touche la mytiliculture pour la troisième année consécutive. Des aides conjoncturelles permettent de prendre en charge les pertes de production et les pertes de revenu associées en mobilisant le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP).

La direction des pêches maritimes et de l’aquaculture (DPMA) a proposé au comité national de suivi du FEAMP des critères d’éligibilité permettant de rendre opérationnelle cette mesure, tout en la sécurisant juridiquement. Cela nécessite de prendre en compte les pertes de chiffre d’affaires des exploitants, lesquelles doivent être établies de façon objective sur la base de documents comptables certifiés. Ces documents seront fournis à la mi-2017 et les paiements pourront donc intervenir dans le courant du second semestre 2017 (4).

Par ailleurs, M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé de la mer, a sollicité le secrétaire d’État en charge du budget, afin d’envisager la mise en place d’exonération des redevances domaniales pour les mytiliculteurs touchés en 2016.

En ce qui concerne les effectifs œuvrant pour le programme 205, la dépense correspondante est portée par l’action 11 du programme 217.

LES PERSONNELS œUVRANT POUR LES POLITIQUES DU PROGRAMME
SÉCURITÉ ET AFFAIRES MARITIMES, PÊCHE ET AQUACULTURE

 

2009

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Évolution des ETP hors mesure de périmètre.

   

– 31

– 26

– 36

– 52

– 26

Mesures de périmètre

   

+ 84

– 43

+ 16

+ 9

+ 20

Plafond d’emploi

3 252

2 933

2 986

2 917

2 897

2 854

2 848

Source : direction des affaires maritimes.

Selon les informations transmises à votre rapporteur, c’est principalement sur la signalisation maritime qu’ont porté les diminutions spéciales d’effectifs.

Pour 2017, le différentiel entre autorisations d’engagement et crédits de paiement a été maintenu positif à + 3,38 millions d’euros en autorisations d’engagement pour préserver les actions de modernisation et d’amélioration du capital technique, opérations vitales pour le programme. Le projet de budget 2017 comprend ainsi la programmation nécessaire du renouvellement d’un baliseur pour l’armement des phares et balises, en remplacement de deux navires anciens et inadaptés. Il inclut également la mise à niveau des équipements techniques (matériels radio, réseaux, etc.) des centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage – CROSS). Les projets de modernisation visent enfin les systèmes d’information des gens de mer pour la simplification de la relation entre l’État et l’usager. Pour parvenir à financer ces priorités, le rythme de renouvellement des moyens nautiques pour la police des pêches et de l’environnement sera réduit au strict minimum en 2017.

Même si les économies demandées chaque année, de l’ordre de 2 %, restent en deçà des efforts portant sur l’ensemble du ministère de l’environnement, le Rapporteur spécial invite cependant à la plus grande vigilance. Les efforts demandés ne peuvent porter que sur une budgétisation plus juste des dépenses d’intervention, et sur une limitation des crédits d’investissement au seul socle imposé par les obligations internationales et communautaires. Les crédits de ce programme constituent en effet pour leur quasi-totalité des dépenses obligatoires sur lesquels il sera difficile de demander un effort supplémentaire.

Si l’on considère le seul volet Affaires maritimes, le périmètre est de 154,5 millions d’euros. Le montant programmé pour les exonérations de charges est de 83,5 millions d’euros. Or ce montant est totalement rigide et ne peut servir d’outil de pilotage au responsable de programme.

Le montant sur lequel le responsable de programme peut agir est donc de 71,1 millions d’euros.

Par ailleurs, les dépenses pour les gens de mer et l’enseignement maritime comporte une large part de salaires et d’indemnités (27,7 millions d’euros de crédits de paiement). Si l’on considère que ce montant ne peut servir de levier de pilotage, il ne reste donc que 43,4 millions d’euros au responsable de programme pour faire face aux dépenses prioritaires suivantes :

– la subvention à la société nationale de sauvetage en mer (SNSM) (3,7 millions d’euros) ;

– la présence en mer au titre des obligations de sûreté, de sécurité des navires, de signalisation maritime, de surveillance des pollutions (environ 36 millions d’euros) ;

– les dépenses de fonctionnement des services déconcentrés qui sont extrêmement contraintes au regard des missions assurées, essentiellement régaliennes (environ 7 millions d’euros).

Les dépenses d’investissement, évaluées à environ 10 millions d’euros, peuvent se décomposer ainsi :

– surveillance du trafic : entre 2 et 3 millions d’euros. Il s’agit essentiellement de dépenses de maintien en condition opérationnelle d’équipements de télécommunication ;

– signalisation : environ 3,5 millions d’euros visant au remplacement de moyens nautiques ;

– l’entretien du stock de matériel de lutte contre la pollution pour les interventions dans le cadre d’un déclenchement de plan ORSEC (5) (0,5 million d’euros) ;

– dispositif de contrôle et de surveillance (entre 2 et 3 millions d’euros) ;

– systèmes d’information pour les gens de mer (1,5 million d’euros) ;

Encore une fois, la plupart de ces dépenses sont incontournables, et elles conditionnent la pérennité même des services.

Désormais, toute économie demandée ne pourra plus se traduire que par l’abandon de missions ou la fermeture de centres. Or le Rapporteur spécial tient à signaler que, à la différence de la sécurité routière, qui fait partie du quotidien des Français dans leurs déplacements, la sécurité maritime ne retient l’attention du public qu’à l’occasion de sinistres ou d’accidents de mer occasionnant d’importantes pertes en vies humaines ou de graves atteintes à l’environnement. Il serait particulièrement regrettable que seul un événement tragique soit à même de révéler la réelle tension budgétaire qui pèse sur ce programme, programme qui recouvre des axes aussi importants que la sauvegarde de la vie humaine en mer ou la sécurité des navires.

Les crédits présentés dans ce programme sont loin cependant de traduire l’ensemble de l’effort budgétaire mené en faveur du monde maritime.

L’action de l’État en ce domaine implique en effet la coopération entre plusieurs ministères. Cette dimension particulière trouve une traduction institutionnelle dans le Secrétariat général à la mer, instance de coopération et de coordination placée auprès du Premier ministre, et dans les grands rendez-vous du maritime que sont les comités interministériels de la mer (CIMer). Créé par décret en 1995 (6), le CIMer est « chargé de délibérer sur la politique du gouvernement dans le domaine de la mer ». Présidé par le Premier ministre, le CIMer réunit a minima les ministres de l’économie et des finances, des affaires étrangères, de la défense, de l’industrie, de l’environnement, les ministres chargés de l’outre-mer, du budget, de l’équipement et des transports, de la pêche, du tourisme, de l’aménagement du territoire, et de la recherche.

Au cours de l’actuelle législature, deux CIMer ont d’ores et déjà eu lieu, en décembre 2013 et octobre 2015, et un troisième est programmé pour le 4 novembre prochain, à Marseille.

Principale conclusions du CIMer du 2 décembre 2013

– Organiser le partage des usages, la protection et la valorisation durable des ressources de la mer.

– Promouvoir la compétitivité du pavillon français et préparer les filières de demain.

– Consolider l’action de l’État en mer.

Principale conclusions du CIMer du 22 octobre 2015

– Hisser les grands ports maritimes au niveau de leurs principaux concurrents européens en renforçant leur compétitivité et en leur donnant de nouvelles perspectives de développement.

– Favoriser la compétitivité des armateurs et des chantiers navals en assurant la transition écologique de la flotte pour améliorer les conditions d’exploitation des navires.

