N° 4125 annexe 27 - Rapport de Mme Karine Berger sur le projet de loi de finances pour 2017 (n°4061).



N
° 4125

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 octobre 2016.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2017 (n° 4061),

PAR Mme Valérie RABAULT,

Rapporteure Générale

Députée

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ANNEXE N° 27

GESTION DES FINANCES PUBLIQUES ET
DES RESSOURCES HUMAINES

CONDUITE ET PILOTAGE DES POLITIQUES
ÉCONOMIQUES ET FINANCIÈRES

Rapporteure spéciale : Mme Karine BERGER

Députée

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SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 7

PREMIÈRE PARTIE  DES RÈGLES BUDGÉTAIRES EUROPÉENNES DE PLUS EN PLUS POLITIQUES 10

I. VINGT ANS D’ÉCHEC DE PILOTAGE DE LA DETTE PUBLIQUE EUROPÉENNE 11

A. VINGT ANS DE « RÈGLE DES 3 % » SANS EFFET SUR LA DETTE PUBLIQUE EUROPÉENNE 11

1. Les règles budgétaires du pacte de stabilité 11

a. Le traité de Maastricht : les règles de non dépassement 11

b. Le pacte de stabilité et de croissance (PSC) : la vision pluri-annuelle 13

2. Les limites de ce corpus de règles maastrichtiennes ont conduit à une première réforme 15

a. La décision politique d’écarter les règles en 2003 : des règles jugées pas assez coercitives et trop procycliques 15

b. La réforme du PSC de mars 2005 : davantage de flexibilité 16

3. « L’éléphant dans la pièce » : l’envolée de la dette publique des États membres malgré les règles budgétaires 18

B. DEPUIS 2011 ET LA CRISE GRECQUE, LE PRINCIPE EST LA SANCTION EN CAS D’INFRACTION À LA RÈGLE STRUCTURELLE 21

1. Le droit de l’UE : le six-pack et le two-pack 21

a. Le renforcement du volet préventif : le règlement (UE) n° 1175/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011 21

b. Le renforcement du volet correctif : le règlement (UE) n° 1177/2011 du Conseil du 8 novembre 2011 23

c. L’introduction d’une nouvelle procédure visant à corriger les déséquilibres macroéconomiques 25

d. Le semestre européen (instauré par le six-pack) et le semestre national (instauré par le two-pack) 26

2. Le TSCG renforce les obligations budgétaires des États membres et prévoit la mise en place de mécanismes de correction internes 29

II. DES RÈGLES BUDGÉTAIRES EUROPÉENNES PLUS POLITIQUES QUE « STUPIDES » 30

A. L’IMPOSSIBILITÉ DE S’ACCORDER SUR LA MESURE DU SOLDE STRUCTUREL : UN PROBLÈME ÉCONOMIQUE ET DÉMOCRATIQUE 30

1. Des limites économiques à la notion de solde structurel 30

a. PIB et croissance potentiels sont à la base de la méthode d’estimation du solde structurel 30

b. Croissances potentielles et soldes structurels : des notions contestables qui aboutissent à des estimations de nature très politique 31

i. L’instabilité des estimations dans le temps 31

ii. Plus de 1,5 point d’écart d’évaluation du solde structurel de la France entre le gouvernement et la Commission européenne : une vision radicalement différente de la position dans le cycle de l’économie française 31

c. Autres limites des règles budgétaires structurelles 34

i. Le difficile « pilotage » de l’ajustement structurel 34

ii. Les mesures ponctuelles et temporaires 36

2. Un problème politique et démocratique à régler : la demande de révision des méthodes de la Commission européenne émane désormais de la représentation politique de nombreux États membres 36

3. Des règles en partie politiques : l’exemple récent de l’absence de sanctions à l’encontre de l’Espagne et du Portugal 39

B. ECARTER LES RÈGLES POUR PRENDRE DES DECISIONS POLITIQUES EUROPÉENNES EST POSSIBLE : « LE PACTE DE SÉCURITÉ L’EMPORTE SUR LE PACTE DE STABILITÉ » 39

1. La possibilité d’écarter la règle est explicitement prévue dans les traités 40

a. La clause d’investissement : les investissements stratégiques ne sont pas soumis aux règles 41

b. La clause des réformes structurelles : le coût à court terme n’est pas soumis aux règles 42

c. La dégradation des conditions conjoncturelles : écarter les règles budgétaires par la seule appréciation de la situation économique 43

2. La démonstration d’une décision politique supérieure aux règles européennes face aux attentats et à la crise migratoire 45

3. La position de la France dans ce débat depuis novembre 2015 : beaucoup d’interrogations 47

C. LES RECOMMANDATIONS DE LA RAPPORTEURE SPÉCIALE 48

1. Des recommandations de transparence et de sincérité pour des règles plus crédibles : réviser le pacte et le TSCG 48

2. Des recommandations politiques pour remettre les règles « à leur place démocratique » 49

SECONDE PARTIE ANALYSE DES CRÉDITS ET DE LA PERFORMANCE DU PROGRAMME 218 CONDUITE ET PILOTAGE DES POLITIQUES ÉCONOMIQUES ET FINANCIÈRES 51

I. LES OBJECTIFS DU PROGRAMME ET LA MESURE DE LA PERFORMANCE 51

A. UNE INFORMATION ET DES SERVICES DE QUALITÉ À DESTINATION DU PARLEMENT ET DES ADMINISTRATIONS 51

B. L’AMÉLIORATION DES CONDITIONS D’EMPLOI DES PERSONNELS 52

C. LA MAÎTRISE DU COÛT DES FONCTIONS SUPPORT 53

II. LES MOYENS DÉVOLUS AU PROGRAMME : UNE DÉPENSE MAÎTRISÉE 54

A. LES CRÉDITS DU PROGRAMME PAR ACTION 55

1. L’action n° 1 État-major et politiques transversales 55

2. L’action n° 2 Expertise, audit, évaluation et contrôle 56

3. L’action n° 3 Prestations d’appui et de support 57

4. L’action n° 7 Pilotage des finances publiques et projets interministériels 58

B. LA BONNE GESTION DES DÉPENSES DE PERSONNEL DU PROGRAMME 59

1. Une augmentation mesurée des dépenses de personnel en 2017 59

2. Les emplois des cabinets ministériels 60

LISTE DES ENCADRÉS

Encadré 1: la justification théorique aux règles budgétaires 11

Encadré 2 : Le déficit public stabilisant ou « la règle des 3% » 12

Encadré 3 : Évolution de la dette publique de certains États membres de l’UE 20

Encadré 4 : Situation des États membres au regard du pacte de stabilité et de croissance au 18 mai 2016 21

Encadré 5 : Les sanctions financières pour les pays de la zone euro prévues dans le pacte de stabilité 25

Encadré 6 : Le cycle budgétaire annuel 28

Encadré 7 : Estimations des écarts de production et de solde structurel entre le Gouvernement, la commission européenne, le FMI et l’OCDE : cas de la France 32

Encadré 8 : Lettre des commissaires aux finances nationaux à Pierre Moscovici pour une révision des règle d’évaluation de la croissance potentielle 38

Encadré 9 : Les mécanismes de flexibilité du PSC 40

EXAMEN EN COMMISSION 63

ANNEXE 1 : LA DÉCLINAISON DES RÈGLES EUROPÉENNES EN MATIÈRE BUDGÉTAIRE DANS LE DROIT INTERNE 65

ANNEXE 2 : PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA RAPPORTEURE SPÉCIALE 67

L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

Au 10 octobre 2016, 76,9 % des réponses étaient parvenues à la Rapporteure spéciale.

INTRODUCTION

Comme chaque année depuis 2012, la Rapporteure a souhaité adopter une approche thématique dans son rapport spécial, lequel couvre le champ du programme 218 Conduite et pilotage des politiques économiques et financières.

Les rapports spéciaux sur les lois de finances 2013, 2014 et 2015 ont été l’occasion pour elle d’analyser respectivement les questions :

– de la réforme de l’État et de la modernisation de l’action publique ;

– du pilotage des finances publiques sous le critère du solde structurel ;

– du pilotage des dépenses publiques ;

– du suivi des investissements de l’État.

Cette année, la Rapporteure spéciale s’est attachée à étudier les règles budgétaires européennes qui s’appliquent aux États membres, leur évolution et la flexibilité de leur application.

Nécessaires à la cohésion économique de l’Union européenne et de la zone euro, ces règles ne peuvent en aucun cas être réduites aux valeurs de référence bien connues « des 3 % du PIB » et « des 60 % du PIB », que les déficits nominaux et les dettes publiques des États membres ne doivent respectivement pas excéder. Depuis le traité de Maastricht, elles ont en effet été progressivement révisées et améliorées, au gré des rapports de force politiques et des crises économiques. Il en résulte un système de règles à l’articulation complexe, mais cohérente. Le droit de l’Union européenne, tant primaire que dérivé et le traité sur la stabilité, la gouvernance et la coordination (TSCG) entrent dans le détail de leurs modalités d’application. Cependant, leur nature communautaire interdit toute rigidité dans leur mise en œuvre.

L’équilibre entre l’impératif de disposer de normes théoriquement coercitives et la nécessité d’appliquer souplement des règles qui s’imposent à des États souverains est subtil. D’ailleurs, la frontière entre ce qui relève de la négociation politique et ce qui relève d’une obligation juridique est devenue très incertaine.

Le présent rapport dresse plusieurs constats.

En premier lieu, les règles budgétaires européennes n’ont pas empêché la croissance de la dette publique des États membres depuis vingt ans. Il suffit, pour s’en convaincre, de rappeler que le ratio dette / PIB de la zone euro devrait s’établir à 91,1 % en 2017 (1). Actuellement, treize des dix-neuf États de la zone euro ne respectent pas la valeur de référence de 60 % du PIB de ratio de dette publique. Les dettes publiques de dix d’entre eux excèdent même 80 % du PIB.

En deuxième lieu, ces règles juridiques ne font pas l’objet d’une application rigide, mais donnent lieu à l’expression des rapports de force politiques. Par exemple, les procédures de sanction n’ont jamais été à leur terme. Elles ont laissé s’exprimer, dans une large mesure, la négociation entre les États membres et la Commission européenne. C’est d’ailleurs aux moments où leur application n’était pas souhaitable que ces règles ont fait l’objet de réformes, rendues possibles par un consensus politique. Il en résulte des règles non pas « stupides », comme Romano Prodi, alors président de la Commission européenne les avait qualifiées, mais très politiques.

De plus, le droit européen et le TSCG permettent de faire usage de nombreuses flexibilités. Ces clauses permettent notamment, dans certaines circonstances, de surseoir l’exécution des procédures prévues dans le cas de non-respect des règles. Le champ de ces circonstances peut lui-même faire l’objet d’une interprétation plus extensive par la Commission et le Conseil, dégageant ainsi des marges de flexibilité supplémentaires. Certains pays, à l’instar de l’Italie et de la Belgique, ont demandé l’usage de ces clauses pour que la Commission et le Conseil prennent en compte les surcoûts engagés en raison des menaces terroristes et de la crise migratoire. La France n’a pas fait usage des flexibilités des traités, ce dont la Rapporteure spéciale s’étonne.

En troisième lieu, ces règles présentent des limites méthodologiques, qui s’illustrent en particulier par les différences d’estimation de l’écart de production entre la Commission et les États membres. Ce point technique est loin d’être anodin. Suivant que l’on prenne en compte l’estimation de la Commission ou une estimation alternative, les diagnostics de la position des États membres dans le cycle économique et donc, des politiques économiques à mener, sont très différents. Des discussions sont actuellement en cours – alimentées tant par certains gouvernements que par de nombreux parlementaires européens – pour analyser ces différences et parvenir à une révision de la méthode de la Commission (agréée par le Conseil).

La Rapporteure spéciale formule plusieurs préconisations dans ce rapport, notamment :

– obtenir une simplification des règles budgétaires européennes en valorisant une norme d’évolution de la dépense ;

– obtenir une révision de la méthode commune d’estimation du PIB potentiel des États membres ;

– clarifier la « zone grise » qui résulte actuellement de la prise en compte de plusieurs méthodes d’estimation du PIB potentiel des États membres ;

– faire plein usage des règles de flexibilité offertes par les traités, ce qui permettrait d’envoyer un message politique fort aux peuples européens, indiquant que les règles budgétaires peuvent être écartées, dans des circonstances précises, grâce à un consensus entre les États membres.

PREMIÈRE PARTIE 
DES RÈGLES BUDGÉTAIRES EUROPÉENNES DE PLUS EN PLUS POLITIQUES

Les règles budgétaires européennes sont nées avec l’euro, il y a vingt ans. Visant à limiter l’augmentation des dettes publiques des États membres, elles ont échoué puisque, actuellement, presque aucun des États membres économiquement les plus importants ne présente une dette publique inférieure à 80 % du PIB et, exception faite de l’Allemagne, le ratio dette / PIB de ces pays ne s’inscrit pas dans une tendance nettement baissière. En outre, actuellement, six États, dont la France, sont sous procédure pour déficit excessif.

Le manque d’automaticité et surtout d’efficacité nuisait en effet à leur crédibilité. Le président de la Commission européenne en personne, Romano Prodi, juge même en 2002 que le pacte de stabilité et de croissance est « stupide, comme toutes les décisions rigides ».

C’est toutefois le déclenchement de crise de la dette publique grecque en 2010 et le début de sauvetage par les autres États de l’UE, qui va anéantir la crédibilité des premières règles budgétaires européennes. Les traités européens relatifs aux finances publiques ont été adaptés pour prendre en compte davantage de paramètres. En introduisant un suivi plus macro-économique des trajectoires de déficits (le fameux « solde structurel »), il s’agissait de dresser un cadre clair pour ces règles ex ante, de manière qu’elles ne puissent pas être contestées.

Paradoxalement, cette complexité semble exploitée par les États membres qui font jouer de véritables « stratégies » vis-à-vis de la Commission, en mettant l’accent sur le respect de certaines de ces règles pour justifier le non-respect des autres. En définitive, le nouveau cadre juridique construit par le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), signé le 2 mars 2012, est, dans une certaine mesure, perméable aux rapports de force politique européens.

Le traité de Maastricht, signé le 7 février 1992, ouvre la voie à la création de l’euro. Les États membres décident alors, dans les traités (2), de fixer des valeurs de référence qui ne doivent pas être dépassées, faute de quoi une procédure pour déficit excessif peut être enclenchée à leur encontre : 3 % pour le déficit public et 60 % pour le rapport entre la dette publique et le PIB.

Encadré 1 - Les justifications théoriques aux règles budgétaires

Du point de vue de la théorie économique, l’existence de règles budgétaires nationales communes aux pays de la zone euro et, plus généralement, de l’UE, a plusieurs justifications. Une politique budgétaire nationale laxiste pourrait en effet entraîner trois types d’externalités négatives à éviter.

En premier lieu, l’augmentation des taux d’intérêt induite par une politique budgétaire laxiste pourrait, par effet de contagion, entraîner celle des taux d’intérêt des autres pays de la zone euro ou de l’UE, ce qui entraînerait donc des conséquences économiques négatives pour l’ensemble de la zone.

En deuxième lieu, des dérapages budgétaires peuvent porter atteinte à la crédibilité pour les investisseurs de la règle du « no bail out » selon laquelle l’Union ne répond pas des engagements d’un État membre (article 125 du traité de fonctionnement de l’Union européenne) et à la règle selon laquelle il est interdit à la Banque centrale européenne d’acquérir directement auprès d’elles des instruments de la dette des administrations publiques des États membres (article 123 du TFUE).