– Soutenir le renouvellement des flottes de pêche en profitant de la conjoncture favorable pour préparer l’avenir et l’installation des jeunes, avec des technologies toujours plus innovantes.

– Se doter d’une planification à moyen et long terme d’exploitation des grands fonds marins, pour ouvrir les zones prometteuses aux industriels, tout en assurant la prise en compte de la dimension environnementale.

– Améliorer la sûreté des espaces et des activités maritimes. Renforcer la lutte contre les trafics maritimes illicites.

– Pérenniser le modèle de la Société nationale de sauvetage en mer et renforcer les capacités publiques d’intervention en mer.

– Poursuivre le renouvellement des moyens navals de haute mer, en intégrant les enjeux maritimes outre-mer, notamment la préservation du milieu et la lutte contre les trafics illicites.

Depuis l’adoption d’un amendement de M. David Habib, alors Rapporteur spécial, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2015, le Gouvernement doit présenter chaque année, en annexe du projet de loi de finances, un document de politique transversale relatif à la politique maritime de la France, permettant d’évaluer le concours d’autres programmes à l’effort étatique en direction du monde maritime. Il est particulièrement regrettable que, à la date de rédaction du présent rapport, cette annexe ne soit toujours pas disponible.

Le Rapporteur spécial souligne que d’autres crédits, difficilement individualisables, participent à la mise en œuvre de la politique maritime de la France, hors défense nationale. En effet, les hélicoptères de la protection civile, les moyens nautiques ou aériens des douanes, de la marine nationale et de la gendarmerie maritime concourent de façon importante à la sécurité en mer, au sauvetage maritime ou encore à la police des pêches.

Par ailleurs, l’action internationale de la France pour la promotion de ses intérêts représente un aspect décisif de son ambition maritime. La sous-direction du droit de la mer, des fleuves et des pôles du ministère des affaires étrangères est justement en charge de ces questions de droit international relatives à la politique maritime de la France.

Les développements qui suivent portent sur le financement des structures ou matériels qui, en France, visent à éviter les accidents en mer ou sur le littoral, par l’action quotidienne d’hommes et de femmes dont le métier et les actions restent malheureusement peu connus du grand public.

La sécurité maritime dans toutes ses composantes est cette année encore une priorité budgétaire du Gouvernement. Cette action recouvre plusieurs aspects de l’action publique, largement complémentaires :

– en tant qu’État du pavillon, la France agit pour garantir le respect des normes à bord des navires français ;

– en tant qu’État du port, la France doit contrôler les navires de commerce étrangers en escale dans ses ports ;

– en tant qu’État côtier, le pays surveille l’ensemble de la circulation maritime qui longe ses côtes, quels que soient la destination et l’objet de l’exploitation des navires en cause.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS CONSACRÉS À LA SÉCURITÉ MARITIME DEPUIS 2012
PAR SOUS–ACTIONS

(en millions d’euros)

Programme 205 – Action 1
PLF 2017

TOTAL

Surveillance du trafic

Contrôle des navires

Signalisation maritime

Subvention SNSM

BEA mer

LFI 2012

Autorisations d’engagement

24,78

10,18

0,81

11,39

2,3

0,1

Crédits de paiement

26,55

10,92

0,81

12,42

2,3

0,1

LFI 2013

Autorisations d’engagement

26,21

10,12

1,19

12,51

2,3

0,08

Crédits de paiement

25,36

9,67

1,19

12,12

2,3

0,08

LFI 2014

Autorisations d’engagement

26,14

9,04

1,25

13,45

2,32

0,08

Crédits de paiement

26,61

9,27

1,25

13,69

2,32

0,08

LFI 2015

Autorisations d’engagement

25,64

8,62

1,09

13,52

2,3

0,1

Crédits de paiement

26,07

9,98

1,09

12,6

2,3

0,1

LFI 2016

Autorisations

d’engagement

29,34

10,27

1,07

14,2

3,7

0,1

Crédits de paiement

26,73

8,04

1,07

13,82

3,7

0,1

PLF 2017

Autorisations d’engagement

29,7

9,55

1,55

14,8

3,7

0,1

Crédits de paiement

26,72

8

1,55

13,11

3,7

0,1

Source : réponse aux questionnaires budgétaires.

a. La surveillance du trafic maritime

Dans le prolongement du plan de modernisation des CROSS qui a représenté un investissement de 35 millions d’euros sur la période 2007–2012, la direction des affaires maritimes a poursuivi, tout au long de la présente législature, son effort de renouvellement des outils opérationnels à disposition de ces véritables sentinelles de la mer.

Bilan d’activité des CROSS en termes de coordination des opérations de sauvetage en mer

Les sept centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage (CROSS) et les deux centres de coordination du sauvetage (MRCC) de Papeete et de Nouméa ont coordonné 11 100 opérations en 2015 dont 1 100 en zones de responsabilité étrangères, soit une augmentation de 7 % par rapport à l’année 2014.

7 760 embarcations ont été impliquées dont plus de 80 % sont des embarcations de plaisance, et plus de 26 000 personnes ont été impliquées, dont 80 % sont également des plaisanciers et des adeptes des loisirs nautiques.

Par rapport à l’année 2014, le nombre de décédés et de disparus est en baisse de près de 5 % (262 en 2015 contre 276 en 2014) mais le nombre de blessés est constant à 739 (730 en 2014).

Le projet de budget pour 2017 a prévu plus de 9 millions d’euros en autorisations d’engagement et 8 millions d’euros en crédits de paiement pour la surveillance du trafic maritime.

Il s’agit essentiellement de crédits de fonctionnement, visant à maintenir en condition opérationnelle les cinq centres métropolitains et les deux centres ultramarins, en couvrant notamment les coûts d’exploitation et de développement des systèmes de radiocommunication et les dépenses d’entretien immobilier. Plus précisément, il s’agit pour 2017 :

– de renforcer les systèmes de surveillance maritime en partenariat avec la marine nationale à travers l’outil commun « SPATIONAV V2 » ;

– de remplacer le progiciel qui est le cœur du système d’information et de conduite opérationnelle MARYLIN par de nouveaux modules qui permettront de moderniser l’interface homme-machine, de réduire le temps de traitement des alertes et de sécuriser le système d’information. Ce projet ambitieux porte le nom de « SEAMIS » ;

– de remplacer plusieurs types d’émetteurs-récepteurs VHF par un seul nouveau modèle compatible avec de nombreuses technologies de transmission ;

– de rénover progressivement les bâtiments des CROSS de métropole et d’outre-mer.

Concernant l’évolution des effectifs, les CROSS sont essentiellement armés par des personnels à statut militaire financés par le ministère de l’environnement, de l’énergie et de la mer.

La réduction que connaissent les effectifs des CROSS reste limitée
(– 4 ETP en 2015, – 3 en 2016) et s’accompagne d’une augmentation de la qualification des personnels, notamment dans les CROSS de Manche, où tous les personnels reçoivent une formation d’opérateur reconnue au niveau international.

b. La sécurité des navires

Les centres de sécurité des navires (CSN) sont les services spécialisés, rattachés aux directions interrégionales de la mer, qui traitent l’ensemble des problèmes de sécurité des navires.