En troisième lieu, le respect d’une discipline budgétaire par chaque pays est fondé sur l’idée que la BCE doit adopter une réponse optimale en cas de choc symétrique et que la politique monétaire ne doit pas être gênée dans la poursuite de son objectif de stabilité des prix par des comportements irresponsables des autorités budgétaires nationales.

L’idée sous-jacente à l’introduction d’une discipline budgétaire pour les États membres est le refus de voir s’installer en zone euro et dans l’Union européenne une « dominance budgétaire », c’est-à-dire une situation dans laquelle les banques centrales seraient dans l’obligation de « monétiser » le déficit des États membres et, partant, d’émettre plus de liquidités que ce que les fondamentaux économiques requièrent, ce qui engendrerait de l’inflation (3).

Au-delà du symbole politique, ces valeurs de référence avaient une justification économique. En effet, le seuil de 3 % correspond au déficit public stabilisant le rapport entre la dette publique et le PIB à 60 %, pour une croissance nominale de 5 % (3 % de croissance réelle et 2 % d’inflation) (voir encadré 2). Notons d’emblée que cette règle est applicable à tous les États membres, quels que soient la structure de leur économie et le niveau du potentiel de la croissance de leur PIB.

Encadré 2 - Le déficit public stabilisant ou « la règle des 3 % »

L’endettement public, lorsqu’il est excessif, court le risque de s’autoentretenir selon un « effet boule de neige ». Cet effet est à l’œuvre lorsque le taux d’intérêt apparent de la dette, représentant les intérêts payés au titre du stock de l’année précédente, est supérieur au taux de croissance de l’économie. Dans ce cas, les administrations publiques doivent contracter de nouveaux emprunts pour payer les intérêts passés. Ces nouveaux emprunts viennent alourdir le poids de la dette publique par rapport au PIB, ce qui crée une pression à la hausse sur le taux d’intérêt, et ainsi de suite.

Pour stabiliser le poids de la dette publique dans le PIB et contrer l’effet boule de neige, les administrations publiques doivent dégager un excédent budgétaire primaire, c’est-à-dire un excédent budgétaire déduction des charges d’intérêt de la dette.

Étant donnés le taux de croissance du PIB et le stock de dette, il est possible de calculer le déficit public pour lequel le ratio dette / PIB se stabilise.

En notant dt et bt respectivement le déficit primaire et la dette en pourcentage du PIB nominal en fin d’année t, n le taux de croissance nominale et i le taux d’intérêt nominal, on a :

bt = ((1 +i)/(1 + n))bt-1 +dt

Calculer le déficit public stabilisant revient à calculer d tel que bt-1 = bt

d= ((n – i) / (1 + n))b ≈ (n – i)b

En notant б le déficit public stabilisant, on a :

б = d + ib ≈ nb

Pour n = 5 % et b = 60 %, on a б = 3 %.

Pour assurer le respect par les États membres de ces valeurs de référence, les traités prévoient des mécanismes qui s’appuient sur l’action conjointe de la Commission et du Conseil.

Aux termes de l’article 126 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), « la Commission surveille l’évolution de la situation budgétaire et du montant de la dette publique » des États membres et examine si la discipline budgétaire a été respectée, sur la base de deux critères :

– le déficit public dépasse 3 % du PIB, à moins qu’il n’ait diminué de manière substantielle et constante et atteint un niveau proche de 3 % ou que le dépassement, ne soit qu’exceptionnel et temporaire et que le déficit reste proche de 3 % ;

– la dette publique excède 60 % du PIB, à moins qu’elle ne diminue suffisamment et qu’elle s’approche de 60 % du PIB à un rythme satisfaisant.

Si un État membre ne satisfait pas à l’un de ces critères, la Commission élabore alors un rapport qui examine notamment si le déficit public est supérieur aux dépenses publiques d’investissement. Le rapport « tient compte de tous les autres facteurs pertinents y compris la position économique et budgétaire à moyen terme de l’État membre ».

Si la Commission estime qu’il y a déficit excessif dans un État membre ou un risque de déficit excessif, elle adresse un avis au Conseil, lequel, après une évaluation globale et compte tenu des observations de l’État en question, décide s’il y a déficit excessif, en statuant à la majorité qualifiée.

Si le Conseil décide qu’il y a déficit excessif, il adresse, sur recommandation de la Commission, des recommandations à l’État membre afin que celui-ci mette un terme à cette situation dans un délai donné. Pour cela, l’État membre doit mettre en œuvre des actions suivies d’effets. Si le Conseil constate qu’aucune action suivie d’effets n’a été mise en œuvre à la suite de ses recommandations, il peut rendre publiques ces dernières, sur recommandation de la Commission.

En cas de persistance de l’État concerné à ne pas donner suite aux recommandations du Conseil, ce dernier peut décider, sur recommandation de la Commission, de mettre l’État membre en demeure de prendre, dans un délai donné, des mesures visant à la réduction du déficit.

Si l’État ne se conforme pas à la décision du Conseil, le Conseil peut exiger, sur recommandation de la Commission, que l’État membre fasse un dépôt ne portant pas intérêt jusqu’à ce que le déficit excessif ait été corrigé, de l’avis du Conseil, voire imposer des amendes.

Il convenait de préciser les dispositions du traité. Dans la lignée du traité de Maastricht et en vue de l’introduction de la monnaie unique, le Conseil européen d’Amsterdam, le 17 juin 1997, a donc adopté le pacte de stabilité et de croissance (PSC), qui a acquis une valeur normative à travers deux règlements du Conseil :

– le règlement (CE) n° 1466/97 du 7 juillet 1997 relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques, qui régit le volet préventif de la procédure ;

– le règlement (CE) n° 1467/97 du 7 juillet 1997 visant à accélérer et à clarifier la mise en œuvre de la procédure concernant les déficits, qui régit le volet correctif de la procédure excessifs.

Le volet préventif, ou surveillance multilatérale, repose d’abord sur le suivi des programmes de stabilité (ou des programmes de convergence pour les pays non membres de la zone euro) actualisés annuellement, en vue, d’une part, de prévenir l’apparition de déficits publics excessifs et d’autre part, de renforcer la coordination des politiques économiques.

Le programme de stabilité d’un État devait contenir, dans la version de 1997 du règlement n° 1466/97, « un objectif à moyen terme d’une position budgétaire proche de l’équilibre ou excédentaire », ainsi que la trajectoire d’ajustement qui devait conduire à la réalisation de cet objectif et l’évolution prévisible du ratio d’endettement. Il devait également fournir des informations sur les réformes mises en œuvre ou envisagées pour réaliser les objectifs fixés.

La Commission évaluait les programmes de stabilité des États membres de la zone euro et, le Conseil, sur le fondement de ces évaluations, examinait si l’objectif à moyen terme (OMT) présenté offrait une marge de sécurité suffisante pour assurer la prévention d’un déficit public excessif et si les mesures annoncées étaient suffisantes pour parvenir à l’objectif. L’OMT était exprimé en termes nominaux. Il se prononçait, en outre, sur le caractère réaliste des hypothèses macroéconomiques sous-jacentes.

Sur recommandation de la Commission, le Conseil rendait un avis sur le programme, par lequel il pouvait demander un renforcement de ses objectifs et de son contenu.

Si le Conseil constatait un « dérapage significatif » de la position budgétaire par rapport à l’OMT ou par rapport à la trajectoire d’ajustement, il adressait une recommandation à l’État membre concerné, l’invitant à prendre rapidement des mesures correctives, recommandation qu’il pouvait rendre publique. Ce système d’alerte rapide permettait aux États membres d’anticiper, le cas échéant, les étapes ultérieures de la procédure.

Le règlement n° 1467/97 apporte des précisions aux dispositions des traités,

– d’une part, s’agissant des notions de « dépassement exceptionnel et temporaire » des 3 % du PIB de déficit public qui laissent une marge d’appréciation à la Commission et au Conseil pour le déclenchement de la procédure pour déficit public excessif ;

– d’autre part, s’agissant du calendrier de la procédure et de la définition des sanctions.

S’agissant d’abord de la clause de flexibilité, le règlement précise qu’un dépassement des 3 % de PIB de déficit public est considéré comme « exceptionnel et temporaire » s’il résulte d’une « circonstance inhabituelle, indépendante de la volonté de l’État membre concerné et ayant des effets sensibles sur la situation financière des administrations publiques ou s’il est consécutif à une grave récession économique » (4). Une récession économique n’était considérée comme « grave », dans la version de 1997 du PSC, que si le PIB en termes réels chutait d’au moins 2 % annuellement. Tout en quantifiant le caractère « grave » de la récession, le règlement ajoutait qu’il pouvait être dérogé à ce critère, dès lors que d’autres éléments d’information venaient à montrer que la récession était soudaine ou que l’État enregistrait une baisse cumulative de sa production par rapport à l’évolution constatée dans le passé.

S’agissant des sanctions, en vertu de l’article 12 du règlement, le montant du premier dépôt comprenait un élément fixe égal à 0,2 % du PIB et un élément variable égal au dixième de la différence entre le déficit exprimé en pourcentage du PIB de l’année précédente et la valeur de 3 % du PIB. Dans le cas où l’État n’avait toujours pas donné suite à sa mise en demeure, le Conseil décidait d’un dépôt supplémentaire égal à l’élément variable du dépôt décrit ci-dessus. En tout état de cause, le dépôt ne pouvait excéder 0,5 % du PIB. Il était converti en amende, « en principe », si, dans les deux années suivant la décision de demander un dépôt à l’État membre, le déficit n’avait pas, de l’avis du Conseil, été corrigé.

Le manque de crédibilité des règles du PSC est apparu de façon éclatante lors de la crise de novembre 2003.

En 2002 et en 2003, la France et l’Allemagne, ne respectant pas la règle des 3 % de déficit public, étaient en situation de déficit public excessif. Conformément aux règles alors en vigueur, la procédure relative aux déficits excessifs avait été engagée à l’encontre de l’Allemagne, au cours du mois de novembre 2002 et à l’encontre de la France, au cours du mois d’avril 2003. Au stade de la recommandation de la Commission au Conseil de mettre en demeure les deux États de réduire leur déficit public, le Conseil a rejeté la recommandation de la Commission le 25 novembre 2003. Il a en revanche adopté des conclusions relatives à la France et à l’Allemagne tendant à suspendre les procédures de déficit excessif à l’encontre des deux États.

La politique l’emportait sur les règles par deux fois : d’une part, le Conseil n’avait pas suivi les recommandations de la Commission, alors que les États étaient en infraction de la règle de déficit ; d’autre part le Conseil avait adopté des conclusions qui n’étaient pas prévues par les textes. La Cour de justice des Communautés européennes a d’ailleurs annulé les conclusions autonomes du Conseil qui n’ont donc eu aucune valeur juridique, mais ont eu une grande importance politique (5).

Après cette crise majeure, qui a mis en lumière d’autres limites de fond du PSC, une réforme des règles était indispensable.

Tout d’abord il est apparu que le pacte présentait une asymétrie procyclique. Dès lors que les circonstances exceptionnelles n’étaient pas applicables – et la notion était d’interprétation restreinte –, une consolidation budgétaire aurait pu être requise par le pacte, alors même que l’État aurait eu besoin de laisser son déficit se dégrader pour retrouver de la croissance. Il était de plus économiquement contestable d’imposer un « objectif à moyen terme d’une position budgétaire proche de l’équilibre ou excédentaire », comme le faisait l’article 3 du règlement n° 1466/97.

Ensuite, il devenait nécessaire de prendre en compte l’hétérogénéité des situations économiques et budgétaires des États membres dans la définition de leurs OMT.

Enfin, la crise a montré la nécessité de revoir la marge de flexibilité qui existait dans les règles du pacte, afin de l’axer davantage sur la croissance de long terme des économies, en prenant en compte les réformes structurelles et l’investissement public.

Si les valeurs de référence de 3 % pour le déficit public et de 60 % pour le ratio d’endettement public sont réaffirmées, l’équilibre des finances publiques en termes nominaux n’est plus un objectif de moyen terme pour tous les États de l’UE et de la zone euro. Le pacte, dans sa version amendée, oblige plutôt les États à adopter des objectifs de moyen terme (OMT) sous la forme de soldes publics structurels, c’est-à-dire de soldes publics nominaux corrigés des variations conjoncturelles et déduction faite des mesures ponctuelles et temporaires. Ils ne peuvent pas être inférieurs à – 1 % du PIB (6). Ce changement de taille par rapport au droit précédemment en vigueur visait à apporter une réponse au problème de l’asymétrie procyclique du pacte de stabilité, en laissant plus de marge à la politique budgétaire, du moins dans son volet automatique.

De plus, ces OMT sont différenciés selon les États membres, compte tenu de l’hétérogénéité économique et budgétaire au sein de l’Union.

Un État n’ayant pas atteint son OMT doit procéder à un ajustement de 0,5 % du PIB de son solde structurel, étant précisé qu’en période de conjoncture favorable, l’effort doit être « plus important » – sans plus de précision – et qu’il peut être « plus limité » en période de conjoncture défavorable, le Conseil veillant au respect de cette règle. Toutefois, aucune sanction n’était applicable en cas de déviation de la trajectoire d’ajustement en termes structurels.

Il résulte de ces dispositions qu’en théorie, des États en proie à des chocs conjoncturels négatifs et ayant atteint l’équilibre structurel, peuvent laisser leur déficit nominal se dégrader sous l’effet des stabilisateurs automatiques (voir encadré infra), dans la limite de 3 % du PIB, valeur de référence maintenue pour le solde nominal.

La réforme visait par ailleurs à rendre les règles du pacte plus flexibles pour tenir compte des réformes structurelles. Ainsi, la surveillance multilatérale est renforcée par l’introduction dans le programme de stabilité d’une évaluation précise et quantifiée des mesures budgétaires et des autres mesures de politique économique mises en œuvre pour atteindre l’OMT.

Le Conseil, lorsqu’il autorise les États membres à s’écarter temporairement de l’OMT, pour autant qu’une marge de sécurité soit préservée de manière qu’ils n’excèdent pas un déficit nominal de 3 % du PIB, doit ainsi tenir compte « de la mise en œuvre de réformes structurelles majeures qui entraînent des économies directes de coûts à long terme – y compris en renforçant la croissance potentielle – et qui ont une incidence vérifiable sur les finances publiques » (7). Les réformes d’adaptation des régimes de retraites bénéficient à cet égard d’un traitement particulier.

Le volet correctif

Tout d’abord, la notion de « dépassement exceptionnel et temporaire » de la valeur de référence est interprétée plus largement. Désormais, la Commission et le Conseil peuvent considérer qu’un dépassement des 3 % du PIB de déficit public consécutif à une grave récession économique est exceptionnel lorsqu’il résulte d’un taux de croissance annuel négatif du PIB (contre une baisse de 2 % du PIB auparavant) ou d’une baisse cumulative de la production pendant une période prolongée de croissance annuelle très faible du PIB par rapport au potentiel de croissance (8). Cette disposition n’a pas été modifiée par le six-pack et s’applique donc toujours aujourd’hui.

De même, les États membres ont souhaité, lors de la réforme de 2005, que le droit dérivé donne toute sa portée à la notion de « facteurs pertinents » dont la Commission doit tenir compte au moment de rédiger son rapport, en application de l’ancien article 104.3 du TCE (article 126.3 du TFUE). Parmi les facteurs pertinents, outre la position dans le cycle économique et l’évolution de la position budgétaire à moyen terme, facteurs déjà prévus par le traité, le règlement précise que la Commission doit accorder « toute l’attention voulue à tout autre facteur qui, de l’avis de l’État membre concerné, est pertinent » pour pouvoir évaluer le respect du critère des 3 % du PIB de déficit nominal (9).