Les CSN sont au nombre de seize en métropole, répartis, de Dunkerque à Marseille, tout au long du littoral. Ils sont chargés d’inspecter les navires de commerce, de pêche et de plaisance à utilisation commerciale, dont ils contrôlent la conformité à la réglementation en vigueur. Ils sont chargés de la délivrance et du renouvellement de leurs titres de sécurité. Ils effectuent également les audits des navires soumis au code international de la gestion de la sécurité, et assurent le suivi des navires en matière de sûreté.

Dans le cadre des conventions internationales, des mémorandums auxquels la France adhère et des textes européens qui précisent cette mission, ils procèdent au contrôle des navires de commerce étrangers en escale dans les ports français de métropole et des départements d’outre-mer.

Outre l’élargissement du champ d’application réglementaire de la convention internationale du travail maritime (7) en fin d’année avec la prise en compte de la garantie financière pour rapatriement des marins, l’activité des CSN est et sera impactée par les évolutions réglementaires suivantes :

– le renforcement des normes de contrôle des combustibles utilisés par les navires (8) ;

– la mise en œuvre progressive du règlement communautaire relatif au recyclage des navires (9), qui transpose de manière anticipée les exigences de la convention de Hong Kong et qui nécessitera l’intervention des centres de sécurité des navires dans le processus de certification et de contrôle de son application ;

– l’application de la convention internationale pour le contrôle et la gestion des eaux de ballast (10) ;

– le contrôle des équipements marins des navires professionnels suite à l’adoption de la directive 2014/90/UE du 23 juillet 2014 (11).

Malgré l’importance de ces missions, et l’évolution continuelle du cadre réglementaire applicable à la sécurité des navires, les seize CSN ne mobilisent en crédit de fonctionnement qu’à peine plus de 1 million d’euros : 1,65 million d’euros en autorisations d’engagement et 1,2 million d’euros en crédits de paiement au sein du projet de budget pour 2017.

c. La signalisation maritime

La signalisation maritime, dont le développement résulte d’un grand projet lancé en 1825, revêt toujours, malgré ses transformations, une importance toute particulière sur laquelle le rapporteur souhaite insister. En effet, lors des auditions qu’il a menées, il est apparu que l’enveloppe budgétaire consacrée à la signalisation maritime était fréquemment mise à contribution afin de respecter le volume d’économies demandé sur le programme. Or il apparaît fondamental de ne pas négliger l’entretien et le maintien en condition opérationnelle de ce réseau de feux, phares, balises, désormais appelés « établissements de signalisation maritime » (ESM) qui jalonnent notre territoire. Les défauts d’entretien, s’ils ne sont pas visibles et ne prêtent pas à conséquence immédiatement, ne peuvent qu’entraîner à terme, au mieux de très coûteuses réparations, au pire d’irrémédiables pertes.

14,8 millions d’euros en autorisations d’engagement et 13,11 millions d’euros en crédits de paiement sont proposés pour 2017. Les actions que ces crédits permettront de financer la poursuite les programmes de modernisation du matériel et le déploiement de nouvelles technologies ainsi que la mise en place et le suivi des plans triennaux de la signalisation maritime pour le réseau des services du littoral.

En outre 2,6 millions d’euros en autorisations d’engagement permettront de construire un nouveau baliseur pour La Rochelle en remplacement de deux unités vieillissantes. Ces opérations de modernisation et de rationalisation du parc avaient déjà permis, en 2015, de remplacer deux navires obsolètes par un seul, L’Atlantique, basé à Saint-Nazaire.

Enfin, le Rapporteur spécial tient à rappeler l’attachement que portent les Français au patrimoine exceptionnel que représentent les grands phares de notre littoral, dont près de la moitié sont désormais protégés au titre des monuments historiques. Le conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) a récemment rappelé que non seulement les phares n’ont pas perdu leur utilité de sécurité maritime, mais les points hauts qu’ils occupent et constituent avec régularité sur le rivage trouvent déjà une utilité renouvelée dans des systèmes encore expérimentaux de localisation maritime.

Principales recommandations du rapport du CGEDD – Juin 2016

« Affirmer une politique ambitieuse pour un patrimoine emblématique »

Réaliser une étude prospective sur le rôle des aides à la navigation en général et des phares en particulier en matière de sécurité maritime.

Améliorer le suivi des retours des attributions de produits et des fonds de concours tant au plan national qu’au niveau interrégional.

Afin d’anticiper l’arrivée des nouvelles technologies et éviter les difficultés locales possibles, établir avec le ministère de la culture (direction générale des patrimoines) une doctrine nationale partagée sur les obligations techniques des services d’entretien des phares vis-à-vis des objectifs de conservation des monuments historiques.

Produire un document de synthèse de l’état de conservation des bâtiments.

Ne pas renoncer a priori à l’affectation au Conservatoire de phares dont les dépendances sont déjà utilisées en résidences de loisir social.

Préparer une charte relative au patrimoine des phares entre l’État et l’Association nationale des élus du littoral, comportant à la fois des principes généraux de coopération locale entre les élus et les services concernés et les modalités possibles de cette coopération.

Étudier, à partir de l’exemple de la délégation de service public du phare des Baleines, un modèle-type d’affectation à une activité privée commerciale d’accueil ou d’hébergement.

Identifier au sein de la direction des affaires maritimes, un agent référent de la politique nationale des phares avec un profil d’ensemblier entre sécurité maritime, architecture et aménagement du territoire.

Soutenir la constitution « Centre national des phares » ; veiller à sa vocation interrégionale et à son ouverture internationale.

Soutenir la candidature du phare de Cordouan au patrimoine mondial, et profiter de cette candidature pour sensibiliser le public à l’ensemble du patrimoine des phares de France.

Étudier la faisabilité économique, juridique et financière d’une « fondation des phares » alimentée par un prélèvement sur les recettes des visites dans les phares et/ou par des produits du mécénat, des dons ou des legs, en faveur des phares que leur situation d’isolement ou leur configuration architecturale rend impossible à valoriser.

Afin de soutenir l’activité de transport maritime, très fortement mondialisée, l’État a mis en place un ensemble d’aides à la flotte française, qui répondent aux objectifs de renforcement de la compétitivité économique des entreprises dont le centre de décision est situé sur le territoire français, de soutien à l’emploi français et d’incitation à la modernisation des navires.

Les mesures d’allégement des charges sociales patronales imputées sur le programme Sécurité et affaires maritimes, pêche et aquaculture, action n° 3 Flotte de commerce concernent :

– le versement correspondant aux charges de retraites supportées par la Compagnie générale maritime et financière (CGMF) (12) ;

– les subventions relatives aux exonérations ou aux remboursements de charges sociales patronales.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS PRÉVUS POUR L’ACTION 3 FLOTTE DE COMMERCE

(en millions d’euros)

 

PLF2010

PLF2011

PLF2012

PLF2013

PLF2014

PLF2015

PLF2016

PLF2017

CGMF

13,82

13,43

12,9

13

12,7

11,66

10,87

10,17

Charges ENIM

45,05

45,16

45,89

44,18

44

44,6

41,18

40,9

Charges AF, ASSEDIC

16

16,6

16,4

15,10

14,30

13,6

12,4

32,4

Total action 3

74,87

75,19

75,2

72,28

71

69,8

64,45

83,5

Source : commission des finances à partir des projets annuels de performances 2010 à 2017.

Pour 2017, 85,3 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement sont programmés sur l’action 3, dont 73,33 millions d’euros au titre des exonérations de charges sociales.