Le règlement adopte également une interprétation extensive du traité lorsqu’il précise que, lorsque le déficit des administrations publiques est proche des 3 % du PIB et que le dépassement des 3 % du PIB est temporaire, les facteurs pertinents sont encore pris en compte lors de toutes les étapes ultérieures, à savoir :

– les étapes aboutissant à la qualification de déficit excessif (avis de la Commission au Conseil et décision du Conseil sur recommandation de la Commission) ;

– les étapes de la procédure pour déficit public excessif (recommandations du Conseil à l’État, évaluation de l’action suivi d’effets, mise en demeure et définition de la sanction).

Enfin, le règlement n° 1056/97 allonge à six mois le délai accordé à l’État membre pour engager une action suivie d’effets.

En dépit des mécanismes à la fois préventifs et correctifs visant à maîtriser l’évolution des déficits et de la dette des administrations publiques, le respect de ces règles par les États membres les plus importants économiquement a été tout relatif.

La règle du déficit public devait permettre aux États de faire face à des chocs conjoncturels sans pour autant que leur déficit public excède 3 % du PIB. Pour cela, ils devaient réaliser, en haut de cycle, des excédents budgétaires, ce qui leur aurait permis de faire face à un retournement conjoncturel sans dégrader outre mesure leur ratio de dette publique / PIB.

En analysant les déficits publics des principaux États membres (voir tableau infra), on remarque que la crise économique qui se déclare dès 2008 a entraîné de très fortes dégradations des déficits nominaux. Aucun des principaux États n’a respecté le critère de déficit public en 2009 et en 2010.

Dès avant la crise, certains États ne respectaient pas non plus le critère de déficit. C’est le cas de la France entre 2002 et 2005, de l’Allemagne entre 2001 et 2005, mais aussi de l’Italie entre 2001 et 2006. Les différents mécanismes n’ont donc pas été suffisants pour inciter les États à des politiques budgétaires vertueuses en haut de cycle.

SOLDE DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES DEPUIS 1999

(en points de PIB)

 

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Union européenne (28 pays)

na

na

– 2,6

– 3,2

– 2,9

– 2,5

– 1,6

– 0,9

– 2,4

– 6,6

– 6,4

– 4,6

– 4,3

– 3,3

– 3,0

– 2,4

Zone euro (19 pays)

– 0,3

– 2,0

– 2,7

– 3,2

– 3,0

– 2,6

– 1,5

– 0,6

– 2,2

– 6,3

– 6,2

– 4,2

– 3,6

– 3,0

– 2,6

– 2,1

Allemagne

0,9

– 3,1

– 3,9

– 4,2

– 3,7

– 3,4

– 1,7

0,2

– 0,2

– 3,2

– 4,2

– 1,0

0,0

– 0,2

0,3

0,7

Irlande

4,9

1,0

– 0,3

0,4

1,3

1,6

2,8

0,3

– 7,0

– 13,8

– 32,1

– 12,6

– 8,0

– 5,7

– 3,7

– 1,9

Grèce

– 4,1

– 5,5

– 6,0

– 7,8

– 8,8

– 6,2

– 5,9

– 6,7

– 10,2

– 15,1

– 11,2

– 10,3

– 8,8

– 13,2

– 3,6

– 7,5

Espagne

– 1,0

– 0,5

– 0,4

– 0,4

0,0

1,2

2,2

2,0

– 4,4

– 11,0

– 9,4

– 9,6

– 10,5

– 7,0

– 6,0

– 5,1

France

– 1,3

– 1,4

– 3,1

– 3,9

– 3,5

– 3,2

– 2,3

– 2,5

– 3,2

– 7,2

– 6,8

– 5,1

– 4,8

– 4,0

– 4,0

– 3,5

Italie

– 1,3

– 3,4

– 3,1

– 3,4

– 3,6

– 4,2

– 3,6

– 1,5

– 2,7

– 5,3

– 4,2

– 3,7

– 2,9

– 2,7

– 3,0

– 2,6

Portugal

– 3,2

– 4,8

– 3,3

– 4,4

– 6,2

– 6,2

– 4,3

– 3,0

– 3,8

– 9,8

– 11,2

– 7,4

– 5,7

– 4,8

– 7,2

– 4,4

Royaume-Uni

1,1

0,4

– 2,0

– 3,2

– 3,4

– 3,3

– 2,7

– 2,9

– 4,9

– 10,2

– 9,6

– 7,6

– 8,3

– 5,7

– 5,7

– 4,3

Les cases sur fond gris correspondent aux déficits supérieurs à 3 % du PIB.

Source : Eurostat.

Par ailleurs, il y a lieu de noter que les économies de certains États qui respectaient les règles du pacte ont été très fortement affectées par la crise. C’est le cas de l’Espagne, qui affichait un excédent nominal de 2,0 % du PIB en 2007 et présentait pourtant en 2012 l’un des déficits les plus élevés de la zone euro (10,5 % du PIB). La réforme des règles de 2011 (voir infra) constitue à cet égard une amélioration, puisqu’elle prévoit une prise en compte anticipée des déséquilibres économiques qui peuvent affecter, à terme, la stabilité de la zone. Elle intègre également dans les mécanismes de surveillance multilatérale le paramètre de la position des États membres dans le cycle économique, afin de distinguer la part structurelle du solde public de la part conjoncturelle.

Il est légitime de s’interroger aujourd’hui sur l’efficacité des règles budgétaires lorsque l’on examine le niveau de dette publique de certains États membres. La crise de 2011 a d’abord été une crise de la dette publique et les niveaux d’endettement actuels peuvent faire craindre les conséquences d’une remontée des taux, sur lesquels une pression à la baisse est maintenue, pour le moment, par la politique d’assouplissement quantitatif de la Banque centrale européenne (BCE).

Pas de procédure concernant les déficits excessifs

Autriche, Belgique, Bulgarie, République tchèque, Danemark, Estonie, Allemagne, Hongrie, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Pays-Bas, Roumanie, Slovaquie, Suède, Malte, Pologne, Finlande

Proposition de clôture de la procédure concernant les déficits excessifs

Chypre, Irlande, Slovénie

Procédure en cours concernant les déficits excessifs

Croatie, France, Grèce, Portugal, Espagne,

Royaume-Uni

Source : Commission européenne.

Le révélateur des défauts des règles budgétaires européennes a été, sans doute, l’éclatement de la crise de la dette publique. Trois nécessités sont apparues :

– accroître le niveau d’exigence des règles ;

– anticiper les contrôles ;

– automatiser les ajustements.

Pour ce faire, le droit dérivé a été modifié à deux reprises, avec l’adoption du six-pack et du two-pack. De plus, un traité intergouvernemental (auquel le Royaume-Uni et la République tchèque ne sont pas parties) a eu pour effet de renforcer ces règles du pacte tout en garantissant des mécanismes de contrôle dans le droit interne des États membres.

Le principal apport de la réforme de 2011 a été l’instauration de sanctions dans le cas où les États membres ne respectent pas la règle d’ajustement structurel du volet préventif.

Déjà présent dans le droit dérivé depuis la réforme du PSC en 2005, le solde structurel devient l’indicateur de référence pour le volet préventif du pacte. Des sanctions sont désormais possibles en cas de non-respect de la trajectoire d’ajustement structurel.

Pour rappel, depuis la réforme de 2005, chaque État membre a un OMT, différencié en fonction de sa position budgétaire et exprimé en termes structurels. Cet OMT doit être supérieur à – 1 % du PIB. Tant que l’OMT n’est pas atteint, une amélioration de 0,5 % du PIB du solde structurel est requise.

Le six-pack accroît ces exigences pour les États membres dont le taux d’endettement public est supérieur à 60 % du PIB en disposant que l’ajustement annuel doit alors être supérieur à 0,5 % du PIB (10).

Les progrès accomplis vers la réalisation de l’OMT s’apprécient par une évaluation globale qui a pour référence le solde structurel et intègre une analyse de l’évolution de la dépense publique.

Pour les États membres qui n’ont pas atteint leur OMT, le taux de croissance des dépenses publiques, déduction faite des mesures discrétionnaires, doit être inférieur au taux à moyen terme pour la croissance potentielle du PIB, sauf si ce dépassement est compensé par des mesures discrétionnaires en matière de recettes (11). Les États membres qui n’ont pas encore atteint leur OMT ne peuvent, en outre, prendre des mesures discrétionnaires de réduction des recettes publiques, sauf à les compenser par des réductions de dépenses publiques. Le taux de référence pour la croissance potentielle du PIB à moyen terme est fondé sur des projections de la Commission, dont elle rend publique la méthode de calcul.

Afin de corriger au plus vite les déséquilibres budgétaires potentiels, le six-pack a prévu un mécanisme d’alerte précoce. En cas d’« écart important » par rapport à la trajectoire d’ajustement structurel, la Commission peut adresser un avertissement et proposer au Conseil, statuant par un vote à la majorité qualifiée (auquel ne participe pas l’État en question), d’adopter des recommandations afin que l’État rectifie sa politique dans un délai de cinq mois, voire de trois mois pour les cas considérés comme graves par la Commission. Un écart par rapport à l’OMT ou par rapport à la trajectoire d’ajustement est considéré comme « important » dès lors qu’il est au moins égal à 0,5 % du PIB sur une année donnée ou à 0,25 % du PIB sur deux années consécutives (12).

Faute de prendre les mesures appropriées dans le délai requis, la Commission recommande au Conseil d’adopter une décision constatant qu’il n’y a pas eu d’action suivie d’effets. La décision du Conseil recommandée par la Commission est réputée adoptée, à moins que le Conseil, statuant à la majorité simple, ne décide de rejeter la recommandation.

S’agissant des sanctions, le six-pack a apporté deux nouveautés majeures (13) : d’une part, elles sont rendues possibles dès le volet préventif ; d’autre part, elles sont décidées par la procédure de la majorité qualifiée inversée qui diminue le risque de blocage au Conseil. Une sanction prononcée dans le cadre du volet préventif prendra alors la forme d’un dépôt portant intérêt.

Ainsi, un État dont le déficit structurel s’écarte significativement de son OMT ou de sa trajectoire d’ajustement et qui ne parvient pas à corriger cet écart, pourra se voir imposer la constitution d’un dépôt portant intérêt de 0,2 % du PIB enregistré l’année précédente, quand bien même le déficit de cet État n’excéderait pas les 3 % de son PIB.

L’imposition du dépôt est décidée par le Conseil sur recommandation de la Commission. Le six-pack a toutefois limité le pouvoir de blocage du Conseil en disposant que la décision d’imposer la constitution d’un dépôt est réputée adoptée, à moins que celui-ci ne décide de rejeter la recommandation de la Commission à la majorité qualifiée (principe de la majorité qualifiée inversée).

Le six-pack, notamment via le règlement (UE) n° 1177/2011 du Conseil du 8 novembre 2011, a apporté des changements majeurs au volet correctif du PSC, en particulier pour les pays membres de la zone euro.

D’abord, il a accordé une importance accrue au critère de l’endettement public. Il précise en effet les modalités de son appréciation en indiquant que le rythme de réduction de la dette est considéré comme « satisfaisant » aux termes de l’article 126.2 du TFUE dès lors

– que l’écart du ratio d’endettement public par rapport à la valeur de référence de 60 % du PIB s’est réduit à un rythme moyen d’un vingtième par an sur les trois dernières années pour lesquelles les données sont disponibles (14) ;

– que la réduction de l’écart requise se produira dans les trois ans, d’après les prévisions de la Commission.

Les textes autorisent une certaine souplesse dans l’appréciation, en disposant que lors de la mise en œuvre de la référence d’ajustement du ratio de la dette, il doit être tenu compte du cycle économique.

Le respect de la valeur de référence de l’endettement public de 60 % du PIB est, de plus, pris en compte dans les étapes de la procédure conduisant à la décision du Conseil de constater l’existence d’un déficit excessif. Les États dont le ratio de dette publique excède 60 % du PIB ne peuvent en effet faire-valoir les facteurs pertinents que s’ils satisfont à deux conditions cumulatives : leur déficit public reste proche des 3 % du PIB et ne le dépasse que temporairement. La Commission et le Conseil ne disposent donc pas de la même flexibilité dans la procédure conduisant à constater un déficit excessif d’un État membre selon que celui-ci respecte le critère de dette ou non.

Les décisions de sanction en cas de non-respect du volet correctif par un État membre sont rendues plus faciles par l’instauration de la majorité qualifiée inversée (15).

Malgré cette nouvelle modalité, le six-pack laisse des possibilités de blocage des sanctions dans le cadre du volet correctif. En effet, la décision de mettre un État sous la procédure de déficit excessif ou la constatation de l’absence d’action effective pour le corriger (article 126 paragraphes 8 et 9 du TFUE), relève toujours, selon le six-pack, d’une décision du Conseil à la majorité qualifiée classique. Le TSCG a toutefois considérablement réduit cette possibilité de blocage (voir infra).

Le contenu lui-même des sanctions a été renforcé, puisque l’État peut se voir imposer un dépôt de 0,2 % de son PIB ne portant pas intérêt s’il a déjà été soumis à la sanction d’un dépôt portant intérêt ou si son manquement aux règles du pacte est particulièrement grave (16).

Le dépôt constitué peut être converti en une amende en cas de non-respect de la recommandation initiale du Conseil demandant de corriger le déficit. Si le non-respect se poursuit, la sanction sera augmentée, pouvant atteindre 0,5 % du PIB.

Les textes laissent place à de la souplesse, puisqu’à la suite de circonstances économiques exceptionnelles ou à la suite d’une demande motivée de l’État membre, la Commission peut recommander au Conseil de réduire le montant du dépôt ou de l’amende, voire de l’annuler.

Encadré 5 - Les sanctions financières pour les pays de la zone euro prévues
dans le pacte de stabilité

Volet préventif

Volet correctif

Dépôt de 0,2 % du PIB portant intérêt

Dépôt de 0,2 % du PIB ne portant pas intérêt

Amende de 0,2 % du PIB (pouvant aller jusqu’à 0,5 % du PIB)

En cas « d’écart important » par rapport à l’OMT ou à la trajectoire d’ajustement, le Conseil adresse à l’État membre un avertissement. Si la situation de l’État membre n’est pas redressée au bout d’un an, le Conseil peut imposer la constitution d’un dépôt porteur d’intérêt correspondant à 0,2 % du PIB. Il sera restitué si l’écart est corrigé.

Un dépôt ne portant pas intérêt, équivalant à 0,2 % du PIB, sera imposé après qu’il aura été décidé de soumettre un pays à la procédure concernant les déficits excessifs.

Le dépôt constitué sera converti en une amende équivalant à 0,2 % du PIB en cas de non-respect de la recommandation initiale du Conseil demandant de corriger le déficit. Si le non-respect se poursuit, la sanction sera augmentée, pouvant atteindre 0,5 % du PIB.

Source : Notre Europe.

Ces sanctions sont théoriquement possibles, mais elles ont surtout une valeur dissuasive. Comme l’exemple de la crise de 2003 l’a montré, il est difficilement acceptable pour un État de se voir imposer des sanctions. D’un point de vue économique, il faut d’ailleurs observer que ces sanctions ont un caractère contre-productif. En effet, il est paradoxal d’imposer à un État une sanction financière au motif qu’il ne respecterait pas ses engagements financiers. La sanction imposée aggraverait un peu plus la situation de ses finances publiques.

À la surveillance budgétaire des États membres s’ajoute désormais une surveillance des déséquilibres macroéconomiques et notamment des déficits ou excédents extérieurs courants (17). La procédure concernant les déséquilibres macroéconomiques (PDM) repose sur un tableau de bord de onze indicateurs pour lesquels des seuils indicatifs de déséquilibres macroéconomiques sont précisés. Sur la base de ce tableau de bord, assorti des seuils indicatifs, la Commission produit un rapport annuel appréciant pour chaque État membre, pour l’Union et pour la zone euro, la variation des indicateurs.

Sans que ce jugement soit mécanique, elle peut considérer que le franchissement des seuils indicatifs révèle un déséquilibre macroéconomique naissant. Il y a lieu de noter, pour l’indicateur de la balance courante, qu’un excédent trop important, peut, au même titre qu’un déficit trop marqué, être considéré par la Commission européenne comme le signe d’un déséquilibre à venir.

De manière à favoriser la coordination et la surveillance des politiques économiques et budgétaires des États membres, ainsi que les réformes structurelles, le six-pack a formalisé le calendrier des échanges sur ces questions entre les États membres et les instances européennes par l’introduction du semestre européen.

Le semestre européen comprend (18) :

– la formulation et la surveillance de la mise en œuvre des grandes orientations de politique économique (GOPE) ;

– la formulation et l’examen de la mise en œuvre des lignes directrices pour l’emploi, qui doivent être prises en compte par les États membres ;

– la présentation et l’évaluation des programmes de stabilité ou de convergence ;

– la présentation et l’évaluation des programmes de réforme nationaux ;

– la surveillance pour prévenir et corriger les déséquilibres macroéconomiques.

Il débute en novembre de l’année N-1 avec la publication par la Commission de trois documents.

L’examen annuel de la croissance expose les grandes orientations des politiques économiques. Il est soumis à l’examen des autres institutions et alimente les discussions préalables au Conseil européen de printemps.

De manière concomitante, la Commission publie son rapport annuel sur le mécanisme d’alerte (RMA) dans le cadre de la PDM.

Enfin, la Commission publie un projet de rapport sur l’emploi, dans le cadre de la définition des lignes stratégiques pour l’emploi.

En février de l’année N, la Commission publie une série de rapports par pays analysant les politiques économiques des États membres. Ils contiennent des bilans approfondis des pays considérés en situation de déséquilibre macroéconomique.

Compte tenu de ces différents éléments, le Conseil européen définit, au printemps de l’année N, les lignes directrices de l’Union européenne dont les États membres devront tenir compte.

Avant la fin du mois d’avril de l’année N, les États membres transmettent aux autorités européennes leur programme de stabilité ou de convergence, ainsi que leur programme national de réforme.

Au mois de mai de l’année N, la Commission publie ses recommandations stratégiques par pays en se fondant sur son évaluation des situations économiques et du programme national de réforme.

En juin/juillet de l’année N, le Conseil adopte ses recommandations par pays.

Le semestre national

À l’issue du semestre européen, les États membres élaborent leur budget, selon leurs règles internes, en tenant compte des orientations de l’UE. Le two-pack formalise une procédure de semestre national qui s’articule avec le semestre européen. Avant le 15 octobre, les États membres sont tenus de transmettre leurs plans budgétaires ou leurs programmes de partenariat stratégique s’ils sont sous procédure pour déficit excessif. La Commission donne son avis sur ces documents avant le 30 novembre et peut, le cas échéant, demander des modifications.

Avant le 31 décembre, l’État transmet à la Commission sa loi de finances.

Encadré 6 - Le cycle budgétaire annuel

   

Commission

Conseil européen

États membres

Semestre européen

Novembre N-1

Publication par la Commission :

– de l’examen annuel de la croissance qui expose les grandes orientations des politiques économiques. Il est soumis à l’examen des autres institutions et alimente les discussions préalables au Conseil européen de printemps ;

– du rapport annuel sur le mécanisme d’alerte (RMA) dans le cadre de la PDM ;

– du projet de rapport sur l’emploi, dans le cadre de la définition des lignes stratégiques pour l’emploi.

   

Février N

Publication par la Commission d’une série de rapports par pays analysant les politiques économiques des États membres. Ces rapports contiennent des bilans approfondis des pays considérés comme étant en situation de déséquilibre macroéconomique.

   

Printemps N

 

Définition par le Conseil européen des lignes directrices de l’Union européenne dont les États membres devront tenir compte.

 

Fin avril N

   

Transmission par les États membres aux autorités européennes

– du programme de stabilité ou de convergence ;

– du programme national de réforme.

Juin/juillet N

 

Adoption par le Conseil de ses recommandations par pays.

 

Semestre national

Avant le 15 octobre N

   

Transmission par les États membres du plan budgétaire. Les États sous la procédure de déficit public excessif présentent leur programme de partenariat stratégique.

Avant le 30 novembre N

Avis de la Commission sur les documents transmis par les États membres et, le cas échéant, demande de modifications.

   

Avant le 31 décembre N

   

Les États membres transmettent à la Commission leurs lois de finances.

Source : commission des finances.

Le TSCG a été signé le 2 mars 2012 par vingt-cinq États de l’Union européenne. Il vient en fait en complément de la surveillance budgétaire inhérente à la zone euro. On peut comprendre le TSCG comme la poursuite de la surveillance budgétaire existante par d’autres moyens. De fait, il oblige les parties contractantes à introduire dans leur droit interne des mécanismes visant à améliorer le pilotage de leurs finances publiques en s’appuyant sur les indicateurs de surveillance européens.

Le TSCG n’est pas un acte de droit de l’Union européenne, mais un traité intergouvernemental. Cela étant, il s’articule de façon cohérente avec le droit de l’Union et prévoit le recours à certaines institutions européennes.

S’agissant des normes de référence, le TSCG renforce par certains égards les obligations du six-pack.

En premier lieu, il élève le seuil de solde structurel que les OMT doivent excéder de – 1 % à – 0,5 %, sauf pour les États dont la dette publique ne dépasse pas 60 % du PIB (19).

En deuxième lieu, il prévoit le déclenchement d’un mécanisme de correction si des écarts importants sont constatés par rapport à l’objectif de moyen terme ou à la trajectoire d’ajustement. Des institutions indépendantes, au niveau national, doivent être chargées de s’assurer du respect de ces règles.

Ces deux stipulations doivent faire l’objet d’une modification du droit interne des États membres, de manière qu’elles entrent effectivement en vigueur « au moyen de dispositions contraignantes et permanentes, de préférence constitutionnelles, ou dont le plein respect et la stricte observance sont garantis ». La France a fait le choix d’une loi organique : la loi organique n°  2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques (LOGPFP).

En troisième lieu, il stipule que l’existence d’un déficit excessif peut être constaté en raison du non-respect du critère de dette, en rappelant la règle de la réduction d’un vingtième par an de l’article 2 du règlement n° 1467/97 dans sa version issue du règlement n° 1177/2011 (20).

En quatrième et dernier lieu, le TSCG étend le champ d’application de la règle de la majorité qualifiée inversée à l’ensemble de la procédure pour déficit excessif (déclenchement de la procédure, recommandation, mise en demeure, sanction), alors que le règlement n° 1173/2011 du six-pack le prévoyait uniquement pour l’adoption de sanctions (21).

Comme il a été précisé supra, le solde structurel des finances publiques est désormais la norme de référence du volet préventif, au regard de laquelle s’apprécie le respect des engagements des États. Or, cette notion complexe repose sur des hypothèses fortes, à commencer par l’hypothèse de l’écart de production, c’est-à-dire de la différence entre le PIB effectif et le PIB potentiel, qui est le point de départ du calcul. Le PIB potentiel, non observable, est défini comme le niveau d’activité soutenable, sans tension sur les facteurs de production, notamment sans tension sur les prix et sur les salaires.

Rappelons que le solde structurel des finances publiques est égal au solde nominal des finances publiques, dans la situation fictive où le PIB effectif de l’économie est égal à son PIB potentiel. En simplifiant, la détermination du solde structurel et sa prévision s’effectuent en trois étapes fondamentales :

– l’estimation du PIB potentiel de l’économie, et donc d’un écart de production entre PIB potentiel et PIB effectif. Ex ante, la fiabilité de la prévision du solde structurel repose donc sur la fiabilité de l’estimation du PIB potentiel, d’une part et sur celle du PIB effectif d’autre part ;

– la « séparation » des parties conjoncturelle et structurelle des recettes et des dépenses des administrations publiques. Elle repose sur des hypothèses conventionnelles de sensibilité des recettes et des dépenses à la conjoncture. En recettes, tous les prélèvements obligatoires et seuls les prélèvements obligatoires (PO) sont supposés être sensibles à la conjoncture économique, les recettes hors PO étant considérées entièrement structurelles. En dépenses, seules les dépenses de l’assurance chômage sont supposées être sensibles à la conjoncture ;

– la prise en compte des mesures ponctuelles et temporaires qui doivent être écartées du champ du calcul, en ce qu’elles n’affectent pas durablement le solde nominal des finances publiques.

Le PIB potentiel n’est pas observable. Il peut seulement être estimé. Il ne s’agit donc pas d’une valeur qui fait l’objet de prévisions ex ante lesquelles peuvent être confirmées ou infirmées ex post. En effet, les niveaux de PIB potentiel des années passées peuvent eux-mêmes faire l’objet de révisions a posteriori, en fonction de la lecture du cycle économique qui est faite. Les révisions des estimations de PIB potentiel sont donc fréquentes, comme l’ont montré plusieurs études.

En novembre 2014, la BCE (22) a d’ailleurs fait état de ce problème d’instabilité dans le temps des estimations de l’écart de production, en prenant l’exemple de l’année 2007. En 2014, on estime que les neuf pays européens (23) dont l’écart de production avait été estimé négatif en 2007 pour l’année 2007, présentaient, en réalité, un écart de production positif.

En juillet 2014, le Bureau néerlandais des analyses économiques (CPB) a mis en lumière que le solde structurel dépendait fortement d’estimations sous-jacentes biaisées et volatiles de l’écart de production. Le CPB a de plus montré que le solde structurel était susceptible de fournir de mauvaises indications sur des politiques budgétaires. Par exemple, une révision des hypothèses sous-jacentes peut entraîner un ajustement structurel important à politique budgétaire inchangée ou peut, au contraire compenser des mesures discrétionnaires importantes.

 

2015

2016

2017

2018

2019

Gouvernement (RESF PLF 2017)

Croissance potentielle

1,1

1,5

1,5

1,4

1,3

Écart de production

– 2,8

– 2,8

– 2,8

– 2,5

– 2,0

Solde structurel

– 1,9

– 1,6

– 1,1

– 0,6

– 0,1

Commission européenne

Croissance potentielle

0,8

1,0

1,1

   

Écart de production

– 1,8

– 1,5

– 0,9

   

Solde structurel

– 2,4

– 2,4

– 2,7

   

FMI

Croissance potentielle

1,0

1,1

1,1

1,2

1,3

Écart de production

– 2,2

– 1,8

– 1,4

– 1,0

– 0,6

Solde structurel

– 2,0

– 2,0

– 2,0

– 2,0

– 1,8

OCDE

Croissance potentielle

1,1

1,2

1,2

   

Écart de production

– 1,8

– 1,6

– 1,3

   

Solde structurel

– 2,3

– 2,3

– 2,1

   

Sources : Rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2017 ; Commission européenne, European Economic Forecast. Spring 2016, Institutional Paper 25, mai 2016 ; Fonds monétaire international,  France : 2016 Article IV Consultation-Staff Report, IMF Country Report No. 16/227, juillet 2016 ; OCDE, OECD Economic Outlook, juin 2016 ; Rapport d’information n° 764 de la commission des finances du Sénat présenté par M. Albéric de Montgolfier, juillet 2016.

Ces écarts entre les estimations reposent sur l’utilisation de méthodologies différentes. Deux grands types de méthode permettent d’évaluer le PIB potentiel : les approches statistiques et les approches structurelles. Certaines méthodes d’estimation peuvent être mixtes en utilisant les deux approches.

Les approches statistiques consistent à dégager un PIB tendanciel d’une série temporelle. La distinction des variations cycliques de la tendance de long terme s’opère à l’aide de filtres, comme le filtre Hodrick-Prescott.

Les méthodes reposant sur une approche structurelle sont toutefois davantage utilisées. Elles utilisent une fonction de production de type Cobb-Douglas où le PIB potentiel est fonction du facteur travail, du coefficient de capital et de la productivité globale des facteurs (PGF). Des différences significatives sont observées entre des méthodes qui reposent pourtant sur une fonction de production de ce type. Elles tiennent en fait aux différentes méthodes d’estimation de chacune des composantes de la fonction de production. La dimension statistique est, par exemple, plus ou moins présente dans ces estimations.

Une estimation de chacun de ces paramètres conduit donc à une estimation du PIB potentiel de l’économie. Mais les écarts d’évaluation entre les croissances potentielles conduisent à des écarts majeurs d’évaluation du niveau des soldes structurels. Ainsi pour la France, le désaccord entre la Commission européenne et le gouvernement sur le niveau d’écart de production est considérable : – 2,8 points de PIB contre – 0,9 point de PIB en 2017. Cet écart traduit une vision radicalement différente de la position de l’économie française dans le cycle économique, et donc une appréciation quasi opposée des politiques économiques à suivre.

Le Gouvernement français a mis en lumière quatre défauts de la méthode européenne d’estimation, comme le rappelle une note de la direction générale du Trésor transmise par le ministre des finances à la commission des finances du Sénat (24). D’abord, les estimations de croissance potentielles fondées sur la méthode commune sont procycliques, un ralentissement conjoncturel entraînant une révision à la baisse de la croissance potentielle, ce qui peut exiger des ajustements structurels en phase basse du cycle.

Ensuite, cette méthode ne prendrait pas en compte explicitement l’impact des réformes structurelles mises en œuvre ou intégreraient ces paramètres avec retard.

Elle ne serait pas non plus adaptée à la prise en compte, au moment de la crise, d’un choc de productivité suivi d’une nouvelle croissance de la productivité, comme cela pourrait être le cas s’agissant de la France.

Enfin, l’estimation de l’écart de production serait particulièrement instable dans la mesure où le PIB potentiel fait l’objet de révisions régulières, ce qui rend difficile le pilotage annuel du solde structurel sur les hypothèses de la Commission.

Le désaccord sur le cycle économique se traduit mécaniquement par un désaccord majeur sur le solde structurel, avec un écart qui dépasse 1,5 point de PIB entre la Commission européenne et le gouvernement français.

Les variations du solde structurel sont beaucoup moins sensibles aux différences d’hypothèses d’écart de production. Les variations du solde structurel ne dépendent pas du niveau de l’écart de production, mais de ses variations. Or, on observe que les différences entre les institutions des estimations de variation de l’écart de production sont moins marquées que les estimations de niveau d’écart de production. Cette observation plaide pour qu’une importance plus grande soit donnée, dans les règles budgétaires européennes, à des critères quantitatifs exprimés en variation et non pas en niveau. C’est tout l’objet de la promotion de la notion d’effort structurel (voir infra).

Le solde structurel est un indicateur pertinent pour l’analyse et le pilotage des finances publiques. Il permet de prendre en compte un paramètre tout à fait fondamental qui est la position dans le cycle économique. De ce fait, le PSC est moins procyclique qu’à ses débuts. Son utilisation doit cependant faire l’objet de règles simplifiées, fondées davantage sur les variations des écarts de production plutôt que sur leur niveau, de manière à minimiser les conséquences des différences de méthode d’estimation des PIB potentiels des États membres.