La loi du 3 mai 2005 relative à la création du registre international français (RIF) avait substitué à l’ancien système de remboursements un mécanisme d’exonération en instituant, à compter du 1er janvier 2006, une exonération à 100 % des charges patronales ENIM (maladie et vieillesse) pour les équipages embarqués à bord des navires de commerce battant pavillon français et affectés à des activités de transports maritimes soumises à titre principal à une concurrence internationale effective.

Les navires à passagers ont longtemps bénéficié d’un périmètre d’exonération plus large, car les armements concernés inscrits au premier registre bénéficient, en sus de l’exonération relative à l’ENIM, d’exonérations de cotisations d’allocations familiales et de contributions à l’allocation d’assurance contre le risque de privation d’emploi dues par les employeurs, dites « charges non-ENIM » (13).

La loi du 20 juin 2016 pour l’économie bleue a élargi le périmètre d’exonération de charges sociales, instaurant un véritable « net wage » (14). Désormais, l’exonération des charges dites « non-ENIM » s’applique à l’ensemble des navires de transport et de services maritimes battant pavillon français soumis à la concurrence internationale, qu’ils soient immatriculés au premier registre, RIF ou au registre Wallis-et-Futuna.

Le Rapporteur spécial se félicite de l’adoption de cette mesure qui permet aux armateurs français de rester compétitifs par rapport à leurs concurrents. Il s’agissait d’une proposition forte du rapport d’Arnaud Leroy de 2013 sur la compétitivité des transports et services maritimes français. Selon les chiffres prévus pour 2017, ce sont près de 20 millions d’euros supplémentaires qui sont budgétés pour cet élargissement.

La taxe au tonnage, instituée par la loi de finances rectificative pour 2002, offre aux armateurs au commerce la possibilité d’opter pour une taxation d’un bénéfice forfaitaire, déterminé selon le tonnage des navires exploités, en substitution du régime de droit commun d’impôt sur les sociétés. Cette mesure permet de favoriser l’essor du pavillon français et de promouvoir l’emploi dans la filière maritime française en mettant les armateurs français à armes égales avec leurs concurrents européens. Le coût de cette dépense fiscale a été de 60 millions d’euros pour l’année 2015.

Par ailleurs, même si elle n’est pas à proprement parler une mesure ayant comme objectif premier le soutien à la flotte, la loi n° 92–1443 du 31 décembre 1992 portant réforme du régime pétrolier, qui a imposé l’obligation de pavillon sur les capacités de transport de pétrole brut à destination des raffineurs, a récemment été modifiée. La loi relative à la transition énergétique (15) a étendu cette obligation à tous les acteurs économiques mettant des produits pétroliers à la consommation, qui devront justifier d’un recours à une capacité de transport maritime de produit brut ou raffiné sous pavillon français, et le texte a de nouveau été précisé par la loi pour l’économie bleue (16).

Le nouveau dispositif tel qu’il résulte de l’adoption des textes d’application (17) prévoit la possibilité pour les assujettis de s’associer pour accomplir leurs obligations, et la possibilité de satisfaire celles-ci par une nouvelle modalité, le contrat de couverture d’obligations, qui les exonère de devoir s’impliquer dans l’exploitation de navires.

Article L.631-1 du code de l’énergie

I.- Toute personne qui réalise, en France métropolitaine, une opération entraînant l’exigibilité des taxes intérieures de consommation sur un produit pétrolier figurant sur la liste mentionnée à l’article L.642-3 ou livre à l’avitaillement des aéronefs un produit pétrolier figurant sur cette liste est tenue de justifier d’une capacité de transport maritime sous pavillon français proportionnelle aux quantités mises à la consommation au cours de la dernière année civile.

La capacité de transport maritime mentionnée au premier alinéa du présent I comprend une capacité de transport maritime de produits pétroliers et peut comprendre une capacité de transport maritime de pétrole brut, dans des proportions fixées par décret. La capacité de transport de produits pétroliers comprend une part assurée par des navires de moins de 20 000 tonnes de port en lourd, dans des proportions fixées par décret.

II.- Chaque assujetti se libère de l’obligation de capacité prévue au I :

1° Soit en disposant de navires par la propriété ou par l’affrètement à long terme ;

2° Soit en constituant avec d’autres assujettis une société commerciale, une association ou un groupement d’intérêt économique dans la finalité de souscrire avec un armateur ou un groupement d’armateurs des contrats de couverture d’obligation de capacité conformes au contrat type approuvé par arrêté du ministre chargé de la marine marchande et approuvés par le ministre chargé de la marine marchande ;

3° Soit en recourant de façon complémentaire aux moyens ouverts aux 1° et 2°.

Arrêté du 25 février 2016 portant application du décret n° 2016-176 du 23 février 2016 fixant les conditions dans lesquelles est acquittée l’obligation de capacité de transport établie par l’article L.631-1 du code de l’énergie

Article 1

La capacité de transport mentionnée à l’article D.631-2, alinéa 1, du code de l’énergie est fixée à 5,5 % des quantités de produits servant d’assiette à l’obligation de capacité de transport et mises à la consommation au cours de la dernière année civile.

Article 2

La part du tonnage des navires destinés au transport de pétrole brut, au sens de l’article D.631-2, alinéa 2, du code de l’énergie est fixée à 90 % de la capacité de transport pour chaque assujetti ou regroupement d’assujettis.

Avec une assiette élargie des obligations de plus de 30 % la loi, de 1992 a été profondément renouvelée même si les contrats-types doivent encore être approuvés. Selon le ministère, le dispositif garantit une capacité de transport de pétrole brut de près de 3 000 000 tonnes de port lourd sous pavillon français pour sécuriser les approvisionnements en hydrocarbures en cas de crise, la loi va contribuer à maintenir une flotte française de very large crude carriers (VLCC) et les compétences spécifiques de ses équipages. Plusieurs pétroliers-chimiquiers entreront en flotte en 2016 pour répondre à la demande découlant de l’obligation.

Cependant, dans un communiqué diffusé le 26 février 2016, l’organisation professionnelle « Armateurs de France » a déploré la faible ambition du décret en comparaison des espoirs suscités par le vote de la loi sur la transition énergétique. Selon les armateurs, « le texte ne contient aucune garantie sur le nombre de navires et d’emplois » et ne permet ni de maintenir l’emploi ni d’accroître la flotte sous pavillon français comme initialement prévu.

Les vifs débats qui ont entouré l’adoption des modifications évoquées ci-dessus témoignent du caractère impérieux de la notion de « flotte stratégique française ».

La loi économie bleue a d’ailleurs clairement posé le débat puisque son article 58 dispose, au sein du code de la défense, que « les navires battant pavillon français peuvent être affectés à une flotte à caractère stratégique permettant d’assurer en temps de crise la sécurité des approvisionnements de toute nature, des moyens de communication, des services et des travaux maritimes indispensables ainsi que de compléter les moyens des forces armées. La composition de cette flotte à caractère stratégique et les conditions de sa mise en place sont déterminées par voie réglementaire ».

Même si la question de la définition d’une flotte stratégique n’a pas comme objectif premier de soutenir l’emploi, elle répond à des objectifs nationaux qui s’expriment en termes de qualifications, d’indépendance et de souveraineté. Actuellement, la couverture du besoin national de transport et de services maritimes est assurée principalement par des flottes étrangères. Le ministère chargé de la mer a d’ailleurs demandé au Conseil supérieur de la marine marchande (CSMM) de se projeter sur ce que pourrait être l’armement français en 2025. Un groupe de travail interne au CSMM doit rendre, au plus tard au printemps, ses préconisations pour donner du contenu au principe de cette flotte adoptée par la loi économie bleue. Le Rapporteur spécial sera très attentif à l’évolution des débats sur cette importante question, dont les enjeux sont à la fois économiques, sociaux et, bien sûr, éminemment politiques.