Le solde structurel correspond à la partie du solde nominal qui, théoriquement, ne dépend pas de la position de l’État dans le cycle économique. Mais, paradoxalement, l’ajustement structurel, c’est-à-dire la variation annuelle du solde structurel, ne résulte pas, dans sa totalité, de mesures discrétionnaires. En effet, l’ajustement structurel est affecté, d’une part, par la variation des recettes hors PO (supposée non discrétionnaire) et, d’autre part, par l’effet d’élasticité fiscale qui mesure l’impact de l’écart entre les élasticités instantanées à la croissance et les élasticités conventionnelles à l’écart de production.

DÉCOMPOSITION DE LA VARIATION DU SOLDE PUBLIC

Source : Rapport économique, social et financier annexé au PLF 2017.

Note : la clé en crédits d’impôt équivaut à la variation de l’écart entre le coût budgétaire et le coût en comptabilité nationale des crédits d’impôt restituables et reportables à la suite du passage à la norme SEC 2010.

Le niveau d’élasticité effective des recettes au PIB dépend en effet de la position dans le cycle économique. En haut de cycle, on observe une croissance des recettes plus rapide que celle du PIB (élasticité supérieure à 1), tandis qu’en bas de cycle, c’est l’inverse (élasticité inférieure à 1). À long terme cependant, on observe que cette élasticité est proche de 1. D’une année sur l’autre, le niveau d’élasticité est volatil.

Ces élasticités effectives diffèrent des élasticités conventionnelles des PO et des dépenses chômage à l’écart de production. En effet, les hypothèses d’élasticité des recettes et dépenses conjoncturelles à l’écart de production reposent sur une estimation économétrique de l’OCDE, qui se fonde sur les élasticités historiques observées sur longue période. Ces écarts d’élasticité se reportent, par construction, sur le solde structurel.

SEMI-ÉLASTICITÉS CONVENTIONNELLES À L’ÉCART DE PRODUCTION

Impôt sur le revenu + CSG

1,86

Impôt sur les sociétés

2,76

Cotisations sociales

0,63

Taxes indirectes

1

Dépenses chômage

– 3,23

Source : rapport économique, social et financier annexé au PLF pour 2017.

Une partie de la variation annuelle du solde structurel tient donc à l’écart entre les élasticités instantanées à la croissance et les élasticités conventionnelles à l’écart de production des prélèvements obligatoires et des dépenses d’assurance chômage.

Le pilotage de l’ajustement structurel est délicat. Voilà pourquoi a été défini l’effort structurel, qui diffère de l’ajustement structurel en ce qu’il permet de neutraliser la composante non discrétionnaire de l’ajustement structurel, c’est-à-dire les recettes hors PO et l’effet des élasticités fiscales. L’effort structurel se définit comme la somme d’un effort en dépenses et d’un effort en recettes (25). L’effort en dépense est égal à la réduction du ratio de dépenses structurelles (c’est-à-dire les dépenses publiques corrigées de l’impact du cycle sur les dépenses chômage) sur le PIB potentiel. Il dépend ainsi de l’écart entre le taux de croissance de la dépense publique structurelle et la croissance potentielle nominale de l’économie. L’effort en recettes est égal à l’impact estimé des mesures fiscales et sociales nouvelles sur les PO.

En plus de la vertu d’isoler la part de la variation du solde structurel qui relève de facteurs discrétionnaires, l’effort structurel a également l’avantage de diminuer l’impact des différences de méthodologies d’estimation du PIB potentiel entre les institutions. En effet, par construction, l’effort structurel est calculé sur la base de la croissance potentielle, c’est-à-dire de la variation du PIB potentiel (voir supra).

Il peut exister des différences d’appréciation entre les institutions sur la qualification de mesures ponctuelles et temporaires. Les États membres sont en effet incités, pour majorer leur solde structurel :

– à faire sortir du champ du solde structurel des dépenses qu’ils qualifient de mesures ponctuelles et temporaires, alors qu’elles présentent un caractère récurrent et permanent ;

– à faire entrer dans le champ du solde structurel des recettes qu’ils ne qualifient pas de mesures ponctuelles et temporaires, alors qu’elles pourraient s’y apparenter.

Le Gouvernement a fait le choix d’annexer à la loi de programmation des finances publiques 2014-2019 la doctrine qu’il emploie en matière de classification des mesures ponctuelles et temporaires. Dans le RESF annexé au PLF 2017, le Gouvernement expose les recettes et dépenses qui, en cohérence avec cette méthode, sont retirées du champ du solde structurel.

Cette doctrine diffère en certains points de la méthode promue par la Commission. Par exemple, les cessions des licences hertziennes ne sont pas comptabilisées parmi les mesures ponctuelles et temporaires par le Gouvernement, qui les considère comme une résultante de la gestion habituelle du patrimoine non financier de l’État. À l’inverse, la Commission considère qu’elles devraient être incluses dans le périmètre des mesures ponctuelles et temporaires.

De ce problème économique et statistique découle un problème politique, voire démocratique. En effet, dès lors que les prévisions d’écart de production de la France et du Conseil diffèrent, une « zone grise » apparaît dans l’application des règles budgétaires européennes.

De fait, c’est au regard de la méthodologie de la Commission, agréée par le Conseil, que s’apprécie le respect par la France de ses engagements européens. Or, la France se fonde sur des hypothèses macroéconomiques qui lui sont propres pour proposer des projets de loi de finances ou des projets de loi de programmation des finances publiques au Parlement. Toutefois, dans les évaluations de suivi de recommandations, la Commission examine en fait la conformité des actions menées avec le cadre budgétaire nationalement tracé.

Il n’en demeure pas moins qu’une forme de confusion s’est installée en raison des différences marquées des hypothèses macroéconomiques. Sont en cause, d’une part, la fiabilité de la méthode commune d’estimation du solde structurel et, d’autre part, la transparence des modalités d’application du PSC.

S’agissant de la fiabilité de la méthode commune, un débat s’est progressivement installé au sein de l’Union. Il est alimenté par certaines estimations qui sont pour le moins surprenantes. Ainsi, la méthode de la Commission communément agréée conduit à estimer que la croissance potentielle de certains États de l’Union est négative.

Un problème majeur est apparu sur l’évaluation du niveau de croissance potentielle de l’Italie par la Commission européenne. Cette dernière estime que la croissance potentielle italienne est négative entre 2012 et 2016 (la croissance potentielle augmente de – 1,1 % du PIB potentiel à – 0,2 % sur la période), mais aussi celle de la Grèce depuis 2009. Cette affirmation n’a pas grand sens en dehors de période de guerre.

D’autres États membres ont pointé les limites de cette méthode. En mars 2016, les ministres des finances de huit pays européens (26) ont écrit au commissaire aux affaires économiques et monétaires, à la fiscalité et à l’union douanière, M. Pierre Moscovici, pour lui demander d’étendre son horizon de prévision de croissance potentielle de deux à quatre ans, ce qui permettrait de mieux prendre en compte les effets des réformes accomplies et de relever les hypothèses de croissance potentielle (27). Par courrier du 18 mai 2016, adressé au même destinataire, quarante parlementaires de différents États membres de l’Union – dont la Rapporteure spéciale – ont formulé la même demande (lettre dans l’encadré 8).

Lors de son audition par la commission des finances le 5 octobre 2016, M. Pierre Moscovici a rappelé qu’un groupe de travail sur l’écart de production allait rendre prochainement ses conclusions (28).

Dernièrement, le 27 octobre 2016, en réponse à des demandes de précision de la Commission sur la hausse prévue par l’Italie de son déficit structurel, M. Pier Carlo Padoan, ministre de l’économie et des finances de l’Italie, a réitéré son souhait d’un changement dans la méthode d’estimation de l’écart de production. Il fait valoir que certaines estimations alternatives du PIB potentiel de l’économie italienne indiquent une fermeture plus progressive de l’écart de production italien et, partant, une minoration de la composante structurelle du déficit italien (29).

Encadré 8 – Lettre des commissaires aux finances nationaux à Pierre Moscovici
pour une révision des règle d’évaluation de la croissance potentielle

Paris, 3rd May 2016

Dear Commissioner Moscovici,

On 2nd May, you presented the 2016 Spring Economic Forecast of the European Commission. Amongst the indicators used to build up the European Commission’s scenario, you commented on the “potential growth”, i.e. the growth of the potential gross domestic product, defined as the level of output that an economy can produce at a constant inflation rate, according to the OECD definition. As by definition, this indicator cannot been observed, it is calibrated based on several assumptions.

Of course, assumptions are critical, as they mathematically determine the level of potential growth, and so the requested fiscal consolidation for each country. As they are so critical, the IMF decided in 2013 to revamp its computation methodology, “recognizing mistakes” in the assessment of potential growth (https://www.imf.org/external/pubs/ft/wp/2013/wp1301.pdf).

It seems that the European commission is using assumptions that are not commonly used by the main economic institutes : the time horizon used is 2 years, whereas most of the economic institutes are using a time horizon greater than 4 years.

This is why, we, members of Budget and Finance committee of the national parliament of the 28 countries of the EU and of the European Parliament, are requesting you to provide us with revamped figures of the potential growth for Europe and for the 28 countries of the European union, based on new assumptions (i.e. taking a 4 years horizon instead of the 2 years one that is currently used). Based on these new figures of potential growth, we are also requesting you the revamped level of structural effort that is requested for each country.

We are looking forward to answering any question you would have about our request.

Yours sincerely,

S’agissant de la procédure, certains États membres ont fait part de leur souhait d’une plus grande transparence et d’une plus grande simplicité. Dans une déclaration de novembre 2015, l’Eurogroupe a appelé la Commission à rendre plus prévisible les procédures dans le cadre du PSC (30). En janvier 2016, les Pays-Bas ont déclaré leur intention, dans le cadre de leur programme pour la présidence de l’UE, de faire en sorte que le PSC tende vers une plus grande simplicité (31).

Les règles budgétaires européennes, sont, d’abord juridiquement, le fruit d’un consensus politique entre les États membres. Leur application fait également l’objet de négociations entre les États membres d’une part, et entre États membres et la Commission d’autre part. L’exemple le plus éclatant reste bien entendu la crise de 2003 (voir supra). Certes, les décisions de sanctions ont été rendues plus automatiques par l’introduction de la majorité qualifiée inversée. Il n’en demeure pas moins que le Conseil reste l’organe décisionnaire en la matière. Il est, par nature, l’institution d’expression des rapports de force politiques.

En réalité, il n’est pas dans l’intérêt de l’Union qu’un État soit sanctionné. Les sanctions ont d’abord une visée dissuasive. Suivant les mots de M. Pierre Moscovici (32), « la vertu du pacte n’est pas de sanctionner ou de punir. Elle est de convaincre, d’inciter, de pousser à faire des réformes. »

Dernièrement, l’Espagne et le Portugal ont profité des possibilités de souplesse offertes par les textes. En effet, le 8 août 2016, sur proposition de la Commission du 27 juillet 2016, le Conseil a décidé de ne pas imposer au Portugal et à l’Espagne l’amende prévue pour ne pas avoir pris de mesures suivies d’effets afin de corriger leurs déficits publics excessifs. De nouveaux délais ont été accordés à ces États pour qu’ils prennent de telles mesures.

 

Pays qui s’écarte temporairement de son OMT ou de la trajectoire d’ajustement

Pays dont le déficit public dépasse 3 % du PIB ou qui ne respecte pas la trajectoire de réduction de sa dette publique excessive

Pays sous PDE qui ne respecte pas le délai imparti pour corriger son déficit public excessif

Clauses de flexibilité

La mise en œuvre de réformes structurelles majeures « qui ont des effets positifs directs à long terme, y compris en renforçant la croissance durable potentielle, et qui ont donc une incidence vérifiable sur la soutenabilité à long terme des finances publiques »

– La survenance de « circonstances exceptionnelles » à condition que le déficit excessif reste proche de 3 % et soit temporaire. Le déficit doit résulter d’une « circonstance inhabituelle indépendante de la volonté de l’État membre concerné et ayant des effets sensibles sur la situation financière des administrations publiques, ou s’il est consécutif à une grave récession économique ».

– Évaluation globale et équilibrée de « tous les facteurs pertinents », et notamment de leur incidence, en tant que circonstances aggravante ou atténuantes, sur l’évaluation des critères de déficit ou de dette.

– Survenance d’évènements économiques négatifs et inattendus ayant des conséquences défavorables majeures pour les finances publiques, à condition que l’État membre ait engagé une « action suivie d’effets » pour corriger son déficit excessif.

– Prise en compte des « facteurs pertinents » en tant que circonstances aggravantes ou atténuantes, à condition que l’État ait engagé une « action suivie d’effets » pour corriger son déficit excessif ;

– Grave récession économique dans la zone euro ou l’UE, à condition que l’État ait engagé une « action suivie d’effets » pour corriger son déficit excessif.

       

Conséquence

Pas d’alerte précoce (et donc pas d’imposition d’un dépôt portant intérêt)

Pas d’ouverture de la PDE (et donc pas d’imposition d’un dépôt ne portant pas intérêt)

Prolongement du délai pour la correction du déficit excessif (et donc pas de mise en demeure et pas d’imposition d’une amende)

Fondement juridique

Article 5.1 du règlement n° 1466/97 dans sa version issue des règlements 1055/2005 et 1175/2011

Article 126.2 du TFUE et articles 2.1, 2.3 et 2.4 du règlement n° 1467/97 dans sa version issue des règlements 1056/2005 et 1177/2011

Articles 3.5 et 5.2 du règlement n° 1467/97 dans sa version issue des règlements 1056/2005 et 1177/2011

Source : Notre Europe – Institut Jacques Delors, Budgets nationaux et surveillance européenne : clarifier le débat, octobre 2014.

Comme cela a été détaillé supra, les règles budgétaires européennes ne sont plus le « carcan procyclique  » de leurs débuts, pour reprendre le mot de M. Pierre Moscovici (33). Elles prévoient des cas où les obligations budgétaires n’ont pas vocation à s’appliquer. Ces « clauses de flexibilité » peuvent en outre faire l’objet d’une interprétation extensive. La Commission européenne, dans une communication interprétative importante du 13 janvier 2015, explique, en préambule, que « l’égalité de traitement n’implique pas une formule unique pour tous, et doit s’accompagner d’une évaluation économique nécessaire pour chaque situation. Le pacte prévoit donc de la souplesse dans les modalités d’application des règles, au fil du temps et selon les pays. » (34)

Cette communication apporte des éclairages sur la marge d’interprétation des règles budgétaires dont elle bénéficie, pour prendre en compte les investissements, les réformes structurelles et les conditions conjoncturelles.

S’agissant des investissements, la Commission traite d’abord spécifiquement des contributions des États membres au Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS), avant d’élargir au cas des autres investissements.

Elle indique qu’elle ne prendra en compte les contributions des États membres au FEIS ni au titre du volet préventif du pacte ni au titre de son volet correctif. S’agissant du volet préventif, il n’y a de toute façon pas lieu de tenir compte de ces contributions, puisque tant l’OMT que l’ajustement requis pour l’atteindre sont définis en termes structurels. Par définition, en tant que dépenses « ponctuelles et temporaires », les contributions des États membres au fonds ne sont donc pas prises en compte. Il en va de même pour l’effort d’ajustement budgétaire recommandé par le Conseil au titre du volet correctif du pacte, cet effort étant lui aussi mesuré en termes structurels.

La question de la prise en compte de cette dépense se posait néanmoins dans le cas où un la valeur de référence du déficit (3 % du PIB) aurait été dépassée par un État-membre du fait de sa contribution. La Commission a alors précisé qu’elle considérait que la contribution au FEIS constituait un « facteur pertinent » au sens de l’article 2 du règlement (CE) n° 1467/97 (notion issue de la réforme de 2005). En conséquence, le dépassement du seuil des 3 % de déficit public, du seul fait de la contribution au fonds, ne peut conduire à l’engagement d’une procédure pour déficit excessif, dès lors que ce dépassement est limité et qu’il est prévu qu’il reste temporaire.

Pour les autres investissements publics, un écart temporaire par rapport à l’OMT (volet préventif) peut se justifier dans le cas où lesdits investissements équivalent à des « réformes structurelles majeures qui ont des effets budgétaires positifs directs à long terme, y compris en renforçant la croissance durable potentielle » au sens de l’article 5 du règlement (CE) n° 1466/97. La Commission a précisé les conditions dans lesquelles cette « clause d’investissement » peut être activée. Elles sont assez restrictives :

– la croissance du PIB doit être négative ou l’écart de production doit être très négatif (au maximum – 1,5 % du PIB) ;

– l’écart par rapport à l’OMT ou à la trajectoire d’ajustement budgétaire convenue pour y conduire ne doit pas donner lieu à un dépassement du seuil de 3 % de PIB de déficit public. En outre, une marge de sécurité doit être préservée ;

– l’écart doit être lié aux dépenses nationales consacrées à des projets cofinancés par l’UE et qui ont des effets budgétaires directs, positifs et vérifiables à long terme ;

– les dépenses cofinancées ne doivent pas remplacer les investissements financés au niveau national, pour que le total des investissements publics ne diminue pas ;

– l’État membre doit corriger tout écart temporaire et l’OMT doit être atteint durant la période de quatre ans couverte par le programme de stabilité ou de convergence.

La communication du 13 janvier 2015 marque un assouplissement s’agissant de l’interprétation par la Commission des règles du pacte, en ce qu’elle précise qu’il ne sera pas tenu compte de la situation conjoncturelle de l’Union européenne ou de la zone euro dans son ensemble pour l’octroi de la clause d’investissements, mais seulement des situations conjoncturelles nationales. Il en résulte mécaniquement une application plus large de cette clause.

Outre la « clause d’investissement », les États membres peuvent bénéficier de la « clause des réformes structurelles », tant pour le volet préventif que pour le volet correctif.

Pour le volet préventif, en vertu de l’article 5 du règlement (CE) n° 1467/97 pour les États de la zone euro et de l’article 9 du même règlement pour les États hors zone euro, les États qui mettent en œuvre des réformes structurelles majeures sont autorisés à s’écarter temporairement de leur OMT ou de la trajectoire d’ajustement. Le code de conduite « Spécifications relatives à la mise en œuvre du pacte de stabilité et de croissance » (juillet 2016), issu de la position du Conseil adoptée en février 2016 précise que les États membres mettant en œuvre des réformes qualifiées de structurelles peuvent présenter en t+1 un solde structurel dégradé d’au plus 0,5 point de PIB par rapport à ce qui aurait été leur solde structurel en l’absence de réforme. Il est toutefois entendu que leur nouvelle trajectoire de solde structurel doit être parallèle à l’ancienne.

Il s’agit, par ce principe, de prendre en compte les coûts de court terme de mise en œuvre de réformes structurelles qui entraînent des gains à long terme. La Commission peut accorder un délai supplémentaire pour atteindre l’OMT au titre de cette « clause de réformes structurelles » sous trois conditions cumulatives :

– les réformes doivent être de grande ampleur ; elles doivent avoir des effets budgétaires positifs à long terme ; elles doivent être intégralement mises en œuvre ;

– l’écart temporaire par rapport à la trajectoire d’ajustement structurel n’excède pas 0,5 % du PIB et l’OMT est atteint dans une période de quatre ans ;

– une marge de sécurité appropriée est constamment préservée de sorte que l’écart par rapport à l’OMT ou à la trajectoire d’ajustement ne conduise pas l’État membre à présenter un déficit excédant les 3 % du PIB.

S’agissant du volet correctif, la souplesse dans l’interprétation des règles tient encore à la notion de « facteurs pertinents » (35) que prend en compte la Commission pour, d’abord, déterminer s’il y a lieu d’envisager une procédure pour déficit public excessif et, le cas échéant, fixer le délai de correction du déficit excessif.

Selon la communication de la Commission, cette disposition peut être applicable aux réformes non intégralement mises en œuvre, dès lors que l’État membre présente un plan de réforme structurelle spécifique, adopté par le Gouvernement ou le Parlement national et contenant des informations détaillées et vérifiables. Cette souplesse ne décharge pas l’État de son obligation d’améliorer son solde structurel d’au moins 0,5 % du PIB par an.

Enfin, la Commission clarifie son interprétation des règles budgétaires en ce qui concerne les conditions conjoncturelles.

Dans le cadre du volet préventif, tout en précisant que les États n’ayant pas atteint leur OMT doivent ajuster leur déficit structurel d’au moins 0,5 % du PIB, l’article 5 du règlement (CE) n° 1466/97 précise que « le Conseil et la Commission examinent également si un effort d’ajustement plus important est consenti en période de conjoncture économique favorable, alors que l’effort peut être plus limité en période de conjoncture économique défavorable. » Face à ces dispositions laissant une certaine marge d’appréciation, la Commission a annoncé qu’elle utiliserait la matrice reproduite ci-après.

MATRICE UTILISÉE PAR LA COMMISSION EUROPÉENNE POUR DÉFINIR L’AJUSTEMENT BUDGÉTAIRE ANNUEL DANS LE CADRE DU VOLET PRÉVENTIF

(en pourcentage du PIB)

 

Condition

Ajustement budgétaire annuel requis

Dette inférieure à 60 % et aucun risque pour la viabilité

Dette supérieure à 60 % ou risque pour la viabilité

Période de conjoncture exceptionnellement défavorable

Croissance réelle < 0 ou écart de production < -4

Aucun ajustement nécessaire

Période de conjoncture très défavorable

– 4 ≤ écart de production < – 3

0

0,25

Période de conjoncture favorable

– 3 ≤ écart de production < – 1,5

0 si croissance inférieure au potentiel ; 0,25 sinon

0,25 si croissance inférieure au potentiel ; 0,5 sinon

Conjoncture normale

– 1,5 ≤ écart de production < 1,5

0,5

> 0,5

Période de conjoncture favorable

Écart de production ≥1,5

> 0,5 si croissance inférieure au potentiel, ≥ 0,75 sinon

≥ 0,75 si croissance inférieure au potentiel, ≥ 1 sinon.

Source : Communication de la Commission européenne, Utiliser au mieux la flexibilité offerte par les règles existantes du pacte de stabilité et de croissance.

Dans le cadre du volet correctif, le pacte permet de tenir compte d’une détérioration inattendue de la situation économique d’un État membre. L’article 3 du règlement (CE) n° 1467/97 dispose que le Conseil, s’il considère que le déficit public d’un État est excessif, adresse à l’État membre une recommandation lui prescrivant de prendre des mesures suivies d’effets en lui fixant un délai pour corriger ce déficit excessif et des objectifs budgétaires annuels. Si un pays a engagé une action suivie d’effets en réalisant l’effort budgétaire structurel recommandé par le Conseil, il peut se voir accorder un délai supplémentaire pour corriger son déficit nominal excessif, sans pour autant encourir de sanctions financières (pour les États de la zone euro) ou une suspension des engagements ou paiements des fonds structurels et d’investissement européens (tous les États membres de l’UE). C’est ce que la France a plaidé en 2014.

En cas de détérioration exceptionnellement marquée de la situation économique au niveau de l’UE ou de la zone euro, le pacte permet, depuis 2011, d’en tenir compte à la fois dans le volet préventif et dans le volet correctif.

Concernant le volet préventif, l’article 5.1 du règlement (CE) n° 1466/97 permet à chaque État membre, en cas de « circonstance inhabituelle indépendante de [sa] volonté ayant des effets sensibles sur la situation financière des administrations publiques ou en période de grave récession économique affectant la zone euro ou l’ensemble de l’Union », de s’écarter de la trajectoire d’ajustement « à condition de ne pas mettre en péril la viabilité budgétaire moyen terme ».

Concernant le volet correctif, le Conseil peut décider « en cas de grave récession économique dans la zone euro ou dans l’ensemble de l’Union, sur recommandation de la Commission, « d’adopter une recommandation révisée en vertu de l’article 126 » du TFUE (article 3 du règlement (CE) n° 1467/97). La communication de la Commission du 13 janvier 2015 précise que « le recours à cette disposition doit rester limité à des situations exceptionnelles », citant l’exemple de la crise financière de 2008.

Depuis 2015, l’Union européenne fait face à deux défis de taille. D’une part elle accueille un nombre croissant de migrants en raison de l’instabilité politique dans certaines régions d’Afrique et du Moyen-Orient. D’autre part, elle doit composer avec un risque terroriste croissant.

Ces deux phénomènes ont entraîné, pour certains États membres en particulier, des dépenses supplémentaires. Eu égard au caractère exceptionnel de la situation, les gouvernements de ces États ont sollicité auprès de la Commission l’usage des flexibilités du pacte pour tenir compte des surcoûts engendrés.

En particulier, la Belgique, par l’intermédiaire de sa ministre du budget Mme Sophie Wilmès, a écrit à la Commission afin que les dépenses engagées pour assurer la sécurité des Belges soient intégrées dans le champ de la clause de flexibilité. La Commission a répondu, qu’au vu de la gravité de la menace, elle proposera de faire usage de la flexibilité permise par le PSC, pour tenir compte de ces circonstances inhabituelles, indépendantes de la volonté de l’État membre concerné, reprenant les termes de l’article 5.1 du règlement n° 1466/97. Les dépenses en question doivent être « directement liées à la menace » (voir ci-après).

La liste des dépenses ainsi écartées par la Belgique a atteint quelque 300 millions d’euros.

De même, l’Italie, par un courrier de M. Pier Carlo Padoan, ministre de l’économie et des finances, avait demandé à la Commission l’usage de cette flexibilité pour les mesures concernant les migrants et la sécurité. Le Gouvernement italien avait proposé, dans son budget pour 2016, que la flexibilité soit appliquée à hauteur de 0,5 % du PIB pour les coûts liés à la mise en œuvre de réformes structurelles, à hauteur de 0,25 % du PIB pour des investissements dans les infrastructures et à hauteur de 0,1 % du PIB pour les coûts liés à l’accueil des migrants et aux mesures anti-terroristes.

Dans son audition conjointe par la commission des finances et la commission des affaires européennes, M. Pierre Moscovici a indiqué que seules l’Italie et la Belgique avaient demandé l’usage de la clause de flexibilité au titre des dépenses liées à la sécurité. Concernant l’accueil des réfugiés, cinq pays y ont eu recours : l’Italie, la Belgique, l’Autriche, la Slovénie et la Finlande.

Cette décision d’écarter des dépenses ad hoc, notamment dans le cas de la Belgique, témoigne d’une réelle adaptation politique des règles budgétaires aux décisions prioritaires européennes.

Le cas de l’Italie dans les mois à venir, qui pourrait se voir reprocher dans le non-respect du six-pack, sera également important à analyser : dans l’hypothèse où l’Allemagne demanderait une appréciation plus souple des règles, ce serait la démonstration que le nouveau cadre juridique est bel et bien plus politique que juridique.

Aussi étonnant que cela puisse paraître compte tenu des propos du Président de la République devant le Parlement réuni en Congrès, la France n’a pas fait appel aux clauses de flexibilités prévues par les textes. L’ensemble des personnes auditionnées l’ont confirmé à la Rapporteure spéciale.

Certes, contrairement à la Belgique et à l’Italie, la France relève du volet correctif du Pacte, pour lesquelles la flexibilité possible consiste en un prolongement du délai requis pour la correction du déficit excessif.

Il n’en demeure pas moins que la position française pose question. Il aurait été logique que la France mette en avant les surcoûts pour ses finances publiques, liés aux mesures anti-terroristes après les attentats de janvier et de novembre 2015. Il était acté par le commissaire Moscovici que la Commission en aurait tenu compte. Surtout, cette demande aurait permis de démontrer qu’une décision politique européenne majeure permettait d’écarter les règles budgétaires y compris pour un pays aussi important que la France.

D’après les informations qu’a pu recueillir la Rapporteure, l’augmentation des dépenses des missions Défense, Justice et Sécurités proposée dans le cadre du PLF 2017 liée aux mesures post attentat est de 1,5 milliards d’euros. La Rapporteure estime qu’il aurait été utile de demander qu’elles soient soustraites à la règle du déficit public.

Tout d’abord, une révision de la méthode d’estimation de la croissance potentielle de la Commission européenne (communément agréée par le Conseil) est indispensable. Il s’agira d’être attentif aux conclusions du groupe de travail sur l’écart de production qui doivent être rendues prochainement. Aujourd’hui, il est difficilement compréhensible que la croissance potentielle de certains pays soit estimée négative. Selon la Rapporteure spéciale, la méthode actuellement employée par la Commission et le Conseil conduit à minorer la croissance potentielle de certains États membres et donc à majorer la composante structurelle de leurs déficits publics. Lorsque les estimations de croissance potentielle pour certains États sont contre-intuitifs, la Commission pourrait mener une évaluation plus approfondie et réviser le taux. Une nouvelle méthode pourrait également permettre une plus grande stabilité des estimations, afin de ne pas complexifier le pilotage annuel du solde structurel.

Ensuite, la Rapporteure spéciale souhaite que les règles budgétaires européennes soient rendues plus lisibles et rendent compte réellement des mesures discrétionnaires prises pour assainir les finances publiques. Elles pourraient, à cet effet, tenir compte davantage de la notion d’effort structurel, c’est-à-dire de la variation du solde structurel qui résulte de mesures discrétionnaires. Faire de l’effort structurel le critère principal d’appréciation de la conformité des finances publiques des États au volet préventif aurait trois vertus :

– simplifier le corpus des règles européennes, en axant le débat non plus sur la notion de solde structurel, mais sur une règle d’évolution de la dépense publique qui prendrait en compte les mesures nouvelles en PO ;

– intégrer les paramètres qui relèvent essentiellement de l’action des gouvernements en isolant la composante non discrétionnaire ;

– minorer les effets des différences de méthode d’estimation du PIB potentiel, l’effort structurel se calculant à partir de la variation d’une année sur l’autre du PIB potentiel (c’est-à-dire à partir de la croissance potentielle), sans intégrer les différences passées des estimations de niveau du PIB potentiel.

S’agissant du pilotage des finances publiques, la Rapporteure spéciale souhaite faire remarquer que les règles budgétaires européennes s’appliquent à toutes les administrations publiques et non pas seulement à l’État et à ses opérateurs. Les règles budgétaires européennes doivent donc faire l’objet d’une appropriation collective par l’ensemble des administrations publiques.

Or, si les outils de pilotage des dépenses de sécurité sociale ont été renforcés, il est très difficile pour l’État, qui s’engage auprès de nos partenaires européens sur des objectifs s’appliquant à toutes les administrations publiques, de piloter la dépense locale, notamment pour des raisons constitutionnelles. Les articles 11 et 30 de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2014 à 2019 ont instauré un objectif d’évolution de la dépense locale (ODEDEL). D’une valeur indicative, il permet d’associer les collectivités territoriales au redressement des finances publiques en fixant un référentiel d’évolution de leurs dépenses cohérent avec la trajectoire de finances publiques.