Le dispositif actuel de formation des gens de mer repose sur un réseau complet de centres et d’établissements de formation secondaire et supérieure répartis tout au long du littoral et outre-mer où sont dispensés tant les cours de formation initiale que les stages de formation continue. Le programme 205 apporte un soutien financier aux structures de formation secondaire maritime (CAP-BAC professionnel) dispensée dans les douze lycées professionnels maritimes (LPM) ainsi que dans les centres agréés en outre-mer qui préparent essentiellement aux métiers de la pêche et à quelques métiers du transport maritime.

Chaque LPM dispose d’une offre de baccalauréat professionnel en trois ans, pour environ 90 classes. La rentrée de septembre 2014 a vu l’ouverture de quatre classes de 1ère année de BTS (BTS maritime et classes de mise à niveau), suivie de l’ouverture de quatre classes de 2ème année de BTS en septembre 2015.

Pour 2017, 5,5 millions d’euros sont demandés pour couvrir les dépenses de fonctionnement des LPM.

La formation supérieure est quant à elle assurée au sein de l’École nationale supérieure maritime (ENSM), établissement public créé en 2011 et seul opérateur du programme, qui prépare aux carrières d’officier de la marine marchande et délivre le titre d’ingénieur.

La subvention pour charges de service public que l’État verse à l’ENSM s’est élevée à 17,3 millions d’euros en 2012 et 2013, à 18,3 millions d’euros en 2014 et 2015 et à 18 millions d’euros en 2016. Afin de poursuivre le développement de ses nouvelles activités, la subvention est portée pour 2017 à 18,5 millions d’euros.

L’établissement dispose par ailleurs de recettes propres pour un montant légèrement supérieur à 4 millions d’euros. Ces recettes sont essentiellement issues de partenariats et de formations dispensées à titre onéreux. Le Rapporteur spécial souligne l’urgence qu’il y a à développer davantage ces ressources. L’établissement présente en effet en 2016 un déficit d’environ 2 millions d’euros, et le contexte budgétaire actuel ne permet pas à l’État d’accroître le montant de sa subvention destinée à couvrir les charges de personnel de l’établissement, charges qui s’élèvent à 17,5 millions d’euros.

Les restructurations immobilières en projet participent par ailleurs d’une volonté de rationalisation des dépenses d’entretien des locaux. Le site de Nantes étant par exemple particulièrement vétuste, son déménagement est prévu à la rentrée 2019. Quant au site de Saint-Malo, une incertitude juridique quant au propriétaire actuel des locaux freine tout projet de déménagement.

Enfin, le Rapporteur spécial a été tout particulièrement alerté sur la nécessité de renforcer l’attractivité des emplois proposés par l’ENSM. Il est impératif, pour maintenir un niveau de formation de très haute qualité, de recruter du personnel qualifié et expérimenté. Or, en l’état actuel du droit, l’ENSM ne dispose pas des outils juridique et budgétaire adaptés pour proposer des emplois de long terme et correctement rémunérés.

Pour les années à venir, les efforts doivent donc porter sur plusieurs axes :

– stabiliser les récentes évolutions, tant en termes de gouvernance que de cursus pédagogique ;

– ouvrir l’école vers l’extérieur et accroître son rayonnement ;

– développer les ressources propres issues de la formation continue en professionnalisant cette activité au moyen de la création d’une structure juridique autonome ;

– mieux valoriser les diplômes délivrés ;

– améliorer l’attractivité des postes d’enseignants.

Née de la fusion en 1967 de deux associations fondées au XIXe siècle, la SNSM est l’une des expressions les plus abouties de la solidarité des gens de mer face aux drames et accidents maritimes à proximité de nos côtes. La SNSM est un modèle unique d’association qui mobilise 7 000 bénévoles, pour seulement 70 salariés.

Les 4 400 sauveteursembarqués bénévoles réalisent toute l’année plus de 3 000 sauvetages, soit 50 % des interventions coordonnées par les CROSS. Ils secourent chaque année près de 6 000 personnes en danger en mer, en France métropolitaine et outremer.

Si l’on prend l’exemple du CROSS Méditerranée, la SNSM est le premier partenaire du centre pour l’emploi de moyens nautiques. Sur engagement direct du CROSSMED ou sur demande d’assistance formulée par un navire, les canots tous temps, vedettes, embarcations légères (semi-rigides, VNM), voire les moyens terrestres des cinquante stations permanentes et de leurs antennes estivales ont réalisé 1 495 sorties en 2015.

NOMBRE D’INTERVENTIONS PAR MOYENS NAUTIQUES

Autorité de rattachement

Nombre d’interventions

Temps d’intervention

SNSM

1 495 (1 438)

2 750h37

Navires privés (« sur zone »)

600 (645)

1 165h00

SDIS

299 (265)

321h37

Entreprises privées de remorquage

53 (93)

137h07

Gendarmerie maritime

48 (58)

66h26

Gendarmerie nationale

59 (54)

74h04

Moyens municipaux

80 (121)

56h26

Douane

47 (69)

63h02

Marine nationale

34 (26)

48h52

Police – CRS

19 (25)

13h56

Autorités portuaires

30 (58)

18h18

Armateurs / Proche famille

51 (56)

59h06

Affaires maritimes

28 (23)

29h14

Administrations étrangères

24 (17)

45h51

Autres

39 (29)

215h46

TOTAL

2 906 (2 902)

5 065h21

Source : rapport d’activité 2015 du CROSSMED (La Garde et Aspretto).

Les nageurssauveteurs arment par ailleurs plus d’un tiers des dispositifs installés sur les plages surveillées.

En 2016, les ressources de fonctionnement de la SNSM se sont élevées à 28 millions d’euros. Les trois quarts des ressources de la SNSM sont d’origine privée. Les autres ressources sont issues des financements attribués par les collectivités, tandis que l’État alloue, sur le programme 205, une subvention de fonctionnement qui s’établissait jusqu’en 2014 à 2,3 millions d’euros.

En 2015, une convention d’investissement de 1,5 million d’euros supplémentaires a permis de financer l’achat de cinq nouvelles vedettes dont un canot tous temps et des interventions techniques majeures sur quatre autres embarcations accidentées. En 2016, une nouvelle convention d’un montant de 0,5 million d’euros permettra de contribuer au financement de trois embarcations neuves et aux réparations de deux autres. Le projet de budget 2017 pérennise cette aide supplémentaire à l’investissement en inscrivant dès le projet de loi de finances une subvention augmentée à 3,7 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement.

Il est intéressant de comparer les modèles de fonctionnement de la Royal Lifeboat Institution (RNLI) et de la SNSM. Pour un dispositif opérationnel relativement similaire, les ressources de la RNLI sont presque dix fois supérieures à celles de la SNSM. Surtout, son budget est composé à 95 % de dons et legs, ce qui est certainement lié au fait que les dépenses engagées pour la collecte de fonds est également sans commune mesure, comme le détaille le tableau ci-après.