La Rapporteure spéciale estime que chaque fois qu’une possibilité de décision politique d’adaptation des règles est prévue par les traités, cette clause doit être activée par les États membres. En effet, la perte de crédibilité des règles budgétaires, leur inefficacité à stopper l’accroissement de la dette et la défiance des peuples européens à leur égard ne peuvent être contrebalancées que par l’affirmation que, chaque fois qu’une urgence politique européenne est portée par le Conseil, elle se traduit dans les faits.

La Rapporteure spéciale estime enfin qu’une nouvelle clarification des dépenses éligibles aux clauses de flexibilité est nécessaire à la suite des demandes concernant à la fois les dépenses additionnelles liées aux mesures anti-terroristes et les dépenses additionnelles liées à l’accueil des migrants.

SECONDE PARTIE
ANALYSE DES CRÉDITS ET DE LA PERFORMANCE DU PROGRAMME 218 CONDUITE ET PILOTAGE DES POLITIQUES ÉCONOMIQUES ET FINANCIÈRES

L’objectif n° 1 du programme 218 est de satisfaire les bénéficiaires de prestations rendues par plusieurs directions du ministère de l’économie et des finances : la direction du budget (DB), le contrôle général économique et financier (CGEFI), la direction des affaires juridiques (DAJ) et l’Agence pour l’informatique financière de l’État (AIFE).

S’agissant d’abord de l’information à destination du Parlement, le taux de satisfaction des utilisateurs principaux (les rapporteurs spéciaux, les rapporteurs pour avis et les administrateurs parlementaires) est relativement élevé, quoiqu’en nette diminution en 2015 (80 %) par rapport à 2014 (89 %). Cette baisse doit toutefois être analysée à la lumière du faible taux de participation à l’enquête pour l’année 2015. Quoi qu’il en soit, elle signifie qu’il existe une marge de progression importante pour améliorer le contenu des documents budgétaires. Le PAP 2017 prévoit une remontée du taux à 85 % en 2016 et cible la même augmentation du taux en 2017, afin de parvenir à l’objectif cible de 90 % fixé au début du triennal.

Les taux de satisfaction des commanditaires ou des clients traduisent ensuite la qualité des services de consultation et d’expertise des ministères économiques et financiers à destination des administrations. Ainsi, le taux de satisfaction des directions partenaires du CGEFI a dépassé 90 % tout au long du quinquennat. Il faut toutefois constater qu’il est prévu qu’il diminue de quasiment 2 points entre 2013 (93,9 %) et 2016 (92 %) et que la cible pour 2017 (92 %) demeure inférieure aux résultats définitifs de 2013 à 2015. Pour ce qui est de l’indicateur mesurant la qualité des consultations juridiques de la DAJ, le taux de satisfaction des structures clientes est attendu à la baisse pour 2016 (89 % contre 94 % en 2014 et 93,4 % en 2015), au même niveau que la cible pour 2017. Le PAP explique ce défaut d’actualisation de la cible 2017 par l’exigence particulière du mode de calcul de l’indicateur qui valorise moins un « satisfaisant » qu’un « très satisfaisant ».

Enfin, le dernier indicateur de la performance de l’administration relatif à cet objectif apprécie de la qualité des prestations de l’AIFE, responsable en particulier du système d’information CHORUS. Selon le PAP, le taux de satisfaction des bénéficiaires des prestations de cette structure diminuerait sensiblement entre 2015 et 2016, perdant 11 points, pour s’établir à 79 %. Cette baisse aurait pour cause des modifications d’architecture du SI CHORUS, ainsi qu’une moindre attention apportée à son évolution, du fait d’autres priorités pour l’agence. Il faudra rester vigilant à ce qu’il reparte à la hausse en 2017 et atteigne sa cible – a priori peu ambitieuse – de 80 %. Le PAP précise toutefois qu’un changement de méthodologie dans le calcul du taux de satisfaction pourrait entraîner un écart à la cible.

L’objectif n° 2 de la mission est l’amélioration des conditions d’emploi des personnels du secrétariat général du ministère de l’économie et des finances, de la DB, de la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP), de la DAJ, du cabinet du ministre et des secrétaires d’État, de l’Inspection générale des finances (IGF), du CEGFI, de l’Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL), de l’AIFE et de plusieurs autres services de taille plus réduites, via l’action sociale ministérielle.

Trois sous-indicateurs permettent de suivre la performance de l’administration. Ils ont trait à la restauration collective, à l’aide au logement, ainsi qu’aux prestations vacances-enfants. Notons que pour chacun de ces trois sous-indicateurs, les cibles et prévisions pour les années à venir reflètent la volonté de maintenir les niveaux de performance atteints, sans chercher à les améliorer.

Ainsi, la part des agents ayant accès à une solution de restauration collective atteint 77,58 % en 2015, après 77,4 % en 2014. Le ministère table sur un taux supérieur ou égal à 77 % en 2016, égal à la cible pour l’année 2017. La restauration collective représente une part prépondérante du budget de l’action sociale des ministères économiques et financiers (environ la moitié).

De même, il est prévu que le sous-indicateur présentant la part des logements sociaux réservés en PLAI, PLS, PLS et équivalents par l’Association pour le logement du personnel des administrations financières (ALPAF) reste supérieur à 60 % en 2016 et en 2017, alors qu’elle atteint 71,5 % en 2015.

Enfin, la cible fixée à l’objectif du secteur vacances-enfants vise à s’assurer qu’au moins 50 % des familles bénéficiaires ont un quotient familial fiscal mensuel inférieur ou égal à 1 000 euros, en euros constants base 2009. Le maintien d’une cible à 50 % est justifié, car l’objectif n’est pas une augmentation continue du taux, mais plutôt de garantir la composante sociale de cette prestation.

La politique de maîtrise du coût des fonctions support repose sur quatre piliers : la globalisation et la standardisation des achats ; la poursuite de la professionnalisation de la fonction RH ; l’efficience en matière bureautique ; l’efficience de la gestion immobilière.

L’État s’est doté d’un nouvel instrument afin de rénover son action de rationalisation des achats par la création de la direction des achats de l’État (DAE), successeur du service des achats de l’État (SAE) en vertu du décret du 3 mars 2016 (36). Il en est attendu, selon les documents budgétaires, une augmentation des économies réalisées et une amélioration de la politique d’achat de l’État. Le Gouvernement a pour ambition d’économiser 1,9 milliard d’euros entre 2016 et 2019 grâce à la montée en puissance de l’action de la DAE. Pour 2016, la prévision a été fixée à 100 millions d’euros, en diminution par rapport aux gains réalisés en 2015 (146 millions d’euros). À l’inverse, il est prévu que les gains relatifs aux économies interministérielles croissent pour atteindre 325 millions d’euros en 2016 et en 2017, soit une augmentation de plus de 50 % par rapport au résultat enregistré en 2015 (214 millions d’euros). Enfin, les économies liées aux achats consolidés des établissements publics devraient atteindre 250 millions d’euros en 2016 – ils étaient de 217 millions d’euros en 2014 – et dépasser la cible de 250 millions d’euros en 2017.

L’amélioration de la gestion des ressources humaines passe par une simplification des procédures de gestion au sein de la fonction publique, un meilleur service apporté aux agents et une optimisation des ressources humaines affectées au sein de l’ensemble des services. L’analyse quantitative de la performance de cette politique repose sur l’indicateur « ratio d’efficience de la gestion des ressources humaines », qui rapporte les effectifs gérants aux effectifs gérés. Stable sur la période 2013-2015 à 2,3 %, aucune diminution n’est à prévoir avant 2018, pour deux raisons principales. D’une part, le déploiement progressif du SIRH du ministère de l’économie et de finances nécessite une phase d’appropriation et, par conséquent, un accompagnement fort à court terme. D’autre part, les réformes d’organisation et le développement d’une gestion plus qualitative des ressources humaines atténuent l’amélioration du taux d’efficience.

L’efficience de la gestion bureautique est évaluée par référence au coût direct annuel moyen du poste de travail bureautique pour un parc donné de postes de travail. L’indicateur du programme 218 mesure également la performance de l’ensemble des directions et services centraux et déconcentrés du ministère. Le ministère s’attend à une baisse du ratio d’efficience bureautique à 700 euros par poste en 2017, alors qu’il est prévu qu’il devrait atteindre 705 euros par poste en 2016, sous les effets conjugués des marchés baissiers pour les coûts annexes, les télécommunications individuelles et les solutions d’impression d’une part, et d’une meilleure efficience de l’organisation de l’assistance utilisateur et des solutions d’hébergement d’autre part.

L’efficience de la gestion immobilière s’apprécie à l’aide de trois sous-indicateurs. La cible 2017 de 13,3 mètres carrés par poste pour le ratio surface utile nette (SUN) par poste de travail serait en légère diminution par rapport à 2015 (13,4 mètres carrés par poste). À terme, l’objectif est de se rapprocher de la cible interministérielle de 12 mètres carrés par poste. Le PAP précise que le ministère met en œuvre une démarche de densification des espaces de bureaux dans cette optique. Cette politique s’inscrit nécessairement dans le moyen/long terme, parce que l’atteinte de l’objectif requiert la réalisation d’opérations immobilières complexes de réinstallation dans le cadre de la stratégie immobilière de l'État. Les ratios de coût de l’entretien lourd et de l’entretien courant rapportés au nombre de postes de travail augmenteront en 2016 et en 2017, en conséquence du vieillissement naturel du parc domanial.

Le PLF 2017 propose, pour le programme 218, une diminution de 23,3 millions d’euros des autorisations d’engagement (AE) par rapport aux crédits ouverts en LFI 2016, soit une baisse de 2,3 % et une augmentation de 16,4 millions d’euros en crédits de paiement (CP), soit une hausse de 1,7 %. La baisse la plus sensible concerne, comme l’année dernière, l’action n° 1 État-major et politiques transversales. Hors dépenses de personnel, les crédits proposés s’élèvent à 498,3 millions d’euros en AE et 502,7 millions d’euros en CP, correspondant à une baisse de 5,8 % en AE et à une hausse de 1,8 % en CP par rapport à la LFI 2016.

Les AE et CP de toutes les actions contribueraient à l’effort de redressement des comptes publics, à l’exception de l’action n° 5 Prestations d’appui et support.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME 218

(en millions d’euros)

Actions

AE

CP

LFI 2016

PLF 2017

Évolution

LFI 2016

PLF 2017

Évolution

1. État-major et politiques transversales

335,0

313,9

– 6,3 %

334,3

313,9

– 6,1 %

2. Expertise, audit, évaluation et contrôle

71,8

69,6

– 3,1 %

71,5

69,6

– 2,5 %

5. Prestations d'appui et support

454,0

456,0

+ 0,5 %

421,3

462,5

+ 9,8 %

7. Pilotage des finances publiques et projets interministériels

168,0

165,6

– 1,4 %

166,2

163,6

– 1,6 %

Total

1 028,8

1 005,3

– 2,3 %

993,3

1 009,7

+ 1,7 %

Source : commission des finances, d’après les documents budgétaires.

 

AE

CP

 

LFI 2016

PLF 2017

Évolution

LFI 2016

PLF 2017

Évolution

Dépenses de personnel (titre 2)

175,5

160,3

– 8,7 %

175,5

160,3

– 8,7 %

Dépenses de fonctionnement

157,3

151,2

– 3,9 %

156,6

151,2

– 3,4 %

Dépenses d'investissement

1,9

2,1

+ 10,9 %

1,9

2,1

+ 10,9 %

Dépenses d'opérations financières

0,3

0,3

– 3,2 %

0,3

0,3

– 3,2 %

Total hors titre 2

159,5

153,7

– 3,7 %

158,9

153,7

– 3,3 %

Total

335,0

313,9

– 6,3 %

334,3

313,9

– 6,1 %

Source : commission des finances d’après les documents budgétaires.

La diminution du montant des crédits, de 6,3 % en AE et de 6,1 % en CP tient essentiellement à la baisse des crédits alloués au titre 2 (– 8,7 %), du fait notamment de la réduction des effectifs (– 66 ETPT).

Hors titre 2, les crédits décroissent de 3,7 % en AE et de 3,3 % en CP, sous l’effet de la diminution des crédits d’action sociale de 6,5 millions d’euros en AE/CP, soit 4,4 %. Elle concerne à la fois les services de restauration (- 4,8 millions d’euros), de tourisme social (– 3,9 millions d’euros) et les crédits relatifs à la politique en faveur de la santé et de la sécurité au travail (- 3,3 millions d’euros). En 2017, le budget de l’État prendra en charge 14,3 millions d’euros consacrés à l’aide au logement, 4,7 millions financés par la réserve de trésorerie de l’association ALPAF.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE L’ACTION 1 HORS TITRE 2 PAR DESTINATION

(en millions d’euros)

 

AE

CP

 

PLF 2016

PLF 2017

Évolution

PLF 2016

PLF 2017

Évolution

Politiques ministérielles d'action sociale, de santé et sécurité au travail

150,0

143,5

– 4,4 %

150,0

143,5

– 4,4 %

Service de la communication (SIRCOM)

5,1

5,1

+ 0,2 %

5,1

5,1

+ 0,2 %

Direction des affaires juridiques (DAJ)

4,1

4,0

– 2,9 %

4,1

4,0

– 2,9 %

Dépenses diverses

1,6

1,2

– 28,1 %

1,0

1,2

+ 15,0 %

Total

160,8

153,7

– 4,4 %

160,2

153,7

– 4,1 %

Source : commission des finances d’après les documents budgétaires.

La dotation à destination du service de la communication (SIRCOM) du secrétariat général est stable. Elle lui permet d’assurer ses missions de communication sur les politiques ministérielles.

S’agissant des crédits qui seraient alloués à la direction des affaires juridiques (DAJ), le PAP précise que l’évaluation de cette dépense est complexe, la DAJ ne pouvant apprécier, sur une année donnée, le nombre de contentieux à naître, leur durée ainsi que leur nature. Les prévisions pour l’année 2017 se fondent sur les hypothèses du maintien d’un volume soutenu d’honoraires et frais d’avocats, et le paiement de condamnations y afférents pour certains contentieux judiciaires et administratifs.

L’action n° 3 concentre 45,4 % des crédits du programme 218 en AE et 45,8 % en CP. Elle finance les services mutualisés aux ministères économiques et financiers qui permettent des économies d’échelle. Il s’agit des fonctions support des services centraux, dans les domaines informatique, logistique et immobilier et dans le domaine des ressources humaines. L’action comporte également des crédits spécifiques à des fonctions de soutien spécifique, comme le service commun des laboratoires (SCL), service à compétence nationale rattaché conjointement à la direction générale des douanes et droits indirects et à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.

Seule action du programme pour laquelle une croissance des crédits est prévue, sa prépondérance au sein du programme s’accroîtrait en 2017. En agrégé, le montant des crédits de l’action augmenterait de 0,5 % en AE et de 9,8 % en CP.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE L’ACTION 3 PAR NATURE

(en millions d’euros)

 

AE

CP

 

LFI 2016

PLF 2017

Évolution

LFI 2016

PLF 2017

Évolution

Dépenses de personnel

185,8

206,7

+ 11,2 %

185,8

206,7

+ 11,2 %

Dépenses de fonctionnement

248,1

232,5

– 6,3 %

216,0

237,5

+ 10,0 %

Dépenses d'investissement

4,8

1,9

– 60,4 %

4,2

3,3

– 21,3 %

Dépenses d'intervention

15,2

14,9

– 1,9 %

15,2

14,9

– 1,9 %

Total hors titre 2

268,1

249,3

– 7,0 %

235,4

255,8

+ 8,6 %

Total

454,0

456,0

+ 0,5 %

421,3

462,5

+ 9,8 %

Source : commission des finances d’après les documents budgétaires.