ÉLÉMENTS DE COMPARAISON ENTRE LA SNSM ET LA RNLI – DONNÉES 2015

 

SNSM

RNLI

Nombre de bateaux

300

444

Nombre de stations

218

237

Nombre de postes de plage

242

200

Nombre de volontaires en mer

4 400

4 600

Nombre de sauveteur de plage

1 400

3 000

Nombre de volontaires non impliqués dans le sauvetage (prévention, boutiques, levée de fonds, formation …)

2 000

+ 10 000

Nombre de salariés

70

1 200

Nombre de sorties des bateaux

3 500

8 228

Nombre de personnes secourues en mer

6 200

9 700

Nombre d’incidents de plage traités

20 000

18 000

Ressources

28 millions d’euros

(dont 50 % de dons et legs)

206 millions d’euros

(dont 95 % de dons et legs)

Budget employé à la recherche de fonds

1,75 million d’euros (7 %)

31 millions d’euros (15,2 %)

Le SNSM est actuellement confrontée à une difficulté réelle de financement de ses investissements à venir.

En effet, selon l’association, le coût global du renouvellement de la seule flotte de navires hauturiers (19) est de 50 millions d’euros, à planifier sur les dix prochaines années. Le plan global d’équipement s’établit ainsi progressivement de 7,6 millions d’euros en 2016 à 10,9 millions d’euros en 2022.

Or le contexte de crise budgétaire et la baisse induite des ressources des collectivités territoriales ainsi que la diminution des dons et legs représentent à l’heure actuelle un vrai risque pour la préservation du modèle économique de l’association. D’autant plus que les bénévoles, de moins en moins issus des métiers de la mer, imposent un effort de formation plus important.

À la demande du secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche, le CGEDD/IGAM a rendu le 7 juillet 2015, un rapport sur la pérennité du financement de la SNSM. Ce rapport conclut à la permanence à moyen terme d’un besoin de soutien public nonobstant la réalisation d’économies substantielles qui ne devraient pas affecter la dynamique opérationnelle de l’association. Enfin, un rapport au Premier ministre sur la pérennisation du modèle de la société nationale de sauvetage en mer présenté en juillet par notre collègue Chantal Guittet recense les possibles renforcements des ressources issues du secteur privé tout en portant la contribution de l’État à hauteur de 25 % du budget annuel de la SNSM, et trace quelques perspectives de ressources fiscales.

Principales propositions du rapport de Chantal Guittet visant à assurer un financement pérenne de la SNSM

1. Relever la contribution de l’État pour parvenir au niveau plus « juste » de 25 % du budget d’exploitation de la SNSM, soit une contribution de 7,5 millions d’euros par an, et pérenniser cette contribution par le moyen de recettes affectées. Trois d’entre elles peuvent être privilégiées dans l’attente du rendement de la taxe éolienne :

– l’affectation à la société de sauvetage en mer d’une partie disponible du droit annuel de francisation des navires, avec si besoin est la révision de l’assiette de la taxe ;

– l’affectation à la société de sauvetage d’une partie du rapport de la fiscalité sur les permis plaisance ;

– la création d’une taxe additionnelle sur les contrats d’assurance de la plaisance et des loisirs nautiques pour financer la sécurité de la pratique de ces activités, et son reversement à la société de sauvetage en mer.

2. Prendre une disposition réglementaire par le biais d’un cahier des charges type pour les ports de plaisance comportant, dans les obligations de service public, un chapitre sur la sécurité prévoyant les mesures en faveur de la société de sauvetage qui figurent dans le corps du rapport.

3. Promouvoir le maintien des aides des collectivités territoriales à la SNSM par l’intermédiaire des associations des régions (ARF), des départements de France (ADF) et des élus du littoral (ANEL). Les élus rencontrés se sont montrés très réceptifs à cette démarche.

4. Favoriser par une action auprès des compagnies d’assurances (via le CESAME notamment) et auprès des autorités et des gestionnaires des ports de plaisance (via les collectivités autorités portuaires et via les associations et fédérations des ports de plaisance) la mise en place d’un partenariat national avec la SNSM afin que les assureurs et les gestionnaires de ports incitent leurs contractants à adhérer à la société de sauvetage, selon les modalités suggérées ci-dessus.

5. Soutenir l’action de la SNSM dans sa recherche de mécénats et dans sa collecte de dons, notamment par l’organisation d’une « journée nationale du sauvetage en mer » et lors des campagnes de promotion de la sécurité en mer.

D’ores et déjà, l’article 1519 C du code général des impôts prévoit le reversement de 5 % du montant des ressources du fonds national de compensation de l’énergie à la SNSM, ce fonds ayant vocation à percevoir le produit de la taxe sur les éoliennes en mer (20). Cette mesure devrait rapporter 2,2 millions d’euros par an à l’horizon 2020. En outre, l’article L.5314-13 du code des transports, créé par la loi NOTRe (21), assure à la SNSM de bénéficier sensiblement du même niveau de subvention de la part des collectivités territoriales, malgré les nouvelles répartitions des compétences.

Si le Rapporteur spécial se félicite des mesures qui ont été d’ores et déjà adoptées, et qui témoignent d’une réelle prise de conscience des pouvoirs publics, ces dernières restent insuffisantes. Il ne fait aucun doute que les décisions qui seront prises lors du prochain CIMer, le 4 novembre à Marseille, devront prévoir des modalités de financement dont la pérennité permettra aux sauveteurs en mer de remplir leur mission bénévole en confiance, et de confirmer leur engagement dans la durée, au service du public et de sa sécurité en mer.

L’enveloppe budgétaire de l’action Gestion durable des pêches et de l’aquaculture est essentiellement constituée de dépenses d’intervention visant à accompagner les entreprises de pêche face aux évolutions de la ressource et de la réglementation. La politique commune des pêches (PCP) de l’Union européenne a fait l’objet d’une réforme majeure en 2013. Sa mise en œuvre sera possible grâce à un nouvel instrument financier : le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP), dont le ministère est autorité de gestion. Les crédits de l’action assurent la majeure partie des contreparties financières nationales au FEAMP.

Le volet pêche et aquaculture du programme 205 représente pour 2017 45,6 millions d’euros en autorisation d’engagement et en crédits de paiement.

MONTANT ET ÉVOLUTION DES CRÉDITS PROPOSÉS POUR 2017POUR L’ACTION
GESTION DURABLE DES PÊCHES ET DE L’AQUACULTURE

(en millions d’euros)

 

Exécution 2015

LFI 2016

Proposition 2017

Suivi scientifique et statistique

5,02

6,72

6,45

Contrôle des pêches

3,82

6,15

5,90

Appui technique

1,96

3,54

3,41

Interventions économiques non cofinancées par l’UE

2,92

3,06

2,94

Interventions socio-économiques

6,60

6,42

6,42

Interventions économiques cofinancées par l’UE

1,80

20,48

20,48

Total AE

22,13

46,38

45,6

Suivi scientifique et statistique

6,50

6,72

6,45

Contrôle des pêches

3,68

6,15

5,90

Appui technique

2,96

3,54

3,41

Interventions économiques non cofinancées par l’UE

2,59

3,06

2,94

Interventions socio-économiques

6,60

6,42

6,42

Interventions économiques non cofinancées par l’UE

17,9

20,48

20,48

Total CP

40,25

46,38

45,6

Source : direction des pêches maritimes et de l’aquaculture.

Avec une diminution de 1,68 % de ces crédits pour 2017 par rapport à 2016, la direction des pêches maritimes et de l’aquaculture (DPMA) contribue à l’effort général de maîtrise des dépenses publiques tout en préservant la mise en œuvre du FEAMP. En effet, la DPMA prend en charge une réduction de 759 000 euros des crédits du programme 205, répartie de façon homothétique entre les différentes sous–actions, à l’exception de celles support des contreparties nationales du fonds FEAMP, et des interventions socio-économiques.

Le Rapporteur spécial souhaite insister sur l’importance d’analyser également exécution budgétaire de la DPMA, tant elle reflète la succession des différents fonds structurels européens.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS EXÉCUTÉS DE LA DPMA SUR LA PÉRIODE 2012-2017

(en millions d’euros)

 

2012

2013

2014

2015

2016 (p)

PLF 2017

AE

66,8

53,56

48

22,13

31,1

45,6

CP

65,0

46,63

43,05

40,25

28,63

45,6

Source : DPMA.

L’élaboration d’une programmation requiert en effet la conception de procédures, de circuits financiers qui ne permettent pas l’engagement des crédits, ce qui explique la sous-exécution 2015 et 2016 en autorisations d’engagement. Une fois ces travaux menés, un rattrapage est nécessaire sur les premières années de programmation, ce qui explique un pic de consommation.

Par ailleurs la consommation des crédits de paiement suit exactement le même raisonnement. Le précédent fonds européen pour la pêche a mobilisé massivement des crédits jusqu’en 2015 puis seulement 2,5 millions d’euros en 2016, sans pour autant que la mise en œuvre du FEAMP ne consomme effectivement des crédits sur 2016.

La prévision de consommation 2016 intègre les premiers engagements du FEAMP et un recul des paiements du fait de la montée en charge progressive du fonds.

Dans le cadre de la nouvelle programmation européenne 2014-2020, la France bénéficie d’une enveloppe budgétaire importante de 588 millions d’euros, dont près de 50 % gérés directement par les régions.

La répartition des compétences entre l’État et les régions a été faite sur les bases suivantes :

– certaines mesures sont du seul ressort de l’État en application d’obligations réglementaires européennes, telles que celles relatives au contrôle, à l’exécution de la politique commune des pêches et à la collecte des données ;

– d’autres mesures sont du ressort des conseils régionaux. Il s’agit notamment, en cohérence avec la nouvelle étape de décentralisation voulue par le Gouvernement, des mesures visant à permettre le développement économique des filières dans leurs territoires.

Les contreparties nationales programmées sur l’ensemble de la période s’élèvent à 114 millions d’euros pour l’État, et 69 millions d’euros pour les régions.

Les délais inévitables de mise en œuvre du FEAMP s’expliquent par la nécessité de bâtir un dispositif robuste. Ils sont nécessaires pour sécuriser juridiquement les aides qui seront versées, afin d’éviter de se retrouver dans la situation où les bénéficiaires auraient à les reverser à la suite de contrôles.

Il n’en demeure pas moins que, depuis la publication le 20 mai 2014 du règlement européen et l’approbation du programme opérationnel français par la Commission le 3 décembre 2015, la dynamique du FEAMP est réellement enclenchée en France :

• La réunion du comité national de suivi (CNS) a eu lieu le 23 février 2016 et a validé les critères d’éligibilité et de sélection des mesures nationales et régionales, permettant ainsi aux bénéficiaires de connaître les « règles du jeu ».

• Les mesures sont depuis ouvertes au fil de l’eau, avec mise à disposition des bénéficiaires des formulaires de demande d’aide.

• Les premiers dossiers ont été instruits par FranceAgriMer et ont été présentés à la commission de sélection nationale (pour sa première réunion) le 1er septembre pour un montant total de 11,5 millions d’euros (dont 8,5 millions d’euros de FEAMP), avec pour objectif un paiement d’ici la fin 2016.

Parallèlement, le premier dossier de demande d’une mesure régionale (plans ce compensation des surcoûts à La Réunion) a été instruit et sélectionné et la convention attributive correspondante signée mi-juillet pour un montant de 4,5 millions d’euros.

• Le premier appel à projets « innovation » a été lancé le 15 mars. Il a été clos s le 30 mai, et les dossiers sont en phase finale d’expertise avant passage en commission de sélection nationale le 12 octobre.

De même, deux autres appels à projets relatifs aux « partenariats entre scientifiques et pêcheurs » et à la « protection et restauration de la biodiversité des écosystèmes marins » ont été lancés le 26 avril et ont été clos le 30 juin. La sélection des dossiers est prévue début décembre.

Au total, environ 70 projets ont été déposés sur ces mesures, témoignant de l’intérêt suscité par ces dispositifs emblématiques du FEAMP, en ce sens qu’ils visent à soutenir des projets favorisant une pêche et une aquaculture durables, responsables et respectueuses de l’environnement.

• Les conventions de délégation de gestion avec les organismes intermédiaires ont commencé à être signées : avec FranceAgriMer mi-juillet, et près de la moitié des régions.

Les délais de mise en œuvre du fonds sont difficilement contournables, et le Rapporteur spécial se félicite des avancées conséquentes qui ont d’ores et déjà pu être obtenues.

La PCP est une des politiques les plus intégrées de l’Union européenne. La sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne entraînera automatiquement son départ de la politique commune et impactera l’ensemble des relations en matière des pêche avec l’Union européenne, dont la France.

Les conséquences de ce départ porteront aussi bien sur la recherche scientifique conjointe, les conditions de négociation au sein des enceintes internationales, les modalités d’exploitation des stocks halieutiques partagés, les conditions d’accès à la ressource halieutique, ou la coopération dans le contrôle des activités de pêche.

Le Rapporteur spécial n’abordera pas l’ensemble de ces points, ce qui dépasserait le cadre du présent rapport, mais souhaite mettre en avant les conséquences potentielles de la remise en cause de certains principes fondamentaux de la PCP, essentiels à la préservation de l’équilibre de l’ensemble de la filière française.

La PCP s’est construite autour de la mise en commun des ZEE des États membres afin de constituer une zone accessible à tous les navires de l’Union, à l’exception des eaux territoriales (22). Les conséquences pour la pêche française d’une nationalisation des eaux britanniques pourraient être considérables à tous les niveaux. À l’échelle nationale, les captures françaises réalisées en 2015 au sein de la ZEE britannique s’élevaient à plus de 100 000 tonnes pour une valeur de 177 millions d’euros, soit 22 % de la production totale française en volume et 16 % en valeur (23).

On peut estimer le nombre des navires qui seraient concernés à environ 430, représentant 20 % de la flotte métropolitaine hors Méditerranée. Leur taux de dépendance en valeur est de 29 % en moyenne (24).

Les conséquences ne se limiteraient pas au seul secteur de la capture mais se répercuteraient également sur l’aval de la filière en impactant certains ports et les entreprises de transformation associées. C’est par exemple le cas du premier port de pêche français, Boulogne-sur-Mer, où ont été débarquées en 2015 11 000 tonnes issues des eaux britanniques soit 44 % des captures totales débarquées. Une remise en cause de tels volumes aurait nécessairement un impact sur l’emploi, aussi bien en mer qu’à terre.

Afin de préserver les activités de pêche traditionnelles, la PCP autorise la réalisation de certaines activités de pêche par les navires d’États membres au sein de zones clairement délimitées à l’intérieur des eaux territoriales d’autres États membres.

De telles zones ouvertes aux navires français sont nombreuses dans les eaux territoriales du Royaume-Uni (25) tandis qu’une seule zone « réciproque » est ouverte aux navires britanniques dans les eaux territoriales françaises. Ce déséquilibre peut amener le Royaume-Uni à contester ces zones à la demande des organisations professionnelles des pêches britanniques.