Comme l’illustre le tableau ci-avant, la croissance des crédits de l’action procède principalement de la croissance des dépenses de personnel, en partie tirée par la création de 60 ETP et le transfert de 10 ETP en provenance du ministère de la justice, pour satisfaire aux besoins de la future agence de prévention de la corruption, prévue par le projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

Hors titre 2, les dépenses en AE et en CP suivent une trajectoire divergente. En AE, elles diminuent de 7,0 %, alors qu’en CP, elles augmentent de 8,6 %. Ce phénomène a pour explication le rebasage des dépenses immobilières, dont l’impact est fort, eu égard au poids de ces dépenses dans l’action : l’immobilier et la logistique des services centraux représentent 79,9 % des crédits de l’action en CP.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE L’ACTION 3 PAR DESTINATION

(en millions d’euros)

 

AE

CP

 

PLF 2016

PLF 2017

Évolution

PLF 2016

PLF 2017

Évolution

L'informatique des services centraux

29,9

27,3

– 8,7 %

27,54

27,3

– 0,9 %

L'immobilier et la logistique des services centraux

213,7

197,8

– 7,4 %

184,4

204,3

+ 10,8 %

Institut de la gestion publique et du développement économique (IGPDE)

2,9

2,9

– 0,3 %

2,9

2,9

– 0,3 %

Service commun des laboratoires

6,0

5,8

– 3,3 %

6,0

5,8

– 3,3 %

Haut fonctionnaire de défense et de sécurité (HFDS)

15,0

14,6

– 2,7 %

15,0

14,6

– 2,7 %

Dépenses diverses

2,7

0,9

– 65,2 %

1,5

0,9

– 37,4 %

Total

270,2

249,4

– 7,7 %

237,4

255,8

+ 7,8 %

Source : commission des finances d’après les documents budgétaires.

 

AE

CP

 

LFI 2016

PLF 2017

Évolution

LFI 2016

PLF 2017

Évolution

Dépenses de personnel

69,9

73,7

+ 5,3 %

69,9

73,7

+ 5,3 %

Dépenses de fonctionnement

61,6

57,1

– 7,3 %

53,9

51,9

– 3,7 %

Dépenses d'investissement

36,5

34,9

– 4,3 %

42,4

38,0

– 10,3 %

Total hors titre 2

98,0

92,0

– 6,2 %

96,3

89,9

– 6,6 %

Total

168,0

165,6

– 1,4 %

166,2

163,6

– 1,6 %

Source : commission des finances d’après les documents budgétaires.

La maîtrise des dépenses de l’action repose sur la bonne gestion des dépenses de fonctionnement hors titre 2 qui diminuent de 7,3 % en AE et de 3,7 % en CP. Les dépenses d’investissement ralentiraient également, d’après le PAP 2017.

L’effort a majoritairement porté sur les dépenses de l’Agence pour l’informatique financière de l’État, qui capte 76,5 % des crédits de l’action en AE et 80,4 % en CP. Le montant des financements dévolus aux activités de l’agence enregistrerait une baisse de 10,9 % en AE et de 8,4 % en CP par rapport au PLF 2016.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE L’ACTION 7 PAR DESTINATION

(en millions d’euros)

 

AE

CP

 

PLF 2016

PLF 2017

Évolution

PLF 2016

PLF 2017

Évolution

Direction du budget

1,0

0,9

– 10,0 %

1,0

0,9

– 10,0 %

Agence pour l'informatique financière de l'État

78,9

70,4

– 10,9 %

78,9

72,3

– 8,4 %

CISIRH

17,8

19,7

+ 10,7 %

19,8

15,8

– 20,5 %

Direction des achats de l'État

1,0

1,0

– 2,0 %

1,0

1,0

– 2,0 %

Dépenses diverses

2,7

na

na

1,5

na

na

Total

101,5

92,0

– 9,3 %

102,3

90,0

– 12,0 %

Source : commission des finances d’après les documents budgétaires.

Cette diminution concerne tant les dépenses de fonctionnement que les dépenses d’investissement de l’agence. L’AIFE est chargée de la gestion du SI CHORUS. Elle doit le faire évoluer dans le cadre de l’urbanisation du système d’information financière de l’État (SIFE). Ses dépenses de fonctionnement portent sur les activités support du fonctionnement permanant de CHORUS, mais aussi des activités support des missions de l’agence. Les dépenses d’investissement de l’AIFE auront notamment pour objet, en 2017, de poursuivre les chantiers de dématérialisation et de développer l’outil de gestion des contrats immobilier.

La baisse des crédits alloués à l’AIFE ne doit cependant pas altérer la qualité du service de l’agence. Rappelons à cet égard que le taux de satisfaction des bénéficiaires des prestations de l’AIFE est attendu en forte baisse en 2016
(– 11 points par rapport à 2015).

Programme 218

AE

CP

LFI 2016

PLF 2017

Évolution

LFI 2016

PLF 2017

Évolution

Titre 2. Dépenses de personnel

499,6

507,0

+ 1,5 %

499,6

507,0

+ 1,5 %

Sous-total hors titre 2

529,2

498,3

– 5,8 %

493,7

502,7

+ 1,8 %

Titre 3. Dépenses de fonctionnement

470,4

444,1

– 5,6 %

429,7

444,0

+ 3,3 %

Titre 5. Dépenses d'investissement

43,2

39,0

– 9,8%

48,5

43,5

– 10,4%

Titre 6. Dépenses d'intervention

15,2

14,9

– 1,9 %

15,2

14,9

– 1,9 %

Titre 7. Dépenses d'opérations financières

0,3

0,3

– 3,2 %

0,3

0,3

– 3,2 %

Total

1 028,8

1 005,3

– 2,3 %

993,3

1 009,7

+ 1,7 %

Source : commission des finances d’après les documents budgétaires.

Cette augmentation a pour cause l’augmentation du plafond d’emplois autorisé pour 2017 (5 774 ETPT) par rapport au plafond 2016 (5 529 ETPT). Les principales évolutions en termes d’emplois pour 2017 sont les suivantes :

– la création de 60 emplois et le transfert de 10 emplois en provenance du ministère de la justice dans la perspective de la création de l’Agence de prévention de la corruption ;

– le renforcement des effectifs de Tracfin, compensé par des suppressions d’emplois effectuées sur le service du secrétariat général ;

– le renforcement des effectifs des organismes de contrôle des fonds européens par transferts d’emplois ;

– des créations d’emplois par transferts ou redéploiements internes, au profit de la DAE, de la DGAFP et de l’AIFE.

Si le plafond d’emplois a augmenté de 45 ETPT entre 2016 et 2017, il a diminué de 166 ETPT entre 2015 et 2017, illustrant ainsi la bonne maîtrise de la dépense du titre 2 du programme.

RÉPARTITION DES EMPLOIS PAR ACTIONS

(en ETPT)

 

PLF 2015

PLR 2015

PLF 2016

PLF 2017

Évolution 2016/2017

Évolution 2015/2017

Action 1

2 146

2 082

2 092

2 026

– 66

– 120

Action 2

576

496

520

546

+ 26

– 30

Action 5

2 047

2 076

2 093

2 174

+ 81

127

Action 7

971

803

824

828

+ 4

– 143

Total

5 740

5 457

5 529

5 574

+ 45

– 166

Source : Réponse aux questionnaires budgétaires.

Le programme 218 porte les crédits des emplois des cabinets des ministères économiques et financiers. Une annexe au projet de loi de finances (un « jaune budgétaire ») présente des éléments d’information relatifs aux effectifs et aux crédits alloués aux cabinets ministériels.

Au 1er août 2016, date du dernier recensement, on comptait 69 membres de cabinet dans les ministères économiques et financiers, soit un emploi de plus qu’en 2015. Sur l’ensemble des ministères, les effectifs des cabinets ont été sensiblement réduits. En moyenne, entre 2007 et 2011, on comptait 597 membres de cabinet. Entre 2012 et 2016, ce nombre était de 522, soit une diminution de 12,6 % (37).

ÉVOLUTION DES EFFECTIFS DES CABINETS MINISTÉRIELS

(en ETP)

Source : commission des finances d’après l’annexe au projet de loi de finances pour 2016 Personnels affectés dans les cabinets ministériels

Entre le 1er août 2011 et le 1er août 2016, le montant de l’enveloppe destinée financer les indemnités de sujétions particulières (ISP) des ministères économiques et financiers a diminué de 30,6 %. Bien qu’il faille lire ce chiffre en tenant compte des changements de périmètre ministériels, la période 2012-2015 marque une modération certaine s’agissant du montant des ISP par rapport à la période 2007-2011.

En moyenne, sur l’ensemble des cabinets ministériels, les ISP se sont élevées à 29,0 millions d’euros par an sur la période 2007-2011 contre 25,4 millions d’euros par an sur la période 2012-2015, soit une différence de 12,3 % (38).

EXAMEN EN COMMISSION

Après l’audition de Mme Annick Girardin, ministre de la fonction publique, et de M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics (voir le compte rendu de la commission élargie du 4 novembre 2016 à 15 heures (39)), la commission examine les crédits de la mission Gestion des finances publiques et des ressources humaines, ainsi que les crédits de la mission Régimes sociaux et de retraite et du compte spécial Pensions.

Suivant l’avis favorable des rapporteurs spéciaux Mme Karine Berger, MM. Jean-Louis Dumont et Michel Pajon et malgré l’avis défavorable du rapporteur spécial M. Camille de Rocca Serra, la commission adopte les crédits de la mission Gestion des finances publiques et des ressources humaines.

*

* *

ANNEXE 1 : LA DÉCLINAISON DES RÈGLES EUROPÉENNES EN MATIÈRE BUDGÉTAIRE DANS LE DROIT INTERNE

Le TSCG stipule que le respect de la règle d’équilibre structurel des comptes des administrations publiques doit entrer en vigueur, dans le droit interne, « au moyen de dispositions contraignantes et permanentes, de préférence constitutionnelles, ou dont le plein respect et la stricte observance tout au long des processus budgétaires nationaux sont garantis de quelque autre façon ». Le principal apport du TSCG par rapport aux règles existantes dans le droit européen est donc une « nationalisation » des règles budgétaires européennes.

En vertu du traité, les États membres doivent mettre en place, au niveau national, un mécanisme de correction déclenché automatiquement en cas d’écart important par rapport à leur objectif de déficit structurel ou à leur trajectoire d’ajustement.

Le respect de la règle d’équilibre doit être surveillé par un organe indépendant. Une instance de supervision indépendante est ainsi créée dans chaque État partie au traité pour alerter le gouvernement s’il s’écarte des objectifs à moyen terme ou pour apprécier l’éventuelle invocation de « circonstances exceptionnelles ».

En France, le Gouvernement a fait le choix de transposer le TSCG au moyen de la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques (40) (LOGPFP). Dans sa décision du 9 août 2012 (41), le Conseil constitutionnel avait en effet établi que la ratification du traité et sa mise en œuvre, notamment l’inscription d’équilibre structurel dans le droit national, ne nécessitaient pas de révision constitutionnelle.

La LOGPFP a modifié les procédures budgétaires conformément aux principes du TSCG, notamment en créant le Haut Conseil des finances publiques (HCFP). Elle avait par ailleurs anticipé l’entrée en vigueur du two-pack qui prévoit qu’un organisme indépendant valide les prévisions macroéconomiques sous-jacentes à l’élaboration du budget en confiant également cette tâche au HCFP.

Seule une minorité d’États a opté pour une transposition au niveau constitutionnel ou organique. En font partie l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, le Danemark, la Slovénie, la Slovaquie et la France. Par ailleurs, pour certains de ces États, la constitutionnalisation d’exigences renforcées en matière budgétaire est le plus souvent antérieure à la signature du TSCG.

La règle allemande du frein à la dette ou Schuldenbremse

Entre la fin des années 1960 et 2009, le budget de la République fédérale allemande puis celui de l’Allemagne réunifiée devait respecter une règle d’or des finances publiques. Cette règle ne limitait pas, en volume, l’endettement public, mais distinguait selon que l’endettement était destiné à couvrir des dépenses de fonctionnement ou à financer des dépenses d’investissement. En outre, il était possible d’y déroger en cas de « perturbation de l’équilibre macroéconomique », notion qui s’est révélée incertaine au fil du temps. Le mécanisme n’a d’ailleurs pas fait obstacle à l’augmentation du ratio d’endettement, qui est passé de 20 % environ dans les années 1970 à près de 70 % en 2005.

Ces caractéristiques la rendant difficilement compatible avec les dispositions du pacte de stabilité et de croissance, l’Allemagne a adopté une nouvelle règle, de nature constitutionnelle (articles 109 et 115 GG de la Loi fondamentale). Selon cette nouvelle règle d’or, dite règle du « frein à la dette » ou « Schuldenbremse », le déficit structurel mesuré par la Commission européenne ne peut excéder 0,35 % du PIB au niveau fédéral et 0 % du PIB au niveau des Länder. En vertu de dispositions transitoires, des écarts à la norme étaient possibles pour l’État fédéral jusqu’en 2015 et restent possibles pour les Länder jusqu’à la fin de l’année 2019.

Un compte de contrôle a été institué pour limiter les dérapages en exécution. Il est débité lorsque le solde budgétaire constaté est inférieur au solde voté en loi de finances ; il est crédité dans le cas contraire. Le déficit de ce compte ne peut excéder 1 % du PIB, selon une disposition de nature constitutionnelle.

Il peut toutefois être dérogé à cette règle d’or en cas de circonstances exceptionnelles. Cette dérogation est conditionné par un vote du Parlement à la majorité qualifiée et doit s’accompagner de l’adoption d’un plan d’amortissement de la dette correspondante.

Sources : Bénassy-Quéré (Agnès), Coeuré (Benoît), Jacquet (Pierre), Pisani-Ferry (Jean), Politique économique, 2012 ; IGPDE, Gestion publique réactive, n° 41-janvier 2012.

La plupart des autres pays ont introduit les mécanismes prévus par le TSCG par des lois ordinaires, comme les Pays-Bas, l’Irlande ou la Roumanie.

ANNEXE 2 :
PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA RAPPORTEURE SPÉCIALE

Direction du budget

– M. Denis Morin directeur ;

– M. Alban Hautier, chef du bureau de la politique budgétaire ;

– M. Nicolas Broband, adjoint au chef bureau de la politique budgétaire.

Direction générale du Trésor

– Mme Odile Renaud-Basso, directrice générale du Trésor ;

– M. Michel Houdebine, chef économiste ;

– M. Salvatore Serravalle, chef du bureau « Coordination et stratégie européenne » (Europe 2) ;

– M. Sylvain Larrieu, adjoint au chef du bureau « Synthèse des finances publiques » (FiPu 1).

Cabinet du ministre de l’économie et des finances

– M. Gabriel Cumenge, directeur adjoint du cabinet, en charge du pôle affaires financières, Europe et international ;

– M. Pierre-Édouard Batard, directeur adjoint du cabinet du ministre de l’économie et des finances, en charge du pôle macroéconomie, prospective et synthèse.

Commission européenne

– M. Pierre Moscovici, commissaire européen aux affaires économiques et financières, à la fiscalité et aux douanes.

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