L’impact précis de leur fermeture aux navires français requiert une analyse fine en cours de réalisation par l’IFREMER, mais celui-ci devrait être considérable compte tenu du nombre et du caractère particulièrement productif de ces zones proches du littoral. Certaines flottilles françaises sont en effet dépendantes exclusivement de ces zones et les possibilités de report d’activité sont largement limitées : les secteurs entourant ces zones sont soumis à une forte compétition pour l’espace, que ce soit entre les différents métiers de la mer ou entre les différents usages de l’espace marin.

Les quotas de pêche attribués aux États membres de l’Union européenne respectent le principe de la stabilité relative. À l’issue d’un processus bien défini permettant d’intégrer les recommandations des avis scientifiques au sein des décisions prises par le Conseil de l’Union européenne, chaque État membre reçoit pour chaque stock une part (quota) d’un volume total de captures défini au niveau de l’union (TAC). Cette part est fixée par une clé de répartition définie pour chaque stock sur la base les captures historiques.

La sortie du Royaume-Uni de la PCP pourrait lui permettre de ne plus respecter cette clé de répartition et l’amener à définir ses quotas de pêche de manière unilatérale. Le Royaume-Uni pourrait en effet considérer que la clé de répartition historique est injuste ou ne reflète pas la répartition géographique de certains stocks qui, bien que situés largement au sein de la ZEE britannique, sont attribués majoritairement à d’autres États membres (26).

Les conséquences économiques mais également environnementales – en raison du risque accru de surexploitation des ressources – d’une telle approche seraient particulièrement élevées. L’impact dépendra directement des revendications britanniques et ne peut donc être précisément estimé à ce stade.

En outre, à la procédure de fixation des quotas en vertu de la stabilité relative s’ajoute un système communautaire d’échanges de quotas en cours d’année entre les États membres afin d’adapter dans la mesure du possible les quotas aux besoins des flottilles nationales. Les échanges avec le Royaume-Uni représentent environ 20 % des quotas échangés par la France dans le cadre de ce système, qui ne pourra perdurer sous une forme aussi flexible suite à la sortie du Royaume-Uni de la PCP.

Le Royaume-Uni n’aura sans doute pas une approche conduisant à activer l’ensemble des leviers décrits ci-dessus, tant le pays a intérêt à conserver une relation constructive avec l’Union européenne dans le domaine de la pêche.

Outre l’accès au marché européen (27) le Royaume-Uni bénéficie grâce à la PCP d’accès et de quotas pour certains stocks situés en dehors de ses eaux. Ceci concerne aussi bien des stocks présents dans les eaux communautaires que des stocks exploités dans les eaux de pays tiers, tel le flétan du Groenland ou le hareng atlanto-scandien. L’accès à ces stocks est permis par des accords bilatéraux conclus entre l’Union européenne et des États et collectivités du nord de l’Europe (Norvège, Islande, Groenland, Îles Féroé), qui prévoient l’échange de quotas de pêche et d’accès entre les parties. Rien n’empêchera le Royaume-Uni de conclure directement de tels accords avec ces États mais il n’aura alors plus accès à la « monnaie d’échange communautaire » que constituent les quotas de pêches et les eaux de l’UE.

Ensuite, le Royaume-Uni a tout intérêt à conserver certains principes de la PCP, tels l’objectif d’exploitation des stocks au rendement maximum durable et la bonne prise en compte des avis scientifiques.

Enfin, le Royaume-Uni demeurera soumis aux grands principes du droit de la mer, et devra notamment réduire à un minimum les perturbations économiques dans les États dont les ressortissants pratiquent habituellement la pêche dans la zone ou qui ont beaucoup contribué à la recherche et à l’inventaire des stocks.

Sans prétendre à l’exhaustivité, les scénarios suivants sont envisageables pour l’accès aux eaux renationalisées et aux éventuels stocks halieutiques revendiqués par le Royaume-Uni :

– l’absence d’accord entre le Royaume-Uni et l’UE : ce scénario permettrait au Royaume-Uni d’afficher pleinement sa souveraineté sur ses eaux. Les accès aux eaux et ressources britanniques seraient le cas échéant vendus sous forme de « licences privées ». Ce régime reviendrait à limiter l’accès aux eaux britanniques aux armateurs les plus fortunés, au détriment des flottes artisanales françaises ;

– un accord de partenariat : dans ce scénario, le Royaume-Uni définirait les volumes de pêche de ses navires dans ses eaux et attribuerait à l’UE contre rémunération un « surplus » déterminé selon une estimation scientifique. L’UE devrait ensuite répartir ces volumes entre les différents États membres. Ce cadre correspond aux accords de partenariat pour la pêche durable (APPD) prévus par la PCP jusqu’alors réservés aux « pays du Sud » ;

– un accord de gestion conjointe des stocks partagés, sur le modèle des accords négociés avec les pays du Nord. Ces accords sont renégociés régulièrement, et leur négociation n’est pas exempte de tensions qui peuvent conduire à fermer les accès à certaines pêcheries ou à une surexploitation des stocks concernés.

Ce dernier format apparaît comme étant le plus probable étant donné les nombreux intérêts qui demeureront partagés entre l’Union européenne et le Royaume-Uni. Une vigilance particulière devra être accordée au suivi de la négociation d’un tel accord qui serait menée par la Commission européenne en vertu de la compétence exclusive de l’Union européenne sur la gestion des ressources marines vivantes. Il conviendra ainsi de s’assurer que les acquis français décrits précédemment ne soient pas « monnayés » au profit de la préservation des intérêts d’autres États membres.

En conclusion, les conséquences du départ du Royaume-Uni de l’Union européenne pour le secteur de la pêche française sont incertaines car elles dépendront directement de ses revendications une fois celui-ci libéré des obligations de la PCP. Elles pourraient toutefois s’avérer considérables et menacer un secteur déjà économiquement fragile.

Il est probable que ces revendications soient élevées et ciblent particulièrement la France : un examen rapide du régime actuel fixé par la PCP peut faire apparaître que celui-ci bénéficie à la pêche française au détriment de la pêche britannique. Cet aspect a d’ailleurs été largement mis en avant durant la campagne référendaire (28).

Selon le Rapporteur spécial, ces éléments doivent conduire à accorder la plus grande attention au volet « pêche » dans la négociation qui va s’engager avec le Royaume-Uni. Pour éviter des décisions dommageables à l’ensemble de la filière, la mise en balance d’autres sujets de négociation sera probablement nécessaire le moment venu. Il conviendra donc d’éviter que la négociation sur les sujets de pêche soit dissociée de la négociation sur les autres sujets.

EXAMEN EN COMMISSION

Après les auditions de Mme Ségolène Royal, ministre de l’environnement, de l’énergie et la mer, et de M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche (voir le compte rendu de la commission élargie du 26 octobre 2016 à 16 heures 15 (29)), la commission examine les crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables et l’article 64, rattaché.

Suivant l’avis favorable de MM. Marc Goua, Jean-Claude Buisine, Jean-Claude Fruteau, Alain Rodet et Olivier Faure, rapporteurs spéciaux, et malgré l’avis défavorable de M. Hervé Mariton, rapporteur spécial, la commission adopte les crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables.

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ANNEXE :
PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

Ministère de l’environnement, de l’énergie et de la mer, direction des pêches maritimes et de l’aquaculture

© Assemblée nationale